LarencontreCarolineFourest/
Tariq Ramadan
EN ATTENDANT LA GUERRE :
UN PUGILAT DE SOUS-ENTENDUS VICE VERSA
La salle avait été chauffée depuis quelques semaines. Les téléspectateurs de la chaîne française de « service public » FR3 allaient pouvoir se mettre sous la dent, bien qu’à onze heures du soir un grand « choc de civilisation » entre une jeune égérie féministe culottée connue pour sa virulence à pourfendre le fondamentalisme new look et son principal adversaire (ou l’inverse) le principal représentant de commerce cool du même fondamentalisme, Tariq Ramadan.
Belle femme au visage lisse, Caroline Fourest en impose d’abord par sa diction parfaite, son raisonnement charpenté et sa maîtrise de soi face au sémillant Ramadan qui use de toutes les ficelles de son attitude séductrice d’élégant intellectuel sophistiqué (dixit Coleman). Elle attaque donc avec l’argument universel contre le guru : son double langage. Et chevauche un des principaux arguments du féminisme bourgeois : la femme traitée en inférieure. Avec pour cible les codes arriérés de l’Islam, mais avec le risque de s’aligner sur les thèses réactionnaires d’Oriana Fallaci (1929-2006) : n’y aurait-il que les arabes « en général » pour avoir le droit de battre leur femme, exiger qu’elle soit vierge au mariage ?
Le débat se noie tout d’abord dans des histoires de piscine où le prolétariat se fiche que les femmes soient en maillot de bain ou dans une piscine séparée. Ramadan pose au précepteur : « Ma méthode est de rappeler les préceptes de l’Islam pour aller vers leur interprétation. Je parle des heures durant à des hommes dans les mosquées (…) la dogmatique c’est vous, moi je suis ouvert ».
Dogmatique féministe contre dogmatique musulman ?
Fourest veut s’efforcer de déshabiller « l’univers moral » de Ramadan, il n’est au fond qu’un fondamentaliste (sic) car « il n’a jamais dit qu’il était un réformateur réformiste ». Tariq Ramadan ne reste que le petit fils du fondateur du mouvement totalitaire des Frères musulmans en Egypte dans les années 1920 et reste fidèle à l’esprit de famille.
Ramadan objecte qu’elle a dit que Sarkozy (lors de leur confrontation alors que l’actuel président n’était que premier flic de France) l’avait « déstabilisé », or, objecte-t-il, le Coran dit qu’on ne doit pas frapper le visage d’une femme[1]. Ramadan avoue son double langage, il est pour le moratoire des femmes battues « uniquement pour les européens » (= tabassez tant que vous voulez mais ailleurs).
La polémique dérape ensuite sur les soutiens des deux interlocuteurs. Fourest rappelle justement que Ramadan est payé par diverses officines et notamment par le gouvernement iranien. Ramadan offre tout l’attirail du prédicateur fondamentaliste, dans sa valise il trimballe non seulement ses lires de propagande mais des cassettes audio, ce qui manifeste une intelligence de la propagande en faveur des illettrés et surtout d’une masse de la population prolétaire pauvre qui ne supporte pas la lecture. Il mène des conférences un peu partout, dans des colloques où il est invité par des chefs d’Etat, ou dans des universités. Il est intelligent, fin débatteur et comme tout guru, il pratique à merveille l’art de déstabiliser l’adversaire avec la plus parfaite démagogie.
Caroline Fourest est aussi une personne du pouvoir. Rédactrice en chef de la revue d’internet Prochoix, elle est chroniqueuse au Monde et à France Culture ; elle donne des cours à l’Institut d’études politiques, elle collabore au journal satirique gouvernemental Charlie-Hebdo, elle publie ce qu’elle veut et quand elle veut dans les éditions bourgeoises, elle est reconnue comme une importante dénonciatrice de l’extrême-droite ; un CV imposant pour une si jeune femme donc qui révèle qu’elle fait donc partie pleinement de l’intelligentsia bourgeoise qui fabrique « l’opinion occidentale ».
Le spectacle odieux-visuel du « choc des civilisations » est ainsi incarné de façon magistrale d’une part, par cette égérie brillante et belle de la (laide) démocratie bourgeoise et cet intellectuel raffiné, racé et distingué représentant autoproclamé du « monde musulman », qui vante la « pureté morale » de l’Islam (obscurantiste) face à la « décadence occidentale ». La caméra a choisi son camp : Caroline Fourest est souvent filmée de derrière la tête face à l’intellectuel arabe (quoique traité de suisse à plusieurs reprises) ; avec cette délicate tête de la journaliste vedette en coin d’image face aux yeux écarquillés du représentant bcbg des bigots, nous sommes, nous spectateurs, dans la situation de l’Occident (civilisé et vacciné contre la grippe étrangère) agressé par le monstre oriental ; jamais la caméra ne filme Ramadan dans la même position : soit il est filmé en gros plan lorsqu’il parle, soit on nous montre la jeune femme au visage adolescent comme une vierge peu effarouchée face à ses saillies littéraires et dont les petites lèvres répliquent comme des lames de couteau. La caméra filme Ramadan lorsqu’il se penche en avant et nous frissonnons : va-t-il la frapper ou la lapider ?
La suite de la confrontation n’est qu’une bataille de post-it. Les deux adversaires sont venus avec leurs bouquins respectifs chargés de post-it.
Fourest a commis 200 erreurs mais Ramadan ne va pas s’abaisser à les citer toutes. Les citations, résume-t-il sont tronquées, sorties de leur contexte, la « mademoiselle » « n’est pas sérieuse ». Le guru repointe son nez : « Toute ma pédagogie vise à faire avancer les mentalités… j’ai fait venir à mes réunions des femmes voilées et non voilées… ».
Fourest ne se laisse pas désarçonner. Elle enfourche la question de l’homosexualité, et se sert d’un post-it : vous avez écrit « ces malades qui nous entourent ». Rectification de Ramadan : « vous avez oublié de citer la suite, citez-la ! ».
Fourest cite la suite où il dit qu’il n’approuve pas. Or Forest tape dans le mille, l’avis « tolérant » que Ramadan ajoute toujours à son « actualisation » des préceptes islamiques, n’est pas négatif. Il glisse une opinion personnelle sans conséquence qui ne remet nullement en cause les tables de lois obscurantistes, et qui signifie pour les « croyants » que force reste aux tables de la loi coranique et que l’avis du petit individu ne vaut pas cher. Ramadan ne s’énerve jamais, il consent à simplement s’indigner sans devenir insultant. Mais il donne raison à l’argument upercut de Fourest en ajoutant : « Mais on ne peut pas changer la religion ! Vous pensez que la religion est forcément homophobe. Je défends le « vivre ensemble » politique ».
Fourest est beaucoup plus forte. Elle explique alors la vacuité de cet hypocrite « vivre ensemble » : Avec des ouvrages masqués sous des titres fallacieux tels que « Islam la réforme radicale » : « Tariq Ramadan a pour tâche de séduire les non radicaux. Il étend son public à ceux qui ne viendraient jamais à l’islamisme radical ».
Fourest a bien préparé le final médiatique : « On a stoppé le front national, regardez-moi dans les yeux, l’islamisme radical ne passera pas non plus ».
Ramadan qui n’est pas tombé de la dernière pluie médiatique ne lâche pas la fanfaronne : « Vous avez bien préparé votre sortie, mais vous parlez au nom de qui ? ».
- des démocrates algériens…
- qui sont ces gens-là, coupe Ramadan, méprisant.
- … et de tous les démocrates…
- Vous méprisez les musulmans.
- Je ne méprise pas les musulmans.
Frédéric Taddeï peut stopper son émission, en effet bien intitulée « Ce soir ou jamais », il a magnifiquement permis aux deux adversaires de s’exprimer, sans hésiter à favoriser sa pouliche Fourest, sans hésiter à faire rendre gorge à Ramadan pour qu’il affirme qu’il n’est pas pour la « destruction de l’Etat d’Israël ».
A PROPOS DE DOUBLE LANGAGE : sous l’obscurantisme et l’anti-obscurantisme, la préparation à la guerre mondiale
Les deux interlocuteurs n’ont fait changer de camp à personne dans ce picrocholin « choc des civilisations ». Leurs divers partisans peuvent tout aussi bien en conclure que l’un a dominé l’autre. Fourest a été impeccable diront les démocrates bourgeois. Ramadan est le meilleur d’entre nous diront les fanatiques. Ce genre de débat renouvelle cependant le genre. Tout le monde se fout des débats entre politiciens de gauche et de droite comme entre spécialistes. La politique use plus vite que les croyances religieuses. C’est la force de Ramadan de mêler religion et politique pour contribuer à restaurer la politique comme religion. C’est la force d’une Fourest de dénoncer la continuation de la mise en tutelle des femmes par tous les fondamentalismes. Dans un monde sans foi ni loi, dans un monde sans plus de références politiques crédibles, tout le monde veut se précipiter dans une nouvelle Arche de Noé pour se sauver de cet univers en déliquescence. Soit. Mais, outre qu’un débat télévisé est toujours piégé et aliéné, les échanges vifs et parfois passionnants de ces deux brillants intellectuels – une femme qui tient tête plus qu’honorablement et avec conviction face à un intellectuel arabe qui n’est pas une brute ni un imbécile – restèrent superficiels et hors des enjeux réels du monde d’aujourd’hui. Désolé pour mes lecteurs nuancés, cela resta un débat de salon entre bourgeois bien pensant. Chacun des protagonistes maîtrise à merveille le « double langage » qui ne serait que l’apanage que d’un seul aux dires de la presse gouvernementale occidentale.
Or, si Ramadan pratique en effet le « double langage », ce n’est pas de sa faute. C’est la nature même de sa religion et de toutes les religions. Toutes vous promettent le nirvana final mais pas sur terre, au-delà. Il faut donc mentir sans cesse pour prôner la soumission à la société actuelle, ordonnancée par les castes des puissants politiques et religieux, en attendant Godot avec les pires superstitions. Toute religion est à l’origine une THEORIE DE GUERRE. Guerre entre clans, entre communautés, entre peuplades. Toutes sont fondées sur la nécessité d’éliminer l’autre, celui qui pense autrement ou refuse de se soumettre à la pensée dominante.
Les débats sur les religions et leurs abus, sur les positions des « communautés », sur le « danger islamiste », sur le « fascisme israélien », sur « le fondamentalisme soft » ou l’antisémitisme, sont des discours de préparation à la guerre.
Avant d’aller plus loin dans cette analyse, il convient de faire un aparté sur l’extension de la religion musulmane depuis la fin du XXe siècle et sur quelles couches de la population elle est en extension.
LA NOUVELLE RELIGION DES PAUVRES
Aux Etats-Unis, pays dominant et phare des mutations sociétales capitalistes, une frange croissante de la population afro-américaine, quantitativement non négligeable comme partie de la classe ouvrière, est entrée dans un processus de conversion à l’Islam qui est loin d’être achevé et qui pose problème.
Avant la Seconde Guerre mondiale, après l’échec de la révolution communiste en Russie, l’Union nationale s’était déjà reconvertie en « antifascisme » et en « fascisme ». L’antifascisme comme idéologie de guerre se proclamait laïc et défenseur de tous les peuples quand le fascisme, avec sa variété nazie, procédait d’une religiosité excluante en premier lieu contre le « juif apatride », mais au fond excluant contre toutes les races non blanches. Le capitalisme occidental qui continuait à sa vautrer dans le sang et l’ignominie de la domination coloniale s’était dédoublé entre un capitalisme démocrate « défenseur d’une civilisation » basée sur le pillage éhontée des peuples « arriérés » et un capitalisme de restauration de la « primauté aryenne ». Les intérêts mercantiles, diplomatiques et de grand banditisme militaire des classes bourgeoises, savent toujours parfaitement se masquer derrière des mobiles vertueux universalistes et religieux[2]. Le versant du capitalisme vainqueur a su totalitairement réaliser le vœu d’Hitler de dissoudre de marxisme[3], c'est-à-dire faire passer pour portion congrue le prolétariat derrière le martyre des juifs et ainsi affirmer que la guerre avait été « anti-raciste ».
De nos jours, exceptée la focalisation sur le colonialisme israélien, honteux et inadmissible, la question juive n’est plus centrale, elle n’est plus qu’un gadget usé pour vieux barbons d’extrême droite, quand bien même le néo-fascisme moderne se moule derrière l’antisémitisme supposé des masses arabes. Le nouvel ennemi moderne c’est l’arabe, et sa religion l’Islam. Pourquoi ?
1°) parce que le phénomène de l’immigration – ce besoin effréné de nouveaux bras prolétariens pour l’industrie capitaliste – a modifié la composition nationale des classes ouvrières des pays riches. Les fils d’esclaves noirs et maghrébins on a été les chercher pour les livrer au nouvel esclavage moderne : l’esclavage salarié. Ils n’ont pas été jetés à fond de cale et entassés comme des animaux, mais embarqués par villages entiers avec maîtres à penser religieux et maquereaux. C’était une caractéristique des premières immigrations portugaises par exemple, et jusque dans les années 1960, on faisait venir bras nus et curés. On n’allait pas laisser le paysan de l’Algarve se prolétariser sans lui laisser un directeur de conscience obscurantiste au cul. Les ronds de jambe des chefs d’Etat européens envers les chefs religieux de toute obédience n’ont pas un but différent de nos jours. La bande à Sarkozy est une des premières en Europe à soutenir la nécessité de construire des mosquées.
Aux Etats-Unis, les petits fils des esclaves africains ont été très tôt en situation d’en référer non pas aux religions des colonisateurs qui les avaient déportés, protestante, catholique ou juive, qui restent des religions d’oppresseurs des peuples, mais à une religion extérieure au colonialisme – sans savoir qu’elle avait été pourvoyeuse d’esclaves elle aussi – la religion du guru Mahomet. Religion par excellence des peuples opprimés durant la colonisation, la croyance musulmane survécut au stalinisme et à sa disparition, laquelle accéléré bien sûr le désir de conversion du fait de la faillite des idéologies révolutionnaires laïques. Si la conversion du boxeur Cassius Clay en Mohammed Ali apparut incongrue dans les sixties insouciantes, l’attrait pour la religion des colonisés s’est renforcée naturellement par le maintien de l’esclavage salarié et surtout la mise au ban irrémédiable de « l’ascenseur social » pour les anciens colonisés de « races » ou de « couleur ». La bourgeoisie mondiale reste majoritairement blanche. Malgré certains « quotas », la misère reste prédominante et éternelle chez les « derniers arrivés » sur le marché mondial de l’exploitation capitaliste. Double méprise, cette situation peut permettre aux nationalismes de s’immiscer dans le prolétariat, avec les résidus évanescents du populisme à la Frantz Fanon, mais relayés et restaurés finalement par l’islamisme « radical » dit « terroriste », comme était considérée la classe ouvrière dans les années 1930, mais sans cet aspect « subversif » qui était celui d’une classe ouvrière considérée encore comme homogène.
Le grand tournant à cheval sur les deux siècles modernes reste les attentats de 2001 à New York, où l’on se souvient que les citoyens américains d’origine noire ou maghrébine avaient été particulièrement mis à l’index et culpabilisés. Nous touchons là au principal moyen mis en œuvre par les élites bourgeoises pour « liquider » la menace prolétarienne mondiale. En même temps que l’affirmation des conflits masqués entre grandes puissances, il faut, constamment, terroriser la population par … des composantes même de la population, en niant tout intérêt de classe, politique et social, commun aux différentes races qui composent la classe ouvrière. Les couches d’intellectuels petits bourgeois tiers-mondistes, mao-staliniens, se sont reconvertis sans mal à l’islamisme et occupent le champ de la contestation officielle du capitalisme libéral bien plus profondément que l’hydre staliniste.
2°) Les millions de prolétaires juifs avant-guerre ne possédaient rien, hormis les quelques parvenus capitalistes, et la question juive a été « casée » en Palestine en en expulsant sans vergogne les habitants. Les millions de prolétaires arabes ne possèdent rien non plus, mais ils résident dans une zone fondamentale pour la marche du capitalisme : les terrains où réside l’or noir. Les quelques oligarchies fantoches qui profitent de la manne pétrolière restent sous la coupe des grandes puissances. La colonisation de la planète a changé de look mais elle reste identique aux oppressions passées. Les minorités d’exploiteurs cyniques en djellabas troquent costumes et cravates pour les réceptions privées et s’encanaillent dans leurs villégiatures occidentales en laissant les bouffons comme Ramadan plastronner avec la philosophie de « vivre ensemble ».
Or, la classe mondiale des prolétaires, dispersée sur les cinq continents, ne devrait pas avoir plus que les anciens juifs de « terre promise » ni patrie puisque ni le pétrole ni les luxueuses demeures des nouveaux riches ne lui appartiennent ni ne sont à défendre. C’est pourquoi l’islamisme est important comme entité pour les ramener au bercail nationaliste. Et dans le sens d’une nouvelle guerre mondiale qui, selon les vœux des stratèges faucons, opposera forcément des blocs opposés d’un côté entre les Etats-Unis et l’Europe suiviste et affaiblie, et l’aire asiatique et arabe (Russie et ou Chine, etc.). Le combat idéologique se mène au long terme. Les masses opprimées, en particulier arabes et noires, pourraient-elles être une « menace intérieure », une nouvelle « cinquième colonne » pour faire effondrer de l’intérieur les puissances dites « civilisées » dans un nouveau conflit planétaire ?
Aucunement, car comme on l’a vu au moment des guerres du Golfe, elles restent totalement tétanisées, et constituent la majeure partie des soldats envoyés au casse-pipe – même contre leurs frères en croyance – pour les intérêts impérialistes.
La campagne incessante du « choc des civilisations » et de dénonciation du terrorisme obscur n’est qu’un conditionnement à défendre ses propres exploiteurs qu’ils soient d’obédience islamiste ou laïque, quoique les créationnistes aient un rôle aussi fondamental de ciment religieux nationaliste dans le versant occidental.
Tous les fondamentalismes religieux sont des vecteurs de guerre.
LE SESAME DE L’EXTREME-GAUCHE
Le grand danger moderne reste la classe ouvrière par sa capacité de paralyser la production et d’affirmer les besoins de l’humanité, pas les idées d’humanité en général ni les écrits des clercs bien pensants de la presse corrompue. Il y a beaucoup de nouveaux Voltaire en carton, bien indifférents comme lui, aux formes renouvelées de l’esclavagisme. Parmi ceux-ci les militants de l’extrême gauche ont du mal à recycler leurs espérances déçues dans une révolution mondiale qui aurait pu être initiée par les « peuples de couleur », au profit du nouveau tiers-mondisme nationaliste nommé islamisme radical. On est loin de nos deux pantins télévisés, mais il n’existe ni islamisme radical ni islamisme soft, il n’existe qu’un islamisme nationaliste ; comme il n’existe ni capitalisme hard et soft mais bien un capitalisme totalitaire. Une partie de l’extrême-gauche en France est conciliante avec Ramadan, la LCR transformée en NPA dans l’espoir de gagner des voix électorales dans les quartiers dits populaires. Une autre partie de Lutte Ouvrière à l’intellectuel marginal Yves Coleman se rallie à l’anti-obscurantisme côté américanophile. Coleman a fait son cheval de bataille de l’anti-racisme. Il combat le « racisme français » comme il combat le déguisement des positions obscurantistes de Ramadan. Ses contributions sont traduites et considérées par les groupes trotskystes anglais et américains sur le web. Avec cette finesse de langage ambigu apprise chez LO il semble approcher de la vérité des classes : « La bigoterie de Ramadan dessert les travailleurs qui croient encore à l’Islam et veulent lutter aussi contre le capitalisme ». Coleman a raison de souligner que Ramadan rend opaque son discours typique des « frères musulmans » traditionnels et totalitaires derrière la dentelle des mots respect, tolérance, dialogue. Mais il a produit « 40 raisons pour lesquelles Tariq Ramadan est réactionnaire », traduit et généreusement étalées sur le web. On n’entrera pas ici dans ces 40 raisons, qui regroupent un collage de toutes les positions parcellaires du gauchisme démocratique, du féminisme à l’homosexualité. On remarquera simplement que faire allusion à « Ali Baba et les 40 voleurs », vieille saga perse si célèbre cinématographiquement aux temps de la colonisation – pleine de poncifs sur les bons arabes soumis – manifeste le choix du camp « progressiste » le plus pourri. L’histoire de la caverne d’Ali Baba est bien connue. Son suc réside dans le « sésame » qui permet d’ouvrir le portail de la fortune (les richesses arabes qui firent tant envie à l’Occident féodal), c'est-à-dire en un mot, d’obtenir au plus vite ce qu’on recherche. Or, dans l’argot de l’armée américaine en Irak, « Ali Baba », était un terme d’argot pour désigner les individus soupçonnés de vol ou de pillage !
Vous pouvez en conclure qu’avec ce genre de raisonnement « anti-raciste » et résolument dénonciateur du double langage des fondamentalistes, nos gauchistes recyclés dans la défense des valeurs de « tolérance occidentale » sont prêts à endosser l’uniforme de sergents-recruteurs avec leur propre double langage qui exclut le prolétariat universel et multiracial de l’équation guerre ou révolution.
Ce sera tout pour aujourd’hui.
[1] Et il fait l’impasse sur ce sous-entendu qui signifie qu’on peut la battre sur le corps depuis des siècles, car cela ne laisse pas de trace … sous la longue robe noire !
[2] Voir ma série d’articles dans PU papier de 2002 : « Le prolétariat contre l’islamisme capitaliste » (n°80 et suivant, ainsi que « Décadence et capitalisme » n°56 et suiv.)
[3] Dans Mein Kampf, Hitler déclare : « le but de mon combat est d’éradiquer le marxisme ».
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