PAGES PROLETARIENNES

mercredi 13 février 2019

Où est passée la question d'insurrection ?



« Si on arrive devant l'Elysée, on rentre dedans» .
Drouet le 5 dec 18.

« Lénine était certainement le politicien le plus souple de l’Histoire. Il pouvait être à la fois un super-révolutionnaire, un homme de compromis et un conservateur. (…) Toute l’histoire de la Révolution qui s’ensuivit offre un kaléidoscope des compromis de Lénine et de la trahison de ses propres slogans ».
Emma Goldman (Ma désillusion en Russie, Chapitre : « Pour le peuple la révolution était une réalité pas une simple théorie »).

« Le milieu radical n’est pas très en pointe pour formuler des analyses pertinentes, incisives, complètes et non déformantes de ce mouvement revendicatif inédit. Mais, on le saura APRÈS, par delà leurs silences ou leurs simplifications PENDANT, ils avaient tout compris AVANT. Ce qui saute aux yeux dans les rares textes publiés, c’est leur normativisme complètement décalé ». Anonyme (ânenonime)

Ne me démentez pas, lors de l'acte III vous avez tous fantasmé sur l'insurrection, la prise de l'Elysée... quand certains se demandaient quelle grille du palais d'été notre routier inculte allait escalader. Lors des premiers actes les appels aux armes furent nombreux, dénués de tout réalisme et complètement impulsifs. Les appels pour que la police tire à balles réelles furent par la suite le fait des bourgeois députés et de petits personnages comme Luc Ferry.
La dernière véritable insurrection victorieuse impliquant directement le peuple et le prolétariat date de plus d'un siècle. Elle reste la référence malgré tant de putschs militaires, stalinistes et maoïstes de par le monde. Elle incarne encore, malgré la césure de l'échec du bolchevisme, le principal exemple, certes discuté et contesté, de renversement réussi d'un Etat bourgeois. Pour les anarchistes l'insurrection est par contre imagée par toute manifestation de rue qui tourne à l'émeute, et met en scène de chatoyantes et brutales confrontations avec les « forces de l'ordre ». C'est ainsi que l'on avait vu fleurir ces dernières années toutes sortes d'appels à l'insurrection dans la noria des réseaux contestaires, black ou red blocs. On se rappelle du « comité invisible » de l'équipée marginale de Tarnac et de la mise en scène du petit Julien Coupat, qui s'est fait pincer comme un vulgaire gilet jaune avec une bombe ni destructive ni à retardement, mais une banale bombe à peinture suffisante pour effrayer des milliers de policiers. On le plaça donc en GAV1.

Je n'ai rien retrouvé de « l'insurrection qui venait » dans le mouvement des gilets jaunes ni une résurgence d'analyses ampoulées de la revue Tiqqun des amis de Coupat2. Ce pamphlet, publié en 2007, surfait sur l'ambiance illusoire d'une révolte mondiale avec le printemps arabe, la ZAD hippie de ND des Landes et les bonnets rouges bretonnant. Un ouvrage du même acabit - « Maintenant » - suivit pour dénoncer le misérable assembléisme de « Nuit debout ». Ces pamphlets fort bien écrits mais plein de nunucheries anarchistes inquiétèrent plus les limiers paranoïaques de la police de l'ombre qu'ils n'émurent le prolétariat. Le livre fût immédiatement intronisé comme nouveau Manifeste communiste subversif du XXI ème siècle, voire comme produit souffreteux d'une nouvelle bande à Baader, alors qu'il n'est qu'une farce de potaches hippies à théorie en carton pâte, qui servent plus à enrichir l'éditeur Hazan qu'à fournir une lecture édifiante pour renverser le capitalisme. Ces marginaux tant célébrés il y a dix ans auront quelques difficultés à se présenter comme les pères du mouvement des gilets jaunes, certainement trop poujadiste et facho pour leur mode de pensée gauchiste. Je n'exclus point que Fly rider et Drouet n'aient eu le brouet tarnacien comme livre de chevet (à côté de leurs albums de motos et de voitures de collection), plutôt que le « En route pour l'insurrection » de Lénine ou son « Nos tâches et le Soviet des députés ouvriers », rédigé en 19053.

CE QUE SONT LES AMIS DU PEUPLE GILET JAUNE

Sur le site « des nouvelles du front » (humour communisateur), les groupies de Roland Simon – du référent pour rire « Théorie communiste » - ont fini par s'extasier : « Les débuts du mouvement des « Gilets Jaunes » furent laborieux. Le poujadisme qui y régnait en maître avait quelque chose d’écœurant. Les exactions racistes et homophobes de certains, avaient fini de nous convaincre de la nature fasciste de ce mouvement. Pourtant, chose imprévisible il y a 15 jours encore, des individus éparses, épuisés par la lutte pour la survie quotidienne, se sont agrégés sur les barrages. Non pas pour défendre un programme, un drapeau ou une banderole, mais simplement parce qu’ils n’y arrivent plus. Sur ces barrages se sont développées des solidarités. Ces solidarités ont permis à beaucoup de reprendre goût aux autres ; d’avoir de nouveau une vie sociale et affective à laquelle ils n’avaient plus accès »4.  « Aujourd’hui, les « Gilets Jaunes » discourent sur la « justice sociale » en lieu et place d’une limitation des taxes du début. A cette heure, les « Gilets Jaunes » sont contraints de s’intéresser à cette politique qui les fait tant chier – partout, il n’est question que de dissolution de l’assemblé nationale, de création d’un parti « Jaune » ou d’un nouveau régime où les assemblées de base licencieraient les députés en assurant la charge législative (voter les lois, les proposer). Au final, la défiance institutionnelle envers la classe politique s’est peu à peu muée en un rejet absolu du système parlementaire. N’en déplaise aux partisans d’une liste « Gilets Jaunes » à X élections : leur démarche reste entièrement un rejet, même si ils prétendent tout changer en suivant les règles. Ce qui n’en est encore aujourd’hui qu’à un stade embryonnaire, c’est un soulèvement. J’insiste : nous parlons de soulèvement, et non d’une prise de pouvoir par un parti « Gilets Jaunes »5.

« Temps critiques », hésita : « Il semble que l’actuel mouvement dit des « Gilets jaunes » corresponde à un type de mouvement qu’on pourrait définir comme un soulèvement du peuple fédéré. On pourrait raisonnablement y voir des analogies avec le soulèvement des Fédérés pendant la Révolution française »6. Il fallait encore se délimiter des « sectes marxistes » : Les sectes marxistes n’ont pas manqué de hurler à « l’interclassisme », ce mal absolu à leurs yeux d’antiquaires. Nous avons déjà analysé en quoi cette notion n’a aucune portée politique pour comprendre le mouvement des Gilets jaunes. (Cf. Temps criitiues, supplément au numéro 19, déc. 2018).

La révolution triomphe mieux sans pureté de classe : « Comme dans les mouvements révolu­tion­nai­res his­to­ri­ques (la Révolu­tion française, 1848, la Commune, les révolu­tions russes et chi­noi­ses, l’Espagne, la Hongrie 1956, etc.) ou dans les sou­bre­sauts révolu­tion­nai­res (mai 1968 ; Italie 1968-78), nous n’avons pas à faire à des mou­ve­ments pure­ment clas­sis­tes qu’il ne s’agit donc pas de définir de façon clas­siste comme si la révolu­tion allait forcément être faci­litée par une pureté de classe et donc qu’il n’y aurait rien à attendre d’un mouvement comme celui des Gilets jaunes du fait de son « interclassisme ». Les luttes de classes ont justement été les plus virulentes quand cette pureté de classe était la moins évidente ».

Je me suis demandé ensuite si d' autres pans de cette ultra-gauche intellectuelle, affective et révisionniste du « marxisme-léninisme » pouvait se vanter d'avoir prévu le mouvement des gilets jaunes ou s'en servir de référence à leur négation d'un rôle toujours révolutionaire de la classe ouvrière moderne. J'ai commencé par observer ce contre quoi ils s'étaient à peu près tous déterminés nos divers communisateurs depuis une vingtaine d'années, c'est à dire face au camp maximalisme révolutionnaire classique, dont le CCI a longtemps été la figure de proue, les premiers de cordée pour reprendre une expression macronienne qui fait fureur. Cette secte marxiste, le CCI, conclave d'intellectuels isolés, a trouvé, après moi, une cause indirecte probbale de l'éruption en gilets jaunes ces gâleux porteurs d'un « interclassisme »7 nihiliste :
« Ces mouvements syndicaux qui se répètent année après année, ont pour seule fonction de répandre le poison de la division, du désespoir, de l’impuissance. Alors, oui, le sabotage systématique de l’unité ouvrière par les syndicats est l’un des ingrédients majeurs de la faiblesse actuelle du prolétariat, faiblesse qui crée un terrain favorable à l’explosion de colères interclassistes et, donc, sans perspective ».
Autrement dit, tel que je l'avais formulé au début, l'échappée belle (à mon sens contenant majoritairement des prolétaires même entraînés derrière des revendications poujadistes) en gilets jaunes s'était faufilée entre des classes ossifiées, et, en particulier par après à la suite d'une série de défaites de grèves ridiculisées par leur encadrement corporatif. La dernière journée d'action CGT en France que les gauchistes ont voulu faire passer pour une grève générale a été un fiasco. Idem ce jour où la presse belge proclame que la grève générale a été un succès, alors qu'elle n'a été ni générale ni massive, le secteur privé n'y était pas, et ce qui dominait était de nombreux piquets de grève, plutôt mauvais signe de l'obligation à ne pas aller travailler par les minorités activistes syndicalistes. La méthode de lutte classique du prolétariat a pris un sacré coup de vieux, et la pseudo grève générale d'une journée en Belgique n'entraînera certainement pas une hausse générale des salaires, sauf l'amertume syndicale du lendemain : le gouvernement ne veut braiment pas négocier, hein !

Le CCI a décrété, de la même manière que les gauchistes au début, que c'était un mouvement définitivement réac et gagrené par les « fachos »8 ; j'ai à plusieurs reprises moqué cete aveuglement sectaire. Tout prolétaire, hors de sa boite et du syndicat, participant aux blocages, était donc pris dans un « piège idéologique » ; c'est à dire qu'il pouvait attendre longtemps pour que le CCI s'occupe de faire baisser la revendication petite bourgeoise concernant le diesel ! Seul dernier représentant de « la classe ouvrière disparue »9, le CCI a mis en garde ce qu'il en restait, perdue et perclue dans la petite bourgeoisie : « dans laquelle se sont égarés beaucoup d’ouvriers qui, en raison du vide laissé par la classe ouvrière, sont réduits à rester de simples “citoyens” attachés à la “nation” ». Tous ces ouvriers gilets jaune,s fachos et racistes, ont pourtant eu affaire à une réponse de la jeunesse antiraciste et propre sur elle, que les médias complices ont dédaigné : « La colère des jeunes générations scolarisées (et futurs prolétaires) est une réponse cinglante tant aux mesures gouvernementales iniques qu’aux revendications anti-immigrés des “gilets jaunes”. La solidarité est en effet le ciment et la force de la classe ouvrière ». La généralité des « gilets jaunes racistes » versus la jeunesse en général pas très ouvrière dans les lycées et les facs... on eût trouvé ça épatant venant des bobos gauchistes, mais d'une secte ultra-gauche monastique et perclue de rhumatismes, on a pitié. Le CCI tout à son purisme ouvriériste (de classe!) ne sait pas que dans les révolutions on ne compte pas sur deux doigts de la main, il ne sait pas que dans les deux révolutions russes sans les soldats, sans la masse énorme de spaysans révoltés contre la guerre, la classe ouvrière n'aurait pu rien faire et qu'elle n'a même pas été devant au début de l'insubordination en Allemagne ; Emma Goldman a fort bien montré la chance des bolcheviques10.
Quand on ne peut plus lutter sérieusement dans le cadre corporatif11 (de la classe disparue) et qu'on se sent obligé de se boucher le nez face à toute conduite émeutière, il faut savoir attendre avec le révérend CCI12, avec la patience du spectateur impuissant ou Moïse dans le désert ; le plus drôle c'est que ce serait « la conviction » qui ferait avancer la lutte de classe, belle trouvaille idéaliste ! Surtout quand on sait que c'est le diesel qui a fait avancer prosaïquement le vulgaire camion des gilets jaunes.

Sans s'en rendre compte, la secte a ainsi rejoint les analyses des intellectuels paumés et gâteux de la « communisation » :
« L’interclassisme est une réalité de ce mouvement, et le populisme aussi. Les Gilets jaunes n’ont pas produit de discours anticapitalistes tendant à affirmer une position de classe : ils ont critiqué les élites, l’Etat coupé du peuple, et n’ont eu de cesse de se construire une légitimité « populaire » ; et le peuple, avant d’être une réalité sociale, c’est une réalité politique »13.
Plus avisé que le CCI le rédacteur de « Carbure » ne croit plus qu'il s'agit d'une simple trahison des syndicats accompagnant une classe ouvrière disparue :
« L’interclassisme dans sa variante populiste « par en bas » est un mode nécessaire d’existence de la lutte des classes après la fin du vieux mouvement ouvrier. Il ouvre un champ politique qui n’est plus balisé institutionnellement. En France, cela se manifeste entre autres par la fin des « mouvements sociaux » qui étaient la queue de comète du mouvement ouvrier dans sa dernière intégration possible à la dynamique du capital. La fin de l’idéologie et des pratiques embarquant ensemble partis et associations de gauche et d’extrême-gauche, syndicalisme et défense du service public est de plus en plus perceptible depuis la crise de 2008. Cela n’est pas dû à une supposée « trahison » des syndicats ou de la gauche, mais à une transformation radicale du rapport de force, qui a conduit le capital à ranger unilatéralement le bon vieux « dialogue social » au magasin des antiquités, avec le compromis fordiste et le keynésianisme social ». 

La réflexion ci-dessus me semble intéressante et justifiée, et plus encore celle qui suit :

« Ces mouvements sociaux se sont eux-mêmes longtemps pensés comme l’exemple même de ce que devait être la lutte des classes (on se souvient du slogan « Je lutte des classes » en 2010). Les appels incessants à la « convergence des luttes » ne résonnent que dans le vide de l’absence d’unité de la classe. Mais la lutte des classes ne s’arrête pas aux manifestations et revendications de la gauche syndicale, elle ne cesse jamais, et elle n’existe pas moins dans un mouvement populiste aussi réactionnaire puisse-t-il être que dans ces fameux « mouvements sociaux ».
On voit un négateur de la pérennité de la classe ouvrière qui reconnaît que « la lutte des classes ne cesse jamais », quand une secte qui se veut orthodoxe décrète que tout ce qui ne relève pas de la grève corporative est fâcheusement réactionnaire et un piège bourgeois !
Comment s'y retrouver ?
« Le prolétariat n’appartient ni à la gauche, ni à la gauche radicale : le prolétariat n’est pas un sujet politique, mais une classe du mode de production capitaliste. En tant que tel, il participe de toutes les contradictions du capital. Avec toutes les classes, il est embarqué dans le cycle actuel du capitalisme, qui ne porte plus aucune positivité révolutionnaire, qui ferait que la révolution découlerait simplement de ce que le prolétariat est déjà dans le capital. L’époque est révolue où le prolétariat pouvait penser n’avoir qu’un pas à faire pour s’emparer du pouvoir et devenir classe dominante : ce que porte ce cycle, c’est l’abolition des classes et de la société. Le prolétariat, dans son rapport contradictoire au capital, est la classe qui porte cette abolition comme la sienne propre. La révolution n’est ni son choix, ni inscrite dans sa nature, et elle n’est mue par aucune nécessité historique transcendant l’histoire. Pour autant, il ne manque rien au prolétariat pour faire la révolution : ce n’est que tel qu’il est qu’il est révolutionnaire, que cela nous plaise ou non »14
Encore une obsession communisatrice, bien que le prolétariat soit reconnu d'essence révolutionnaire (mais pas diesel?), comme il est envahi, pénétré (?), désormais par le capital, il doit s'autodétruire avent de s'affirmer comme mouvement révolutionnaire et insurrectionnel pour détruire l'Etat bourgeois ! C'est la technique bobo radical, j'affirme et j'efface immédiatement.
Ce rédacteur petit bourgeois a pourtant plus de finesse que les simplismes néo-gauchistes du CCI sur le populisme :
« Le populisme est le lieu de luttes de classe. Que le prolétariat y soit engagé, voire qu’il puisse y devenir dominant, ne garantit en rien le devenir révolutionnaire de ces luttes. Le populisme peut très bien exister avec l’intégration politique de larges fractions du prolétariat : c’est même sa fonction. Cependant, le prolétariat, qui est la classe qui porte la contradiction du mode de production, y introduit un élément d’instabilité permanente, en ce qu’il est le lieu du conflit permanent qui nous oppose au capital, l’exploitation : aucune partie stable ou intégrée du prolétariat n’a la garantie de le rester longtemps. Ce conflit ne se résout pas, comme le voudrait la gauche, en posant la « question sociale » comme centrale tout en laissant sa résolution aux « partenaires sociaux ». Le prolétariat, qu’on le veuille ou non, ne se laisse pas absorber paisiblement dans l’ensemble du corps social ».
Il faudrait parler plutôt des populismes, de celui de Macron sûrement et de celui de Mélenchon, et on peut être d'accord avec cet auteur et le CCI qu'un de ces populismes contient des variantes nauséabondes : «  Le populisme a des thèmes communs qui en font un continuum idéologique consistant, dont en premier lieu le nationalisme et le refus des étrangers qui fonde le peuple concerné au sein de son espace national, mais les échanges et la concurrence ne constituent pas un espace lisse, qui permettrait de définir une politique populiste et de l’appliquer partout de la même manière ». On ne peut pas faire équivaloir (comme le CCI et les gauchistes) le populisme au fascisme : « Les populistes doivent maintenant tenir compte de la possibilité d’avoir à gouverner dans le capital. Comme nous ne sommes plus en 1930, cela ne peut se limiter à une politique nationaliste et protectionniste à outrance (tous les Etats ne sont pas l’Amérique de Trump), il faut trouver des modes d’inscription dans le marché mondial en même temps qu’une gestion particulière de la main-d’œuvre (…) Le populisme n’annule pas les tensions de classe, il leur donne un sens particulier (…) La résolution de la « question sociale » se fait plus souvent par la répression que par le partage des richesses. Entre les deux on a toutes les nuances de la charité sociale et du clientélisme, véritable terreau pour tous les opportunismes et les pratiques de corruption. Le populisme comme concurrence entre bourgeoisies produit de nouvelles élites, qui tombent elles-mêmes sous le coup des critiques qui les ont portées au pouvoir (…) L’Etat populiste est forcément un compromis de classe, favorable à la classe capitaliste. Pour cela, le retour à l’ordre populiste dans les termes de la politique ne saurait constituer une véritable sortie de crise, mais plutôt une mise en forme politique de la crise».

LE PROLETARIAT RESTE FACTEUR DE DESORDRE MEME AU SEIN DE L'INTERCLASSISME

« Contrairement à la classe moyenne, dont la nécessité et les fonctions s’étendent avec le développement même du capital, le prolétariat se voit éjecté du procès productif à raison même de ce développement. La spécificité du travail productif pèse comme une malédiction sur toutes les tentatives d’intégration politique du prolétariat. Pour cela, dès lors qu’un mouvement réellement interclassiste (c’est-à-dire n’existant pas sous la seule impulsion de la classe moyenne qui embarque « par le haut » et marginalement une part du prolétariat) atteint une certaine ampleur, l’insertion du prolétariat en son sein est toujours problématique. Le prolétariat, en raison même de sa segmentation et de la présence en son sein de couches précarisées voire « exclues » socialement, menace sans cesse la cohésion de ces mouvements, il devient un facteur de désordre. Les modes d’intégration du prolétariat ne manquent certes pas, mais son existence même dans le capital en donne les conditions (segmentation, prolétariat national, concurrence, etc.), et cette existence est aussi ce qui porte la contradiction.
Cette impossibilité d’intégration du prolétariat conduit à la désignation de bons et de mauvais prolétaires, à la distinction entre ceux qui sont encore susceptibles d’appartenir à la société capitaliste et ceux qui en sont et doivent en être exclus : les segments encore stables de la classe ouvrière, ceux qui « jouent le jeu » s’opposent aux feignants, aux profiteurs, et naturellement aux « étrangers » de toute sorte, ce mouvement d’ « altérisation » étant lui-même l’objet d’une lutte interne dont sortent perdants ceux qui n’ont pas voix au chapitre. En dernier ressort, au plus fort de l’intégration nationale, il y a toujours les migrants, et la défense des frontières nationales. Mais la contradiction persiste, et nulle intégration politique ne saurait faire que le prolétariat reste stable : « jouer le jeu » ne garantit jamais qu’on en sorte gagnant, c’est d’ailleurs précisément ce que dénonce le mouvement des Gilets jaunes. Comme le dit un auto-entrepreneur participant au mouvement : « En France, on peut être chef d’entreprise et manger aux Restaus du cœur ».
« Un des facteurs de déstabilisation interne de ce mouvement, à savoir l’incapacité à se cristalliser autour de revendications univoques et donc de figer politiquement sa nature populiste, tient autant à sa composition de classe qu’à l’impossibilité de faire tenir ensemble revendications et volonté de destitution du gouvernement. Le « Macron démission » compris comme le préalable à toute discussion est bien ce qui rend la discussion impossible ».
« Dans cette période, ni la classe ouvrière ni les lieux de production n’apparaissent comme étant au centre de la dynamique, dans laquelle le champ de bataille est la société elle-même, comme lieu productif d’ensemble et lieu de la reproduction du capital. Si la contradiction a pour source le travail productif et l’extraction de plus-value, dès lors que cette contradiction se noue au niveau de la reproduction, c’est l’ensemble de la société qui devient le terrain des luttes ».

LA GUERRE CIVILE N'EST PAS SOUHAITABLE ?

« Sous certaines conditions, le populisme peut se constituer comme le lieu d’un conflit social généralisé, voire, si son dépassement en tant que tel tarde à se produire, d’une guerre civile. A terme, parce que le prolétariat trouve face à lui dans sa lutte toutes les classes et sa propre existence de classe, c’est peut-être le communisme, le dépassement de la lutte des classes par leur abolition qui peut se jouer. Mais on l’a dit souvent, ce qui se dessine est autant à craindre qu’à espérer, l’abolition des classes ouvre la perspective d’une guerre civile ouverte ou larvée qui n’a rien de réjouissant, pas plus que la prise en main de l’Etat par une forme nationale-populiste dure, la répression, la remise au pas, etc. La guerre civile n’est ni une situation favorable à saisir ni une phase de transition, elle n’est que l’action de toutes les classes sociales en train de se défaire et qui veulent se maintenir à tout prix. Là, le rapport de classes peut se manifester très concrètement sous la forme de l’Etat et de ses armes. La guerre civile est la lutte des classes à son paroxysme, et pas l’abolition des classes. En son sein, l’Etat peut persister voire semer le chaos pour mieux rétablir l’ordre, et un ordre pire encore, c’est une stratégie possible. Et même une fois l’Etat central abattu, de la militarisation du mouvement révolutionnaire peuvent surgir des formes proto-étatiques d’appropriation. Que l’Etat puisse un jour survivre au capitalisme est une des mauvaises nouvelles dont est porteur le moment actuel. Les situations à venir ne sont guère plaisantes. C’est pourtant tout cela qui constitue l’horizon des luttes actuelles. Parler de communisme au présent dans ces conditions, comme nous le faisons, c’est faire preuve d’un « optimisme » tout particulier.
Dans ce contexte, il n’est évidemment pas question de crier à la révolution dès qu’il y a une émeute ou un pillage ou dès que des gens commencent à s’organiser de manière horizontale en ne prenant en compte que les intérêts immédiats de leur lutte, mais de repérer et éventuellement promouvoir (comme le disait la défunte revue Meeting), ce qui pourrait se rapprocher de ce TC a appelé, dans un autre sens et un autre contexte, des « pratiques d’écart » dans les mouvements qui sont susceptibles d’y donner lieu ».
Bizarre grand écart de nos petits personnages en pleine « communisation » sémantique ! Il faut certes abandonner les vieilles images d'Epinal :
« Il faut cesser de penser dans les termes de 1936 ou de 1968, de grève générale, d’occupation des lieux productifs par les travailleurs, d’autogestion de la production ou d’auto-organisation ouvrière, même comme « premier acte ». Ce n’est que dans des pratiques de lutte répondant à la structuration effective de la force de travail actuelle, laquelle n’est plus centrée sur les lieux productifs particuliers et implique simultanément des segments de classe très divers, mais plus encore dans un rapport immédiat des sujets à leur propre lutte, et dans les luttes internes que cela occasionne, que ces divergences peuvent se produire. S’attendre à ce qu’elles se manifestent immédiatement comme des moments de rupture révolutionnaire serait non seulement illusoire mais aussi hors de propos ».
Donc il faut aussi abandonner l'image d'Epinal d'une insurrection, de la rupture avec l'ordre étatique ? Voici donc le fond pacifiste et pleurnichard des communisateurs qui se déshabille une nouvelle fois, pas pour nous qui les connaissons si bien15. Après tout un discours sociologique assez réaliste sur les forces en présence, on retombe dans les ornières de la pensée intellectuelle déclassée ! Il suffit alors de s'attribuer la paternité du kaléidoscope gilet jaune, rabaissé à une protestation d'automobilistes aveugles qui n'attendait que les communisateurs (néo-léninistes) pour leur ouvrir les yeux sur une société « vraiment capitaliste »
«  De même il est manifeste que ce mouvement d’automobilistes et de contribuables en colère est devenu en de nombreux endroits un mouvement de précaires et de travailleurs pauvres. Les explosions émeutières, les pillages, les attaques de bâtiments publics sont à plusieurs reprises venus apporter un contrepoint plutôt étrange au discours « citoyen » du mouvement. Ce mouvement a aussi montré comment un mouvement pouvait chercher et trouver sa propre cohérence et sa propre efficacité, en visant essentiellement et obstinément, voire aveuglément, à se poursuivre. Il n’a pas posé la question de la société, ni posé la « question sociale », mais a désigné la société comme le lieu de la question, et ce à partir de la société elle-même ».
L'auteur anonyme se réjouit de ce qu'il évite de nommer, la pénétration gauchiste et syndicaliste finale du mouvement,qui lui évite de devenir un parti à la Trump ou à la Salvini :
« C’est ce qui a fait que le mouvement des Gilets jaunes n’a été ni un Pegida à la française, ni un mouvement des Forconi, et qu’il a dans l’ensemble évité la plupart des tares les plus criantes du populisme, ce à quoi il avait pourtant de nettes prédispositions ».

C'est pourtant le grand néant qui nous est proposé :
« Bien sûr, pour continuer la lutte (si la lutte continue), les prolétaires devront s’emparer de ce dont ils ont besoin, et pour ce faire mettre consciemment fin à la production marchande, à l’échange, etc.  La révolution n’est pas une affaire de somnambules. Il faudra bien aussi que les prolétaires cessent le travail, mais cela n’équivaut pas à ce qu’on appelle « grève générale », qui porte des contenus propres au programmatisme (et toc pour le vieux léninisme!). En attendant, la nuit, sur des ronds-points, on a racketté des camions. On est bien loin de la légende dorée de la classe ouvrière, mais c’est un moyen comme un autre de faire avec ce qu’on a, dès lors qu’il n’y a plus de programme et plus de direction ouvrière, pour le meilleur et pour le pire. (…) la communisation devra être un mouvement pratique, qui ne sait pas où il va, mais veut trouver son chemin, non par goût de la liberté mais pour assurer sa survie. On ne peut guère en dire plus sur ce sujet ».
Avec le gourou Roland Simon, on va retrouver le même genre de patchwork sociologique, aussi verbeux et incohérent que les précédents, avec des annotations pas fausses mais une nullité politique méprisable finalement.
On veut bien comprendre que la moitié des ouvriers travaillent dans le cadre de petites entreprises, et que l'ouvrier parcellaire « fait souvent corps avec le point de vue du patron » soumis « à la pression directe de la clientèle », et aussi face aux délocalisations, à la mondialisation, aux revenus du capital financier. La comparaison avec le poujadisme des années 1950 est hors de propos. Tout le contexte social et économique est différent aujourd'hui. L'accusation de poujadisme sert à humilier. Nos intellectuels en chambre considèrent que ce ne sont pas les plus pauvres qui sont sur les ronds points... preuve qu'ils n'y sont jamais allés voir en particulier toutes ces femmes prolétaires élevant seules leurs enfants et vivant galère sur galère. Idem lorsqu'ils contestent les analyses de Guilluy en assurant que la France périphérique ne se confond pas avec la France pauvre, alors pourquoi la hausse des taxes de l'essence a-t-elle provoqué une telle révolte ?
Simon découvre l'importance de la gentrification et le problème de la rente, ce que les milliers expulsés à la périphérie ont subi longtemps avant qu'il ne découvre le problème derrière son bureau professoral. L'interclassisme dans la « territorialisation de la révolte » n'est pas une « tare » de la lutte des classes en soi, mais au lieu de l'expliquer par des généralités vagues il faut l'expliquer comme souvent une première réaction des classes inférieures face aux attaques de l'Etat.
Ces modernistes, tout en rejetant l'analyse marxiste de la lutte des classes, gardent une manière très marxologue de traiter des sujets sociaux et jonglent abstraitement entre production et distribution en quittant le champ politique. On reconnaît la présence « imposante » d'ouvriers retraités et d'employés d'âge respectable dont les enfants sont au chômage, que tout un chacun qualifie de « nauséabonds » du fait que les propos de la protestation ne sont pas toujours clean ; au moins c'est un point positif face aux sectes ultra-gauches qui font la leçon de morale au nom d'un prolétariat disparu mais pur dans sa disparition. Mais le langage tarabiscoté s'avère un moyen de cacher la véritable pensée de l'intello marginal et son appétence pour le truisme à la mode : la disparition de l'identité ouvrière, qui est notoirement exagérée. Vous pouvez passer le passage suivant qui obscur à souhait.

« La repré­sen­ta­tion paci­fiée en « volonté géné­rale » d’une société recon­nue comme néces­sai­re­ment conflic­tuelle (c’est là toute la force de la démo­cra­tie) est un tra­vail et non un reflet. C’est-à-dire que dans le fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique de l’Etat, la réi­fi­ca­tion et le féti­chisme sont des acti­vi­tés, c’est la poli­tique comme par­tis, débats, déli­bé­ra­tions, rap­ports de force dans la sphère spé­ci­fique de la société civile, déci­sions. La démo­cra­tie semble inexo­ra­ble­ment deve­nir popu­liste parce que c’est le tra­vail de repré­sen­ta­tion qui est en crise. Par­tout c’est la dis­pa­ri­tion de l’identité ouvrière et par là de sa repré­sen­ta­tion poli­tique social-démocrate et/ou com­mu­niste qui désta­bi­lise le fon­de­ment poli­tique de l’Etat démo­cra­tique. Celui-ci est la paci­fi­ca­tion d’un cli­vage social que la démo­cra­tie recon­naît comme réel au moment où elle en est la repré­sen­ta­tion comme affron­te­ment entre citoyens. Contrai­re­ment au popu­lisme, la démo­cra­tie est la recon­nais­sance du carac­tère irré­duc­ti­ble­ment conflic­tuel de la « com­mu­nauté natio­nale », de ce point de vue la recon­nais­sance de la classe ouvrière a été his­to­ri­que­ment au cœur de la construc­tion de la démo­cra­tie, elle en fut même le moteur et le cri­tère. Dans les formes poli­tiques actuelles du cours de la crise, on peut rele­ver une crise de l’hégémonie de la classe capi­ta­liste. Domi­na­tion et hégé­mo­nie ne sont pas iden­tiques, il peut y avoir domi­na­tion sans hégé­mo­nie (Gram­sci) ».

Le révolté de boudoir s'étonne de voir des ouvriers en grève revêtus de gilets jaunes tellement les deux actions paraissent incompatibles : « Sans tomber dans une survalorisation des « luttes d'usine », actuellement, la domination des rapports de distribution est non seulement, comme toujours, le fait que c'est « l'illusion nécessaire dans laquelle nous vivons », mais encore tient aux conditions de la crise et au déroulement, du moins en Occident, des « grands mouvements sociaux » que nous avons eu ces dernières années et au « plancher de verre » qui leur est lié (leur incapacité à pénétrer les lieux de production). De même que le mouvement des gilets jaunes ne pouvait par nature pénétrer le slieux de production, de même le ralliement ouvrier au mouvement ne pouvait être que symbolique (c'est en passant au niveau de la reproduction qu'une lutte revendicative peut se remettre en cause en tant que telle ». Comprenne qui pourra !

Leçon : « Seuls les révolutionnaires professionnels se précipitent tête baissée sur n'importe quel blocage, voyant la dynamique révolutionnaire à l'oeuvre dans tout ce qui bouge ou, inversement, sachant ce qu'est la révolution communiste de ses débuts à sa fin (?) se bouchent le nez quand les cases de leur tableau à double entrée ne sont pas toutes cochées ». Notre zèbre veut sans doute moquer le NPA et diverses sectes gauchistes qui ne sont que girouettes professionnelles dont je doute fort qu'elles soient, comme Simon soi-même, détentrices du savoir de ce que serait ou sera une révolution communiste « du début à la fin ».
Les linéaments (sic) d'une possible restructuration (de quoi?) - « qui s'effectuera réellement comme d'habitude dans l'affrontement entre la classe capitaliste et le prolétariat » sur les modalités de l'exploitation, de l'extraction de surtravail « passent pour l'instant par le conflit avec les mouvements populaires plus ou moins nationalistes sur les thèmes de la répartition des revenus, de la famille, des valeurs, de la citoyenneté » ! Si c'était pour nous dire qu'une lutte bâtarde était intemrédiaire avant de passer à autre chose de plus « classiste », cela pouvait être dit plus simplement, mais le communisateur moderniste tient à cacher sa confusion, et la sentence est aussi dériosire que ridicule pour jouer au maître des événements : « La double déconnexion est au cœur du moment présetnt de la mondialisation » . La conclusion est gogole et insignifiante : « le capital est présent des deux côtés et reste l'avenir du monde ».

Simon, comme ses collègues de Temps critiques et des Critiques du Temps, rêvait que les gilets jaunes servent de tremplin à leur révolution communiste imaginaire, ou comme le formule de façon tordue le CCI : « Le mouvement des “gilets jaunes”, même parti sur de mauvaises bases, pouvait-il se transformer, devenir autre chose, une authentique lutte de la classe ouvrière ? ». (j'aime trop le « parti sur de mauvaises bases », les derniers résidus retraités du CCI n'ont plus besoin du métro ni de leur bagnole pour aller au turbin, par sontre 7 salariés actifs sur 10 ont besoin de leur voiture...).

Et pour expliquer en somme que le mouvement GJ est cuit, ou qu'il a perdu tout sens pour les luttes sociales à venir, ils nous exhibent 1871, 1905 et 1968 pour assurer que le prolétariat a su reprendre la tête des expériences. Mensonge ! En 1871 c'ets la petite bourgeoisie qui a mené la danse comme Marx l'a reconnu par après, en 1905 le mouvement a été salement écrasé dans le sang et en 68 la petite bourgeoisie a tenu le haut du pavé quand la grève généralisée n'a accouché que d'une victoire électorale de la droite et d'un romantisme révolutionnaire16 qui n'a pas cassé des briques depuis 50 ans. La guerre a plus suscité des révolutions que les rares grèves générales connues.

Vouloir enterrer l'expérience du mouvement des gilets jaunes n'est pas grave, cela la bourgeoisie n'y arrive même pas avec sa terrible répression sadique, sa fixette sur les grafittis antisémites et sa promesse de ne plus hausser les impôts. C'est vouloir faire comme si ce mouvement n'avait pas existé et ne laissait aucune leçon qui est irresponsable.
On peut esquisser quelques grandes leçons :
  • la classe ouvrière n'est pas la seule victime des attaques de l'Etat ; elle dénonce aussi la répression dont sont victimes les classes secondaires à ses côtés17 ;
  • un mouvement social est toujours hétéroclite et ne comporte pas que des bonnes sœurs et des curés ;
  • la remise en cause des institutions syndicales et politiques de la part des basses couches moyennes n'est pas synonyme de poujadisme et de fascisme, il peut y avoir compréhension mutuelle de la nécessité de ce rejet entre le prolétariat et la population en général ;
  • la protestation contre les impôts et la répression peut se dérouler sous la forme de manifestations décidées par les manifestants eux-mêmes ;
  • l'assembléisme n'a pas pu réellement fonctionner démocratiquement à partir des ronds-points, par le passé du mouvement ouvrier international, les assemblées se basaient sur les usines et les quartiers ; l'éclatement territorial des lieux d'habitation et l'émiettement des lieux de travail ne peuvent empêcher l'établissement de lieux de rassemblement.

L'EXTINCTION INEVITABLE DU MOUVEMENT DES GILETS JAUNES

Même s'il a connu une durée peu commune, ce mouvement n'est pas inoxydable. D'autres mouvements plus importants, mais pas moins dramatiques – la répression a été d'un niveau inégalé même s'il n'y a eu qu'une dizaine de morts indirects – d'une autre intensité politique n'ont pas été éternels. La bourgeoisie, même si la réputation de Macron est définitivement grillée, va désormais doser ses réactions même en continuant à nous asséner ses mensonges les plus odieux, avec charité pour les « oubliés de la République » et campagnes de consultations du peuple. Le verdict clément concernant notre cher boxeur Dettinger milite pour l'apaisement, il était devenu un symbole du droit de se défendre face aux tabassages policiers. J'en suis heureux pour lui et sa famille.
Une vraie lassitude est apparue dans l'opinion mais aussi dans le prolétariat face à l'absence de programme de cette couche très moyenne qui a navigué avec ce gadget ridicule de référendum dont le principal théoricien s'est fait la malle. Enfin, lorsqu'on voit tous le efforts nunuches de cette brave Priscilla qui nous
Priscilla dans ses œuvres...
relance sur les réseaux avec ses suggestions à l'eau de rose, on se dit : tout ça pour ça !?
On nous a enfin trop bassiné avec cette notion de peuple, dont il faut rétablir la fausseté avec Lukacs. La notion de peuple est un « assemblage chaotique ». Cette notion confuse n'est pas capable, au contraire du prolétariat, d'une véritable autonomie politique ni de déployer une stratégie propre en se constituant comme pôle antagoniste vis à vis de la société bourgeoise. Mais cette caractérisation négative ne vaut que pour un « peuple » qui n'est que le revers de la médaille de la proéminence de la politique bourgeoise ; il s'agit au contraire de forger l'unité d'un nouveau peuple, costitué à partir de l'apparition d'un prolétariat autonome et puissant. On voit alors revenir transformée dialectiquement, la vieille idée des Narodniki, dans la conception léniniste du caractère de la révolution russe. La notion confuse et abstraite de « peuple » dut être écartée mais seulement pour faire apparaître la notion de peuple dans son acception révolutionnaire à savoir l'alliance révolutionnaire de tous les exploités ».

C'est sûr l'insurrection viendra un jour.
Les Dalton de la crapulerie bourgeoise.



NOTES


1Julien Coupat, qui était accompagné d’un proche, a été arrêté près du parc des Buttes-Chaumont en fin de matinée, précise une source proche du dossier à l’AFP. Dans sa voiture, les policiers ont découvert un gilet jaune, un masque de chantier et des bombes de peinture. Il a été placé en garde à vue pour "participation à un groupement formé en vue de commettre des violences ou des dégradations", selon une source judiciaire à LCI.
2Voici un aperçu de l'hermétisme et de la connerie des petits « quns » : « Tiqqun propose de subvertir ce principe, d’être infidèle à son identité, de «faire la grève humaine», de «refuser de jouer le rôle de la victime», de «se réapproprier la violence». De «laisser être une béance entre le sujet et ses prédicats».
3On peut considérer que le « souple » théoricien aurait été gilet jaune sans barguiner et nullement gêné d'en référer au « peuple » : « Il me semble que le Soviet aurait tort de se joindre sans réserve à un parti quelconque. Cette opinion ne manquera pas probablement d'étonner le lecteur, et (en rappelant encore une fois très instamment que c'est là l'opinion d'un absent) j'en arrive directement à expliquer ma pensée. Le Soviet des députés ouvriers est né de la grève générale, à l'occasion de la grève, au nom des objectifs de la grève. Qui a conduit et fait aboutir la grève ? Tout le prolétariat au sein duquel il existe aussi, heureusement en minorité, des non-social-démocrates. Quels buts poursuivait la grève ? Economiques et politiques, tout ensemble. Les buts économiques concernaient tout le prolétariat, tous les ouvriers et en partie même tous les travailleurs, et pas seulement les ouvriers salariés. Les buts politiques concernaient tout le peuple, plutôt tous les peuples de la Russie. Les buts politiques consistaient à libérer tous les peuples de Russie du joug de l'autocratie, du servage, de l'arbitraire et des abus de la police ». Faut-il rappeler que tout commença par une pétition au tsar, lequel « ne sut pas se concilier les couches moyennes » (sic). Le dimanche sanglant de janvier a été évité par le tsar Macron... La grève générale de la deuxième semaine d'octobre 1905 est partie de la grève dans les universités. C'est une des rares et vraies grève générale, mais qui se termine par le massacre de 1906. Mais rien ne sera plus comme avant, le tsar est désormais désacralisé comme le tzarévitch Macron d'ailleurs pour le restant de son improbable occupation dans la durée au pouvoir.
4 http://blogtc.communisation.net/ Avec ou sans gilet jaune, il faut s'y mettre.
5Ibid, la bande à Simon s'emballe y voyant mordicus une confirmation de leur révisionnisme ; ils nous fournissent aussi une chronologie illustrée de ce qui s'est passé depuis deux mois entre autres à Lyon et Montpellier, chronololgie fort intéressante (on a tendance à ne voir que le déroulé parisien), instructif sur le bordel assembléiste phagocyté par gauchistes et ex-nuit debout, mais aussi bagarres ridicules entre extrêmes que les groupies de Simon désignent comme nazis ».
7L'interclassisme, pour notre lecteur lambda, c'est le mélange des classes, ou tout simplement la masse indistincte des citoyens ; terme péjoratif s'il en est selon la plupart des groupes marxistes orthodoxes, qui signifie de plus noyade de la classe ouvrière dans des objectifs politiques bourgeois ou petits bourgeois.
8 Voici comment est décrit ce « piège » à ouvriers : « Il ne s’agit donc pas d’un piège tendu par la bourgeoisie, son État, ses partis, ses syndicats ou ses médias, mais d’un mouvement qui, de par sa nature interclassiste, est en lui-même un piège pour les ouvriers. Car dans un mouvement interclassiste où les prolétaires (employés, étudiants, retraités, chômeurs…) sont dilués comme individus-citoyens au milieu de toutes les autres couches de la société (petite-bourgeoisie, paysannerie, artisanat…), dominent les aspirations sociales et les méthodes de lutte de toutes ces couches intermédiaires.Par ailleurs, les méthodes de lutte de la classe ouvrière ne s’y sont jamais exprimées. L’absence de grèves dans différents secteurs de la classe ou bien d’assemblées générales, au sein desquelles les exploités débattent et réfléchissent sur leur lutte et les objectifs à lui donner, le confirme aisément. Pire encore, le terrain pourri du populisme et de la xénophobie gangrène une large partie du mouvement. Ce (se?) sont ainsi exprimés certains aspects les plus nauséabonds de la période historique actuelle, comme les appels officiels à renforcer les lois anti-immigrés ou des exactions xénophobes. (2) Plus de 90 % des sympathisants du Rassemblement national de Marine Le Pen soutiennent les “gilets jaunes” et plus de 40 % affirment participer eux-mêmes au mouvement.Voilà dans quelle nasse ont été pris tous ces prolétaires en gilet jaune. Oui, ce mouvement a été pour eux un véritable piège idéologique ».
9 « La classe ouvrière est empêtrée dans de grandes difficultés. Elle n’est même pas consciente de son existence en tant que classe antagonique à la classe bourgeoise et distincte des couches sociales intermédiaires (notamment la petite bourgeoisie). Elle a perdu la mémoire de son propre passé, et ne peut se référer à son immense expérience historique, dont elle a même honte puisque sans cesse la bourgeoisie assimile le mot “ouvrier” à une espèce “disparue” et le mot “communisme” à la barbarie du stalinisme ». C'est ce qui s'appelle prêter à Paul ce que dit Jacques.
10 « Mais les événements de Russie, en 1917, ont montré que la révolution n’attend pas ce processus d’industrialisation et
plus important encore qu’on ne peut faire attendre la révolution. Les paysans russes ont commencé à exproprier les propriétaires terriens et les ouvriers se sont emparés des usines sans prendre connaissance des théorèmes marxistes. Cette action du peuple, par la vertu de sa propre logique, a introduit la révolution sociale en Russie, bouleversant tous les calculs marxiens ». Emma Goldman (Ma désillusion en Russie).
11On apprend ainsi que les méthodes de lutte de la classe ouvrière (absentes chez les GJ) sont la grève et les AG ! De quoi faire retourner dans leur tombe les Marx, Lénine, Chirik et tutti quanti ! Et les manifs, l'occupation des lieux publics, les pétitions, les protestations diverses face aux tribunaux, les assemblées politiques de rue, etc. ne sont pas des méthodes de lutte de classe ? Mais on a affaire alors à une nouvelle secte syndicaliste révolutionnaire, plus b^te que le syndicalisme révolutionnaire d'antan !
12« Face à la paralysie momentanée de la lutte de classe, les révolutionnaires doivent s’armer de patience, ne pas craindre l’isolement, les pluies de critiques et d’incompréhensions ; ils doivent démasquer tous les ennemis du prolétariat, tous les pièges idéologiques, toutes les impasses, afin de participer, à la hauteur de leurs faibles forces, au développement de la conscience au sein de la classe ouvrière. Ceci avec la conviction que seule la lutte de classe est capable d’ouvrir une perspective d’avenir pour l’humanité »
13Texte du site « Carbure » (!?) dont je traite par après mais fort intéressant sur d'autres aspects. https://carbureblog.com/2019/01/22/gilets-jaunes-et-theorie-1-theses-provisoires-sur-linterclassisme-dans-le-moment-populiste

14https://carbureblog.com/
15Mon « précis de communisation », publié en 2008, en ce sens, n'a pas pris une ride. J'y fustigeais les Dauvé et Nézic, (Trop loin) ; Roland Simon et sa ridicule « Théorie communiste » (il semble avoir rejoint les décoloniaux), les plumitifs des ed Senonnevero, et des machins disparus : Meeting (2004-2008).
16Les gauchistes chantent toujours que la grève générale rêvée déclenchera la révolution, or, en mai 68 c'est d'abord la violence de la répression qui déclenche le mouvement et c'est la grève généralisée qui mène à la fin du mouvement !
17C'est d'ailleurs tout à l'honneur du CCI, malgré les critiques que je porte à ses analyses faiblardes, d'avoir bien dénoncé la répression d'Etat : https://fr.internationalism.org/content/9806/repression-policiere-contre-gilets-jaunes-lordre-va-t-il-regner-a-paris

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