De
l'impossible repli national au gouvernement mondial...
Suivi
d'un hommage à HG Wells
« Tirez
les premiers messieurs les bourgeois » Engels (1891)
«
Une période de troubles révolutionnaires est ouverte, une nouvelle
ère de révolutions approche. Les contradictions de classes ne
s'atténuent pas mais s'exacerbent, le coût de la vie augmente, les
rivalités impérialistes se donnent libre cours, le militarisme fait
rage ». Kautsky (1908)
«
J'ai acquis la conviction que, si, sur ce terrain (les rapports entre
la guerre et la révolution), il se produisit une foule de
malentendus, c'est précisément parce qu'en analysant cette question
nous parlons bien souvent deux langages absolument différents ».
Lénine (27 mai 1917)
« Nos
vies font partie de l’une l’autre. … Nous faisons partie d’une
masse sociale.
Que
devons-nous faire de nos vies? »
« Unissons-nous
à d’autres personnes de notre espèce et transformons le monde en
une grande civilisation qui nous permettra de réaliser les promesses
et d’éviter les dangers de cette nouvelle époque ». HG.
Wells (The open conspiracy)
« Si
on n'en finit pas avec les guerres, les guerres en finiront avec
nous ». HG Wells
La
catastrophe qui s'est abattue sur la civilisation mondiale n'est-elle
pas une excellente occasion pour s'attendre à un soulèvement
social, où l'on n'aura plus qu'à saisir le moment favorable pour
transformer la crise « infectieuse » en une révolution
mondiale pour vivre enfin dans cette « nouvelle époque »
dont rêvait HG Wells, néanmoins plus grand auteur de
science-fiction?1
Je vous vois tous venir à moi, salivant, encore confinés et
meurtris. Non je ne vais pas vous promettre ici-bas des salades
« subversives », qui sont dérisoires tant qu'une masse
significative du prolétariat restera incapable de se réapproprier
des leçons d'histoire qu'on n'apprend pas sur les bancs de l'école
républicaine ou islamiste. Pas de spéculations, ce qui est sûr
c'est que ce capitalisme est un système sclérosé, incapable de se
survivre sans avoir recours à la violence dans la plus extrême
pourriture. Par crainte de la révolution, les classes dirigeantes
peuvent se sentir contraintes d'adopter une politique désespérée,
elles pourraient pourquoi pas prolonger la crise du covid-19 par une
marche accélérée à la guerre mondiale, profitant de la paralysie
sanitaire de la masse de sept milliards d'hommes et de femmes, mais
comme dans le scénario du film de Kubrick... car, par contre, la
crise économique sera impitoyable pour réveiller une « guerre
des classes », plutôt ultime... Pensez à tirer les premiers
messieurs les bourgeois !
Le
terrible enfoncement dans la crise laissera le temps aux masses de se
« conscientiser » et de se radicaliser avec un projet
politique. La crise sanitaire ne crée donc pas une situation
absolument nouvelle ni pour un pays ni pour tous les pays. Son apport
nouveau consiste simplement à transformer qualitativement une
intensification quantitative extraordinaire de tous les problèmes et
c'est en cela et uniquement par cela qu'elle crée une situation
nouvelle. Le phénomène de la monstrueuse crise pandémique et la
désagrégation et désorganisation du mécanisme capitaliste qu'il
entraîne ne peuvent que reposer la nécessité d'une alternative de
société mondiale, d'un « gouvernement mondial », dont
on causera par après. Faut-il s'inquiéter de l'absence d'un vrai
programme, pur et dur, certifié « dictature du prolétariat »,
vraiment bordiguien ? En mars 1916, Lénine écrivit à
Henriette Roland Holst à propos de la nécessité qu'elle avançait
de formuler un programme de la révolution socialiste : « On n'en a
pas besoin maintenant ... Ce n'est qu'au cas où la révolution sera
imminente à coup sûr que cette nécessité se fera ressentir»
Reprenons
donc notre réflexion sur le centralisme qui renvoie inévitablement
à la question de l'Etat. (Le fichier de cet article ayant été
corrompu et détruit, je reprends mon fil de mémoire)
Boukharine
écrit en 1927 dans ses Notes d'un économiste : « Nous sommes
par trop centralisés ! »2.
Cette remarque surgit trois ans après la déclaration de Staline
favorable au « socialisme dans un seul pays » le 20
décembre 19243.
Lénine est mort depuis le 21 janvier. Le repli autarcique de la
gestion de l'Etat russe a connu une accélération telle en quelques
mois à peine qu'on peut se demander si Lénine survivant n'aurait
pas été acculé comme Staline et ses compères à théoriser
soudainement ce socialisme rabougri. L'analyse de Trotski explique
très bien ce renoncement à la vocation internationaliste de la
révolution4.
Notre perception du stalinisme avec le recul fait volet en éclats
tous les poncifs sur la méchanceté intrinsèque de Staline5.
Il n'y a pas de grandes personnalités, c'est l'histoire qui
commande. L'Etat est une machine qui ne fonctionne pas simplement à
cause d'un dictateur aussi manipulateur soit-il.
Isolée
par la guerre d'encerclement que continue à lui livrer le
capitalisme coalisé, l'expérience révolutionnaire en Russie ne
pouvait que s'étouffer dans l'autarcie. Paradoxalement la faillite
de l'extension de la révolution internationale vient prouver non
seulement que la théorie du socialisme dans un seul pays est
invraisemblable mais surtout que le monde ne peut plus fonctionner
divisé en nations, lesquelles, petites et grandes, sont condamnées
à se livrer des guerres incessantes.
Boukharine
résume bien les aléas de l'échec des théoriciens bolcheviques. Ce
« benjamin » des vieux militants a été capable dès
avant la révolution de pousser un Lénine à mener une réflexion
approfondie sur la nature de l'Etat, puis de le critiquer, de façon
erronée, avec une vision romantique de la « guerre
révolutionnaire » au moment de Brest-Litovsk6,
puis, avec la revue « Kommunist » de porter des critiques
valables à la gestion étatique de la révolution, pour enfin
théoriser la gestion de l'autarcie en faisant « avec les
moyens du bord », c'est à dire des concessions à l'énorme
masse des cent millions de paysans en étant dubitatif pour
l'industrialisation forcée prônée par ses collègues de l'appareil
d'Etat. On voit là qu'on ne comprend rien au stalinisme, ni aux
options politiques aléatoires de Boukharine si on laisse de côté
cet acharnement à gérer la dégénérescence de la révolution par
la plupart de ses meilleurs acteurs du fait qu'ils étaient le cul
sur deux chaises, celle de l'Etat et celle du prolétariat, quand au
final la dictature du prolétariat est devenue dictature sur le
prolétariat. Le « communisme de guerre » un
« confinement bolchevique », et le « socialisme
d'Etat » un « capitalisme d'Etat »7.
La
plongée de l'expérience russe dans le « socialisme national »
n'est que le pendant du « national-socialisme » en
Allemagne. Le prolétariat russe, minoritaire au milieu de l'océan
paysan, a pu être rapidement vidé de ses meilleurs éléments,
paradoxalement aspirés dans l'appareil d'Etat, c'est à dire
s'éloignant de leur base naturelle, le prolétariat, pour se mettre
au service d'une société transitoire, mais pas transitoire
du tout au socialisme, mais d'une société en guerre obligée de se
militariser. Trotski est d'ailleurs la preuve de cette prise d'otage
par l'Etat. Cette conscience, une des plus claires après Lénine,
s'affiche général d'armée, puis ministre d'Etat hostile à des
organismes de protection des prolétaires, puis organise la
répression des mutinés de Kronstadt, et finit clown de la
démocratie occidentale. Contrairement à l'histoire résumée et
simplette pour ados de quatrième (scolaire) fournie par la secte
Lutte ouvrière, Trotski n'est pas le plus clairvoyant au début en
misant sur une industrialisation accélérée (quand Boukharine mise
sur un accommodement avec l'immense paysannerie), même s'il se
fabrique une séance de rattrapage plus tardive. Il y a des Miasnikov
pour dénoncer le nouveau capitalisme d'Etat bâtard, et c'est
Bordiga qui, premier de cordée, dénonce physiquement Staline quand
Trotski se tait.
Il
s'agit d'une complicité dans le maintien non pas d'une révolution
en extension, mais d'un appareil d'Etat aux abois qui ne peut plus
avoir pour objectif que la sauvegarde de la nation russe. En
psychologie on appelle cela mécanisme de projection ou
d'identification. Il n'est pas possible de porter un jugement moral
face à un « état de fait » où c'est la situation
historique qui gouverne les hommes et pas l'inverse. Continuer la
guerre internationale alors que c'est l'arrêt de cette même guerre
qui avait poussé les masses à faire la révolution ? Avec un
pays désorganisé, chétif industriellement, seuls des naïfs comme
Boukharine pouvaient se l'imaginer.
Les
courtisans de l'histoire officielle de la bourgeoisie, procédant par
les attaques contre les individus, et par leur haine intrinsèque et
cette peur maladive de voir leur système de privilèges renversé,
persécutent et moquent les itinéraires des théoriciens
bolcheviques, en leur mettant tout sur le dos et en particulier en
ignorant ce réflexe d'identification humain avec un « Etat
prolétarien » bidon (les Volkogonov, Carrère d'Encausse et
René Berthier)8.
L'échec
de la révolution internationale a eu lieu avant tout en Allemagne,
là où le prolétariat était le plus instruit politiquement et le
plus dangereux par conséquent en vue de la généralisation
universelle. Il y a quelques années, lors d'une conférence sur le
fascisme à la maison de l'Italie, à la cité U, j'ai remercié
l'historien Edouard Husson d'avoir dit que « le nazisme a
commencé avec l'assassinat de Rosa Luxemburg ». Trotski a dit
que le nazisme n'était pas la contre-révolution, laquelle fût en
premier lieu la social-démocratie organisant le massacre des
ouvriers berlinois et les autres. C'est vrai, mais la
social-démocratie aurait été insuffisante si la bourgeoisie
n'avait pas remis une couche avec le nazisme, le
« national-socialisme », preuve qu'il fallait taper plus
fort encore qu'en Russie9,
décimer l'avant-garde du prolétariat en marche, qu'on a jugée
prématurée ou tardive, en oubliant que l'arrêt de la guerre
mondiale avait scellé la révolution internationale, et où pas plus
une recette de parti qu'une fabuleuse insurrection massive n'auraient
pu inverser le cours de l'histoire. Comparons ce qui est comparable.
En Allemagne la bourgeoisie a eu besoin de tirer dans le tas
directement contre le prolétariat et ses meilleurs penseurs, Rosa et
Liebknecht. Ce n'est pas le cas en Russie. Dès 1918, on ne peut le
cacher, des grèves ont été sévèrement réprimées puis il y a eu
la répression de Kronstadt qui scelle le basculement du parti
bolchevique au service de l'Etat et non plus du prolétariat.
Pourtant les marins kronstadiens ne sont pas le prolétariat, même
si éclatent des grèves pour les soutenir. Leurs revendications
démocratiques, qui font la joie des anars libéraux et fluides à
toute mode politique, ne valent pas un kopeck en pleine guerre.
Imaginez une insurrection des garçons coiffeurs dans le 93 pour
dénoncer le confinement et exiger le droit d'aller danser en boite
sans masque !
Après
la répression malheureuse, mais assez inévitable, le parti-Etat
continue à parler pourtant encore au nom du prolétariat, et il est
encore soucieux de l'émancipation du prolétariat, mais voilà
toutes les révolutions du passé se sont perdues en ayant recours à
la répression aveugle contre les civils10.
C'est d'ailleurs pourquoi, et je l'affirme depuis des années, une
guerre civile n'a plus de sens, ne peut plus qualifier une action
révolutionnaire. La violence étatique peut toujours s'exercer
contre le peuple indistinct ou contre le prolétariat, mais alors
elle ne peut être acceptée comme un bienfait pour le peuple ou le
prolétariat. Et de fait, il faut ici le répéter, avec le CCI11
qui a si bien su le démontrer, l'Etat, en transition, maintenu pour
gérer la société avant de se libérer complètement de l'esprit
capitaliste, ne peut pas être confondu avec le socialisme ni avec le
prolétariat. Il reste, même après une révolution, une machine,
certes utile, mais capable d'une autonomie dangereuse au-dessus de la
société.
CE
QUE NOUS CONFIRME LA CRISE DU COVID-19 : l'impossible repli
national
Les
révolutions n'ont jamais été permanentes ni eues vocation à
demeurer permanentes selon la formule confuse de Trotski, leur
perception demeure dialectique.
Lénine a toujours assimilé la pointe d'Engels - « Messieurs
les bourgeois tirez les premiers ! » - au fait que la
bourgeoisie garde l'initiative jusqu'au bout même dans le pire
marasme, c'est pourquoi, l'amendement qu'il présente en 1907 au
congrès de Stuttgart avec Rosa Luxembourg et Martov, n'a pas pour
seul objectif « d'empêcher qu'une guerre n'éclate » (vision
pacifiste des Jaurès et Cie), mais d'utiliser la crise provoquée
par la guerre pour accélérer la chute de la bourgeoisie ».
La
façon militariste et policière avec laquelle la bourgeoisie encadre
et contrôle la société sous la terreur du coronavirus n'est pas un
effort, louable ou intéressé pour sauver le maximum de vie, mais
surtout une expérience inédite in vivo (parallèle et perverse)
pour faire face à toute insurrection révolutionnaire ultérieurement
possible. Jusqu'à présent elle a tout lieu d'être satisfaite cette
classe élitaire puante. Le traçage numérique préparé de longue
date aurait fait pâlir même Orwell et Wells. Gageons que les flics
sont encore trop peu nombreux pour contrôler tous les carrefours, et
que l'armée de métier n'est plus aussi fiable que les armées de
ploucs soudards d'antan.
Dans
les périodes de troubles sociaux ou de catastrophes naturelles ou
accidentelles, refont surface les théories les plus loufoques,
l'imaginaire du complot, mais on semble s'intéresser bien plutôt
aux sectes politiques, qui, traditionnellement catastrophistes, se
trouvent donc plus en phase avec la notion de... catastrophe. Telle
secte peut alors apporter une solution drastique, ce fût le cas de
la secte nazie. De nos jours on serait bien en peine de trouver une
secte digne, non d'une aura satanique, mais porteuse d'une
alternative crédible pour sauver les meubles de la bourgeoisie.
Prenons simplement la mouvance trotskienne qui clame toujours haut et
fort internationalisme, antiracisme et antifascisme, trilogie plus
christique et contestataire que marxiste. Pourrait-elle être un
véritable ennemi « anticapitaliste » du système
régnant ?
Les
plus girouettes sont alignés sur le multiculturalisme américain qui
se conjugue parfaitement avec les pires patriotismes. Les plus
« orthodoxes » comme la secte lambertiste sont capables
d'être les plus chauvins (cf. affiche jointe). C'est la théorie
trotskienne qui est viciée depuis pratiquement son origine. Ciliga
nous a ébaubi au temps de notre jeunesse politique en narrant
combien les trotskistes dans les Goulags étaient plus radicaux que
Trotski lui-même, toujours curé onctueux de « l'Etat
prolétarien dégénéré », celui-là adoubé d'un « soutien
critique » éternel. Ses prises de position en faveur des
libérations nationales anti-coloniales à la fin de sa vie n'avaient
plus rien à voir avec l'internationalisme. Cette révolution,
envisagée « permanente » pays par pays, put être
récupérée par l'impérialisme russe. Or la théorie de Lénine
était basée, dès le départ, sur l'exigence de révolution
mondiale, point barre. Dans le milieu maximaliste, contre tous les
souteneurs impénitents d'un trotskisme noble quoique défraîchi,
nous avons déterminé le passage du trotskisme à la
contre-révolution pour l'époque de son soutien à un camp ou à un
autre lors de la seconde boucherie mondiale. Oui soutien veule d'un
camp ou d'un autre car le trotskisme est un kaléidoscope, un
ramassis de toutes les confusions politiques, désormais étranger au
prolétariat universel et à une réelle révolution mondiale.
L'embrouillamini de leurs positionnements pendant la guerre mondiale
les a jetés dans la même fosse commune que l'idéologie stalinienne
et du nazisme (que certains pensèrent remettre dans le droit
chemin).
Le
« défaitisme révolutionnaire » qu'ils prônent a pris
un coup de vieux, non pas que le soldat allemand ne soit pas un
prolétaire, mais ce n'est pas en toute circonstance que peut être
utilisé ce mot d'ordre. Il devient même criminel et collabo lorsque
ces gens reprennent la théorie de « l'entrisme »
théorisée avant guerre par le maître barbichu, concernant le
travail syndical clandestin dans les syndicats staliniens (qui
pouvait encore ma foi se concevoir) mais qui, en pleine guerre totale
est suicidaire. Même pendant la guerre, les scissions ne cessent
pas, du CCI sort le POI (fichez-vous des sigles, c'est secondaire)
puis :
« Du
POI émerge un nouveau groupe, le Mouvement National Révolutionnaire.
Le leader du MNR, Jean Rous, est un des dirigeants du POI. On y
trouve aussi Lucien Weitz, qui fut le principal animateur de la
gauche révolutionnaire au sein de la SFIO socialiste, puis de l’aile
gauche du PSOP, ou encore Fred Zeller, ancien proche de Trotsky et
membre de la SFIO, futur grand-maître du Grand Orient de France. Le
Mouvement édite deux journaux clandestins : la
Révolution Française,
puis Combat
national-révolutionnaire.
Dans le n°1 de La Révolution Française (septembre-octobre 1940),
le MNR se dit «ni
pro-Allemand, ni pro-Anglais, ni pro-Français».
Le langage employé révèle à l’évidence la proximité des
thèses nazies : «L’État
et la nation doivent se défendre (...) contre les tentatives de
domination occulte, qu’elles proviennent du judaïsme, de la
maçonnerie ou du jésuitisme».
Le n°1 de mars 1941 de Combat
national-révolutionnaire
précise que le MNR «souhaite
un État fort, hiérarchisé, où la régulation entre les divers
éléments de la population soit établie par des corporations».
On retrouve les trois piliers du fascisme, l'État fort, l'obéissance
hiérarchique et le corporatisme. Le MNR est démantelé en juin
1941. Jean Rous est condamné à six mois de prison, ce qui est pour
l’époque une peine symbolique et un geste de connivence de la part
des autorités d’occupation. En Belgique, le principal leader
trotskyste, Walter Dauge, opte lui aussi pour la collaboration »12.
La
plupart des groupes ou sectes se réclamant du trotskisme aujourd'hui
se démarquent haineusement de toute accointance avec « les
fachos » qui sont devenus à leurs yeux, quoique minoritaires
et sans avenir, plus dangereux que le capitalisme lui-même, et
servent de justification aux recruteurs trotskiens pour appeler à
voter en faveur de tout candidat bourgeois « démocratique ».
Avec Jonathan nous n'avons pas trouvé non plus de groupuscules
boukhariniens en Amérique, mais un article en anglais de la TCI
(tendance communiste internationale qui, comme le CCI, dénonce les
mêmes limites nationales de ces prétendus internationalistes) où les trotskiens soutiennent toujours un camp militaire.
Pas
aussi caricaturaux néanmoins par exemple que les lambertistes, très
présents en France dans le corps enseignant, et qui ont mérité
leur surnom de stalino-trotskistes. Ils irradient un peu partout
surtout chez FO, dans la franc-maçonnerie et ont constitué l'école
de formation de base de plusieurs politiciens français, les Jospin,
Mélenchon
et l'avocat Gilbert Collard (passé au FN et à la
« préférence nationale »). Dans la mouvance de ce
comique « Parti des Travailleurs » avait été créé à
une époque récente (2005) un bidonnant « Comité
national pour la reconquête de la démocratie »,
avec un site internet au nom tout à fait explicite :
http://www.republiqueuneetindivisible.com/. Le site a disparu au
bout de quelques mois. Les slogans fleuraient bon la Troisième
république ou le Mélenchon moyen: « Pour la défense des 36
000 communes », « Pour la République, une indivisible et
laïque, » « Pour la défense de la souveraineté de la
nation » . Lorsque la secte lambertiste se présente en pleine
lumière, aux élections, elle ne fait jamais un malheur, les autres
lascars NPA et Lutte ouvrière font plus présentables.
Jean-Guillaume
Lanuque qui accomplit depuis des années un travail sérieux de
défrichage des différents courants trotskistes nous livre de
précieuses informations sur leur passé multiple et même un curieux
passé « national » avec cette renversant maïeutique
trotskienne :
« Quant
aux constructions théoriques dues à Testu (Henri Molinier) qui dans
un texte du 28 août 1940 au titre emprunté à Lénine, « Que
Faire ? », tente de caractériser la situation nouvelle de
l’Europe au lendemain des victoires d’Hitler, elles apparaissent
comme surprenantes. Pour lui les victoires nazies ouvrent une longue
période de recul pour le mouvement ouvrier, il faut s’y adapter. «
Que Faire ? » propose donc l’entrisme dans les organisations
fascistes et d’ailleurs aussi dans le PCF et ses comités
populaires, sans qu’il ne s’agisse là d’une adhésion aux
idées collaborationnistes, bien sûr. Quelques militants entrent
alors au RNP (Rassemblement national populaire) de Marcel Déat,
Henri Molinier (…) Un autre militant gagné lors de l’entrisme à
la SFIO par l’ex-PCI en 1936, Paul Cognet, dirigeant de la
Fédération CGT de l’habillement, se rallia à Pétain, siégeant
dans les organismes corporatifs mis en place par la Charte du
Travail. Quant à René Binet (1913-1957), contre qui le CCI publia
une mise en garde en avril 1943, il semble bien que nous soyons en
présence du seul cas de trotskyste devenu nazi. Cet employé,
syndicaliste CGT et ancien militant des JC (il en fut exclu en 1934)
se rapprocha de l’ex-PCI dont il devint membre du CC en 1936. Ayant
regroupé une quinzaine de militants autour de lui dans sa ville du
Havre, il y publie un journal Le
Prolétaire
en 1938-39. Dans un article du 1er septembre 1938 intitulé « La
chasse aux trotskystes est ouverte », il propose de « désigner
des otages parmi les chefs staliniens »
pour que cessent les agressions contre l’avant-garde
révolutionnaire. Prisonnier en Allemagne il évolue vers le nazisme
auquel il reste fidèle jusqu’à sa mort. Il
est à noter que d’autres figures du trotskysme d’avant-guerre
furent en partie désorientées, parmi elles Jean Rous. A l’automne
1940 il prétendit créer avec Fred Zeller et Maurice Jaquier
notamment, un MNR (Mouvement national révolutionnaire) hostile à la
fois à Vichy et à de Gaulle, à Londres et à Moscou, une position
intermédiaire extrêmement difficile à tenir. Après la disparition
du mouvement en 1941 du fait de la répression, il rejoignit la
Résistance et la SFIO en 1944. Mais à l’intérieur du CCI, à
l’initiative de Rodolphe Prager et de Jacques Grinblat (Privas), un
coup d’arrêt est donné dès janvier 1941 à la dérive jugée
dangereuse initiée par le texte d’Henri Molinier. Ce dernier est
exclu de la direction à cette date »13.
J'ai
voulu souligner les dérives « extrêmes » de certaines
branches du courant trotskiste (pour forcer la note), mais l'option
« repli national » existe tout autant de nos jours
infectés chez les plus comestibles sous les formes répétées
« d'Union de la gauche », de « front unique »
avec les désormais improbables solutions nationales :
nationalisations, pouvoir syndical accru, imposition des riches,
accueil massif des migrants, etc.
Sur
la fallacieuse solution anti-prolétarienne des nationalisations, on
peut lire l'article sur ce thème dans « Le communiste
international »14,
qui garde le meilleur du bordiguisme dans la critique des théories
jumelles des néo-staliniens et de leurs nouveaux amis trotskiens
quand il s'agit d'envisager de sauver le capital nationalement.
Sortons maintenant de l'étroitesse du repli national dérisoire.
Une
fédération d'Etats plutôt qu'un Etat mondial ?
La
polémique lancée par Kautsky sur un possible hyper-impérialisme
unifié contre le prolétariat semble bien oubliée15.
Avec cette théorie pleine de présupposés et de suppositions,
quelques mois avant la guerre en 1914, Kautsky
définit principalement l'impérialisme comme la relation de
domination entre les pays développés et les pays sous-développés
ou agraires, alors qu'il est déjà en germe entre les puissances. Il
ajoute qu'avec le capitalisme monopoliste, les conflits et les
rivalités entre les pays impérialistes tendent à se concilier.
Un super-impérialisme verrait l'unification mondiale de la
bourgeoisie en quelque sorte en un seul trust : « La
fédération d'Etats plutôt que l'Etat multinational ou l'État
colonial : telle est la forme des empires requise par le
capitalisme pour atteindre sa forme la plus élevée, dans laquelle
le prolétariat s’emparera du pouvoir ».
Cette supposition qui croyait à une évolution pacifique dans
l'immédiat du capitalisme, alors qu'on en était à la veille de la
Première Guerre mondiale, repoussait aux calendes grecques toute
véritable révolution de classe; mais ce que comprirent surtout
Rosa et Lénine c'est que le « pape marxiste» faisait
complètement fausse route car le capitalisme ne peut pas s'unifier
par nature. Du côté russe, les deux amis théoriciens, Lénine et
Boukharine, ne niaient pourtant pas que le super-impérialisme était
une possibilité. Lénine a cette phrase sibylline : « sans
aucun doute, avant qu’on n’en arrive à un tel trust mondial (…)
l’impérialisme devra inévitablement sauter et le capitalisme se
transformera en son contraire »16.
Personne
ne l'a remarqué jusqu'ici, mais s'il y a désaccord politique entre
« le pape » en déclin et ses jeunes contradicteurs, un
point est commun dans leur propos : le capital tend vers une
unification, une forme « la plus élevée » avec une
fédération d'Etats selon Kautsky, et Lénine imagine aussi « un
trust mondial » mais seulement après avoir fait sauter
l'impérialisme. Très intéressant car le monde capitaliste reste
divisé depuis deux cent ans au moins en pays, nations, continents
concurrents, acharnés à se combattre ou à se détruire. Le vieux
projet socialiste et communiste, et même anarchiste n'a-t-il pas
toujours été d'aller vers un monde de paix mondiale où les hommes
ne se feraient plus la guerre ? Le marxisme n'a-t-il pas
toujours milité pour l'abolition des frontières tout en disant
qu'il faudrait supporter un moment un Etat transitoire ? Mais
cet Etat « mondial » que sera-t-il si la révolution
triomphait mondialement ? L'Etat du plus puissant pays où se
sera produite la révolution ? Qui aura par exemple fait sauter
les frontières avec une « armée rouge » comme celle de
Lénine qui s'est cassé les dents à Varsovie ? Ou comme
l'armée « rouge » de Staline qui avait annexé les pays
de l'Est après 1945 ? Ou si, généralement, comme on le
conçoit partout, dans chaque pays une grève de masse jointe à une
insurrection aura fait le boulot, sans en passer par un
« impérialisme communiste » et mis en place un
gouvernement transitoire qui n'aura de cesse de se fédérer avec les
autres gouvernements des pays libérés du capitalisme ?
Les
courants marxistes ont toujours glosé sur l'extension, la
généralisation de la révolution. Pour les anarchistes simplistes
et utopiques, c'est simple : l'Etat sera aboli partout
automatiquement et des communautés libertaires feront pousser des
choux et réguleront la circulation avec des trottinettes non
polluantes, on pourra prendre le métro gratuitement et le
coronavirus aura disparu.
Les
marxistes, à plus ample informé, n'ont jamais trop tâté du côté
de la possibilité ou nécessité d'un gouvernement mondial. Trop
risqué ? La question n'est pourtant ni idiote ni inutile
lorsque l'on voit l'impéritie et le chacun pour soi de tous les
gouvernements bourgeois face à une menace épidémique qui menace
toute l'humanité. Leur OMS qui n'est que le champ de rivalité entre
les deux principales grandes puissances, a été complètement
incapable de gérer l'épidémie depuis le début et reste aussi
incrédible que le gouvernement français et ses courtisans menteurs.
Depuis que le monde est monde et immonde, pourra-t-on retrouver un
vrai monde ?
Selon le farceur nomade Jacques Attali, la démocratie (bourgeoise) ne peut être efficace qu'à l'échelle planétaire et, tant qu'il n'y a pas aujourd'hui de gouvernement mondial, on ne peut pas parler sérieusement de politique. La démocratie trouve son accomplissement dans la mise en place d'un gouvernement mondial puis de gouvernements régionaux et locaux. Sur le plan théorique, pour la plupart des chefs politiques bourgeois, l'hypothèse d'un gouvernement mondial est critiqué pour sa dimension utopique (forcément!) et son potentiel tyrannique (CQFD). En outre, au lieu de marginaliser les Etats , la mondialisation les aurait amené à renforcer leur rôle protecteur et régulateur, comme le montre le lamentable fiasco de la gestion des conséquences du covid! L'inénarrable Pascal Lamy est bien sûr pour une gouvernance mondiale (capitaliste) en s'appuyant sur le poète Paul Valéry, ce qui fait chic. Il a raison sur quelques points, même s'il oublie la limitation des naissances et l'explosion des migrations: "La réduction des émissions de carbone, et la lutte contre l'épuisement des ressources halieutiques, la volatilité des monnaies (qu'est-ce qu'on s'ne branle!), le protectionnisme (sic!), la cybercriminalité, l'évasion fiscale (horreur!), ou les migrations contraintes ne sont pas d'abord des affaires locales. Elles ne peuvent pas être conduites dans le seul cadre national; une forme de gouvernance mondiale s'impose". Contre le covid-19 non plus!
Pourtant
l'idée d'un organisme mettant en avant des priorités pour
l'ensemble de l'espèce humaine, est-ce forcément un big brother ?
La cacophonie, le désordre médical et les limites de la science et
de ses technocrates dans la gestion chaotique de l'épidémie milite
pour au moins une action unitaire et planétaire de la recherche. Or
cela n'est pas le cas et ne sera jamais le cas sous le règne de
l'argent et du profit. L'idéologie dominante depuis 1945 a inventé
la théorie du totalitarisme qui serait le fond de toute
centralisation, pourtant toutes les démocraties ont été amenées à
centraliser la riposte prophylactique, à confiner à tour de bras, à
contrôler et punir dans la plupart des pays face à une catastrophe
sanitaire imprévue, et très imprévisible, d'une manière tout à
fait dictatoriale, et nous aurions tort de nous en plaindre en
premier lieu (sauf à considérer qu'ils ne l'ont pas assez fait et
pas assez tôt); si nous avions été sous le régime d'un
gouvernement mondial communiste ou d'une fédération de
gouvernements de cet acabit, nous n'aurions pas fait mieux. On
m'excusera d'utiliser le mot communiste pour gouvernement ; par
essence un Etat ne peut être ni communiste, ni socialiste, ni
anarchiste.
Pour
l'heure, à moins de prendre au sérieux la théorie de l'Empire des
modernistes Negri et Hardt,
qui se sont autant ridiculisés que
Kautsky, il n'y a pas et il n'y aura pas un super-impérialisme, ni
la Chine ni les Etats-Unis ne sont en mesure de l'emporter dans un
combat cauchemardesque comme dans les batailles de géants de Tex
Avery. Pourtant c'est du côté d'un artiste visionnaire que la
question d'un gouvernement mondial apparaît, après la culbute du
capitalisme, et il n'est nullement effrayant.
En
1903,
l’écrivain socialiste H.
G. Wells
écrit le Nouvel
ordre mondial
où l’on peut lire : « Notre véritable État (…) doit
être dès maintenant l’État fédéral mondial (…) Notre vraie
nationalité est le genre humain ». En
1928 il
écrit
The
Open Conspiracy
(La
Conspiration au grand jour)
dans lequel il expose les méthodes qu'il préconise au niveau de
l'éducation du genre humain, et donne sa réponse à la question :
comment faire pour arriver à un gouvernement mondial ? N'est-il
pas étrangement actuel :
« Nous
vivons une nouvelle phase d’excitation, de provocation, de menace,
d’urgence et de détresse réelle ou potentielle.
Nos
vies font partie de l’une l’autre. … Nous faisons partie d’une
masse sociale.
Que
devons-nous faire de nos vies? »
« Unissons-nous
à d’autres personnes de notre espèce et transformons le monde en
une grande civilisation qui nous permettra de réaliser les promesses
et d’éviter les dangers de cette nouvelle époque ».
Y
a-t-il une conspiration pour la domination du monde, face à un autre
monde que celui, disloqué, que nous subissons? Selon H G Wells, il y
en a une mais en face, et il était fier d’en faire partie. En
1928, il écrit THE OPEN CONSPIRACY imaginant l’organisation
derrière tous les mouvements qui nous ont amenés à notre état
social actuel lamentable : méga-fusions des monopoles,
catastrophe économique, machinisme, perte d’individualité et de
souveraineté etc.
Il
prévoit plus justement que Jules Verne pu tout ce qui allait se
passer et comment tout cela allait se mettre en place. LA MACHINE À
REMONTER LE TEMPS (1895), L’HOMME INVISIBLE (1897) et LA GUERRE DES
MONDES (1898) sont des prédictions étonnantes du XX ème siècle.
Il a influencé la plupart des auteurs de science-fiction mais aussi
fait passer un message, un autre monde était possible même s'il fût
désenchanté à la fin de sa vie.
Cela
se passa fort mal avec un de ses fervents admirateurs, George Orwell.
Orwell avait lu tous les livres de Wells, mais, auteur reconnu et âgé
de 38 ans, il s'est moqué de lui, voulait-il tuer le père ? Il
écrivit un article dans les années 1930 disant que Wells n'était
plus qu'un prophète de l'âge élisabéthain, superficiel et
dépassé. Wells, qui avait soixante-quinze ans, lui répondit « tu
n'es qu'une merde ».
La
différence entre 1984 et The open conspiracy, écrit en 1928, est
que Wells espère un changement de société alors que Orwell parodie
le stalinisme de 1948, à la suite de l'invention de l'idéologie
totalitaire par Hannah Arendt, et après s'être mis au service de la
police de sa majesté pendant la guerre mondiale.
Wells
était mécontent de sa première version de The Open Conspiracy
qu’il avait publié en 1928, envisageant une réécriture:« L’idée
de réorganiser les affaires du monde à grande échelle… s’est
maintenant répandue dans le monde jusqu’à ce que presque tout le
monde la partage. Cela s'est répandu grâce à la
stimulation mentale du plan quinquennal russe. Des centaines de
milliers de personnes partout pensent maintenant aux lignes
préfigurées par ma conspiration ouverte, non pas parce qu’elles
avaient déjà entendu parler du livre ou de la phrase, mais parce
que c’était comme ça ». Il déplorait, après avoir salué
les bolcheviques que la nouvelle « tyrannie soviétique »
soit la dernière source d'inspiration des gens. « Nous devons
éclaircir et nettoyer les esprits », dit-il.
Wells
déclara que la « Grande Guerre » (la Première Guerre
mondiale) avait été un « gâchis de vie désastreux »,
même si nous savons qu’il avait lui-même participé à la
propagande de guerre du gouvernement. La guerre lui avait « rappelé»
à quel point il était ignorant.
de nombre de questions urgentes – depuis les conflits sociaux, raciaux, le contrôle des naissances et la vie privée, au contrôle public de la santé et de la conservation des ressources naturelles.
de nombre de questions urgentes – depuis les conflits sociaux, raciaux, le contrôle des naissances et la vie privée, au contrôle public de la santé et de la conservation des ressources naturelles.
Une
mentalité de « planificateur mondial » s'exprime
toujours dans son livre : une obsession constante contre le
« gaspillage », l’impéritie des gouvernements, le
contrôle étroit de l’économie, les négligences du système de
santé, etc.
Il
était outré que les gens ne se rendent pas compte combien ils sont
manipulés par les banques internationales et leurs représentants.
Il était choqué moins par l'influence de la religion que par
l'individualisme. Le bon conspirateur, selon son acception est celui
qui est ouvert d'esprit, prêt à donner sa vie aux grands processus
de reconstruction sociale. Wells loue l'aspect des religions qui
exigent le sacrifice de soi parce
que « c’est là que réside leur force créatrice ». Il
était très hostile à l'individualisme, à
ces « personnes sans âme et sans pensées qui ne peuvent pas
se supporter elles-mêmes et leur propre vie » qui devraient
tout simplement « servir » la « communauté »
ou suivre les ordres d'un ordonnancement mondial humain :
« Nous
n’avons pas besoin d’un développement spirituel puant ».
Jusqu'où les
vrais
conspirateurs ouverts d'esprit pourront-ils repousser la destruction
de l’individu – ses libertés, ses droits traditionnels, sa
volonté et sa conscience ? Jusqu’où l’humanité
permettra-t-elle que l’âme individuelle soit supprimée au nom du
« service » à la soi-disant « communauté »
nationale ou internationale ?
La
conspiration de Wells est un guide sur le contrôle et la gestion du
monde, un programme qui, devrait être orchestré (et serait couronné
de succès) par ce qu’il a appelé la "conspiration ouverte".
Ce complot est décrit en détail dans ce travail et est conçu pour
être dirigé par de nombreuses organisations distinctes qui
travaillent ensemble, au lieu d’être dirigé par un seul groupe.
Ses
réflexions sur le socialisme imprègnent certains de ses romans
d'anticipation, tels que La
Machine à explorer le temps
et Les
Premiers Hommes dans la Lune,
romans dans lesquels les héros découvrent, respectivement dans
l'avenir et sur la lune, des sociétés nouvelles. Dans La
Guerre des mondes,
il met en parallèle les attaques martiennes contre la terre et les
pratiques génocidaires de l'Empire britannique en Tasmanie.
Vers
la fin de la Seconde
Guerre mondiale,
les Alliés
découvrirent que les SS
avaient établi une liste des intellectuels et des politiciens à
assassiner immédiatement après l'invasion de la Grande-Bretagne
pendant l'Opération Sea
Lion.
Le nom d'Herbert George Wells apparaissait en tête de liste, en
raison de ses idées socialistes.
Son
idée politique la plus féconde concernait la nécessité de créer
un État-Monde. D'après son autobiographie, il considérait qu'à
partir de 1900 un État-Monde était inévitable. Si les détails de
cet État-Monde ont varié au cours du temps, son principe
fondamental consistait à organiser une société qui favoriserait
les sciences, mettrait fin aux nationalismes
et
permettrait aux citoyens de progresser en fonction de leurs mérites
et non plus en fonction de leur naissance. À l'époque où il
pensait qu'un État-Monde était inévitable, il réalisa également
que le type de démocratie parlementaire qui était pratiquée à
l'époque n'était pas satisfaisante.
Lorsqu'il
travailla à la Charte
des Nations unies,
il s'opposa à toute mention du terme démocratie.
Il craignait que le citoyen moyen ne fût jamais suffisamment éduqué
ou éclairé pour traiter des problèmes majeurs du monde, où
n'importe qui pourrait décider de n'importe quoi. C'est la raison
pour laquelle il pensait devoir limiter le droit de vote aux
scientifiques, ingénieurs et autres gens de mérite. Mais il
défendait en même temps l'idée que les citoyens devaient jouir du
maximum de liberté possible, tant que celle-ci ne restreignait pas
celle d'autrui.
Il
faut noter qu'il avait accueilli avec enthousiasme les tentatives de
Lénine
de
reconstruire l'économie russe, comme il le rapporta dans Russia
in the Shadows
(1920).
Au départ, H. G. Wells pensait que Lénine pourrait engager la
construction du monde planifié dont il rêvait, même s'il était
lui-même socialiste foncièrement anti-marxiste. Il fût mitigé sur
Staline, un orthodoxe obtus, mais « candide et honnête »,
ce qu'était certainement Wells. À
la fin de sa vie, Wells avait perdu beaucoup de son influence dans
les milieux politiques. Ses efforts pour aider à la création de la
société
des Nations
se soldèrent
par une profonde
déception, lorsque cette organisation se révéla incapable
d'empêcher la Seconde
Guerre mondiale.
La guerre elle-même le rendit de plus en plus pessimiste. Dans son
dernier livre, Mind
at the End of its Tether
(1945), il jugea que ce ne serait pas une si mauvaise idée de
remplacer l'espèce humaine par une autre espèce.
« L'espèce
humaine est en fin de course. L'esprit n'est plus capable de
s'adapter assez vite à des conditions qui changent plus rapidement
que jamais. Nous
sommes en retard de cent ans sur nos inventions. Cet écart ne fera
que croître.
Le Maître de la Création n'est plus en harmonie avec son milieu.
Ainsi le monde humain n'est pas seulement en faillite, il est
liquidé, il ne laissera rien derrière lui. Tenter de décrire une
fois encore la Forme des choses à venir serait vain, il n'y a plus
de choses à venir ».
Il
nous arrive à nous aussi, parfois, de douter et de désespérer.
NOTES
1Mais
pas le « meilleur des mondes » sinistre de Huxley !
2Sa
pensée est cohérente,
pendant
la guerre, il se rendait déjà compte que « la classe ouvrière ne
pouvait pas même songer à centraliser et à socialiser l’économie
petite-bourgeoise », en particulier l’économie paysanne.
Bien avant Trotski, en 1921, il pensait que pendant la «
transition », la classe ouvrière est menacée d’être évincée
par « une couche dirigeante » d’administrateurs, « germe » ou
« racine » d’une nouvelle classe exploiteuse.
https://www.cairn.info/revue-nouvelles-fondations-2006-3-page-142.htm#
3La
note de wimédia en donne un bon résumé :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Socialisme_dans_un_seul_pays
4https://www.marxiste.org/theorie/classiques-du-marxisme/540-le-socialisme-dans-un-seul-pays
5Il
faut se garder cependant d'exclure les motivations sadiques du pâle
Staline, au passé louche d'ancien séminariste au penchant
nationaliste russophile et à sa jalousie de ses brillants
colistiers juifs. Ces penchants ne peuvent expliquer sa prise de
contrôle total du pouvoir sans l'assentiment de ces mêmes
« collègues », aussi désintéressés qu'aveuglés par
la réussite (si temporaire) d'Octobre.
6Le
regretté Georges Haupt s'en moquait en parlant « d'absolutisation »
de la « guerre révolutionnaire ».
8J'ai
polémiqué en 2008 avec ce « grand penseur » de la FA
dans mon livre sur l'Etat de transition, et lors d'une réunion face
à lui dans leur libriarie ; il continue à pontifier et salir
l'expérience en Russie sur le web en s'appuyant sur ces deux réacs
que je viens d'évoquer. J'avais eu l'occasion d'aller boire un pot
dans les parages avec Michel Ragon, écrivain estimable et
talentueux dont la bobologie a oublié de signaler sa mort en
février dernier.
9On
ne le rappellera jamais assez, l'historiographie bourgeoise et ses
touristes en histoire universitaire ont persisté à laisser dire
que c'est le peuple allemand qui avait secrété le nazisme, ce qui
est honteux pour ce peuple et ce prolétariat qui ont tant souffert.
Le premier écrit d'Henri Chazé, de retour de camp en Allemagne,
est de saluer et défendre le peuple allemand, première victime du
nazisme.
10Cette
expérience malheureuse de l'identification à l'Etat il fallait
bien qu'elle fût ! Jusque là aucun socialiste n'imaginait que
l'Etat, même échappant au capitalisme, pouvait devenir une arme à
double tranchant. Comment reprocher aux critiques de cette
expérience qui, après avoir été acteurs, ont tourné casque ?
Trotski lui est resté fidèle à sa Russie et à « son »
Etat ouvrier dégénéré, c'est pourquoi sa théorie a fait
faillite à la suite du stalinisme. D'autres revirements pour
étonnant qu'ils paraissent nous reviennent. Marx et Engels tout à
leur théorie de la guerre révolutionnaire soutiennent la Prusse en
1870 en guerre contre la France mais quelques mois plus tard se
voient obligés de soutenir la Commune de Paris.
11Courant
Communiste International, fondé en 1975 (j'y étais) et qui n'a
rien à voir avec le CCI trotskiste – Comité Communiste
Internationaliste - sorti de leur PCI en 1943 – et qui appelait à
noyauter organisations fascistes et staliniennes.
12Comme
quoi l'accusation par les staliniens d'un « hitléro-trotskisme »
n'était pas infondée :
https://www.contreculture.org/AT_Natrisme.html
13A
lire absolument, « Les trotskystes français et la seconde
guerre mondiale » :
https://dissidences.hypotheses.org/7109
14Les
communistes et les nationalisations :
https://drive.google.com/file/d/1I1NtoS5Xk4Ao49qEJgA1SFrRcy2VVDKO/view
15La
revue Contretemps donne une approche détaillée et claire de ce
débat complexe qui montre la dérive pacifiste de l'ancien pape du
marxisme : https://www.contretemps.eu/theorie-imperialisme/
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