Julian
Mischi, Le communisme désarmé. Le PCF et les
classes populaires depuis les années 1970, Marseille, Éditions
Agone, coll. « Contre-feux », 2014, 332 p., ISBN :
978-2-7489-0216-7.
Rares sont les ouvrages
politiques à s'intéresser au devenir de la classe ouvrière
désormais en notre époque de réaction et de guerre mondiale
terroriste très excentrée pour l'heure dans les zones où la chair
à canon cible de misérables populations otages de la folie
meurtrière des grandes puissances cachées derrière leurs propres
gangs terroristes dits djihadistes. L'ouvrage des éditions Agone
aborde certes dans le seul cadre national l'utilisation de la classe
ouvrière comme masse de manoeuvre gréviste et surtout électorale
par un des plus vieux dinosaures staliniens du monde, grosse vache
totalitaire muée en grenouille anarcho-libérale de la domination
capitaliste.
Le titre est une hérésie
: le communisme historique reste étranger au communisme de caserne
stalinien! L'ouvrage ne se place ni du point de vue du glorieux passé
internationaliste du PCF, ni du point de vue d'une classe
naturellement internationaliste, ni du point de vue historique
programmatique du mouvement ouvrier, ni du marxisme. Il n'explique
surtout jamais comment de parti révolutionnaire (mais plutôt mou)
des débuts, le PCF a successivement trahi les objectifs du
prolétariat. Pour mieux connaître l'histoire et les raisons du
"désarmement" du stalinisme version française il existe
de très bons ouvrages d'historiens, l'excellent "Autocritique"
d'Edgar Morin, mais surtout les brochures du CCI et du PCI.
Cependant, même sous l'aspect dominant sociologique et
franco-national, le livre est très intéressant. Il offre un voyage
certes incomplet (rien sur le financement par Moscou jusqu'à l'ère
Marchais, rien sur le sabotage des grèves pendant des décennies et
la coupable collaboration avec le régime de Vichy), au coeur de
l'appareil depuis les années 1970 et le début du triomphe de
l'idéologie du déclin de la classe ouvrière; rejetant lui-même
les termes de classe ouvrière pour y coller celui de "classes
populaires", confirmant une base culturelle néo-maoïste chez
l'auteur. Le livre a été lu et corrigé avant publication par un
certain nombre de grenouilles "rénovatrices"1de
l'appareil agonisant.
La perte d'influence du
parti électoraliste de la gauche staliniste n'est jamais évaluée à
l'aune de ses trahisons successives de la classe ouvrière, à
commencer par son ralliement à la Défense nationale dans les années
1930 jusqu'à ses sabotages en mai 68 et ultérieurement. L'auteur,
grand universitaire et membre du staf des éditions Agone, commence
par adoubler le grand mensonge déconcertant des divers sociologues
appointés – à la Gérard Noiriel – selon lequel la perte
d'influence du principal parti menteur aurait été due à "la
remise en cause des conditions de son développement", c'est à
dire ce qui a été appelé soit "disparition de la classe
ouvrière", soit en plus soft "les recompositions dans le
monde du travail" suite à la "désindustrialisation",
fermeture des grands centres miniers et de grandes entreprises
automobiles. On lira souvent des redites sur la fin des quartiers
ouvriers, leur éloignement et bien des considérations pertinentes
sur la "diversité". Mais le voyage à l'intérieur de
l'appareil mis à nu est loin d'être inintéressant. Il analyse
rigoureusement l'ancrage du dinosaure dans l'idéologie récente dite
"multiculturaliste" de négation des classes et sa totale
confusion avec le mode de fonctionnement oligarchique et hiérarchique
de tous les partis politiques bourgeois, négligeant toujours de
préciser que, politiquement, malgré des postes dirigeants réservés
longtemps à des hommes d'extraction ouvrière, ce parti était
depuis plus de 50 années un parti bourgeois racoleur de suffrages
ouvriers.
Le paragraphe qui suit
sera illustré très concrètement tout au long du livre:
"L'hégémonie des
militants d'origine ouvrière dans le parti reproduit au sein de
l'organisation elle-même des rapports de domination ayant cours dans
la société. On observe en effet une surreprésentation des ouvriers
qualifiés masculins et français dans les directions militantes, au
détriment des fractions inférieures de la classe ouvrière (femmes,
ouvriers spécialisés, immigrés) (...) les ouvriers spécialisés
(OS) des ateliers de production, où les immigrés sont nombreux,
sont peu présents au sein du PCF. Les inégalités internes aux
classes populaires, forgées sur la scène professionnelle et dans le
système scolaire, se reproduisent au sein du parti".
Et ce qui caractérise
"les classes populaires" dans leur lien avec le monde
politique: "c'est bien leur exclusion, leur confinement dans les
marges"2.
LA GRANDE FABRIQUE DE LA
DESINDUSTRIALISATION POLITIQUE
Constatant la place prise
par ce concept confus de classes moyennes, l'auteur relativise le
mensonge statistique et social: en France en ce début de XXIème
siècle les ouvriers représentent encore le quart de la population
active: un homme actif sur trois est ouvrier! Les recompositions
internes sont certes défavorables à l'action protestataire:
éloignement des centres industriels de décision, éparpillement en
unités locales excentrées, politiques d'emploi visant à briser le
collectif ouvrier, en le divisant entre travailleurs stabilisés et
travailleurs précarisés; l'auteur oublie de noter à cette liste
les actions de moralisme en faveur de la "diversité",
c'est à dire l'enfermement des travailleurs immigrés dans leur
spécificité (nota le droit de prière en usine institué sous
Jospin). Le livre a été écrit avant la formidable annonce
hollandaise des merveilleux emplois d'avenir: femmes de ménage (en
expansion permanente), livreurs, métiers de bouche, balayeurs
municipal, etc.
L'auteur fait débuter le
repli de l'affirmation de la classe ouvrière au mitan des années
1970 où s'affirmait encore derrière la plupart des luttes et grèves
l'ambition de "changer de société", pour souligner une
évidence, depuis les actions revendicatives sont tournées vers la
sauvegarde de l'emploi, mais il est incapable de voir que ces actions
"défensives" sont encore la preuve de la vivacité de la
classe ouvrière. Il oublie magistralement de rappeler que tout au
long des années 1970 la plupart des luttes significatives se sont
déroulées contre les désidératas des bonzes PCGT. Que par
conséquent la chute lente et inexorable de la maison stalinienne à
la française est plus due à leur travail de sabotage de la lutte
des classes qu'à ladite désindustrialisation. De même qu'il oublie
tragiquement de rappeler la faillite électorale énorme en milieu
ouvrier suite aux compromissions successives avec les gouvernements
bourgeois du PS. D'une manière trouble il nous narre un rôle
socialisant du PCF, transmettant des "valeurs de classe"
(chauvines et nationalistes en réalité), transfigurant ce parti
tordu en une sorte de social-démocratie allemande du XIXe lointain
qui éduquait le monde ouvrier de l'enfance à l'âge adulte, du
quartier à l'embrigadement militaire.
On nage alors dans le
sociologisme délirant, partiellement vrai, mais confondant le pire
parti de la contre-révolution stalinienne avec la classe: "Le
diplôme prime désormais sur le long apprentissage "sur le
tas", où les anciens formaient les jeunes. Avec le
développement de l'emprise scolaire (sic), on accède au monde
ouvrier par l'école et non plus par un processus de socialisation
interne à la classe. Plus encore, on devient ouvrier parce qu'on a
échoué à l'école. L'accès en classes technologiques ou en lycée
professionnel résulte souvent d'une impossibilité à suivre un
enseignement secondaire long. L'entrée dans le monde ouvrier est
alors associée à une dévalorisation scolaire et intime".
La déliquescence du
monstre stalinien est ainsi liée simplement à la
désindustrialisation et au formidable développement d'une école
inégalitaire. Or rien de tout cela n'est nouveau dans la vie et la
constitution de la classe ouvrière depuis deux siècles, les
processus d'infériorisation et de reproduction des inégalités
sociales sont toujours passés par l'école, l'Eglise et la
démocratie dite représentative. Qu'il y ait eu ou pas un parti.
Nous voyons là comment l'analyse sociologique échappe à la crudité
de la conscience politique et voile la réalité du mode de dictature
des partis bourgeois.
L'auteur ne fait que
suivre les constats éclairés de Bernstein au début du XXème
siècle sur la place croissante prise par la petite bourgeoisie,
lorsqu'il croit nous apprendre que la "marginalisation des
couches populaires" en banlieue les soumet "à la
domination culturelle des représentants de la petite bourgeoisie,
qui s'emparent de l'animation de la vie locale"; et il oublie de
nous décrire la teneur de cette "animation locale"...
électorale par toute une ribambelle de gauchistes reconvertis écolos
jusu'aux rigolos anars des ZAD.
Ce n'est pas le PCF qui
est resté autiste à "l'émancipation des travailleurs par
eux-mêmes", lesquels le lui ont bien rendu en désertant
syndicats et cage élctorale, mais ... Raymond Barre: "...
émergence d'une distinction nouvelle entre propriétaires et
locataires. Tout est fait pour favoriser l'accession à la propriété,
qui accélère la désagrégation des collectifs ouvriers en faisant
découvrir à ses bénéficiaires la force de l'intimité, de la
sphère du privé, au détriment des solidarités de classe".
Notre universitaire est-il sorti un jour de son campus et de sa
maison d'édition pour reconduire de telles stupidités? La force de
l'intimité... dans la solitude? La sphère du privé bourré de
neuroleptiques? La disparition traitionnelle de la "peur du
lendemain" (cf. Babeuf) grâce au lourd crédit jusqu'à une
retraite incertaine?
LE DEMANTELEMENT DE LA
LUTTE REELLE A LONGWY
Avec ses lecteurs
conseillers "rénovateurs" ou "refondateurs",la
fin des aciéries de Longwy est présentée comme le baroud d'honneur
du parti stalinien avant sa longue mue de grenouille électorale.
Saga des frères staliniens de la culture mono-industrielle du bassin
d'emploi (ex bastion?) longovicien, face au "plan qui casse les
logiques de reproduction du groupe ouvrier". Mise en vedette de
"radio coeur d'acier', média sauvage piloté par deux
journaleux du sérail stalinien. Seul un court paragraphe (page 44)
évoque brièvement une "hostilité à l'égard des cadres
locaux du parti" et le sac de la mairie PCF de Longwy. Pas de
pot, j'y étais et j'y ai été présent plusieurs fois avec d'autres
militants de Révolution Internationale. L'essentiel de la lutte,
certes contre la suppression de milliers d'emplois, fût mené contre
le PCF et ses sbires CGT.
Radio Lorraine coeur
d'acier ne fût pas une radio pour l'extension de la lutte. Cette
radio pirate avait été instiguée par la CGT, pour contrer
l'heureuse initiative de Radio SOS emploi lancée par Robert
Giovannardi, radio
de lutte née à l'initiative de la CFDT à Longwy en plein coeur du
bassin sidérurgique lorrain. Après l'annonce par le gouvernement du
troisième plan acier qui prévoit la suppression de 22 000 emplois
dans la sidérurgie, dont 6 500 dans le bassin de Longwy, toute la
région est tétanisée par cette nouvelle. Première réaction : Un
immense S.O.S. lumineux est érigé au sommet du crassier qui domine
Longwy et qui restera longtemps le symbole de la lutte ouvrière de
la région. Dans les jours qui suivent, le 16 décembre 1978, Radio
SOS-Emploi diffuse sa première émission pirate, grâce à du
matériel prêté par la radio pirate alsacienne "Radio Verte
Fessenheim" qui encadrera durant quelques jours les militants
CFDT qui n'avaient aucune expérience de ce média. Le syndicat,
minoritaire à Longwy, verse 20 000 F pour le fonctionnement de la
station et contrôle totalement le contenu des émissions. Néanmoins,
il n'est pas obligatoire d'avoir sa carte de la CFDT pour animer ou
participer à une émission. Une dizaine de personnes constituent le
nœud principal de la station. Contrairement aux autres radios
pirates françaises qui sont souvent le fait d'écologistes ou
d'intellectuels, SOS Emploi est animé par des ouvriers qui n'ont pas
une grande pratique de la technique radio mais encore moins de la
prise de parole. Deux émetteurs sont mis en service, un sur Longwy,
l'autre sur Longuyon, mais la qualité de réception reste médiocre.
En mai 1979, pour faire face à la concurrence de la radio de la CGT,
"Radio Lorraine Cœur d'Acier", SOS Emploi met en place un
émetteur de 100 watts et diffuse désormais en direct.
Extrait
de notre première visite au crassier de Longwy auprès du piquet
permanent:
"...Nous
les questionnons sur la lutte, la façon dont elle est menée. Nous
apprendrons ainsi beaucoup en comparant avec les informations
fournies par la presse bourgeoise dans la région parisienne. Très
vite la glace est rompue. On nous sert une bière. La discussion sera
passionnée. Nous nous emballerons au fur et à mesure que nos
craintes d'avoir affaire à des bureaucrates s'avèreront infondées.
N'assurent-ils pas qu'ils sont tous là pour la lutte, pas au nom de
tel ou tel syndicat ou parti. L'un est syndiqué à la CGT mais ne
fait pas confiance à ce syndicat et il précise: "beaucoup
parmi nous ont déchiré la carte parce qu'il a fallu se battre en
même temps contre les flics et la CGT!". D'autres ne ont pas
syndiqués, comme ce jeune chômeur. Un autre ouvrier montre sa carte
du RPR, et avoir penché plutôt pour FO concédant que de toute
façon tous les syndicats sont pourris. Ce membre affiché du RP¨R
nous étonne et nous ravit: comment put-il être à la fois gaulliste
et l'élément le plus dynamique et le plus ouvert dans la
discussion. Il y a là aussi un ouvrier luxembourgeois et un ouvrier
belge qui, avec l'accent, précise: sur 6500 licenciements annoncés,
700 touchent les travailleurs belges à Longwy". La plupart des
présents sont syndiqués à la CFDT, mais on ne sait plus combien
ils étaient, d'autres ouvriers entrant et sortant dans la roulotte.
Le belge avec un large sourire, s'exclame: "Vous voyez que nous
aussi nous sommes internationalistes!". Sans gêne et sans
complexe, un autre déclare: "C'est nous les casseurs, les
vandales qui ont pris d'assaut le commissariat de Longwy!".
Comme nous objectons que la presse et le PCF ont dit que c'étaient
des autonomes chevelus venus de Paris, celui du RPR corrige: "Au
début j'ai cru ça moi aussi, mais quand j'ai vu les photos de
l'attaque dans la presse, c'étaient mes copains de boulot les
casseurs, tous bons pères de famille, et j'ai dit: "c'est très
bien ce qu'ils ont fait". Puis, tous veulent parler à leur
tour, se bousculent pour témoigner que c'est rien à côté de ce
qu'ils seront amenés à faire pour faire bouffer les gosses: "Les
fusils seront prêts au bon moment... le mot Révolution ne nous fait
pas peur à nous... s'ils (le gouvernement) vont trop loin, hé bien
nous les renverserons".
- Et par rapport à la CGT et au PC?
- Ceux-là, ils sont avec la police."
L'auteur,
malgré la brièveté de sa narration de la confrontation avec le
PCGT de Longwy, persiste à intertitrer "Déclin du mouvement
ouvrier" à la place de "déclin du PCF", et un peu
schizophrénique
confirme
le rejet général de ce parti de sabotage des grèves ailleurs:
"Ce
qui se passe pour la sidérurgie lorraine s'observe aussi dans
d'autres secteurs et entreprises, par exemple chez Renault. Dans
cette entreprise nationalisée, les communistes ne soutiennent pas
les OS de Billancourt lorsqu'ils se mettent en grève en 1981. Au
motif d'assurer une présence au gouvernement, les dirigeants du PCF
délaissent les revendications ouvrières et provoquent un
effondrement de la position de leur organisation et de la CGT parmi
les ouvriers menacés par les fermetures de sites".3
LA
FABRIQUE DES LUTTES PARCELLAIRES
Même
en partie "désindustrialisée" – la classe ouvrière a
tant connu de phases de réorientation industrielle du règne du
textile à celui de la mine – cette classe reste la principale classe exploitée et ne change ni de nature ni de perspective pour un
autre monde. Même si demain c'est au tour de l'industrie automobile
de disparaître, cela ne changera ni sa place dans la société ni le
profit qu'elle rapporte. L'ouvrage de J.Mischi devient plus pertinent
lorsqu'il aborde l'invention des luttes "culturelles":
"l'attention portée aux femmes et aux travailleurs immigrés".
Ces luttes "culturelles" avaient été la crème du Mai 68
petit bourgeois progressiste, ou dit "radical" (à la sauce
américaine): droit à l'avortement, libération des homosexuels,
etc. Les crânes d'oeuf des think tank n'inventent jamais rien, ils
n'ont qu'à recueillir ce qui sourd des couches moyennes ébranlées
par les soubresauts du capital en crise. Mischi tape dans le mille en
soulignant le rôle novateur du syndicat camion balai des
gauchistes, la CFDT. Cette dernière prend plusieurs longueurs
d'avance sur la pithécanthrope CGT en vue du développement des
"combats socioculturels" en lien avec l'élite du PS dont
personne ne prévoit la résistible ascension sur le cops du
stalinisme putrescent. La CFDT n'avait pas appelé à la fameuse
manifestation du 23 mars 1979 à Paris mais creusait son chemin
idéologique confusionniste. Bien qu'elle ait plus ou moins couvert
les expressions les plus combatives des ouvriers de Longwy, ses
cadres syndicaux se reconvertissent dans l'encadrement ou comme
petits patrons; l'appareil éliminera très vite ses moutons noirs
d'un gauchisme évanescent.
Toujours
à la traîne de la théorie de la désindustrialisation notre auteur
s'il détermine que les "classes populaires" n'ont pas
disparu "elles ont perdu leur force collective". Les
ouvriers de Longwy ont été dispersés, dans les boulots de merde
des service, concierges à Paris, etc. Il note que sur cette défaite,
car c'en est une, pousse la fine fleur du PS à entamer son
ascension, notamment une certaine Auréli Fillipetti, professeur de
lettres, qui tire son épingle de la défaite ouvrière, elle a du
mérite, elle est fille de mineur et maire PCF! Conclusion toujours
schizophrénique de Julian Machin: "... comme nous l'avons vu,
les transformations de l'appareil productif et du salariat depuis le
deuxième tiers du XXe siècle détruisent les conditions du
militantisme ouvrier". Ou du militantisme stalinien? Il ne vient
pas à l'idée de ce monsieur l'universitaire, répercuteur des pires
bobards sociologiques, que la fin des "bastions"
staliniens, l'enclave Longwy comme l'Île Séguin auront été une
condition sine qua non de la libération du stalinisme en milieu
ouvrier, certes suivie de décennies de marasme politique et social,
mais inévitable pour une renaissance de la lutte de classe contre un
capitalisme invariable mais débarrassée des mensonges
marxistes-léniniste! J'y reviendrai.
OU
NOTRE AUTEUR REMET EN CAUSE SA PREMIERE INTERPRETATION
Après
tout ce bla-bla archi-connu sur la causalité méchante de la
désindustrialisation, il s'interroge sur la "désouvriérisation
du PCF". Il ne connait pas grand chose finalement du vieux
machin du Komintern en nous expliquant que ce parti permettait la
promotion à haute dose d'ouvriers du rang à des postes de bonzes
directeurs, députés, etc. Les partis staliniens ont toujours été
drivés par des intellectuels d'arrière-cour, d'arrière saison ou
de basse cour. Il découvre comme une nouveauté dans la
réorientation idéologique du dinosaure une montée des enseignants:
"La pression des enseignants pour occuper des positions
dirigeantes est traditionnellement forte car elle s'appuie sur un
sentiment de compétence et la possession d'un capital scolaire (...)
En 1977, près d'un communiste sur quatre de
la fédération de Paris est enseignant alors que les ouvriers n'y forment que 13% des effectifs militants". Or, à la fin des années 1970, vu la peur face aux multiples luttes insurrectionnelles des ouvriers, le PCF refait le coup bis de la bolchévisation, il lance une opération de reprolétarisation des directions locales; cela s'accompagne d'un "repli discursif autour de la "classe ouvrière". Mais ce recentrage provoque des tensions, d'une part les vieux permanents déclassés ne veulent pas s'en laisser imposer par les "intellectuels de profession", et les documents internes révèlent que l'adhérent de base se plaint de l'importance des "pédagos" au détriment des "prolos". Aux chantiers navals de Saint Nazaire, les ouvriers refusent d'être "commandés" par les instituteurs de la cellule. Il y a à l'époque une entrée massive des enseignants au PCF, le "pédantisme" fait face à "l'ouvriérisme"! Marchais savonne la planche en dénonçant "les intellectuels assis derrière leur bureau", comme cela se fait depuis toujours à la petite soeur du stalinisme LO. Pourtant la CGT a depuis toujours institutionnalisé la séparation entre CGT "collège ouvrier" et la CGT "collège cadre". Ce n'est qu'une parenthèse où il faut se débarrasser du croquemort Marchais, l'appareil va mettre tout le monde d'accord en accentuant son projet de défense du peuple de France, des couches populaires (comme Machin) pour prôner la défense des "pauvres" et des "exclus", nouvelle façon d'amenuiser la classe ouvrière, mieux que la fameuse désindustrialisation. Les cadres-parti sortent désormais directement des écoles d'apprentissage pour être nommés à des postes de bonzes de l'appareil parasite d'une classe méprisée sans avoir jamais connu la condition ouvrière.
la fédération de Paris est enseignant alors que les ouvriers n'y forment que 13% des effectifs militants". Or, à la fin des années 1970, vu la peur face aux multiples luttes insurrectionnelles des ouvriers, le PCF refait le coup bis de la bolchévisation, il lance une opération de reprolétarisation des directions locales; cela s'accompagne d'un "repli discursif autour de la "classe ouvrière". Mais ce recentrage provoque des tensions, d'une part les vieux permanents déclassés ne veulent pas s'en laisser imposer par les "intellectuels de profession", et les documents internes révèlent que l'adhérent de base se plaint de l'importance des "pédagos" au détriment des "prolos". Aux chantiers navals de Saint Nazaire, les ouvriers refusent d'être "commandés" par les instituteurs de la cellule. Il y a à l'époque une entrée massive des enseignants au PCF, le "pédantisme" fait face à "l'ouvriérisme"! Marchais savonne la planche en dénonçant "les intellectuels assis derrière leur bureau", comme cela se fait depuis toujours à la petite soeur du stalinisme LO. Pourtant la CGT a depuis toujours institutionnalisé la séparation entre CGT "collège ouvrier" et la CGT "collège cadre". Ce n'est qu'une parenthèse où il faut se débarrasser du croquemort Marchais, l'appareil va mettre tout le monde d'accord en accentuant son projet de défense du peuple de France, des couches populaires (comme Machin) pour prôner la défense des "pauvres" et des "exclus", nouvelle façon d'amenuiser la classe ouvrière, mieux que la fameuse désindustrialisation. Les cadres-parti sortent désormais directement des écoles d'apprentissage pour être nommés à des postes de bonzes de l'appareil parasite d'une classe méprisée sans avoir jamais connu la condition ouvrière.
"La
part des permanents au sein des comités fédéraux augmente et les
sections d'entreprise sont désormais le plus souvent dirigées par
des cadres détachés du travail ouvrier. Les responsables promus à
partir de la fin des années 1970 sont ouvriéristes sans avoir été
ouvriers, titulaires de diplômes professionnels sans avoir pu
travailler longtemps en usine en raison d'une accession rapide au
statut de permanent mais également de la multiplication des
fermetures d'entreprises". Où l'on voit encore que les
fermetures sont secondaires dans la vie du parti, qui, opportunément
y trouve l'occasion d'embaucher des cadres qui seront les otages à
vie de l'appareil... qui leur évitele chômage et la condition
ouvrière: "... le militantisme se professionnalise en adoptant
une rationalité propre, un discours généraliste de moins en moins
relié aux réalités concrètes des milieux populaires". "Les
responsables du PCF tendent à se présenter de plus en plus comme
les porte-parole "des pauvres, des plus défavorisés des
salariés" et non plus comme les leaders du "parti de la
classe ouvrière (...) évolution misérabiliste de la rhétorique
communiste (qui) est à rebours du travail militant d'affirmation de
la dignité ouvrière. Elle se fait au détriment d'un discours de
classe et peut se voir comme une concession à l'idéologie
dominante...".
Même
sans recourir à un think tank le PCF comprend qu'il doit s'aligner
sur le modernisme idéologique de la "société dans sa
diversité", à la suite de la CFDT et du PS. La notion de
classe est définitivement bannie du discours stalinien relooké, et
devient diversité interne en termes de secteurs d'emploi. Le
recrutement du PCF dans les années 1990 devient petit-bourgeois, la
présence enseignante redevient plus importante, les fils
d'enseignants sont l'élément dominant de l'encadrement4.
L'auteur note que la "fonctionnarisation" du corps militant
est "un processus commun aux partis communistes d'Europe de
l'Ouest". Avec la mutation du nain de jardin Robert Hu, le parti
devient "le parti des gens", mieux: "L'humanisme
individualiste s'inscrit en rupture avec le marxisme-léninisme".
L'auteur semble regretter une "dilution idéologique du PCF"
et une "décomposition doctrinale" accélérée par le
démantèlement de l'Union soviétique où "ce rejet de la
conception scientifique du socialisme favorise un discours
éclectique, déterminé par l'actualité, sans cohérence avec une
vision d'ensemble (...) D'un parti où l'on débat désormais de
moins en moins autour d'un "programme" et de "principes"
mais où l'on échange plutôt sur le "projet" ou la
"visée".
L'auteur
croit que la pourriture du PCF date de ses années lycée!
Mais
nombre de ses considérations ultérieures frappent par leur justesse:
"Cette professionnalisation de la gestion communiste autour d'une
oligarchie locale s'inscrit dans un processus général
d'accroissement de la distance sociale des élites politiques,
fussent-elles de gauche".
UN
PROCESSUS DE DECREDIBILIATION COMMUN AU GAUCHISME ET A L'ULTRA-GAUCHE
Le
déclin de l'influence politique du PCF était patent dès le milieu
des années 1970, le coup fatal lui ayant été porté par mai 68
puis par la grève de masse des ouvriers polonais en 1980. En
réaction, le parti avait tenté de sauver les meubles en lançant un
débat sur la "morale", dont il était hélas féru depuis
les interdits sexuels du couple fusionnel Thorez/Vermesch. Ce débat
avait été indissociable de repli ouvriériste de la fin des années
1970, mais en même temps symbolique de l'arriération d'un appareil
de vieux impuissants comme les gérontocrates du Kremlin.
L'élargissement du recrutement sans contrôle dans une dynamique
électorale concurrentielle avec le PS avait ensuite ouvert la voie à
une crise permanente typique du mode de vie des milieux intellectuels
toujours en proie aux doutes et à la contestation. La rigidité
"marxiste-léniniste" qui n'avait plus rien à voir avec le
marxisme comme théorie et lieu de réflexion critique frappa
d'obsolescence également tous les groupes gauchistes et
ultra-gauches qui se rétractèrent comme peau de chagrin sans que
leur ambition, après l'avoir tant parodié, de supplanter le PCF se
réalise.
Les
permanents se retrouvent nombreux au chômage, cette petite
bourgeoisie culturelle flicarde chargée de cornaquer les "classes
populaires" perd pied, face aux événements en Pologne, bien
avant la chute du bloc russe; mais il n'y a pas que des pourris
autistes mannequins d'appareil:
"Dans
la région de Longwy, les militants d'une section ouvrière préparent
des amendements sur les atteintes aux libertés dans les pays de
l'Est mais ils sont empêchés de les présenter lors de la
conférence fédérale. Ils ne protestent pas mais se mettent en
retrait des activités de la fédération et le tissu militant locale
s'effondre.
TRIOMPHE
DU "COMMUNISME MUNICIPAL" RELOOKE
"La
remise en cause de la primauté de la cellule d'entreprise est
souvent le fait des militants eux-mêmes. En réaction à
l'autonomisation des élus et à la désagrégation de l'appareil
militant, ils expriment leur volonté de participer aux affaires
locales pour empêcher qu'elles ne deviennent le domaine réservé
des élus".
"
La tendance à la localisation des pratiques militantes sur le lieu
de résidence se traduit par une ambiance "familiale" des
réunions de cellules. Dans ces années 1980 et 1990, les réunions
se déroulent généralement au domicile du secrétaire et
fonctionnent féquemment autour d'une même famille...".
Repli
familial minable comme dérive politicienne nationaliste ont miné le vieil
appareil. L'affaire de Montigny-les-Cormeilles où le maire Robert
Hue (promis à un destin national) a mené et organisé une manif
contre une famille de marocains (soupçonnée de dealer) –
accusation infirmée par la police – contribuera encore plus à la
dégringolade du PCF épisode Marchais. Le PCF va payer cher ce
clientélisme municipal chauvin et étroit, et compte ainsi parmi les
facteurs qui ont favorisé le repli religieux des familles de
travailleurs immigrés ou pas des "couches populaires". Les
jeunes préfèreront aller retrouver une identité à la mosquée
plutôt que d'être méprisés par les "communistes".
Puis
la libéralisation du vieux parti stalinien a ouvert la porte à
toutes les "diversités", mais comme le Front de Gauche,
surtout aux désidératas des couches petites bourgeoises, par la
gentrification des quartiers
"Autre
signe de la perte d'emprise du PCF sur ses élus, les successions aux
postes électoraux s'effectuent de plus en plus en dehors des
structures militantes".
"De
nombreuses mairies, en même temps qu'elles sont investies par des
élus plus diplômés, engagent des politiques de rénovation urbaine
et des opérations d'accession à la propriété pour attirer des
populations "extérieures", c'est à dire des classes
moyennes et supérieures".
"Les
élus vivent de plus en plus de leurs mandats, ils font de la
politique leur métier".
Le
PCF "reconstruit" est si décentralisé, si diversifié
(qu'il a fallu le détacher de la CGT pour que celle-ci prétende un
peu s'occuper des "salariés") qu'il vogue sur toutes les
modes idéologiques triomphantes: il ne s'occupe plus des
"travailleurs" mais des "habitants", il ethnicise
les problèmes sociaux, il a recours à des spécialistes de la
communication, il sollicite comme le PS et l'UMP des jeunes femmes
diplômées issues de l'immigration maghrébine; tout est centré sur
l'individu et plus le parti comme éventuel promoteur d'un programme
révolutionnaire. Les cellules d'entreprise ont été supprimées. Le
PCF avec son petit croupion Mélanchon se fond dans la cogestion de la
société capitaliste en crise pour le bien des "gens".
Bon
j'arrête là car je ne peux citer tout ce livre, mais il est une
mine d'or – malgré mes critiques en introduction – pour mieux
connaitre la veulerie et l'adaptation lamentable d'un vieux machin du
stalinisme au capital en voie d'implosion.
Malgré
ses défauts et répétition qui ne respectent pas la chronologie
historique ce livre restera utile à une réflexion à la fois sur la
nécessité d'un parti politique internationaliste mais aussi à ce
que ne doit pas être le fonctionnement d'une organisation
révolutionnaire qui pose la nécessité de faire tomber la
bourgeoisie et d'abolir les rapports de domination et d'exploitation.
A ce point de vue, ce n'est pas parce que le FN se la joue parti
ouvriériste de promotion militante à la Marchais qu'il peut nous
refaire le coup du parti émancipateur. A ce point de vue, le dégoût
de la politique stalinienne et son rejet total est une avancée pour
la conscience de classe. Et la future renaissance communiste des
masses du monde. Bonne nouvelle, tout reste à réinventer. Ou
presque.
1Tel
le bureaucrate Roger Martelli, confrère et ami de Greg un ancien
jeune du CCI tombé dans le milieu humaniste des "communisateurs",
à peu près dans les mêmes délires consensuels du PCF sur les
gens en quête de justice, les concitoyens électeurs responsables,
la "révolution humaniste", etc.
2L'auteur
n'est pas un idiot, il note: "Mais de ce déclin de la classe
ouvrière comme classe, il ne faudrait pas en conclure à la fin
des ouvriers et à la disparition des conflits de classe". Dans le même ordre de mépris que le clown Cohn-Bendit qui m'avait répondu à une émission de Canal + en 1985: "je ne nie pas que la classe ouvrière n'ait pas à exprimer ses revendications"... comme simple catégorie sociale, membre à part entière du système de foutage de gueule bourgeois!
3Evoquant
cet épisode avec mon ami et camarade André Claisse, dit Goupil (un
des animateurs de la grève Renault de 1947 qui n'avait été qu'un
élément secondaire dans le départ du gouvernement des ministres
staliniens (= éjecter les pantins de l'impérialisme russe), je m'entendis répondre: "le sabotage du PCF est
un éternel recommencement"!
4Déjà
dans les années 1970 en banlieue sud j'avais eu le témoignage de
plusieurs voisins ouvriers ou employés qui avaient désertés les
"cellules" face à la prédominance des discoureurs
enseignants qui étouffaient toute parole ouvrière avec leur bagout
interminable.
Les biais académiques (de classe académique) sont bien vus. Finalement l'histoire se répète historiographiquement. Et écrire l'histoire ouvrière quand on n'en fait pas partie, c'est un niveau de dépossession supplémentaire.
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