PAGES PROLETARIENNES

samedi 22 mai 2021

TOUT N'EST PAS DE LA FAUTE AU CAPITALISME

 

Suivi de Hommage à Makarenko

 "Non seulement dans les maisons paysannes, mais aussi dans les gratte-ciel des villes vivent encore aujourd'hui, à côté du XX° siècle, le X° et le XII° siècles. Des centaines de millions de gens utilisent le courant électrique, sans cesser de croire à la force magique des gestes et des incantations. Le pape à Rome prêche à la radio sur le miracle de la transmutation de l'eau en vin. Les étoiles de cinéma se font dire la bonne aventure. Les aviateurs qui dirigent de merveilleuses mécaniques, créées par le génie de l'homme, portent des amulettes sous leur combinaison. Quelles réserves inépuisables d'obscurantisme, d'ignorance et de barbarie ! Le désespoir les a fait se dresser, le fascisme leur a donné un drapeau. Tout ce qu'un développement sans obstacle de la société aurait dû rejeter de l'organisme national, sous la forme d'excréments de la culture, est maintenant vomi : la civilisation capitaliste vomit une barbarie non digérée. Telle est la physiologie du national-socialisme".

Trotski (1933)

C'est aussi la physiologie de l'islam qui pourtant ne se prétend pas capitaliste.. Le capitalisme se confirme certes chaque jour comme une société impitoyable qui repose sous la loi du profit cynique et qui n'a de cesse de détruire des êtres humains. On peut en conclure que ce système est en décadence, voire en décomposition. J'ai déjà dit que je préférais le terme implosion. J'ajoute que je persiste à dire qu'on ne peut pas rester spectateur en attendant « le grand soir » ou à prétexter que la révolution (prolétarienne) résoudra tout, violences, spoliations, guerres, racismes, etc. Mais sans attentisme, il est urgent, et « sanitaire politiquement » d'identifier les virus du capitalisme qui pourrissent un système profondément malade, sans se contenter de la généralité des sectes qui se proclament marxistes : tout est de la faute au capitalisme !

Prenons les analyses de plus en plus gauchistes du CCI, que je suis apparemment le seul à critiquer publiquement, sinon ils s'ennuieraient avec leur cocon de sympathisants béats. Leurs publications contiennent pourtant de très intéressants articles mais qui voisinent tout aussi souvent des articulets nunuches. Sur les faits divers, ce groupuscule est en général aussi muet que les islamo-gauchistes car cela « n'est pas politique », voire « les déjantés sociaux ce n'est pas leur faute mais au capitalisme ». Prenons ce petit encart sur « la jeunesse victime du pourrissement de la société capitaliste »1. Alors que depuis des années « les faits divers de violence parmi la jeunesse se sont multipliés », l'auteure Ginette (prénom très prolo d'avant-guerre), les fait débuter au seul mois de février dernier, et précise : « l’horreur touche la jeune génération de plein fouet ». Pourquoi une telle focalisation sur la jeunesse, alors que des vieux et des femmes sont même prioritairement battus ou massacrés par des racailles de banlieue ?

Au lieu de se prononcer, et de dénoncer ce type d'agressions, Ginette s'en prend d'abord à « l'idéologie dominante » : « Sont accusés pêle-mêle les “familles démissionnaires”, les “immigrés primitifs”, les “musulmans”, le “laxisme de la Justice”, le “manque de moyens de la police”… et tous de proposer comme solution de punir les parents, d’expulser étrangers, d’augmenter le nombre de policiers et de durcir la loi à l’encontre des mineurs. C’est d’ailleurs cette carte répressive que le gouvernement va jouer avec une réforme de la justice des mineurs qui va induire des jugements expéditifs et des peines plus lourdes ».

Après avoir dénoncé ces black blocs qui ont crevé le ballon de la CGT, comme n'importe quel islamo-gauchiste on défend les racailles et on dénonce la police2.

Or, toutes les accusations de « l'idéologie dominante » sont pourtant la réalité : les familles sans père, la plupart des meurtres de femmes commis par des musulmans, oublions les tueurs « primitifs » d'Al Quaïda et de Daesh...3 et les juges islamo-gauchistes qui exigent que les mineurs aient le droit de se taire lors des interpellations qui qui les relâchent sans sanction avec pour argument que la mère Taubira a interdit la construction de nouvelles prisons il y a près de dix années... sans oublier qu'en fait ni gouvernement ni journalistes ne sont pas plus convaincus que nous qu'un durcissement de punition ne changera quoi que ce soit au bordel dominant.

Comment cette violence criminelle, sous-entendu juvénile, peut-elle être expliquée. Réponse de Ginette : « En réalité, la jeunesse paie le prix du pourrissement sur pied de l’ensemble du corps social : le no future est une gangrène qui gagne peu à peu tout son organisme. Alors que la bourgeoisie n’est plus capable de mobiliser la société derrière une quelconque perspective, et tandis que le prolétariat ne parvient pas à défendre sa propre perspective révolutionnaire, la société se décompose sur pied et les rapports sociaux se délitent : l’individualisme exacerbé, le nihilisme...(...)

Seule la lutte de classe peut mettre fin à cette dynamique. Seule la solidarité de classe, toute génération confondue, peut éclairer le chemin vers la perspective révolutionnaire et mettre un terme à ce capitalisme inhumain et mortifère ».

La grande généralité « anticapitaliste » foncière « explique-tout » est de retour comme refrain « révolutionnaire ». C'est avec cette généralité que la petite bourgeoisie syndicaliste et gauchiste fonctionne, et c'est un radotage lénifiant (j'allais dire léninifiant) et inconsistant en terme de réflexion politique sérieuse. C'est bien plus complexe. La délinquance a existé dans toutes sociétés antérieures, et était motivée pas toujours par les mêmes besoins, et on ne s'en débarrassera pas du jour au lendemain même si une société humaine succède au capitalisme (j'en traite plus loin avec l'expérience du génial Anton Makarenko). Et cette saillie stupide « la jeunesse paie le pourrissement sur pied du capitalisme »... mais en s'en fout de la jeunesse en général ou de la vieillesse en particulier ! Toutes les couches sociales, tous les âges sont concernés ! La jeunesse comme généralité ici veut excuser les racailles et laisse au second plan les victimes... c'est exactement le même discours que l'actuel ministre de la justice « avocat des prisonniers »...

En réalité la société bourgeoise n'est pas aussi décomposée qu'ils le répètent à longueur d'articles. Le pouvoir capitaliste est encore très puissant et a su parer quand même à l'épidémie sans être si nul que nous l'affirment ses dénonciateurs primitifs...

Le vide politique produit de la décomposition ? Badernes ! Ils en reconnaissent par ailleurs les trois vraies causes :

1. la chute de l'URSS et la montée messianismes fondamentalismes musulmans,

2. l'écroulement historique de la gauche bourgeoise et de ses puces gauchistes,

3. l'incapacité de la classe ouvrière à reprendre le flambeau de l'émancipation.

Ces trois causes ne sont pas de l'ordre de la décomposition mais de l'adaptation et du renouvellement du flicage social :

1. la chute de l'URSS confondue avec le vrai communisme est plutôt une victoire idéologique des tenants du capitalisme « libéral » (mais en fait totalitaire) ;

2. la gauche bourgeoise, écolo-fémino-bobo est remplacée par les populismes qui ne sont pas un renouveau fasciste mais, avec des constats souvent lucides, une tentative d'aspirer l'indignation du peuple et du prolétariat muet contre ces violences, etc.

3. le principal facteur de division de la classe ouvrière, avec l'envahissement des migrants est évidemment l'islam, plutôt nouvelle forme de nazisme idéologique que stalinisme (car le stalinisme visait surtout l'encadrement de la classe ouvrière) ; les islamistes se fichent du prolétariat dans tous les pays et assassinent à tour de bras ouvriers et pauvres gens dans n'importe quel pays où leurs jeunes du « pourrissement capitaliste » viennent jouir à couper des têtes et à faire pisser le sang.

De solution contre les agressions imprévues, comme cette femme qui est rouée de coups pour avoir voulu faire un constat après qu'un Kwad lui soit rentré dedans, plus téléphone volé et les jeunes lâches relâchés par la police 4, il n'y en a point, sauf comme le fît Makarenko, ne se balader la nuit en banlieue qu'un revolver en poche.

Ou alors si Ginette en avait dans le crâne elle nous expliquerait plutôt pourquoi l'islam a pris tant de place (rayonnant en banlieue pour favoriser communautarisme, habillement prude et voilé, et couvrir les racailles face à la police) quoique pour soutenir finalement le capitalisme dans sa survie, sa décomposition ou plutôt la croyance en son éternité... messianique. Ni les islamo-gauchistes ni le CCI ne critiquent cette idéologie mortifère, sadique et fasciste au nom de la critique molle et équivalente de toutes les religions. Cela rappelle l'incapacité des révolutionnaires d'avant-guerre, trotskistes et anarchistes, à prendre au sérieux le nazisme. Je vais approfondir plus loin sur le danger représenté par l'idéologie islamiste sous toutes ses variantes primitives et barbares, qui ne tombe pourtant que dans l'exaltation du petit patron et du petit commerce. Tout pour ne pas devenir prolétaire...

Après avoir commencé par le bout de la lorgnette du CCI, on va voir qu'avec le gros bout de ladite lorgnette ils sont aussi complètement à côté de la plaque. C'est l'article de tête du journal, qui doit se lire surtout sur internet (qui lit encore ces feuilles de choux géantes peu propices à une lecture confortable... moi je cesserai cette publication ringarde à leur place, qui fait penser plus aux vieux journaux du XIX ème siècle qui finissait en pile pour poser la chandelle).

« Un an d'incurie face au covid » :

« Le Covid, comme les autres pandémies et fléaux qui menacent l’espèce humaine, est non seulement un produit mais aussi un puissant accélérateur de la décomposition sociale à l’échelle planétaire. L’Inde de Modi et le Brésil de Bolsonaro, mêmes s’ils sont dirigés par des gouvernements populistes qui les exposent à des décisions particulièrement stupides et irrationnelles, ne sont que deux expressions parmi les plus extrêmes, de l’impasse que représente le capitalisme pour l’avenir de l’humanité. Il ne faut pas s’y tromper : Modi, Bolsonaro, Trump et bien d’autres représentants de la montée en puissance du populisme...

La pandémie de Covid […] est devenue un emblème incontestable de toute cette période de décomposition en rassemblant une série de facteurs de chaos qui expriment la putréfaction généralisée du système capitaliste ».

Espéranza tchitchichi, comme disait Tino Rossi (chanteur de l'époque de Ginette). Pas plus que la guerre mondiale ne le serait, le Covid n'est pas plus un accélérateur de la « décomposition sociale » que la grippe ! Il n'explique pas plus « la putréfaction généralisée du système capitaliste » que la grippe espagnole en 1918 n'a causé l'arrêt de la guerre mondiale. Le pouvoir bolchevique n'a pas fait mieux que l'aire capitaliste pour la résoudre (d'après mes recherches). Si le colonel Fabien, grand guru du CCI, était à la place de Macron je pense qu'il n'aurait pas fait autrement, en espérant qu'il n'ait pas copié les dingos Bolsonaro et Trump en arguant que « sous le communisme il n'y aura plus de pandémie ». Au contraire la majorité de la population en France a fini par considérer que, malgré embûches et faux pas, Macron s'en est bien sorti, mais je dirais surtout par les méthodes d'accompagnement... Il a joué à merveille son rôle de sauveur face à la pandémie, un peu comme on disait du CRS maître nageur en 68 qui servait de slip de bain à ses collègues tabasseurs professionnels des grévistes. Pour éviter toute explosion sociale, il a arrosé avec des milliards les couches moyennes, artisans et commerçants, généralement prompts à critiquer toute mesure « sociale », à maintenir les salaires. Les bobos syndicalistes gauchistes n'ont pas pu manifester mais on s'en fout. Les critiques irresponsables de Mélenchon, Lalanne et du farceur barbu de Marseille, ont fusé, mais au final on s'en fout, l'Etat bourgeois a sauvé les meubles. Jusqu'à quand est la vraie question, même si on prétend que le faramineux endettement pourrait être laissé de côté.

Non content d'endosser la tunique islamo-gauchiste, le CCI reprend l'argument bobo-écolo, qui ne fait pourtant plus fureur électoralement :

« ...les origines de la pandémie résident clairement dans la destruction accélérée de l’environnement créée par la persistance de la crise capitaliste chronique de surproduction ; – la rivalité désorganisée des puissances impérialistes, notamment parmi les anciens alliés, a transformé la réaction de la bourgeoisie mondiale à la pandémie en un fiasco mondial; – l’ineptie de la réponse de la classe dominante à la crise sanitaire a révélé la tendance croissante à la perte de contrôle politique de la société ».(...) La catastrophe sanitaire actuelle révèle avant tout une perte de contrôle croissante de la classe capitaliste sur son système et sa perte de perspective croissante pour la société humaine dans son ensemble. […] La tendance fondamentale à l’autodestruction qui est la caractéristique commune à toutes les périodes de décadence a changé de forme dominante dans la période de décomposition capitaliste»5.

Tout ce discours est faux et irréaliste. On ne sait toujours pas clairement l'origine du fléau, mais il est étonnant que pour de prétendus marxistes n'aient pas retenu la plus sérieuse hypothèse d'un accident industriel de la locomotive débridée chinois, mais une pluie de pollution au carbone... La réponse de la classe dominante, partout, même avec des cas débiles comme au Brésil, a au contraire réaffirmé son emprise sur la société civile avec de mesures de confinement même plus strictes qu'en période de guerre. Et surtout il n'y a pas de tendance fondamentale à l'autodestruction mais une bagarre pour la reconstitution de blocs impérialistes, où l'islamisme n'est que la prétention à se substituer à l'internationalisme tout en fonctionnant sur des bases nationalistes et bourgeoises, et est appelé à jouer un rôle majeur dans les futures guerres civiles pas du tout révolutionnaires, mais en Europe pas seulement au Moyen Orient, guerres civiles atroces si bien rappelés par Kepel.

C'est une jeune journaliste bourgeoise qui décrit le mieux, et brillamment, sans tralala ni boursouflure théorico-marxienne radoteuse, la réalité et comment est posée effectivement la nécessité d'une autre société, qui ne peut pas surgir d'une décomposition mais d'une crise politique (et certes aussi environnementale) :

« L’entrepreneur poursuit :«Avant, il y avait deux modèles économiques: le collectivisme avec le communisme, qui est mort en 1989, et le capitalisme, qui est sans doute mort en 2007 ou en 2011. Aujourd’hui, la crise que nous traversons est majeure et pas seulement économique. C’est aussi une crise politique, environnementale avec un modèle de société qui nous a poussés à avoir des Etats structurellement endettés, ce qui est un non-sens. Sur le plan philosophique, c’est la fin du cartésianisme, la fin du «je pense donc je suis», de la primauté de la pensée sur le reste. Cela crée aujourd’hui une ouverture pour un nouveau modèle de société qui sera basée sur la responsabilité, l’éthique et où l’on pourra relier sens et profit. On se réunifie. C’est un véritable changement de paradigme. Toutes les références et tous les modes de fonctionnement sont bouleversés. Un monde disparaît, un autre arrive. C’est une renaissance qui peut nous mener vers quelque chose de mieux, si on le veut.»6 

MALTHUS AVAIT RAISON

Marx fût ambigu par rapport à Malthus et sa théorie des populations exponentielles et à étudier de la même manière à toutes les époques, tout en lui reconnaissant un mérite théorique7. La polémique tourna, sans Malthus décédé depuis longtemps, sur la constitution du prolétariat, mais je ne reviendrai pas sur ce thème où Marx avait raison sur sa constitution son développement et le rôle intégrateur de l'immigration à l'époque. Marx bataille sur deux élément fondamentaux du Capital, l’accumulation et la plus-value, qui renvoient à un enjeu central, la prédiction de l’effondrement du capitalisme.

C'est Engels, avant Marx, qui a réfléchi le premier sur la notion de surpopulation relative, en décrivant lucidement et précisément le mode de vie ouvrier à l'époque.

En réponse à la dégradation de leurs conditions de travail, les ouvriers se marient plus tôt et augmentent leur fécondité, afin de bénéficier plus vite des salaires d’appoint de la femme et des enfants. Engels intègre ainsi la théorie de population de Malthus à l’analyse d'Adama Smith et il montre que le comportement des ouvriers est directement gouverné par la concurrence impitoyable qu’ils sont obligés de se livrer entre eux pour obtenir du travail. Au niveau macro-économique, il explique comment, grâce à la flexibilité du capitalisme et à ce que Rosa Luxemburg et Lénine théoriseront sous le concept d’impérialisme, la demande de travail a augmenté, et du coup la population de l’Empire britannique, loin de diminuer, n’a cessé de croître. Enfin, il conclut son analyse de la concurrence sauvage sur la nécessité d’une « armée de réserve de travailleurs inoccupés », et sur le soi-disant « excès de population » de l’Angleterre. Ces développements se prolongent par la dénonciation de la « politique sociale » mise en place en 1833 avec la réforme de la Loi des pauvres de 1601.

Mais lorsqu’il écrit que cette population assistée pèse sur les salaires des ouvriers occupés, force est de constater qu’il adhère en fait à la théorie classique du fond de salaires8.

En fait, ce que Marx ne peut accepter dans la proposition de Malthus, c’est qu’elle retarde le face à face des deux classes qui sont aux prises dans le processus d’accumulation, les deux seules qui comptent économiquement. En d’autres termes, elle retarde l’effondrement du capitalisme et l’avènement de la société communiste. À côté de l’intensification de l’exploitation, l’accumulation a une autre conséquence démographique majeure : pour accroître l’armée de réserve industrielle, le capitalisme peut disposer d’une offre de main-d’œuvre supplémentaire si la mobilité de la population est accrue. Marx est donc conduit à conceptualiser la mobilisation de la force de travail. On retrouve la question de la surpopulation relative : celle-ci se présente sous trois formes : flottante, latente, stagnante. Or, à notre époque, bouleversement climatique et guerres locales ont provoqué une migration planétaire faramineuse qui bouscule toutes les prévisions de Marx, et pose sérieusement la question de la limitation des naissances et d'une politique de développement urgente dans les pays retardataires, ou plutôt laissés à l'écart du capitalisme moderne ; toutes choses que le capitalisme ne peut plus prendre en charge. Il est trop tard pour le capitalisme pour prétendre éviter son effondrement en particulier par ce surplus de populations inattendues et inintégrables à l'économie, à une culture exigeant la libération des femmes et à toute rationalité politique.

Le monde du travail ressemble de plus en plus au jeune capitalisme européen. Marx rappelle que les fermiers renonçaient peu à peu à l’emploi de travailleurs à demeure, trop coûteux, au profit du recours à des bandes de dix à cinquante personnes. La description de ce recours à ces bandes de manœuvres peut être comparée avec le sort fait aux migrants aujourd'hui, mais sans que ceux-ci ne développent une quelconque conscience de classe, la place étant déjà prise par l'islam. Sur ces bandes d'ouvriers agricoles, Marx note que les villages d’où ces bandes sont originaires se caractérisent par une promiscuité sexuelle, un taux d’illégitimité très élevé (jusqu’à la moitié des naissances dans certains villages ; souvent parmi des adolescentes de 13 ou 14 ans, l'illégitimité est accompagnée d’avortement et d’infanticide, et enfin domine un alcoolisme aggravé par la consommation de produits dérivés de l’opium, que les mères font absorber à leurs enfants. Les travaux des historiens anglais actuels confirment l’ampleur de l’illégitimité, la plus « démographique » des conséquences sociales du système des bandes, étant entendu qu’elle s’observait dans bien d’autres contextes, en particulier en milieu urbain. Mais ici encore ce fléau social était connu et Marx n’innove pas. Aujourd'hui la migration islamique bannit heureusement l'alcool, mais le mépris des femmes et leur subordination sadique coule de faite cette croyance barbare aux yeux du prolétariat conscient.

Le solde migratoire (1841-1861) en augmentation exponentielle vint déjà contredire. Il dérangeait le théoricien du prolétariat alors que dans sa logique même, la preuve dont il avait besoin impliquait au minimum de prendre en compte la dynamique démographique. On assistait déjà à une émigration croissante, puisque les taux de natalité et de mortalité restaient à peu près constants. La misère était déjà aussi la cause de l’émigration, comme le montre la tragédie irlandaise : sur une population totale de 8 175 000 en 1841, la famine de 1846 fit près d’un million de morts et déclencha une émigration d’un million et demi d’Irlandais au cours de la famine, si bien qu’en 1851 l’Irlande comptait 1 623 000 personnes de moins qu’en 1841. Mais Marx oubliait la démographie des autres classes sociales.

Finalement, faute d’avoir distingué ce qui était spécifique de la classe ouvrière et ce qui concernait l’ensemble de la population, Marx n’a pas su relativiser les implications théoriques de ses notations très concrètes en matière de fécondité, de nuptialité, de mortalité et de migrations. Alors qu’il relie magistralement l’analyse du fonctionnement concret du capitalisme anglais des années 1860 à la théorie de l’accumulation du capital, que le concept de surpopulation relative est opératoire pour analyser le fonctionnement du marché du travail, qu’enfin les données démographiques propres à la condition ouvrière sont convaincantes, le constat démographique global relatif à cette même Angleterre des années 1860 le met en difficulté pour la raison déjà évoquée : on ne peut utiliser des données portant sur l’ensemble de la population, en les interprétant comme si elles étaient pertinentes à une seule classe sociale. Le besoin de justifier la prédiction l’a emporté ici sur l’analyse sociologique.

La révolution prolétarienne devant résulter des contradictions économiques et sociales du capitalisme, des migrations massives n'apparaissent pas comme un facteur favorable au renforcement du prolétariat mais à sa noyade sociale dans des couches de pauvres nécessiteux déjà bridés dans leur tête par l'idéologie islamiste. Au contraire de Rosa Luxemburg, Lénine se situait aux côtés des néo-mathusiens mais pour une immigration « tactique ». Car à l’évidence le risque lié à la diffusion de la contraception est celui de la dérive social-démocrate : des ouvriers moins nombreux à offrir leur main-d’œuvre pourraient négocier de meilleurs salaires, améliorer leur niveau de vie et à terme s’embourgeoiser. Aussi Lénine est-il obligé d’ajouter qu'il vaut mieux que « les ouvriers conscients » s'accroissent en nombre...

« Derrière le manque de rigueur de Marx dans l’analyse du rôle de l’émigration anglaise, et au cœur de la contradiction flagrante du discours de Lénine (la contraception est bonne, mais le néo-malthusianisme est réactionnaire), on retrouve un problème de stratégie politique : comment faire accepter aux classes ouvrières le pari quasi pascalien de l’absence d’amélioration immédiate de leur situation au profit de l’âge d’or de la société communiste ? Il faut passer, en force pourrait on dire, par le politique : ce que Lénine propose implicitement, c’est en effet de s’appuyer sur le parti bolchevik, partie la plus avancée et conscientisée du prolétariat. C’était indirectement signer l’échec de la prédiction purement économique de l’effondrement du capitalisme »9.

SE DEBARRASSER DU MESSIANISME RELIGIEUX et politique

Le CCI évite comme les groupuscules islamo-gauchistes de critiquer frontalement l'islam, au nom de l'oécuménique « toutes les religions sont pareilles ». Non elles ne sont pas toutes pareilles. Selon Pew Research Center, en 2010, le christianisme était de loin la plus grande religion du monde, avec environ 2,2 milliards de fidèles, soit près d’un tiers (31%) des 6,9 milliards de personnes vivant sur Terre. L’Islam suivait, avec 1,6 milliard de fidèles, soit 23% de la population mondiale. Mais si les tendances actuelles se poursuivent, l’Islam rattraperait quasiment le christianisme. Entre 2010 et 2050, la population mondiale augmenterait en effet et passerait à 9,3 milliards de personne, soit une hausse de 35%. Sur cette même période, les Musulmans, une population relativement jeune au taux de fécondité élevé, progresserait de 73%. Le nombre de Chrétiens croîtrait également, mais beaucoup plus lentement (environ 35%). En conséquence, selon les projections de Pew Research, en 2050, il y aurait quasi parité entre Musulmans (2,8 milliards, soit 30% de la population) et Chrétiens (2,9 milliards, soit 31 %)10.

Vu l'absence de critique de l'islamisation galopante par la plupart des partis politiques, y compris les micro-sectes maximalistes, on pourra en déduire que si révolution il y a, il faudra patienter jusqu'à l'an 3000. On assiste à une binarisation idéologique mondiale, défense de l'islam du point de vue démocrate bourgeois (la liberté de croyance) et un islam méprisant les femmes, et par idolâtrie stupide menaçant de zigouiller tous les mécréants.

C'est oublier le lointain passé, bien avant l'invention de l'islam où la critique de la religion put émaner de la religion elle-même ou de milieux non croyants, et depuis même l'Antiquité (cf. l'épicurisme). Aucune religion n'a détenu la vérité jusqu'à leur négation dominante dans le monde moderne. Les religions ont toutes été des fauteuses de guerres intestine (cf. les guerres de religion). La Bible est même supérieure aux délires du Coran car, en de nombreux passages elle critique les cultes idôlatres, idôlatrie typqiue du coran où tout le monde veut s'appeler Mohammed. C'est l'Encyclopédie de Diderot qui est la plus incisive critique de la religion au 18 ème siècle.

Est-il nécessaire de rappeler aux pauvres islamo-gauchistes, ex-tiers-mondistes chrétiens, que, selon Marx, «la critique de la religion est le fondement de toute critique», alors que ces révisionnistes considèrent désormais que « la critique de l'islam est le fondement du racisme ». Et sa formule, récupérée par Freud, que « C'est l'opium du peuple ». Mieux encore, Friedrich Nietzsche, pourtant pas du tout socialiste, avait annoncé tardivement à mon sens "la mort de dieu", en traitant Jésus d'idiot.

Contentons-nous ici de la version soft de wikipédia. L'Union européenne comptait environ 16 millions de musulmans, en 2007. La grande majorité des musulmans en Europe occidentale sont des immigrants, ou descendant d'immigrants, arrivés dans les années 1960 et 1970. La pratique de la religion islamique de plus en plus prégnante dans les pays européens entraîne des attitudes d'hostilité, de refus et même de confrontation de la part d'une partie des populations, souvent attisées, de part et d'autre, par des opportunismes politiques ou idéologiques. La compatibilité de l'islam avec les institutions démocratiques fait par ailleurs débat. La place et le rôle idéologique de l'islam sont aussi scrupuleusement floutés sur les réseaux que dans le monde islamo-gauchiste.

On n'est pas prêt de se débarrasser de cette croyance arriérée. Mais on peut contribuer à la déshabiller.

SOUS LES JUPES DU MESSIANISME MUSULMAN

"Je suis heureux de revenir dans l'edf, avec l'aide de dieu"

Benzéma

Je m'appuierai ici directement, et sans fard sur l'ouvrage de Samir Amghar, qui a ôté son slip à l'islam généraliste, et du coup les chercheurs islamo-gauchistes ont tenté de le décrédibiliser pour avoir plagié 70 auteurs ! Tu parles Charles, ils plagient tous mais pour l'idéologie dominante, et moi aussi quand cela exprime mieux ce que je pense11.

« Alors que les pouvoirs publics français ont entrepris, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, de lancer une politique de lutte contre l’expansion du salafisme, force est de constater que ce mouvement se propage et connaît un succès certain parmi les jeunes issus des quartiers populaires. De nombreuses études empiriques ont mis en évidence sa progression et son influence auprès des musulmans non seulement de France mais aussi d’Europe (…) Largement médiatisé au moment des attentats du World Trade Center, le salafisme a pris dans l’espace public français une connotation guerrière et révolutionnaire, synonyme de violence et de terrorisme, même s’il désigne exclusivement, dans l’esprit de nombreux théologiens provenant surtout d’Arabie Saoudite, une religiosité apolitique et piétiste ».

« Mouvance complexe et évolutive, il couvre un large spectre de sensibilités politiques qui vont du salafisme prédicatif (salafiyya al-da’wa), socialement conservateur, politiquement mou, et dont l’action se fonde sur la formation religieuse, au salafisme révolutionnaire (souvent désigné par al-salafiyya al-jihâdiyya), prônant des actions directes aux accents tiers-mondistes. Pour les uns, il est directement lié à l’institution religieuse officielle d’Arabie Saoudite et se superpose ainsi au wahhabisme. Pour d’autres, il désigne une méthodologie réformatrice, qui détiendrait des vertus libératrices susceptibles de renouer avec l’âge d’or de l’islam. Malgré leurs divergences, ces différents courants partagent un fond idéologique commun, qui repose sur l’idée selon laquelle le retour à la religion musulmane des Salafs (les Pieux Ancêtres) permettra aux sociétés de retrouver la gloire des premiers siècles de l’islam ».

« Visée politique, perspective révolutionnaire et rigorisme religieux ont donc constitué les caractéristiques du salafisme des années 1990 en France. Cependant, à la faveur de l’émergence d’une « deuxième génération », celle des musulmans nés en Europe, et des mutations internationales de l’islam politique, le mouvement a évolué pour devenir progressivement un acteur de la réislamisation.(...) En France, aux Pays-Bas, en Belgique et en Grande-Bretagne, le salafisme saoudien s’est implanté grâce à la prédication des premiers diplômés européens revenus d’Arabie Saoudite où ils étaient allés suivre une formation en sciences religieuses. Abdelkader Bouziane, qui fut à l’origine du mouvement dans la région lyonnaise, fut l’un de ces premiers diplômés. Avant d’être imam dans de nombreuses mosquées de la région Rhône-Alpes dans les années 1990, il partit deux ans à Médine pour étudier l’islam auprès de théologiens salafistes (…) Dans l’Hexagone même, il y avait près de 20 centres cultuels salafistes (entre autres à Marseille, Paris, Lyon, Roubaix, Valence, Romans-sur-Isère, Aix-en-Provence, Stains) et de nombreuses manifestations étaient organisées.(...) En outre, de nombreux imams furent expulsés ou placés en résidence surveillée. Parmi eux, l’imam Abdelkader Bouziane fut renvoyé en Algérie, pour avoir proféré des imprécations misogynes, et l’imam d’origine irakienne de la mosquée d’Argenteuil, Ali Yashar, fut démis de ses fonctions. (…) Cette forme de religiosité s’oppose en effet à tout engagement politique au nom de l’islam. Dénué de volonté d’implication dans les sociétés européennes et de projet politique autre que l’attente messianique (laquelle ne suppose aucune implication immédiate), il défend une vision apolitique et non violente de l’islam, fondée sur la volonté d’organiser toute son existence sur les avis religieux des savants saoudiens. En cela, le salafisme « saoudien » se différencie de l’islam des Frères musulmans. Alors que les théologiens salafistes pensent que la foi musulmane est entachée de scories héritées du maraboutisme, l’idéologie frériste estime que la fibre religieuse des musulmans est saine : dès lors, la prédication doit se déployer à un niveau politique pour convaincre les fidèles de l’urgence de l’instauration de l’État islamique (dawla islamiyya) ».

(…) Parallèlement à ce loyalisme qui lui permet de tisser des relations non conflictuelles avec les régimes arabes, le salafisme développe en Europe une puissante critique des systèmes politiques occidentaux. Les prédicateurs salafistes français mais aussi du monde arabe vitupèrent régulièrement les valeurs politiques, morales et sociales de l’Occident. Ils appellent les fidèles à quitter la France, considérée comme une terre de mécréance (kufr), pour un pays musulman, à ne pas s’inscrire dans des logiques de participation citoyenne, à quitter leur emploi ou à réduire les contacts avec la société d’accueil. Ce discours peut conduire à des situations conflictuelles (un jeune salafiste peut refuser par exemple que sa femme soit auscultée par un médecin ou menacer physiquement un imam à qui il reproche sa posture conciliante à l’égard de la France), mais la tendance générale est plutôt à l’évitement : le salafiste fuit les contacts qui peuvent aboutir à des affrontements. Au lieu de continuer à fréquenter la mosquée d’un imam dont il critique les positionnements, il se rabattra sur un lieu de culte correspondant davantage à ses attentes religieuses et idéologiques ; de même, il choisira une clinique dans laquelle il sera sûr de pouvoir choisir le docteur qui examinera sa compagne.

(...) Néanmoins, ce salafisme dresse une barrière entre la société et ses militants : une sorte de « cordon sanitaire », séparant la communauté, pensée comme un réseau de purs, et la société, considérée comme corrompue, confère au mouvement un ensemble de caractéristiques propres à la secte dans le sens que lui donnent les sociologues allemands Ernst Troeltsch et Max Weber. Ce repli sectaire apparaît moins cependant comme une volonté de créer une communauté à part que comme le désir d’exprimer des logiques de distinction et de différenciation non seulement avec la société mais aussi avec le reste de la population musulmane. Le salafisme développe une « attitude négative » par rapport au monde : il ne reconnaît pas la légitimité politique occidentale.

(...) Indifférent aux projets de réforme sociale ou aux solutions politiques des problèmes sociaux, même quand ceux-ci concernent les musulmans, le salafisme a toutes les caractéristiques de la secte piétiste telle que définie par le sociologue des religions Bryan R. Wilson. (…) L’islam serait ainsi au-dessus des partis et des questions politiques. Cette attitude est légitimée par les différentes fatwas des théologiens saoudiens, qui estiment que la guerre en Irak ou celle en Palestine ne relèvent pas du jihâd et qui condamnent les activités militaires du Hezbollah et du Hamas. Ces avis religieux sont repris par les salafistes européens, même si ces derniers manifestent une empathie pour leurs coreligionnaires libanais ou palestiniens. (…) Les réalités sociales et économiques des pays musulmans conduisent certains de ces jeunes immigrés à repartir pour la France. De plus, le fossé culturel existant entre les salafistes originaires des pays musulmans et ceux qui sont nés en France constitue un frein à l’intégration de ces derniers, qui sont finalement avant tout européens même s’ils sont originaires de ces pays arabes ».

Des valeurs en porte-à-faux ?

« L’enrichissement est en effet une façon nouvelle d’affirmer la puissance de l’islam sur la scène nationale et internationale, la réussite matérielle étant le signe de l’élection divine « parce qu’Allah aide les gens qui suivent son chemin ». La plupart des salafistes ffirment qu’« il y a beaucoup de baraka à faire du commerce ». C’est leur façon à eux d’adorer Allah. Le nouveau rapport au religieux qu’ils inventent ne se fixe plus uniquement sur l’accomplissement dévot des différents piliers de l’islam, mais s’exprime par la volonté mondaine de réussir dans les affaires. Et si l’on ouvre un commerce, c’est autant pour des raisons religieuses que pragmatiques. En effet, la discrimination et les difficultés à accéder à un emploi conduisent les jeunes salafistes à créer leur propre entreprise. La volonté de s’émanciper du contrôle d’un supérieur hiérarchique explique le plus souvent leurs motivations commerçantes : « En ouvrant mon commerce et en étant mon propre patron, je peux prier à l’heure et fermer mon magasin au moment de la prière du vendredi. Je peux vivre correctement sans avoir à remettre en cause ma bonne pratique de l’islam ». Cette réussite peut prendre également une dimension protestataire et revancharde à l’égard de la société française : « Mon niveau de vie et ma réussite sont ma manière de dire à la France que malgré ses bâtons dans les roues, j’ai réussi ». Une nouvelle configuration religieuse émerge, qui s’articule autour de l’esprit du capitalisme fondé sur la performance et la compétitivité . (…) Ainsi le salafisme « troisième génération » s’alimente-t-il de la sous-culture de banlieue fascinée par l’image de réussite économique à l’américaine qu’est le self-made man. Fondé sur le refus de l’engagement politique et du militantisme collectif, ce salafisme prône la réussite matérielle comme moyen de réalisation individuelle.

À la dépolitisation volontaire de l’islam par les prédicateurs a donc succédé une repolitisation inconsciente sur un registre néolibéral (éthique et économique), sorte de relocalisation du religieux dans la sphère marchande. Ce salafisme qui prône une défiance à l’égard des institutions politiques (partis politiques, associations…) développe des affinités électives avec les institutions du champ économique. Les rapports avec les chambres de commerce, le comptable, les partenaires économiques (sous-traitants ou clients), qui ne sont pas toujours salafistes, et plus rarement encore de confession musulmane, poussent les militants à développer des relations apaisées avec leurs interlocuteurs. En arguant du fait que le Prophète lui-même commerçait avec des juifs et des chrétiens, ce « salafisme marchand » entre dans le monde, tout en maintenant la nécessité de se replier sur la communauté musulmane. Alors qu’il s’interdit de parler avec des femmes, le salafiste s’autorise à échanger avec des clientes dans le cadre de ses 

L e salafisme a fini par abandonner l’idée de l’instauration d’un État islamique par la force au profit d’une posture à la fois religieuse et marchande s’accommodant des régimes existants. De même n’exprime-t-il plus un état de révolution permanente. Comme l’islamisme des Frères musulmans qui a intégré dans son patrimoine des valeurs politiques et sociales européennes, la mouvance salafiste s’occidentalise au contact des valeurs de la sous-culture urbaine des banlieues françaises et constitue de plus en plus, en retour, un élément de la culture des jeunes issus de l’immigration musulmane. Même son apolitisme se nourrit de l’apolitisme ambiant qui touche l’ensemble des jeunes Français ».


ADDITIF SUR La rééducation bolchevique des délinquants



Il y a quarante années j'avais acheté sur les quais de Seine un bouquin de Makarenko, qui m'avait d'ailleurs passionné. Ce bonhomme avait mis en application des mesures concrètes et envisageables en période de transition au communisme pour réintégrer la jeunesse délinquante. Ses centres de rééducation ne furent pas des goulags ni les premiers camps de concentration voulus par Trotski, pour interner dès juin 1918 les prisonniers de guerre. Puis, par après les transformer en camps d'internement pour bourgeois « pour accomplir des tâches subalternes ». Mais je ne suis pas ici pour retracer l'histoire des goulags. M'intéresse plus le concept de « camp de travail » pour détenus de droit commun. En 1922, le Commissariat du peuple à la justice ouvre ainsi des « colonies de redressement par le travail » pour les individus de plus de 17 ans condamnés à des peines de moins de 3 ans. Ces mesures sont indissociables des principes du système juridique de la jeune révolution russe qui prétend substituer à la simple « peine carcérale » la « rééducation par le travail ». Différence notable avec le futur Goulag : ces camps de travail ne constituent pas encore un maillon de l'économie soviétique. Leurs règlementations ne définissent pas d'objectif de production et l'article 35 de l'instruction de mai 1919 se contente de préciser que « l'entretien des camps et leur administration doivent être assurés par le travail des détenus ».

Le grand maître d'oeuvre de ces camps de rééducation, dans la continuité historique des grands éducateurs comme Rousseau, c'est Anton Makarenko.

Àu lendemain de la Révolution, il a fondé des maisons coopératives pour les orphelins de la guerre civile, notamment la colonie Gorki. Il a fait partie des vieux bolcheviques pas tout de suite éliminé par Staline car son action gardait une certaine efficacité dans le chaos et la répression. Makarenko a écrit plusieurs ouvrages, aux nombres desquels Le Poème pédagogique (Педагогическая поэма), une histoire romancée de la colonie Gorki qui a été très populaire en URS S

Makarenko avait enseigné et était devenu directeur dans différentes écoles primaires et secondaires jusqu’en 1920 où il avait pris prend la responsabilité d’une colonie qu’il avait créé : la colonie Gorki, un établissement qui regroupait et hébergeait jeunes délinquants et enfants sans protection dont le nombre ne cessait de grandir après la période révolutionnaire. Bien qu'établis dans le cadre paramilitaire, les principes fondateurs de ce genre de structure prônaient la liberté d'expression, le respect des valeurs et le respect d'autrui. L'autorité était confiée à un conseil (sur le modèle des conseils ouvriers) constitué de membres les plus respectés et c'est en assemblée générale qu'on prenait les décisions importantes. Le travail agricole et artisanal assurait la suffisance de la communauté et créait les liens grâce à l'activité collective.

Makarenko dirigea plusieurs colonies jusqu’en 1936, en étant souvent en opposition avec le Commissariat de l’Instruction Publique (dixit stalinisé), et commença à rédiger ses œuvres en particulier le Poème pédagogique. À l’âge de 39 ans, il épousa Galina Salko qui travaillait à la commission de la délinquance d’Ukraine. En 1932, il publia ses premiers essais pédagogiques et, deux ans après, participe à la direction de la Commission des communautés de travail d’Ukraine puis il fût admis à la société des écrivains12.

Il fut contraint, pendant longtemps, d’avoir sur lui un revolver pour « défendre sa peau » selon ses propres termes, et, dans la colonie même qu’il dirigeait, il dut plusieurs fois faire le coup de poing pour sortir et se sortir de situations inextricables.

Car, écrit Anton Makarenko, « Je ne crois pas qu’il existe de gens moralement déficients. Il suffit de les placer dans des conditions de vie normales, de leur imposer des exigences définies, en leur donnant la possibilité de les remplir et ces gens deviennent des gens comme les autres, des hommes en tous points normaux]. » L’éducation, la rééducation des délinquants, mais au-delà l’éducation tout entière doit concourir à créer les conditions de cet avènement. Pour ce qui concerne les délinquants, il ne s’agit pas de les amender mais de les mettre en condition de devenir des hommes, de créer avec eux une collectivité « d’un charme éblouissant, d’une véritable opulence laborieuse, d’une haute culture socialiste, et ne laissant presque rien subsister de ce dérisoire problème : amender l’homme ». Cette espérance chez Anton Makarenko n’a rien d’une utopie, n’est pas une illusion lointaine, c’est un but à atteindre, dont il rappelle constamment les difficultés, mais dont il est convaincu que la réalisation est en marche.

Ce souci de l’efficacité le conduit à organiser la colonie Gorki de façon quasi militaire, décision qui a attiré sur ses conceptions bien des reproches.

De plus, cette organisation participe de l’inscription des jeunes dans la mythologie révolutionnaire : les détachements, les commandants, les partisans, tout cela, dans une période historique de guerre civile, participe de l’intégration par les adolescents du modèle social alors le plus prestigieux parce que porteur des valeurs supérieures de la société. Il n’est, pour s’en convaincre, que de voir l’acharnement que mettent les colons de Gorki à être reconnus comme komsomols.

Si la phraséologie socialisante du discours semble aujourd’hui obsolète, si plus personne ne croit à l’avènement d’un homme socialiste, il n’en reste pas moins que, débarrassée en quelque sorte de sa gangue idéologique, cette conception de l’éducation, visant à la socialisation des individus par l’intégration et l’expérimentation des idéaux considérés dans un moment historique donné comme les plus nobles et les plus élevés, peut nourrir nos réflexions éducatives contemporaines. Car il s’agit en définitive de donner aux jeunes en voie d’exclusion, dirait-on aujourd’hui, l’expérience fondatrice d’une véritable participation à la construction de la beauté du monde !

Cette perspective est essentielle : elle refuse de fixer le sujet à son passé, elle réfute le déterminisme de son histoire, elle donne pour tâche à l’éducation de permettre à chacun de se réaliser en tant que projet. 

Convaincu que tout discours moral serait sans effet et qu’il serait inutile de sanctionner individuellement les buveurs, Anton Makarenko décide, l’alcool consommé provenant de distilleries clandestines installées chez les paysans alentour, de détruire purement et simplement les alambics environnants. Il en informe alors les jeunes de la colonie, et, le soir venu, avec quelques volontaires, se munit de haches et de masses et part mettre sa décision à exécution, ce qui est fait promptement.

Dans toute son œuvre, Anton Makarenko nous rappelle que l’éducation n’est pas un exercice moralisateur, qu’elle ne décline pas de bonnes intentions mais qu’elle prend à bras le corps une réalité brute, violente, acharnée à détruire et contre laquelle il convient de lutter avec tous les moyens, toutes les ruses même de son intelligence, arc-bouté aux exigences d’une éthique du sujet.



NOTES

1« Bandes, rixes, lynchages… La jeunesse victime du pourrissement de la société capitaliste » (RI n°488).

2Sur la police un journaliste canadien s'en prend lucidement à l'anti-police généralisée qui mêle dans la haine primaire petites frappes, racialistes, islamo-gauchistes et révolutionnaires nunuches (en tant que marxiste je peux dénoncer une police qui casse les grèves et éborgne des gilets jaunes, mais je ne peux pas accepter l'imbécillité des gros réacs islamo-gauchistes qui plaident pour sa disparition, alors que hélas il faudra qu'on en recrée une, provisoire, pendant la phase transitoire au communisme. Voyons le discours le plus minable de toute cette noria anti-flics primaire :

« Mme Mariame Kaba y écrivait ceci :

« Pour remplir sa fonction, la police doit être raciste, patriarcale, capacitiste, homophobe et transphobe. Perpétuer un État capitaliste, suprémaciste blanc et cis-hétéropatriarcal implique de cibler, contrôler et contenir certains groupes. »

Forcément, la police marche sur des œufs et hésite à intervenir.

Cela fait l’affaire de qui ? Des gangs de rue qui terrorisent d’honnêtes familles de leur communauté, qui veulent vivre en paix et savent qui sont leurs vrais alliés et leurs vrais ennemis.

Loin de moi l’idée de prétendre que la société majoritaire et la police n’ont pas leurs torts.

Il y a certes des policiers racistes comme il y a des professeurs racistes, mais qui dirait que le corps enseignant au complet est « systémiquement » raciste ?

C’est toujours la faute de la société « blanche », de la police « blanche » et, pour expliquer l’échec scolaire, des programmes trop « blancs » et des examens trop « blancs ».

Pas un mot sur des causes internes pour expliquer aussi les problèmes.

Ces causes sont pourtant soulignées depuis longtemps par d’éminents intellectuels afro-américains (Thomas Sowell, E. F. Frazier, Jason Riley, John McWhorter, etc.) : monoparentalité élevée, pères partis, absentéisme scolaire, anti-intellectualisme, imprévoyance, glorification de la violence et démagogie des leaders autoproclamés.(Non, la police n’est pas toujours coupable | JDM (journaldemontreal.com)

3Je ne soulignerai jamais assez la valeur mémorielle du dernier livre de Gilles Kepel : « Sortir du chaos » (ed Folio).

5Plus étonnant pour ce très vieux groupe, ce sans doute pourquoi il arbore un fétichisme de la jeunesse, il ne propose rien que des réunions via internet, alors qu'il devrait s'associer aux gauchistes dans la lutte contre « les deux ennemis » le Covid et le Capitalisme. Le syndicat Solidaires propose lui de passer aux actes manifestatoires dans le même esprit que l'antique gauche bourgeoise : « Nous demandons le même déploiement de moyens pour faire face à l’urgence sociale et écologique. Ni coronavirus, ni union sacrée, la lutte continue contre tout ce qui détruit nos existences. Solidarité avec les victimes du coronavirus, solidarité avec toutes celles et ceux que ce système attaque ; indéfectiblement. La lutte ne s’arrêtera pas avec la maladie. Nos combats pour un monde où la solidarité, la protection sociale et les services publics sont les meilleurs remparts contre les fléaux et l’injustice, sont plus que jamais légitimes ». (syndicat Solidaires, deux épidémies à combattre le coronavirus et le capitalisme).« 

6 Catherine Nivez : Le capitalisme rend-il obèse?

7Malthus prédit mathématiquement que sans freins, la population augmente de façon exponentielle ou géométrique tandis que les ressources ne croissent que de façon arithmétique. Il en conclut le caractère inévitable de catastrophes démographiques, à moins de limiter la croissance de la population. Malthus préconise ainsi une régulation volontaire des naissances, la « contrainte morale » : les couples prévoyants, en retardant l'âge du mariage et en pratiquant la chasteté jusqu'au mariage, seraient enclins à n'avoir que le nombre d'enfants qu'ils sont certains de pouvoir entretenir.Il prône aussi l'arrêt de toute aide aux nécessiteux, en opposition aux lois de Speenhamland et aux propositions de William Godwin qui souhaite généraliser l'assistance aux pauvres qui deviendra un cache-sexe de la bourgeoisie moraliste au 21 ème siècle comme au 20 ème.

8 Stuart Mill J.J. (1806-1873) proposait la théorie du fond de salaire, c’est-à-dire l’augmentation de salaire non conjuguée à une augmentation de production entraîne un déséquilibre économique. Cette idée reste très présente dans les politiques économiques actuelles de marché.

9 Capitalisme et population : Marx et Engels contre Malthus parYves Charbit

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