monôme étudiant en 1920 au quartier latin |
« …
les révoltes de Mai n'ont été qu'une lutte de concurrence au sein
des petites bourgeoisies – autrement dit que la dynamique
d'insubordination n'a jamais été qu'une subordination new look ».
P.Cingolani (La
république, les sociologues et la question politique, La Dispute,
2003, cité par Serge Audier in « La pensée anti-68 »,
La découverte 2008).1
L'antisémitisme
a un aspect obsessionnel en même temps qu'irrationnel et
pathologique comme tout racisme, mais son envers le philosémitisme
ou la culture victimaire est aussi obsessionnel et souvent
disproportionné2.
Il y a un mythe d'un internationalisme propre au peuple de ladite
diaspora qui est fabulation, comme la prétention de toute religion à
être universelle et de toute éternité.
Il
ne faut pas confondre cosmopolitisme et internationalisme. Le
cosmopolitisme3
a pu être revendiqué de tout temps par voyageurs ou aventuriers,
marchands et navigateurs, mais l'internationalisme en réfère
sémantiquement à un concept moderne, celui de la nation
bourgeoise ; l'inter-nationalisme est posé dès la révolution
bourgeoise mais affirmé lors de la Commune révolutionnaire de 1871
à Paris en 1871, comme l'explique très bien ma chère universitaire
américaine Kristin Ross :
« Durant
les mois du siège, qui précédèrent la Commune, Paris, selon les
mots du communard Arthur Arnould, « vivait de sa vie propre, ne
relevait que de sa volonté individuelle. (...) Paris avait (...)
appris le mépris absolu des deux seules formes gouvernementales qui
eussent été jusqu’alors en présence dans notre pays : la
monarchie et la République oligarchique ou bourgeoise ». La
République universelle signifiait par opposition le démantèlement
de la bureaucratie impériale, de son armée de métier et de sa
police en premier lieu. « Il ne suffit pas d’émanciper
chaque nation en particulier de la tutelle des rois, écrivait, dès
1851, le géographe anarchiste et futur communard Elisée Reclus, il
faut encore la libérer de la suprématie des autorités » (?)
(…)
« Le
lendemain de la proclamation de la Commune, tous les étrangers
furent admis dans ses rangs, car « le drapeau de la Commune
est celui de la République universelle ». Mais l’expression
n’est pas née à ce moment ; elle remonte en réalité à un
bref épisode d’internationalisme pendant la Révolution française.
Son inventeur, Anacharsis Cloots, Prussien d’origine, qui se
présentait lui-même comme « l’orateur du genre humain »,
soutint cette révolution aux côtés de Thomas Paine, sur des bases
internationalistes, avant d’être guillotiné. Cependant, loin de
signifier un retour aux principes de la révolution bourgeoise de
1789, le mot d’ordre de la République universelle, lancé par les
communards, marque leur rupture avec son héritage, en faveur d’un
véritable internationalisme des travailleurs ».4
L'exagération
du rôle des acteurs ou politiques d'origine juive, d'un côté comme
de l'autre, sert toujours à travestir ou à minimiser la lutte des
classes. J'ai fait récemment un éloge tiède d'un auteur, Jean
Birnbaum (dont le père est un érudit sur la question juive en
France avant guerre) pour son ouvrage : « Un silence
religieux, la gauche face au djihadisme », qui souligne en
effet bien des hypocrisies concernant le traitement de l'islam.
J'ai
porté un regard plus que critique sur son analyse et interprétation
de l'extrême gauche (mao et trotsko) dans la vie politique en
France. D'abord parce qu'il attribue lui aussi une place
disproportionnée au rôle et à l'influence d'une certaine
intelligentsia juive, ensuite par qu'il accompagne d'un œil
bienveillant de « braves utopistes » pour mieux les
ridiculiser ; or, les leaders étudiants juifs ou pas, c'est
bagatelle et accessoire journalistique comparé aux enjeux de la
lutte des classes.
Comparer
l'étudiant « juif allemand » Cohn-Bendit à 10 millions
de grévistes c'est comme comparer David et Goliath5.
Mais David Cohn-Bendit a triomphé de Goliath Prolétariat, me
direz-vous. Au premier les honneurs de la reconnaissance médiatique
écologique et universitaire (alors qu'il avait conchié avec
jubilation une université franchoise coincée sexuellement), au
second le mépris universel contre une classe qui se serait dégonflée
face à sa « mission historique » : virer l'atroce
capitalisme. Un judaïsme malgré lui, intégré et athée, aurait-il
triomphé dans le quotidien stressant d'une vie morose d'un
internationalisme imaginaire de cette masse mondiale immense des
anonymes exploités, humiliés et offensés ?
Un
épisode fugace de l'an 68 : des étudiants maoïstes
nationalistes juifs ?
Le
petit livre de Birnbaum Jr sur les maoïstes français – Les
maoccidents6
ne craint pas l'hyperbole désopilante (« le maoïsme a été
la grande nouveauté politique de Mai 68 ») mais contient des
pépites dont le mouvement maximaliste se gausse encore :
- « Comme Milner, la plupart des jeunes maos qui s'apprêtent à fonder la Gauche prolétarienne, à l'automne, ont loupé le coche de Mai (…) « En tant que marxistes (sic), nous saisissions mal ce qui arrivait, confirmait Guy Lardreau. Car le mouvement de Mai n'est pas né parmi les ouvriers, et ce n'est pas non plus d'eux qu'est venu le meilleur, ce qu'il avait de plus inventif... ».
Non
seulement ces maos et une de leurs multiples philosophettes réac
Lardreau n'ont rien vu, mais ils n'y ont toujours rien compris.
Disons-le tout franc, mais pas français, on se fiche du tumulte
étudiant rétroactivement, ce qui est majeur c'est : le
mouvement de grève qui se déclenche contre l'autoritarisme
arbitraire de l'Etat et l'apparition et affirmation de cette grève
massive qui fait que la véritable vedette n'est plus Cohn-Bendit ou
les beaux parleurs juvéniles et immatures des groupuscules mais
cette classe ouvrière dont tout le monde tout à coup s'arroge de
l'invoquer ou de la représenter7.
Les
« chinois de la rue d'Ulm » garderont « un rapport
détraqué au réel » ((p.40). Ces étudiants bourgeois sont
aussi bêtes que leurs doublures Jean-Pierre Léaud et Anne Wiasemski
dans le film comique de JL Godard8 ;
et une forme de pensée monacale débile : « Même si on
la comprend pas, il faut appliquer la pensée de Mao » (p.43) ;
les maos considéraient en effet le petit livre rouge comme un
nouveau coran !
Alors
que les étudiants dirigeants de « la Cause du peuple »
sont surtout d'origine juive (Benny Levy entre autres), ils recyclent
le vieil imaginaire antisémite : « … pour confondre
dans un même opprobe les « occupants sionistes »,
bourreaux des palestiniens, et les « banquiers » juifs,
exploiteurs du prolétariat français. Ainsi, en rendant compte d'une
action militante contre la « demeure insolente » d'Elie
de Rothschild, La Cause du Peuple du 31 octobre 1969 fustige le
financier à la fois comme « trésorier d'Israël » et
comme « oppresseur du peuple français », avant de
préciser : « Les manifestants lapident l'édifice aux
cris de « Palestine vaincra ! Rothschild crèvera ! ».
(p.61)
Un
nationalisme peut en cacher un autre. Comme les maos ne pouvaient, du
fait de leur excentricité délirante approcher les ouvriers français
en général, ils se rabattirent sur les ouvriers immigrés, lesquels
étant bourrés de rivalités nationales, pouvaient être unifiés
non du point de vue de classe mais du point de vue du nationalisme
palestinien. Birnbaum,encore bébé, n'a pas connu le cirque de la « lutte des
Sonacotra » - surtout tribune pour discoureurs estudiantins où
les premiers concernés, les locataires des "foyers colonisés" furent finalement abandonnés à leur sort
sans une once d'unité « français-immigrés » ; il
apporte cependant le témoignage du petit activiste Geismar, bientôt recyclé fan de Mitterrand, qui lui confie que les « comités
Palestine » étaient « bourrés de militants juifs ».
La Gauche Prolétarienne (GP) avec sa prose ultra-violente ne fût pas maso au point d'être
prédisposée à finir comme les petits terroristes de la bande
Baader, mais mais ces grands délirants devant saint Althusser préférèrent un avenir de professeurs d'université
moins risqué et des postes d'honorables membres de partis bourgeois.
Leur grand manitou, Benny Levy, qui avait fait Normale Sup et appris
par cœur des tas de citations grecques, s'ingéniait à ingurgiter une culture de "beauf" : « … avant
d'aller haranguer les ouvriers de Renault-Billancourt, (il) potassait
L'Equipe, de façon à connaître les résultats du foot sur le bout
des doigts. A tout instant, il fallait servir le peuple » ;
le gugusse a ensuite jeté le petit livre rouge de Mao pour lire les
rouleaux de la Torah et manger casher car : « s'il mangeait
casher, c'était parce qu'on ne pouvait pas comprendre la Bible sans
vivre comme ceux qui l'ont écrite »9.
Sorti
de la ridicule description de la gestuelle maoïste, Birnbaum retombe
dans son errance sur la question juive, déplorant à l'unisson de
Finkielkraut, qu'on reproche, en particulier aux défroqués du
maoïsme athée de « retomber dans un nationalisme de la terre
et du sang ». Mais les dernières pages de ce court ouvrage
centré sur nos maos occidentaux (tigres de papier et de la rue
d'Ulm) sont intéressantes :
- « les pères fondateurs du néoconservatisme ont fait leurs classes à l'école du gauchisme » ;
- « le maoccident appartient à la petite bourgeoisie intellectuelle de langue française » ;
- « Maoccident, la petite bourgeoisie est au départ et à l'arrivée : il en vient, il y retourne (…) il a conclu que le prolétariat n'était porteur de rien, sauf de ses chaînes » ;
- « Dans leurs discours, la Chine n'a jamais été qu'un prétexte : ces « gardes rouges » se moquaient bien de ce qui se passait à Pékin, ils n'avaient aucun lien avec une quelconque Internationale ».
Et
enfin, vous avez dit sublime :
« Si
le gauchisme lacano-normalien peut maintenant accoucher d'un
néoconservatisme cocardier, c'est parce que le maoïsme occidental
n'a jamais été qu'une fièvre française, un nationalisme
intégral »10.
LE
TROTSKYSME FRANCAIS : un concentré de petits bourgeois juifs ?
Lorsqu'il
veut développer une étude du même type que la précédente, mais
plus fouillée sur le trotskisme qui a une autre histoire et une
autre importance que le petit prurit chinois, Birnbaum Junior tombe
dans la complaisance pour la mue bourgeoise du trotskisme moderne.
D'abord. Il part d'un point de vue opposé au mien lorsque j'ai écrit
« les troskiens », il suppose que la génération de
l'après-guerre mondiale était sincère. Pourquoi pas s'il remontait
avant guerre, et avant que le trotskisme ne devienne qu'une roue de
secours du stalinisme. Moi je ne traitais que de la période post-68
jusqu'au décès du « trotskisme armé » des années 1980
au début des années 2000.
Ensuite,
la complaisance frôle le communautarisme historicisant pour des
entretiens radiophoniques sur la radio d'Etat, où il caresse la
plupart des chefaillons des trois grandes familles trotskiennes dans
le sens du poil... juif. Il insiste à plusieurs reprises, comme il
l'a fait pour le maoïsme, sur le fait que la plupart des
« dirigeants » de ces groupes trotskistes étaient juifs
d'origine. Hitler et Céline auraient-il eu raison ? Ce sont les
intellectuels et petits chefs juifs qui auraient été les fouteurs
de merde dans toute l'histoire ? Et pas les coiffeurs ?
Le
questionnement sur le nombre de juifs dans telle ou telle catégorie
sociale ou politique apparaît toujours comme une étrangeté et pour
tout dire circulaire ; même lorsque c'est un plumitif israélien
sans envergure tel Yaïr Auron, qui dans
un livre intitulé « Les Juifs d’extrême gauche en mai
1968 », publié pour le trentième anniversaire des
« événements », croyait faire une révélation
éblouissante : « Sur les “quatre grands” de mai 68, Daniel
Cohn-Bendit, Alain Krivine, Alain Geismar, Jacques Sauvageot, les
trois premiers sont juifs ». Et mon cinquième était De Gaulle
ou le prolétariat ? Ce brouet décomptant des juifs partout
dans chaque groupe gauchiste finissait par être lassant et
n'apportait pas plus que le traditionnel refrain creux d'extrême
droite « ils sont partout »11.
On verra au bout de cet article où aboutit cet Birnbaum junior par son déni
d'un universalisme prolétarien et communiste, au profit d'une
prééminence d'un soit disant universalisme juif.
Complaisance et analyse superficielle de la mutation du trotskysme moderne
Bien
qu'avec son langage de petit littérateur radiophonique, Birnbaum Jr
sait faire la différence entre la comète troupière dérisoire du
maoïsme hexagonal et le trotskisme d'une autre valeur historique,
issu de l'expérience du prolétariat révolutionnaire en Russie et
toujours en référence, bien qu'avec une nette dégringolade
théorique, à la classe ouvrière :
« Né
quelque part (sic) au milieu des années 1920 et encore vivace de nos
jours, ce courant s'est voué à la préservation d'une sacro-sainte
continuité, au passage du flambeau, coûte que coûte, et en cela il
excède amplement la geste soixante-huitarde » (p.17).
Courant
2002, cet auteur, employé par France Culture a entrepris un tour de
France du trotskisme12.
Cette enquête fût une véritable mystification puisqu'elle laissa
entendre que les seuls héritiers véritables, certes critiques du
stalinisme, certes doux rêveurs, n'étaient que les seuls à pouvoir
prétendre être les « passeurs » de la révolution
russe. C'est une manière de faire assez proche des méthodes
staliniennes de gommage de l'histoire réelle du mouvement
révolutionnaire. Avec en plus une propension à valoriser « les
pères fondateurs des trois principales organisations trotkystes en
France ».
Cette
« espérance révolutionnaire au fil des générations »
réduit ladite espérance aux seules sectes trotskystes modernes qui
n'ont d'ailleurs plus rien à voir avec le trotskysme d'avant-guerre,
et qui sont devenues toutes des croupions de la gauche stalinienne,
quand dans leur fonctionnement elles n'ont cessé de singer celui du
PCF : comité central, comités clandestins, décisions
collégiales opaques, recrutements démagogiques, etc. Mais surtout
avec quasiment le même programme stalinien de prise de pouvoir par
leur parti, accouplé à des solutions nationales poussiéreuses
comme les nationalisations et un pouvoir plus étendu des syndicats
gouvernementaux. La première partie est organisée autour des
poncifs éculés des trois grandes sectes française : le
tiers-mondisme de la LCR, l'ouvriérisme et l'aspect monacal de LO13,
et l'obscur bureaucratisme des profs aux crânes ras de la secte
lambertiste, traité à part avec autant de complaisance que les deux
autres sectes. Le tout sans méthode chronologique ni références
solides à la multiplicité du courant révolutionnaire international
qui a survécu au rouleau compresseur stalinien, à l'hitlérisme et
à l'antifascisme totalitaire. On va et on vient entre 1930 et 1968
ou 1975 sans souci de cohérence ni analyse des facéties politiques
anti-marxistes ou du caméléonisme de ces sectes qui n'ont jamais
joué un premier rôle politique ni pour la classe ouvrière, ni pour
la bourgeoisie. Et si ce n'était 68 qui avait gonflé provisoirement
leurs effectifs on n'en aurait pas plus entendu parler que des
débats existentialistes et des coucheries à Saint Germain des Prés.
Ils ne sont d'ailleurs resté trente ans après 1968 que le cadet des
soucis de la bourgeoisie, cinquième roue du carrosse syndical
bancal, et enfin pneu crevé de toutes leurs promesses d'insurrection
« rouge » et d'une prise de pouvoir par leur parti, le
seul à interdire aux barbus de se raser, même gratis.
Tous
les maîtres à penser du trostkisme dégénéré, les Lambert,
Hardy, Mandel et Cie sont tous l'objet d'un culte de la personnalité
au petit pied, et surtout Birnbaum ne rate jamais l'occasion de nous
rappeler leur itinéraire de juifs parvenus en France, comme on le
verra.
Après
le remplissage de la moitié du livre par la description
sympathisante des engagements, des périples des uns et des autres,
surtout des vedettes des comités centraux, il faut dépasser cette
première partie pour découvrir le curieux fonctionnement stalinien,
disons néo-stalinien de ces toutes petites sectes dès
l'après-guerre, où l'agitation propagandiste a remplacé la
vigilance théorique (en effet le trotskisme est mort comme courant
révolutionnaire depuis son soutien à l'impérialisme russe et ne
peut plus que radoter les critères d'encadrement des ouvriers par
les organismes staliniens type syndicats, partis et municipalités) :
« Survivre,
agir est devenu un leit-motiv d'ordre mystique où l'action tient
lieu de pensée, voire refoule les inquiétudes ». Bien plus,
il (Raoul, un des bras droits de Lambert) souligne l'atmosphère de
caporalisme qui obscurcit les perspectives de son courant. Exactement
comme au parti communiste, par exemple, le réflexe premier consiste
à disqualifier toute divergence au moyen d'étiquettes
stigmatisantes. Au premier rang desquelles le label
« petit-bourgeois » et ses corollaires
(« intellectualisme », « opportunisme »,
« défaitisme »...), couramment utilisés chez les
trotskystes aussi, pour faire taire la moindre contestation interne.
Ironisant à propos de cette « guerre sainte » contre la
petite bourgeoisie, qui n'est jamais qu'une « création de
petits-bourgeois », Raoul pourfend la rhétorique de la
suspicion qui fait « de l'école du militant une farce du type
stalinien » Ces mots sont écrits en 1954 »14.
Or
ce que Birnbaum n'est pas capable d'analyser c'est la double nature,
non pas politique (le trotskisme est désormais d'essence bourgeoise,
mélange plutôt pathologique de démocratisme parlementaire et de
cuistrerie syndicale nationale) un type pervers d'activiste, ambigu
dans son rapport à la « discipline de parti » ;
comme j'ai pu le constater chez les militants de diverses
organisations – quelles que soient leur origine nationale ou
ethnique - même non trotskistes, une haine de l'appareil existe en
permanence derrière un discours passionnel d'appel à la rigueur
théorique, à l'esprit « collectif qui fait la force de
l'organisation », exactement comme le prosélyte islamiste
extrêmement sévère pour l'obéissance aux lois de l'islam d'autant
qu'il n'y croit pas du tout, et, en étant autoritaire, croit pouvoir
limiter ses propres doutes. La psychologie SM des différentes
catégories de militants politiques ou religieux reste encore un
terrain immense à déchiffrer pour des psychologues hors sol15.
Le cas de la secte lambertiste sur les procès et exclusions de
militants est un domaine où il a été possible de recueillir le
plus d'infos sur les méthodes policières internes aux sectes
trotskystes, chez la LCR et LO, c'est certes moins caricatural, les
infos sont plus rares, mais c'est de la même eau sale.
Le
caméléonisme bourgeois des trois branches trotskystes est assez
facile à décrypter, et déstabilisant pour l'observateur extérieur
peu instruit aux arcanes de ces cuistres : le courant
lambertiste qui se prétend orthodoxe du marxisme est un mélange
schizophrénique de méthodes staliniennes brutales dans la rue et de
collusion sociale-démocrate totale avec l'occident libéral (ils se
vantent d'avoir contribué avec la CIA à l'effondrement du bloc de
l'Est), le courant bariolé et girouette de toutes les modes
tiers-mondiste (LCR devenue NPA) a pu exalter toutes les luttes
armées des bandes nationalistes du tiers-monde tout en appelant à
voter sagement aux élections pour le parti stalinien français ou
pour le parti socialiste, enfin le clan LO-Laguiller, tout en prônant
une unité de tous ces faux derches a pris l'habitude de faire de la
figuration aux élections truquées de la bourgeoisie tout en passant
des accords secrets avec le parti gouvernemental « socialiste »
pour gagner quelques sièges municipaux.
Un
supposé déni de l'universalisme juif et une curieuse négation du
défaitisme révolutionnaire
Un
article de Noémie Grynberg avait fait sensation en son temps,
théorisant une spécificité révolutionnaire du juif, s'appuyant
sur certains auteurs, comme un certain
Joseph Atoun qui concluait : « ... dans une interview
publiée dans Regards n° 207 :
‘’L’âme juive a une conscience très aiguë de la
responsabilité qui lui incombe de faire réussir l’histoire de
l’humanité. [...] Le Juif a toujours voulu réussir
l’histoire, non pour lui mais pour les autres. Il pensait être le
ferment révolutionnaire au sein des sociétés non juives dans
lesquelles il a été diasporisé. C’est le point positif de tous
ces Juifs qui ont mené les combats révolutionnaires. [...]
La notion la plus importante qui traverse tout combat
révolutionnaire, c’est la notion de messianisme, c’est-à-dire
qu’il y a un sens à l’histoire et que ce sens est un progrès.
Le messianisme qui traverse l’histoire d’Israël depuis son
début, c’est une sorte de ferment révolutionnaire. [...]
La
kippa, c’est la révolution permanente du Juif [...]
Il n’y a pas d’autre moyen de réussir la révolution qu’avec
la kippa » 16.
Comme
nous l'a rappelé Kristin Ross il n'y a pas d'internationalisme juif,
c'est d'ailleurs un non- sens dans l'histoire moderne des nations,
même si toutes les religions se réclament peu ou prou d'un monde
uni, bienheureux et sans barrière depuis que la terre est ronde. Que
le peuple juif ait été un grand peuple voyageur nul ne le conteste
mais sans volonté de prosélytisme affiché comme les autres
religions et sans volonté de transformer le monde. Il n'est pas et
n'a pas pu être un projet politique comme le projet communiste de
révolutionner le monde capitaliste moderne. Par conséquent tout ce
qui assimile la religion juive ou la condition du juif à un projet
révolutionnaire est forcément soit un menteur, soit un adepte de la
théorie nazie. D'ailleurs, comme l'a constaté l'ancien maoïste
Finkielkraut, rallié au patriotisme français, si les juifs en
général sont haïs désormais c'est parce qu'ils se sont dotés (ou
ont été dotés par l'impérialisme) d'une patrie ; ajoutons
qu'il n'y a pas plus anti-communiste que le communautarisme juif. Les
pires intégristes religieux juifs ne se cachent-ils point d'un
racisme à gerber ?
Arrêtons-nous
un instant sur la destinée et mutation verbale d'une célèbre
affiche de mai 68, que vous pouvez revoir ci-contre, où l'on
reconnaît le jeune Cohn-Bendit hilare et culotté face à un CRS ;
l'affiche porte en sous-titre : « Nous sommes tous des
juifs et des allemands »17.
Dans les lycées, nous étions tous admiratifs de « Dany le
Rouge », notre aîné, qui avait aussi usé ses fonds de
culotte au lycée Buffon18,
et nous fûmes choqués et par sa dénonciation par Marchais et par
son expulsion en Allemagne. Mais dans la rue le sous-titre devint :
« Nous sommes tous des juifs allemands »19,
beaucoup plus significatif que le titre de l'affiche, mais aussi plus
« anti-fasciste » (comme le slogan CRS=SS), donc plus
pervers, plus en lien avec 39-45 qu'avec la réalité sociale, les
CRS n'étaient pas plus SS que Marchais n'était antisémite. On voit
que l'anti-fascisme, comme théorie frelatée et inactuelle servit en
plein mai de brouillage politique simpliste pour éviter à la
jeunesse de penser réellement le politique. Le slogan est devenu
avec le temps le gimmick de toutes les démagogies rassembleuses
jusqu'au fameux et douteux « je suis Charlie ».
Le
3 mai, le sous-secrétaire du PCF cacochyme, Georges Marchais, avait
commis l'erreur grossière (qui lui sera reprochée en catimini par
les autres caciques du CC) de dénoncer dans l’Humanité :
"ces groupuscules dirigés par l’anarchiste allemand
Cohn-Bendit". Aussitôt, en signe de solidarité avec
Cohn-Bendit, nous lycéens et étudiants avions scandé dans les rues
de Paris: "Nous sommes tous des juifs allemands", plus
frappant et ironique, mais plus antifa dissolvant que l'affiche. Plus
tard, bien récupéré par la société bourgeoise et flatté comme
pitre parlementaire, Cohn-Bendit dira que Georges Marchais « était
une ordure » : « qui m’avait traité d’anarchiste
allemand faisait jouer la phobie antiboche : les étudiants à
Nanterre ont crié ce qu’il n’avait pas osé dire : « juif
allemand ». Le Cohn-Bendit assis désormais dans le sérail de
la bourgeoisie est à son tour une ordure en nous jouant de la lyre
anti-fasciste désuète, déjà en 68, et en prétendant que Marchais
était antisémite20;
ce qui est un mensonge (Marchais jouait surtout sur l'espoir que la
fibre patriotique de 45 pouvait encore... marcher), le PCF ayant
toujours compté dans ses rangs nombre d'intellectuels juifs de
Ellenstein à Krasucki, lui vraiment ancien résistant contrairement
à son chef STO... même si le PCF a toujours été à géométrie
variable sur la question de l'immigration21.
On criait toujours aussi bêtement « Le fascisme ne passera
pas » dans toutes les manifs gauchistes et syndicales dix ans
et vingt ans après mai 68... Quand le fascisme était un lointain
passé.
Dans
son dernier chapitre - « Sois juif et tais-toi ! » -
Birnbaum révèle un projet plus trouble de s'aligner sur les
réactionnaires Aron et Furet qu'il saluait au début de son ouvrage,
et qui, comme on va le voir, s'attaque à dissoudre toute alternative
révolutionnaire dans la guerre mondiale, au nom du chantage à
l'antifascisme, car on ne la jamais assez souligné, cette idéologie
n'est pas une simple conviction « de gauche » ou un vague
cri de ralliement à un barrage éternel à tout régime dictatorial,
mais un chantage politique selon lequel il faut choisir de toute
façon, sans barguiner, un camp contre un autre.
Il
part à la recherche des militants juifs qui n'ont pas été « assez
antifascistes », ou qui, dans leur aveuglement trotskiste
internationaliste ne voulaient pas croire aux « bobards »
sur les chambres à gaz. Il passe rapidement sur le fait que la
plupart des gens ne pouvaient pas être au courant de toute la
barbarie des nazis. On ne savait pas et on ne pouvait pas savoir
l'aboutissement de toutes les déportations entre celles pour le
travail obligatoire et celles dites politiques ou raciales.
Birnbaum
rend visite à tous les anciens qui ont renoncé depuis longtemps à
la militance politique révolutionnaire. Il frappe à la porte du
mathématicien Laurent Schwartz, qui n'est pas aussi bon penseur
politique que mathématicien, qui considère avoir « raté sa
résistance », regrette que son groupe trotskiste clandestin
n'ait pas jugé utile de s'allier avec l'impérialisme
anglo-américain contre le nazisme : « A l'époque, on
n'était pas crédible, le défaitisme révolutionnaire était une
absurdité. Collaborer à la défaite de notre propre impérialisme,
dans le cas du nazisme, c'était impensable (…) Le défaitisme
révolutionnaire était inacceptable, mais il faisait partie de la
doctrine et, des heures durant,je me disputais avec moi-même :
je suis presque devenu schizophrène » (p. 312).
C'est
ce que Birnbaum fils résume en le taxant de « mutisme
juif » !? Et il ajoute : « Curieuse
insouciance. Et aveuglement d'autant plus étonnant que l'homme dont
se réclament tous les militants trotskistes, Lev David Bronstein
(sic!), fut non seulement l'un des meilleurs analystes du phénomène
nazi, mais encore l'une des rares figures de l'époque à avoir
annoncé solennellement, avant même de déclenchement de la guerre,
la prochaine destruction des juifs d'Europe »22.
Même
handicapés par leur soutien (de moins en moins critique) à la
Russie impérialiste, des trotskystes juifs évidemment dénonce la
répression des juifs au camp de Drancy au même titre que toutes les
victimes prolétaires de la guerre ; mais aussitôt, le fan des
historiens réactionnaires et de leurs amis nationalistes israéliens,
se mue en procureur du défaitisme « collabo »
« Ainsi,
loin de la clairvoyance d'un Trotski, les oeillères d'une certaine
vulgate marxisante ont interdit à ses héritiers de discerner ce que
le délire antisémite comporte de spécifique. Délire meurtrier qui
fauche sans distinction prolétaires et bourgeois, et dont la
principale caractéristique est précisément de déjouer toute
rationalité capitaliste, puisqu'il préfère l'extermination
fanatique du juif en tant que juif à l'exploitation cynique de
l'homme par l'homme ».
Et
de nous citer le grand penseur du malaise français, passé du
maoïsme national à l'institution pour la préservation de
l'orthographe, l'académicien Finkilekraut, grand pourfendeur devant
l'Eternel d'un marxisme « collabo » : « Socialisme
ou barbarie », cette fameuse alternative exclut du possible une
barbarie planifiée dont le prolétariat ne soit pas la victime. Que
dire d'un régime bourgeois s'acharnant sur un groupe ethnique qui ne
le menace pas, avec plus de férocité que sur son ennemi naturel ?
Très précisément : rien ».
On
est enfin dans … l'avenir d'une négation du marxisme et du
défaitisme révolutionnaire, par le radotage d'une validité de la
guerre capitaliste, indiscutable... du côté des impérialismes
occidentaux. Birnbaum essaie de relativiser « l'inconscience »
des trotskistes via le témoignage de Jean-René Chauvin : « …
Ce n'est qu'en 1943 qu'il y a un article sur Auschwitz. Il n'était
pas dit qu'il y avait des chambres à gaz, mais simplement qu'il y
avait un robinet pour cent personnes, ou quelque chose comme ça.
C'était atroce n'est-ce pas, mais l'information qui avait déjà été
véhiculée, était tellement incroyable que les copains n'y ont pas
cru. Et parmi les militants trotskistes , il faut dire qu'il y
avait une forte proportion de camarades d'origine juive. Tous athées.
Je pourrais en citer presque des dizaines. Mais pendant l'Occupation,
La Vérité n'a pas cru qu'il y avait cette hécatombe de juifs dans
les provinces de l'Est... ».
Où
le stalinisme décomposé s'est recyclé en faveur de l'histoire
officielle pour détruire le passé d'un trotskysme vraiment
révolutionnaire...
Même
mort, le stalinisme sert encore l'idéologie bourgeoise. Ayant chanté
la gloire de l'historien récationnaire Furet, ancien stalinien
lui-même, Birnbaum pouvait compter sur l'ancienne chefaillonne
hystérique du PCF, reconvertie historienne et éditorialiste au
Figaro, Annie Kriegel qui en profite pour régler ses comptes avec
une ancienne opposition révolutionnaire au stalinisme qui ne se
privait pas de dénoncer son cynisme lorsqu'elle était permanente du
PCF : « (les trotskystes) ont noyé la tragédie juive
dans l'océan des tragédies engendrées par le nazisme »,
imaginant avec une profonde malhonnêteté une « technique du
silence, de la censure imposée sur tout ce qui mettait en évidence
et le caractère absolument exceptionnel, hors du commun, sans
équivalent, de l'Holocauste, de son existence même » 23.
Mais
Birnbaum junior veut aller plus loin dans l'ignominie. Comme
l'accusation de négation du génocide juif par les minorités
révolutionnaires pendant la guerre risque de ne pas passer face à
quiconque dispose des éléments de compréhension du black-out nazi,
il va s'efforce d'accuser les militants d'origine juive de déni
d'être juif. C'est le fond de la perversion du nationalisme juif
moderne, ignoble et contre-révolutionnaire, qui s'étale en arguties
psychologiques de bistrot :
« Posons
l'hypothèse : la réticence des trotskistes à regarder en face
l'événement Shoah ne provient pas d'on ne sait quelle tentation
antisémite. Pour saisir leur impuissance à prendre en compte la
singularité du génocide, il ne suffit pas non plus d'invoquer la
pauvreté d'un marxisme caricatural, qui envisagerait toute réalité
à travers le prisme unique de la lutte entre prolétaires et
bourgeois. Ni même d'incriminer les réflexes routiniers de
militants qui plaquent les schémas de la Première Guerre mondiale
sur le nouveau conflit, et qui tentent comme ils peuvent de
reproduire les gestes passés de leurs maîtres en internationalisme.
Le clef de ce grand mutisme collectif réside peut-être ailleurs, et
elle peut sembler paradoxale : c'est la présence même de
nombreux juifs dans les rangs des révolutionnaires. Lesquels,
justement, auront passé leur vie entière à refuser de « tirer
la couverture » à eux ». Birnbaum qualifie donc des
trotskystes juifs de « schizophrènes », quand ses pères
en politique les dénonçaient comme « hitléro-trotskystes »24 !
Il
faut donc ensuite s'attaquer à celui qui était le plus proche du
vrai défaitisme révolutionnaire, contrairement aux autres
trotskystes qui ont fini dans la Résistance nationale, Barta, le
père putatif de LO. Et pour couler rapidement Barta, Birnbaum fils
ressort une brochure de propagande déguisée. Le tout petit cercle
de Barta avait utilisé un subterfuge léniniste25,
publié un texte intitulé « Socialisme ou barbarie ? »
sous le sigle du Rassemblement national populaire, avec le nom du
nazi Marcel Déat en gros sur la couverture. Un détournement
situationniste avant l'heure en quelque sorte, et pas du meilleur
goût certes26.
L'argumentation
de Barta (page 319 et suivantes) n'est absolument pas critiquable du
point de vue maximaliste révolutionnaire, il dénonce et la barbarie
du capitalisme et les divers camps bourgeois en lice. Comment faire ?
Alors Birnbaum Jr va alors s'attaquer à la judéité de Barta :
« Car il se trouve (sic) que Barta, David Korner de son vrai
nom, est né juif. A Buhusi, en Roumanie » ; et sa
compagne il se trouve qu'elle est juive aussi : « sa
compagne Claire Faget, dite Louise, de son vrai nom Claire
Pfeigenhaum, juive elle aussi ». Voici donc Barta qualifié de
« mutisme héroïque quant au sort des juifs ». Pire, le
successeur t chef historique de LO, Robert Barcia, alias Hardy,
défend les positions de Barta, ce qui hérisse Birnbaum fils :
« Le propos mérite d'être relevé. Ces lignes sont écrites
en 2003, et elles maintiennent l'absolue équivalence des politiques
menées par les nazis et par les Alliés : ce que les premiers
ont fait en Pologne, les seconds l'ont réalisé dans leurs colonies.
Partout la barbarie capitaliste montre un même visage hideux.
Rigoureusement faux d'un point de vue historique (quel peuple les
armées anglo-saxonnes ont-elles voulu rayer de la carte ?
Comment s'appelle l'Auschwitz américain?), cet argument fait partie
des prémisses ordinaires de toute rhétorique visant à relativiser
la singularité de la Shoah » 27.
Après
cette rhétorique aussi stalinienne qu'hitlérienne dans le mensonge
et l'amalgame, il faut ridiculiser le sacrifice des Mathieu Bucholz
et Abraham Léon, assassinés par les nazis et dénonciateurs sans
faille de tous les camps impérialistes. Sans honte s'étale alors la
dénonciation de l'internationalisme prolétarien au profit du
nationalisme juif le plus crasse :
« IL
faut conclure. L'internationalisme prolétarien rendait ces militants
solidaires des opprimés du monde entier, mais leur capacité
d'indignation comportait un point aveugle : elle ignorait ces
millions de femmes et d'hommes qui avaient été ciblés et anéantis
en vertu d'un patronyme qu'ils n'avaient pas choisi t qui les
inscrivait, qu'ils le veuillent ou non (sic!) dans la difficile
tradition d'Israël. Celle-là même que Hitler voulait anéantir, au
point d'en faire finalement une priorité absolue, avant tout autre
objectif militaire ou économique. Or, les Korner, les Ffeigenbaum,
les Bucholz n'en ont jamais dit mot » 28.
Pour
corroborer un peu plus son invention de la « schizophrénie »
des trotskystes juifs, Birnbaum fils va chercher une certaine
Jeannette Habel qui lui tend le bâton merdeux où Mandel
culpabilisant lui aurait déclaré : « Il y a cet aspect –
la peur de ces dirigeants de sombrer dans quelque chose
d'identitaire, qui remettrait en cause leur appartenance
internationaliste »29.
Subtilité
nationaliste juive oblige, malgré tout, malgré lui, malgré ses
positions internationalistes, Mandel était resté au fond de lui un
« résistant »... juif : « Car, c'est bien
connu : la gloire du résistant consiste à ne pas parler. Et
celle du révolutionnaire juif, à ne pas en parler. De ce point de
vue, Mandel apparaît comme un maquisard hors pair, en effet. Jusqu'à
sa mort, il aura serré les dents, ne lâchant quasiment pas un
mot ». En effet, s'il avait parlé il aurait probablement voté
pour Ariel Sharon ! Ce genre de raisonnement de petit plumitif
d'un journal bourgeois peut s'appliquer à n'importe quel défunt
pour lui faire dire le contraire de ce qui a été la détermination
de sa vie et de son combat. Comme les rabbins qui s'arrogent de
représenter tous les juifs, surtout les athées « malgré
eux ».
Mais
comme il ne faudrait pas que le désormais muet Mandel ne serve à
cautionner la prise en compte de la victimologie juive par un
trotskisme d'antan encore révolutionnaire, on va se servir de leur
langage radical (de façade) pour dénoncer leur minimisation du
massacre des juifs :
« Avant
la Shoah, nous y avons insisté, très rares furent les militants
révolutionnaires qui saisirent le caractère inédit d'une telle
chasse à l'homme (…) toute l'argumentation des trotskistes, les
rares fois où ils aborderons la question, tendra-t-elle à faire du
génocide juif « l'expression ultime des tendances
destructrices présentes dans la société bourgeoise ».
Non
seulement je suis intégralement d'accord mais en profondeur avec
cette remarque marxiste, appropriée et incontestable sauf par des
transfuges rétribués par les médias bourgeois, mais encore plus
avec le militant « juif » de Lutte Ouvrière, Roland
Szpirko, que Birnbaium va tenter de démolir :
« …
il y a des gens qui redécouvrent sur le tard leur origine, pour se
pencher avec beaucoup de complaisance sur leur nombril. Il y a des
gens qui perdent le fil, qui se dient « mais j'étais juif
d'abord ». Non, on est d'abord des prolétaires qui se sentent
solidaires des exploités à travers le monde, et non pas qui
pleurent sur un sort particulier ».
Voilà
à nouveau notre petit Birnbaum fils choqué :
« Pour
un membre dirigeant de Lutte ouvrière, le ton adopté est assez
insolite. Même entouré de réserves, en effet, et barricadé
derrière les dénégations, son discours ne laisse-t-il pas autre
chose s'installer ? Ne discerne-t-on pas une voix autre, donc
forcément menaçante, près de percer ? A dire « papa »,
à dire « je », à dire « juif », surtout, on
risque toujours un faux pas... Et le marxiste juif qui consacre toute
une vie à rompre avec son identité peut se trouver brutalement
confronté à « l'épouvantable perspective de parler pour
lui-même »... Au bout du compte, toutefois, la parole de
Szpirko était parvenue à sauver l'essentiel : la permanence
d'un déni, sans cesse reconduit de père en fils ».
On
a affaire clairement à une théorie du « genre juif »
intrinsèque30,
typiquement bourgeoise totalitaire, interdisant non seulement la
liberté de penser mais en plus la liberté d'orienter sa vie
consciente, politique et sociale, en se fichant de ses origines
familiales raciales, ethniques, religieuses. La théorie du déni de
Birnbaum est conforme au nationalisme juif, raciste et fasciste
finalement. C'est une insulte à la liberté de définir sa
personnalité et ses envies indépendamment de ses origines.
C'est
une soumission esclavagiste à l'oppression bourgeoise et religieuse
qui décrète qu'il est interdit d'échapper à son destin, celui-ci
ne relevant que des désiratas d'un dieu invisible. Birnbaum ne
supporte pas que le jeune Trotsky dénonce le « chauvinisme
juif » et pousse Lénine à se débarrasser du Bund (qui avait
été déterminant dans la formation du POSDR), parti des
travailleurs juifs présenté par Plekhanov comme « l'avant-garde
du prolétariat russe ». Or, n'en déplaise au chauvin juif
Birnbaum, le Bund était désormais un boulet, impropre à
représenter l'ensemble du prolétariat. Après avoir encore une fois
convoqué à la plaidoirie de la victimologie juive ignorée par les
trotskystes, l'ex-stalinienne hystérique Kriegel31,
Birnbaum Junior en conclut que ce rejet du Bund fût « le
refoulement inaugural » par « Trotsky, ce gourdin de
Lénine » qui a introduit des « conséquences
incalculables » en rejetant les prétentions autonomistes et le
chauvinisme du Bund ! Bravo de notre part au jeune Trotsky, à
Rosa Luxemburg et à Lénine d'avoir refusé d'ériger au niveau de
l'universel prolétarien la particularité juive !
Mais
Junior Birnbaum de ne nous lâche pas. Comme Goebbels, il suppose une
volonté maléfique cachée du bolchevique juif : « le nom
muet » ; comprenez si tous les révolutionnaires marxistes
juifs s'affublent d'un surnom du cru, ce n'est pas pour effacer
l'antisémitisme, c'est pour en jouer, et instiller « le joker
messianique » : « souvenez-vous de votre glorieuse
vocation. Elle s'appelle révolution » ; sans oublier le
« nom-massue », le vrai nom juif à rappeler aux juifs à
convertir au bolchevisme pour leur rappeler que « le
particularisme peut être dépassé » s'ils adhèrent...
POURQUOI
LE DEFAITISME REVOLUTIONNAIRE RESTAIT VALABLE MAIS AUSSI CADUQUE EN
39-45 ?
Remettons
à sa place notre falsificateur professionnel (employé par un des
journaux les plus pervers de la bourgeoisie Le Monde, faiseur
d'opinion pour les élites et les étudiants naïfs, et un des
organes obscurs de l'Etat bourgeois). L'accusation de collusion nazie
déjà ressassée au début de la manipulation médiatique
concernant une négation des chambres à gaz – le livre de
Finkielkraut en 1982 « L'avenir d'une négation » et un
article du monde par un auteur stalinien de roman policier – avait
tenté de détruire le mouvement maximaliste réapparu en 1968 – se
renouvelle en s'attaquant à une tactique marxiste un peu
poussiéreuse mais qui eu son heure de gloire théorisée par un
Lénine qui avait réfléchi à une leçon de la Commune de Paris: on
ne peut souhaiter que la défaite de sa propre bourgeoisie, laquelle
conduit quasiment à l'éruption de la révolution. Problème :
souhaiter la défaite de la bourgeoisie pétainiste était peu
crédible vu qu'elle n'était qu'un croupion de la bourgeoisie
allemande nazie, et que la majeure partie des travailleurs adultes
français était ficelée dans les camps de travail allemands. Le
travail en direction du soldat allemand (prolétaire sous l'uniforme)
fût un fiasco complet, qui se traduisit par nombre d'exécutions à
la hache ; mais nous respectons encore cette expérience
courageuse des militants révolutionnaires trotskystes. Les nazis
occupants étaient vraiment « graves » ; leur
massacre du juif bouc-émissaire facile du bolchevisme nous reste en
travers de la gorge comme un ignominie sans nom, comme la
collaboration lâche et servile des collabos à ce meurtre de masse.
Que fallait-il faire pour ceux qui pensaient qu'une classe sociale
embrigadée sous les uniformes ou déportée massivement, comme la
classe ouvrière française ? Sauver des juifs ? Oui
beaucoup s'y consacrèrent au péril de leur vie. S'engager dans les
armées anglaise et américaine pour faire tomber plus vite le
criminel Hitler ? Pas besoin et la question est esquivée par
Birnbaum Junior, sans en référer à Hiroshima : pourquoi les
Alliés n'ont pas mené une guerre « anti-raciste »,
pourquoi n'ont-ils rien fait contre les camps d'extermination alors
qu'ils « savaient » contrairement à l'immense majorité
des populations européennes ?
Le
recrutement militaire pour la guerre capitaliste que les prolétaires
avaient refusé, au souvenir des inutiles massacres de 14-18, dès
1940 par la débandade, est opéra dès 1943 entre l'étau du STO et
du chantage antifasciste : il faut se soumettre aux petits caïds
de la résistance bourgeoise ou voguer vers l'armada US pour éliminer
l'ennemi absolu, pire que le capitalisme, avant de prétendre
ressortir cette vieillerie du mouvement ouvrier : l'aspiration à
la révolution socialiste et communiste humaine !32
« Exceptionnel »
le massacre des juifs à l'ère du capitalisme ultra développé ?
Et celui des arméniens par l'Etat musulman turc ? Et celui du
Rwanda ? Et ceux de l'ex-Yougoslavie ? Et ceux de daech ?
Birnbaum Junior peut-il nous confirmer l'exceptionnalité ? Le
capitalisme s'invente toujours des salauds pire que lui ? Et si
le véritable salaud était le capitalisme ?
QUAND
L'INTELLECTUEL NATIONALISTE JUIF RAISONNE COMME HITLER...
Birnbaum
Jr entreprend enfin d'achever le « déni juif » de la LCR
où le théoricien Bensaïd « n'est que rarement sorti du code
de conduite défini par Trotski » (cet autre juif...), mais,
malgré tout et « assez tardivement », Bensaïd a tenté
de se racheter en s'intéressant « aux affinité entre judaïsme
et révolution . C'est le joker du messianisme sécularisé ».
En effet, la « mémoire de la Shoah » serait revenu
hanter ces trotskystes « juifs » pour renouer avec « une
vieille idée : celle liant prophétie et utopie, rédemption
religieuse et résistance sociale, (qui) fait du judaïsme l'autre
nom de la Révolution ». Concernant les dérives philosophiques
de Bensaïd, Birnbaum n'a pas tort pour le coup. D'une part la
LCR-NPA n'est plus qu'un croupion contestataire des partis de la
gauche bourgeoise, mais en effet, de même que ce magma de
trotskystes modernistes ont été des passoires à toutes les modes
tiers-mondistes, altermondialistes et antiracistes, mais d'autre
part, le vide théorique et le rejet de la vieille tradition
trotskyste révolutionnaire33,
permettent les élucubrations théoriques de Bensaïd : « D'où
l'engouement récent pour un penseur allemand comme Walter Benjamin,
dont le curieux matérialisme, moins dialectique que théologique,
permet de faire d'une pierre deux coups : d'un côté, on
reconnaît la réalité d'une « culture » juive ;
mais de l'autre, on joue la tentation « identitaire » en
rabattant d'emblée cette culture sur une pure promesse politique –
l'émancipation du genre humain. Dans ces conditions, le Talmud sera
envisagé comme un véritable « matériel explosif »,
pour paraphraser le même Benjamin, et on n'hésitera pas à
convoquer les rabbins de la Kabbale afin de réinventer un marxisme
moins dogmatique, plus mélancolique, paradoxalement rajeuni par
l'énergie d'un messianisme profane »34.
Au
fond pour Birnbaum junior, fidèle aux obsessions communautaires de
son papa, les trotskystes ont toujours été des nationalistes ou des
colonialistes qui s'ignoraient : « Un jusqu'auboutisme de
l'assimilation : voici la formule qui se propose (sic!) pour
délimiter chez les héritiers de Trotski, les raisons d'une
interminable aphasie. D'emblée, leur course à la révolution
n'avait été qu'une ruée vers la majuscule Humanité. Et si la
Shoah aurait pu sinon la briser, du moins la ralentir, elle ne fit en
réalité que la précipiter, transformant l'élan en fuite en avant,
et la passion du général en mutisme ardent. D'où la surenchère
dans le silence, l'empressement à taire tout ce qui pourrait
perturber la mécanique universaliste en sa grandiose harmonie. Tant
et si bien, que des origines à nos jours, le raisonnement est resté
à peu près le même. Il vise toujours à la dissolution de
l'identité juive, et il prend la forme d'une pétition de principe à
deux temps : on commence à nier ce que la rage antisémite a de
spécifique ; puis on disqualifie toutes les stratégies visant
à s'en protéger comme autant de dérives « particularistes »
et « chauvines ». Et on ne comprend rien aux enjeux
actuels... » (…) En ce lieu délaissé, ils auront préféré
transmettre, non un devoir de mémoire, mais une injonction d'extrême
oubli. Autour du nom juif, quant à sa tragédie, un désert de
mots ».
Plutôt
que de se centre sur l'origine juive des acteurs étudiants
secondaires de Mai 68, Birnbaum aurait mieux fait de se soucier de ce
qui venait d'ébranler la société dans son infrastructure et non
pas de se focaliser sur les « monômes » améliorés
estudiantins du printemps 6835 :
« Ce
qui se joue dans les profondeurs de la contestation ouvrière marque
aussi un ébranlement des normes instituées, de la hiérarchie à la
division du travail. Certes, ce mouvement qui couvre près d'une
décennie, est très divers, et les historiens discutent encore pour
savoir quel était la poids respectif des revendications salariales
classiques et de celles plus « qualitatives » (…) le
compromis fordien qui avait réglé les relations sociales depuis la
Libération, vole en éclats pendant les années 1968 » 36.
On
a envie de répondre à Birnbaum junior que c'est lui qui esquive les
causes du « désert des causes des millions de morts, juifs ou
pas ». Mais sa conclusion suffit à ce qu'il se tire lui-même
une balle dans le pied, c'est un banal nihiliste à la Nietzsche ou à
la Onfray. S'il prétend se démarquer du réac qui assure que
« c'est la soif de domination qui fait courir les gavroches »
et de cet autre, qui dénonçant le premier, n'étant lui-même qu'un
niais ou un réactionnaire, lui, Birnbaum junior, n'a pas de pensée
propre mais termine en citant le barbariste limité politiquement et
philosophiquement, Claude Lefort, selon qui « l'idéal de
prophylaxie sociale » hante « toutes les politiques de
l'absolu », et qu'il vaut mieux se contenter de rester sans
réponse. L'urgence de ne rien proposer après s'être efforcé de
démolir l'expérience, le combat et le sacrifice de milliers de
combattants pour le communisme, juifs ou pas, trotskystes ou pas,
c'est ce qui s'appelle un pensum de faux-cul.
NOTES
1Le
titre accrocheur de Birnbaum Junior est ridiculement communautariste
et concerne une intelligentsia de la rive gauche, ne pointe le projecteur de son éditeur bourge que
sur des « générations » de petits bourgeois et aucunement
une classe sociale objet de violences terribles, qui ne sauraient
faire oublier la violence contre les colonisés, mais qui est
marquante à Charonne et quand les principaux morts de 68 sont des
ouvriers, même peu nombreux, sans compter nombre d'estropiés
oubliés (je n'oublie pas le lycéen Gilles Tautin, d'autant que la plupart des lycéens de ces années d'illusion révolutionnaire immédiate, ont pour la plupart "finis" prolétaires. . Birnbaum est dans la lignée des crétins intellectuels
officiels à la Debray et Lipovetsky qui ont inventé un mai 68
« hédoniste de la société de consommation », parce
qu'ils n'y étaient pas ! Et que l'ex-fan de Guevara -du Ernesto ce petit Vichinsky bis chargé de zigouiller des centaines de cubains par le caïd nationaliste Castro,ex- prisonnier élargi de Bolivie - était considéré comme une fiotte par la classe ouvrière et les maximalistes de la Gauche communiste historique (les héritiers de Rosa, Pannekoek et Bordiga). On se souvient qu'il avait donné les sous d'un de ses prix littéraires à la LCR, le moulin à vent le plus caméléon depuis toujours d'un trotskysme fluo, moderniste, pop, antiraciste et dénonciateur des poêles Tefal cancérigènes.
2Contre
les fantasmes et l'obsession des « quotas » juifs dans
les lettres et le milieu du spectacle, Claude Berri a très bien
expliqué ce fait par la spécificité de l'immigration ashkénaze
dans l'entre-deux guerres ; beaucoup qui avaient fui les
pogroms, arrivaient sans spécialisation professionnelle et
trouvaient donc tout naturellement des places de figurants et
d'acteurs dans le cinéma en plein développement qui n'exigeait ni
diplômes ni qualification particulière dans l'industrie. Ils
n'allaient pas chercher non plus asile au fin fond du Berry mais
dans la capitale. D'où une forte concentration pour les générations ultérieures, mais pas dans le bâtiment ni chez les coiffeurs.
3Voici
la définition de Wikipédia : « Le cosmopolitisme
est un concept créé par le philosophe
cynique Diogène
de Sinope, à partir des mots grecs cosmos, l'univers, et
politês, citoyen. Il exprime la possibilité d'être natif
d'un lieu et de toucher à l'universalité, sans renier sa
particularité. Ce concept a été par la suite repris, approfondi
et diffusé dans l'ensemble du monde antique par les philosophes
stoïciens, c'est à travers leurs textes qu'il nous est
parvenu ». Et ce curieux simple ajout, qui oublie la
dénonciation nazie : « Le terme « cosmopolitisme »
a également été utilisé sous Staline
à la fin des années 1940 et au début des années 1950 via
l'appellation « cosmopolite
sans racine » pour défendre des arguments antisémites ».
4
Lire : L’internationalisme
au temps de la Commune
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/05/ROSS/52944
. Avec son livre « Mai 68 et ses
vies ultérieures », (Complexe,
2005 ) Kristin Ross a bouleversé la recherche et les poncifs sur
68, en refusant de commémorer la surface, les vedettes
estudiantines et le charivari du quartier pour insister sur les
soubresauts politiques et sociaux de la société, dans le même
sens que mon livre de 1988 « Mai 68 et la question de la
révolution », qu'elle cite à plusieurs reprises.
5Le
récit biblique décrit Goliath comme étant un géant
d'une taille « de six coudées
et un empan »
soit environ 2,90 m, avec une cotte de mailles en cuivre d'une
masse de 5000 sicles, soit 57 kg, et la lame en fer de sa lance
de 600 sicles soit près de 7 kg.Goliath sortit du camp
philistin et
mit l'armée d'Israël
au défi de trouver un homme suffisamment fort pour gagner un duel
déterminant l'issue du combat entre les deux nations. Cette
provocation fut réitérée quotidiennement pendant 40 jours, matin
et soir dans la vallée
d’Elah, la vallée des térébinthes. Finalement, David,
jeune berger agréé par Dieu,
releva le défi lancé par Goliath. Après avoir déclaré qu'il
venait contre lui avec l'appui de Dieu, David lui jeta une pierre
avec sa fronde.
Celle-ci s'enfonça dans le front de Goliath qui tomba à terre.
David lui prit son épée et acheva le géant en lui coupant la
tête.
6Stock
2009.
7C'est
ce que le mao Barou confie d'ailleurs à l'auteur : « Mai
68 n'est pas réductible à l'épisode des barricades au quartier
Latin ». Un historien brillant, membre pourtant du PCF décati,
fournit une critique pertinente du mai étudiant : « si
la police n'a pas tiré sur les étudiants après avoir réprimé
les ouvriers de Peugeot, c'est parce que ces jeunes dresseurs de
barricades « de papier » étaient des « fils et
futurs pères de légistes, médecins et professeurs, héritiers
prodiges et déjà pardonnés ». Eloignés des ouvriers, les
étudiants ont pêché par aristocratisme, leur « révolte
princière » étant celle d'héritiers irresponsables »
(cf. « Mai étudiant ou les substitutions », La Pensée,
février 1969). C'est plus fin que le guévariste Debray qui déplore
que Mai 68 n'ait pas donné lieu à un bain de sang sacrificiel
comme dans les guerres de libération nationaliste du tiers-monde.
Bourdieu a aussi été plus lucide : « 68 a été une
fausse révolution qui a fait peur comme une vraie. Et ça ne change
rien » (extraits du superbe ouvrage compilateur de Serge
Audier : La pensée anti-68, essais sur les origines d'une
restauration intellectuelle, même s'il ignore le travail souterrain
et primordial des minorités héritières de la Gauche communiste
beaucoup plus en phase avec l'événement 68 que tous les
intellectuels vedettes qu'il épingle).
8« La
chinoise », tout à fait prémonitoire de Mai 68 dans ses
aspects ridicules ; il faut savoir que Godard avait été
soumettre son film à l'ambassade de Chine, laquelle l'avait envoyé
paître trouvant que ledit film se fichait vraiment de Mao et de son
Etat, ce dont Godard ne s'était pas rendu compte lui-même cornaqué
par un petit chef maoïste.
9Tmoignage
de Geismar, p.69).
10Si
vous voulez vous détendre une soirée où la TV ne passe que des
feuilletons minables américains, lisez « A demain De Gaulle »
de Régis Debray (ed Gallimard 1990), compagnon de route des délires
guévaristes, maoïstes et trotskiens, que j'ai trouvé récemment
dans une brocante. Fou-rire garanti.
11A
la fin des années 60, on se foutait royalement de l'origine des
gens, mais une blague pas méchante circulait en effet dans les
lycées et les facs : « Savez-vous pourquoi on ne parle
pas yiddish au BP de la Ligue de Krivine ? C'est parce que
Bensaïd est séfarade ».
12« Fragments
d'un discours révolutionnaire. A l'école des trotskismes
français », France Culture 2002.
13Pour
les sado-masos désireux d'être admis par la secte LO, surtout
lorsqu'ils sont d'origine petite-bourgeoise (la secte compte
beaucoup de fils de petits commerçants juifs) , ce n'est pas un
parcours mais un calvaire pour tuer l'intellectuel qui est en toi,
tradition anti-intellectuelle qui remonte à la bolchévisation
stalinienne. N'est plus autorisé que « l'amour-propre de
parti » autrement dit le narcissisme de secte. Au milieu des
années 1920, le PCF en train de se staliniser, supprime la rubrique
« La vie intellectuelle » dans son journal L'Huma,
traquant « les manifestations d'arrogance intellectuelle,
terme qui devient synonyme de trotskysme » ; il n'est pas
très internationaliste homogène dans son fonctionnement puisqu'il
y a des sections « juives », la MOI (main d'oeuvre
ouvrière immigrée), etc.
14Plus
loin, p.222, Birnbaum a la gentillesse de nous rappeler que les
méthodes puantes existaient déjà en 1937 dans la minuscule et
inappropriée 4ème Internationale du vivant de Trotsky, où Victor
Serge décrivait une « atmosphère irrespirable » :
« l'impression d'un mouvement de secte, dirigé par es
manœuvres d'en haut, atteint de toutes les dépravations mentales
contre lesquelles nous avions lutté en Russie : autoritarisme,
fractionnisme, intrigues ; manœuvres, étroitesse d'esprit,
intolérance » . Nombre d'artistes connus avaient cotisé à
la secte lambertiste et avaient mangé ensuite leur chapeau.
L'excellent comique Alex Métayer apporte lui aussi un témoignage
édifiant de la soumission-maso du militant (p.226). Certains de mes
lecteurs verront à quoi et à qui je fais allusion avec la formule
utilisée dans toutes ces sectes : « Si nous excluons X
ou Y, c'est qu'il s'est mis « de lui-même en dehors du
parti ».
15Birnbaum
n'est pas fichu d'analyser ce constat lorsqu'il cite plus loin la
« légende » lambertiste le dit Raoul, qui va dans mon
sens, exprimant même le fait que le militant est un paumé qui
reste dans l'église pour croire mettre fin à l'errance moderne :
« Raoul n'aimait pas le pouvoir, il aimait convaincre. La
politique était sa raison de vivre. Et il n'avait aucune illusion
sur le parti. Sur le sectarisme, il a été en contradiction
pratiquement toute sa vie » (p.221).
17J'ai
repris cette réflexion en consultant le site de Alexander
Neumann http://variations.revues.org/262
18J'admirais
bien plutôt le leader étudiant Geismar, qui me semblait plus
pondéré et semblait vouloir persister en politique. Je fus bien
déçu lorsque je l'ai croisé au deux étapes de sa carrière
politicienne. En 1972, rue Jeanne d'Arc il était venu soutenir un
squat yougoslave à Issy les Moulineaux en compagnie de M.Foucault,
et posait au grand timonier. Vers la fin des années 1980, sur le
marché de Villejuif il était venu se moquer de moi pour le titre
de mon journal « Révolution Internationale », mais
c'est moi qui avait rigolé plus fort ; le pitre distribuait un
tract intitulé : « Vous vous souvenez de moi ?
J'étais un des principaux leaders étudiants en 1968... Elisez-moi
député PS... à la place de Marchais (dont personne ne se
préoccupait plus, seule une mémé lui tenait conversation un peu
plus loin sous une ombrelle du PCF). Pas de pot, personne n'en a
voulu comme député ! Le même jour, Alain Lipietz (qui
tractait lui aussi), un des leaders oubliés des Verts, me confiait
sur le même marché qu'en réalité les urnes étaient bourrées
pour Marchais, et que toute les plaintes du PS avaient été
blackboulées, le pouvoir estimant plus utile de garder un
personnage comme Marchais à l'assemblée que d'accueillir un obscur
député socialo. « Ils ne perdent pas de temps pour attendre,
avait-il ajouté, on va leur sucrer bientôt la place aux
staliniens ». Et cela s'est vérifié ensuite, mais pas
complètement.
19Je
me souviens que le slogan le plus crié au début de la première
manif vers Denfert Rochereau était « Roche démission »,
lequel était le recteur de la Sorbonne qui avait été « vidée »
par la police. Jean-Pierre Hébert qui me tenait le bras dans un
cordon de manifestants lycéens, me terrorisa en disant : « je
vais leur dire que le fils de Roche est ici ! ». - Non
pitié ne fait pas ça, ils vont me lyncher ! ».
20C'est
encore l'insulte la plus courante chez paumés de l'anarchisme ou
bâtards du trotskisme comme Y.Coleman, qui traite tout
contradicteur d'antisémite, et police ses « amis » sur
facebook. Voici ce qu'il déclare à mon propos à une vieille
gauchiste féministe qui s'était glissée sur ma liste de contacts:
« Ni Patrie ni Frontières : tiens mais voilà monsieur
Roche celui qui fait des "plaisanteries" antisémites sur
le prépuce de Benny Lévy, dénonce Bourseiller pour sa judéité,
et considère que les Roms viennent en France pour avoir une femme,
un travail et un logement. Tout cela dans un journal papier puis
dans un blog qui s'appelle "Le prolétariat universel". Le
seul truc d'universel dans sa démarche c'est son racisme et son
antisémitisme. Je ne vois pas bien ce qu'un individu de ce genre
fait dans ce groupe (de contacts fb)... Et comme il n'est pas un
démocrate il comprendra certainement que la seule mesure logique
est de l'envoyer diffuser ses propos racistes et antisémites
ailleurs... ». Allégations mensongères pathologiques et
hargne à mon encontre parce que j'avais pris la défense de Claude
Bitot qu'il qualifiait aussi d'antisémite ! Comme démocrate
Coleman se pose là. Sa façon d'écrire, de censurer et de porter
des jugements politiques n'est jamais... politique mais diatribe à
la mode stalinienne, stalino-trotskiste dégénérée pour tout
dire. Avec ce côté veilleur de nuit des mirages du passé, aligné
sur l'anti-racisme bcbg du PS. L'imagerie pornographique utilisée
révèle un problème de perversion intime chez Coleman, ou de
complexe racial, qui confirme que le raciste n'est pas celui qu'on
croit...
21Mon
père considérait mai 68 comme un complot américain, ce qui
occasionna des frictions entre nous. Par contre, il était bien
connu à la direction des universités que le pouvoir gaulliste
encourageait tout ce qui pouvait affaiblir le PCF, lequel n'avait
donc pas tout à fait tort de considérer que la « chienlit »
était une alliée du pouvoir contre lui. Et que par conséquent
l'affaiblissement du stalinisme, en milieu universitaire, ne pouvait
que complaire également à la CIA.
22Or
ce que Birnbaum fils feint d'ignorer est que le Trotsky de l'époque,
bien que devenu opportuniste et se gourant (son pseudonyme Gourov
fît rire les militants de la Gauche italienne de la revue Bilan)
sur plein d'autres sujets, ne dénonça pas le nazisme en premier
lieu comme un racisme mais comme la politique d'une fraction du
capital en guerre ! Birnbaum regrette que Trotsky déplore le
manque d'assimilation des juifs, sauf que le premier est du genre
nationaliste communautaire et le second reste pour nous un grand
révolutionnaire qui, jusqu'à sa mort, continua à penser que la
question juive ne pourra être résolue que par « le
socialisme international ». Au moment des procès de Moscou,
aux accusations stigmatisantes inverses de celles de Birnbaum
junior, mais du même ordre particulariste et pervers, Trotsky se
défendit du « péché de judéocentrisme » : « Des
soi-disants « pontifes » (allusion à Robespierre, sic,
jlR) m'ont accusé de soulever « tout à coup » la
« question juive » et d'avoir l'intention de créer une
sorte de ghetto pour les juifs. Je ne puis que hausser les épaules
de pitié. J'ai vécu toute ma vie en dehors des milieux juifs. J'ai
toujours travaillé au sein du mouvement ouvrier russe (…) la
question juive n'a jamais été au centre de mon attention »
(cf. Thermidor et l'antisémitisme, février 1937).
23Réflexions
sur les questions juives, 1984, cité p.316 par Birnbaum. Or, en
vérité, pas plus que l'immense majorité de la population
française et allemande, les minorités trotskystes et maximalistes
n'étaient au courant de l'ampleur de l'hécatombe des juifs dans
les camps de la mort. Conditions de guerre signifient mensonge de
fer généralisé. Mettre sur le dos des minorités
révolutionnaires, même les opportunistes trorskystes, sur le
compte d'une stratégie du mensonge est typiquement stalinien et
bourgeois ! Les historiens malhonnêtes et revanchards ne se
comptent plus.
24Ce
qui n'était pas faux concernant une scission du POI : Du
POI émerge un nouveau groupe, le Mouvement National
Révolutionnaire. Le leader du MNR, Jean Rous, est un des dirigeants
du POI. On y trouve aussi Lucien Weitz, qui fut le principal
animateur de la gauche révolutionnaire au sein de la SFIO
socialiste, puis de l’aile gauche du PSOP, ou encore Fred Zeller,
ancien proche de Trotsky et membre de la SFIO, futur grand-maître
du Grand Orient de France. Le Mouvement édite deux journaux
clandestins : la Révolution
Française, puis Combat
national-révolutionnaire. Dans le
n°1 de La Révolution Française (septembre-octobre 1940), le MNR
se dit «ni pro-Allemand, ni
pro-Anglais, ni pro-Français».
Le langage employé révèle à l’évidence la proximité des
thèses nazies : «L’État
et la nation doivent se défendre (...) contre les tentatives de
domination occulte, qu’elles proviennent du judaïsme, de la
maçonnerie ou du jésuitisme».
Le n°1 de mars 1941 de Combat
national-révolutionnaire précise
que le MNR «souhaite un État
fort, hiérarchisé, où la régulation entre les divers éléments
de la population soit établie par des corporations».
On retrouve les trois piliers du fascisme, l'État fort,
l'obéissance hiérarchique et le corporatisme. Le MNR est démantelé
en juin 1941. Jean Rous est condamné à six mois de prison, ce qui
est pour l’époque une peine symbolique et un geste de connivence
de la part des autorités d’occupation. En Belgique, le principal
leader trotskyste, Walter Dauge, opte lui aussi pour la
Collaboration. Source :
http://www.contreculture.org/AT_Natrisme.html
25En
Russie, pour déjouer la censure avant la révolution, les
bolcheviks avaient publié une brochure de Lénine sous la forme
d'un roman, mais dès la page intérieure, le texte de Lénine
commençait par : « En route pour l'insurrection » !
26La
page wikipédia sur le rôle des trotskystes pendant la guerre est
assez correcte, bien qu'il faille la compléter par une lecture sur
le sujet du site du CCI (Révolution Internationale et des écrits
de Michel Roger) : « Le
mouvement
trotskyste français
est divisé pendant l'Occupation,
bien que la plupart refusent de s'allier avec les
« petits-bourgeois » et les « impérialistes »
contre l'Allemagne
nazie. Lors de la drôle
de guerre, il adopte une position de « défaitisme
révolutionnaire », puis publie, dès août 1940, le premier
journal clandestin de la Résistance,
La
Vérité, organe bolchevique-léniniste.
Divisé principalement entre le Parti
ouvrier internationaliste (POI), tenté un temps par l'alliance
avec la bourgeoisie contre Hitler, et le Parti
communiste internationaliste (PCI) de Raymond
Molinier, il refuse les attentats contre l'Occupant, assimilant
ceux-ci à du « terrorisme »
coupé des masses1.
Il s'oppose notamment au virage patriotique
du PCF
après la rupture du Pacte
germano-soviétique en 1941, au nom de l'« internationalisme »,
qui le pousse à préférer la propagande
envers l'Occupant afin de gagner « les prolétaires
allemands » sous les drapeaux à la cause révolutionnaire
plutôt que l'action armée directe. Ce n'est qu'en décembre 1943
que la Quatrième
Internationale prône la participation aux organisations armées
afin de les structurer sur une base de classe ; si certains
trotskistes
français suivent, à titre personnel, cette ligne (par exemple
Marcel
Bleibtreu), elle n'est cependant pas officialisée par les
structures clandestines trotskistes.
La Résistance
trotskiste
occupe une place à part car elle ne participe pas à l'élan
nationaliste
qui anime toutes les résistances et refuse le travail commun avec
les courants « bourgeois »
de la Résistance, considérés comme des adversaires dans la lutte
pour la Révolution.
Seuls le Mouvement
national révolutionnaire de Jean
Rous et Fred
Zeller, et, pendant un temps, le Parti
ouvrier internationaliste (POI) de Marcel
Hic, échappent à cette règle.Les petits groupes trotskistes refusent aussi la dérive nationaliste du « À chacun son boche ! » du PCF, se veulent internationalistes, prônent la fraternisation avec les « travailleurs allemands sous l'uniforme », et organisent avant tout un travail en direction des soldats allemands de la Wehrmacht, publiant des journaux en langue allemande, en Bretagne, par exemple. Ainsi, selon le journaliste Christophe Nick,
« Au printemps 1943, le POI compte une cellule de quinze soldats et sous-officiers allemands en Bretagne. Sur toute la France, ils en « réseautent » une cinquantaine2. »L'activité était risquée et la Gestapo réussit à démanteler assez aisément ces réseaux: la cellule bretonne comptait un agent gestapiste, ce qui conduit aux arrestations du 6 octobre 1943: Robert Cruau (fusillé), Yves Bodénez (mort à Dora) et 10 autres bretons (dont trois ne reviendront pas de déportation), 15 soldats allemands (qui auraient été décapités à la hache), ainsi qu'à Paris, Marcel Hic (mort à Dora), David Rousset, Philippe Fournié, Yvonne et Roland Filiâtre, également déportés2.
Dans le contexte d'une occupation de plus en plus brutale de la France, ce discours internationaliste avait toute chance de paraître irréel à la plupart des habitants, surtout lorsque le travail en direction des Allemands n'était pas accompagné d'autres formes de lutte visant concrètement à la fin de l'Occupation. D'autre part, en dépit du discours fort patriotique voire nationaliste du PCF clandestin, ce dernier ne négligeait pas non plus la propagande à destination des soldats occupants (le « travail allemand », confié aux militants FTP-MOI et à Artur London), bien que ce travail n'ait pas été pour lui une priorité.
Ces interprétations du conflit conduiront les
trotskistes à s'abstenir de toute résistance armée contre
l'occupant jusqu'en décembre 1943, considérant que les masses
n'appuyaient pas alors ce qui était considéré comme du
« terrorisme ».
La critique du virage patriotique du PCF
est exprimé, en 1945, par le surréaliste
Benjamin
Péret, qui avait rejoint le POI
en 1936 puis s'était battu
en Espagne avec le POUM
(…).
27Preuve
que la secte LO a cédé au chantage de ce grand mensonge
déconcertant du seul massacre « inexplicable » et
indépassé au top de la victimologie des peuples, LO a exclu le
groupe bordiguiste de sa fête à neuneus, à cause de leur
opiniâtreté (louable) de continuer à diffuser contre vent et
marées leur brochure « Auschwitz le grand alibi »,
rédigée par un de leurs militants juifs, et non pas par Bordiga
comme l'ont colporté tant d'ignorants.
28Il
crache aussi p.332 sur Ernest Mandel qui est resté sur la même
position révolutionnaire marxiste de son camarade belge A.Léon,
dont l'ouvrage – La conception matérialiste de la question juive
– est qualifié de superficiel, alors qu'il reste pour des
milliers de révolutionnaires aujourd'hui une référence honorable.
Sur la plupart des mensonges et stupidités de Birnbaum j'ai
amplement répondu dans mon livre «Le nazisme et son ombre sur le
siècle », ed Cahiers Spartacus 2001.
29Il
se fait recevoir aussi par D.Bensaïd qui définit Mandel comme un
rescapé de la déportation juive : « ça l'avait
profondément marqué, y compris dans ses rituels d'hygiène
quotidiens ». Bah, comme tous les millions de déportés de la
guerre mondiale ! Mais comment faisaient-ils pour se couper les
ongles des pieds, sans ciseaux... question que j'ai oublié de poser
à mon déporté de père ? Et sans brosse à dents...
30Qui
est comparable à la fumeuse « théorie du genre » :
« En faisant l’hypothèse que les identités sexuelles ne
sont pas biologiquement déterminées, mais socialement construites,
le concept de « genre » a ouvert un espace de réflexion,
de recherches et de pratiques très variées. Il n’est donc pas
erroné de parler de « théorie », même s’il n’existe
pas une doctrine unifiée. — (Le Nouvel Observateur, 10
février 2014). Ou l'inverse de cette théorie, le juif serait
biologiquement déterminé et, contestant cette nature, serait dans
le déni ; comme le fils d'un père catholique, qui
persisterait dans « le déni » en refusant de croire en
dieu.
31Il
convoque aussi à la barre ce pauvre caméléon Edgar Morin qui
regretta sa « mentalité sacrificielle », et son
complexe « messiano-masochiste ».
32Effectivement
il n'y a aucun camp à choisir, à part rester cloîtré de terreur
sous les bombardements ! Mais le chantage est obsédant. En
Hollande par exemple, un des grands révolutionnaires qui avait
porté la contradiction à Lénine et Trotsky, et dont j'ai fait
l'éloge funèbre à Maastricht au début des années 1980, Ian
Appel (dit Hempel) est obligé de participer à la fin de la guerre
au mouvement de résistance nationale pour ne pas être inquiété
de collusion avec l'occupant (cf. ses mémoires que j'ai traduit en
français) ; il avait été le président des Conseils ouvriers
de Hambourg et compagnon de lutte de Rosa Luxemburg et Liebknecht.
Marc Chiric, menacé d'être abattu par les tueurs staliniens est
sauvé in-extremis par un député gaulliste ! Période pas
possible ! Ces deux militants et théoriciens marxistes étaient
eux aussi juifs, et je suis vraiment fier de les avoir connu. Ils
n'avaient pas d'état d'âme ni de déni de leur origine juive. Ils
s'en fichaient et tapaient du poing sur la table contre les horreurs
du capitalisme et ses larbins.
33Cf.
les déclarations in extenso de papy Krivine qui se fiche du
qualificatif trotskyste pourvu que la nouvelle boutique NPA engrange
sur le plan électoral et séduise n'importe quel « rebelle ».
34Sur
ce plan Birnbaum n'est pas malhonnête. L'idéal d'un avenir de
bonheur a été porté par toutes les religions, du millénarisme
chrétien au millénarisme musulman, mais, comme il le note
justement : « la foi juive en une délivrance future ne
conduit pas automatiquement, loin s'en faut, sur la voie d'un
engagement révolutionnaire. Ainsi, Gérard Benussan a-t-il montré
l'incompatibilité profonde entre l'historicisme marxiste, d'un
côté, et la conception du temps tel que l'expérimente le
prophétisme juif, de l'autre ».
35Le
monôme est une
manifestation étudiante française qui peut être aussi bien
festive que démonstrative en fonction des établissements et des
occasions. Apparu à la fin XIXe siècle,
il épouse la forme d'une pittoresque procession en file indienne,
généralement effectuée la main sur l'épaule et rythmée par des
chants. Traditionnellement, le cortège serpente afin d'occuper le
maximum de place possible, comme on le voit décrit le 23
janvier 1910, à
la fin d'une fête internationale étudiante à Paris
au quartier
latin1 :
On chanta, et le monôme, en casquettes blanches, mauves et vertes,
en bérets
galonnés de rouge, de violet et de bleu, serpenta vers Bullier.
Un des plus fameux monômes était le monôme
du bac auquel participaient à Paris la
masse des candidats qui venaient de finir de se présenter à
l'examen du baccalauréat.
Il pouvait rassembler jusqu'à 15 000 participants. Il disparut
interdit par la Préfecture
de police en 1968.
36Xavier
Vigna, dont j'ai déjà dit tout le bien que je pense de son
« insubordination ouvrière dans les années 68 »
(brochure éditée par les amis de Smolny), cité par le tout aussi
excellent Serge Audier dans son monumental et indispensable sur la
planchette du militant: La pensée anti-68, ed La découverte 2008.
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