PAGES PROLETARIENNES

jeudi 23 mars 2023

LA GILETJAUNISATION DE L'INDIGNATION OUVRIERE

 


« La réussite de l'attaque pourrait s'avérer plus délicate que prévue » Révolution Internationale (Décembre 2022)

« On a gagné la bataille de l'opinion » Besancenot (rédac en chef de BFM ce matin)

« On a un climat explosif et on ne voudrait pas que la situation devienne compliquée, il faudra qu'à un moment donné on se voit. Quand Dussopt m'a téléphoné je lui ai dit : « tu comprends bien que ce n'est pas possible de se voir en ce moment ». Le Berger de la CFDT (sur BFM ce matin)


BAROUD D'HONNEUR OU REGAIN ?

Le bout « du cheminement démocratique » Macron l'a pris dans la gueule ce jeudi 23 mars1, parce qu'il en avait rajouté une couche : « La foule n'a pas de légitimité face au peuple qui s'exprime souverain à travers ses élus » ? Toute la journée on nous a assuré, syndicrates comme Mélenchon et le petit Besancenot (rédacteur en chef de la matinée sur BFM), que c'était une nouvelle ignoble provocation. Nouvelle maladresse ? Certainement pas. Autre formulation de l'autre formule déjà ressassée au cours des mois précédents par le personnel parlementaire ; « ce n'est pas la rue qui gouverne ». L'utilisation du mot foule opposé au peuple, avait tout son sens en prévision de l'organisation de la fin de manif dans un chaos incandescent. Syndicats et Préfecture avaient choisi, de concert, le format idéal pour la casse en fin de manif : l'entonnoir de la place de l'Opéra, très fournie en matériaux de chantier pour la réfection de la façade du monument, tout en laissant les tonnes d'amas de poubelles dans les rues adjacentes. La foule peut être bête, violente et versatile, le peuple lui est généralement soumis et reste une notion inconsistante. Macron se fiche des défilas de rue, même dits majoritaires, il sait compter sur une autre majorité, la majorité silencieuse autrement nommée oupinion poublique. La majorité silencieuse a horreur des « factieux » et des « facétieux » crameurs de poubelles.

Au soir d'un Paris rougeoyant, grâce aux éboueurs en grève et aux pyromanes cagoulés, l'intersyndicale (plutôt emmerdée)2 s'est arrogée un nouvel attribut, inusité jusqu'ici : la catégorie jeunesse ; ce sont de plus en plus des femmes qui sont jetées à la lumière pour le porte parolat, comme ce sera bientôt le cas pour une CGT féminisée : «  Les organisations syndicales et de jeunesse après le succès de la manifestation aujourd'hui appellent à poursuivre le mouvement, par la continuation de luttes de proximité ce weekend, en vue d'une nouvelle manifestation le 28 mars et s'associent en faveur du RIP (Référendum d'initiative partagée) ». Gênés par ces prolongations inattendues les syndicats se montrent néanmoins aptes aussi à gérer le chaos par leurs appels à des actions éloignées les unes des autres, des blocages selon les désidératas des bonzes locaux, et des gesticulations diverses autant qu'incohérentes.

Tout le monde est content, la syndicratie a battu ses records d'affluence et les médias, au soir d'un Paris embrasé, Paris outragé, Paris giletjaunisé, ont accueilli à bras ouverts sur leurs plateaux les journalistes policiers venus dénoncer ces extrémistes « qui veulent renverser l'Etat et tuer des policiers ».

La mobilisation populaire et comprenant des foules immenses est indéniable, l'indignation des masses travailleuses justifiée, mais la situation définie généralement en ce moment comme « crise politique et sociale » est plus complexe et confuse qu'il n'y paraît, et le toxique Macron, trop victimisé ou bouc-émissaire pour qu'on le croit perdu. Notons au passage : heureusement qu'il y a ces débordements spontanés ou organisés par les services de police adéquats, sinon qu'est-ce qu'on se fait chier à regarder passer le carnaval des gilets syndicaux, leurs ballons et leurs slogans gnan-gnan ; on vit les manifestants d'une partie de la déambulation pacifique à Strasbourg marcher en rang ficelée par une corde. Sans doute pour éviter qu'une brebis ne s'échappe.

D'un côté le refus de toute résignation encore soutenu par des syndicats dits unis, voire la certitude d'une victoire, reflète une grande naïveté, dont un petit groupe est aussi le reflet, au risque de n'être qu'une des voitures balais d'un tour de France syndical où une ambiance gilet jaune risque d'emmener la tête du cortège dans une voie de garage, en évitant aux pompiers sociaux de l'Etat de l'enfiler ce gilet jaune, peu reluisant en entreprise. Avec cet optimisme à toute épreuve et cette certitude que la lutte de classes est en train de bondir à un niveau inégalé, le groupe s'extasie le jour de l'occupation de la place de la Concorde, ne notant pas que la clique à Mélenchon avait ouvert le bal ni vu que la place était remplie pour l'essentiel d'étudiants et militants bobos de LFI et du NPA, etc., pas vraiment de chômeurs ni de retraités :

« Face à l’annonce de l’adoption immédiate de la réforme des retraites, la réaction a été fulgurante. Partout en France, la colère a explosé. Dans les centres-villes, travailleurs, retraités, chômeurs, jeunes futurs salariés, nous nous sommes rassemblés par milliers pour crier notre refus d’être exploités jusqu’à 64 ans, dans des conditions de travail insupportables, et pour finir avec une pension de misère. « Éruption », « rage », « embrasement », tels sont les mots de la presse étrangère. Les images de la foule grossissant heure après heure sur la place de la Concorde à Paris ont fait le tour du monde ». (Courant Communiste International | Prolétaires de tous les pays, unissez-vous! (internationalism.org)

Même un lycéen de 14 ans, qui réfléchit contrairement à nombre d'étudiants gnangnan, avait observé ce cirque à la Concorde comme digne d'un flash mob ridicule avec des bouffons, fils à papa et à tonton Trotski, qui ridiculisent les manifestations d'une colère profonde du prolétariat. Par après les médias font circuler ce qu'ils veulent, même cette amplification exagérée d'une lutte de classe sans tête.

En réalité depuis ce 18 mars, c'est la petite bourgeoisie qui a pris la tête du mouvement pour suppléer aux enterrements syndicaux ratés3. Pas mal d'étudiants fils à papa, dont le niveau politique n'excède pas « tout le monde déteste la police », des paumés d'en bas aussi pour assurer l'indispensable spectacle de la violence dite ultra-gauche, car contrairement aux staliniens d'antan, nos pacifistes syndicrates aiment bien mettre en valeur leur robustesse négociatrice et leur sens de la mesure, par comparaison. Le regain a frôlé ce soir le baroud d'honneur au vu des incendies, du flic assommé par un pavé et traîné au sol par ses collègues comme un vulgaire sac poubelle. La pyromanie des bobos parisiens a presque éteint les phrases provocatrices de l'empereur4. Si Macron a été décrié pour avoir « enjambé la colère », les bobos encagoulés lui permettront désormais d'enjamber vraiment la colère ouvrière.

Cet emballement pour une indignation piégée depuis ses débuts, par le groupe politique en France certainement le plus près de la vérité de la lutte de classes contraste avec la qualité de ses analyses de fond. Analyse lucide des causes de l'attaque sur les retraites et sur les préparatifs de l'Etat bourgeois depuis septembre dernier : « … l'action concertée du gouvernement, des partis de gauche et d'extrême gauche comme des syndicats n'avait pour but que de fragiliser toute unité réelle des divers secteurs où l'Etat apparaissait comme un arbitre. Bref toujours le même piège, pousser à ce que chacun se préoccupe de sa propre situation, tout en mettant uniquement en avant le sort des « catégories » les plus défavorisées face à cette attaque »5 Il reste accroché à sa thèse depuis six mois selon laquelle la combativité du prolétariat en France et en Angleterre signifie que le prolétariat mondial relève la tête. Comme j'aimerais qu'ils aient raison.

QUELS SONT LES BESOINS DE L'ETAT qui ont fondé cette « URGENCE » de s'attaquer eux retraites ?

Personne n'a permis d'y voir clair depuis le début. Les réseaux d'infos de la gauche et extrême gauche bourgeoise (Médiapart, sites trotskiens, etc.) n'affichent comme explication qu'une vendetta pour faire une économie massive sur le dos des retraites, basée sur le besoin de prélèvements obligatoires pour les entreprises, pour favoriser une baisse des coûts de production. En gros un classique, une fallacieuse prétention à « défendre les retraites » pour s'en mettre plein des poches, en droite ligne de l'argutie de la bande à Mélenchon « prendre aux riches pour donner aux pauvres ». Faire travailler plus pour produire plus, faire des économies sur le dos des services publics pour baisser les coûts de production...

Contre ce simplisme on va voir que le problème n'est pas français ni de l'ordre de la simple méchanceté en vue d'appauvrir la population mais néanmoins la classe ouvrière. L’OCDE, qui réunit les principaux pays de la planète et dont la mission est de « promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde », a pris position en faveur de la réforme en demandant au gouvernement de ne pas reculer. L'OBS a fait venir un économiste qui explique la non urgence de la réforme.

« Ce qui est certain, c’est que les marchés financiers s’attendaient à ce que la réforme ait lieu. Juste avant que le gouvernement décide de passer en force, l’idée était que l’absence de réforme aurait posé des questions sur toutes les mesures sociales généreuses prises par la France depuis le Covid, puis la guerre en Ukraine, notamment toutes les mesures d’aides, certaines moins bien ciblées que d’autres. La réforme des retraites était vue comme une assurance sur le sérieux des dépenses de l’Etat : elle permettrait d’économiser de 10 à 14 milliards d’euros de dépenses publiques par an, et cela faisait passer l’ampleur des déficits budgétaires des dernières années, ainsi que ceux encore prévus dans les deux années à venir. J’estime que ce déficit restera supérieur à 5 % du PIB en 2023 et en 2024 ».

Un peu partout c'est le bricolage qui prévaut :

« Conjoncturellement, l’Italie a par exemple préféré distribuer moins d’aides aux ménages face à la crise énergétique. Structurellement, la réforme des retraites en Espagne s’accompagne d’une augmentation des cotisations pour les plus riches. Aujourd’hui, les investisseurs internationaux essaient de comprendre les subtilités du 49.3 et les risques de blocage du pays par les grèves ou une impasse gouvernementale ».

La question posée publiquement est restée « tout ou rien », « noir ou blanc », « touche pas à ma réforme » contre « touche pas à mes avantages », « l'espérance de vie progresse » contre « après 50 ans certains sont au chômage définitif » . Face aux peu crédibles mensonges du gouvernement, il faut concéder aux contestataires immobilistes que même repousser l'âge de départ à la retraite n'est pas une solution. Quand l’Italie a relevé son âge de départ à 67 ans en 2011, cela n’a pas suffi à éviter le choc financier. Le projet de Macron présenté comme souci de justice sociale est vite apparu, malgré tout le blabla pédagogique de ses exécutants comme une loi pour rassurer les milieux financiers.

Mais une fois qu'on a revérifié que l'Etat capitaliste pompe dans tous les secteurs, et maintenant sur celui des retraites, on fait quoi ? On se fixe le but d'empêcher les capitalistes de s'enrichir ? Voire de limiter leur enrichissement, avec la reprise par Macron de la proposition mélenchonesque de limiter les super-profits par l'intéressement ou l'octroi de primes aux employés ? Laurent Berger lui avait parlé le matin face à Appoline de « répartition des richesses dans l'entreprise ».

C'est le CCI qui répond le plus clairement aux raisons de cette attaque brutale : le système est en crise permanente. La logique de gestion du capital n'a plus assez de débouchés à la production capitaliste6. Ses articles ont expliqué pourquoi cette attaque était « nécessaire » pour la bourgeoisie (et non pas un simple complot pour revaloriser gauche et syndicats), qu'elle avait pris du retard par rapport aux autres pays ; enfin qu'il lui faut intensifier l'exploitation de la force de travail pour RENFORCER L'ECONOMIE DE GUERRE.

Toutes les oppositions des droite et gauche bourgeoises à Macron demeurent dans un présent borné, immobilistes, comme le leur a bien dit E.Philippe. Le CCI est d'ailleurs le seul avec la bourgeoisie à parler du futur en fonction du présent – la bourgeoisie pour planifier sa longévité, et eux pour aider la classe ouvrière « à retrouver son identité de classe... quand les rues se rempliront de milliers de manifestants » ! Ce qui est mal barré avec la tournure « gilet-jaune » plaquée sur l'indignation ouvrière !

LE RETOUR DU POUJADISME CITOYEN

« Les gens manifestent en tant que citoyens » (BFM ce jour)

« La question sociale est désormais totalement imbriquée avec la question démocratique » Clémentine Autain (ce jour à BFM)

En quelque sorte, se répartissant la tâche, pôle syndical et pôle mélenchonesque se relaient pour liquider le mouvement d'indignation en « révolte citoyenne ». L'usage du 49.3 a été pain béni pour dissoudre toute identité de classe, et supplanter le mot peuple à celui de classe ouvrière avec des représentants ésotériques et folkloriques comme Sardine Ruisseau, l'apologiste des femmes voilées, Ruffin belles oreilles, plouc d'Amiens et Caron, le défenseur des insectes et de la viande de gazon, avec son brushing de vieux gauchiste monté sur un perchoir.

Le déroulement et la gestion des grèves restant dans le brouillard des réunions en catimini des généraux syndicaux (et réservé à la démoralisation de ceux qui y auront perdu une bonne partie de leur salaire pour des défilés inutiles), tout le monde s'est rabattu sur la programmation des manifs, plus ou moins rapprochées. Une manif il lui faut un contenu et une perspective, sinon elle ne peut pas marcher. Retour à la retraite à 60 ans ou non à celle à 64, ça va un temps, c'est immobile. On n'allait pas, même un jouir de bamboche à Mélenchon crier « A bas l'Etat », ce qui est bon pour les anarchistes pyromanes, ou « Macron démission », sachant que Hitler femme parviendrait alors au pouvoir. Alors on a inventé le combat pour la démocratie. Certes on n'est pas en Corée du nord ou chez les nazislamistes en Iran, mais c'est la HAINE contre l'empereur qui exige qu'on meure presque pour une vraie démocratie ou pour le rétablissement d'une démocratie nouvelle, par ex une sixième. Macron ne veut pas dissoudre, tiens on va te lui coller un référendum.

Or ces trois éléments qui marquent le terme, regain ou baroud comme vous voudrez, d'un mouvement en queue de poisson – violence de rue, démocratie, référendum – étaient les trois exigences du mouvement petit bourgeois dit des gilets jaunes.

Il faut le constater, les traditionnelles planifications d'enterrements syndicaux, et sans risquer la cata d'une rupture d'union (impossible au niveau national d'indignation) sauf à voir des milliers de cartes déchirées, les cliques de la bourgeoisie, celles qui prétendent légiférer et décider au nom et à la place des travailleurs, n'ont rien trouvé de mieux, sans doute à cause des comparaisons et péroraisons des journalistes, de se calquer sur les méthodes gilets jaunes.

J'ai écrit une dizaine d'articles sur ce mouvement, levant même mon chapeau au CCI qui avait compris avant moi la nature petite bourgeoise de ces automobilistes en colère, et je peux citer ce qui suit en résumé de cet épisode, et rédigé alors :

« L'essentiel de la noyade politique du mouvement « contestataire » gilets jaunes incapable en définitive de mettre en cause le capitalisme et de se rallier à la seule classe dangereuse, la classe ouvrière, était déjà orchestrée depuis plusieurs jours sous couvert de la catégorie « jeunes » avec leur embrigadement derrière la protestation écologique soft et infantile. On les avait fait défiler par milliers la veille avec un slogan emprunté aux gilets jaunes « fin du monde et fin de mois difficiles ». La presse se félicitait, tout en exhibant prioritairement les poignées d'individus dispersés sur les Champs et en train de casser, en commentant sans cesse le fait « indéniable » que les « plus pacifiques des gilets jaunes » se soient rendus à la « Marche pour le climat ».

A côté de leurs violences spectaculaires, et ils n'avaient pas eu d'ordures à brûler, mais quelques voitures à renverser et effectué une marche à l'Elysée qui reste encore à nos yeux surréaliste. C'est la pétition « démocratique » mais poujadiste de Priscillia Ludosky, qui avait eu le plus de succès. Je lui avais d'ailleurs écrit une lettre ouverte me moquant de cette démarche démagogique avec le RIC, qui reste un de mes articles des plus lus (par des milliers de personnes). J'y revenais en avril 2020, sans tendresse :

« En décembre 2018, Priscillia Ludowski, Sainte Jeanne des vestes jaunes, avait pétitionné pour une baisse du prix de l'essence, le Président lui avait répondu en personne qu'il n'en serait rien7. La pétition avait reçu 1,2 million de signatures. Missionnaire de la charité écologique poujadiste et de la farce démocratique pour incultes, la petite Priscilla repointe le bout de son nez, espérant encore se faire remarquer, avec en arrière plan une bonification pour sa carrière personnelle soit dans l'industrie, soit en politique. L'en-tête de la pétition a étrangement conservé l'intitulé de l'année de gloire des vestes jaunes : « Pour une baisse des prix du carburant à la pompe », alors que le sujet est carrément hors sujet, vu que le coronavirus, sur ce plan, n'a pas eu besoin depuis début mars de la moindre insurrection en veste jaune pour baisser comme jamais. La pétition ne porte pas de titre, parce qu'elle est confuse, prétentieuse et bourrée de clichés des politiciens écologiques, enfin complètement servile et veule à l'égard des gouvernements existant. Macron sera-t-il encore sensible au clin d'oeil ? »8.



Priscillia tient désormais un petit commerce en province, écolo et bobo, fait partie d'assocs de charité citoyenne, et son seul engagement politique connu avait été son appel à voter Mélenchon. Pas de quoi fouetter un chat.


DES SIMILITUDES CRIANTES... AVEC CETTE HISTOIRE QUI SE REPETE DEUX FOIS !

On est en 2018...

« Paris, 15 h 20 — Il y a tellement de monde à la marche du siècle que la manifestation peine à quitter la place de l’Opéra vers le boulevard des Italiens. Tout est plein, plein, plein, y compris les trottoirs. Il y a un mélange de Gilets jaunes, de pancartes sur le climat, et des drapeaux des Coquelicots, Sud-Solidaires, Attac, la CGT, la France insoumise, EELV. Agir pour l’environnement distribue des pancartes aux manifestants, Oxfam maquille les gens qui le veulent, les paysans de la Confédération paysanne sont là. On ne peut dire encore combien de monde est là, mais certainement plus que prévu. C’est impressionnant.

La nature et la force d'un mouvement ne dépendent pas pour l'essentiel du nombre de ses participants. Depuis trois mois, l'Etat bourgeois - qui a a réagi si violemment, dont la répression a été particulièrement cruelle et perverse (yeux crevés) - n'a cessé d'exhiber des nombres en décroissance. En réalité, malgré la tricherie habituelle du pouvoir, ils étaient fluctuants et le nombre des manifestants en gilets jaunes était secondaire en regard de leur popularité.

Dans sa réponse à l'entrepreneuse Priscilla, Macron qui avait inséminé l'idée de favoriser la création d'un parti jaune, se montre partisan du RIC, supercherie qui implique l'apparition d'un parti jaune. Ses services avaient déjà perçu l'intérêt de cette farce référendaire. Le Figaro rapporte le 19 décembre l'enthousiasme qui s'est emparé des proches collaborateurs du président quand ils ont vu la corde que plusieurs « gilets jaunes libres » tendaient pour se faire pendre en parti « indépendant »: « Tout le monde a le droit d'être candidat, ça s'appelle la démocratie », dirent cœur sur la main les affidés du monarque élyséen.

La « république en marche » n'avait pas hésité à commanditer un sondage à l'institut Ipsos et à le faire volontairement fuiter dans le Journal du Dimanche . Le parti du pouvoir renouvelle encore un sondage de la même manière pour le RIC; les sondages ont du bon parfois et reflète une opinion "de classe", un sondage ifop de novembre indiquait que 62% des français estimait le pouvoir d'achat plus important que la transition énergétique9.

LA FABLE DU RIC

« Les gilets jaunes verront très vite qu'après la comédie des miettes, la fable du RIC n'est qu'une voie de garage politicienne, simili débat centralisé et orchestré par l'Elysée et tous ces prescripteurs de sacrifice écologique la bande des godillots stupides dont on ne veut plus voir la tronche.   

En vérité ce soudain amour pour le RIC n'est qu'un travestissement de ce qui a été la force initiale du mouvement, le refus de déléguer par peur de ne plus contrôler, et aussi cette autre explication : le fouillis des revendications de couches différentes, la petite bourgeoisie avec sa guerre aux taxes faisant passer au second plan les revendications économiques des ouvriers paupérisés.

Comme le poujadisme des années 1950, le giletjaunisme n'a pas de programme. Il n'est qu'un émiettement de revendications décousues après avoir cumulé plusieurs types de réclamations, du référendum chimérique à l'abolition ou diminutions des taxes, puis à l'ajout de revendications pour « plus d'argent » . Il sera resté l'affaire sous-politique de nostalgiques d’un temps où les petits travailleurs indépendants étaient mieux reconnus que le prolétariat ou que les salariés d’un secteur tertiaire « moyen » en devenir »10.

LA GRANDE REVENDICATION DE TOUT CE BEAU MONDE : LE DROIT A LA LIBERTE DEMOCRATIQUE ?

« Quasiment la même revendication creuse d'une démocratie réelle dans le bateau capitaliste après le RIC-hochet de feu les gilets jaunes contre un gouvernement « liberticide ». Avec les mêmes arguties que les antivax le NPA réclame le « jouir sans entraves » avec la petite bourgeoisie commerçante et artistique : «  Avec le « pass vaccinal », la vaccination est maintenant obligatoire pour les loisirs, les restaurants et cafés, les transports interrégionaux… Un test négatif reste obligatoire pour l’accès aux établissements de santé, alors que ces tests restent non remboursés pour les non-vaccinéEs. Ces mesures isolent et discriminent celles et ceux qui ne se vaccinent pas, la plupart du temps en raison de difficultés d’accès ou par méfiance vis-à-vis des politiques de santé ».

Les divers mouvements de protestation de ces dernières années ont tous en commun une haine de l'Etat, ce qui ne serait pas grave en soi, ni révolutionnaire, mais en premier lieu haine pathologique de toute centralisation ; théorie mère du libertarisme individualiste qui régit désormais le monde entier, et pas seulement le bourbier des réseaux sociaux : je fais ce que je veux, comme je veux et personne n'a à me dicter ma conduite, je peux cracher, tuer, violer, égorger si je me prends pour Allah ou Napoléon, etc. La décomposition fantasmée par Houellebecq n'est plus du seul domaine de son imaginaire célinien, ni le seul credo d'un groupe politique tel le CCI.

Et surtout caca sur le gâteau, on réclame « la démocratie » ! A faire retourner dans sa tombe Christopher Lasch ! Les Gilets jaunes c'était déjà le même genre de litanie. Mes articles (une dizaine), qui en ont étudié les différentes étapes, étaient lus par 1000 à 4000 lecteurs. Je ne me fais qu'un reproche, celui d'avoir sous-estimé l'analyse du CCI qui expliquait le néant et le charivari impuissant des gilets jaunes comme une conséquence des défaites successives de la classe ouvrière. Je rejoins maintenant ce point de vue, mais indirectement : la situation de confusion est due au fait de l'absence du poids du prolétariat dans la période actuelle – en lien non avec l'échec cyclique d'une « généralisation des grèves » mais à une désagrégation de sa composition (voir à la fin) - laissant l'animation (si je puis dire) de la rue à une noria de couches petits bourgeoisies suivistes et inconsistantes et à diverses sectes fachos ou communautaristes mécontentes et sans projet d'avenir ».

VOULEZ-VOUS RIPER AVEC LE RIP ?


Voilà, sachant tout sur le RIC vous serez incollable sur le RIP ! En espérant que vous pétitionnerez pendant de longs mois ou que, se remémorant son attirance pour le RIC, l'empereur et ses affidés, s'emparent de la chose, en prenant par exemple Mélenchon non comme premier ministre mais comme bateleur de foire d'une consultation populaire, inodore et soluble dans la démocratie irremplaçable et inégalée.

M'étonnerait que le RIP ait plus de succès que le RIC, les prolétaires ne sont pas des cons.


A SIGNALER ici l'article le plus complet et pertinent rédigé en France sur la lutte contre la réforme, pas sur le site du CCI mais ...de LO: Réforme des retraites : vers un réveil de la combativité ouvrière ? | Le mensuel (lutte-ouvriere.org)


NOTES

1Journée anniversaire pour moi, 44 ans après. Le 23 mars 1979, un individu porteur d'un porte-voix était juché en haut d'un lampadaire face à l'Opéra pour faire une déclaration au nom du CCI aux ouvriers sidérurgiques venus manifester au même endroit, mais du fait d'une soudaine charge policière mettant en fuite à ses pieds des centaines d' « autonomes »... j'avais dû redescendre en vitesse de mon pylône pour mettre à l'abri le matériel et mon crâne. Un membre du SO CGT s'était collé à moi menaçant, je lui avais dit « vazy ! » mais il avait reculé sentant ma coquille de karaté.

2Echo du Figaro : « Plusieurs freins laissaient toutefois planer un doute sur une telle annonce. D'une part les cadres de la CGT seront la semaine prochaine réunis à Clermont-Ferrand pour leur 53ème congrès. D'autre part, cette dixième journée s'apparente à un pari risqué. «Faut-il prendre le risque de finir sur un sentiment d'essoufflement ? », se demande ainsi un militant.Néanmoins, par conviction ou par intérêt, plusieurs centrales justifiaient aussi la poursuite du mouvement par la colère accumulée. «Nous sommes le pôle stabilité », expliquait à l'avant du cortège Dominique Corona, de l'Unsa. «Si on dit demain aux gens de rentrer, ils ne rentreront pas », défend pour sa part Benoit Teste de la FSU. Quelques jours plus tôt, Laurent Berger était même allé plus loin en estimant que le pire serait que l'intersyndicale se retire et dise au gouvernement : «Débrouillez-vous avec cette colère ». Ce matin sur BFM : « On a toujours dit que la situation était explosive, on n'a pas été écouté et on ne maîtrise pas tout. Au moment où ça passe à la colère, c'est plus compliqué mais je condamne les violences ».

3Personne n'analyse vraiment les fluctuations de cette couche qui n'est pas vraiment une classe, qui marchande souvent pourtant ses services à la bourgeoisie ou qui est son délégué dans les situations à risques. Les écolos ont pris en otage Hollande pour bousiller le parc nucléaire français, comme Mélenchon sert d'épouvantail faire valoir de Macron, etc. LFI et NAP¨sont plutôt des partis petits bourgeois dans l'escarcelle de la bourgeoisie.

4Les images des télévisions sont strictement de la pure manipulation dans le cadrage, la façon de filmer, la fixation sur les CRS seulement dans leur situation de victimes, ou par ex, cette scène qui m'a choqué moi-même. Dans une rue envahie par des détritus enflammés, un bobo barbu avec catogan refuse d'obtempérer sur le trottoir à la demande d'un groupe de CRS qui restent courtois, il leur tient tête, ne bouge pas de son vélo. Je me disais « putain dans le temps il se serait pris un coup de matraque mérité ». Mais maintenant faut rien faire, le CRS de base doit se laisser cracher dessus et insulter des heures durant, sinon il risque sa place. Idem si tu cognes un type qui eut piquer ton portable, c'est toi qui va en GAV. Que la caméra de la TV ait filmé cela obéissait au même but que les gros plans sur les feux de poubelle géants, à destination de la majorité encore silencieuse.

5Comment résister aux attaques et développer le combat ? In Révolution Internationale n°496.

6Cf. Réforme des retraites : gouvernement et syndicats complices pour faire passer l'attaque. R.I. N°335, 2003.

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10Mardi 4 janvier 2022

POURQUOI CES CORTEGES INCESSANTS DE FOULES IMBECILES ?


avec mon ami Voltuan Pancarte janvier 2019


 

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