L’article qui suit d’une journaliste d’un journal
bourgeois, qui évite les termes de classe et tout raisonnement alternatif au
constat de la misère fabriquée en l’espèce par la bourgeoisie teutonne est
exemplaire de la politique de recrutement de la bourgeoisie des pays dits
développés en général, et de la capacité de l’idéologie capitaliste de minorer
l’intense surexploitation des travailleurs migrants sous d’augustes discours
antiracistes relayés par les sous-fifres gauchistes. On clame à tout va que la
messe des droits de l’homme oblige à ouvrir les frontières… que chacun est « libre »
d’aller travailler où il veut en Europe… en n’évoquant jamais les « conditions
de Manchester » (allusion au capitalisme sauvage du 19ème…). Mais
la bourgeoisie allemande exploite aussi les jeunes prolétaires d’Allemagne, et,
dans le secteur des services en particulier joue à fond la concurrence entre nationalités.
La santé économique du capital allemand est bien truquée, et, malgré les
promotions sur leur spécialisation haut de gamme, les bourgeois allemands sont
bien responsables d’une pauvreté importante (21% de pauvres contre 8% en France
paraît-il, mais ces taux restent abstraits et personne ne sait d’où ils
proviennent) et assis sur un baril de poudre si l’a poudre s’avère bien un jour
être l’unité des prolétaires indépendamment des chansons antiracistes
hypocrites et sur des bases de classe (salaires minables, loyers éhontés,
etc.). PS : on peut se poser quand même la question de l’opportunité et
actualité de cet article très anti-Merkel en pleine période électorale Outre
Rhin - même si l’article est révélateur
de la misère dans le principal moteur capitaliste européen – un coup de pouce "socialo" élyséen (oecuménique)?
En
Basse-Saxe, la "ceinture de graisse" du pays prospère grâce à des
salaires de misère
LE MONDE | 16.09.2013 à 11h20 • Mis à jour le
16.09.2013 à 18h48 | Claire
Gatinois
Les raisons qui ont poussées Stefan Petrut à quitter la Roumanie pour venir travailler en Allemagne sont simples. "L'argent". L'homme épais, à la figure bonhomme, qui ne laisse rien transparaître de trente ans de travail à la chaîne à découper les viandes dans les abattoirs, ne s'en cache pas. L'argent lui manquait tellement à Buzau, sa ville natale à 100 kilomètres de Bucarest.
Alors, en 2008, quand son ami Nicolaï, lui a
parlé de ce travail d'équarrisseur en Basse-Saxe, à Essen-Oldenburg payé 1 600
euros par mois. "J'ai
dit oui. J'arrive". Quelques jours plus tard, Stefan,
quarante-six ans à l'époque, laisse sur place un fils déjà grand mais emmène sa
femme, Luminata, couturière. Elle lâche ses travaux d'aiguilles pour se convertir à la découpe de bestiaux. De 16 heures à deux heures
du matin, pauses comprises. L'affaire est trop belle. Au début, tout va bien.
Si ce n'est cet appartement sommaire dans une maison de briques de Quakenbrück,
à dix kilomètres de l'abattoir que Stefan et Luminata doivent partager avec deux autres couples. Une seule salle de bains.
Une toilette pour tout le monde. Le tout pour 175 euros par personne et par
mois payés "au
patron". Celui-là même qui dirige l'abattoir.
Mais au bout de quelques mois, l'entreprise
change le fonctionnement. Fini le salaire fixe, désormais Stefan et sa femme
seront payés à la pièce : 1,31 centime (0,0131 euro) par cochon découpé pour
lui, 0,98 centime pour elle. "Normalement, ça va, je suis un spécialiste",
explique-t-il, fier. Solide et rompu à l'exercice, Stefan peut faire 700 bêtes par heure, donc, toucher un peu plus de 9 euros de l'heure. Mais Luminata ne
tient pas la cadence. Pis au bout de quelques jours, les porcs n'arrivent plus.
Danish Crown, un gros industriel de la viande qui achetait la pièces à
l'abattoir de Stefan, veut changer de sous-traitant pour un autre, moins cher.
"Plus de cochons, plus d'argent", résume Stefan
dans un français qu'il a appris à l'école. Sa femme et lui vivotent alors avec
500 euros mensuels. Puis, plus rien. L'abattoir fait faillite. Eux sont
licenciés sans toucher les 5 000 euros et quelque qu'on leur doit encore.
"NATIONALITÉS INVITÉES"
En Basse-Saxe, le cas de ces Roumains n'est qu'un
exemple parmi d'autres de l'exploitation de la main-d'œuvre étrangère, peu au
fait de ses droits, et souvent maintenue à dessein dans l'ignorance. Depuis un
an, la presse locale se fait l'écho d'histoires plus ou moins sordides
recensées dans "la
ceinture de graisse" de l'Allemagne, championne européenne de
l'exportation de viandes.
Got Ilie, le visage mat et l'air encore espiègle
de ses 24 ans en témoignent. Arrivé en Allemagne en 2010, il a passé un an payé
5 euros de l'heure, sans sécurité sociale, et avant déduction des 70 euros à
régler chaque mois à son employeur pour le logement : une chambre à partager avec cinq autres Roumains.
Au fil des ans, les nationalités "invitées"
évoluent mais le scénario reste le même. Un salaire de misère qui frise parfois
les deux à trois euros de l'heure et des conditions de logement indécentes. "Il y a quelques
semaines, j'ai été alerté par un Espagnol employé dans une découpe de volailles
qui n'avait pas reçu son salaire. J'ai découvert que lui et d'autres Espagnols
vivaient à soixante-dix dans 180 mètres carrés dans un restaurant
désaffecté", raconte Matthias Brümmer, responsable régional du
syndicat de l'alimentaire NGG.
"Des Grecs, on n'en a pas encore vus. Mais l'industrie cherche et
trouve toujours ce qu'elle veut là où la misère est la plus grande,
dit-il, écœuré. Ces
industriels se vantent de traiter correctement les animaux, mais eux traitent leurs
salariés comme des bêtes !" M. Brümmer, un ancien des
abattoirs, s'est rendu compte il y onze ans, grâce à un journaliste du Rheinische Post,
que ces scènes dignes d'un roman
de Zola existaient dans son propre pays, ce super modèle de l'Europe.
Interrogé sur de telles pratiques, Danish Crown
explique que c'est le marché du travail allemand qui implique de tels niveaux
de salaires. Quant aux sous-traitants, le groupe peut difficilement les
contrôler, explique Jens Hansen, le porte-parole de l'entreprise danoise,
ajoutant que le groupe, basé dans un pays réputé pour la générosité de son
système social, ne rechigne pas à payer correctement ses propres salariés. Une stratégie
d'évitement, certes, qui n'est toutefois pas éloignée de la réalité. Pour M.
Brümmer, la réglementation du marché du travail allemand a permis ces dérives
et l'émergence de ce qu'il appelle un "capitalisme de Manchester".
PAS DE SALAIRE MINIMAL
Outre-Rhin, aucun salaire minimal n'est imposé
dans la filière de la viande. En outre, sous le gouvernement de Gerhard
Schröder (SPD) une clause a été introduite permettant à un employeur allemand
de "louer"
de la main d'œuvre à une entreprise étrangère, roumaine ou bulgare par exemple.
Dans ce cadre, les employés sont soumis au droit du travail de leur pays d'origine,
souvent moins disant.
En permettant aux industriels d'avoir recours à une main d'œuvre bon marché, la Basse-Saxe est
devenue un aimant aux multinationales de la viande. Danish Crown, mais aussi le
néerlandais Vion y sont représentés aux côtés des allemands Tonnies,
Westfleisch, entre autres.
Résultat, dans cette région agricole, le chômage
est au ras des pâquerettes (6,5 % en août selon l'agence pour l'emploi), et en dépit de l'automatisation
du métier, l'industrie emploie encore 142 000 personnes, et plus de 200 000 en
comptant ces travailleurs "loués", indique M. Brummer. "Aujourd'hui, si
l'Allemagne arrête de produire de la viande, l'Europe fait famine !",
plaisante-t-il.
Pour lui comme pour nombre d'Allemands, ce
résultat n'a pourtant rien d'une réussite. "J'ai honte. Quand je voyage à l'étranger et qu'on m'interroge à
ce sujet, je suis incapable de justifier cela", confie Alexander
Herzog-Stein, spécialiste du marché de l'emploi à l'institut IMK, proche des
syndicats.
Dans la région, aussi, on a honte. Depuis plus
d'un an, à Vechta, une petite ville tranquille, le prêtre Peter Kessen mobilise
les foules pour que cesse ce "dumpig social", dénoncé également par
la France et la Belgique.
Pour son action, le prêtre a reçu des menaces : une peau de lapin, déposée
devant sa porte en novembre dernier.
C'est que le combat de ce religieux dérange. Son
objectif est d'obliger l'instauration d'un salaire minimum à 8,50 euros de
l'heure, pour tous. Une lutte à la frontière entre religion et politique : la mesure
figure dans le programme du SPD, en lice face à la CDU d'Angela Merkel pour les
élections législatives du 22 septembre."C'est notre responsabilité sociale",
sourit-il. Et pour ceux qui redouteraient de voir alors la compétitivité de l'industrie s'effondrer, le prêtre a déjà fait les calculs. Avec ce niveau
de salaire, le kilo de viande ne serait renchéri que de 5,7 centimes, dit-il.
Reste que les entreprises
pourraient déguerpir, à la recherche d'une main-d'œuvre meilleur marché. "Qu'ils s'en aillent
!", lâche M. Brümmer.
Depuis quelques jours, la région a bon espoir de mettre fin à tout cela. A la suite d'une table ronde, mardi 10
septembre, les grands industriels se sont mis d'accord pour l'instauration d'un
salaire minimum. Mais M. Brümmer se méfie. "Ce n'est pas la première fois qu'en période
préélectorale on nous fait des promesses. Attendons le 23
septembre !".
Et puis après la viande viendra le combat pour
les employés de l'hôtellerie, de la restauration et pour les garçons coiffeurs,
dont les salaires, dit-on, ne dépassent pas 2 à 3 euros de l'heure...
- Claire Gatinois Journaliste au Monde
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