PAGES PROLETARIENNES

mardi 5 février 2019

Elle est déjà finie leur grève générale ?


« Lorsque les gilets jaunes virent arriver la CGT, ils se dirent le gilet est des nôtres ».
Proverbe turc

Le canular raté de l'appareil syndical

On m'a viré du groupe de soutien à Eric Drouet parce que j'ai osé dire que Drouet s'était pris pour Bonaparte à l'assaut de l'Elysée où Macron « attendait qu'il vienne le chercher », et parce que j'ai aussi estimé que la nouvelle coqueluche en jaune à la mode des médias – mis en selle par Drouet – un jeune avocaillon du nom de François Boulo, se prenait à son tour pour Napoélon.
Les créateurs de groupes de discussion vont être bientôt aussi nombreux que les disputailleurs. Il s'en crée tous les jours, et cela donne parfois des croisements cocasses où quelqu'un vous répond alors que vous ne l'avez pas sonné ni interpellé.

Elle est donc terminée, sobrement ce mardi soir, la simple et traditionnelle « journée d'action » CGT que d'aucuns qualifièrent de « gréve générale » illimitée – TOUS ENSEMBLE (et avec
Besancenot toujours sur son petit strapontin
n'importe qui) - avec trois fois moins de manifestants que le dernier samedi en jaune d'enterrement et de salut aux estropiés (on regrette que la police n'ait pas comptabilisé les faux gilets jaunes ou le nombre de syndicalistes déguisés).
La CGT et deux ou trois confréries syndicales corporatives du NPA mais aussi une foule d'internautes avaient tant salivé à cette blague de « convergence des luttes » inventée par l'appareil CGT ; et aussi notre nouveau président de Groland BFM, l'avocat François Boulo (voir son appel comique troupier ci-joint aux couleurs nationales, vu par un million huit cent mille internautes!) . Il faut reconnaître qu'on vit dans un monde schizophrénique où des univers différents évitent de se côtoyer. Il y aurait parait-il un grand débat national citoyen alors que tous les soirs les chaînes d'infaux ne diffusent qu'un soliloque d'un type qui se fait passer pour le président de la France, jusqu'à saturation. L'overdose du pédagogue bavard en costard-cravate qui-a- réponse- à-tout fait monter le score des chaînes diffusant des feuilletons américains, mais cela la SOFRES ne sait pas le comptabiliser. Marginalement une « famille » gilet jaune organise aussi son débat « citoyen » avec une possible synthèse électronique dans un mois, quand la synthèse gouvernementale elle sera tout simplement improbable et noyée.

Panneau typique sur FB, ce qui s'appelle "tomber dans le panneau".
De l'invention de la grève perlée à celle de la grève pleurée

Les grands penseurs de la CGT – qui innovent à chaque fois pour converger vers la défaite – ont imaginé faire contrepoids au samedi en gilet jaune par un semainier en badge CGT. Il s’agit là d’un premier « mardi de l’urgence sociale », que la CGT propose de réitérer chaque semaine, en parallèle au grand débat national organisé par l’exécutif, qu’elle boycotte, et pour niquer l'exclusivité des weekends en gilets jaunes. L'appareil syndical dit préférer réclamer « sur le bitume » des revendications que partagent les « gilets jaunes » : augmentation du smic, réforme de la fiscalité, rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), développement des services publics, liberté de manifester, et les noyer dans des actions tout azimuts et sans aucun sens , comme elle a su si bien désorganiser toute lutte commune sur les retraites et enterrer lentement et à petit feu la protestation des cheminots.
Le sosie de Staline, moustache d'époque certifiée mais gentil comme tout1, Martinez, a rappelé que des «convergences» étaient prévues entre les «gilets jaunes» et les manifesttaions dans «une trentaine de départements»: «je suis intéressé par le mouvement quand il porte des revendications sociales, mais je ne suis pas fasciné par une minorité qui porte autre chose, qui ne fait pas partie des valeurs de la CGT», ajoutant que les mobilisations «le samedi, c'est bien, mais la semaine, c'est mieux». Le bonze syndical n'a pas dit combien de militants avaient été chargés d'enfiler le gilet jaune.
Plus de 160 défilés d'encartés ont été organisés partout en France. A Paris, le cortège est parti à 14 heures de l’Hôtel de Ville en direction de la place de la Concorde. Il a rassemblé à peine une dizaine de milliers de personnes, avec quelques tâches jaunes au milieu. L'enfumage de la convergence des non luttes syndicales et de la protestation en gilet jaune n'a donc pas trop réussi, sauf chez les commentateurs journalistes et les idiots porteurs accessoires de gilets jaunes. A Marseille et Lyon le syndicat a surtout draînés ses badgés habituels, retraités et employés municipaux.
Proclamé avec Solidaires et une partie de Force ouvrière, soutenu par le NPA, le PCF et la France insoumise, cet appel à la grève nationale a été repris par les gilets jaunes sur les pages Facebook dédiées au mouvement. Eric Drouet, une des tronches vues à la télé, faisait rêver ses potes à partir de la caméra de son portable depuis la fin du mois de janvier pour faire de balade CGT le point de départ d'une grève générale illimitée, notion à laquelle il n'avait pourtant jamais réfléchi de sa vie. Un autre bateleur de foire en rajoutait :
« Un sacrifice à faire aujourd'hui pour notre avenir et celui de nos enfants et petits enfants », estimait François Boulo, avocat porte-parole des jaunes gilets à Rouen à l'initiative de cet embryon de convergence des colères, syndicales et non syndicales. L'avocat de 32 ans croyait à un "moment historique" et semblait, par cette initiative, en vue de ravir la casquette à Fly rider au sein du mouvement bigarré qui jusqu'ici avait peiné à faire émerger des leaders incontestés. Cet homme, âgé d'à peine 32 ans, alla jusqu'à affirmer « on vote depuis 40 ans et on est trahi nous les classes moyennes ». Ce n'est un secret pour personne il était déjà citoyen dans le ventre de sa mère.

Les journalistes étaient persuadés que les gilets jaunes ne boudaient plus les syndicats

Tout était parti d'une vidéo publiée le 22 janvier par Le Média, un site d'informations proche de la France insoumise. Dans cette séquence visionnée près de 2.000.000 de fois, ce sous-marin de LFI, François Boulo estimait qu'il était «  temps que la résignation change de camp et d'en revenir au respect de l'article 2 de notre Constitution selon lequel le principe de la République est: 'gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », du Mélenchon et du Maduro mélangé. Il préssentait la grève générale illimitée comme le seul moyen de gagner la bataille, aussi l sortit-(il de son chapeau. La vidéo qui aurait fait mouche dans le marais des gilets jaunes. Outre Éric Drouet qui, lui aussi avait sorti le concept de grève générale illimitée de sa casquette de routier, sans nommer les syndicats, avait rapidement appelé à la mobilisation, de nombreux internautes se sont emparés du sujet, voyant en cette promesse de grève générale illimitée et miraculeuse une façon de se renouveler, mais surtout de contraindre l'enfermé de l'Elysée à accéder à leurs revendications confuses.

« BON. On a tous compris que les choses sérieuses commencent MARDI 5 FEVRIER avec la Grande Grève Générale Illimitée!", lance par exemple un gilet jaune radical sur la page Facebook "La France en colère - Carte des rassemblements", une des plus populaires du mouvement. Son message a été partagé près de 3000 fois et a suscité quelque 1500 commentaires, un nombre d'interactions assez élevé pour une personne qui ne fait pas partie du quintette des visages connus de la mobilisation à l'image de Maxime Nicolle, Priscillia Ludosky ou encore du galeux Benjamin Cauchy.
L'appel de François Boulo avait, supposait-on, créé une petite brèche dans la défiance qu'entretenaient les gilets jaunes envers les syndicats. Sachant que l'extinction des révoltes sociales vient toujours des camions à eau des pompiers de gauche, l'avocat tendait ses bras fragiles sur la nomenklatura syndicale. Les sondages réptés de Drouet depuis son camion semblaient confirmer une ouverture de la masse en jaune à communier avec les appareils syndicaux.
Au-delà de ces appels à cesser le travail pendant une durée indéterminée qui, malgré une forte mobilisation virtuelle allaient perdre des plumes à l'épreuve du terrain et du réel, certains internautes plus avisés plaidaient pour une grève bobo naturopathe de la consommation. Celle qui consiste à ne plus faire ses emplettes dans les hypermarchés pour privilégier les producteurs locaux et autres circuits courts. Une façon de s'en prendre, là aussi, à l'économie du pays macronien, stratégie notamment défendue par Maxime Nicolle à l'initiative du "référendum des percepteurs" ou Priscillia Ludosky, fervente défenseure des blocages de ports, frontières et autres points sensibles pour le transport de marchandises.

Moi président gilet jaune.
Boulo, en tête d'un sondage organisé par Drouet

Selon une presse légère et provinciale hésitations stratégiques et atermoiements auraient fécondé la divine apparition de l'avocat rouennais François Boulo qui semblait fédérer dans sa Normandie natale tous les adeptes d'un langage châtié, davantage que les porte-parole officieux de la contestation. Il est peu à peu devenu une star des pages Facebook dédiées au mouvement. Ses interventions médiatiques, pourtant pleurnichardes citoyennes, se diffusèrent comme des traînées de poudre sur les réseaux sociaux ; la traînée de poudre est bien lamentable, je vous en inflige des extraits seulement en note2. Des extraits qui servent à louer, n'est-ce pas, la clarté et la combativité du jeune avocat, finaliste en 2014 d'un concours d'éloquence!
Il a également été adoubé par le tronc télé, sans doute le plus connu du mouvement anti-taxe, Éric Drouet. Le chauffeur-livreur qui avait notamment vanté les mérites de la prestation de l'avocat dans l'émission exceptionnelle de "Balance Ton Post" avec le fin Cyril Hanouna et la brillante sous-ministre Marlène Schiappa, a notamment effectué un sondage depuis son camion pour savoir quel serait le meilleur représentant du mouvement à la télévision. François Boulo est arrivé largement en tête des votes. Il a recueilli deux fois plus de voix que les mousquetaires Drouet, Rodrigues, Ramous, Nicolle, Ludosky.

François Boulo avait fustigé, lors d'une magnifique apparition télévisée, l'idée de créer une liste 3. Ce qui ne l'avait pas empêché ce jour devant les caméras de BFM de déplorer les mille blessés policiers et les suicides dans la police qui sont certainement la première préoccupation des manifestants tabassés et gazés par ces mêmes policiers (un avocat ne défend-il pas n'importe quelle cause?); il aura tout le temps de pleurer la grève générale illimitée et disparue avant d'être née.
gilets jaunes ou apparentée aux élections européennes 2019, expliquant que le "seul moyen de se faire enfin entendre par le pouvoir exécutif" était "la grève générale illimitée", idée absconse dont il n'avait pourtant jamais eu connaissance ni souci pendant ses études d'avocat. Ce mardi soir on peut penser raisonnablement qu'il pourra ranger sa robe et son bavoir d'avocat dans sa penderie en n'oubliant pas d'y mettre des boules de naphtaline, et aussi qu'il devra penser à se recycler ailleurs que dans les matinales des radios périphériques

L'apolitisme un danger pour le prolétariat ?

Il y avait jusque là les appareils syndicaux pour se boucher le nez face à ces gilets jaunes louches et non badgés. Les syndicaux c'est normal ils sont les gardiens du prolétariat, chargés de le parquer par entreprises, par corporations pour assurer que la paix sociale est une garantie éthique qui empêche les gens de s'entretuer. Il y a pire que les syndicats toutefois, des sectes à la marge qui pensent à la place du prolétariat. Le CCI, dont je vous ai déjà vaguement parlé ici, a été très incommodé par la méfiance du politique de la part de ce marais gilet jaune composé surtout d'épiciers et d'ouvriers anti-immigrés.

« Comment expliquer une telle méfiance ? Totalement dégoûtés par des décennies de mensonges de la part des partis bourgeois officiels, par des tas de promesses jamais tenues suivies d’attaques systématiques bien réelles, par des affaires en tous genres et une corruption croissante, sans parler de la langue de bois des démagogues et la froideur des technocrates, cette partie de la population qui compose les “gilets jaunes” s’est sentie non seulement paupérisée mais aussi méprisée. Par un rejet quasi instinctif vis-à-vis des “politiques”, les “gilets jaunes” entretiennent finalement l’illusion qu’ils ne sont animés d’aucun “parti pris” politique, et se considèrent seulement comme de simples “citoyens” excédés par la misère et les taxes en tous genres. Ils ne chercheraient uniquement qu’à se défendre et à manifester leur colère »4.

Ce rejet n'est pourtant pas raisonné par les bestiaux gilets jaunes, c'est « instinctif », qui ont de plus le culot de se prétendre citoyens et qui ont la prétention de « se défendre », qualité comme l'on sait réservée à la seule classe ouvrière, la pure et l'incorruptible. Attention nous explique le rédacteur, c'est un mensonge cet apolitisme, au vrai c'est un nid de fachos qui veulent à tout prix la démission de Macron. En gros le même discours que tous les gauchistes et du NPA au début de la fronde des gilets jaunes, quand tous ces ânes ne voyaient que méprisable mouvement anti-taxes (qui servent à payer leur métier de profs) alors que des milliers d'ouvriers ne pouvaient plus faire le plein pour aller au travail... La réflexion n'a pas trop progressé dans la secte « internationaliste » et « prolétarienne » ! Ils ne sont pas tous fachos quand même ces anti-taxes ?
« En réalité, dans le mouvement composite et interclassiste des “gilets jaunes” n’existe pas une, mais des expressions politiques diverses et variées, un véritable kaléidoscope reflétant les nuances multiples provenant des couches intermédiaires que forment notamment la petite bourgeoisie et dans laquelle se sont égarés beaucoup d’ouvriers qui, en raison du vide laissé par la classe ouvrière, sont réduits à rester de simples “citoyens” attachés à la “nation” ».

J'eusse aimé qu'on m'explique ce « vide laissé par la classe ouvrière » - cette classe aurait-elle dû manifester à la place des gilets jaunes envoyés dans un goulag ? - et pourquoi tant d'ouvriers, intimement concernés par la hausse des taxes, sont ainsi méprisés de « s'être égarés » au milieu de (sales?) couches intermédiaires ?
Rien n'empêche les ouvriers qui participent ou ont participé à ce mouvement de poser leurs revdnications de classe, et ils l'ont fait souvent, et même de façon prédominantes ces derniers temps par rapport au gadget effectivement petit bourgeois du RIC, au point que le barnum CGT est venu pour conforter l'aile petite bourgeoise avec sa revendication de citoyenneté. L'apparition « fraternelle » de la CGT n'est pas en soi une « tentative de récupération » comme pourrait le laisser croire de vieux schémas applicables aux grèves, mais une manière autrement plus efficace que le mépris du CCI de flinguer la question de l'extension de la lutte (certes en grande partie minée par la revendication petite bourgeoise de la citoyenneté) au domaine de la lutte de classe prolétarienne. La CGT ne fait pas alliance mais contre-feu !

A la suite des éditorialistes de la presse bourgeoise la plus cucul la praline, notre contempteur de ces affreux gilets jaunes charges Maxime, Fly rider, de tous les péchès, de répandre des idées réactionnaires... Il ne faut pas quand même exagérer l'importance du bonhomme ; comme nobre de jeunes youtubers et autres internautes farceurs ils font circuler des fake news ou des conneries qui ne tiennent pas la route ; on ne peut leur reprocher les facilités vulgaires du net. Et de dénoncer une série d'apprentis politiciens, mais sans le démontrer ni nous expliquer pourquoi ils renoncent tous à tour de rôle.

LES GILETS JAUNES = souillure morale ?

« Une chose est certaine, le prétendu “apolitisme” n’a malheureusement pas d’autre effet que de déposséder les ouvriers mobilisés et de les diluer dans un magma informe, allant du lumpen proletariat aux petits patrons, en les privant de leur autonomie de classe et de leurs propres moyens de lutte. Comme elle n’est pas un mouvement de la classe ouvrière, cette protestation n’a pu prendre que la forme disséminée de piquets, d’attroupements, de poussées violentes et aveugles, de guérillas urbaines, de casse et de pillages sur fond de chants nationalistes et même parfois de propos xénophobes. Qu’un tel mouvement puisse s’accommoder d’expressions politiques réactionnaires et xénophobes de la pire espèce, de chants patriotiques et nationalistes sur les Champs-Élysées notamment, sans s’en démarquer ni les rejeter fermement de manière explicite, témoigne de la souillure morale qu’un tel mouvement, au-delà de sa colère légitime, peut véhiculer. Même si la période est totalement différente aujourd’hui, le prolétariat ne doit pas oublier que c’est au nom de “l’apolitisme” que le fascisme s’est imposé dans les années 1930 ».

Saisissons à la racine ce raisonnement machiavélique stupide. Il est en gros reproché aux ouvriers, qui ont participé souvent en grand nombre à la protestation, de s'être laissé avoir par « l'apolitisme » et de s'être privé de leur « autonomie de classe » ! Franchement c'est typique d'une vue de l'esprit d'intellectuel petit bourgeois, aussi incapable de juger autant des déterminations pour un ouvrier d'entrer en grève. Lorsque la lutte a commencé on ne s'est pas posé la question est-ce que c'est apolitique ou pas, la protestation contre la hausse de l'essence était son essence (philo) imbéciles ! La description qui suit a été faite par tous les journaux qui sont lus à Neuilly, quoiqu'avec un peu plus de diplomatie, ce sont les lecteurs carrément bourgeois qui au bas des articles dénonçanet des « poussées violentes et aveugles », « une guérilla urbaine » (ouh que ça fait peur aux membres en charentaises du CCI!), « casse et pillage sur fond de chants patriotiques et nationalistes » ! A ma connaissance même les gauchistes les plus critiques n'ont pas osé écrire des conneries pareilles dignes d'un instituteur pétainiste.

Le fascisme s'est-il imposé naguère grâce à l'apolitisme ?

Tiens voilou une nouvelle invention de la secte ! C'est la théorie des staliniens et de leurs héritiers maoïstes. Tout est toujours politique et celui qui refuse la politique (surtout celle du parti) est un fasciste. Il y aurait de façon prégnante un prétendu apolitisme qui sert à l’extrême droite pour se placer au-dessus de la mêlée et profiter de la défiance largement partagée (et justifiée !) à l’égard de la classe politique ; c'est attribuer bien trop d'importance aux agents électoraux de Mme Le Pen, qui veulent juste une proportionnelle intégrale dans le même régime capitaliste corrompu et sans le changer d'un iota. N'est pas Hitler qui veut.

Réduire la victoire du fascisme naguère à un viol des foules « apolitiques » est digne d'un psychiatre comme Reich mais pas très conforme à la vérité politique. Qu'il y ait un un rejet du politique après l'écrasement des spartakistes ne veut pas dire que c'est ce rejet qui a facilité la victoire du nazisme. Le nazime a opéré à un « remplacement » du politique ou même à un replacement. Les nazis reprirent à leur compte tous les supports symboliques révolutionnaires en y faisant passer leur programme réactionnaire. Ils avaient effectivement compris que devant des foules de plus en plus apolitiques, de moins en moins enclines à se donner les moyens de classe en vue d’une révolution communiste, il fallait jouer sur les sentiments, la croyance en une libération prochaine facile et méritée, faire naître un nouveau mysticisme issu de la religion, et non en appeler à leur raison matérialiste, comme les communistes l’ont cru à tort.
On ne peut pas imaginer que les faibles théoriciens proches du RN comme Chouard puissent faire rêver à un mysticisme citoyen rédempteur et émancipateur, ni que les appels de Jérôme Rodrigues à « un juste salaire » provoquent le nirvana des foules en gilets jaunes.

Le mouvement des gilets jaunes a certes fonctionné depuis le début sur la base de cliques d'amis, motards et routiers, et cela ne correspond pas à la manière de lutter de classe ouvrière qui se méfie des côteries, non seulement parce qu'elles ne sont pas démocratiques, mais parce qu'elles ne permettent pas une réelle délégation de responsabilités et de représentation. Les ronds points ont fonctionné comme les clubs sportifs du tout début du cercle dernier en maintenant un apartheid régional et sans vraies coordinations, ce qui n'a été entrepris que dans le cas de Commercy, expérience sur laquelle il faudra revenir sans la jeter à la manière du CCI comme simple socialisme municipal. Les gens venaient aux manifs en groupes sans concertation et repartaient dans leurs régions respectives sans qu'il y ait eu d'autres moments de rencontres que les bagarres avec les flics.
L'apolitisme était nommé en d'autres temps neutralisme. Ce neutralisme dans les années 1930 était anti-parlementaire et trouvait des partisans dans les deux extrêmes de l'échiquier politique, sans qu'on puisse le relier au seul fascisme. L'apolitisme est duplicité, il est rejet du politique mais pour faire rentrer une vraie politique par la fenêtre ; il peut être l'ambiguïté même d'un groupe révolutionnaire qui, se disant anti-syndical, n'en veut pas moins créer son propre comité syndical.
Les lieux de lutte des gilets jaunes ont pris, comme les groupes sportifs des années trente rétifs aux récupérations politiques facsistes ou staliniennes, une forme communautaire, de lutte contre la solitude, comme l'a fort bien remarqué Jérôme Rodigues. Cela, la secte politique ne peut pas le comprendre et condamne aussitôt comme « fasciste intégral » un mouvement dont elle a été absente et surtout qu'elle était bien incapable de comprendre avec son marxisme bègue et bête. Le souvriers aussi dans leurs longues grèves vivent et se réjouissent d'un aspect communautaire de la lutte, de se réchauffer ensemble autour d'un brasero, de ne pas s'endormir seul tous les soirs, de veiller tard en refaisant le monde.
L'apolitisme se conjugue aussi avec dépolitisation qui souvent mène à une re-politisation sur des bases plus saines ou enrichies des erreurs des périodes de « politisation » forcée et forcenée. Le mouvement gilet jaune a effectué un « retrait » du politique, qui n'est pas fini, qui montre de grands élans de naïveté comme témoigne ce désir de reconnaissance à travers un beau parleur comme l'avocat (quoique pour retomber dans la même mélasse politicienne). Le retour en politique ou la capacité à s'approprier en termes de classe la lutte politique dépend de l'existence de luttes de la classe (prolétarienne) ce qui est loin d'être le cas même s'il y a toujours des grèves, et de la capacité des révolutionnaires, s'il en reste, à comprendre que la classe ouvrière n'est pas seule victime du capitalisme. Le CCI, avec son raisonnement d'enfermé, c'est un Krontsadt par semaine et des goulags mentaux en permanence.
L'apolitisme a de solides lettres de noblesse. L'Espagne depuis les années 1870 est considérée comme apolitique, ce qui expliquera la pénétration rapide de l'anarchisme et sa grande influence contrairement aux autres pays européens. L'insubordination y est longtemps la seule forme d'expression politique des masses. Lorsque la CNT est créée en 1910, son programme tient en trois mots : fédéralisme, action directe et apolitisme. Au début ce mouvement est contre toute forme de terrorisme et se cantonnera dans un réformisme prudent, ce qui n'empêche pas la CNT d'adhérer carrément à l'Internationale communiste en 19205.

Il ne faut pas mépriser l'apolitisme en général, il y a des apolitismes qui ne peuvent nous leurrer, qui peuvent véhiculer n'importe quoi. Il y a un apolitisme historique et traditionnel dans le prolétariat, chose remarquée par Trotsky durant la révolution russe, preuve que cette classe ne peut pas vivre seulement de politique et première candidate à la fin de la politique. Même ceux qui se vivent comme apolitiques ne sont pas hors de la société politique, ni des fachos déguisés, cela c'est la théorie stalinienne qui l'affirmait. La secte CCI elle s'inscrit dans le même genre de croisière morale avec des termes de curés (souillures, effluves nauséabondes..)6. En réalité ils sont frustrés de ne pouvoir mobiliser personne avec leurs concepts étriqués et mettent tout sur le dos d'un apolitisme manipulé, alors que celui-ci n'est ni artificiel ni manipulé.

UN DES PIRES CONCEPTS GAUCHISTES !

« Dans un contexte où la classe ouvrière a perdu pour l’instant son identité de classe, sans pour autant avoir subi une défaite, de telles effluves nauséabondes ne peuvent que présenter de très grands dangers : naturellement, ceux de la division entre les fractions qui cèdent aux pires sirènes nationalistes et xénophobes d’un côté, et de l’autre, ceux qui s’accommodent de l’idéologie démocratique, c’est-à-dire du masque hypocrite de la dictature capitaliste, un système qui n’a d’autre possibilité à offrir qu’une barbarie croissante. La réalité, c’est que la classe ouvrière a besoin d’une réelle politisation de sa lutte ! Elle a besoin de renouer avec ses propres méthodes de combat, son propre projet politique révolutionnaire ».
On a une classe qui a perdu sa carte d'identité, va-t-elle la réclamer au commissariat du coin ? Mais jamais défaite, quoique la plupart des grèves aient échoué depuis des décennies. Deux dangers, d'un côté des ouvriers racistes, de l'autre des démocrates à lacon. Classe ouvrière bête, donc il faut la « politiser » ; c'est ce genre de slogan que hurlaient les sergents recruteurs trotskiens et maoïstes en 1968 et dont RI (ancienne série) s'était moqué ; voilà qu'on nous ressort cette ânerie qui vise à d'une manière ou d'une autre à conscientiser des idiots, et qui reflète bien leur incapacité à analyser le mouvement d'insubordination, ses enseignements malgré ses contradictions et aussi des efluves nauséabonds (il y en a aussi dans n'importe quelle grève). En appeler enfin à un mouvement prolétarien pur de toute « souillure » des autres classes et complètement autonome ou vacciné contre d'éventuelles infections morales, tel est bien le délire d'une secte devenue anti-marxiste.

Finalement, comme vous venez de vous en rendre compte ce mouvement historique des gilets jaunes n'est pas si ennuyeux ni si apolitique qu'on veut bien le dire, et nous incite encore et toujours à continuer à réfléchir plus loin et dans une perspective autrement subversive que les éventuelles synthèses du gouvernement Macron et de nos sages gilets jaunes collecteurs d'avis et de contre-avis sur les solutions à apporter à une France en crise quoique en oubliant que c'est le monde entier qui est en crise.

EXTRAIT DE ROSA LUXEMBURG

« Les pôles opposés en apparence non seulement ne s'excluent pas, mais encore se conditionnent et se complètent réciproquement. Pour la conception anarchiste des choses en effet, la spéculation sur le « grand chambardement », sur la révolution sociale, n'est qu'un caractère extérieur et non essentiel; l'essentiel, c'est la façon toute abstraite, anti-historique, de considérer la grève de masse ainsi d'ailleurs que toutes les conditions de la lutte prolétarienne. L'anarchiste n'envisage que deux conditions matérielles préalables de ces spéculations « révolutionnaires » : c'est d'abord « l'espace éthéré » et ensuite la bonne volonté et le courage de sauver l'humanité de la vallée de larmes capitaliste où elle gémit aujourd'hui. C'est dans cet « espace éthéré » que naquit ce raisonnement il y a plus de soixante ans déjà que la grève de masse était le moyen le plus court, le plus sûr et le plus facile de faire le saut périlleux dans un au-delà social meilleur. C'est dans ce même « espace abstrait » que naquit récemment cette idée, issue de la spéculation théorique, que la lutte syndicale est la seule réelle « action de masse directe » et par conséquent la seule lutte révolutionnaire - dernier refrain, comme on. sait, des « syndicalistes » français et italiens. Le malheur a toujours été pour l'anarchiste que les méthodes de lutte improvisées dans l' « espace éthéré », se sont toujours révélées de pures utopies, en outre la plupart du temps, comme elles refusaient de compter avec la triste réalité méprisée, elles cessaient insensiblement d'être des théories révolutionnaires pour devenir les auxiliaires pratiques de la réaction.Or c'est sur le même terrain de la considération abstraite et sans souci de l'histoire que se placent aujourd'hui d'une part ceux qui voudraient déclencher prochainement en Allemagne la grève de masse à un jour déterminé du calendrier, sur un décret de la direction du Parti, et d'autre part ceux qui, comme les délégués du Congrès syndical de Hambourg veulent liquider définitivement le problème de la grève de masse en en interdisant la « propagande ». L'une et l'autre tendances partent de l'idée commune et absolument anarchiste que la grève de masse n'est qu'une arme purement technique qui pourrait à volonté, selon qu'on le juge utile, être « décidée » ou inversement « interdite », tel un couteau que l'on peut tenir fermé pour toute éventualité dans la poche ou au contraire ouvert et prêt à servir quand on le décide. Sans doute les adversaires de la grève de masse revendiquent-ils à juste titre le mérite de tenir compte du terrain historique et des conditions matérielles de la situation actuelle en Allemagne, par opposition aux « romantiques de la révolution » qui planent dans l'espace immatériel et se refusent absolument à envisager la dure réalité, ses possibilités et impossibilités. « Des faits et des chiffres, des chiffres et des faits », s'écrient-ils comme M. Gradgrind dans Les Temps difficiles de Dickens. Ce que les adversaires syndicalistes de la grève de masse entendent par le « terrain historique » et les « conditions matérielles », ce sont deux éléments différents : d'une part la faiblesse du prolétariat, de l'autre la force du militarisme prussien ». (Grève de masse, chapitre II).

NOTES

1Il n'enverrait même pas une mouche dans un goulag.
2« Ce jeune homme est extraordinaire, une analyse juste de la réalité et une capacité oratoire exceptionnelle...un exemple pour tout citoyen démocratique.(...) «  il est sorti avocat au barreau de Rouen, représentant des gilets jaune en haute Normandie, ce n est pas l'image que s'efforcent de véhiculer l ensemble des médias !!! Gilets jaune = beaufs, sans diplôme, casseurs.... »
Fatima : « Bravo Monsieur j'aime vous entendre parler c'est très clair je vous regarde à TV et à chaque je suis ravie car même face à l'adversaire vous arrivez à être dominant bravo bravo !!!!! »
Un autre dégouline de poésie cathare :
« Les larmes de la combativité coulent en t'écoutant François.. Nous sommes fiers d'avoir un digne représentant de nos valeurs communes! Tu es légitimement à ta place car tu connais le fond du problème.Nous suivrons cet appel et nous le relayerons..Pour qu'enfin le peuple reprennent ses droits!Fier d'être gilet jaune,fier d'être résistant et fier de toi pour toujours.A bientôt mon ami.Force et courage à tous!!!Nous y arriverons! »
« IL EST GRAND TEMPS DE RÉAGIR !MERCI FRANCOIS !Ce gouvernement d'irresponsables, totalement incompétents à sortir «politiquement» d'une crise provoquée directement par son manque de responsabilité dans la gestion des événements et sourd à toutes les demandes clairement formulées par une grande majorité de la population ... est en train de nous conduire à la «catastrophe» sociale, environnementale et économique !Il est grand temps de lui reprendre les 'clefs de la maison France ». « Ne plus allez au supermarché et favoriser les petit commerçant ». « Bravo Mr boulot (sic) quel réel plaisir de vous entendre!Votre argumentaire ainsi que votre calme sont un exemple de ce qui doit être fait et dit. Surtout ne faiblissez pas et ne doutez jamais de notre cause qui est à mon sens la plus noble qui soit. ». Et moi diplomate je leur ai répondu sous plusieurs variantes ceci : « « c'est beau comme un avocaillon bien propre sur lui, débitant les plus creuses banalités politiciennes peut enflammer tant de puceaux politiques, en fait c'est le meilleur croque-mort qu'il fallait à ce mouvement sans colonne vertébrale. Il a d'ailleurs un aspect Chirac! je me marre ». Il n'y a pas que des moutons de Panurge, on lit ceci d'un autre internaute dubitatif : « Depuis le début, il répète exactement les même revendication,celle des gilets jaune. Quelque soit l émission ou il est interwieuver, il répète les 4 mêmes revendications que les gj scande depuis 2 mois. Pour un avocat qui doit bien gagner sa vie, cela paraît démagogue. Peut-être cherche t-il plus de clients parmi les GJ ou même vise t-il pour plus tard le poste de Président ?? ». Y A DU BOULOT EN EFFET ?
3Il avait déjà informé ses groupies de facebook de ses apparitions au cours de la grève générale « illimitée » de ce pauvre mardi cégétiste : « [À ÉCOUTER] Retrouvez-moi ce mardi matin entre 6h30 et 11h00 dans les différentes matinales de France Inter, France Info, Radio Classique, France Bleu Haute-Normandie et sur Kernews (en région nantaise).J'aurai l'occasion d'évoquer cette première journée de grève illimitée du 5 février 2019.#GiletsJaunes #GreveNationaleIllimitee #OnLacheRien #5Fevrier2019 #TousUnis
4http://fr.internationalism.org/content/9836/mouvement-des-gilets-jaunes-lapolitisme-danger-proletariat
5https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1936_num_1_5_5659
6On croirait lire des pages du Parisien libéré d'il y a 40 ans : « Le prolétariat ne doit donc pas se fourvoyer dans des pratiques de guérilla urbaine enfermée par les slogans nationalistes de la petite bourgeoisie haineuse et révoltée, mais au contraire s’ouvrir sur un mouvement massif à vocation internationale, un mouvement unitaire dont la perspective est l’abolition consciente des rapports sociaux capitalistes ». Cela me rappelle la liste des péchés dans mon missel d'enfant : « tu ne dois pas t'enfermer dans la haine mais t'ouvrir au bonheur que te réserve le Seigneur ! ».

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