"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

jeudi 22 décembre 2022

UNE GIFLE AUX SYNDICATS COMPLICES DES GOUVERNEMENTS

 


« Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. 2. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité 

Manifeste communiste de 1848

 

En 1848 le Manifeste du parti communiste, contrairement aux affabulations de wikipédia ne définit pas le mouvement ouvrier comme une question d’autonomie mais d’indépendance de classe. La lutte si surprenante pour les voyeurs de la lutte de classe (présumée disparue par l’élite de la gauche caviar et bobo) à la SNCF n’a rien à voir avec la fumeuse autonomie ouvrière de jadis (lire l’article de RI de 2006 : https://fr.internationalism.org/rinte16/autonomie.htm : Ascension et déclin de l’autonomie ouvrière).

Cette lutte bouleversante pour les médias soumis  vient magnifiquement faire rejaillir les acquis des luttes des années 1960 en Europe, et les leçons de la tentative de révolution en Allemagne en 1919, tout comme celle du courant conseilliste « hollandais ». Il ne s’agit pas d’un phénomène isolé ou qui serait strictement « français » mais bien d’une réponse à une situation dangereuse et problématique au niveau mondial, non seulement la guerre sinistre en Ukraine mais aussi l’impasse des révoltes petites bourgeoises et de l’invasion islamiste. Cette fraction du prolétariat montre la voie pour prendre en main non seulement la lutte locale mais les destinées d’une humanité livrée au chaos par des bourgeoisies de plus en plus irresponsables et criminelles. La grève « sauvage », « inattendue », « hors du contrôle des collabos syndicaux de base ou du sommet » n’est pas la révolution mais elle y conduit.

Tous les médias s’étaient mis à la remorque de la magouille policière autour de la gifle privée de Quatennens comme aux jeux footballistiques nationalistes, et pour décapiter le principal parti contestataire inconsistant et peuplé de féministes bourgeoises nunuches, mais c’est une gifle gréviste qui vient rappeler ll’ordre bourgeois à la réalité de la lutte des classes.

La grève qui a paralysé une partie du réseau des grandes lignes (TGV et Intercités) ce week-end de début décembre n’a pas été amorcée par les syndicats, mais par un collectif informel, né d’une boucle WhatsApp et d’une page Facebook. Hors des instances syndicales, ce mouvement de contrôleurs mécontents est composé de quelques milliers de salariés réunis derrière un collectif non-élu, organisé entièrement sur les réseaux sociaux. Son ampleur a surpris : ces 3 et 4 décembre, la grève amorcée par le collectif a entraîné la suppression de 60 % des TGV. Quasiment inédit à la SNCF, ce mouvement de mécontentement spontané en rappelle d’autres dans des secteurs différents, comme celui du collectif InterUrgences qui a émergé à l’hôpital en 2019. A la faveur d’une défiance grandissante envers les mouvements syndicaux et une démocratie représentative ficelée dans des organes bureaucratiques opaques, des collectifs affinitaires émergent sur les réseaux sociaux, et n’a rien à voir avec le mouvement interclassiste et petit-bourgeois des gilets jaunes contrairement à ce qu’affirment des journalistes ignorant l’histoire et les conditions de la lutte indépendante et exclusive de classe.

A la SNCF, tout est né d’une boucle WhatsApp. « Cela faisait plusieurs mois qu’un autre contrôleur et moi parlions sans arrêt de nos problèmes et de nos attentes. Nous l’avons élargi à plusieurs autres personnes à Marseille, et dans d’autres régions », explique Olivier, l’un des membres à l’initiative du mouvement, qui travaille dans la métropole marseillaise. Très vite, les deux contrôleurs décident de créer une page Facebook pour rendre leur conversation plus accessible. Cette dernière a été baptisée « collectif national ASCT.

Franchement, je dois avouer que j’avais cru à une nouvelle manœuvre de pré-sabotage des collabos syndicaux pour miner la mobilisation envisagée en janvier contre la réforme capitaliste des retraites. Or, tant pis pour les vacances des consommateurs et des lecteurs du Figaro outrés par cette lutte, il s’agit bien d’une réaction de classe fulgurante, par des voies inhabituelles et confondantes pour les collabos syndicaux, qui nous rappelle les belles heures des grèves en dépit des syndicats post 68.

Il ne s’agit pas d’une simple grève « revendicativiste », « contre la vie chère » (ridicule slogan de LFI) ou pour des hausses de salaires, mais pour protester contre des conditions de travail aléatoires, les agressions incessantes, etc. Les patrons de la SNCF croyaient, en plus d'une augmentation de 12% des salaires de l'ensemble des cheminots sur deux ans, satisfaire les contrôleurs entre autres choses par une hausse d'1,5% supplémentaire. Une présumée victoire pour les collabos syndicaux  qui n'appelaient pas à la grève, puis, estomaqués, ont vu  le collectif la déclencher. Plus comique, et du jamais vu, le sous-fifre ministre des Transports a tenu à faire une distinction entre les organisations syndicales et les cheminots qui ont décidé de se mettre en grève : « Hors syndicat, hors cadre, hors dialogue social organisé, il y a des phénomènes qui peuvent être extrêmement bloquants et pénalisants », a déclaré Clément Beaune, jugeant « inquiétant » un mouvement qui émerge hors des organisations traditionnelles. Des initiatives qui pourraient instaurer « une prime à la surenchère », selon ce pathétique ministre.

« Le dialogue social, ce n’est pas le désordre général », a ajouté Clément Beaune, avant de s’adresser directement aux grévistes : « le seul moyen de défendre les intérêts légitimes d’un travailleur, le seul moyen de ne pas pénaliser les Français et d’avoir un service public de qualité, c’est le dialogue social ». Un appel à se soumettre au syndicat « je suis partout pour servir le gouvernement capitaliste ».Au sein du gouvernement, Clément Beaune n’est pas le seul à s’en prendre aux « mouvements radicaux ». Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire a également opposé ce jeudi 22 décembre les « syndicats responsables » à « quelques grévistes » qui se mobilisent : « Je compte sur les syndicats, qui représentent les salariés de la SNCF, pour, dans les heures qui viennent, trouver une solution », a déclaré le larbin de Macron à Sud Radio.

L’emploi de ce ton bienveillant à l’égard des syndicats n’est pas un hasard dans ce cas particulier, car la grève des aiguilleurs SNCF a été décidée hors cadre syndical, par ce Collectif créé sur des réseaux pourtant considérés comme conservateurs voire délirants, ASCT (Agents du service commercial trains), né sur les réseaux sociaux et qui rejette toute accointance avec les syndicats traditionnels et ne pose pas de simples revendications catégorielles mais d’une nature « extensive » qui concerne les conditions de travail en général de la classe ouvrière.

Un mouvement d’affranchissement de tout contrôle syndicalo-gouvernemental - et inédit — dont le gouvernement remet en cause la légitimité ou plutôt la liberté d’agir. Comme le dénonce le principal syndicat collabo : « Il y a eu des avancées, mais malgré, il y a un collectif, hors des organisations syndicales, qui a décidé de la grève. La CFDT n’est pas d’accord avec cette grève au moment de Noël », s’est désolidarisé sur BFMTV le principal larbin gouvernemental Laurent Bergé, bonze de la CFDT.

Sans aller jusqu’à désavouer les grévistes, Sud Rail et la CGT n’ont pas appelé à arrêter le travail, et l’Unsa-Ferroviaire a retiré son préavis à la suite de négociations avec la direction. D’où cette volonté de la part du gouvernement de vanter les voies traditionnelles du dialogue social. Ce que mendie par ailleurs le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou.

« Je ne comprends pas cet appel à la grève. Il n’y a aucun appel à la grève d’aucun syndicat », a-t-il regretté sur RTL, avant d’ajouter : « je vois les syndicats demain. Le dialogue social se poursuit parce qu’on ne lâche pas l’affaire ».

Négociation piège à cons !

PS: c'est sûr que la période vacancière n'est pas la plus favorable à une popularité de la grève, mais les grévistes d'internet n'ont probablement pas eu le choix. Le plus cocasse ou pervers est que la patronat de la SNCF aurait prévu de rembourser le double des billets... pour rendre encore plus impopulaire la lutte de classe ou pour se faire passer pour l'ange blanc? 

En Grande Bretagne, la masse des ouvriers en grève se fiche parfaitement des grandes bouffes de fin d'année, et la lutte est en phase de développement...exemplaire pour les autres pays:

https://www.lefigaro.fr/international/le-royaume-uni-s-enfonce-dans-le-chaos-avant-noel-20221222


 

 

 

mercredi 21 décembre 2022

POUR UN NOEL ANTI-RELIGIEUX

 


 EN HOMMAGE AUX FEMMES MARTYRES EN IRAN ET EN AFGHANISTAN (et aux hommes aussi victimes du nazislamisme)

 Me voilà de retour, après de longues tentatives vaines pour publier sur ce blog vu les arcanes et irrationalités fonctionnelles de google-gogol, l'inutilité et surtout l'impossibilité de contacter ou demander des explications aux robots de cette firme mondialiste. J'ai réussi à me débrouiller tout seul sans avoir à créer un autre blog et à payer un nom de domaine. Comme ce blocage informatique avait bloqué toute ma réflexion politique quotidienne (y inclus pendant l'épisode navrant de compétition footballistique et nationaliste des manchots milliardaires et méprisant leurs masses énamourées), je vous republie - en attendant une actualisation critique de ce que nous subissons à l'international - un texte de PU 51, c'était dans les années 90... Un article qui avait servi de déclencheur à mon livre : "le marxisme est-il un messianisme" que ni les à chier Spartacus ni les maos de L'Harmattan n'ont daigné publier.

Marx, si souvent taxé de messianisme religieux par les réactionnaires bourgeois des XIXe et  XXe siècles démontre que sa théorie n'emprunte rien à l'illusion religieuse, et surtout il peint un tableau de la bureaucratie d'Etat qui va comme un gant au fonctionnement des Etats modernes et pas seulement à l'Etat stalinien. Ses détracteurs littéraires sont passés un peu vite, voire ont ignoré comment il a décrypté non seulement le formalisme bureaucratique mais aussi la mentalité théologique des thuriféraires historiens de gouvernement. Pour Marx, la bureaucratie représente « le formalisme d'Etat au sein de la société bourgeoise », et surtout : « L'esprit bureaucratique est un esprit éminemment théologique »; « la bureaucratie est la république prêtre ». Dans ce texte de 1843, il décrit génialement comment, à l'image de la perception superstitieuse, la bureaucratie dédouble l'aliénation dont sont victimes les individus dans la société bourgeoise:
« ...La bureaucratie constitue l'Etat imaginaire à côté de l'Etat réel, le spiritualisme de l'Etat. Chaque objet a, de ce fait, une double signification, réelle et bureaucratique (il en est de même de la volonté). Mais la chose réelle est traitée selon son essence bureaucratique, c'est-à-dire céleste, spirituelle (...). L'esprit général de la bureaucratie est le secret, le mystère... Le principe de son savoir est l'autorité, et l'idolâtrie de l'autorité est sa mentalité. Au sein même de la bureaucratie, le spiritualisme se transforme en matérialisme sordide, le matérialisme de l'obéissance passive, la foi en l'autorité, le mécanisme d'une pratique sclérosée et formaliste, de principes, de conceptions et de traditions fixes. Quant au bureaucrate pris individuellement, l'intérêt de l'Etat devient son intérêt privé sous la forme de la ruée aux postes plus élevés, du carriérisme. Il considère la vie réelle comme purement matérielle, car l'esprit de cette vie possède dans la bureaucratie sa propre existence séparée».

Il y a là une étonnante et pénétrante analyse du bureaucrate « communiste » (stalinien) ou libéral. La description de Marx ne s'arrête pas là car la base de l'explication se trouve dans le culte de la propriété privée : « La réalité de l'idée morale apparaît ici comme la religion de la propriété privée»; « la religion est devenue une qualité inhérente à la propriété foncière ». Marx reproche en plus à Hegel de ne pas avoir décrit l'Etat moderne, et il est caustique sur la mystification politique: « Le principe qui veut que le rationnel soit réel se heurte précisément à la réalité irrationnelle qui est partout le contraire de ce qu'elle affirme et qui affirme le contraire de ce qu'elle est ». La souveraineté du monarque est confondue avec celle du Dieu, et l'absence de souveraineté du peuple prouve l'aliénation de l'homme (non réduite au concept de dépression ou animadversion à l’époque). Avant d'élaborer la théorie du prolétariat comme force levier de la société future, Marx en appelle à la souveraineté du peuple, et bien que sa pensée soit encore imprécise, c'est par la délimitation d'avec la religion qu'il peut envisager un régime de « vraie démocratie» comme « énigme résolue de toutes les constitutions » : 

« De même que ce n'est pas le religion qui crée l'homme, mais l'homme qui crée la religion, ce n'est pas la constitution qui crée le peuple, mais le peuple qui crée la constitution ». De cette idée découlera ultérieurement que la « vraie démocratie » n'est pas l'Etat républicain mais dépend de la disparition de l'Etat politique; pour l'heure s'il envisage un « Etat démocratique.

Pour qu'un groupe soit par excellence le groupe libérateur, il faut qu'à l'inverse un autre groupe soit, de façon manifeste, le groupe qui asservit. » Marx raisonne jusque là sur le mode de la révolution française, et il en vient à établir la synthèse de son raisonnement: « ... cette dissolution de la société sous forme d'une classe particulière, c'est le prolétariat. » Pour les commentateurs modernes les plus stupides, ceux qui sont accrédités auprès des pouvoirs publics de l'armement et du goupillon communautariste, le jeune Marx, pauvre d'esprit, ne faisait que renouer avec la tradition... judéo-chrétienne: croyance en l'idée du salut collectif opéré par le prolétariat succédant au peuple élu, messianisme biblique, décadence salutaire, etc. Or rien, surtout dans les écrits du jeune Marx, et jusqu'au terme de sa vie, ne transpire de la moindre concession idéaliste à la psychologie religieuse. Marx n'est ni gourou ni sociologue à la manière d'Auguste Comte ou des plumitifs français, il est un penseur de l'histoire. L'histoire n'existant pas vraiment encore comme discipline universitaire ni comme objet d'étude rétroactif, c'est en véritable historien pénétrant de l'évolution de l'humanité de l'Antiquité à la Révolution française et au développement du capitalisme, qu'il dégage la fonction des classes sociales et leur destinée. C'est de l'histoire des hommes qu'il dresse la responsabilité de la principale classe exploitée moderne non de la Bible, ni du Talmud ni de toutes les diverses élucubrations psychologiques religieuses ésotériques ou astrologiques. C'est de l'aspect révolutionnaire du capitalisme lui-même, universaliste dans l'échange et capable de dominer sur terre et sur mer (guère plus tard dans les airs) la planète, qu'il déduit la possibilité pour une classe universelle produit produite par ce même capitalisme, de prétendre lui succéder sur d'autres bases à dimension humaine. 

Marx n'a donc pas eu besoin de rencontrer Flora Tristan qui avait exposé avant lui l'importance de la classe des prolétaires pour l'avenir, car l'idée était « dans l'air »; chaque révolte ouvrière, chaque révolution à l'époque pose le problème de l'universalité de la transformation du monde par une classe particulière. Après la mort de Marx, dans la préface de juin 1883 à une réédition du Manifeste communiste, Engels est réducteur en imaginant que l'idée maîtresse d'émancipation de la classe ouvrière avec pour visée l'émancipation de l'humanité entière appartiendrait « uniquement et exclusivement à Marx », comme lorsqu’il prétend sur sa tombe qu’il n’avait pas d’ennemis (Il en avait plein, aujourd’hui encore). 

La conviction d'une nécessaire émancipation existait chez la plupart des prédicateurs socialistes et communistes du XIXe siècle; cependant on trouve une dimension eschatologique, une religiosité sous l'argumentation généreuse et humanitariste, mais pas chez Marx. Non pas que Marx soit cynique ou anti humaniste, mais parce qu'il est hermétique à toutes les promesses de rédemption et de bonheur dans l'au-delà et parce qu'il a compris que le combat contre la psychologie religieuse – sujétion des hommes à des autorités supérieures auto-proclamées - était incessant, même s'il n'est plus primordial au niveau politique. En 1844, Marx est reconnaissant à Feuerbach d'avoir prouvé que la philosophie n'est rien d'autre que la religion sous forme de concepts abstraits et d'avoir fondé le véritable matérialisme moderne. Feuerbach a «achevé la critique de la religion en même temps qu'il esquissa les lignes maîtresses d'une critique de la spéculation hégélienne » (la Sainte Famille, chapitre VI). Hegel n'était finalement qu'un psychologue religieux qui spéculait dans l'abstraction. L'aliénation fondamentale de l'être humain au XIXe siècle est d'ordre économique et se dégage de la propriété privée. Les oppressions politiques et religieuses n'existent qu'en fonction de la principale aliénation: « La religion, la famille, l'Etat, le droit, la morale, la science, l'art, etc., ne sont que des modes particuliers de la production et en subissent la loi générale. La suppression positive de la propriété privée, en tant qu'appropriation de la vie humaine, est donc la suppression positive de toute aliénation, c'est-à-dire le retour de l'homme qui, abandonnant religion, famille, Etat, etc., retrouve son existence humaine, c'est-à-dire sociale. L'aliénation religieuse comme telle s'opère dans le seul domaine de la conscience, à l'intérieur de l'homme, tandis que l'aliénation économique est celle de la vie réelle » (fin de la dépersonnalisation). Marx établit la nécessité de la dictature du prolétariat en 1852. La société communiste sera « appropriation réelle de l'essence humaine par et pour l'homme », par suite « le retour de l'homme à lui-même en tant qu'homme social, c'est-à-dire humain, retour complet, conscient, accompli en sauvegardant toute la richesse du développement antérieur ». Pas de table rase cynique chez Marx, mais un communisme vraiment humaniste où l'homme rentrera en possession de son être générique. Ce communisme » résout l'énigme de l'histoire et sait qu'il la résout ». Marx indique un possible sens de l'histoire, il n'officie à aucune anticipation pseudo-mystique. Soumis à la dynamique de transformation politique et sociale, la persistance de la psychologie d’Etat, en particulier sous sa forme religieuse, est vouée à l'extinction; il n'est pas besoin de la combattre de front la simple religion, désormais si puisque dans l'aire musulmane elle est redevenue religion d'Etat et Etat de la religion. Se situant résolument sur le terrain politique et social, Marx analyse le travail. C'est par le travail que l'homme transforme et se transforme.

UNE PERSPECTIVE COMMUNISTE ANTI-RELIGIEUSE

Pour Marx le prolétariat n'est pas investi par sa lutte du messianisme qui viserait à reconstituer l'humanité perdue. Ce n'est pas parce qu'il est révolutionnaire, mais parce qu'en tant que classe il est poussé par des conditions historiques (au nombre desquelles aussi sa misère). Le jeune Marx, au milieu des années 1840, émerge de ses études philosophiques. Il est même en retard quant à l'appréhension de l'expérience historique prolétarienne accumulée depuis Babeuf et la première vague des utopistes. Ses textes, même s'il commence à percer des notions matérialistes pour la théorie de classe, sont encore entachés d'un jargon philosophique humaniste; lequel est cité depuis à tour de bras par toutes les générations de petits-bourgeois radicaux comme le fin du fin de la "subversion". Au contact du mouvement ouvrier et en étudiant l'économie politique anglaise, Marx abandonnera cette phraséologie philosophique humaniste, bien qu'en gardant un style complexe (mais riche de contenu et mille fois plus lisible que les écrits brouillons d'un Bakounine). Marx rejette l'hypocrisie de la morale humaniste bourgeoise au-dessus des classes. La forme de la morale des hommes, à toute époque, n'est pas indépendante des facteurs matériels de la société. Il décèle la conscience de (et pour) l'humanité dans le prolétariat. Dans son ouvrage charnière où il délimite pour la première fois aussi nettement le prolétariat de la petite-bourgeoisie, Marx insiste sur la nature de la classe ouvrière associée de fait par les conditions de l'exploitation, conduite à se grouper pour se défendre. Là est le creuset de l'esprit de fraternité, de solidarité, de discipline de classe. Ce dévouement à la communauté de classe qui produit l'organisation des ouvriers au niveau économique d'abord, puis politique, fait même passer au second plan la question des salaires. Les ouvriers coalisés sont prêts à tous les sacrifices pour aider un camarade menacé par la répression ou l'arbitraire patronal. Cette spécificité d'origine se retrouvera dans la période de transition où la classe ouvrière se moquera de la question des salaires en elle-même dans l'objectif de sauver et transformer l'humanité meurtrie par la barbarie capitaliste. Il ne s'agit plus de la communauté religieuse mais d'une association qui ne peut fonctionner sur la base de superstitions antiques:

"... se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d'abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l'association devient plus nécessaire pour eux (les ouvriers) que celui des salaires.” ("Misère de la philosophie").

Dans un article de 1911, Pannekoek souligne cet aspect de la théorie matérialiste naissante chez Marx qui donne à l'éthique un fondement matérialiste”. Contre les anarchistes qui tiennent la lutte contre le capitalisme pour un combat contre "l'injustice" de façon idéaliste, Pannekoek réaffirmait que c'est parce qu'il devient une entrave à l'évolution de l'humanité que le capitalisme peut être supprimé.  Le plus fondamental n'est pourtant pas cet idéalisme à la Pannekoek mais le fait que, intrinsèquement la religion est liée à la propriété privée donc à l'Etat; c'est pourquoi les nazislamistes iraniens condamnent à mort pour "crime contre dieu et pour la corruption sur terre".

LA QUESTION DE L'ETAT TRANSITOIRE 

La base de l'explication du phénomène bureaucratique se trouve dans le culte de la propriété privée : « La réalité de l'idée morale apparaît ici comme la religion de la propriété privée »; « la religion est devenue une qualité inhérente à la propriété foncière ». En ce sens, Marx reproche à Hegel de ne pas avoir décrit l'Etat moderne, et décrypte la mystification politique: « Le principe qui veut que le rationnel soit réel se heurte précisément à la réalité irrationnelle qui est partout le contraire de ce qu'elle affirme et qui affirme le contraire de ce qu'elle est ». La souveraineté du monarque est confondue avec celle du Dieu, et l'absence de souveraineté du peuple prouve l'aliénation de l'homme. Avant d'élaborer la théorie du prolétariat comme force levier de la société future, Marx en appelle à la souveraineté du peuple, et bien que sa pensée soit encore imprécise, c'est par la délimitation d'avec la religion qu'il peut envisager un régime de « vraie démocratie » comme « énigme résolue de toutes les constitutions »: « De même que ce n'est pas le religion qui crée l'homme, mais l'homme qui crée la religion, ce n'est pas la constitution qui crée le peuple, mais le peuple qui crée la constitution ». De cette idée découlera ultérieurement que la « vraie démocratie » n'est pas l'Etat républicain mais dépend de la disparition de l'Etat politique; pour l'heure s'il envisage un « Etat démocratique » contre « le monde philistin de la monarchie prussienne », c'est à terme vers: « une communauté d'hommes appelés à réaliser leurs fins les plus élevées ». 

Toute la question d'un usage temporaire de l'Etat, en vue de sa destruction hypothétique...probablement longtemps après, restera une épine dans les projets révolutionnaires de la période à venir face à deux théories, celle conseilliste de Pannekoek et Mattick où les Conseils ouvriers seraient à même de s'emparer du sale boulot de l'Etat antérieur, car il faut un Etat centralisé pour gérer toute la société ou c'est le chaos et la peine de mort durant toute la guerre civile - et on imagine mal la centralisation politique de la classe assumer répression et ordre social - et celle du "parti propre" de Marc Chirik, père du CCI, qui a imaginé que le parti pouvait se débarrasser du sale boulot d'Etat en restant en dehors de celui-ci, solution qui, 40 ans après la mort de ce théoricien, me paraît bancale pour ne pas dire utopique. On avisera probablement in vivo.

Goinfrons-nous de chocolats avec notre superbe indifférence européenne pendant que continuent les massacres quotidiens en Ukraine et en Iran. Marx ne fût pas le père Noël et sa prémonition d'une fin nécessaire voire inévitable du capitalisme eût de géniaux précurseurs.

. Georges Zimra a brillamment résumé la pensée d'un grand précurseur :

« Spinoza rejette le messianisme juif et considère que l’histoire sacrée est un mythe et la religion une illusion de l’esprit, la puissance aliénante de l’imaginaire de l’homme. Pour Spinoza, il n’y a pas d’autre monde que celui dans lequel on vit ; il représente la totalité de ce qui existe et rien ne saurait exister en dehors de lui. Tout l’être de l’homme est l’être en ce monde, et Dieu est identique à la totalité de ce qui existe et rien ne saurait exister en dehors de lui (…) Il n’y a pas d’être transcendant de l’univers. Les lois de l’univers ne sont pas inscrites dans la Bible mais dans la Nature. Toute chose dans la nature est inscrite d’abord dans la raison et structurée par elle (…) Spinoza rejette les miracles, les croyances, les superstitions parce qu’ils contreviennent à la raison. Seule la raison est le principe de l’univers (…) Son programme est théologico-politique : l’homme débarrassé des superstitions et de l’archaïsme religieux pourra se tourner vers la construction politique d’un Etat Spinoza rappelle que la religion juive a été initialement conçue comme une religion politique. Les lois qui régissaient la patrie antique des Hébreux étaient des lois théologiques qui structuraient le politique. Le pouvoir judaïque était un pouvoir théocratique. (…). C’est le déterminisme des nations et celui des peuples, bien différents l’un de l’autre, qui président à la destinée des peuples (…) Par conséquent, conclut Spinoza : « aujourd’hui donc, les juifs n’ont absolument rien à s’attribuer qui doive les mettre au-dessus de toutes les nations » (Traité théologico-politique, ed Flammarion p.71.) ; on peut lire aussi, et saisir toute la subtilité de ce philosophe révolutionnaire comme Galilée et Copernic l’ont été dans la science : « L’homme ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie ».

PS: Baruch de Espinoza est banni de la communauté juive d’Amsterdam le 27 juillet 1656. (Lire : « Freud, les juifs, les allemands » de Georges Zimra (edition érès).