Alors que le monde entier n'en est qu'au début de cette immense crise des réfugiés, certains s'offusquent qu'on y attache trop d'importance, excipant que ce fût une crise d'une autre ampleur qui secoua l'Europe dès avant 1940 et surtout après 1945. Il est vrai que la crise actuelle ne fait pas suite à une guerre mondiale, mais cela n'est en rien rassurant ; la crise des réfugiés avait commencé dès la fin des années 1930 (réfugiés, russes, espagnols, allemands, juifs, etc). L'Europe fût ensuite en reconstruction et avait besoin de réparer et reconstruire d'immenses destructions du capitalisme en guerre mondiale. A notre époque, le capitalisme et ses impérialismes détruisent aussi beaucoup mais pas encore à l'échelle de 1945, au Moyen Orient, en Afrique, en Tchétchénie, en Ukraine, etc.
Personne
ne dénonce plus la guerre de manière frontale. Elle fait partie du
paysage. Soit elle est trop compliquée – jeu de cons à plusieurs
– soit il est plus électoraliste de protester contre le sort fait
aux migrants, et on se sent mieux dans sa peau à besogner pour des
actes de charité. Le petit NPA, comme d'autres sectes qui se
prétendent marxistes appellent à ouvrir très grandes les portes à
tous les RéfugiéEs, comme le ministre bourgeois Valls appellent à
bien les traiter tous humainement face à la vilaine Hongrie qui se
hérisse de barbelés. Ces réformistes radicaux (ou secouristes radicaux, mais seulement en paroles) irresponsables figurants, à la suite de la
championne en la matière, die Mutter Merkel, peuvent bien dire
n'importe quoi – ils ne veulent pas du pouvoir ou si on les laisse
y accéder, ils se tirent (cf. Syriza) – mais restent d'infantiles
anarchistes hors de la réalité. Or, le système capitaliste
s'étouffe, en étouffant surtout ses populations surnuméraires !
Si exalter la pénurie, l'envahissement disproportionné de
populations chassées par la guerre, et la croyance à des aides sans
fin, enchantent ces activistes – et qu'ils imaginent ainsi mieux
« faire payer les riches » (LO) ou « la
bourgeoisie » (NPA), ils se mettent le doigt dans l'oeil. C'est
non seulement la bourgeoisie qui le fait payer en termes d'impôts à
la classe ouvrière, mais surtout elle le lui fait payer
politiquement en l'enfermant dans l'étau de la paranoïa nationale
et du multiculturalisme « international ».
De
Grèce et d'Italie parviennent des remarques comme quoi les caisses
de solidarité européenne sont au bord du vide. Chaque pays de l'Est
concerné referme des frontières qu'on croyait disparues grâce à
Schengen (elles n'ont jamais disparues pour les illusionnistes d'une
fumeuse « Europe des peuples »). On en entend certains
relativiser contre l'hystérie qui assure qu'on doit absorber tous
les migrants d'où qu'ils viennent, qui dénoncent les promesses
mirobolantes faites aux candidats à la migration, se moquent de
cette propagande gouvernementale qui met tout sur le dos des
passeurs, ne cachent pas les exigences arrogantes de nombre de
migrants (en Hongrie l'Etat n'a eu aucun mal à réaliser l 'union
nationale en exhibant les images d'un train en gare où les candidats
à la migration jettent la nourriture apportée par les policiers et
secouristes bénévoles, et laissent, partout où ils passent des
locaux dans un état de malpropreté repoussante). Toute le
propagande est ainsi, baignée d'une ambiguïté constante : on
fait la morale multiculturaliste et bisounours façon Valls mais, en
parallèle, on exhibe les arrivants comme arrogants, et...
déguisés ; France 2 diffusa hier un reportage où des petits
bourgeoises syriennes cachaient leur foulard sous un chapeau à
larges bords pour mieux s'infiltrer via la Hongrie et aboutir en
Allemagne où elles espèrent « ouvrir un restaurant ».
Ces gens-là seraient partie prenante de la classe ouvrière
« internationaliste » ? Laissez-moi rire.
Tous
les solidaires gauchistes – méprisons le silence des soit-disants
groupes de la gauche communiste (maximaliste) - qui rampent en faveur
de la solidarité pour les pas encore réfugiés cautionnent le
mensonge déconcertant de l'aide aux réfugiés. C'est l'impéritie
des Etats capitalistes qu'ils devraient dénoncer, et appeler à
manifester non contre l'hydre famélique du FN, mais contre la guerre
en Syrie. Leurs bêlements pour une meilleure solidarité, est certes
bêtement utopique, mais au fond complice de leur gouvernement de
gauche « antifasciste » et roi de « l'antiracisme »,
ces miroirs aux alouettes de nos braves marchands d'armes et
souteneurs d'Al Nostra.
Petit
retour en arrière éloquent avec mon petit pillage de Wikipédia.
Expulsion des Allemands d'Europe de l'Est
L’expulsion
des Allemands d'Europe
de l'Est est le transfert des
populations
allemandes (dites Volksdeutsche)
vers l'Allemagne
et l'Autriche
actuelles. Ce mouvement de population commença au début de la
seconde
Guerre mondiale dans le cadre du pacte
germano-soviétique, mais s'amplifia surtout à sa fin. Les
déplacements de populations à la fin de la guerre se répartissent
en trois vagues qui se sont partiellement chevauchées. La première
correspond à la fuite spontanée ou à l'évacuation plus ou moins
organisée des populations effrayées par l'avancée de l'Armée
rouge de la mi-1944 au début 1945. La seconde phase correspond
à des expulsions locales, immédiatement après la défaite de la
Wehrmacht. Des
expulsions plus systématiques ont eu lieu après les accords
de Potsdam signés le 2 août 1945 par Staline,
Attlee et Truman
pour éviter toute revendication territoriale future de l'Allemagne
sur ses voisins orientaux.
Les expulsions eurent
principalement lieu dans l'actuelle Pologne
(Poméranie,
Prusse, 7
millions de personnes) et en Tchécoslovaquie
(Silésie,
Sudètes, 3
millions de personnes) mais touchèrent la plupart des pays d'Europe
centrale et orientale. Ces déplacements touchèrent entre 12 et
16 millions de personnes. Ce fut l'un des grands transferts de
populations de l'histoire
contemporaine et le plus important parmi ceux qui eurent lieu à
la fin de la guerre. Au moins 500 000 civils sont morts lors de
ces transferts des suites de mauvais traitements, de maladies et de
privations. Les expulsions étaient terminées au début des années
1950 et à ce moment il ne restait plus que 12 % des
populations allemandes d'avant-guerre dans ces territoires. Mais
l'exode s'est poursuivi ensuite individuellement.
Cet événement de l'histoire,
qui, à quelques exceptions près (Saxons
de Transylvanie) a mis fin à mille ans de colonisation
allemande vers l'Est, reste encore mal connu y compris en
Allemagne même, car les atrocités
nazies et la Shoah
ont longtemps occulté les souffrances des populations allemandes ;
sur le plan diplomatique, il a longtemps « pollué » les
relations entre l'Allemagne et ses voisins, jusqu'à ce que divers
traités aient, après 1990, fini par en régler les séquelles.
Conditions des expulsés dans l'Allemagne d'après-guerre
Ancien camp pour les réfugiés à Eckernförde,
photographie prise en 1951.
Ceux qui arrivaient étaient en mauvais état, particulièrement
durant le dur hiver 1945-1946 lorsque les trains transportaient les
« morts et les mourants dans chaque wagon (d'autres morts
avaient été jetés du train le long du trajet)». Après avoir subi
les atrocités de l'Armée rouge, les expulsés durent subir les
représailles des populations locales de Pologne, de Tchécoslovaquie
et de Yougoslavie. Les lynchages,
les viols
et les meurtres accompagnaient souvent les expulsions. Des Allemands
furent massacrés comme à Ústí ou enfermés dans des camps
particulièrement
rudes104.
En plus de ces atrocités, les expulsés souffraient de la faim, de
la soif, des maladies, de la séparation de leurs proches, de la
perte de leurs droits et parfois de travaux forcés. Les traumatismes
psychiques étaient nombreux et en particulier chez les enfants.
Une fois arrivés, ils découvraient un pays ravagé par la guerre.
Le manque de logements dura jusque dans les années
1960, ce qui associé aux autres pénuries mena à des conflits
avec les populations locales. La situation s'améliora seulement avec
le Wirtschaftswunder
dans les années 1950 qui ramena le taux de chômage à moins de 1 %.
La France n'avait pas
participé à la conférence de Potsdam et se sentait donc libre
d'appliquer les dispositions qu'elle souhaitait. Elle maintenait
sa position selon laquelle elle n'avait pas approuvé les expulsions
et par conséquent n'était pas responsable du relogement et de
l'approvisionnement des expulsés dans sa zone. Si
l'administration militaire s'occupait des Allemands arrivés avant
juillet 1945, elle tenta de refouler les nouveaux arrivants en
provenance de l'Est. La Grande-Bretagne et les États-Unis
protestèrent contre les actions françaises, mais n'avaient aucun
moyen de forcer la France à appliquer la politique d'expulsion
décidée à Potsdam. La France continua de distinguer clairement
les réfugiés de guerre et les expulsés de l'après-guerre. En
décembre 1946, elle accueillit dans sa zone les 250 000
réfugiés allemands se trouvant au Danemark, car ceux-ci avaient été
évacués durant la guerre. Les Danois d'origine allemande ne
furent jamais expulsés. La France sauva ainsi de nombreuses vies
compte tenu du fort taux de décès dans les camps danois117
.
Jusqu'à
l'été 1945, les Alliés ne s'étaient pas mis d'accord sur la façon
de gérer les expulsés. La France suggéra l'émigration en Amérique
du Sud et en Australie
et l'implantation des « éléments productifs » en
France, tandis que les Soviétiques privilégiaient la réinstallation
de millions de réfugiés en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.
Les Soviétiques, qui encourageaient et participaient en partie aux
expulsions, ne se préoccupaient pas des conditions de vie des
expulsés et demandaient aux Américains et aux Britanniques
d'absorber les réfugiés dans leur zone d'occupation. En
contradiction avec les accords de Potsdam, les Soviétiques ne
fournirent que peu de ravitaillement aux expulsés. À Potsdam, il
fut accepté que 15 % des équipements industriels de la zone
occidentale, en particulier dans le domaine sidérurgique et
chimique, seraient transférés à l'Union soviétique en échange de
produits alimentaires, de charbon, de potasse (pour la production
d'engrais), de bois et de pétrole. Les livraisons occidentales
commencèrent en 1946, mais les livraisons soviétiques,
désespérément nécessaires pour ravitailler les réfugiés et
relancer la production agricole, ne se réalisèrent pas. Par
conséquent, les États-Unis stoppèrent leurs livraisons le 3 mai
1946, tandis que les réfugiés de la zone soviétique étaient
déportés à l'Ouest jusqu'à la fin 1947.
Dans les zones britanniques et américaines, la situation s'aggrava
considérablement, particulièrement dans la zone britannique. Du
fait de sa localisation sur la mer du Nord et sur la mer Baltique, un
grand nombre de réfugiés arrivèrent par mer et les rations déjà
modestes durent être réduites d'un tiers en mars 1946. À Hambourg
par exemple, la surface de logement disponible par personne déjà
réduite par les bombardements aériens de 13,6 m2 en
1939 à 8,3 m3 en 1945 fut encore réduite à 5,4 m2
du fait de l'arrivée massive de réfugiés. En mai 1947, les
syndicats de Hambourg organisèrent des grèves contre la faiblesse
des rations et les manifestants se plaignaient de l'arrivée rapide
des expulsés .
Les
États-Unis durent importer de la nourriture dans leurs zones et le
Royaume-Uni financièrement épuisé et dépendant des importations
alimentaires dut contracter un nouvel emprunt auprès des États-Unis
pour financer l'acheminement de produits alimentaires en Allemagne.
Les Alliés se tournèrent vers une politique d'« assimilation »,
considérée comme la meilleure façon de stabiliser l'Allemagne et
d'empêcher la création d'une population marginalisée qui pourrait
se révolter118.
Ainsi tous les expulsés qui possédaient autrefois la nationalité
polonaise, tchécoslovaque, hongroise, yougoslave, roumaine, etc.,
reçurent automatiquement la nationalité allemande.
Manifestation d'expulsés à Bonn,
capitale de l'Allemagne
de l'Ouest 1951
Après la fondation de la République
fédérale allemande, la loi du 24 août 1952 fut destinée à
améliorer la situation économique des expulsés. La loi, nommée
Lastenausgleichsgesetz ou loi sur l'indemnisation garantissait
une compensation financière partielle et un accès au crédit plus
facile pour les expulsés ; la perte de leurs possessions fut
estimée à 299,6 milliards de deutschemarks123.
Des organisations furent créées pour faciliter l'intégration des
expulsés dans la société allemande d'après-guerre tandis qu'à
l'Est, de telles organisations étaient interdites124.
La plus importante, encore active aujourd'hui, est la Fédération
des expulsés (allemand : Bund
der Vertriebenen (BdV)). Il s'agit d'une association
à but non lucratif créée pour représenter les intérêts des
Allemands chassés de leur région d'origine à l'Est de l'Europe.
Elle représente les expulsés allemands et leurs descendants soit
actuellement environ 15 millions de personnes. L'actuelle président
est Bernd
Fabritius membre de la CSU.
Raisons et justifications pour les expulsions
Étant donné l'histoire complexe des régions
affectées et les intérêts divergents des puissances alliées, il
est difficile de donner une liste définitive des motifs
d'expulsions. Le paragraphe des accords de Potsdam à ce sujet est
assez vague : « Les trois gouvernements, après avoir
considéré la question sous tous les aspects, reconnaissent que le
transfert vers l'Allemagne des populations allemandes restantes en
Pologne, en Tchécoslovaquie et en Hongrie doit être entrepris. Ils
s'accordent sur le fait que ces transferts devront se faire de
manière ordonnée et humaine ». Les principales raisons sont :
- La vue des minorités allemandes comme une source potentielle de troubles : Les soviétiques et les administrations communistes du bloc de l'Est considéraient les minorités allemandes restantes comme une potentielle cinquième colonne qui pourrait interférer avec la soviétisation de ces pays. En général, les alliés occidentaux espéraient obtenir une paix plus durable en éliminant les minorités allemandes, qui selon eux, devait se faire de façon humaine
Le désir de créer des États ethniquement homogènes
Nationalités majoritaires en Pologne vers 1931
d'après l'historien polonais Henryk
Zieliński.
La création de nations ethniquement homogènes en Europe centrale et
orientale126
fut présentée comme la raison principale des décisions de Potsdam
et des expulsions qui suivirent127.
Le principe selon lequel toute nation doit habiter son propre
État-nation a donné lieu à une série d'expulsions et de
réinstallation des Allemands, des Polonais, des Ukrainiens et
d'autres nationalités qui, après la guerre se sont retrouvés en
dehors de leurs pays d'origine128.
Les échanges
de populations entre la Turquie et la Grèce ont apporté de la
légitimation à ce concept. Churchill cita l'opération comme un
succès dans un discours concernant les expulsions
d'Allemands138,139.
Dès le 9 septembre 1944, le dirigeant soviétique Khrouchtchev
et le polonais communiste Osóbka-Morawski
du Comité
polonais de Libération nationale signèrent un traité à Lublin
sur les échanges de populations ukrainiennes et polonaises vivant du
« mauvais côté » de la ligne
Curzon128.
La plupart des 2,1 millions de Polonais expulsés de Kresy
annexé par les Soviétiques furent réimplantés dans les nouveaux
territoires polonais à l'ouest136
Le tchécoslovaque Edvard
Beneš, dans les décrets
Beneš du 19 mai 1945, qualifie les Hongrois
et les Allemands de « traîtres à la patrie », ouvrant
la voie aux expulsions et aux confiscations.
Ce court
historique qui demanderait des commentaires – vous pouvez en lire
l'intégralité sur Wikipédia - est intéressant à plus d'un titre.
Il montre que la question des réfugiés en 1945 (et seulement en
Europe, car il ne faut pas oublier qu'il était au moins aussi grave
en Asie) est typique par son ampleur, bien supérieure à l'actuelle
crise des migrants, des conséquences de la boucherie mondiale. Ce
n'est pas la faute au peuple allemand, comme l'a démontré dans un
excellent texte de Henri Chazé (lisible dans mon blog Archives
maximalistes ou sur le site La bataille socialiste) mais bien de
l'ensemble du capitalisme, nazis et stalinistes inclus. Il faut
comparer le type de problèmes posés alors, différents de ceux
d'aujourd'hui : « faire payer » aux allemands alors
qu'aujourd'hui personne ne veut en principe « faire payer aux
syriens », préserver l'ethnicité des nations alors
qu'aujourd'hui contester le multiculturalisme et le tapis rouge
dressé à l'islam (cf. en Hollande) vous fait passer pour un
passéiste ringard au mieux, au pire pour qui vous savez.
Le problème
des réfugiés ne semble pas avoir beaucoup préoccupé les tout
petits cercles révolutionnaires, marxistes ou pas, trotskystes ou
anarchistes, sous réserve de plus informé (qu'il me communique
alors ses données). Dommage car il me semble que, à la fois le
retour des prisonniers de guerre dans leurs différents pays que les
millions de réfugiés pourchassés ne risquaient pas de se faire les
apôtres de la révolution violente après ce qu'ils venaient de
subir ; c'est même à mon sens – face à cet aveuglement des
militants pro - une des principales causes de l'impossibilité de
renouveler un nouvel Octobre 17 ! Le fait que des réfugiés
soient accueillis, venant donc d'un enfer, pris en charge par l'Etat
« accueillant » - russes en 17, espagnols en 39,
allemands de l'Est en 45, pieds noirs et harkis en 62, cambodgiens et
vietnamiens en 75, allemands de l'Est en 89, etc. - ne peut que
mettre en valeur la grande mansuétude de la bourgeoisie
« démocratique » et obliger les arrivants à son égard.
L'article ci-dessous de la Gauche Communiste de
France, de 1947, m'a semblé tout de même capable d'aller au fond du
problème, dans le désarroi des masses de prolétaires à l'époque
de la Libération du nazisme. Il reste d'une étrange actualité
contre toutes les pleurnicheries ou même des compassions queuistes
de certains qui s'en prétendent les héritiers.
LE REFUS, SEULE POSITION DE CLASSE
C'est une habitude que prennent les gouvernements
dits démocratiques d'inviter chaque année le peuple à une
mascarade électorale. Bien plus que de rallier des masses à une
politique ou à une autre, il s'agit d'empêcher ces mêmes masses de
se désintéresser des querelles impérialistes, de crainte de les
voir retrouver la solution révolutionnaire de classe. Aussi, toutes
les nouvelles acquisitions de la publicité sont mises en œuvre. Les
staliniens présentent des films pour faire avaler leurs discours,
Ramadier prêche la pénitence, espérant dans les effets d'un
masochisme collectif, et De Gaulle tente de rééditer son exploit du
18 juin 1940. Les kermesses battent leur plein.
Mais, fait significatif entre autres, on ne vit plus
des incidents oratoires, on tâte des barricades de revues
grand-guignolesques. À Verdun, un peu partout où quelques
misérables tonnes de denrées alimentaires passent, des barricades
se hérissent, des députés retrouvent les gestes de 1789, l'écharpe
tricolore s'engraisse des grèves suscitées spontanément. On est
prêt à mourir. Mais, au dernier moment, il y a contre-ordre et tout
rentre dans le calme. Ces simulacres de guerre civile, qui font
hurler les démocrates et frisonner les gens bien républicains, ces
attentats manqués qui soulèvent un peu de poussière sont les
artifices de la nouvelle publicité politique. Et l'on y perd la tête
en attendant d'y perdre la vie.
Dans cette atmosphère bien remuante, une masse de
tracts d'appel, de manifestes, de conférences internationales et de
solutions définitives sont jetés en pâture à la masse qui ne
demande pas tellement de paroles.
Mais, au fait, que promet-on aux masses, dans tout
ce flot d'éloquence et de littérature, pour les river aux besoins
politiques journaliers des 2 grands blocs impérialistes ?
La Résistance a épuisé ses derniers restes de
démagogie. La lutte contre le boche et le danger allemand, s'il
revient comme un leitmotiv dans chaque discours, dans chaque
manifeste, c'est plus comme "médaille du mérite démocratique"
que comme objectif réel.
Face à la dictature nazie, on a pu croire en la
démocratie des "alliés" ; mais, cette démocratie,
aux yeux des travailleurs, représentait plus un niveau de vie
honnête qu'une longue constitution indigeste.
Et cette démocratie est arrivée ; que
d'encre, que de battage ! Les commissions, les comités de
vigilance ou non ont traîné la faim des ouvriers derrière eux. A
chaque tentative de lutte contre la famine les masses ont rencontré
une démagogie effrénée des organismes de collaboration de classe
tels les syndicats ; c'est une politique prétendument
socialiste qui conserve une structure capitaliste en employant des
termes révolutionnaires dans des organismes qui avaient pu jadis,
dans d'autres conditions, servir la classe ouvrière.
La tactiques des États bourgeois, de la France en
particulier, a consisté en définitive à amener la classe ouvrière
à discuter et à chercher à résoudre des problèmes qui
n'intéressaient que le déroulement économique du capitalisme.
Les revendications économiques - qui, hier
encore, pouvaient être le tremplin de vagues offensives du
prolétariat - enterrent, dès qu'elles s'expriment, toutes
possibilités de luttes révolutionnaires, car aujourd'hui la
bourgeoisie discute ces revendications mais dans le cadre bourgeois ;
pour toute augmentation de salaire, la balance commerciale
capitaliste présente inlassablement un déficit non fictif, mais
éminemment réel.
Aussi joue-t-on sur la monnaie ; et les
augmentations se soldent en définitive par des chutes du pouvoir
d'achat des masses.
Et, si les ouvriers bougent pour lutter confusément
contre la famine, les organismes syndicaux et les partis dits
ouvriers ressortent, fort à propos, une vieille revendication
enterrée pour dévier et canaliser le flux des masses.
Comme les revendications économiques tiennent
compte forcément du coût de la vie et des prix, voilà du travail
pour les comités tripartites - gouvernement, patronat et
salariés - d'arbitrage. À chaque fois, et ceci ne rate pas; on
discute des salaires pour chercher surtout une solution à la crise
du régime.
La lutte ne se fait plus entre classes mais entre
une société capitaliste et les conditions qui poussent cette
société dans l'abîme. Les ouvriers servent de pâture ; on
jette du lest ; et ce lest est toujours au détriment des
conditions de vie des ouvriers.
Toutes les conditions politiques actuelles poussent
la classe ouvrière vers la collaboration de classe. L'ennemi à
abattre n'est plus le système mais ces imbrisables lois du
déroulement économique du régime. On cherche à amoindrir les
effets du capitalisme en décrépitude en consolidant tant bien que
mal, par une réduction du niveau de vie des travailleurs...
Les ouvriers sont invités à participer à ce
travail inutile ; toute la gauche bourgeoise - SFIO,
staliniens, trotskistes - les entraîne à pallier
quotidiennement à la crise du système bourgeois. Pour les uns, la
grande pénitence, la ceinture au dernier cran est la solution réelle
contre la famine ; c'est une façon de combattre le mal par le
mal. La strychnine à petite dose peut mithridatiser, la famine par
échelons successifs pourra amenuiser les forces ouvrières qui
pourraient être dangereuses. Voilà la perspective Ramadier !
Pour les autres, c'est la démocratie bafouée, l'aliénation de
l'indépendance nationale, la dollar porte-malheur qui sont cause de
notre mauvaise situation. Que faire alors ? Réclamer le retour
des staliniens au gouvernement. Solution de chantage, mais la classe
ouvrière n'est pas le maître-chanteur, il n'est que la monnaie
d'échange. Voilà l'horizon des "lendemains qui chantent"
du PCF.
Et les troisièmes, les sans grades, les aspirants
meneurs, ceux qui, de tout mouvement de masse, prophétisent
immédiatement leur radicalisation, que proposent-ils comme
radicalisation ? L'échelle-mobile panacée universelle,
seule arme contre la famine. Est-ce le régime qui se trouve en
cause ? Bien sûr que non ! Si on voulait seulement
multiplier par le même coefficient les salaires et les prix, tout
irait bien. Avec ceci, ils se prétendent marxistes et
internationalistes, ces symboles étant si souples et si
accommodants.
L'avenir, pour ces apprentis-sorciers, est à une
multiplication des commissions d'arbitrage pour calculer le
coefficient d'augmentation des prix. La lutte ouvrière est retenue
par le souffle des machines à calculer. Et, si ça ne suffit pas, il
faut diminuer les bénéfices, ce qui signifie qu'on ne pense pas à
les supprimer. C'est donc la perpétuation de l'exploitation et de la
guerre. Voilà les secrets du "Programme transitoire" de la
4ème, Internationale de nom seulement.
Mais ces trois solutions offertes à la masse des
travailleurs ne s'encadrent pas moins dans le déroulement historique
de la situation. La guerre qui s'approche inexorablement, divisant le
monde et chaque pays en deux blocs impérialistes adverses, s'appuie
sue ces démagogiques solutions qui ne font que préparer les
diverses économies à soutenir une nouvelle vague de guerre, pour
permettre au capitalisme de survivre encore. Il est vrai que les
causes de cette prochaine guerre sont rejetées d'un camp à un autre
et vice versa. Les fauteurs de guerre sont ceux qui admettent un
bloc impérialiste contre un autre.
Que reste-t-il à la classe ouvrière ? Prendre
fait et cause pour un bloc contre un autre ; mais alors elle
aliène son indépendance de classe, fait les frais en sueur et en
sang de la guerre impérialiste, subit saignée sur saignée pour
maintenir debout l'édifice branlant du capitalisme. Elle perd sa
conscience politique dans les entreprises de renflouage que lui
présente l'État capitaliste. Elle ne voit plus de solution que sur
le terrain de l'ennemi de classe et passe son temps à espérer dans
les commissions d'arbitrage qui surgiront comme des champignons. La
nature du collectivisme, qui ne pouvait demeurer enfermé dans des
limites nationales, prend figure de nationalisations, portant la
lutte concurrentielle du plan national au plan international.
Bien plus, la classe ouvrière ne voit plus la
collectivisation comme le premier pas vers une société de
consommation ; son socialisme ne se présente plus que comme une
simple planification d'une économie existante et en pleine
décrépitude.
À la politique indépendante de classe, la classe
ouvrière est amenée à donner le pas à la démocratie : sa
mission historique ne signifie pour elle qu'une recherche de mode
d'élection équitable, sans tenir compte de la nature de classe de
ces élections. Elle vote et votera sans s'apercevoir que, quel que
soit le mode d'élection, elle est une minorité dans le monde
bourgeois. Et même si elle ne se fait plus d'illusions sur la valeur
progressiste des élections, habituée à choisir uniquement les
solutions que lui présente la bourgeoisie, elle applique et
appliquera la politique du moindre mal et sera entraînée encore
plus par le char de la bourgeoisie. Que reste-t-il à faire donc ?
Une seule politique, une seule tactique : le refus de toutes
solutions présentées par la bourgeoisie.
La classe ouvrière n'a pas à chercher avec le
capitalisme, au travers de discussions, la solution à la famine
permanente. Les contradictions qui épuisent le régime actuel, les
travailleurs n'ont pas à les résoudre, mais à abattre le régime.
C'est la révolution qui se pose immédiatement sans programme
transitoire, sans étape pédagogique. Il faut refuser l'existence et
le fonctionnement du régime en sachant fort bien que ce refus
entraîne le choc de classes, la guerre civile classe contre classe.
Si la classe ouvrière considère la révolution
comme un mythe ou comme un continuel désir irréalisable, c'est la
famine et la guerre en permanence. Refusant ces 2 fléaux engendrés
par le capitalisme, on rejette tout ce qui peut perpétuer la vie de
ce régime ; on oppose à tout compromis la révolution, non
comme un mot mais comme un acte.
On pourrait rire de cette tactique, la trouvant trop
simple ; mais à chercher une voie plus subtile, plus
compliquée, on finit par tomber dans l'opportunisme et la
collaboration de classe.
Et, pour l'immédiat, pas de politique du moindre
mal à la mascarade d'octobre ; l'abstention consciente de
classe devient un acte révolutionnaire.
Mousso
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