PAR VICTOR HUGO
(lectures d'été)
La
nunucherie religieuse a toujours été le fait marquant du capitalisme anglais; lorsque vous dormez dans un hôtel anglais, il y a toujours la holly Bible dans la table de nuit.
Victor Hugo, toujours avec cette écriture brillantissime, avait décortiqué dans
la deuxième moitié du XIXe siècle cette vielle arriération féodale britannique
qui la conduisit à censurer un de ses plus grands génies Shakespeare.
Dans l’affaire
du voile intégral la perfide Albion avait cru pouvoir se la jouer libérale face
aux « réactionnaires » France et Belgique. La vieille démo-monarchie avec sa reine chef de l'église anglicane a dû
faire machine arrière, bien qu’il soit question d’autoriser dans les amphis de
facs une séparation entre hommes et femmes (En France si le voile simple est
interdit au lycée il est autorisé en fac !). En 2005 une cour d'appel
anglaise avait donné tort à un établissement de Luton qui avait exclu une jeune
fille musulmane de 16 ans au motif qu'elle portait le voile au lieu de
l'uniforme réglementaire. Le jugement avait condamné l'établissement parce qu'il
lui interdisait de manifester sa religion de pauvre et qu'il l'avait «
illégalement empêché d'avoir accès à une éducation appropriée ». C'est
donc au nom des droits de l'enfant que le tribunal s'était érigé en défenseur
de cette religion aliénée. Un avis que
partageait le secrétaire général complaisant dindon multiculturaliste du NUT, le syndicat des enseignants : "Il n'y a pas de raison pour que la
couleur de l'uniforme scolaire ne puisse être utilisé pour le voile... Les
écoles doivent tenir compte des problèmes de sécurité en sciences ou en EPS.
Mais des solutions peuvent être trouvés pour ces problèmes pratiques".
Le Conseil musulman de Grande-Bretagne s’était félicité : "C'est une décision importante pour les
libertés individuelles".
Un
site islamique - dédié à la musulmane libérée - se félicite toujours lui du libéralisme réactionnaire anglais, sans tenir
compte du freinage juridique opéré par l’Etat britannique récemment, et glorifie le règne
bcbg du « multiculturalisme », dernière panacée de la paix sociale
capitaliste:
« L’Angleterre offre des avantages au niveau de
la pratique de la religion pour le moment inatteignables sur le sol français.
Nombreuses mosquées, écoles islamiques, associations, cours pour les sœurs,
aménagement dans les salles de sport et les piscines, compréhension des
médecins et des hôpitaux par rapport à la demande de médecins femmes, adhan audible
dans la rue, banques et entreprises islamiques, possibilité de travailler avec le
hijab et même le niqab, etc. L’organisation communautaire des villes anglaises
fait qu’on a la possibilité de vivre dans des quartiers presque entièrement
musulmans, une grande majorité de la population musulmane étant pakistanaise.
Il y a également une forte communauté somalienne. Cette organisation
communautaire d’une part, et l’expatriation de la communauté française d’autre
part, font que les sœurs françaises d’Angleterre vivent une plus grande
solidarité que celle que l’on observe en France. La mentalité anglaise est de
plus complètement différente de celle que l’on observe en France. La politique
anglaise cherche à donner à chacun une place égale à celle des autres, sans
chercher à tout prix "l’intégration", chaque culture est la bienvenue
avec ses spécificité, et c’est aussi comme ça que les anglais voient les
choses. Dans la vie de tous les jours, cela rend l’atmosphère beaucoup plus
légère que dans l’hexagone. Concrètement, cela ne gêne aucun anglais d’aborder
une femme en niqab dans la rue, les soeurs voilées ne sont pas dévisagées, on
ne se sent pas "en terrain ennemi" et tout le monde vit dans une
grande tolérance. Certaines écoles musulmanes privées obtenant de très bons
résultats sont même devenues publiques, tout en restant islamiques. L’ambiance
islamique est palpable, et le respect de tous étonnant. Imaginez que vous
entrez dans un magasin et que la vendeuse vous propose d’éteindre la musique
parce qu’elle vous voit voilée par exemple… ».
Depuis 2010, jusque là très libérale sur le port des signes religieux à l’école,
la bourgeoisie anglaise s’est dotée d’un nouveau règlement sur les uniformes
qui donne la possibilité aux établissements scolaires d’exclure les élèves qui
porteront le voile intégral et ce pour des raisons de sécurité ou
d’apprentissage. En Angleterre les élèves portent un uniforme quand ils vont à
l’école, ce qui n’est pas une mauvaise chose face à la compétition débile du « vêtement
de marque » en France. Au cours des dernières années, la question du
vêtement religieux était devenue de plus en plus compliquée à gérer pour les
établissements scolaires, avec en prime, une poignée de procès sur le droit de
porter le voile intégral A l’origine de
ce nouveau règlement il y a le procès en justice d’une école dans le
Buckinghamshire, intenté par une élève culottée et voilée, tentant de contester son bannissement.
L’école a argumenté que le voile rendait la communication entre professeurs et
élèves difficiles et donc gênait l’apprentissage. Banalité de communication de base (comme en hôpital), les professeurs ont
besoin d’être en mesure de savoir si un élève est enthousiaste, attentif ou
bien en difficulté. Cet argument à été retenu par la Haute Cour, qui a refusé
d’autoriser la révision judiciaire et qui devrait être un des piliers du
nouveau règlement . La juridiction bourgeoise anglaise laisserait-elle tomber
par défaut désormais la Bible et le coran pour donner raison à Shakespeare le scandaleux?
"... La gloire de
Shakespeare est arrivée en Angleterre du dehors. Il y a eu presque un jour et
une heure où l’on aurait pu assister à Douvres au débarquement de cette
renommée.
Il a fallu trois
cent ans pour que l’Angleterre commençât à entendre ces deux mots que le monde
entier lui crie à l’oreille : William
Shakespeare.
Qu’est-ce que l’Angleterre ?
c’est Elisabeth. Pas d’incarnation plus complète. En admirant Elisabeth, l’Angleterre
aime son miroir. Fière et magnanime avec des hypocrisies étranges, grande avec
pédanterie, hautaine avec habileté, prude avec audace, ayant des favoris, point
de maîtres, chez elle jusque dans son lit, reine toute-puissante, femme
inaccessible, Elisabeth est vierge comme l’Angleterre est île. Comme l’Angleterre,
elle s’intitule Impératrice de la Mer, Basileas Maris. Une profondeur
redoutable, où se déchainent les colères qui décapitent Essex et les tempêtes
qui noient l’Armada défend cette vierge et cette île de toute approche. L’Océan
a sous sa garde cette pudeur. Un certain célibat, en effet, c’est tout le génie
de l’Angleterre. Des alliances soit ; pas de mariage. L’univers toujours
un peu éconduit. Vivre seule, aller seule, régner seule, être seule.
En somme reine
remarquable et admirable nation.
L’insularisme
est sa ligature, non sa force. Il le romprait volontiers. Un peu plus,
Shakespeare serait européen. Il aime et loue la France ; il l’appelle « le
soldat de Dieu ». En outre, chez cette nation prude, il est le poète
libre.
L’Angleterre a
deux livres : un qu’elle a fait, l’autre qui l’a faite ; Shakespeare
et la Bible. Ces deux livres ne vivent pas en bonne intelligence. La Bible
combat Shakespeare.
Certes, comme
livre littéraire, la Bible, vaste coupe de l’Orient, plus exubérante encore en
poésie que Shakespeare, fraterniserait avec lui ; au point de vue social
et religieux, elle l’abhorre. Shakespeare pense Shakespeare songe, Shakespeare
doute. Il y a en lui de ce Montaigne qu’il aimait. Le To be or not to be sort du Que sais-je ?
En outre Shakespeare
invente. Profond grief. La foi excommunie l’imagination. En fait de fables, la
foi est mauvaise voisine et ne pourlèche que les siennes. On se souvient du
bâton de Solon levé sur Thespis. On se souvient du brandon d’Omar secoué sur
Alexandrie. La situation est toujours la même. Le fanatisme moderne a hérité de
ce bâton et de ce brandon. Cela est vrai en Espagne et n’est pas faux en
Angleterre. J’ai entendu un évêque anglican discuter sur l’Iliade, et tout
condenser dans ce mot pour accabler Homère : Ce n’est point vrai.
Or, Shakespeare
est bien plus encore qu’Homère « un menteur ».
Il y a deux ou
trois ans, les journaux annoncèrent qu’un écrivain français venait de vendre un
roman quatre cent mille francs. Cela fit rumeur en Angleterre. Un journal
conformiste s’écria : Comment
peut-on vendre si cher un mensonge !
De plus, deux
mots, tout-puissants en Angleterre, se dressent contre Shakespeare, et lui font
obstacle : Improper, shocking. Remarquez
que dans une foule d’occasions, la Bible est aussi improper , et l’Ecriture sainte est shocking. La Bible, même en français, et par la prude bouche de
Calvin, n’hésite pas à dire : Tu as
paillardé, Jérusalem. Ces crudités font partie de la poésie aussi bien que
de la colère, et les prophètes, ces poètes courroucés, ne s’en gênent pas. Ils
ont sans cesse les gros mots à la bouche. Mais l’Angleterre, qui lit
continuellement la Bible, n’a pas l’air de s’en apercevoir. Rien n’égale la
puissance de surdité volontaire des fanatismes. Veut-on de cette surdité un
autre exemple. A l’heure qu’il est l’orthodoxie romaine n’a pas encore consenti
aux frères et sœurs de Jésus Christ, quoique constatés par les quatre
évangélistes. Matthieu a beau dire : « Ecce mater et fratres ejus stabant foris… Et fratres ejus Jacobus et
Joseph et Simon et Judas. Et sorores ejus nonne omnes apud nos sunt ? ».
Marc a beau insister : « Nonne
hic est faber, filius Mariae, fratter Jacobiet Joseph et Judae et Simonis Nonne
et sorores ejus hic nobiscum sunt ? ». Luc a beau répéter : « Venerunt autem ad illum mater et fratres
ejus… Jean a beau recommencer : « Ipse et mater ejus et fratres ejus… Neque enim fratres ejus credebant
in eum… Ut autem ascenderunt fratres ejus »[1].
Le catholicisme n’entend pas.
En revanche,
pour Shakespeare, « un peu païen,
comme tous les poëtes » (REV. JOHN WHEELER), le puritanisme a l’ouïe
délicate. Intolérance et inconséquence sont sœurs. D’ailleurs quand il s’agit
de proscrire et de damner, la logique est de trop. Lorsque Shakespeare, par la
bouche d’Othello, appelle Desdemona whore[2]
, indignation générale, révolte unanime, scandale de fond en comble, qu’est-ce
que c’est donc que ce Shakespeare ? toutes les sectes bibliques se
bouchent les oreilles, sans songer qu’Aaron adresse exactement la même épithète
a Séphora , femme de Moïse. Mais les apocryphes sont des livres tout aussi
authentiques que les canoniques.
De là en
Angleterre, pour Shakespeare, un fond de froideur irréductible. Ce qu’Elisabeth
a été pour Shakespeare l’Angleterre l’est encore. Nous le craignons du moins.
Nous serions heureux d’être démenti. Nous sommes pour la gloire de l’Angleterre
plus ambitieux que l’Angleterre elle-même. Ceci ne peut lui déplaire.
L’Angleterre a
une bizarre institution, « le poëte lauréat », laquelle constate les
admirations officielles et un peu les admirations nationales. Sous Elisabeth,
et pendant Shakespeare, le poëte d’Angleterre se nommait Drummond.
Certes nous ne
sommes plus au temps où l’on affichait : Macbeth, opéra de Shakespeare, altéré par Sir William Davenant. Mais
si l’on joue Macbeth, c’est devant
peu de public. Kean et Macready ont échoué.
A l’heure qu’il
est, on ne jouerait Shakespeare sur aucun théâtre anglais sans effacer dans le
texte le mot Dieu partout où il se
trouve. En plein dix-neuvième siècle, le lord chambellan pèse encore sur
Shakespeare. En Angleterre, hors de l’église, le mot Dieu ne se dit pas. Dans la conversation, on remplace God par Godness (Bonté). Dans les éditions ou dans les représentations de
Shakespeare, on remplace God par Heaven (le ciel). Le sens louche, le
vers boîte peu importe. Le « Seigneur ! Seigneur ! Seigneur ! »
(Lord ! Lord ! Lord !) appel
suprême de Desdemona expirante fut supprimé par ordre dans l’édition Blount et
Jaggard de 1623. On ne le dit pas à la scène. Doux Jésus ! serait un blasphème ; une dévote espagnole
sur le théâtre anglais est tenue de s’écrier : doux Jupiter ! Exagérons-nous ? veut-on la preuve ?
Qu’on ouvre Mesure pour Mesure. Il y
a là une nonne, Isabelle. Qui invoque-t-elle Jupiter. Shakespeare avait écrit Jésus[3].
Le ton d’une
certaine critique puritaine vis-à-vis de Shakespeare s’est à coup sûr,
amélioré, pourtant la convalescence n’est pas complète.
Il n’y a pas de
longues années qu’un économiste anglais, homme d’autorité, faisant, à côté des
questions sociales, une excursion littéraire, affirmait dans une digression
hautaine et sans perdre un instant l’aplomb, ceci : - Shakespeare ne
peut vivre parce qu’il a surtout traité des sujets étrangers ou anciens : Hamlet, Othello, Roméo et Juliette, Macbeth,
Lear, Jules César, Coriolan, Timon d’Athènes, etc., etc. ; or il n’y a
de viable en littérature que les choses d’observation immédiate et les ouvrages
faits sur des sujets contemporains. - Que dites-vous de la théorie Nous n’en
parlerions point si ce système n’avait pas rencontré des approbateurs en
Angleterre et des propagateurs en France. Outre Shakespeare, il exclut
simplement de la « vie » littéraire Schiller, Corneille, Milton,
Tasse, Dante, Virgile, Euripide, Sophocle, Eschyle et Homère. Il est vrai qu’il
met dans une gloire Aulu-Gelle et Restif de la Bretonne. O critique, ce
Shakespeare n’est pas viable, il n’est qu’immortel !
Vers le même
temps, un autre, anglais aussi, mais de l’école écossaise, puritain de cette
variété mécontente dont Knox est le chef, déclarait la poésie enfantillage,
répudiait la beauté du style comme un obstacle interposé entre l’idée et le
lecteur ne voyait dans le monologue d’Hamlet qu’ « un froid lyrisme »,
et dans l’adieu d’Othello aux drapeaux et aux camps qu’ « une déclamation »,
assimilait les métaphores des poëtes aux enluminures de livres, bonnes à amuser
les bébés, et dédaignait particulièrement Shakespeare, comme « barbouillé
d’un bout à l’autre de ces enluminures ».
Pas plus tard qu’au
mois de janvier dernier, un spirituel journal de Londres, avec une ironie
accentuée d’indignation, se demandait lequel est le plus célèbre, en
Angleterre, de Shakespeare ou de « M. Calcraft, le bourreau » :
- « Il y a des localités dans ce
pays éclairé où, si vous prononcez le nom de Shakespeare, on vous répondra :
« Je ne sais pas quel peut être ce Shakespeare autour duquel vous faites
tout ce bruit, mais je parie que Hammer Lane de Birmingham se battra avec lui
pour cinq livres. « Mais on ne se trompe pas sur Calcraft ».
(Daily-Telegraph, 13 janvier 1864).
[1] Ecce mater et fratres ejus :
« Voici que sa mère et ses frères se tenaient dehors… Et ses frères
Jacques et Joseph et Simon et Judas. Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes
parmi nous ? « N’est-ce pas cet artisan, fils de Marie, frère de
Jacques et de Joseph et de Judas et de Simon Et ses sœurs ne sont-elles pas
avec nous ? « Sa mère et ses frères vinrent le trouver… Et ses frères
ne croyaient pas en lui… Or, lorsque ses frères montèrent… ».
[2] Putain en anglais, terme courant
sur les sites pornos actuels pour désigner les jeunes actrices.
[3] Du reste, quelques
lords-chambellans qu’il y ait, la censure française est difficile à distancer. Les
religions sont diverses mais le bigotisme est un ; et tous ses spécimens
se valent. Ce qu’on va lire est extrait des notes jointes par le nouveau
traducteur de Shakespeare à sa traduction : « Jésus ! Jésus ! cette exclamation de Shallow fut retranchée
de l’édition de 1623, conformément au statut qui interdisait de prononcer le
nom de la divinité sur la scène. Chose digne de remarque notre théâtre moderne
a dû subir sous les ciseaux de la censure des Bourbons, les mêmes mutilations
cagotes auxquelles la censure des Stuarts condamnait le théâtre de Shakespeare (…).
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