PAGES PROLETARIENNES

mercredi 11 janvier 2023

LA FARCE DE LA LUTTE "UNIE" CONTRE LA LIQUIDATION DES RETRAITES

 

L'unité syndicale offensive



     
La farce de l’opposition « unie » de la gauche syndicalo-bobo aux attaques successives contre les retraites est une vieille tradition culinaire. Elle est un élément incontournable de la cuisine étatique. Sachant que l’absence de mémoire concernant les recettes sociales bourgeoises est une faille dans la conscience de classe, on ne peut que déplorer que les ouvriers soient considérés immédiatement comme une dinde farcie ou la poule aux œufs d’or. Pour accompagner la cuisson il suffit au gouvernement de balayer les critiques de manière infantilisante car cette question est affaire de spécialistes de la gestion étatique et d’économistes distingués. La farce syndicale est la meilleure alliée des accompagnements gouvernementaux. Plus original, en apéritifs manifestatoires, les farceurs syndicaux s’accorderont ce coup-ci à merveille avec les champignons bobo-fémino-écolos de la NUPES et des rouleaux de jambon de ce qu’il reste des scissions gauchistes besancenotiennes.

     Pourtant l’heure n’est pas à la plaisanterie. Je convie quiconque, y compris Mme Borne bornée, à venir visiter avec moi quelques cimetières de la région parisienne. Une chose frappe d’abord : certes nombre de tombes récentes comportent la dépouille de personnes entre 80 et 90 piges, tant mieux pour eux. Par contre, je suis effaré à chaque fois du nombre de fort probables prolétaires, nés vers la fin des fifties, enfouis sous le sol entre 40 et 64 piges ! Les chanceux, me direz-vous, au moins ils n’auront pas connu la retraite misérable que le gouvernement capitaliste prépare pour les jeunes générations !

     Et encore je n’ai pu visiter que quelques cimetières français mais partout ailleurs dans le monde, surtout en Amérique du Sud et dans les pays arabes, ce sont même des prolétaires trentenaires qui tombent dans la tombe très prématurément[1]. Les attaques sont menées et ont été menées surtout par des gouvernements « socialistes » (F.Hollande en dernier lieu), en France comme en Espagne par exemple. Mais surtout, en accompagnement des attaques gouvernementales de la bourgeoisie, la félonie syndicale est permanente.  En réalité, au-dessus de ce spectacle de forfaiture gouvernementale et de trahison permanente de la syndicratie, c’est la fin de la mystification de la retraite, et accessoirement d’une retraite heureuse ; jadis la retraite n’existait d’ailleurs pas, c’est la lutte centenaire du mouvement ouvrier qui avait fini par l’imposer[2].

Comme le notent les journalistes les plus honnêtes ce sont les ouvriers, ceux d’en bas qui sont le plus touchés… les couches moyennes (les cadres) sont encore protégés comme les flics et les militaires[3]Voici ce que j’en disais en 2010, en commençant par un extrait de Libé :

 « Les ouvriers paieront l’addition », ils l’ont toujours payé ; Rocard a dit un jour que les ouvriers payent la retraite des cadres :« Selon la Drees (Direction de la recherche), pour la génération née en 1950, l’âge moyen de validation du premier trimestre est proche de 17 ans pour les ouvriers hommes et de près de 20 ans pour les cadres. Si cet écart a tendance à se réduire au fil des générations (1,5 an pour ceux nés en 1970), il est hélas dû aux difficultés croissantes que connaissent les ouvriers pour s’insérer dans le monde du travail (sic !). Par ailleurs, à l’âge de 30 ans (pour la génération 70), les ouvriers hommes valident encore 10 trimestres de plus que les cadres masculins (soit 2,5 ans d’avance). Reculer l’âge de départ revient donc à pénaliser les ouvriers et employés, qui représentent près de 55% de la population active (respectivement 25% et 30%). Cet écart persistant, qui pourrait à nouveau s’aggraver en cas de baisse du chômage, se cumule avec une autre inégalité : l’espérance de vie. A l’âge de 55 ans, les cadres et professions intellectuelles supérieures (hommes) peuvent espérer vivre encore 29,2 ans, contre 25,5 ans pour les ouvriers et 26 ans pour les employés. Une différence de près de quatre ans en faveur des cadres, qui bénéficient en plus d’une meilleure santé une fois à la retraite »[4].


     Mes divers articles n’ont pas pris une ride et je pourrais probablement les publier sous la forme d’un bouquin, ce qui ne se fera pas car je n’ai plus les moyens de m’éditer et il n’y a plus que des merdes d’édition chez les vieillards de l’antique ultra-gauche en pantoufles. Je vous convie, pour raviver la mémoire des plus avisés de lire ma chronologie des attaques successives et « progressives » sur les retraites, ici : . https://proletariatuniversel.blogspot.com/search?q=retraite (que vous avez même plus de chance de trouver sur le site Lieux communs, puisque certains de mes articles sont repris par plusieurs sites : https://collectiflieuxcommuns.fr/?807-on-parle-de-nous

Je vous ressers quelques extraits choisis éclairants :

L’heureux temps de la retraite à 60 piges ? «  L’ordonnance du 26 mars 1982, le premier gouvernement François Mitterrand fixe à 60 ans l’âge légal de la retraite, au lieu de 65 ans. Selon Sarkozy, dernièrement, Mitterrand a gaffé. Du point de vue strictement économique bourgeois sûrement mais du point de vue tactique bourgeois, sûrement pas. La gauche ne devait pas parvenir au pouvoir au milieu de la crise. Or, étant donné le niveau des luttes ouvrières de la fin des 70 + les désillusions de couches entières de la petite bourgeoisie salariée (des avocats aux enseignants), il fallait lâcher du lest. Pompidou avait moins lâché en 68 que Mitterrand en 1982… on mesure là toute la trouille de la bourgeoisie et son intérêt à se débarrasser de travailleurs pas si vieux mais expérimentés. Il ne s'agissait pas alors d'une avancée sociale, comme cela avait été présenté mais d’un arrangement avec les entreprises en difficulté (incluant un paquet de pré-retraités contents de lâcher chagrin) et atténuer l'ampleur du développement du chômage. Cette concession à « l’accident électoral », plus les nationalisations, aggrava la situation économique de la bourgeoisie française, et le chiffre de 3 millions de chômeurs fût rapidement atteint, faisant sourire Mme Thatcher. Mais après tout, nous les pue-la-sueur on était content d’avoir obtenu la cuillère à 60 berges sans grève générale insurrectionnelle et sans morts sur le pavé « .

Quand les syndicats organisaient la défaite en 1993 : « Les syndicats organisent la défaite. C’est cette année-là qu’a lieu le débat entre Nicolas Sarkozy, secrétaire général du RPR, et Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Industrie et du Commerce, sur les acquis sociaux. Une large partie de ce face-à-face est consacré aux retraites. Sarkozy a du mal face au pontifiant professeur DSK mais, comme ils sont copains franc-mac, DSK ne le massacre pas trop. DSK peut encore jouer au malin « socialiste » contre une vilaine droite contre les « acquis sociaux » (mais ce mois-ci il a confirmé qu’il ne pouvait y avoir de différences « d’approche » entre lui et l’actuel président sur l’allongement de la durée de retraite… En cette année 1993, la majorité des syndicats signent en catimini les accords avec Balladur, après avoir tous appelés à cors et à cris à la mobilisation « contre les mesures scélérates du gouvernement », tout en divisant les ouvriers par corporation au sein du privé et en laissant le secteur public au repos ».

10 ans après l’attaque contre les prolétaires du privé c’est au tour du public : « 2003 : Arrive la réforme Fillon. Ministre des Affaires sociales dans le gouvernement Raffarin, Fillon est chargé de reprendre l’écheveau la réforme des retraites là où Balladur l’avait laissée. Fillon sait qu’il peut foncer 8 ans après l’échec de Juppé, en rabâchant que le public n’avait pas soutenu le privé en 1993 et en plaidant sur la gravité de la crise. Des grèves auront lieu mais bien moins importantes qu’en 1995 et avec des syndicats plus capables encore d’endiguer la protestation même si le 13 mai 2003, entre 1 et 2 millions de manifestants défilent dans la rue. Le Premier ministre, le madré Raffarin crâne : « C’est pas la rue qui gouverne ! ». La réforme Fillon, qui prévoit un allongement de la durée de cotisation et la mise en place d’un système de retraite par capitalisation, est adoptée à l’Assemblée nationale le 4 juillet 2003. Elle démantèle le régime spécial des postiers en particulier. Ce n’est qu’une étape, la réforme est encore jugée insuffisante pour assurer la pérennité du système. La CGT conteste avec Jean-Christophe LE DUIGOU, son spécialiste des retraites à la CGT face François Chérèque, chef bonze de la CFDT signataire de l’accord avec le gouvernement. Les syndicats se sont partagés la tâche pour laisser carte blanche au gouvernement grâce au bon (la CFDT), à la brute (CGT) et aux truands (les autres mafias désunies).

En 2008 ça passe en douceur : « Pour appuyer à leur façon la « fermeté du gouvernement » les syndicats planifient une journée nationale interprofessionnelle d’actions et de manifestations le 22 mai 2008, soutenue à grands cris d’appel à la « grève générale » par tous les gauchistes et anarchistes[5]. Et la JA fait plouf comme d’habitude. La réforme entre tranquillement en vigueur le 1er juillet 2008 pour les agents de la SNCF et de la RATP, a avalisé l’augmentation progressive de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein, de 37,5 ans à 40 ans en 2012, soit la même durée que celle des fonctionnaires et des salariés du privé. Le 3 octobre, le ministre du travail Xavier Bertrand confirme à l’Assemblée nationale la suppression des régimes spéciaux de retraite (mais ce n’est pas vrai pourtant…où en tout cas cela ne reste pas clair, et qui ira vérifier dans chaque grande entreprise ?). Personne n’a oublié encore que la CGT a donné son accord en 2007 pour la réforme des régimes spéciaux, et, lors des grèves le chef CGT B. Thibault se fait copieusement huer, siffler, couvrir par les pétards en rafale, une véritable bronca pendant son discours par les « Conti » (Continetla-Clairoix) avec des cris : “Thibault démission” haut et fort repris par tous les premiers rangs. Lors du 49e congrès de ce syndicat il n’en menait pas large, se défendant d’être "affecté d’un sarkozysme aigu" comme le lui reprochent gentiment ses loyaux contestataires internes, mais néanmoins disciplinés. Le temps efface pourtant la mémoire des exactions syndicales puisqu’il n’y a que sur le site du CCI dans un article de l’époque qu’est rappelé la situation peu reluisante du sieur Thibault : « Ce que Bernard Thibault défend, ce n’est pas ce que les gens en bas attendent. Lors de la manifestation du 22 octobre (2007) dernier à Paris. Le 20 novembre, Bernard Thibault se fait siffler par les militants, on entendait scander « Thibault démission » (et c’est moi qui avait témoigné auprès des militants de ce groupe de ce que à quoi j’avais assisté: la fuite de la manif par un Thibault tremblant et entouré d’une escouade de policiers en civils) ; il reçut par la suite des menaces de mort à son domicile ».

     « Profitant du cirque médiatique autour des élections américaines, le gouvernement a fait passer en catimini lors du vote sur le budget de la Sécurité sociale, un amendement scélérat qui repousse pour les ouvriers du secteur privé, la mise à la retraite d'office de 65 à 70 ans. Autrement dit, au nom de la "liberté" de pouvoir vendre sa force de travail plus longtemps, l'Etat s'apprête à allonger le temps de travail pour prétendre à une pension de retraite. Les partis de gauche ont voté contre, soi-disant pour défendre la retraite à 60 ans, sans aucun doute, pour faire oublier leurs brillants états de service en matière d'attaques sur les retraites dans les gouvernements précédents. Les syndicats, eux, se sont offusqués, car ils n'ont pas été consultés, comme si leurs interminables négociations dans les salons feutrés de Matignon avaient déjà empêché des attaques contre nos conditions de vie. Comme en 1993, ce sont d'abord les ouvriers du privé qui sont visés par cet amendement, mais ensuite comme en 2003 et en 2007, cela sera le tour des ouvriers du public et des employés qui bénéficiaient des régimes spéciaux ».

     En 2009 la réforme scélérate « avance » comme un feuilleton : « Il faut continuer à avancer dans la « réforme » et défendre les gardes-chiourmes. M. Joffrin patron de Libé s’en charge, comme le rappelle R.I. : “Moi, je trouve que les deux principaux leaders syndicaux Bernard Thibault et François Chérèque font preuve d’un esprit de responsabilité remarquable […] ils s’emploient constamment avec une certaine habileté à canaliser le mouvement et à le laisser sur des rails syndicaux, à éviter la politisation excessive de la contestation.” Ce grand homme de “gauche” se met alors à nous expliquer comment le gouvernement Sarkozy doit œuvrer pour renforcer la crédibilité des syndicats et donc leur contrôle sur les rangs ouvriers par “une dialectique entre les manifs […] et la politique gouvernementale qui doit s’infléchir de manière à justifier la démarche de Chérèque et Thibault.” ! « (cf. RI de mai 2009). On peut conclure que le « problème » de la retraite est loin d’être réglé mais une chose reste sûre : « toutes les retraites vont baisser et ceux qui auront des petites retraites seront obligés de continuer à travailler pour pouvoir vivre".

En 2022 le plan d’attaque de Macron a été peaufiné 

     

Sur le plan structurel c'est une réforme clientéliste dérisoire, je promets à Paul de partir plus tôt, Bernard n'a pas la décote suffisante donc il attendra jusqu'à 67 ans, un effort sera fait pour Roger qui, vu ses années à porter des charges lourdes risque bien de crever vers 59 ans, alors on lui promettra une reconversion... Puis on a peaufiné d'avance sur le plan syndical (les apparatchiks syndicaux sont en lien permanent avec les ministres ad hoc) et surtout sur le plan politique. On se souvient des deux manifs séparées de la CGT et de LFI…contre la vie chère mais pas contre le capitalisme. La rivalité Martinez/Mélenchon avait fait sourire. J’avais d’ailleurs été interpeller Martinez en tête de son troupeau et je me trouvais avec les jeunes qui sifflaient les députés de la Nupes dans leur camion bâché à la Bastille en fin de promenade.

     Vous allez peut-être me trouver machiavélique ou diabolique, mais on ne pouvait pas sous-estimer cette rivalité et j’y ai réfléchi à deux fois, surtout avec l’affaire Quatennens. La cabale ridicule qui s’est acharnée sur ce jeune député, organisée par la police puis les journalistes aux ordres, avait clairement pour but de décapiter LFI ; de plus Macron a été largement aidé par les bourgeoises féministes de ce parti hétérogène et wokiste, preuve de plus de l’idéologie dissolvante et aliénée du féminisme bourgeois actuel, et de l’impuissance de cet organisme fait de bric et de broc et sans principes de classe.

     Cette campagne avec un doigt judiciaire point sadiquement sur le pauvre Quatennens et les coups de poignards dans le dos des folles féministes arrivistes, le parti de Mélenchon a été en effet affaibli. Et voici pourquoi. D’abord parce que ce parti était en passe de drainer un mécontentement général au niveau « politique », ce qui est bien plus gênant qu’au niveau syndical où les apparatchiks collabos sont très faciles à instrumentaliser. Non pas que la clique à Mélenchon représente la classe ouvrière, c’est un parti de bobos et de pouffiasses hystériques, ni qu’il constitue une alternative crédible au pouvoir bourgeois, mais qui pose quand même les problèmes à un niveau politique plus dérangeant, voire sujet à poser des question plus amples et plus inquiétantes qu’une procession syndicale ; je rappelle, ce que ne cesse de répéter, que le pouvoir aujourd’hui se donne tous les moyens pour empêcher de parler sérieusement politique, et oblige au règne des attaques personnelles et des scandales financiers ou de cul qui concernent tous ceux qui sont mis à l’index ; tout comme d’ailleurs Mélenchon et Cie s’attaquent surtout aux actionnaires et aux milliardaires mais pas au capitalisme.

     Enfin surtout l’équarrissage de LFI visait à affaiblir aussi LFI dans son enceinte de prédilection, car les lois sociales bourgeoises ne se décident pas dans la rue comme l’avait claironné un premier ministre de Chirac, mais dans l’enceinte de la principale chambre d’enregistrement bourgeoise, le palais Bourbon, vieille institution des classes dominantes successives depuis 1796 ; ce pourquoi il était donc utile d’affaiblir le principal noyau doryphore de la NUPES. En parallèle le RN avec son grand dadais Bardella, qui ne s’est risqué à appeler à manifester, jouera lui son rôle de claque conviviale dans l’hémicycle hémiplégique bourbonnesque pour ne pas dire royal pour ses mensonges et promesses.

La compétition a été gagnée par la CGT et ses confrères. LFI défilera au cul des syndicats le 19 alors que ce parti bobo misait défiler seul et en tête le 21.

LE VEHICULE LEGISLATIF IMPARABLE

La magouille de Macron est bien décrite par la radio d’Etat que je me contente de reproduire par après, et dévoile encore une fois combien le système gouvernemental bourgeois n’est ni démocratique ni humain avec un parlement qui ne sert à rien :

« L’attaque portée contre la clique disparate à Mélenchon visait donc à permettre d’ « enjamber l’obstruction parlementaire », en se fichant des dizaines de milliers d’amendements du noyau équarri de la NUPES, par la grâce des subtilités du PLFSSR, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif. Lequel, en imposant un processus d’adoption en 50 jours chrono, pourrait offrir la possibilité au gouvernement de s’en sortir sans 49.3. Si les députés n’avaient pas fini l’examen dans un délai de vingt jours, le texte partirait au Sénat dans sa version initiale, modifiée, si le gouvernement le souhaite, par les amendements votés à l’Assemblée (tant pis pour ceux qui n’ont pas encore été vus). En cas d’obstruction, en première lecture à l’Assemblée, il suffira à la majorité relative d’attendre la fin du sablier pour envoyer le texte au Sénat, et pas besoin de voter. D'un point de vue politique, la méthode permet au camp présidentiel d'assurer ses arrières : si l'accord avec LR venait à capoter, il pourrait toujours recourir au 49.3 librement, sans griller sa cartouche. En dehors des textes budgétaires, le gouvernement ne peut dégainer cet article qu'une fois par session parlementaire. Surtout, l'exécutif pourrait se saisir, selon plusieurs sources concordantes à franceinfo, d'un autre article de la Constitution pour accélérer le débat parlementaire : l'article 47.1 de la Constitution.Selon ce texte, "si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours." D'autre part, "si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance".

Et, cerise sur le gâteau, les complices syndicaux, comme en octobre dernier, nous refond le même coup de la grève "dure" à la veille des vacances de février... ce qui rassure sur la pérennité de l'immense mouvement de colère contre le "cercueil ou la misère" comme une poseuse de LFI s'est crue maligne de le postuler. L'annonce des BLOCAGES du secteur de la livraison de pétrole, est probablement le meilleur SABOTAGE des grèves éventuelles et de la protestation, confirmant le caractère artificiel et non démocratique des décisions des sergents recruteurs syndicaux, sans compter que c'est rassurer le gouvernement: au moins l'opinion sera indignée par ces mêmes méthodes utilisées l'an passé...pour irriter et diviser l'ensemble de la classe ouvrière. Avec de nouvelles queues aux stations service, plus l'opinion sera mécontente plus les apparatchiks pourront déplorer un ...manque de solidarité!

RESIGNATION OU EMBRASSEMENT SOCIAL ?

C’est la question naïve que posent tous les médias, faisant mine de s’inquiéter. Pourtant il n’y a pas de quoi. Même si « Révolution Internationale » va crier comme en 2008: « Ce n'est que par la lutte la plus unie et solidaire possible, ouvriers du privé, du public, des régimes spéciaux, chômeurs et retraités, tous ensemble, que nous pourrons faire reculer les attaques du gouvernement »[6].

     Or un tel généreux (et utopique) appel est hors de la réalité parce que tous les termes sont récupérés et dévitalisés par les défenseurs divers de l’ordre bourgeois. La « lutte unie et solidaire » c’est ce que proclame toute la gauche bourgeoise éclopée et extérieure à la vraie lutte de classe. La solidarité du privé et du public c’est une blague depuis le début du feuilleton pour flinguer les retraites (mais pas toutes) ; vous avez vu dans ma chronologie comment l’Etat bourgeois a procédé…secteur par secteur, et continue de le faire. Il peut tabler sur l’indifférence de la plupart des retraites sauvés de la réforme scélérate parce qu’ils y sont déjà, de même que tous ceux qui ont pu partir depuis ces dernières années avant que le couperet des 64 et 67 ne tombent (la réalité est aussi plus grave que l’attaque actuelle, c’est même déjà 67 annuités qui sont imposées pour tous ceux qui n’ont pas une carrière « pleine ») ; en gros la réforme scélérate est déjà passée avec un plus ! La solidarité avec les régimes spéciaux ? Nos révolutionnaires en herbe se mettent le doigt dans l’œil, même dans la classe ouvrière de plus en plus de gens sont indignés des « avantages » pour des métiers qui ne sont plus aussi pénibles qu’en 1945 ; à mon corps défendant je peux vous apprendre que les employés de l’EDF sont la corporation qui vit le mlus longtemps, même plus que les cadres surmenés ! Et les chômeurs et les migrants tout le monde s’en fout.

J’ajoute que malgré cette division et ces intérêts très différents, une possible explosion n’est jamais à écarter. L’ampleur de la crise économique aggravée par la guerre en Ukraine (avec des boulangeries qui font faillite) et les dernières grèves où ouvriers comme médecins s’organisent hors syndicats, sont de nature à inquiéter le pouvoir bourgeois. Mais au grand jamais il ne faut que les prolétaires entrent en lutte dans des combats pré-organisés, pré-digérés et planifiés par les généraux syndicaux, sauf à miser sur un débordement massif improbable à l’heure actuelle. L'unité syndicale (très corporative) affichée résolument au début n'est généralement que très provisoire et la farce se décompose ensuite en désaccords sibyllins sur l'intérêt de poursuivre la lutte; la division instaurée peut ainsi permettre de "terminer une grève", en la brisant.

     C’est pourquoi je pense que la provocation gouvernementale forcenée pour attaquer à nouveau les retraites est non pas une prise de risque mais une prévention pour déminer le terrain, en particulier en revalorisant le rôle des flics amicaux des syndicats, et en favorisant le spectacle indigné des rigolos de la NUPES. Après nous avoir fait le cinéma hier soir de leur détermination unitaire, les syndicats sabotent déjà l’unité présumée de la lutte fabriquée en haut lieu par généraux syndicaux et amiraux ministres. L’annonce d’une nouvelle grève « dure » à la RATP, pour les salaires paraît-il, deux mois après celle impopulaire de novembre, vient semer la zizanie pour les millions qui sont obligés de prendre des transports en commun bondés et dont les employés sont considérés comme des feignants (RATP = Reste Assis T’es Payé ) et des gens qui font grève n’importe comment et nocive pour la notion même de grève. Bonjour la solidarité public-privé ! Qui peut croire désormais à la mobilisation du secteur public ? Les employés d’EDF éclaté en plusieurs unités concurrentes, ceux de la Poste déjà émiettés, ou ceux d’une SNCF déconstruite ne sont même plus capable de présenter un front commun pour défendre ce qui était considéré comme des « avantages » par les autres prolétaires (et ils l’étaient pour des raisons qui remonte à la guerre), ces avantages ont été déjà décrété non avenus pour les jeunes embauchés ; en gros la noria des bobos de la gauche caviar propose de lutter contre du vent, les plus sales attaques étant déjà passées !

Plus que de résignation il faudra parler alors de consternation, laquelle, se gravant dans les mémoires, on la fera payer ultérieurement à tous les appareils d'encadrement de l'Etat:

LE JEU DE DUPES DE LA NUPES

  LFI nous avait bien rire l’an passé pour sa manifestation en rivalité avec la CGT avec le slogan des magasins Leclerc « lutter contre la vie chère » ; rebelotte avec le slogan « la réforme nuit à la santé », plus con tu meurs.

Quel embrasement aux ordres des clowns de la NUPES ? Tous ces petits bourgeois de la NULLE ils peuvent toujours rêver, eux ils sont sans doute encore plus impopulaires que la syndicratie et ne cessent de se ridiculiser. Peu après la déclaration unitaire des cowboys syndicaux, qui voit-on à l’écran ? La naine Sardine Ruisseau, la dingo féministe woke qui vient nous conter qu’il y a « un complot contre les pauvres » avec pour argumentaire cette connerie à bobo « une réforme climaticide » [7]! Quelle âne ! Ses pères en think tank avaient décrété la disparition de la classe ouvrière et cette idiote vient pour nous déconsidérer comme « pauvres ». Tout le monde sait le mal qu’elle a fait à son collègue Quatennens, preuve de l’absence de solidarité parmi les arrivist(es) des partis bourgeois. Pourquoi le staff de Mélenchon, décrié comme sectaire par la bande des individualistes Ruffin, Autain, le couple Corbière, le justiciable Coquerel et compagnie, a-t-il laissé ses brebis galeuses venir chanter une unité que chacun sait inexistante dans le marais de bobos inconsistants de la NUPES ? Mystère et boule de gomme ! Ce personnel hétéroclite et poseur s’est aussi encore plus ridiculisé en appelant… à marcher derrière la CGT. La seule explication de cet envoi au casse-pipe par leur guru Mélenchon est qu’il ne veut pas se dédire par rapport à sa stratégie de 2022 (cf. je suis le chef de la lutte pas le syndicalisme), et de plus ne croit pas à un succès des cowboys syndicaux. Donc si ça foire, il n’aura pas perdu ses billes et ses contestataires seront les couillons de l’histoire. Mélenchon n'est pourtant même pas une alternative politique crédible, n'est pas Mitterrand qui veut, et à droite y a rien non plus, même pas le père Noël Philippe avec sa barbe blanche de papy Mougeot.

EN CONCLUSION je peux reproduire ce que j’écrivais déjà en 2010 car, au fond, le sabotage discontinu des retraites ne trouvera son terme que si l’on fiche en l’air l’Etat capitaliste :

     « Pour les jeunes générations, l'obtention d'une pension de retraite "décente" va devenir un véritable parcours du combattant. L'allongement des études de plus en plus nécessaires pour intégrer un poste de travail, les difficultés pour avoir un travail plus ou moins fixe, les galères diverses par lesquelles il faut passer pour "s'installer" dans un boulot plus ou moins acceptable, les longues périodes de chômage, le travail à temps partiel qui a explosé dans les derniers temps, tout cela va rendre de plus en plus illusoire le "rêve" d'une fin de vie à l'abri du besoin. Un des principaux pans de ce qu'on appelle le "salaire social" est en train de tomber en miettes puisque la hausse des cotisations et la chute libre des pensions vont aboutir à ce qu'une grande majorité de ces dernières descendent en dessous du niveau du salaire minimum. Ainsi, il va arriver avec les retraites ce qui est arrivé dans tous les domaines de l'exploitation capitaliste : l'insécurité et la précarité s'installent. L'indécence du pouvoir capitaliste, quelle que soit la fraction de la bourgeoisie au gouvernement, de droite ou de gauche, a depuis longtemps présenté cette attaque comme "nécessaire pour sauvegarder le système de retraites" et "éviter un lourd fardeau pour les générations futures". En réalité, ces mesures n'ont d'autre cause que l'aggravation de la crise du système capitaliste qui oblige la bourgeoisie à porter des coups de plus en plus tranchants contre le "salaire social". ».

     « Le feuilleton syndical va continuer dans les mois à venir, mais la mobilisation n’a pas été terrible aujourd’hui, quoique le sujet reste « sensible » et « explosif ». On notera l’étrange commentaire de Libération « Le gouvernement échappe à une mobilisation massive » : « PARIS (AFP) - Le gouvernement a échappé à une mobilisation massive pour les premières manifestations sur les retraites jeudi, les syndicats annonçant tout de même un million de personnes dans la rue deux jours après la fin annoncée de la retraite à 60 ans. Les organisateurs (CGT, CFDT, CFTC, FSU, Unsa et Solidaires) ont atteint l'objectif de "faire mieux" que lors de la dernière mobilisation du 23 mars (800.000 manifestants selon la CGT, 380.000 selon la police, qui en a compté cette fois-ci 395.000). Mais ils n'ont pas franchi de palier et on reste loin des défilés de l'hiver 2009 (2,5 à 3 millions de manifestants selon la CGT) » ; et curieusement ferme la page des commentaires. Réussite gouvernementalo-syndicale cette manif n’a pas vu ni les ouvriers du privé ni la masse des cheminots.
Les syndicats vont planifier d’autres carnavals de rue à l’automne et rien ne reste clair. Ainsi il paraît que le régime des cheminots reste intact…On nous cache tout on nous dit rien. Pierre, Paul et Jacques ont ainsi des régimes différents. Jean qui rit ne va pas consoler Pierrot qui pleure. Encore bravo au gouvernement et aux syndicats ! Ils pourront continuer à négocier ce qu’ils veulent entre eux, à notre place ».

 

 

 



[2] J’explique cela en profondeur dans un article de 2013 qui n’a pas vieilli d’une ligne : https://proletariatuniversel.blogspot.com/search?q=retraite

 

[3] Préposés aux futurs affrontements armés même si le gouvernement a prétendu avoir récupéré toutes les armes en circulation…deux millions de fusils à pompe sont encore en liberté depuis l’interdiction de la vente d’armes.

[5] La gauche des éclopés avec le résidu du NPA récidive en 2022. Olivier Besancenot sonne l’heure de la «riposte unitaire». Pour le porte-parole du NPA Olivier Besancenot, «la riposte unitaire, sociale et politique commence maintenant», a-t-il déclaré quelques minutes après l’annonce par Elisabeth Borne de la réforme des retraites. «Tout augmente sous Macron, les prix, les profits des grandes entreprises, et même l’âge légal de départ à la retraite… Tout sauf les salaires et les revenus ! La riposte unitaire, sociale et politique, commence maintenant !» a-t-il écrit sur Twitter. Une remarque s’impose face aux illusions du CCI qui s’imagine que les luttes vont s’amplifier immédiatement. Un reflet d’une radicalisation de classe s’accompagne et s’est toujours accompagné dans l’histoire d’un gonflement des troupeaux gauchistes, or c’est le contraire qui se passe en ce moment avec la récente scission « moderniste » et wokiste du NPA et la réfraction stalinienne de LO.

 

[6] Il me faut tout de même signaler une bonne intervention du CCI dans des AG de cheminots avec une argumentation excellente applaudie par les ouvriers : « C'est pourtant l'union des travailleurs et pas seulement un "blocage" qui fait la force de la classe ouvrière. Le fétichisme du "blocage" est aujourd'hui la nouvelle tarte à la crème des syndicats pour empêcher toute réelle extension et unification des luttes et permettre au gouvernement de faire passer ses "réformes ». Ça vaut la peine de relever que, dans beaucoup de lieux de travail du secteur public (hôpitaux, ASSEDIC, etc.), les tracts syndicaux (notamment de le CGT) appelant à la grève et la manif du 20 novembre sont arrivés dans les services... le lendemain. En certains lieux, les panneaux syndicaux ont été nettoyés de tous les tracts sur la situation actuelle ».

". https://fr.internationalism.org/icconline/2007/cheminots_AG

 

 

mardi 10 janvier 2023

UNE NOUVELLE ATTAQUE HYSTERIQUE CONTRE LA REVOLUTION RUSSE

 


OU LES CARENCES D’UNE HISTOIRE MILITAIRE 

ANTI-COMMUNISTE

« Les bolcheviks enterrent vivants les officiers, et les bolcheviks capturés sont brûlés vifs par les officiers blancs » (p.203)

 

Des centaines de livres ont été écrits pour dévaloriser, contester et dénier toute valeur historique à la révolution en Russie en 1917. Destiné à être bien achalandé et visible à l’oeil nu, le dernier livre d’Antony Beevor trône en haut des rayons et a été présenté comme une « somme ». Une somme certes de 600 pages mais un effroyable pensum qui compile de façon répétitive et lassante, d’un point de vue militaire et dans la confusion la plus totale, la série des sanglants conflits de tout ordre qui ont caractérisés la longue période dite de « guerre civile » de 1917 à 1921. Première carence qui affaiblit le propos et les soi-disant découvertes de l’auteur, tout est décrit comme un chaos ethnique ou de peuplades arriérées (cosaques et Cie) mais aucune analyse sur les envois d’armes et les manipulations des impérialismes coalisés pour faire effondrer la révolution prolétarienne ; Churchill est convoqué comme un brave homme quasi spectateur. L’auteur fait souvent mine de faire équivaloir les cruautés dans les deux camps mais il fait bien comprendre qu’il est viscéralement anti-bolchevik.

Le conflit de classe est systématiquement soit traité comme secondaire soit obnubilé ou mis sur le même plan que les conflits ethniques, confirmant que le wokisme est bien une tendance idéologique générale qu’on retrouve ici avec un grossier révisionnisme historique ; qui provient en particulier du milieu artistique très malléable face aux nouvelles idéologies, tel le film avec Omar Sy[1]. Tout en maintenant au fond les deux mêmes angles d’attaque perpétuelle de l’idéologie dominante : au temps du tsarisme c’était mieux et Lénine a enfanté Staline. Sur le premier radotage obséquieux le début du livre de Beevor est objectif ; en décrivant les humiliations du peuple russe, la gifle autorisée de l’officier sur le soldat et l’usage immodéré de la chair à canon par un tsar faible d’esprit, il démontre l’urgence d’une révolution même si elle ne fera pas dans la dentelle :

« La grande erreur de presque tous les généraux blancs réside dans leur conviction qu’ils doivent continuer le combat contre l’Allemagne en même temps que contre les Rouges. Ce qui revient à monter contre eux la quasi-totalité des paysans et des anciens soldats, parmi lesquels les cosaques » (p.195).

On attend depuis un an, au début de cette année 2023, que des mutineries éclatent en Russie et en Ukraine contre les fauteurs de guerre des deux camps !

Par contre, en second lieu, excepté une série d’attaques personnelles de manière subjective et apolitique, Beevor ne démontre en rien que Lénine a enfanté Staline, même s’il a été amené à prendre des décisions cruelles pendant cette terrible « guerre civile », à croire à une « guerre révolutionnaire » face à la Pologne (où Staline fut en effet plus lucide, cf.p.540), sans oublier l’impardonnable répression à Kronstadt au mois de mars 1921, point culminant des grèves commencées en février ; le prolétariat, affaibli et affamé ne soutiendra pas les marins finalement, et ce sont les pages quand même intéressantes, au milieu de ce pensum incohérent, dans le dernier chapitre « La mort de l’espoir »[2]. Il est singulier que personne n’ait noté, même chez nos meilleurs connaisseurs maximalistes, que la fin de ladite guerre civile en Russie se termine symptomatiquement avec l’affaiblissement du prolétariat, et quand, au Xème congrès du parti, le 8 mars 1921, même s’il évite d’y mêler les insurrections ouvrières, Lénine déclare : « les insurrections paysannes représentent un danger bien plus grand que tous les Dénikine, Koltchak et Ioudénitch réunis »(p.567). N’est-ce pas que cela signifierait bien plutôt que si la bourgeoisie mondiale réussit à précipiter une guerre civile de cette ampleur, et avec tant de cruautés, la révolution est fichue dès le départ ? Et que l’espoir d’une extension internationale et naturelle de la révolution prolétarienne ne serait qu’un doux espoir utopique ?

 La notion de « guerre civile » aurait d’ailleurs demandé à être discutée d’emblée d’un point de vue méthodologique. Qu’est-ce qu’une guerre civile ? En principe depuis la révolution française jusqu’à la Commune de Paris, une guerre civile mettait en confrontation dans un cadre national la vieille institution étatique et sa police face au peuple ou au prolétariat. Avec les dites « guerres civiles » en Russie et en Espagne, ces guerres peu civiles n’ont pas duré longtemps avant de devenir surtout des guerres par impérialismes interposés. Tout cela confirmant ma thèse depuis 30 ans, et depuis la publication de mon livre sur la révolution française : il n’y a plus de guerre révolutionnaire. Déjà j’étais avec Robespierre

 aussi injustement et perpétuellement vilipendé que Lénine par la noria des historiens bourgeois, qui fût le seul à s’opposer à cette notion, laquelle servit en effet, pour l’époque, à étendre la domination bourgeoise sur l’Ancien régime en Europe grâce aux massacres de l’armée napoléonienne. Notons en outre qu’un groupe, le CCI, a depuis 50 ans suffisamment démontré que les successives guerres de « libération nationale », dites frauduleusement de « décolonisation » n’ont jamais été des révolutions, mais un repartage du contrôle des impérialismes dominants, sous la férule de prétendues « dictatures marxistes ».

Une révolution moderne, même en référence à l’imparfaite et échouée révolution de 1917, à vocation internationale en Russie,  ne peut plus être une simple guerre civile, disons interne aux classes en lice, mais concerne (et concernera ?) le monde entier. Autrement dit un moment révolutionnaire ne peut plus se passer au simple niveau national, met en jeu des forces colossales tout en supposant des horreurs impressionnantes du point de vue de la répression de la classe dominante… comme par les révoltes de la classe dominée ; et c’est là surtout que l’attaque de Beevor est perverse et dangereuse pour notre espoir et notre confiance en la nécessité d’une révolution mondiale : faire admettre que des atrocités auront inévitablement lieu dans les deux camps, et qu’il vaut mieux… ne pas souhaiter cette révolution qui serait pire qu’une guerre ! Et pas autre chose qu’une « vengeance de classe aveugle » comme l’assure Beevor !

 Jusqu’à lui il faut bien dire que les charges successives des idéologues de Aron à Courtois se sont épuisées et ont fini par lasser ; sa bibliographie en fin d’ouvrage témoigne de l’acharnement littéraire des nombreux plumitifs acquis au régime bourgeois. Alors on nous fait le coup de la découverte d’archives inédites qui viendraient mettre à bas définitivement l’expérience « dictatoriale » bolchevique avec son « cercle vicieux de la terreur » dont le capitalisme est sommairement excusé. Il est incontestable que version hémoglobine, tortures diverses, viols, yeux crevés et pendaisons, on est servi au moins toutes les dix pages, informé des crimes de l’ukrainien Makhno comme des doigts coincés dans le dormant des portes par les cosaques. Mais sur le plan chronologique, sur les forces antagonistes en présence, sur la conclusion de cette terrible « guerre civile », rien de nouveau de ce qu’on sait déjà et des polémiques battues et rebattues. Surtout pas une analyse objective de la barbarie en général dans ce capitalisme décadent ni un sens de la proportion et des conditions d’époque.

L’auteur est présenté comme ancien militaire gradé et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale comme ma grand-mère était spécialiste de la guerre russo-japonaise aux fins fonds de la Lozère[3]. On verra que les références de cet auteur accréditent hélas un manque de sérieux dans l’analyse des causes et des conséquences, et surtout – comme dans son livre sur la guerre civile de 1936 en Espagne – démontrent une incapacité intellectuelle et politique à analyser des événements certes dramatiques mais dont on ne peut juger sans s’élever au niveau de leur signification historique et sociale, et sans renier la nécessaire prise de parti du point de vue de sa classe sociale d’appartenance. Or, sans conteste, Beevor est un militaire bourgeois, qui ne cache pas sa sympathie voire son relativisme face à la barbarie fasciste, et dont la dernière phrase conclut bien le camp dont il est le représentant : « l’impitoyable inhumanité déployée par les bolcheviks est restée sans équivalent » (p.576, ouf !)[4]. Les millions de morts de la guerre capitaliste de 1914, puis de 1945, Hiroshima et le génocide des juifs dans les années quarante passés à la trappe ?

Beevor reproche à Lénine une obsession du pouvoir mais trahit lui une obsession des juifs ! Même s’il la cache derrière l’opinion présentée comme celle d’anti-bolcheviks (ce qu’il est lui aussi primairement) : « Comme les anti-bolcheviks l’affirment bientôt : « Lénine a fait la révolution avec des cerveaux juifs, la stupidité russe et les baïonnettes lettones » (p.149). Il se félicite presque que l’antisémitisme « infecte même les rangs bolcheviques », tout en semblant regretter que l’antisémitisme d’Etat tsariste « ait naturellement jeté de nombreux juifs, jeunes et en colère, dans les bras du bolchevisme » (p.149). Pourtant, même dans le parti bolchevik les juifs ne sont pas si nombreux qu’on voulut le laisser croire, mais on peut leur reprocher d’être si brillants : « Joffé (intellectuel raffiné)…est non seulement bolchevique mais juif, il lui sera réservé un traitement des plus désinvoltes » (p.223).

UNE QUATRIEME DE COUVERTURE QUI AFFIRME CE QUI NE SERA JAMAIS DEMONTRE DANS L’EPAIS PENSUM

La révolution russe mit aux prises « de multiples parties prenantes, chacune ayant une cause particulière à défendre – nationale, ethnique ou de classe ». Et cela continue ainsi dans cette quatrième de couverture : « En 1917, quand la Russie impériale, archaïque et vermoulue, sapée aussi par sa gestion calamiteuse de la guerre, se désagrège, Lénine et ses bolcheviks s’emparent du pouvoir par la ruse, la terreur et par un sens de l’organisation hors du commun. Pendant trois ans, la Russie va connaître une guerre civile d’une férocité inimaginable. Dès 1918, Lénine décrète la Terreur rouge : tout aristocrate, tout bourgeois doit être sommairement exécuté en tant qu’ennemi de classe. De leur côté Les Blancs sont minés par les désaccords politiques et desservis par les exactions commises par leurs cosaques.

La propagande du camp victorieux a tout fait pour déformer et reconstruire ce conflit sous la forme d’une geste héroïque. Il est restitué ici pour ce qu’il fut, à savoir sans aucun doute avec ses six à dix millions de morts, l’un des plus barbares de l’ère moderne. L’exploitation d’innombrables archives inédites a permis à Antony Beevor de nous raconter et de nous expliquer, comme jamais auparavant, ce cercle vicieux de la terreur qui a exacerbé les tensions politiques dans le monde entier et abouti à la Guerre d’Espagne et à la Seconde Guerre mondiale ».

Sauf à égrener toute une série de massacres et à caricaturer les attitudes supposées de Lénine (torve, boudeur, méprisant, lâche) il n’est nulle part démontré en quoi la révolution en Russie aurait été la cause de la guerre dite civile en Espagne et à la Seconde Guerre mondiale ! La réaction du prolétariat en Espagne, au tout début, est une des dernières réactions de classe avant l’engrenage vers la deuxième boucherie mondiale quand la révolution en Russie avait justement mit fin à la première boucherie mondiale voulue par le capitalisme. Elle devient ensuite le terrain d’expérimentation des armes de guerre, surtout par les fascismes italien et allemand, dont Beevor admire l’efficacité et la cohésion …quand j’avoue préférer le joyeux bordel républicain espagnol même s’il ne permet ni de gagner une guerre ni de favoriser une vraie révolution[5]. Mettons que cette quatrième de couverture, qui n’est que le recopiage d’un paragraphe à la fin du bouquin sans véritable conclusion synthétique ni autre jugement intelligent que la qualification de Lénine comme « apprenti du diable » (p.575), suppose que les agents de Staline aient déclenché révoltes et insurrections en Espagne… C’est complètement improbable, c’est la classe ouvrière espagnole qui entre en lutte, pas l’infime minorité de « communistes staliniens » auxquels personne n’accorde d’importance au début.

La révolution russe aurait-elle entraîné la guerre mondiale ? Seul un fasciste primaire pourrait affirmer cela. Beevor prend soin de nous assurer, en fin d’ouvrage, qu’il n’y a pas eu de CONTRE-REVOLUTION car reconnaître cette notion serait avaliser la réalité : c’est parce que la révolution en Russie et les diverses tentatives révolutionnaires du prolétariat en Europe ont été écrasées que « la reprise » de la guerre mondiale capitaliste a pu se dérouler à nouveau !

Plus honteux est l’argumentaire sur le « cercle vicieux de la terreur qui a exacerbé les tensions politiques dans le monde entier et abouti à la Guerre d’Espagne et à la Seconde Guerre mondiale », sachant que les camps et goulags étaient méconnus voire ignorés à l’époque, sachant que les « tensions politiques dans le monde entier » n’étaient que les habituelles rivalités impérialistes des marchands de canon et d’esbrouffe politique et surtout, dixit Hitler : « qu’il fallait exporter ou périr » même par la plus terrible des guerres, comme l’enseigne aujourd’hui aussi un Poutine. Rien à voir avec Octobre 17 qui voulut exporter et généraliser une révolution mondiale pour sauver l’humanité.

La guerre mondiale d’après l’argumentaire mensonger de la démocratie bourgeoise occidentalo-américaine a lieu face au fascisme, même pas contre le stalinisme, sauf au moment du malheureux accord germano-soviétique, qui vint confirmer que le « communisme stalinien » était un impérialisme cyniquement bourgeois comme les autres.

UNE MEME OBNUBILATION DU CONFLIT DES CLASSES EN ESPAGNE

Le pseudo historien militaire Beevor n’en est pas à ses premières armes. Déjà en 2016 j’avais critiqué


sa façon d’analyser la guerre civile (impérialiste) espagnole dans mon livre « Une guerre qui ne voulait pas dire son nom ». Comme celui sur la Russie révolutionnaire, Beevor nous noyait sous des chiffres faramineux de morts, toujours sujets à caution, incertitudes mêlées à l’émoi. Comme dans celui sur la Russie, Beevor noie le lecteur dans un luxe de détails, de préférence sanguinolents, qui font perdre de vue toute analyse politique d’ensemble et placent ses livres successifs au rang de romans sinistres et cruels à rebondissements.

Le livre de Beevor avait été un best-seller en Espagne, dérangeant la plupart des historiens espagnols chauvins sur la question. Beevor, comme dans son pensum sur la révolution russe, disait des vérités sur les deux camps, mais on a compris qu’il en choisissait toujours un, plutôt côté bourgeois et fasciste. Il gonflait la participation russe (stalinienne) au conflit espagnol, comme je le noterai finalement.

Extraits de mon livre :

Pour le camp loyaliste républicain, Antony Beevor relativise généralités, poncifs et « on dit que » : « En territoire nationaliste, la purge impitoyable des « rouges et des athées » devait se poursuivre pendant des années, alors que dans le territoire de la République, les pires violences furent pour l'essentiel dues à une réaction soudaine et brève de peur contenue, qu'exacerbaient des désirs de revanche à prendre sur le passé (…) La vengeance ne fut pas aussi aveugle qu'on l'a parfois affirmé. Les tueries de prêtres furent loin d'être universelles et, à l'exception du pays basque où l'Eglise s'en sortit indemne, il n'y eût pas de schéma régional prononcé. Dans les régions rurales frappées par la dépression, les prêtres étaient souvent aussi miséreux et aussi mal éduqués que leurs paroissiens. Ceux qui avaient pris autant de peine à enterrer les pauvres que les riches furent souvent épargnés. La même chose fut vraie en général pour les boutiquiers et les membres des professions libérales. Un avocat ou un boutiquier qui n'avait pas exploité les pauvres ou fait preuve d'arrogance était le plus souvent laissé en paix. Les industriels et les directeurs d'usine qui avaient pour réputation de bien traiter leurs ouvriers furent presque toujours épargnés et, dans de nombreux cas, maintenus dans le nouveau système de coopérative. D'autre part, tout « exploiteur connu » n'avait guère de chances de survivre s'il était pris dans les premiers jours. Evidemment ce schéma connut des exceptions, mais les rumeurs de gens abattus parce qu'ils portaient chapeau et cravate furent le produit d'une paranoïa inévitable de la bourgeoisie ». Comme au moment de l'éclatement de la Yougoslavie. (…) Federica Montseny déplora « une soif de sang inconcevable chez d'honnêtes gens auparavant ». Les militants de l’internationale ne voient que violences révolutionnaires dans un pays encore hanté par une répression religieuse qui remontait au Moyen âge confrontée à un anticléricalisme violent qui s'était développé en même temps que le mouvement ouvrier au XIXème siècle. Comme au temps de la décadence…

Les militants staliniens adoptent une « attitude fataliste », selon Beevor, nous aurions préféré qu'il dise que cela relevait d'une attitude « complice » vu les œuvres sanguinaires ultérieures de leurs « cékas ».(…)

L'ouvrage d'Antony Beevor s'évade des clichés et du romantisme anarchostalinien. Les combats des premiers jours occupent deux chapitres (6 et 7). Ils reflètent assez bien l’indécision des premières semaines, et surtout le déchaînement de violence, l’escalade qui s’ensuivit du côté républicain. Le froid bilan des victimes de la « terreur rouge » fait accréditer le chiffre de 38 000 personnes, alors que pour la « terreur blanche », que les insurgés présentaient comme la purification nécessaire de l’Espagne, plus systématique et organisée, le chiffre avancé est de 80 000 victimes.

Le chiffrage dans les deux cas est très variable et imprécis ; dans une telle guerre, on ne peut jamais connaître le nombre exact de morts. Comme les chiffres fantaisistes du dit livre noir du communisme

mais consacré au stalinisme, on ne saura jamais vraiment et seul compte l'aspect massif. « Le mouvement dit de « récupération de la mémoire historique » se structura au début des années 2000. En 1999, la commémoration du soixantième anniversaire de la fin de la guerre civile mit en lumière l’extrême brutalité du système répressif du franquisme : les adoptions illégales des « enfants volés » à leurs parents républicains et confiés à des institutions religieuses peu regardantes (une habitude des « guerres civiles » puisque le rapt d’enfants ukrainiens est en cours en ce moment); le travail forcé. (Antony Beevor, La Guerre d’Espagne Paris, Calmann-Lévy, 2006, 682 p.  On ne nous rappelle pas non plus qu'en face, les républicains et les staliniens vont organiser en France – illégalement ? - l'adoption par des français membres de partis de gauche ou d'origine espagnole des enfants espagnols dont les parents ont été tués dans la fratricide. Cf. L’accueil des enfants espagnols en France pendant la guerre  « esclaves de Franco », ce demi-million de prisonniers républicains qui, dans la centaine de camps de concentration récemment répertoriés, travaillèrent dans des conditions inhumaines au profit du régime et d’entreprises florissantes ; ceux qui vécurent 40 années cachés entre deux murs, ne sortant que la nuit et qu’on appela « les topos » [de tapar, cacher], recherchés par un régime qui ne conçut jamais le moindre pardon; les femmes, fréquemment violées et battues, dans des prisons dont on ignorait jusqu’à l’existence, etc. Mais l’action la plus marquante de ce mouvement fut sans conteste l’ouverture des fosses communes de la répression : même si les exhumations avaient commencé dès 1971, celle d’octobre 2000 à Priaranza del Bierzo dans le León fit date. Sous l’égide de Emilio Silva, fondateur la même année de l’Association pour «la récupération de la mémoire historique », la question des vaincus de la guerre civile occupa rapidement le débat politique. Comme l’explique la sociologue Danielle Rozenberg, la réalité du mouvement est multiforme : phénomène de réappropriation mémorielle global, exigence de justice émanant de la société civile, contestation d’une confiscation symbolique de l’espace public à la gloire des vainqueurs de la guerre sous le franquisme mais aussi appel à multiplier les cérémonies publiques de réparation aux victimes. Les initiatives de ce type déséquilibraient les comptes morbides des massacres de la guerre civile. Plus encore, elles remettaient en cause l’un des facteurs de la stabilité politique de la transition, qui reposait sur le maintien au pouvoir des élites franquistes converties au pluralisme politique. Dans ces conditions, l’opposition exigea l’amnistie des prisonniers politiques.

Contrairement à l'historien militaire Antony Beevor, Sylvain Roussillon agrée aux explications qui majorent l'aspect préparation de la guerre mondiale impérialiste et non pas à une nouvelle révolution « bolchevique »: « Pour les russes, comme pour les italiens et les allemands, l'Espagne a été un champ d'expérience. L'épreuve, ici, a été surtout matérielle. Ils ont pu obtenir de précieux renseignements sur la valeur de leurs armes par rapport à celles des puissances fascistes, des Ratos russes par rapport aux Messerschmitt par exemple. Ils ont tiré de sérieuses leçons de l'expérience de la guerre: utilisation massive de l'artillerie, nécessité de manoeuvres en profondeur adaptées aux nouvelles techniques du combat, utilisation des partisans contre une armée organisée. Bon nombre de cadres militaires russes ont fait en Espagne un stage plein d'enseignements ».

(Comment ne pas penser à la guerre en Ukraine en cette année 2023 ?)[6] Les historiens Pierre Broué et Témime ajoutent: « L'Espagne n'est pas seulement le terrain d'expérimentation des armes neuves, elle fournit aussi le moyen de liquider à bon prix le vieux matériel qui encombre les parcs militaires. Il ne faut pas oublier que ce trafic a un aspect commercial. Pas plus que l'Allemagne à Franco, l'URSS ne donne ses armes à la République; dès les premières négociations, il a été prévu que l'or de la Banque d'Espagne financerait les fournitures ». A une époque, fin des années 1950 où la légende antifasciste est obligatoire pour tout électeur des partis de Moscou, le déniaisement de l'aide "communiste" par ces historiens est aussi marqué par une volonté de faire la part des mensonges  dans les deux camps: « On doit également tenir compte de l'action de la propagande franquiste qui a systématiquement "gonflé" l'aide soviétique. Même si on néglige certaines énormités, il n'est pas rare d'entendre parler, du côté nationaliste, de milliers d'hommes envoyés en Espagne.

Ce qui est au contraire remarquable, c'est la faiblesse des troupes russes en Espagne. Dès 1939, Brasillach et Bardèche estiment qu'ils n'ont jamais été plus de cinq cents. D'autres, comme Krivitsky ou Catell, admettent des chiffres un peu supérieurs; les russes en tout cas, n'ont jamais été plus de mille, essentiellement des spécialistes conduits par tankistes et aviateurs, conservant, comme les allemands du côté nationaliste, leur commandement et leurs installations propres, tenus à l'écart de la population ». La tragique « guerre militaire » si impérialiste d'Espagne témoigne aujourd'hui encore finalement de la supercherie de toutes ces "guerres révolutionnaires" qu'on nous ressert tous les 30 ou 50 ans. Il n'y a pas plus de guerre révolutionnaire en Ukraine que de djihad révolutionnaire en Syrie,

Selon Antony Beevor le bilan de la plupart des actes de la terreur rouge espagnole, qui se déroulèrent au début du conflit à l'été et automne 1936, s'élèverait à environ 38 000 personnes, dont presque la moitié furent tués à Madrid (8815 victimes) et en Catalogne (8352 victimes).

UN CONSULTANT DE PLUS POUR LES AMALGAMES HISTORIQUES

Qu’est-ce qui rapproche le plus Poutine du passé ? L’apprenti du diable Lénine !

Dans un grand entretien accordé à L'Express, Antony Beevor analyse les névroses historiques de la Russie et s'inquiète de la montée de la terreur dans la stratégie de Vladimir Poutine. Selon lui, les Ukrainiens sont aujourd'hui sincèrement déterminés à reconquérir la Crimée, une option que commencent à accepter leurs alliés occidentaux.

Kiev, les Russes ne s'attendaient pas à une résistance vigoureuse des Ukrainiens. Le nationalisme ukrainien et la révolution de l'Histoire qui l'accompagne leur paraissent relever de la plaisanterie… » Ce jugement n'est pas celui d'un observateur commentant l'invasion déclenchée par Poutine en février 2022, mais l'analyse faite par l'historien britannique Antony Beevor de la déception des bolcheviques quand, en janvier 1918, ils voulurent tuer dans l'œuf toute velléité de résistance des Ukrainiens. Car l'Ukraine, si elle est depuis huit mois la victime de la première invasion d'un pays européen depuis la Seconde Guerre mondiale, est largement présente dans le livre que Beevor consacre à la révolution d'octobre 1917 et à la guerre civile qui a suivi. Plus qu'un livre, c'est une somme...

(sauf qu’à l’époque il y avait de vrais fascistes en Ukraine !)

 

Propos recueillis par Thomas Mahler

Publié le 21/10/2022 à 11:30, mis à jour à 17:33

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[1] Cet acteur, multi-millionnaire hollywoodien, s’est indigné qu’on se préoccupe plus de la guerre en Ukraine, si proche, que des guerres lointaines en Afrique. Certes, mais je suis en effet plus préoccupé par une guerre au bord de l’Europe et qui menace de devenir mondiale ! Quand au film qui prétend réhabiliter les noirs envoyés au casse-pipe à Verdun, il est dans les normes racisées. Cette indignation fût publicitaire. Avant tout pub pour son navet, ensuite il s'inscrit dans la mode woke qui dissout tout conflit de classes dans l'antiracisme de salon! La question  des désertions et des mutineries n'est en outre pas une question noire (sauf pour l'obscurité des livres d'histoire officielle). Pourquoi avec la complicité d'un collabo des médias menteurs, le colonel Goya, ne pas avoir traité des mutineries en général? Et souligné que c'est tous les généraux et Clemenceau qu'il aurait fallu fusiller pour leur usage immodéré de la chair à canon et leur responsabilité dans la montée du racisme hilérien? (le gros des troupes envoyées policer l’Allemagne en 1918 était constitué de noirs français ou pas. Au lieu de montrer, conjointement, les mutineries des blancs et des noirs contre la guerre capitaliste de 14, ce navet joue du violon antiraciste et communautaire. Le blanc est l’ennemi pas le capitalisme. Dans le cinéma porno le blanc est de plus en plus le cocu qui avale en plus le sperme du noir. Même Brukner n’est plus choqué par la vengeance wokiste !

[2] Mention bien à Beevor de rappeler que face au peloton d’exécution du parti étatique bolchevique, les matelots meurent après avoir crié : « Vive l’Internationale communiste » et « Vive la révolution mondiale ». (p.573)

[3] « Sir Beevor est le grand historien des guerres. Ancien officier du 11e régiment de hussards, chevalier de l'Empire britannique, Antony Beevor a signé les best-sellers Stalingrad ou La Chute de Berlin. Après avoir documenté les atrocités de l'Armée rouge commises durant la Deuxième Guerre mondiale, ce francophone s'attaque à la révolution russe dans le remarquable Russie. Révolution et guerre civile. 1917-1921 (Calmann-Lévy. Parution le 26 octobre). Un récit de bruit et de fureur sur un événement sanglant dont les implications seront majeures sur le XXe siècle, mais qui a aussi marqué le premier rendez-vous manqué de la Russie avec la démocratie ».(dixit L’Express). Beevor est l'auteur de nombreux ouvrages portant notamment sur les batailles de la Seconde Guerre mondiale1, mais aussi d'une importante histoire de la guerre d'Espagne qui fait référence, y compris en Espagne, ainsi que sur le XXe siècle en général. En tant qu'ancien officier du 11e hussards au sein de l'Armée britannique, il a eu accès, pour Stalingrad comme pour Berlin, aux archives soviétiques, qui étaient inaccessibles jusqu'en 1991. Il a ainsi pu donner à l'histoire militaire et politique de la Seconde Guerre mondiale de nouvelles mises en perspectives. En 2018, les autorités ukrainiennes interdisent la commercialisation du livre Stalingrad en raison des passages du livre dédiés aux exécutions d'enfants par les nationalistes ukrainiens lors de l'occupation nazie. Cette décision s'inscrit dans le cadre d’une loi interdisant l’importation des livres au contenu « anti-ukrainien ». Antony Beevor a demandé des excuses des autorités ukrainiennes et exigé que Kiev revienne sur sa décision..

[4] Ce livre m’a été offert à Noël par mon amie H. Je n’aurais pas été claquer 25 euros par moi-même pour un tel ouvrage de propagande grossière. Au début, à chaque page est glissée une réflexion subjective, atypique et désobligeante concernant ce génie du mal Lénine, responsable par exemple de la guerre civile, exit les causes de la guerre mondiale et la situation d’assiégé du prolétariat russe : « Lénine croit fermement que la guerre civile est le passage obligé pour obtenir le pouvoir absolu, mais ne laisse pas entrevoir le génocide de classe à venir » (p.66). Ou encore : « Plus il s’approche du pouvoir, plus il manifeste son mépris à la fois de la morale et des droits d’autrui, et plus il cultive une conviction qui confine à l’obsession, à savoir qu’il serait seul capable d’accomplir la révolution totale qu’il appelle de ses vœux » (p.79).

[5] Dans les chapitres de son livre sur l’Espagne qui évoquent les combats d’envergure, Beevor souligne la capacité de pénétration des troupes engagées sous les ordres du colonel Yagüe (cinq colonnes de mille cinq cents hommes, dont un fort contingent de regulares marocains et de légionnaires) dans les premières semaines. La vitesse de la percée qu’elles réalisent à la fin de l’été 36, de Séville à Tolède, est comparée à celle des percées motorisées de 1940. Il la qualifie de « campagne impitoyablement efficace de l’Armée d’Afrique ». Face à cette efficacité, Antony Beevor souligne le faible armement des milices, « troupes républicaines composites, mélange d’officiers d’active indolents, de milices ouvrières et de paysans » (2007/177). Ceci deviendra d’ailleurs un leitmotiv du livre, cette critique du système des milices, l’indiscipline générale qui y régnait, défaut dont l’armée républicaine constituée ne sera pas exempte, l’auteur y voyant plutôt un trait de caractère espagnol que nous pouvons résumer ainsi : bravoure, inconscience et indiscipline. Et les Brigades internationales qui se constitueront dès octobre 1936 en subiront les conséquences cruelles au cours des combats de Madrid et de Guadalajara ».

[6] Tout ou presque se déroule sur les mêmes territoires que le conflit actuel avec Poutine : « Trotsky a dit qu’il ne viendrait pas en Crimée tant qu’il y resterait un seul contre-révolutionnaire : la Crimée c’est la bouteille d’où ne sortira pas un seul contre-révolutionnaire ».