"La suppression de la propriété privée... suppose, enfin, un processus universel d’appropriation qui repose nécessairement sur l’union universelle du prolétariat : elle suppose « une union obligatoirement universelle à son tour, de par le caractère du prolétariat lui-même » et une « révolution qui (...) développera le caractère universel du prolétariat ».
Marx (L'idéologie allemande)

«Devant le déchaînement du mal, les hommes, ne sachant que devenir,
cessèrent de respecter la loi divine ou humaine. »

Thucydide

jeudi 20 août 2020

EN QUOI LA PANDEMIE EST-ELLE UTILE A L’ETAT BOURGEOIS ?

 

La crise capitaliste actuelle, toujours économique dans ses soubassements s’est doublée d’une crise pandémique qui, en soi, si l’on en croyait tous les économistes d’obédience marxiste dans le monde entier, aurait dû être non seulement une fatalité déplorable mais fatale en ce qui concerne la marche en avant du système. Contrairement à une croyance marxiste poussiéreuse encore largement répandue, l’effondrement subit ou même une nouvelle marche à la guerre mondiale ne se sont pas produits. Chaque interprète marxisant table bien sûr sur l’inévitable et très incertain effondrement pronostiqué depuis cent ans du capitalisme honni. Curieusement presque personne n’analyse ni ne semble pouvoir tirer les conséquences de la marche à outrance de la planche à billets, qui avait pourtant déjà sauvé le système en 2008. Parmi les plus prudents tel économiste bourgeois assure qu’on va vers une nouvelle crise, mais d’une ampleur inférieure à celle de 2008, qui sait vraiment de quoi demain sera fait..

     Les minorités et individus qui sont toujours persuadés d’être révolutionnaires en priant chaque jour avec cet espoir d’une chute finale du Kapital, thésaurisent, pronostiquent, surenchérissent sur la nature de cette crise. Je ne jette la pierre à personne, j’ai fait partie de la première cohorte qui a observé la gravité de la pandémie, non comme le facteur qui allait accélérer la chute du capital, mais comme un élément catastrophique pour révéler irresponsabilité et impuissance de la bourgeoisie mondiale. Qui a merdé en France avec la carence inadmissible de masques pour toute la population – que des fractions bourgeoises ont dénoncé jusqu’à plus soif mais en laissant de côté l’étiolement des bijoux de famille français au profit de l’ogre chinois – et qui a encore plus aggravé le taux de mortalité dans les principales puissances en voulant à tout prix maintenir l’économie à flot même en exposant la classe ouvrière aux ravages de l’épidémie. 

Partout les Etats ont appliqué dans le désordre, souvent dans l’affolement et l’inconscience, les premières mesures de protection de façon hétéroclite, pour finir à peu près tous par appliquer la seule mesure crédible et efficace, mise en place au temps de la dite grippe espagnole, un confinement généralisé.

      Initialement la gauche et l’extrême gauche du capital ont dénoncé un complot avec cette mise en place draconienne et policière du confinement. J’ai trouvé cette critique imbécile et du domaine de l’irresponsabilité de compétiteurs politiques contestataires, éternellement exclus du pouvoir et servant à amuser la galerie. Quelques minorités à vocation révolutionnaire prolétarienne ne sont pas tombées dans cette hystérie de potaches inconscients, le CCI et la TCI par exemple. Bien que globalement ces groupes lilliputiens ne dénoncent pas vraiment la mystification idéologique capitaliste en son cœur, n’en restant en général qu’à cette croyance « marxiste » que seules les attaques économiques peuvent faire se révolter les masses. On ignore que la domination capitaliste aujourd’hui est avant tout PSYCHOLOGIQUE et écologique ! .

       On persiste à enfoncer les vieilles charrues, dénonciation primaire de l’Etat bourgeois, appui aux patrons, violences policières, menées impérialistes dans les zones à matières premières, etc. Or, ces radotages ne sont pas des révélations et n’ont jamais fait éclore une révolution. La pauvreté généralisée n’est pas non plus la recette pour que l’indignation soulève une colère politique propre à imaginer qu’un autre système est possible. La lutte de classe dans une forme primaire de grèves nombreuses contre un gouvernement de type autocratique comme en Biélorussie, ne débouche même pas en ce moment et ne débouchera pas sur une affirmation de la classe ouvrière ; avec la bienveillance des cris démocratiques de la bourgeoisie européenne et américaine, on assiste bien hélas à son enrégimentement pour imposer de nouvelles élections pour d’autres factions bourgeoises, non pour démocratiser le pays (la démocratie bourgeoise est un leurre partout, une fable pour ceux qui aiment à être manipulés), mais pour le coup, participe d’un réel complot du camp occidental pour affaiblir le bloc impérialiste de Poutine. Vous allez me dire que je me contredis ; peu importe, les manœuvres et les calculs politiques ont toujours été des sortes de complot ; c’est d’ailleurs à quoi servent les leçons de morale données par la politique officielle contre ceux qui voient des complots partout, ou plutôt qui en voient où il n’y en a pas. La crise pandémique n’est pas le fruit d’un complot mais un accident industriel venu de la Chine hyper-capitaliste primitive ; certes la bienveillance sanitaire des Etats vise en symbiose à mesurer le degré de soumission de la population, mais cela est secondaire. L’Etat bourgeois a pour ambition faire preuve de son efficacité contre une expansion inattendue et inquiétante pour l’espèce humaine d’un virus tout de même plus grave que la grippe et inguérissable pour l’heure[1]. Laissons à leur bla-bla les docteurs Tant pis et Tant mieux qui pullulent sur les écrans et sur le web.  

QUELLE EST LA TACTIQUE REELLE DE L’ETAT « SANITAIRE » ? 

     Prenons les commentaires d’un vieil épigone du bordiguisme dans sa prétention scientiste, Xavier Dupont, avec un titre ronflant qui manque complètement son but[2]. La pandémie, voulue ou pas, serait un coup fourré pour masquer la gravité de la crise capitaliste :

     « L’apparition de la crise économique du capitalisme, dont les signes précurseurs étaient déjà visibles fin 2019, éclate au grand jour en 2020, masquée par une crise épidémique, habillée en pandémie, et dont les effets ne sont pas encore visibles de façon significative sur le plan social partout, grâce aux concours des banques centrales qui déversent des trillions de liquidités  financières de façon illimitée, jamais vu depuis le début du capitalisme. Cette dynamique orchestrée par les banques centrales, cherche à compenser les effets de mesures de confinement des populations et de la paralysie de certains secteurs économiques ».

 Le camarade ne craint pas de s’aligner sur les doutes ou suppositions de la petite bourgeoisie gauchiste, du guru Raoult, du grand bourgeois BHL et du chanteur au programme racaille Akhenaton :

      « La crise économique en cours, a des spécificités atypiques, puisqu’elle apparait sous une forme apparemment extérieure aux contradictions internes au capital, permettant une mystification sur son origine et avalisant des mesures coercitives, liberticides avec l’acquiescement des populations. On pourrait croire  selon les communicants du capital que tout allait bien avant la crise du « covid 19», et que si celle-ci n’était pas apparue, la situation économique continuerait comme avant. Les médias et l’Etat sont aujourd’hui totalement intégrés  au capital et ils deviennent eux même un facteur actif dans la désinformation ambiante consistant dans la crise particulière que nous vivons,  à surestimer les effets de la dangerosité du  « covid 19 » et son impact sur sa mortalité,  à terroriser  les populations et les pousser à se soumettre à des consignes de confinement tout en les rassurant sur les perspectives de reprise économique ».

C’est tellement simple de radoter que la crise économique capitaliste montre la faillite du capitalisme avec l’inflation de la misère, qu’on passe à côté de la spécificité de la pandémie, du fait qu’elle est « un plus » indéniable… qui a ralenti l’économie mondiale et qui est non seulement un facteur aggravant pour la marche du système mais aussi un révélateur de l’impuissance et de l’irresponsabilité du capitalisme. L’Etat bourgeois n’a pas besoin en soi de la pandémie pour exercer sa terreur et mystifier, il laisse cela à d’autres, comme je vais l’expliquer. L’Etat joue à fond au bon samaritain, certes en séance de rattrapage ; au début on ne s’est pas soucié de l’exposition au danger des travailleurs et surtout des professions médicales, et c’est sous la pression par défaut de la classe ouvrière que l’Etat a été contraint au confinement, et ce n’est pas un hasard si ce sont les jeunes petits bourgeois et le lumpen qui ont défié les « mesures barrières », n’hésitant pas à tuer, éborgner ou assommer les « moutons du système » placés pour rappeler les mesures de sécurité dans les trains et les transports en général. Les gauchistes si prompts à supporter les « racisés » n’ont pas eu un mot de soutien pour les ouvriers victimes d’agressions brutales par les petites racailles qui ne risquent rien avec leur « violence décomplexée » et qui ne se prennent généralement que trois mois avec sursis…

L’Etat affirme ne vouloir que le bien-être de tous, mais son hypocrisie se dévoile pour la période qui vient. Autant les premières mesures de confinement ont été abruptes et ridicules (mais parce qu’il fallait mentir sur la pénurie de masques) et ont aggravé la crise économique, autant il est désormais hors de question de brider à nouveau l’industrie et le commerce, alors même qu’un confinement du même ordre pourrait s’imposer pour protéger à nouveau la population et surtout les ouvriers les plus exposés.

QUI EXERCE VRAIMENT  LA TERREUR ? 

La menace islamique ? Poutine ou Trump ? La terreur n’est pas exercée directement par l’Etat bourgeois et c’est plus subtil. La terreur policière existe et on l’a vu à l’œuvre contre les gilets jaunes (yeux crevés, tabassages, nombreuses arrestations et condamnations), et on la verra encore à l’œuvre dans les mouvements de lutte de classe à venir. Et notre ami Xavier ne voit pas la terreur exercée par l’individualisme puant et arrogant, fabriqué depuis des décennies par ce même Etat. Cette terreur exercée par les éléments les plus tarés du lumpenprolétariat qui « font la loi en banlieue », qui servent à faire passer la police bourgeoise pour une blanche Hermine. Sans voleur pas de policier, sans racaille pas de gendarme nécessaire, ou plutôt me direz-vous sans injustice sociale tous les flics seraient au chômage. Mais les crimes et exactions qui s’étalent sous la rubrique fait divers peuvent-ils être tous mis sur le dos de la « faute à la société », ou sur le dos de la décomposition comme se contente de le radoter le CCI ? [3]

C’est continuer à ignorer que, même s’ils ne sont pas « fabriqués » par l’Etat ces « ensauvagements » font partie du système, le justifient, lui sont plus utiles pour terroriser la population, surtout travailleuse, et tenter de la mystifier en lui disant qu’il suffit de porter plainte à la police… d’Etat bourgeois. Voilà tout simplement le secret de cette mystification. Est-ce que je me fais comprendre ? Une terreur tolérée en quelque sorte mais inversée où l’Etat avec ses flics racailles et ses pompiers sociaux nous jouent la confrérie de la Croix rouge, du sauveur du Covid et du maintien de l’emploi avec la peu dispendieuse et miraculeuse planche à billets !

Depuis la « socialiste » antiraciste Taubira les prisons doivent se vider. La dernière loi a fixé que toutes les peines inférieures à six mois ne méritaient plus l’enfermement carcéral. La plupart des adolescents incriminés sont punis d’un simple « rappel à la loi ». Il vaut mieux ne pas être victime de ces bandes de "jeunes" intouchables juridiquement et cela tout le monde le sait, et cela défie l'entendement et  rend tout raisonnement impuissant sauf à croire que tirer dans le tas comme le souhaite tout caïd du RN restaurerait l'ordre mis à mal par l'anomie sociale du capitalisme décadent; on ne peut se passer de remarquer la douceur de la répression (exceptées quelques bavures létales) du lumpen de banlieue comparée à celle contre les ouvriers en lutte ou les gilets jaunes, les mafias au pouvoir n'utilisent jamais les LBD face aux jeunes émeutiers qui font la loi anomique même dans les centres villes. Cette anomie et le bombardement perpétuel de l'antiracisme comme seul fleuron de l'honnêteté bourgeoise conduisent à la démoralisation politique plus sûrement que n'importe quel acte de terreur policière. Il devient impossible de penser quoi que ce soit de cohérent. Le système se veut incritiquable et cela grâce au langage de ses opposants d'opérette qui réclament "plus de justice", de "sauver la planète et d'accueillir les migrants du monde entier.

Cela n’est pas du laxisme impénitent comme le reprochent les factions de droite au pouvoir macronien centriste, c’est la marche normale d’un système qui a besoin de dénoncer d’abord et en permanence les petits voyous - avec les égards antiracistes qui leur sont dus - pour s’éviter de condamner les grands voyous. L’exploitation médiatique des drames criminels, y compris les meurtres répétés de femmes et les harcèlements divers des vulgaires gens d’en bas vient accréditer la possibilité d’une « justice », et renouveler la blague de la protection du « peuple » par la magistrature pourrie et les divers mercenaires de la police officielle. Chaque soldat de métier tué pour les obscures opérations impérialistes en Afrique nous permet d’entendre à nouveau la chanson « ils nous protègent ».

L’Etat bourgeois français n’a pas besoin de terroriser avec le covid, l’épidémie fait cela elle-même  très bien comme s’en sont rendues compte les couches les plus pauvres de la classe ouvrière. L’Etat protecteur de la nation est dans les méandres de son fonctionnement, un pompier pyromane. Donc un menteur colossal qui ne reconnaitra jamais qu’il produit la misère et les inégalités de classe.

NE PAS SE LAISSER PRENDRE AU PIEGE DE LA MORALE ECOLOGIQUE

Notre pauvre courant maximaliste déficient en capacité à analyser là où se trouvent les vraies contradictions du capitalisme, est assez influençable par la mystification écologique, et ne cesse de lui faire des concessions comme si cette idéologie de la petite bourgeoisie paumée et féodale méritait qu’on lui fasse des concessions[4]. Pâle superposition à l’idéologie nationaliste d’un improbable « intérêt commun », l’écologie bourgeoise et les théories médicales alternatives infestent la pensée du petit bourgeois bordiguiste, terrorisé déjà par les « mesures liberticides » qui font aussi trembler le NPA en voie de disparition et tous les babas-cool du gauchisme :

« Le délabrement en cours de l’état de  santé des  hommes,  l’aptitude de ceux-ci de plus en plus  faible à s’adapter à l’environnement viral témoigne de la situation de nécrose et de pourriture du capitalisme, un système immunitaire de plus en plus en plus déficient, parallèlement à des humains dans les aires développés du capital de plus en plus dépendant de l’industrie pharmaceutique  chimique et de moins en moins en symbiose avec la nature.  Les êtres humains se nourrissent de plus en plus d’éléments nutritionnels de mauvaise qualité et continuent de se fragiliser et de se rendent étrangers à l’environnement naturel. Le capital présuppose dans la reproduction de son accumulation, des populations de plus en plus domestiquées, lobotomisées, spontanément crétinisées sur tous les plans. Le capital instaure une relation de dépendance sur tous les plans, oubliant et niant que l’homme dans des conditions de relations équilibrées à la nature a des défenses immunitaires optimales ». 

En déduira-t-il qu’il faut au prolétariat s’allier à dame nature pour chasser le monstre Kapital ? Avec quelques phrases alambiquées il reste étonné par l’accumulation « sans fins du capital fictif », l’étalage de la « maturité des crédits » (?) ; avec son « nous » très léniniste et oécuménique, il espère beaucoup de cette fuite en avant du capital et de la décomposition des couches moyennes ; il prend au sérieux la croyance que l’Etat va se tirer une balle dans le pied : 

« Le chaos sera le produit d’une telle situation et la répression n’est que la seule réponse que peut apporter l’Etat bourgeois. L’autonomie de la classe prolétarienne n’est que le processus d’unification et la tendance du prolétariat à se constituer en Parti ».

 C’est du blabla mais du blabla fallacieux qui s’appuie sur un aveuglement face à l’intelligence perverse de l’Etat bourgeois, celui-ci même menacé n’est pas prêt à faire n’importe quoi pour favoriser sa chute. Il n’y aura plus d’Etat providence mais l’Etat joue encore comme s’il était la seule providence, l’ange gardien qui va sauver l’humanité. (cf. le despotisme doux déjà esquissé par Tocqueville)

 


[1] Le Charlot de Marseille, docteur chloroquine, héros du lumpen, s’est porté garant de toutes les théories conspirationnistes concernant le traitement « exagéré » de la pandémie, après s’être tant de fois contredit et avoir assuré qu’il n’y aurait pas de deuxième vague. Dans son délire mégalomaniaque cet olibrius va jusqu’à remettre en cause le port du masque, mais dévoile un manœuvrier politique qui s’adresse à une certaine clientèle « marseillaise » et islamique, plutôt « séparatiste » ; ainsi les gens qui s’indignent (et se font massacrer) par de petites frappes et exigent le port du masque sont des petits dictateurs ; l’islam avait raison concernant la nourriture porcine, mal cuite la viande de porc peut nous transmettre de graves maladies, et cette religion est hygiénique puisqu’elle oblige à cinq ablutions par jour avant la prière… (déclarations sur CNews ce jour).

[2] DEMAIN, HIER, AUJOURD’HUI : CRISE DU CAPITALISME, DELABREMENT DE L’ESPECE HUMAINE ET  PAROXYSME DES MYSTIFICATIONS

 

[3][3][3][3] On voit triompher, à l’occasion de cette pandémie un sadisme individuel jamais vu, déjà annoncé par l’attaque coutumière des racailles contre les pompiers. Il y a dix ans Christophe Nick a fourni une intéressante étude de ce sadisme de « faux rebelles », parfaitement dans l’esprit de la terreur dominante : « L’expérience extrême » avec Michel Eltchaninoff. Dans le même ordre d’idée de la gangstérisation généralisée du capitalisme, mais en parangon de la démocratie bourgeoise, lire aussi « Les seigneurs du crime » de Jean Ziegler.

[4] Le CCI, dans son article, assez lucide sur les faiblesses des minorités de la vieille « Gauche communiste » - Les groupes de la Gauche Communiste face au mouvement Black Lives Matter : une incapacité à identifier le terrain de la classe ouvrière – réussit une nouvelle fois à ignorer le rôle et le poids prédominant des couches petites bourgeoises dans le délitement actuel de la société, cela révèle leur vision simpliste en noir et blanc comme LO (le peuple et les riches), pour eux il n’y a que prolétariat versus bourgeoisie. C’est tellement plus simple, mais ce genre de vision conduit tôt ou tard à la négation du prolétariat et pèse sur leurs analyses des faiblesses de celui-ci. Par manque de réflexion sur l’histoire et le rôle de la petite bourgeoisie dans les révolutions. Oserais-je dire que c’est parce qu’ils sont assis dessus, et que leurs militants sont pour la plupart des produits de la couche moyenne… qui ont fait vœu « prolétarien » comme la lessive Omo qui lave plus blanc. Je passe du coq à l’âne mais je ne peux m’empêcher de penser à ces années pitoyables où nous avions diffusé des centaines de milliers de tracts au lieu où toute pensée politique réelle s’arrête, aux portes de toutes ces usines qui étaient destinées à fermer sans changer la condition ouvrière ni ouvrir la,voie à une quelconque révolution. J’ai fait mon pèlerinage il y a deux mois à Billancourt avec mon ami Jonathan. J’ai reparcouru la place nationale où nous avions tant fait les hommes sandwichs avec un journal invendu et invendable (coucou mon pote de diffusion préféré Raoul Victor !). L’énorme sirène de l’usine a été remontée comme une statue au milieu de la place par la mairie bourgeoise de Boulogne. Je fus sidéré de voir que, sur les bancs, des ouvriers maghrébins, retraités, n’ont pas quitté le voisinage de l’usine ; ils finissent leurs jours tranquillement non pas dans la société socialiste radieuse mais dans ces rues aménagées avec cette architecture à bobos qu’on reproduit partout avec pistes cyclables et pots de fleurs, volets en bois, cages à lapins avec balcons en couleur. Ils jouent à la pétanque ou regardent le bout de leurs chaussures. J’en ai interviewé un. Oui il a travaillé 35 ans chez Renault, c’était le bon temps. Il n’a pas ajouté : et maintenant je m’emmerde.

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