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les ETATS-UNIS ne sont plus les seuls concernes
Les
fusillades donnant lieu à des suicides publics et médiatisés se suivent et se
ressemblent au pays des cow-boys, comme en témoigne l’actualité récente, et
tous, indépendamment des raisons des « forcenés » se concluent par de
merveilleuses communions nationales avec bougies et politiciens en larmes. La
mise au chômage pourrait être l’explication mais le plus probable est l’acte d’un
« déséquilibré » conclut indubitablement et sereinement la presse
bourgeoise occidentale, internétisée et démocratique, les motivations resteront
ad vitam eternam « inconnues ». Prenons par exemple cette « Nouvelle fusillade à Orlando : 1 mort et 5 blessés »
- plus explicite que les récents massacres « en milieu scolaire » (seraient-ils
aux aussi complètement déconnectés de « l’ascension sociale » ?)-
dont nous informait le Nouvel Obs en novembre 2009.
« Une nouvelle fusillade a eu lieu aux Etats-Unis, moins de 24 heures après
celle de Fort Hood. Un homme a tué une personne et en a blessé 5 autres à
Orlando. La tuerie aurait un lien avec son licenciement. D'importants
moyens ont été mis en oeuvre (AFP) (sic !).Une personne a été tuée et cinq ont
été blessées vendredi 6 novembre à Orlando par un tireur qui a été
appréhendé, ont annoncé les responsables de la ville de Floride (sud-est des
Etats-Unis), moins de 24 heures après une tuerie sans précédent dans une base
militaire. Filmé par une équipe de télévision au moment de son arrestation, le
tireur a lancé, apparemment dans une allusion à son licenciement
en 2007 : "ils m'ont laissé
pourrir". "Le tireur a été arrêté, donc la population est en sécurité",
a déclaré le maire de la ville, Buddy Dyer, au cours d'une conférence de presse,
après que le centre de la ville eut été bouclé pendant plusieurs heures par la
police à la recherche du suspect. De son côté, la chef de la police de la
ville, Val Demings, a expliqué que la fusillade avait fait un mort et cinq
blessés par balle. Une sixième personne a été hospitalisée pour des douleurs à
la poitrine, a-t-elle ajouté.
Interpellation "sans incident"
Selon les autorités, qui n'ont pas voulu
donner l'identité de la personne tuée avant de s'assurer que ses proches
étaient informés, les blessés sont tous dans un état "stable". La
fusillade s'est produite au "Legions Place", un immeuble de
16 étages situé dans le centre de la ville, près de la chambre de Commerce d'Orlando
et de l'hôtel Radisson. D'après la chaîne CNN, le tireur, identifié par la
police comme Jason Rodriguez, 40 ans, était un ancien employé d'une entreprise
installée dans l'immeuble. Il en avait été licencié il y a deux ans. Pendant
plusieurs heures, la police, qui avait déployé son équipe de choc, le SWAT,
avait pensé que le tireur, "armé et dangereux", se cachait toujours
dans l'immeuble. Mais Rodriguez a finalement été interpellé "sans
incident" au domicile de sa mère par le SWAT.
« Pendant la fusillade, des dizaines
de personnes s'étaient barricadées dans des bureaux de l'immeuble. "Tout
le monde est dans un bureau, avec la porte barricadée par une commode.
Nous sommes environ vingt ici. Nous avons peur", avait déclaré au journal Orlando Sentinel une
femme bloquée dans le bâtiment, sous le couvert de l'anonymat."Nous regardons
la télévision pour essayer de comprendre ce qui se passe, mais nous ne le
savons pas. Nous avons peur. Pour l'instant nous sommes sains et saufs, mais
nous avons peur", avait-elle ajouté. La police d'Orlando, où se trouve le
célèbre parc d'attractions de Disneyworld, avait bouclé la zone, survolée par
un hélicoptère
des forces de l'ordre, selon des images diffusées par les
télévisions américaines. Des policiers, certains équipés de fusils d'assaut,
ont quadrillé la zone, tandis que la circulation était bloquée autour du
quartier où s'est produite la fusillade, cerné par des dizaines de voitures des
forces de l'ordre. Cette fusillade survient au lendemain de la plus grave
tuerie jamais enregistrée sur une base militaire américaine, qui a fait 13 morts et 28 blessés. Les motivations
qui ont poussé le commandant Nidal Malik Hassan, un psychiatre de l'armée âgé
de 39 ans, à ouvrir le feu jeudi sur ses camarades sur la base militaire de
Fort Hood (Texas, sud), restaient inconnues au lendemain du drame ».
Revenons dans notre hexagone si
démocratique, humaniste, soucieux de « paix sociale », prémuni des drames
par d’aimables « partenaires sociaux » aptes à sous-traiter n’importe
quel licenciement afin que le concerné soit jeté tôt ou tard à la rue sans
éclat, soucieux d’augmenter prélats et imams pour consoler les nombreux hôtes
du système carcéral, ces « racailles » qui ne veulent pas filer doux
dans un turbin minable comme celui de papa.
LE
SUICIDE COMME CRIME PARFAIT
Le suicide au travail est un crime déguisé. Les
pleureuses officielles de la bourgeoisie le présente comme un acte
« volontaire et désespéré ». Rien n’est plus faux. Il s’agit d’une
destruction involontaire. Ce type de suicide a tout au contraire du
« meurtre presque parfait », comme disait Sir Alfred Hitchcok. Le
meilleur de la psychologie de base moderne et de la manipulation policière
émérite démontre sans mal qu’on peut contraindre n’importe qui à agir contre
son gré, à se faire du mal, à souffrir, à se démolir, etc. Il existe des
méthodes éprouvées qui permettent au meurtre de rester impuni. Elles sont
simples : stigmatisation publique, mise à l’isolement sans fin,
dévalorisation des compétences de l’individu. Ces trois critères, qui
rejaillissent sur la vie privée et la détruise, tuent lentement à petit feu
jusqu’à combustion totale. Une quatrième méthode éteint toute poursuite
judiciaire : l’étonnement mâtiné de compassion.
Le suicide au travail concerne-t-il seulement la
classe ouvrière ? Certainement pas, encore faudrait-il préciser les choses
sur les délimitations de cette classe dite « travailleuse ». Il n’y a
pas que la classe ouvrière qui travaille et qui se suicide. Les plus forts taux
de suicide se comptent parmi les paysans surendettés auprès de banques
vautours. Les corps mercenaires de l’Etat bourgeois (armée et police) révèlent
un nombre troublant de suicides avec armes de service depuis plusieurs années.
Le suicide parmi ces corps intermédiaires apparaît de prime abord étonnant car
le policier, qui n’est plus issu pour l’essentiel de la campagne, est plutôt un
prolétaire en promotion. Il est socialement au-dessus de la catégorie ouvrier
des nomenclatures de l’INSEE. Son uniforme le fait craindre plus qu’il ne lui
donne un prestige en 2013 ; il n’est plus le portemanteau de ce costume
drapé raide avec képi boite de conserves de la IVème République mais un
ensemble chiffonnier avec rangers de pauvre trouffion, durs à lacer matin et
soir. Son pouvoir de vérifier l’identité de n’importe quel patron civil, ou
passant lambda quel que soit son statut social, lui confère une place sociale
impressionnante comparée à son absence de diplôme et à sa paye. Enfin il a ce
que n’ont pas la majorité des prolétaires, la sécurité de l’emploi comme
fonctionnaire. Sa principale faiblesse est sa déontologie. Le recrutement
policier ne lésine pas sur l’éthique juridique : le policier doit d’abord
se concevoir comme le protecteur de la veuve et de l’orphelin. Même le plus
ripoux pris la main dans le sac, sermonné et interné, fera toujours référence à
cette croyance basique pour tenter de sauver son honneur passé. Mais le flic ne
reste-t-il pas, malgré sa fonction coercitive au service de l’Etat des riches,
un prolétaire ? Sous uniforme ?
Lors d’une garde à vue, j’entendis un des flics qui
m’interrogeait, me répliquer : « mais monsieur le prolétariat est ici
aussi ». Me mordant la lèvre je ne répondis pas ce qui me passait par la
tête. Menotté on ne peut discuter d’égal à égal avec un pandore. Je pensais
« mes couilles, tu fais partie de l’autre bord » ! En étais-je
si sûr ? J’ai connu beaucoup de flics de base au cours de ma carrière au
service du public et j’y ai trouvé nombre d’hommes et de femmes respectables
avec qui je me sentais plus d’accointances qu’avec un avocat, les ingénieurs,
les professeurs ou des révolutionnaires de salon. En réalité, le flic de base
reste un salarié. Il peut perdre sa place, et une place de fonctionnaire qui
garantit une retraite encore en bonne santé… s’il ne connait pas d’accident du
travail propre à sa catégorie. Il n’a pas le droit de faire grève mais il est
sous-traité par des syndicats aussi pourris que ceux des ouvriers. Et,
contrairement aux ouvriers, malgré un statut social apparemment plus élevé, il
est tenu à l’obéissance absolue et au silence idem. Pourtant dans son meurtre
de soi-même on retrouve les mêmes causes du meurtre parfait contre le
prolétaire victime (les quatre que j’ai sériées plus haut).
LE MEURTRE PARFAIT DANS UN CORPS POLICIER
Une ancienne lieutenant de police, Bénédicte
Desforges, que j’ai déjà saluée dans ce blog, a très bien sorti de l’ombre
quelques drames dans la fonction policière et des suicides « au
travail » dans cette corporation. Comme l’ouvrier qui se suicide, l’homme
en uniforme choisit de se tuer plutôt que d’exécuter son vrai
« tueur », avec les mêmes raisons : il vaut mieux se tuer
soi-même, en espérant que le scandale éclaboussera le vrai tueur, que de
zigouiller celui-ci. Pourquoi ? Simplement parce que l’Etat saisit tous
vos biens et livre à la vindicte publique toute votre famille ; c’est
pourquoi d’ailleurs il est consternant de voir régulièrement les médias
« s’étonner » du crime affreux du « forcené »de cadre
licencié qui a envoyé ad patres femme et enfants avec lui. A la différence de
l’ouvrier, le flic a son arme de service. Mais pas toujours.
COMMENT LA PRESSE A MENTI SUR LE GENDARME ASSASSIN
A l’époque où Sarkozy n’était que sinistre de
l’Intérieur, et ne se moquait pas des chômeurs comme pendant sa lamentable fin
présidentielle, un drame s’est produit au fort de gendarmerie de Malakoff, que
je connaissais bien pour y être intervenu comme technicien pendant des années.
Lors de travaux de réfection des bâtiments il y a une vingtaine d’années, le
creusement des sols avait révélé des cadavres de communards tués en 1871 dans
ce dernier bastion face aux Versaillais. Sur une des murailles extérieures du
fort est gravé en lettres géantes « 1848 », autant vous dire que
chaque fois que je passe devant, je marque un temps d’arrêt, songeur !
Hélas nous ne sommes plus au temps des révolutions prolétariennes mais des
faits divers malheureux.
Un gendarme a tué le matin son adjudant qui cohabitait
au même étage et ses deux enfants. Horreur et compassion. Je n’ai pas noté la
source de presse de chaque article, mais je vous les livre in extenso, et ils
sont tous grandguignolesques, comme le débarquement de Sarkozy sirènes
hurlantes dans la caserne :
Pour ce journal : « Le gendarme tireur
aurait été harcelé sexuellement par l'adjudant qu'il a abattu vendredi avec ses
deux enfants. Un «harcèlement sexuel» de
la part de son supérieur aurait poussé un gendarme à l'abattre vendredi, puis à
tuer ses deux enfants avant de se donner la mort, selon les premiers éléments
de l'enquête. «Il est encore trop tôt pour connaître les tenants et les
aboutissants de cette affaire, mais plusieurs éléments laissent à penser que la
victime aurait pu harceler sexuellement l'auteur des coups de feu», a indiqué
une source judiciaire. «Il reste maintenant à savoir pourquoi cet homme a fait
feu sur ses enfants après avoir abattu son adjudant», a-t-on ajouté de même
source. Une
enquête était déjà diligentée Selon plusieurs sources au sein
de ce corps dépendant de l'armée, la direction de la gendarmerie avait été
informée du problème de harcèlement sexuel et une enquête avait été diligentée,
mais «elle n'avait pas été en mesure de conclure, dans un sens comme dans l'autre,
sur la réalité des faits».
Pour
l’organe de presse suivant : « Le drame s'est joué vendredi, à la
veille de la fête nationale du 14 juillet, dans l'enceinte du fort de Vanves à
Malakoff, en banlieue parisienne. Vers midi, le gendarme, âgé de 43 ans, a
abattu son supérieur, un adjudant également âgé de 43 ans, après une discussion
qui aurait mal tourné, a indiqué une source proche de l'enquête. Il est ensuite
revenu chez lui et a abattu son fils et sa fille, des jumeaux âgés de 11 ans,
avant de retourner l'arme contre lui. De nombreux gendarmes et leurs familles
sont logés dans le fort de Vanves où est située la caserne. Une cellule
psychologique a été mise en place pour venir en aide aux familles des gendarmes
du casernement ».
Cet
autre, plus laconique : « Chacune
de ses balles a été mortelle ou quasi-mortelle." L'autopsie des trois
victimes du drame de la caserne de Malakoff, dans
les Hauts-de-Seine, a révélé que le gendarme a tiré
cinq balles sur son adjudant et ses deux propres enfants avant de retourner
l'arme contre lui, selon une source judiciaire. Et "à chaque fois",
il a tiré « dans
la région de la tête et du thorax ». L'autopsie du corps de
l'auteur de la tuerie a en outre confirmé qu'il était mort après s'être tiré
une balle dans la tête. Le parquet de Nanterre a demandé communication du
dossier médical du tueur qui était suivi sur un plan psychologique. "Les mobiles du tireur sont
encore très flous. Il a indiqué il y a plusieurs mois avoir subi des
propositions sexuelles de la part de son adjudant mais une enquête interne n'a
rien donné et il est revenu partiellement sur ses propos. Rien ne laissait
envisager ces derniers temps qu'un tel drame allait se produire",
a-t-on ajouté de même source ».
Puis cet autre : « Vendredi, le gendame âgé
de 43 ans, a ouvert le feu et abattu un adjudant d'escadron du même âge puis
ses propres jumeaux, un garçon et une fille âgés de 11 ans, avant de retourner
l'arme contre lui. Le drame s'est déroulé dans un immeuble d'habitation de la
caserne des gendarmes
mobiles du Fort de Vanves, où les deux hommes étaient voisins. L'arme de
service du gendarme,
considéré comme "dépressif", lui avait été retirée fin 2006, et il a
utilisé une arme personnelle, selon une source proche de l'enquête. La section
de recherches (SR) de Versailles a été chargée de l'enquête ».
Puis celui-ci, organe municipal : « Le gendarme a tué son adjudant, puis ses deux propres
enfants, avant de se donner la mort avec une arme personnelle, vendredi matin
dans une caserne du fort de Vanves à Malakoff. On ignore dans l'immédiat son
identité et les motifs de son geste. Mais une source proche de l'enquête assure
qu'il était "dépressif" et que les deux hommes, voisins de pallier,
avait "un différend de longue date". La direction de la gendarmerie a
ajouté qu'il avait des "problèmes psychologiques" et que "son
arme de service lui avait été retirée". Vers 12 heures, le gendarme a
ouvert le feu pour une raison indéterminée et a abattu un adjudant puis ses
deux propres fils dont l'un, âgé de onze ans, selon la direction générale de la
gendarmerie. L'âge de l'autre enfant n'a pas été précisé. Le gendarme a ensuite
retourné l'arme contre lui. La ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie s'est
immédiatement rendue sur place, a annoncé le Ministère de l'Intérieur, ainsi
que Nicolas Sarkozy vient-on d'apprendre.Il est dramatique de relater de tels
faits sur notre ville, cette folie entre adultes aura provoqué la mort de deux
innocentes victimes, nous ne pouvons qu'être consternés par cette tragédie ».
La
vérité est plus prosaïque. Je la tiens d’un maçon ami, employé régulièrement à
la caserne. Depuis des années la femme du gendarme trompait son mari avec son
adjudant résidant au même étage des bâtiments tristounets en pierre meulière.
Les deux enfants n’étaient pas les siens et la femme s’était enfuie le matin
même sans doute après une ultime et terrible engueulade. L’homme, certainement
pas privé de son arme de service, les armes étant remisées chaque jour dans un
local blindé et fermé à clé, s’était procuré une arme par ailleurs. Triste
épisode sauf si l’on n’ignore pas que les centrales nucléaires comme les
casernes militaires sont des repaires de cocus. Sans oublier de noter que les
militaires sont souvent appelés plusieurs mois pour des missions lointaines et
que souvent femme varie. Et que les femmes des casernes se refilent les bons
tuyaux hors des murs…
On
touche là aux extrêmes du meurtre médico-légal où la trahison sexuelle,
humiliation terrible sur le lieu de travail, décuple la volonté instinctive de
vengeance sanglante. Aux Etats-Unis, comme le montrent les vidéos de
Dailymotion, nombre de femmes, soupçonnées d’être montées par promotion canapé
au détriment d’un collègue masculin, sont les victimes principales. Inutile de
préciser que si nous disposions d’autant d’armes à la vente qu’au pays des
cow-boys, nous rejoindrions très vite leur taux de criminalité ! Inutile
de souligner aussi que si la hiérarchie avait été responsable et humaine, elle
aurait fait muter en vitesse un des gendarmes.
LE
MEURTRE PARFAIT AUX LIMITES DE LA POLITIQUE :La tuerie de Nanterre (2002) (x)
Le suicide à travers le meurtre de l’autre ou des
autres n’est jamais analysé politiquement et ne reste que du domaine des faits
divers choquants, explicables seulement par la sociologie bâtarde. J’ai déjà
expliqué dans d’autres articles que le propre des classes exploitées n’est pas
le meurtre mais la peine de vivre mal et que la solution individuelle ne peut
être qu’un suicide
« personnel » et qui vous met définitivement au ban de la société des
hommes. L’histoire des assassinats anarchistes de la fin du XIXe et du début du
XXe montre l’inanité de « l’acte exemplaire » bien qu’il ait été
théorisé par certains révolutionnaires. Avec
la tuerie au conseil municipal de Nanterre en 2002, on peut pourtant
retrouver un même genre de problématique chez le militant gauchiste au chômage
qui a fini par se suicider dans les murs même de la Préfecture de police de
Paris. Toute la presse bourgeoise a dénoncé l’acte et lui a refusé toute
détermination politique, il ne pouvait être que le méfait d’un malade
« forcené ».
J’expliquerai tout à l’heure pourquoi il y a eu
consensus sur ce drame et pourquoi personne n’a esquissé une comparaison avec
les crimes terroristes « de classe » dans l’Italie des années 1970.
Je prétends qu’il faut faire la différence entre ces crimes ponctuels de
« suicidants » à notre époque dans le cadre du travail et la théorie
maoïste des « vengeurs prolétariens » en Italie, qui exécutaient en
bande contremaîtres persécuteurs ou « flics tortionnaires ».
La presse aux ordres donc indique qu’il faut se
contenter de n’y voir qu’un « tueur de masse », la « très résistible dérive mortelle d’un paumé » :
« Après
l’intense hommage rendu par Nanterre, mardi dernier, aux victimes de la tuerie
de son conseil municipal, voici venu le temps de la réflexion et des questions.
On cerne désormais assez précisément les circonstances du drame. Les aveux de
Richard Durn, passés le lendemain de son acte criminel, devant un officier de
police, se trouvent confortés par une lettre-testament qu’il avait postée à une
amie, quelques heures avant de prendre les élus nanterriens pour cible. Durn
dit avoir raté sa vie. Ni ses études universitaires (une licence d’histoire),
ni son approche de la politique (on l’a dit proche des Verts) ou du monde
associatif (il a participé à des missions humanitaires en Bosnie et au Kosovo)
ne lui ont donné la sensation d’être accepté : " Toutes ces activités…
ne m’ont assuré aucune intégration sociale ", écrit-il " puisque
j’étais devenu un mort-vivant par ma seule volonté, je décidais d’en finir en
tuant une mini élite locale qui était le symbole et qui étaient les leaders et
décideurs dans une ville que j’ai toujours exécrée ". Il dit avoir voulu
d’abord abattre Jacqueline Fraysse, la députée et maire rescapée du massacre,
puis de " tuer le plus de personnes possible " avant de se tuer, ou
d’être tué par la police. Il répète plusieurs fois " Tuez-moi !
" lorsqu’il est neutralisé par plusieurs élus. Mais la volonté suicidaire
de Durn est particulière. C’est celle d’un tueur de masse. La mort n’est pas
seulement pour lui un but, c’est aussi un moyen : " Je vais devenir
un serial killer, un forcené qui tue. Pourquoi ? Parce que le frustré que
je suis ne veut pas mourir seul, alors que j’ai eu une vie de merde, je veux me
sentir une fois puissant et libre. " Une logique aberrante. Dans la
balance macabre de son imagination malade, plus il y aura de vies fauchées par ses
balles, plus son existence acquerra de la valeur, posthume et médiatisée.
Mourir et tuer pour exister post mortem ! Ce que la criminologie sait de
telles dérives, c’est qu’elles ne surgissent pas soudainement et par hasard.
Entre le moment où l’idée folle germe dans la tête et le moment où la main
commet l’irréparable, il peut se passer quelques jours ou de nombreux mois.
Durn dit qu’il a " lutté pendant de nombreuses années contre ce projet
". Durant cette période, le futur meurtrier ressasse et peaufine son plan
qui s’impose peu à peu comme une idée fixe. Durn a assisté plusieurs fois aux
conseils municipaux de Nanterre. Par intérêt pour la chose publique ? On
sait aujourd’hui qu’il est venu plusieurs fois suivre les débats des élus,
probablement armé, comme pour tester sa volonté meurtrière. Dans ce processus
mortel en cours, Durn est parvenu alors au stade ultime. Il a validé ses futurs
meurtres, les a qualifié de seule solution dans l’impasse qu’il s’est créé.
Reste le passage à l’acte réduit à la seule question du " courage "
d’appuyer sur la détente du Glock. " J’ai assisté (le 26 mars 2000) à
l’ensemble du conseil et durant tout ce temps, explique Durn, je me suis
demandé si j’allais passer à l’action. " ON connaît la réponse…
Durant
toutes ces années de germination morbide, Richard Durn a envoyé des messages
plus ou moins explicites à son entourage. Durn a confié " des dizaines de
fois " à sa mère son désir de tuer massivement. Il s’est exprimé en
braquant une de ses armes, en juillet 1998, sur la psychiatre qui le suivait
dans un centre médical universitaire, le BAPU, à Paris 5e. Une sorte de
répétition qui lui a permis d’éprouver ce sentiment de toute puissance qui sera
une des composantes de son crime futur. D’autant qu’aucun rappel à la loi ne
lui sera adressé. Le signalement du BAPU à la DDASS semble s’être évanoui dans
les arcanes administratifs, entre Paris et les Hauts-de-Seine. Richard Durn a
pu conserver ses deux pistolets Glock et son revolver .357 Magnum, trois armes
redoutables acquises légalement en 1997 et 1998 à Paris, puisqu’il s’était
inscrit dans un club de tir et qu’il avait obtenu une autorisation préfectorale
de détention. Car Durn, suivi psychiatriquement, a satisfait à toutes les
épreuves, tests et examens médicaux obligatoires pour obtenir ladite
autorisation. Et même lorsque cette dernière est venue à expiration, fin 2000,
personne ne s’est soucié de le désarmer. Tout était prévu par les textes, tout
était prévisible, et rien n’a été fait pour prévenir le drame. Pour paraphraser
Brecht, le drame de Nanterre ? La très résistible dérive mortelle d’un
paumé. Tous les mécanismes humains, médicaux et administratifs se sont grippés.
· croire qu’en France la transversalité entre services n’existe pas.
« Ce
qu’on ne sait toujours pas sur cette terrible affaire, c’est pourquoi Durn a
été transféré à Paris, au 36, quai des Orfèvres, alors que l’affaire relevait
des autorités policières et judiciaires des Hauts-de-Seine. Pourquoi a-t-il été
examiné par un médecin généraliste pendant sa garde à vue, alors qu’il aurait
dû être examiné par un psychiatre ? Ce qui reste peu crédible, c’est la
version donnée pour expliquer la défenestration de Durn le jeudi 28 mars. Un
Velux, ça ne s’ouvre pas d’un geste. · moins qu’il ne soit resté ouvert… Pourtant,
il faisait froid ce matin-là. Comment ce vasistas, donnant sur les toits
pouvait ne pas être verrouillé pendant une garde à vue ? Pourquoi le
multicriminel Durn n’était-il pas menotté, sort commun à tous les petits
délinquants pendant leurs interrogatoires ? Comment Durn a-t-il pu
effectuer un véritable plongeon vers le vide, à plus de 1,60 m, hauteur de la
base de la fenêtre, sans que l’un des deux policiers présents ne
l’intercepte ? Un défaut de surveillance ? Mais l’enquête éclair de
l’inspection générale des services exclut toute faute des fonctionnaires de
police. L’IGS ne semble pas mesurer qu’en accréditant l’idée que c’est la
faute-à-pas-de-chance, elle ruine un peu plus la confiance accordée aux
autorités judiciaires et policières. La France est devenue une spécialiste de
la mort violente de personnages essentiels dans des affaires sensibles ».
(Serge Garde)
L’émotion
est nationale puis la presse titre sur d’autres sujets laissant place au
silence total « par respect pour les victimes ». Un ouvrage d’un certain Jean-Pierre Lebrun, intitulé
« Richard Durn, les morts pour le
dire », publié en 2004 par les éditions maoïstes L’harmattan
sur le parcours de Durn a étrangement disparu. Après recherche sur Amazon et
Price puis visite à la librairie L’harmattan, personne pour expliquer cette
curieuse disparition. Le livre le plus vite écoulé trouve toujours un aigrefin
pour tenter de l’écouler au prix fort. Introuvable aussi : Thomas Roussot, Ombre Portée, autopsie d'un tueur de masse,
Amalthée, 2008. Le milieu artistique toujours prompt à utiliser ce fait divers
qui dépasse la fiction imaginative d’auteurs sans scrupules et sans imagination
tente de faire son blé sur le drame. Le 10 mars 2005, sous la pression des
familles et des proches, TF1
renonce à diffuser, dans le cadre de l'émission Le Droit de savoir, un docu-fiction
sur la tuerie qui aurait mêlé interviews et reconstitutions de la scène. Ces
faits sont repris de façon transparente dans une fiction intitulée French Tabloids écrite par Jean-Hugues
Oppel et publiée par Rivages en
2005. La tuerie y est présentée comme un élément d'une machination visant à
installer en France, avant l'élection du 21 avril 2002, un climat de peur liée
à l'insécurité ».
POURQUOI LE MEURTRE DEGUISE ACTUEL EST DIFFERENT DE
LA VAGUE TERRORISTE ITALIENNE DES ANNES 1970
Il faut du courage et un profond taux de destruction
de soi-même pour passer à l’acte « criminel ». J’ai non pas de
l’admiration mais du respect pour celui qui, qu’il soit tué lui-même ou
emprisonné à vie, franchit le pas mortel. Il est le produit d’une époque et
d’une situation qui le plongea dans cette fin absurde. Je n’ai aucune admiration
ni accointance politique avec ceux qui ont théorisé l’acte personnel comme
lutte pour détruire l’exploitation. La « vraie » révolution abhorre
le meurtre comme disait Rosa Luxemburg, victime elle-même d’un acte
médico-légal policier et « socialiste ». La théorie de marginaux
gauchistes qui enflamma l’Italie des années 1970 était certes une conséquence
de la passivité et collaboration des syndicats et partis bourgeois de gauche,
mais plus encore un simple prolongement de l’idéologie stalinienne où le
« patron » est l’homme à abattre comme s’il était à lui seul
Etat-police-justice de classe. A cette idéologie, n’importe quel citoyen
moyennement intelligent a toujours pu répliquer : « et alors vous le
tuez et cent autres sont prêts à lui succéder ». Contrairement à l’acte
personnel de Sarajevo et aux meurtres des princes russes, l’attentat individuel
ne déclenche plus rien… qu’un renforcement du culte de l’Etat et de ses
satisfecits pour la gent policière et judiciaires (ces infantiles avec encore une
bavette autour du cou). L’attentat stalinien théorisé, issu directement des
attentats pendant la guerre (qui entrainaient inévitablement le meurtre massif
d’otages) par l’occupant, renvoie en outre – si l’on lui trouve vraiment une
motivation politique, alors qu’il est plus souvent animé par l’idéologie
apolitique de la « vengeance » au coup par coup – à des actions de
missionnaires armés en faveur de la dictature d’un Etat « capitaliste
d’Etat », qui ne vaut pas mieux que l’Etat libéral.
L’effondrement du bloc stalinien a de fait quasi
éliminé cette théorisation. Les « bande à Bader », « Action
directe » et autres « prolétaires armés », sont devenus caduques
voire ridicules, alors que le cynisme et l’arrogance des Etats à jeter les
travailleurs à la rue sans pitié, pourraient nous faire souhaiter leur retour…
Mais ils seraient tout autant des ennemis de la
lutte de classe réelle et des alliés de la manipulation totalitaire des médias
– via internet désormais – et des crétins même armés sans théorie révolutionnaire
crédible ni tangible nous pouvons nous en passer.
Tout autre est l’acte personnel actuel, fruit d’une
désespérance totale, conséquence de la pourriture totale du syndicalisme et de
la politique. On notera cependant que le suicide déguisé ou meurtre suicidaire
n’est pas tant un cri de révolte contre l’ordonnancement social. Le meurtrier
qui va être traité comme un moins que rien par les médias n’est pas un
révolutionnaire. Il ne remet pas en cause son patron ni la hiérarchie mais l’absence
de « reconnaissance » du système sur la place à laquelle il se croit
destiné, quand il ne s’agit pas d’un simple règlement de comptes personnel. Celui
qui va se suicider ou tuer en se suicidant n’a non seulement plus personne pour
« le comprendre » mais il ne peut pas invoquer une théorie socialiste
ou communiste qui aurait pu lui éviter ce « suicide assisté » par
lequel il met un terme d’abord à sa propre vie, puisqu’il n’y a plus aucune
référence audible ou visible sur un autre projet de société et que l’immédiat c’est
son auto-destruction ou la clochardisation.
Les « jeunes » principales victimes du
chômage de masse ne sont-ils donc plus intéressés que par l’argent, à tout prix ?
Pourquoi les ouvriers allemands se syndiquent-ils de plus en plus alors que la
misère les syndicats l’entretiennent ? Comment se fait-il que la classe
ouvrière ait laissé si longtemps au pouvoir des cuistres cyniques comme Sarkozy
et Berlusconi sans les faire sauter ? Et les espagnols avec près de 30% de
chômeurs qu’attendent-ils ? Et les
Américains avec leur saint bcbg Obama ? Et les russes avec le fraudeur
terroriste Poutine doivent-ils laisser le spectacle de la contestation du
pouvoir aux seules Femen seins nus ? Et les Egyptiens s’entretuer pour un
match de football ?
Beaucoup de questions et bien d’autres sur
lesquelles nous nous efforçons de revenir ici régulièrement jusqu’à l’implosion
souhaitée.
COMMENT PATIENTER EN ATTENDANT ?
IL Y A D’AUTRES MOYENS POUR « TUER » SON
CHEF
1.
REFUSER DE LUI
SERRER LA MAIN (le code du travail ne considère pas cela comme une faute grave,
et, contrairement à l’armée, nul n’est tenu de saluer un collègue quel que soit
son grade).
2.
Mutisme et ne jamais le regarder dans les yeux ; ne participer aux
discussions de groupe qu’en parlant de lui à la troisième personne ; s’il
vous convoque, positionnez-vous de travers sur la chaise tourné vers le
mur ;
3.
L’insulter :
cela peut vous valoir la porte (ou insultez sans témoin), mais le jugement d’un
tribunal espagnol devrait faire jurisprudence en Europe : « Arguant de la "dégradation sociale du
langage", un tribunal espagnol a estimé que l'expression "fils de
p..." est devenue d'un "usage courant". Et qu'elle ne peut
justifier un licenciement. Le tribunal a donc ordonné la réintégration d'un
employé limogé pour avoir insulté le gérant de son entreprise.
MODE
D’EMPLOI :
Comment traiter son patron de « gros con » sans se faire virer
Par François Krug | Eco89 | 19/10/2009
Vaut-il mieux traiter son patron de « nul »
ou de « fils de pute » ? Que risque-t-on en lui proposant
d'aller se faire foutre ? Si l'affaire finit au tribunal, un cadre et un
chauffeur routier ont-ils les mêmes chances ? Et pourquoi Doc Gynéco
a-t-il apporté une contribution majeure à la question ? Eco89 a
sélectionné dix perles juridiques, à garder en tête en cas d'engueulade.
Insulter son chef, c'est risqué : les sanctions
peuvent aller du simple avertissement au licenciement pour faute grave, avec
départ immédiat et sans indemnités. C'est aussi un art subtil : les
expressions les plus déplacées ne sont pas forcément celles que vous croyez.
L'essentiel n'est pas de choisir les bons mots, mais le bon moment.
« Tu me fais chier ! »
C'est bon à savoir : lancer un gros mot, ce n'est
pas forcément injurier. La Cour d'appel de Douai a donné raison à une salariée qui avait rétorqué à
son chef : « Tu me fais chier et tu m'emmerdes. » Pour les
juges, « de tels propos, certes déplacés et peu révérencieux, ne
constituent pas pour autant des injures au sens propre du terme ».
« Allez vous faire foutre ! », avait
lancé de son côté un salarié qui refusait de venir travailler le week-end. Selon la Cour d'appel de Versailles, « les propos qui lui avaient été reprochés
avaient été tenus dans des circonstances particulières leur ôtant tout
caractère injurieux ».
Ces jugements favorables ne signifient pas la
réintégration dans l'entreprise. Mais en annulant la qualification de
« faute grave », ils obligent l'employeur à verser les indemnités
dont le salarié a été privé lors de son licenciement.
« Boeufs ! »
Inversement, on peut injurier sans utiliser de gros
mots. Cette secrétaire croyait peut-être s'en tirer à bon compte en qualifiant
son directeur de « nul » et d'« incompétent », et les
chargés de gestion de « boeufs ». Raté : la Cour de cassation lui a donné tort.
Les juges en ont profité pour rappeler l'équilibre
subtil entre la liberté d'expression du salarié, garantie par le code du Travail, et les exigences de la vie en entreprise :
« Si le salarié jouit, dans l'entreprise et en
dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être
apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et
proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant
des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs (…). Ces propos injurieux et
excessifs constituaient un abus dans l'exercice de la liberté
d'expression. »
« Con ! »
C'est peut-être le premier mot qui vous viendra à la
bouche pendant votre prochaine engueulade. Maniez-le avec prudence, mais il ne
justifiera pas forcément un licenciement pour faute grave.
La preuve avec ce directeur d'une coopérative
laitière, mis à la porte après
avoir déclaré que le président du conseil d'administration était « con »,
et que les administrateurs étaient des « imbéciles » et des « incapables ». Pour la cour de cassation, il « avait seulement traduit en termes énergiques ses réserves ».
avoir déclaré que le président du conseil d'administration était « con »,
et que les administrateurs étaient des « imbéciles » et des « incapables ». Pour la cour de cassation, il « avait seulement traduit en termes énergiques ses réserves ».
« Chochotte ! »
En fait, la gravité des injures varie selon le
contexte. Une salariée d'une maison d'édition avait ainsi traité son chef de
« chochotte ». La Cour d'appel de Paris a estimé que c'était excusable :
« L'incident s'était déroulé dans un contexte de
tension pour l'intéressée lié à la restructuration de son service et à
l'arrivée d'un nouveau chef alors qu'elle comptait 24 années d'ancienneté dans
l'entreprise sans incident. »
Ceci dit, cette salariée a aussi bénéficié d'une
erreur stratégique de son patron. La lettre de licenciement ne mentionnait que
le terme « chochotte ». Les autres injures proférées ce jour-là
(« pédé », « sale type ») n'avaient donc pas de valeur
juridique, mais elles auraient peut-être conduit les juges à se montrer moins
indulgents.
« SS ! »
Certaines références historiques doivent être maniées
avec prudence. Un employé d'une usine de peinture industrielle a néanmoins
obtenu gain de cause après avoir lancé : « Vous me faites chier et
j'en ai marre de vos méthodes de kapo et de SS. »
Des injures particulièrement blessantes pour le
patron, mais l'employé ignorait « que la plus grande partie de la famille
de monsieur A. avait péri dans les camps de concentration nazis », a noté la Cour de cassation. Elle a préféré souligner une « exaspération
légitime » et « la détérioration grave du climat existant entre le
salarié et l'employeur ».
Pendant l'entretien préalable au licenciement, le
salarié n'a pas retiré ses propos… mais il a admis « qu'il aurait mieux
fait de traiter monsieur A. de “CRS” ».
« Mettez-vous cette note au cul ! »
Votre ancienneté peut aussi vous protéger. Un VRP l'a
ainsi emporté devant la Cour de cassation après s'être exprimé : « Vous pouvez vous mettre
cette note au cul, je pisse dessus. » « Un comportement (…) d'une
rare violence et d'une rare grossièreté », selon les juges, mais
excusable :
« Le salarié qui avait 22 ans d'ancienneté dans
l'entreprise et avait donné entière satisfaction dans son activité s'était
laissé emporter par une brève colère. »
« Fils de putes ! »
En Catalogne, un tribunal a estimé que l'injure
« fils de pute » était devenue d'un « usage
courant ». La justice
française n'en est pas encore là, mais elle peut se montrer indulgente si la
grossièreté fait partie de votre fonds de commerce.
C'est la jurisprudence Doc Gynéco. EMI avait rompu le
contrat du rappeur après un rendez-vous mouvementé, conclu sur cette
tirade : « Je ne peux pas faire de musique avec des fils de putes et
des chiens errants. » Verdict un rien moqueur de la Cour d'appel de Paris :
« Le “rap” correspond à un style de musique et de
chansons qui n'est pas particulièrement “académique”, ni dans ses sonorités ni,
la plupart du temps, dans ses paroles, ni même quant à ceux qui le chantent.
Dès lors, la SA EMI Music France, société de
production de musique, qui soutient ce genre de productions et promeut cette
musique, à tout le moins pour des raisons commerciales et financières, est par
conséquent malvenue à s'étonner voire à s'émouvoir des termes employés par ses
interlocuteurs. »
« Pas là pour faire la pute ! »
Doc Gynéco n'est pas le seul à pouvoir placer le terme
de « pute » dans ses conversations professionnelles. Un chauffeur de
poids lourds a ainsi obtenu gain de cause devant la Cour de cassation après avoir déclaré à son chef : « Je ne
suis pas là pour faire pute ! »
En effet, à en croire la jurisprudence, la gravité
d'une injure varie selon les secteurs professionnels. Concernant les propos de
ce chauffeur, les juges ont estimé « que leur vulgarité n'excédait pas les
limites de ce qui est admissible dans l'univers professionnel des chauffeurs
routiers ».
« Manipulateur ! »
Une erreur à éviter : injurier son supérieur en
public. L'injure sera en effet considérée comme plus humiliante que si elle
avait été lancée en tête-à-tête, et l'employeur pourra produire des témoins en
cas de procédure aux prud'hommes.
Lors d'une réunion de direction, un imprimeur a ainsi
décrit son patron comme « sournois », « manipulateur » et
« malhonnête ». Il est allé jusqu'en cassation pour contester son
licenciement, en vain. Verdict
des juges :
« Les qualificatifs étaient d'autant plus
reprochables qu'ils avaient été adressés au gérant devant témoins et qu'ils ne
pouvaient être justifiés ni par un accès de colère, ni par le contexte de la
réunion, l'attitude ou les propos des autres participants. »
« Enculé ! »
Si votre chef ne surveille pas son langage, l'injurier
sera moins risqué. C'est l'enseignement de ce conflit entre deux frères. Le
premier dirige un laboratoire de prothèses dentaires et a embauché le second,
puis il l'a licencié, notamment pour avoir déclaré :
« Si tu as des couilles tu n'as qu'à me
licencier. Je n'attends que ça. Licencie-moi, de toute façon tu n'es qu'un
enculé (répété plusieurs fois) je vais t'en mettre une, de toute façon je vais
te choper sans témoin, le labo je vais te le couler. »
Une tirade violente, mais finalement excusée par la Cour de cassation. Le patron était en effet connu pour son agressivité
et ses remarques blessantes. Il avait notamment déclaré devant témoins à son
frère :
« Quand je t'ai embauché tu n'étais qu'un
clochard, sans moi tu n'es rien, je t'enverrai pleurer à l'assistance sociale
pour bouffer ; pourquoi tu ne pars pas toi-même, tu t'accroches aux
branches. »
Merci à
Susana Lopes Dos Santos, avocate au cabinet Ravisy & Associés, pour
ses éclairages juridiques.
Mis à
jour le 20/10/2009 à
11h15 : plusieurs lecteurs nous ont signalé (sans nous insulter) que, dans
la première phrase de cet article, il vaudrait mieux dire « vaut-il
mieux » que « faut-il mieux ». Cette phrase a donc été corrigée.
(x) Deux livres émouvants sont encore accessibles sur l'affaire Durn à Nanterre: "Pourquoi eux et pas moi"? de Nathalie Koubbi (Presses de la Renaissance 2004), réagit plus au niveau des tripes; et "Qui veut tuer la démocratie?" de Marie-Laure Meyer (Denoël 2003), plus intéressant parce qu'elle (victime aussi, touchée par une balle au bras) se livre à une analyse politique, même si on est pas d'accord avec elle sur sa défense du personnel politique bourgeois en général. Quelques réflexions lumineuses:
"Richard Durn, désireux d'ascension sociale et de réussite, diplômé de l'enseignement supérieur, avait découvert avec désespoir que le savoir ne suffisait pas. Sans capital, il dépendait encore plus d'un réseau relationnel qu'il n'avait pu construire que dans le microcosme politique nanterrien, mais qu'il n'avait pas su utiliser. Il en attendait probablement trop..." (...) "Tenter de tuer un responsable politique, est-ce vraiment la marque de la folie ou, au contraire, un moyen de signifier le refus d'une société où seuls les forts survivent, où les résultats des élections semblent toujours ramener les mêmes au pouvoir, où la complexité des choix rend la citoyenneté impossible? (...) Je crois sincèrement que la tuerie de Nanterre n'est pas un simple fait divers mais un fait de société. Tous les jours, dans nos pays développés, des gens jeunes meurent de désespoir et de solitude, faute de trouver un emploi stable ou d'avoir un revenu suffisamment pérenne pour fonder une famille. Le carnage commis par Richard Durn est l'appel au secours d'un homme jeune, instruit, incapable de gérer la contradiction croissante entre la concurrence régnant au sein de notre société, où l'espace vital se conquiert de haute lutte, et l'affirmation de droits de plus en plus nombreux (...) N'est-ce pas une solution de facilité que d'appeler "folie" ce que nous ne savons ni voir ni anticiper?".
(x) Deux livres émouvants sont encore accessibles sur l'affaire Durn à Nanterre: "Pourquoi eux et pas moi"? de Nathalie Koubbi (Presses de la Renaissance 2004), réagit plus au niveau des tripes; et "Qui veut tuer la démocratie?" de Marie-Laure Meyer (Denoël 2003), plus intéressant parce qu'elle (victime aussi, touchée par une balle au bras) se livre à une analyse politique, même si on est pas d'accord avec elle sur sa défense du personnel politique bourgeois en général. Quelques réflexions lumineuses:
"Richard Durn, désireux d'ascension sociale et de réussite, diplômé de l'enseignement supérieur, avait découvert avec désespoir que le savoir ne suffisait pas. Sans capital, il dépendait encore plus d'un réseau relationnel qu'il n'avait pu construire que dans le microcosme politique nanterrien, mais qu'il n'avait pas su utiliser. Il en attendait probablement trop..." (...) "Tenter de tuer un responsable politique, est-ce vraiment la marque de la folie ou, au contraire, un moyen de signifier le refus d'une société où seuls les forts survivent, où les résultats des élections semblent toujours ramener les mêmes au pouvoir, où la complexité des choix rend la citoyenneté impossible? (...) Je crois sincèrement que la tuerie de Nanterre n'est pas un simple fait divers mais un fait de société. Tous les jours, dans nos pays développés, des gens jeunes meurent de désespoir et de solitude, faute de trouver un emploi stable ou d'avoir un revenu suffisamment pérenne pour fonder une famille. Le carnage commis par Richard Durn est l'appel au secours d'un homme jeune, instruit, incapable de gérer la contradiction croissante entre la concurrence régnant au sein de notre société, où l'espace vital se conquiert de haute lutte, et l'affirmation de droits de plus en plus nombreux (...) N'est-ce pas une solution de facilité que d'appeler "folie" ce que nous ne savons ni voir ni anticiper?".
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