DESORMAIS QUAND IL Y A DU CHOMAGE PERSONNE NE S’EN APERCOIT
(Réponse à M. Nicolas Sarkozy, Président de
M. Le président de
En tant que citoyen de seconde classe (la classe ouvrière), voire même de non-classe si l’on suit à la lettre votre dernière provocation (« Désormais quand il y a une grève personne ne s’en aperçoit » lors d’un colloque de votre cour de politiciens) je me permets cette modeste contribution que votre espion-WAP aura, je l’espère à cœur de vous soumettre pour le sérieux de son indignation et ses arguments imparables.
A première vue, comme je vous comprends. Vous rappelez vos syndicats à leur insignifiance. Ces thermomètres d’Etat ont essuyé tout récemment une belle déconvenue avec l’indifférence des travailleurs pour leurs manifestations weight&wachter présumées défendre les retraites et le gadget jospinien des 35 heures. Vous leur donnez le coup de pied de l’âne : « faites mieux la prochaine fois et je célèbrerai votre sens du dialogue, avec les mêmes compensations financières que pour les syndicats-maison de
A mon échelle dérisoire, je me suis mis dans votre peau de chef d’Etat dans l’alcôve élyséen, bercé par les ritournelles de la belle et intelligente Carla. Délaissant du regard la belle, je me suis tourné vers la bête :
- Qu’est-ce qui coûte le plus cher à l’Etat bourgeois?
- les retraités ou les chômeurs ?
Comme vous je n’y comprends pas grand-chose à l’économie, (mais j’ai des amis qui m’aident), et après maintes discussions comme vous avec vos conseillers, j’ai vite saisi que s’il y a de moins en moins de gens qui travaillent, bien que ce soit dans la logique de la baisse tendancielle du taux de profit si bien mise en valeur par Karl Marx, et de plus en plus d’assistés et de pensionnés, c’est que le système ne tourne plus rond. Il devenait impossible, j’en conviens, de prétendre faire avancer les profits capitalistes (en langue soft sciences-Po « équilibrer le régime général ») avec des retraités de plus en plus nombreux, plus nombreux que les chômeurs surtout ! Vous avez donc pesé pour inverser la tendance. Miracle : il y aura peut-être de moins en moins de retraités et de plus en plus de chômeurs ; et d’étudiants longue durée inutile et de difficultés pour les travailleurs non-nationaux pour obtenir des papiers « régularisatoires ».
Les chômeurs coûtent moins cher que les retraités à l’Etat bourgeois et ne votent pas. Les retraités votent mais ils votent BIEN en général car ils ne se sentent pas diminués comme citoyens. Et les retraités pauvres, car il y en a de plus en plus, votent bien aussi, surtout gauche caviar en coulisses. En tant que chef de l’Etat vous avez la vertu pour vous. Vous avez exigé que les entreprises embauchent désormais les quinquagénaires. Impeccable du point de vue propagande vertueuse, même si on sait que les entreprises n’embaucheront pas plus qu’avant les « vieux » après 45 ans !
Enfin vous avez été en totale conformité avec votre discours de candidat en faisant avaliser la principale réforme : la retraite à 65 ans. Les énarques et la bourgeoisie chinoise vont en sont infiniment reconnaissant. La patronne des patrons, Laurence Parisot, vous l’avez ridiculisée alors qu’elle s’en tenait à un ridicule minima «Est-ce si catastrophique que ça de partir à la retraite à 63 ans et demi ? Si « on » décide de partir à 63 ans et demi, on pourra équilibrer le régime général.»
Pourtant, vous savez bien qu’il n’y a pas que les retraités qui soient « à la charge » de la société (en langue sciences-Po : les anciens cotisants sont des feignants): c’est l’ensemble des non-actifs ou considérés comme tels (enfants, étudiants, personnes âgées, femmes au foyer, chômeurs) qu’il faut prendre en compte et rapporter aux actifs. Dès lors le rapport est beaucoup moins défavorable : 16,3 inactifs pour 10 actifs en 1995, 14,7 pour 10 en 2005, 15,2 en 2020 et 17,3 en 2040. Comme on le voit, c’est d’abord une baisse de ce rapport qui va se produire, et une légère remontée d’un point en 2040 par rapport à 1995. Rien d’insurmontable donc… Chacun peut l’observer autour de soi : du fait de temps d’études et de formation allongés, des périodes de chômage et petits boulots, l’âge d’entrée dans la vie active recule sans cesse. Alors qu’il y a trente ans il était courant d’être « actif » à dix-huit ans, aujourd’hui c’est 25 ans, parfois plus. Retenons pour voir l’objectif du gouvernement d’aligner tous les salariés sur une durée de cotisation de 40 années et faisons le compte : 40 années à partir de 25 ans, c’est la retraite à 65 ans. L’objectif du MEDEF est en vérité de 45 annuités, 70 ans. Le travail c’est pour la vie, la retraite au flambeau ! On nous explique en effet que, du fait de l’évolution démographique (dixit sciences-Po), il y aura 7 retraités pour 10 actifs en 2040, contre 4 pour 10 aujourd’hui. Sachant la grande inertie des mouvements démographiques, ces prévisions sont plausibles. Mais la façon de calculer est vicieuse et il ‘y a que les zombies d’ATTAC pour prétendre refuser d’opposer secteur public et privé. A-t-on jamais vu un Etat bourgeois qui voulait cesser de diviser la classe ouvrière ?
Vous mentez M. Le Président, par omission en évitant de parler du sort des retraités actuels. Compte tenu de l’effectif croissant des plus de 60 ans dans la société (de 20,6 % en1995 à 33,2 % en 2040) il faudra bien, pour maintenir le niveau actuel des retraites, augmenter la part des pensions dans le PIB : celle-ci devrait passer de 11,6 % aujourd’hui à 16,6 % en 2040. C’est ce que le patronat et les libéraux ne veulent pas accepter, et c’est pourquoi les mesures prises tendent de diverses manières à diminuer le montant de ces retraites (allongement de la durée de cotisation, mode de calcul, indexation sur les prix et non sur les salaires). Ainsi est exercée, en dépit de la loi fixant l’âge légal de la retraite à 60 ans, une pression permanente pour réduire le niveau ou retarder le départ à la retraite des salariés.
Selon une étude de l'INSEE publiée en 2006, les régimes spéciaux, qui bénéficient à moins de 25 % des Français (dont de généreuses retraites pour les anciens garde-chiourmes cadres), généreront à l'horizon de quelques décennies plus de la moitié des déficits. Ces arguments n'ont pas laissé le très poujadiste syndicat SUD insensible, qui propose une solution de choc : « yaka faire payer les patrons et les actionnaires ! ». La démonstration est éclatante. Mais elle repose sur un postulat fort contestable : celui que l'accroissement des prélèvements n'a aucun effet sur l'activité économique.
Que dit SUD ? « Le Produit Intérieur Brut » (le PIB), c'est-à-dire la richesse que nous produisons collectivement dans le pays, continuera d'augmenter ; il y a 40 ans, les retraites coûtaient 6% du PIB, 12 % aujourd'hui et 18 % dans 40 ans ». Jusque là rien à redire. Poursuivons la démonstration : « le coût des retraites représentera 540 milliards d'euros dans 40 ans sur un PIB de 3000 milliards, c'est plus qu'aujourd'hui mais laisse 2500 milliards à d'autres dépenses ». La solution est donc simple : « ramener les profits que patrons et actionnaires se font sur le dos des salariés à ce qu'ils étaient il y a 20 ans (et c'est déjà beaucoup trop) dégagerait chaque année une somme 40 fois supérieure à ce qui est présenté comme nécessaire pour sauver les retraites ».
Les années 70 – 80 auraient elles donc constitué l'âge d'or du salariat dit « embourgeoisé »? Les données chiffrées semblent donner raison a priori à cette thèse. Au début des années 80, les salaires, (c'est à dire ce qui est versé aux salariés et l'ensemble des charges sociales payées), représentent presque les 2/3 du PIB, contre un peu plus de la moitié en 2006. Il serait pourtant très rapide d'affirmer que les salariés ont été gagnants. Jusqu'au milieu des années 85, la politique française est largement d'inspiration keynésienne – que ce soit avec Valéry Giscard d'Estaing ou François Mitterrand - : il faut soutenir la demande, ce qui veut dire « soutenir les salaires » et « faire payer les patrons ». Avec 2 conséquences : les salaires réellement payés (c'est-à-dire incluant les charges dites patronales, qui ne sont que du salaire prélevé) tendent à dépasser la productivité du travail, ce qui signifie que certains salariés vont coûter plus chers qu'ils ne produisent et que les marges bénéficiaires des entreprises s'érodent. Laissons Patrick Arthus (économiste appartenant au Conseil d'Analyse Economique et au Cercle des Economistes) commenter la situation cette époque : « Le résultat ne se fait pas attendre : chute de la profitabilité des entreprises, arrêt de l'investissement productif (croissance zéro en 1983), envolée de l'inflation, hausse des taux d'intérêt ... A la fin de 1981, le chômage, la mévente des produits français, l'arrêt des investissements ... condamnent l'expérience ». De plus, le coût élevé du travail a incité les entreprises à privilégier les technologies les moins créatrices d'emploi. Les entreprises travaillent pour dégager un bénéfice. Que celui soit absent, et les entreprises réduisent leurs investissements. Au détriment de l'emploi et du niveau de vie de la collectivité. L'analyse de SUD comporte un second point faible. Ce qui n'est pas versé aux salariés irait selon l'analyse de ce syndicat dans la poche des « patrons et des actionnaires ». Mettons que seules les entreprises du secteur marchand ont « des patrons et des actionnaires ». Quelle est la part réelle du PIB que ces derniers « s'approprient »? 7 % avant impôt !!! C'est que la notion de valeur ajoutée brute affectée au capital est un fourre tout. Elle rassemble par exemple le loyer perçu par un particulier propriétaire d'un bien immobilier ou les intérêts des livrets d'épargne détenus par les ménages. Il en va de même pour ceux propriétaires de leur résidence principale : ils reçoivent un loyer fictif représentant le loyer qu'il devrait se payer. Il en est de même pour les administrations qui perçoivent des revenus du capital (loyers, interêts, dividendes ...) dont une éventuelle diminution devrait être compensée par des impôts supplémentaires.
La valeur ajoutée brute, de plus, n'est pas la mesure de la richesse conservée. Pour les entreprises, elle va servir à payer les intérêts des emprunts. Il faut également déduire les amortissements, qui représentent l'usure des biens de production (matériels, bâtiments, incorporel ...), qui sont des charges importantes. Bref, la confiscation intégrale des « profits » ne permettrait pas de financer la hausse attendue du poids des retraites !
Il y a surtout un élément effrayant. C'est la facilité avec laquelle SUD envisage de prélever des richesses produite par d'autres pour financer une « non création de richesse » au profit de quelques uns. Comme sous l'ancien régime, le citoyen redevient « taillable et corvéable à merci ». Au détriment de l'emploi et du pouvoir d'achat.
L'inconvénient majeur du régime par répartition est son aisance à cacher l’enflure du parasitisme des couches successivement ajoutées à ce régime bien plus responsables des déficits que la masse des pue-la-sueur : cadres, militaires, paysans, petits commerçants. En effet, si la classe ouvrière des générations actuelles de retraités avait imposé des garanties de retraites honorables nécessaires à la paix sociale dans les trente glorieuses de la « reconstruction », les présidents qui vous ont précédé n’avaient rien trouvé à redire à en faire profiter progressivement les couches petites bourgeoises. La misère des vieux prolétaires avait toujours été avant-guerre un ferment de révolution sociale. Les régimes spéciaux (retraite à 50 ou 55 ans) furent créés car l’espérance de vie des cheminots était de 50, 52 ans et qu’il fallait, pour la police et l’armée, avoir une politique attractive ; sans oublier que les militaires retraités fournirent longtemps de bons garde-chiourmes d’entreprise pour leur deuxième vie sociale. Idem pour les dits services publics, leur faible rémunération et espoir de carrière n’auraient pu attirer des impétrants sans « avantages en nature » et retraites précoces.
QUEL ELOGE DU TRAVAIL ?
M. Le Président, vous avez parfaitement réussi votre campagne électorale avec votre éloge du travail. Il fallait redresser la barre ou continuer à se couvrir de ridicule face au monde entier. La diminution du temps de travail et le combat pour les vacances avait toujours été jusque là dans le mouvement ouvrier une exigence normale et même révolutionnaire. Parvenus aux 40 heures et à six semaines de congés payés, nous les prolétaires avions des raisons de satisfaction, même si le temps passé dans les transports en commun rapprochait un grand nombre d’entre nous des dix heures par jour de nos ancêtres du XIXème. Le gadget des 35 heures de M. Jospin et Me Aubry n’avait passionné que les couches supérieures du salariat, vous le savez. Les garde-chiourmes pouvaient aller plus souvent dans leur résidence de campagne, au ski ou aux Baléares. Après un véritable casse-tête lors de leur mise en place par le management suiviste des services publics, cette mesure avait parfaitement réussi à renforcer la division de la classe ouvrière entre secteur public et privé où, dans ce cas, la mesure était suicidaire économiquement, sans compter que la tricherie a continué car « un cadre n’a pas d’heure » ou alors il n’est plus un cadre ! Je me suis franchement marré lorsque j’ai lu la déclaration hier du président du syndicat des cadres qui déplore que ces cuistres écopent de 17 jours de travail en plus avec votre réforme ; si nombre de prolétaires subalternes n’étaient pas aussi concernés je rirais encore plus fort.
A la différence de l’élection de Mitterrand en 1981, ce gadget du gouvernement Jospin n’était pas accidentel, mais une mesure de compensation provisoire pour l’électorat bobo. Chirac et Villepin n’eussent pas dû dissoudre, alors il fallut composer. Le PS garantissant la continuité du gouvernement bourgeois, avec la même constance dans les attaques anti-ouvrières, il lui fallait aux yeux de l’opinion (cette pute sans morale) se différencier apparemment de la droite au pouvoir. La mesure fût au bout du compte aussi funeste que les actions du premier gouvernement Mauroy pour temporiser avant les rééquilibrages des bourgeois Fabius et Rocard, puis le retour des « méchants » de la droite. A chaque fois, comme sous votre jeune règne, les syndicats ont accompagné les modes gouvernementales. Il faut le reconnaître, ils vous ont totalement épaulé pour vos réformes. Vous nierez évidemment les avoir acheté comme vous niez l’achat de la libération de madame Bettencourt. Il n’en demeure pas moins qu’ils révèlent leur degré de corruption et de compromission à chaque fois qu’ils crient au feu, comme pour l’heure ils s’égosillent concernant le statut de la poste. Quand les syndicats dénoncent une attaque frontale de votre Etat c’est pour mieux la faire passer.
« Travailler plus pour gagner plus ». Personne n’a vraiment compris le sens de votre courageux radotage. En vérité, tout en agitant un billet aux yeux des classes pauvres, vous vous adressiez au patronat et à tout les petits capitalistes en herbe, qui répondirent « bien reçu » à votre « travailler plus » pour faire gagner toujours plus aux patrons et au patronat d’Etat. Vous aviez parfaitement compris, malgré vos limites en économie, que la valeur du travail réside dans sa durée et non dans son raccourcissement, que le travail ne profite que si l’on s’en sert, que le travail n’est digne d’éloge que s’il rapporte aux possédants et aux privilégiés.
LE TRAVAIL : UNE VALEUR RENAISSANTE ?
Les sociologues sont rigolos. Ils raisonnent toujours après les politiques, ou après les décisions de politiques. Ils constatent, voire déplorent, mais s’ingénient à apparaître comme des philosophes qui avaient tout compris avant les changements de direction « sociétale ». Ils sont surtout hors de toute compréhension du mode de fonctionnement du capitalisme, et surtout des contrainte de l’accélération de la compétition internationale, au point que vous apparaissez, vous et vos ministres, souvent comme de très bons VRP des entreprises françaises en voyage à l’étranger, et que parfois on s’étonne de l’absence de remerciements de vos syndicats lorsque vous avez « ouvert des marchés » à « nos » produits militaires ou nucléaires, qui créent, il faut le concéder, des emplois. Des intellectuels, souvent au passé gauchiste, avaient théorisé, sur la foi des discours des remplaçants du banc de touche « socialiste », une « fin du travail ». Je me permets de vous conseiller, d’ailleurs, la lecture de mon « Précis de communisation », pour rire avec moi de la déconvenue de ces théoriciens suivistes de pacotille.
Mais venons-en à des analystes plus sérieux et plus crédibles. Ce jour, dans la presse officielle que vous détestez (Libération) l’honorable Robert Castel, gentil observateur de la condition ouvrière au-dessus des siècles, vous interroge à sa manière, avec cette gentillesse empreinte d’aménité qui lui ouvre les portes des conférences pour bons samaritains et bourgeoises qui s’ennuient : « Travailler plus pour gagner quoi ? ». Cet homme rembobine depuis le début 1990 où la mode chantait le travail comme « valeur en voie de disparition », voire « une fin du travail ». Il découvre désormais, grâce à vous, qui êtes avant tout le porte parole des magnats de l’industrie et de la finance, une « survalorisation du travail », en rendant hommage au précurseur votre ami Raffarin qui en 2003 s’interrogeait avec inquiétude : «
Vos opposants versatiles comme Besancenot et SUD vous servent de faire-valoir conséquent avec leurs propositions ridicules de « faire payer les riches », comme si la richesse de la société était ce que possèdent les riches et non pas le « travail humain cristallisé » (Marx), comme si le prolétariat pouvait faire l’économie de sa révolution en attendant le sprochaines échéances électorales truquées et conditionnées.
La personnalisation, pipolisation de la politique, à laquelle vous officiez, ne vous permettra pas de continuer sans que « cela finisse mal », comme vous le reproche un ex-prétendant au poste de calife suprême, avec le retour des « classes dangereuses », car vous n’êtes que le sous-fifre d’un système à la dérive qui mène à la réhabilitation de la guerre des classes. Pour la dignité d’une société enfin humaine.
Je ne vous salue pas.
JLR
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