"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

vendredi 18 septembre 2015

La question des réfugiés à la fin de la guerre mondiale

Alors que le monde entier n'en est qu'au début de cette immense crise des réfugiés, certains s'offusquent qu'on y attache trop d'importance, excipant que ce fût une crise d'une autre ampleur qui secoua l'Europe dès avant 1940 et surtout après 1945. Il est vrai que la crise actuelle ne fait pas suite à une guerre mondiale, mais cela n'est en rien rassurant ; la crise des réfugiés avait commencé dès la fin des années 1930 (réfugiés, russes, espagnols, allemands, juifs, etc). L'Europe fût ensuite en reconstruction et avait besoin de réparer et reconstruire d'immenses destructions du capitalisme en guerre mondiale. A notre époque, le capitalisme et ses impérialismes détruisent aussi beaucoup mais pas encore à l'échelle de 1945, au Moyen Orient, en Afrique, en Tchétchénie, en Ukraine, etc.

Personne ne dénonce plus la guerre de manière frontale. Elle fait partie du paysage. Soit elle est trop compliquée – jeu de cons à plusieurs – soit il est plus électoraliste de protester contre le sort fait aux migrants, et on se sent mieux dans sa peau à besogner pour des actes de charité. Le petit NPA, comme d'autres sectes qui se prétendent marxistes appellent à ouvrir très grandes les portes à tous les RéfugiéEs, comme le ministre bourgeois Valls appellent à bien les traiter tous humainement face à la vilaine Hongrie qui se hérisse de barbelés. Ces réformistes radicaux (ou secouristes radicaux, mais seulement en paroles) irresponsables figurants, à la suite de la championne en la matière, die Mutter Merkel, peuvent bien dire n'importe quoi – ils ne veulent pas du pouvoir ou si on les laisse y accéder, ils se tirent (cf. Syriza) – mais restent d'infantiles anarchistes hors de la réalité. Or, le système capitaliste s'étouffe, en étouffant surtout ses populations surnuméraires ! Si exalter la pénurie, l'envahissement disproportionné de populations chassées par la guerre, et la croyance à des aides sans fin, enchantent ces activistes – et qu'ils imaginent ainsi mieux « faire payer les riches » (LO) ou « la bourgeoisie » (NPA), ils se mettent le doigt dans l'oeil. C'est non seulement la bourgeoisie qui le fait payer en termes d'impôts à la classe ouvrière, mais surtout elle le lui fait payer politiquement en l'enfermant dans l'étau de la paranoïa nationale et du multiculturalisme « international ».


De Grèce et d'Italie parviennent des remarques comme quoi les caisses de solidarité européenne sont au bord du vide. Chaque pays de l'Est concerné referme des frontières qu'on croyait disparues grâce à Schengen (elles n'ont jamais disparues pour les illusionnistes d'une fumeuse « Europe des peuples »). On en entend certains relativiser contre l'hystérie qui assure qu'on doit absorber tous les migrants d'où qu'ils viennent, qui dénoncent les promesses mirobolantes faites aux candidats à la migration, se moquent de cette propagande gouvernementale qui met tout sur le dos des passeurs, ne cachent pas les exigences arrogantes de nombre de migrants (en Hongrie l'Etat n'a eu aucun mal à réaliser l 'union nationale en exhibant les images d'un train en gare où les candidats à la migration jettent la nourriture apportée par les policiers et secouristes bénévoles, et laissent, partout où ils passent des locaux dans un état de malpropreté repoussante). Toute le propagande est ainsi, baignée d'une ambiguïté constante : on fait la morale multiculturaliste et bisounours façon Valls mais, en parallèle, on exhibe les arrivants comme arrogants, et... déguisés ; France 2 diffusa hier un reportage où des petits bourgeoises syriennes cachaient leur foulard sous un chapeau à larges bords pour mieux s'infiltrer via la Hongrie et aboutir en Allemagne où elles espèrent « ouvrir un restaurant ». Ces gens-là seraient partie prenante de la classe ouvrière « internationaliste » ? Laissez-moi rire.
Tous les solidaires gauchistes – méprisons le silence des soit-disants groupes de la gauche communiste (maximaliste) - qui rampent en faveur de la solidarité pour les pas encore réfugiés cautionnent le mensonge déconcertant de l'aide aux réfugiés. C'est l'impéritie des Etats capitalistes qu'ils devraient dénoncer, et appeler à manifester non contre l'hydre famélique du FN, mais contre la guerre en Syrie. Leurs bêlements pour une meilleure solidarité, est certes bêtement utopique, mais au fond complice de leur gouvernement de gauche « antifasciste » et roi de « l'antiracisme », ces miroirs aux alouettes de nos braves marchands d'armes et souteneurs d'Al Nostra.
Petit retour en arrière éloquent avec mon petit pillage de Wikipédia.

Expulsion des Allemands d'Europe de l'Est

L’expulsion des Allemands d'Europe de l'Est est le transfert des populations allemandes (dites Volksdeutsche) vers l'Allemagne et l'Autriche actuelles. Ce mouvement de population commença au début de la seconde Guerre mondiale dans le cadre du pacte germano-soviétique, mais s'amplifia surtout à sa fin. Les déplacements de populations à la fin de la guerre se répartissent en trois vagues qui se sont partiellement chevauchées. La première correspond à la fuite spontanée ou à l'évacuation plus ou moins organisée des populations effrayées par l'avancée de l'Armée rouge de la mi-1944 au début 1945. La seconde phase correspond à des expulsions locales, immédiatement après la défaite de la Wehrmacht. Des expulsions plus systématiques ont eu lieu après les accords de Potsdam signés le 2 août 1945 par Staline, Attlee et Truman pour éviter toute revendication territoriale future de l'Allemagne sur ses voisins orientaux.
Les expulsions eurent principalement lieu dans l'actuelle Pologne (Poméranie, Prusse, 7 millions de personnes) et en Tchécoslovaquie (Silésie, Sudètes, 3 millions de personnes) mais touchèrent la plupart des pays d'Europe centrale et orientale. Ces déplacements touchèrent entre 12 et 16 millions de personnes. Ce fut l'un des grands transferts de populations de l'histoire contemporaine et le plus important parmi ceux qui eurent lieu à la fin de la guerre. Au moins 500 000 civils sont morts lors de ces transferts des suites de mauvais traitements, de maladies et de privations. Les expulsions étaient terminées au début des années 1950 et à ce moment il ne restait plus que 12 % des populations allemandes d'avant-guerre dans ces territoires. Mais l'exode s'est poursuivi ensuite individuellement.
Cet événement de l'histoire, qui, à quelques exceptions près (Saxons de Transylvanie) a mis fin à mille ans de colonisation allemande vers l'Est, reste encore mal connu y compris en Allemagne même, car les atrocités nazies et la Shoah ont longtemps occulté les souffrances des populations allemandes ; sur le plan diplomatique, il a longtemps « pollué » les relations entre l'Allemagne et ses voisins, jusqu'à ce que divers traités aient, après 1990, fini par en régler les séquelles.

Conditions des expulsés dans l'Allemagne d'après-guerre

Ancien camp pour les réfugiés à Eckernförde, photographie prise en 1951.

Ceux qui arrivaient étaient en mauvais état, particulièrement durant le dur hiver 1945-1946 lorsque les trains transportaient les « morts et les mourants dans chaque wagon (d'autres morts avaient été jetés du train le long du trajet)». Après avoir subi les atrocités de l'Armée rouge, les expulsés durent subir les représailles des populations locales de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Yougoslavie. Les lynchages, les viols et les meurtres accompagnaient souvent les expulsions. Des Allemands furent massacrés comme à Ústí ou enfermés dans des camps particulièrement rudes104. En plus de ces atrocités, les expulsés souffraient de la faim, de la soif, des maladies, de la séparation de leurs proches, de la perte de leurs droits et parfois de travaux forcés. Les traumatismes psychiques étaient nombreux et en particulier chez les enfants.
Une fois arrivés, ils découvraient un pays ravagé par la guerre. Le manque de logements dura jusque dans les années 1960, ce qui associé aux autres pénuries mena à des conflits avec les populations locales. La situation s'améliora seulement avec le Wirtschaftswunder dans les années 1950 qui ramena le taux de chômage à moins de 1 %.
La France n'avait pas participé à la conférence de Potsdam et se sentait donc libre d'appliquer les dispositions qu'elle souhaitait. Elle maintenait sa position selon laquelle elle n'avait pas approuvé les expulsions et par conséquent n'était pas responsable du relogement et de l'approvisionnement des expulsés dans sa zone. Si l'administration militaire s'occupait des Allemands arrivés avant juillet 1945, elle tenta de refouler les nouveaux arrivants en provenance de l'Est. La Grande-Bretagne et les États-Unis protestèrent contre les actions françaises, mais n'avaient aucun moyen de forcer la France à appliquer la politique d'expulsion décidée à Potsdam. La France continua de distinguer clairement les réfugiés de guerre et les expulsés de l'après-guerre. En décembre 1946, elle accueillit dans sa zone les 250 000 réfugiés allemands se trouvant au Danemark, car ceux-ci avaient été évacués durant la guerre. Les Danois d'origine allemande ne furent jamais expulsés. La France sauva ainsi de nombreuses vies compte tenu du fort taux de décès dans les camps danois117 .
Jusqu'à l'été 1945, les Alliés ne s'étaient pas mis d'accord sur la façon de gérer les expulsés. La France suggéra l'émigration en Amérique du Sud et en Australie et l'implantation des « éléments productifs » en France, tandis que les Soviétiques privilégiaient la réinstallation de millions de réfugiés en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale.
Les Soviétiques, qui encourageaient et participaient en partie aux expulsions, ne se préoccupaient pas des conditions de vie des expulsés et demandaient aux Américains et aux Britanniques d'absorber les réfugiés dans leur zone d'occupation. En contradiction avec les accords de Potsdam, les Soviétiques ne fournirent que peu de ravitaillement aux expulsés. À Potsdam, il fut accepté que 15 % des équipements industriels de la zone occidentale, en particulier dans le domaine sidérurgique et chimique, seraient transférés à l'Union soviétique en échange de produits alimentaires, de charbon, de potasse (pour la production d'engrais), de bois et de pétrole. Les livraisons occidentales commencèrent en 1946, mais les livraisons soviétiques, désespérément nécessaires pour ravitailler les réfugiés et relancer la production agricole, ne se réalisèrent pas. Par conséquent, les États-Unis stoppèrent leurs livraisons le 3 mai 1946, tandis que les réfugiés de la zone soviétique étaient déportés à l'Ouest jusqu'à la fin 1947.
Dans les zones britanniques et américaines, la situation s'aggrava considérablement, particulièrement dans la zone britannique. Du fait de sa localisation sur la mer du Nord et sur la mer Baltique, un grand nombre de réfugiés arrivèrent par mer et les rations déjà modestes durent être réduites d'un tiers en mars 1946. À Hambourg par exemple, la surface de logement disponible par personne déjà réduite par les bombardements aériens de 13,6 m2 en 1939 à 8,3 m3 en 1945 fut encore réduite à 5,4 m2 du fait de l'arrivée massive de réfugiés. En mai 1947, les syndicats de Hambourg organisèrent des grèves contre la faiblesse des rations et les manifestants se plaignaient de l'arrivée rapide des expulsés .
Les États-Unis durent importer de la nourriture dans leurs zones et le Royaume-Uni financièrement épuisé et dépendant des importations alimentaires dut contracter un nouvel emprunt auprès des États-Unis pour financer l'acheminement de produits alimentaires en Allemagne. Les Alliés se tournèrent vers une politique d'« assimilation », considérée comme la meilleure façon de stabiliser l'Allemagne et d'empêcher la création d'une population marginalisée qui pourrait se révolter118. Ainsi tous les expulsés qui possédaient autrefois la nationalité polonaise, tchécoslovaque, hongroise, yougoslave, roumaine, etc., reçurent automatiquement la nationalité allemande.
Manifestation d'expulsés à Bonn, capitale de l'Allemagne de l'Ouest 1951

Après la fondation de la République fédérale allemande, la loi du 24 août 1952 fut destinée à améliorer la situation économique des expulsés. La loi, nommée Lastenausgleichsgesetz ou loi sur l'indemnisation garantissait une compensation financière partielle et un accès au crédit plus facile pour les expulsés ; la perte de leurs possessions fut estimée à 299,6 milliards de deutschemarks123. Des organisations furent créées pour faciliter l'intégration des expulsés dans la société allemande d'après-guerre tandis qu'à l'Est, de telles organisations étaient interdites124. La plus importante, encore active aujourd'hui, est la Fédération des expulsés (allemand : Bund der Vertriebenen (BdV)). Il s'agit d'une association à but non lucratif créée pour représenter les intérêts des Allemands chassés de leur région d'origine à l'Est de l'Europe. Elle représente les expulsés allemands et leurs descendants soit actuellement environ 15 millions de personnes. L'actuelle président est Bernd Fabritius membre de la CSU.

Raisons et justifications pour les expulsions

Étant donné l'histoire complexe des régions affectées et les intérêts divergents des puissances alliées, il est difficile de donner une liste définitive des motifs d'expulsions. Le paragraphe des accords de Potsdam à ce sujet est assez vague : « Les trois gouvernements, après avoir considéré la question sous tous les aspects, reconnaissent que le transfert vers l'Allemagne des populations allemandes restantes en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Hongrie doit être entrepris. Ils s'accordent sur le fait que ces transferts devront se faire de manière ordonnée et humaine ». Les principales raisons sont :
  • Un désir de créer des nations homogènes : C'est la raison principale selon de nombreux historiens
  • La vue des minorités allemandes comme une source potentielle de troubles : Les soviétiques et les administrations communistes du bloc de l'Est considéraient les minorités allemandes restantes comme une potentielle cinquième colonne qui pourrait interférer avec la soviétisation de ces pays. En général, les alliés occidentaux espéraient obtenir une paix plus durable en éliminant les minorités allemandes, qui selon eux, devait se faire de façon humaine
  • La punition des Allemands; Les alliés déclarèrent les allemands collectivement responsables des atrocités nazies.
  • Les considérations politiques soviétiques. Staline a vu dans les expulsions un moyen de créer de l'antagonisme entre les pays satellites de l'Union soviétique et leurs voisins. Ces États auraient donc eut besoin de la protection de l'URSS.

Le désir de créer des États ethniquement homogènes

Nationalités majoritaires en Pologne vers 1931 d'après l'historien polonais Henryk Zieliński.
La création de nations ethniquement homogènes en Europe centrale et orientale126 fut présentée comme la raison principale des décisions de Potsdam et des expulsions qui suivirent127. Le principe selon lequel toute nation doit habiter son propre État-nation a donné lieu à une série d'expulsions et de réinstallation des Allemands, des Polonais, des Ukrainiens et d'autres nationalités qui, après la guerre se sont retrouvés en dehors de leurs pays d'origine128. Les échanges de populations entre la Turquie et la Grèce ont apporté de la légitimation à ce concept. Churchill cita l'opération comme un succès dans un discours concernant les expulsions d'Allemands138,139.
Dès le 9 septembre 1944, le dirigeant soviétique Khrouchtchev et le polonais communiste Osóbka-Morawski du Comité polonais de Libération nationale signèrent un traité à Lublin sur les échanges de populations ukrainiennes et polonaises vivant du « mauvais côté » de la ligne Curzon128. La plupart des 2,1 millions de Polonais expulsés de Kresy annexé par les Soviétiques furent réimplantés dans les nouveaux territoires polonais à l'ouest136 Le tchécoslovaque Edvard Beneš, dans les décrets Beneš du 19 mai 1945, qualifie les Hongrois et les Allemands de « traîtres à la patrie », ouvrant la voie aux expulsions et aux confiscations.


Ce court historique qui demanderait des commentaires – vous pouvez en lire l'intégralité sur Wikipédia - est intéressant à plus d'un titre. Il montre que la question des réfugiés en 1945 (et seulement en Europe, car il ne faut pas oublier qu'il était au moins aussi grave en Asie) est typique par son ampleur, bien supérieure à l'actuelle crise des migrants, des conséquences de la boucherie mondiale. Ce n'est pas la faute au peuple allemand, comme l'a démontré dans un excellent texte de Henri Chazé (lisible dans mon blog Archives maximalistes ou sur le site La bataille socialiste) mais bien de l'ensemble du capitalisme, nazis et stalinistes inclus. Il faut comparer le type de problèmes posés alors, différents de ceux d'aujourd'hui : « faire payer » aux allemands alors qu'aujourd'hui personne ne veut en principe « faire payer aux syriens », préserver l'ethnicité des nations alors qu'aujourd'hui contester le multiculturalisme et le tapis rouge dressé à l'islam (cf. en Hollande) vous fait passer pour un passéiste ringard au mieux, au pire pour qui vous savez.
Le problème des réfugiés ne semble pas avoir beaucoup préoccupé les tout petits cercles révolutionnaires, marxistes ou pas, trotskystes ou anarchistes, sous réserve de plus informé (qu'il me communique alors ses données). Dommage car il me semble que, à la fois le retour des prisonniers de guerre dans leurs différents pays que les millions de réfugiés pourchassés ne risquaient pas de se faire les apôtres de la révolution violente après ce qu'ils venaient de subir ; c'est même à mon sens – face à cet aveuglement des militants pro - une des principales causes de l'impossibilité de renouveler un nouvel Octobre 17 ! Le fait que des réfugiés soient accueillis, venant donc d'un enfer, pris en charge par l'Etat « accueillant » - russes en 17, espagnols en 39, allemands de l'Est en 45, pieds noirs et harkis en 62, cambodgiens et vietnamiens en 75, allemands de l'Est en 89, etc. - ne peut que mettre en valeur la grande mansuétude de la bourgeoisie « démocratique » et obliger les arrivants à son égard.


L'article ci-dessous de la Gauche Communiste de France, de 1947, m'a semblé tout de même capable d'aller au fond du problème, dans le désarroi des masses de prolétaires à l'époque de la Libération du nazisme. Il reste d'une étrange actualité contre toutes les pleurnicheries ou même des compassions queuistes de certains qui s'en prétendent les héritiers.


LE REFUS, SEULE POSITION DE CLASSE

C'est une habitude que prennent les gouvernements dits démocratiques d'inviter chaque année le peuple à une mascarade électorale. Bien plus que de rallier des masses à une politique ou à une autre, il s'agit d'empêcher ces mêmes masses de se désintéresser des querelles impérialistes, de crainte de les voir retrouver la solution révolutionnaire de classe. Aussi, toutes les nouvelles acquisitions de la publicité sont mises en œuvre. Les staliniens présentent des films pour faire avaler leurs discours, Ramadier prêche la pénitence, espérant dans les effets d'un masochisme collectif, et De Gaulle tente de rééditer son exploit du 18 juin 1940. Les kermesses battent leur plein.
Mais, fait significatif entre autres, on ne vit plus des incidents oratoires, on tâte des barricades de revues grand-guignolesques. À Verdun, un peu partout où quelques misérables tonnes de denrées alimentaires passent, des barricades se hérissent, des députés retrouvent les gestes de 1789, l'écharpe tricolore s'engraisse des grèves suscitées spontanément. On est prêt à mourir. Mais, au dernier moment, il y a contre-ordre et tout rentre dans le calme. Ces simulacres de guerre civile, qui font hurler les démocrates et frisonner les gens bien républicains, ces attentats manqués qui soulèvent un peu de poussière sont les artifices de la nouvelle publicité politique. Et l'on y perd la tête en attendant d'y perdre la vie.
Dans cette atmosphère bien remuante, une masse de tracts d'appel, de manifestes, de conférences internationales et de solutions définitives sont jetés en pâture à la masse qui ne demande pas tellement de paroles.
Mais, au fait, que promet-on aux masses, dans tout ce flot d'éloquence et de littérature, pour les river aux besoins politiques journaliers des 2 grands blocs impérialistes ?
La Résistance a épuisé ses derniers restes de démagogie. La lutte contre le boche et le danger allemand, s'il revient comme un leitmotiv dans chaque discours, dans chaque manifeste, c'est plus comme "médaille du mérite démocratique" que comme objectif réel.
Face à la dictature nazie, on a pu croire en la démocratie des "alliés" ; mais, cette démocratie, aux yeux des travailleurs, représentait plus un niveau de vie honnête qu'une longue constitution indigeste.
Et cette démocratie est arrivée ; que d'encre, que de battage ! Les commissions, les comités de vigilance ou non ont traîné la faim des ouvriers derrière eux. A chaque tentative de lutte contre la famine les masses ont rencontré une démagogie effrénée des organismes de collaboration de classe tels les syndicats ; c'est une politique prétendument socialiste qui conserve une structure capitaliste en employant des termes révolutionnaires dans des organismes qui avaient pu jadis, dans d'autres conditions, servir la classe ouvrière.
La tactiques des États bourgeois, de la France en particulier, a consisté en définitive à amener la classe ouvrière à discuter et à chercher à résoudre des problèmes qui n'intéressaient que le déroulement économique du capitalisme.
Les revendications économiques - qui, hier encore, pouvaient être le tremplin de vagues offensives du prolétariat - enterrent, dès qu'elles s'expriment, toutes possibilités de luttes révolutionnaires, car aujourd'hui la bourgeoisie discute ces revendications mais dans le cadre bourgeois ; pour toute augmentation de salaire, la balance commerciale capitaliste présente inlassablement un déficit non fictif, mais éminemment réel.
Aussi joue-t-on sur la monnaie ; et les augmentations se soldent en définitive par des chutes du pouvoir d'achat des masses.
Et, si les ouvriers bougent pour lutter confusément contre la famine, les organismes syndicaux et les partis dits ouvriers ressortent, fort à propos, une vieille revendication enterrée pour dévier et canaliser le flux des masses.
Comme les revendications économiques tiennent compte forcément du coût de la vie et des prix, voilà du travail pour les comités tripartites - gouvernement, patronat et salariés - d'arbitrage. À chaque fois, et ceci ne rate pas; on discute des salaires pour chercher surtout une solution à la crise du régime.
La lutte ne se fait plus entre classes mais entre une société capitaliste et les conditions qui poussent cette société dans l'abîme. Les ouvriers servent de pâture ; on jette du lest ; et ce lest est toujours au détriment des conditions de vie des ouvriers.
Toutes les conditions politiques actuelles poussent la classe ouvrière vers la collaboration de classe. L'ennemi à abattre n'est plus le système mais ces imbrisables lois du déroulement économique du régime. On cherche à amoindrir les effets du capitalisme en décrépitude en consolidant tant bien que mal, par une réduction du niveau de vie des travailleurs...
Les ouvriers sont invités à participer à ce travail inutile ; toute la gauche bourgeoise - SFIO, staliniens, trotskistes - les entraîne à pallier quotidiennement à la crise du système bourgeois. Pour les uns, la grande pénitence, la ceinture au dernier cran est la solution réelle contre la famine ; c'est une façon de combattre le mal par le mal. La strychnine à petite dose peut mithridatiser, la famine par échelons successifs pourra amenuiser les forces ouvrières qui pourraient être dangereuses. Voilà la perspective Ramadier ! Pour les autres, c'est la démocratie bafouée, l'aliénation de l'indépendance nationale, la dollar porte-malheur qui sont cause de notre mauvaise situation. Que faire alors ? Réclamer le retour des staliniens au gouvernement. Solution de chantage, mais la classe ouvrière n'est pas le maître-chanteur, il n'est que la monnaie d'échange. Voilà l'horizon des "lendemains qui chantent" du PCF.
Et les troisièmes, les sans grades, les aspirants meneurs, ceux qui, de tout mouvement de masse, prophétisent immédiatement leur radicalisation, que proposent-ils comme radicalisation ? L'échelle-mobile panacée universelle, seule arme contre la famine. Est-ce le régime qui se trouve en cause ? Bien sûr que non ! Si on voulait seulement multiplier par le même coefficient les salaires et les prix, tout irait bien. Avec ceci, ils se prétendent marxistes et internationalistes, ces symboles étant si souples et si accommodants.
L'avenir, pour ces apprentis-sorciers, est à une multiplication des commissions d'arbitrage pour calculer le coefficient d'augmentation des prix. La lutte ouvrière est retenue par le souffle des machines à calculer. Et, si ça ne suffit pas, il faut diminuer les bénéfices, ce qui signifie qu'on ne pense pas à les supprimer. C'est donc la perpétuation de l'exploitation et de la guerre. Voilà les secrets du "Programme transitoire" de la 4ème, Internationale de nom seulement.
Mais ces trois solutions offertes à la masse des travailleurs ne s'encadrent pas moins dans le déroulement historique de la situation. La guerre qui s'approche inexorablement, divisant le monde et chaque pays en deux blocs impérialistes adverses, s'appuie sue ces démagogiques solutions qui ne font que préparer les diverses économies à soutenir une nouvelle vague de guerre, pour permettre au capitalisme de survivre encore. Il est vrai que les causes de cette prochaine guerre sont rejetées d'un camp à un autre et vice versa. Les fauteurs de guerre sont ceux qui admettent un bloc impérialiste contre un autre.
Que reste-t-il à la classe ouvrière ? Prendre fait et cause pour un bloc contre un autre ; mais alors elle aliène son indépendance de classe, fait les frais en sueur et en sang de la guerre impérialiste, subit saignée sur saignée pour maintenir debout l'édifice branlant du capitalisme. Elle perd sa conscience politique dans les entreprises de renflouage que lui présente l'État capitaliste. Elle ne voit plus de solution que sur le terrain de l'ennemi de classe et passe son temps à espérer dans les commissions d'arbitrage qui surgiront comme des champignons. La nature du collectivisme, qui ne pouvait demeurer enfermé dans des limites nationales, prend figure de nationalisations, portant la lutte concurrentielle du plan national au plan international.
Bien plus, la classe ouvrière ne voit plus la collectivisation comme le premier pas vers une société de consommation ; son socialisme ne se présente plus que comme une simple planification d'une économie existante et en pleine décrépitude.
À la politique indépendante de classe, la classe ouvrière est amenée à donner le pas à la démocratie : sa mission historique ne signifie pour elle qu'une recherche de mode d'élection équitable, sans tenir compte de la nature de classe de ces élections. Elle vote et votera sans s'apercevoir que, quel que soit le mode d'élection, elle est une minorité dans le monde bourgeois. Et même si elle ne se fait plus d'illusions sur la valeur progressiste des élections, habituée à choisir uniquement les solutions que lui présente la bourgeoisie, elle applique et appliquera la politique du moindre mal et sera entraînée encore plus par le char de la bourgeoisie. Que reste-t-il à faire donc ? Une seule politique, une seule tactique : le refus de toutes solutions présentées par la bourgeoisie.
La classe ouvrière n'a pas à chercher avec le capitalisme, au travers de discussions, la solution à la famine permanente. Les contradictions qui épuisent le régime actuel, les travailleurs n'ont pas à les résoudre, mais à abattre le régime. C'est la révolution qui se pose immédiatement sans programme transitoire, sans étape pédagogique. Il faut refuser l'existence et le fonctionnement du régime en sachant fort bien que ce refus entraîne le choc de classes, la guerre civile classe contre classe.
Si la classe ouvrière considère la révolution comme un mythe ou comme un continuel désir irréalisable, c'est la famine et la guerre en permanence. Refusant ces 2 fléaux engendrés par le capitalisme, on rejette tout ce qui peut perpétuer la vie de ce régime ; on oppose à tout compromis la révolution, non comme un mot mais comme un acte.
On pourrait rire de cette tactique, la trouvant trop simple ; mais à chercher une voie plus subtile, plus compliquée, on finit par tomber dans l'opportunisme et la collaboration de classe.
Et, pour l'immédiat, pas de politique du moindre mal à la mascarade d'octobre ; l'abstention consciente de classe devient un acte révolutionnaire.


Mousso





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