PAGES PROLETARIENNES

dimanche 13 janvier 2019

ET VOUS CROYEZ QU'ON VA PERDRE NOTRE TEMPS A DISCUTER AVEC NOS OPPRESSEURS ?


À Laura Sanz (ouvrière espagnole en voyage à Paris, tuée dans l'explosion rue Trévise)

« Dans notre démocratie, la presse est libre » ministre de l’Intérieur Castaner sur Twitter.

« Ont-ils jamais vu une révolution, ces messieurs ?Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit, c'est l'acte par lequel une fraction de la population impose sa volonté à l'autre au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s'il en est; et le parti victorieux, s'il ne veut pas avoir combattu en vain, doit continuer à dominer avec la terreur que ses armes inspirent aux réactionnaires. La Commune de Paris eût-elle pu se maintenir un seul jour si elle n'avait pas usé de l'autorité d'un peuple en armes contre la bourgeoisie ? Ne faut-il pas, au contraire, la critiquer de ce qu'elle ait fait trop peu usage de son autorité ? ». Marx


Tout le monde s'attendait à des morts pour l'acte IX du mouvement. On dramatisait à outrance sur une possible venue de Josh Vandale, le manouche avec son fusil à canon scié, peut-être aussi des black blocs avec de vraies armes létales. La violence allait monter d'un cran. Hélas elle est venue là où on ne l'attendait pas, de la terrible explosion accidentelle rue de Trévise. Le drame n'a nullement entraîné une interprétation complotiste comme le supposa une de mes interlocutrices bourgeoises du côté de la place de l'Etoile. L'explosion de gaz a tout de même fait passer au second plan, il faut le dire, cette journée en gilet jaune. Le pouvoir et ses journalistes ont d'ailleurs pleinement joué de ce fait divers tout au long de la journée, comme ils savent si bien le faire tout au long de l'année en laissant toujours la primeur aux faits divers par rapport aux sujets de fond. Les politiciens au pouvoir et dans l'opposition n'aiment jamais tant que plastronner avec leurs condoléances hypocrites. Mais du même coup, paradoxalement, alors qu'il y a eu autant de violences dans les grandes villes de province, ce coup de grisou a ramené le mouvement à Paris à un comportement plus pacifique, ce qui a même obligé les journalistes menteurs à en saluer la candeur.
La candeur temporaire n'élimine pas la rage contre la police hexagonale arrogante et le pouvoir cynique avec près de 300 vidéos recensées de violences policières depuis le début où l'on voit des policiers violer tranquillement leur propre légalité bourgeoise, quand ont été opéré 5600 gardes à vues, prononcées 1000 condamnations, près de deux cent manifestants jetés en taules, 64 amputés (Oeil, main ou pied) Amputations par altercation avec non pas des forces d'ordre mais des forces de destruction des humains appauvris et humiliés.

Le fleuve coule toujours, avec ses divers chefs petits-bourgeois qui multiplient les lieux de rassemblement et charrient comme principal slogan réactionnaire le Ric du Chouard louche dont l'allure rappelle bien celle d'un Chouan ou d'une chouette pas chouette. Les promenades finissent par être aussi lassantes que faire le pied de grue sur les ronds-points ; j'ai assisté à la dissolution de la manifestation sur les Champs ce samedi, vers à peine seize heures les gens repartaient en ne voyant pas l'intérêt de rester se bastonner avec la police. Même les confrontations sanglantes sont lassantes en fin de compte et stériles, mais révoltantes pour les blessés et les amputés qui vont se retrouver tôt ou tard seuls avec leurs infirmités. Certaines personnes touchées par un flash ball meurent quelques jours après et personne ne sera là pour en parler1.
Il faut le dire sans trembler ni s'en offusquer, une révolution ne peut commencer que s'il y a des morts en grand nombre. Tous les gouvernants « républicains » l'ont appris à l'école depuis la fin du 19ème siècle. En l'état actuel des choses, nous pouvons dire qu'elle est encore loin la révolution, surtout aux plus immédiatistes de nos gilets jaunes ; surtout que, en plus, les petits leaders autoproclamés de la PME (Priscilla-Maxime-Eric)  avec leur slogan chimérique et publicitaire en sont les premiers opposants puisqu'ils visent à replâtrer la vitrine fissurée de la démocratie bourgeoise, j'ai bien dit replâtrer et même pas remplacer le verre brisé.

Je dois dire que j'ai vécu cette journée avec le bourdon. En premier lieu je me suis rendu à Fleury-Mérogis croyant qu'il y aurait quelques caravanes de fiers manouches et au moins une poignée de gilets jaunes venus crier leur soutien au courageux boxeur. Personne. Devant moi s'étendait une vaste ville pénitentière environnée de barbelés et de caméras avce un immense parking. Une voiture de police arriva vers moi. Les policiers me demandèrent mon appareil photo sur lequel ils effacèrent la photo que je venais de prendre quoique je leur ai confirmé que je ne suis point un espion russe. Puis je suis retourné sur Paris où je me suis garé rue Mozart. Pour une fois que j'allais en manif en bagnole, avec le risque qu'on crâme mon tacot diesel entre deux limousines, j'ai versé mon écôt à l'horodateur du quartier bourgeois et j'ai remonté les belles avenues avec le gilet jaune dans mon sac. Voyant toute cette opulence, ces bâtisses ruissellant de pognon, me faufilant entre ces robocops nombreux et aussi impressionnants que les chevaliers des princes au Moyen âge, je me disais : « une révolution face à ces monstres de bourgeois si bien protégés, avec leurs milliers de flics, l'armée peut-être un jour... on ne la verra pas avant 500 ans la prochaine révolution ! ». Si révolution il y a à l'avenir, elle ne pourra pas se produire avec les baïonnettes du temps de Karl Marx ni nous rejouer la Commune de 1871, sinon elle sera terminée avant d'avoir commencé.
Sur la place du Trocadéro, me faufilant encore entre deux rangées de robocops, je vis une bourgeoise s'écrier face aux cognes : « ne vous inquiétez pas ! Nous on vous aime ». Les robocops s'inclinèrent humblement comme au passage d'un princesse. Moi je n'étais pas tranquille, ma réserve de dose de sérum physiologique, planquée dans mon slip, venait de glisser au bas de mon pantalon. Je me plaçai derrière le kiosque pour récupérer les petites fioles.

Mais la dispersion se faisait déjà pour tous ceux qui se refusent à être des casseurs. Il y avait pourtant toujours cet air de fête dans les têtes. J'eus plusieurs discussions passionnantes tant avec mes amis gilets jaunes qu'avec tel ou tel bourgeois intelligent et pas sectaire. Laissons de côté ma petite balade. Voyons les formes de structuration en route, puis de soutien au mouvement et les doctrinaires qui se permettent de le dénoncer sans le respecter.

QUELLES STRUCTURATIONS DU MOUVEMENT ?

On a vu que le clan Drouet-Maxime-Priscilla d'était scindé en deux propositions, l'une pour la démonstration à Bourges, qui a un sens positivement affaibli le potentiel de violence sur Paris et à un niveau plus important à mon sens que la malheureuse explosition rue de Trévise. La manifestation à Paris partie de Bercy n'a rien apporté de spécial, elle en est restée au niveau d'un banal défilé syndical sauf que le signe RIC remplace CGT. On a appris qu'il y aurait sésormais un SO avec bandeau blanc au bras, ce dont se sont largement félicités les journalistes haineux.
Plusieurs camarades et amis sur le web m'ont fait parvenir des écgos d'une expérience qui se déroule dans la Meuse2.
« A Commercy, les «gilets jaunes» expérimentent la démocratie directe de l’assemblée populaire
11 janvier 2019 . Dans cette petite ville de la Meuse, les « gilets jaunes » ont créé depuis deux mois une assemblée populaire et citoyenne. Le modèle fait école : le 26 janvier, une trentaine de délégations venues de toute la France se réuniront à Commercy. Reportage sur ce que certains gilets jaunes définissent comme un « municipalisme libertaire ».
Commercy (Meuse), de notre envoyé spécial.– Il est 17 h 30 ce mercredi, la nuit vient tout juste de tomber, et l’assemblée générale peut commencer. Une cinquantaine de « gilets jaunes » sont massés autour de braseros devant la « cabane » également dénommée « chalet de la solidarité ». C’est une cabane de planches construite dès le 20 novembre dernier, sur la place centrale de Commercy, à une portée de slogan de la mairie. Durant deux bonnes heures, un solide ordre du jour va être examiné, rythmé par des votes successifs.
Petite ville ouvrière (5 700 habitants), ayant vécu deux décennies de crise et d’effondrement industriel, Commercy s’est fortement mobilisée comme tout le reste du département de la Meuse dès le 17 novembre. « Les trois principaux ronds-points donnant accès à la ville ont été bloqués et puis des centaines de personnes ont continué. Et ça ne s’arrêtera plus ! » résume René, qui est ce soir l’un des deux animateurs de l’« assemblée populaire », accompagné d’un modérateur et d’un jeune chargé du compte-rendu qui sera le lendemain posté sur Facebook sur la page du groupe « Gilets jaunes de Commercy ».
« Quand j'ai tout payé, il me reste une patate pour faire le mois »
Emmanuelle se définit comme « gilet jaune à 100 % et seulement gilet jaune ». Cela sonne comme une mise en garde. « Je ne veux pas être récupérée. Ne pas être un parti, c'est cela la force de ce mouvement », dit-elle. Car dans ce collectif de plusieurs dizaines de personnes, qui s'est soudé durant les semaines de luttes et de manifestations, cohabitent les couleurs politiques les plus diverses : un ancien militant du NPA, un Insoumis de la première heure qui fut même le candidat de la France insoumise aux dernières législatives, des électeurs de la droite, des écologistes qui sont de tous les combats à Bure, dans le département, où est projeté un centre d'enfouissement des déchets nucléaires.
« Oui, et il y a même sans doute des gens qui ont voté Front national parmi nous, dit René, enseignant à la retraite. Et alors ? Nous ne sommes pas là pour demander l'étiquette politique de chacun. Les gens ne veulent plus entendre parler de ça. Ce qui nous rassemble est un combat social et démocratique: contre des impôts injustes, des taxes qui frappent les plus fragiles, pour le pouvoir d'achat, pour un changement complet du système politique. »

« Pourquoi cette expérimentation d’assemblée populaire se fait-elle à Commercy et pas ailleurs ? Personne n’a véritablement la réponse même si des pistes sont avancées par les uns et les autres. Une vieille culture ouvrière dans une ville qui a connu une profonde crise ; une envie de solidarité dans un territoire oublié par les pouvoirs publics ; le réveil d’une ville longtemps à gauche qui a basculé à droite et où les partis classiques sont désintégrés…
Tout cela a sans doute pesé. Tout comme l’existence d’un groupe qui a monté depuis un an une association dénommée « Là Qu’on Vive ». « C’est un lieu où toute personne est libre de venir sans se sentir jugée pour sa classe sociale, ses origines, ou son genre ; un espace où on peut de nouveau se rencontrer, discuter ensemble, apprendre à se connaître, et surtout : réapprendre à faire ensemble, en partageant savoirs et savoirs-faire, sans qu’il y ait de chef·fe. », dit ce groupe associatif.
Le projet a grandi, l’association vient d’acquérir une maison en centre-ville . Accueil des enfants, soirées, cycles de conférence, invitation de collectifs, d’auteurs ou d’artistes. « De fait, au fond de notre tête, on rêvait un peu de créer un jour une assemblée populaire », dit Claude, membre de l’association ayant rejoint la « cabane ». « Et le mouvement des gilets jaunes est parti, les gens sont sortis dans la rue, c’est allé encore plus vite. On a voulu en faire une colère d’automobiliste contre la taxe carburant, or c’est tout de suite devenu un énorme mouvement social. »
Est-ce ce collectif « Là Qu’on Vive » qui a théorisé ce que quelques gilets jaunes appellent le « municipalisme libertaire » « Non, c’est plus simple que ça,dit Jonathan, mais des gens sont venus nous voir, une étudiante belge par exemple, ils nous ont parlé de cela, de différents modes d’auto-organisation, du Chiapas, du Rojava même [région kurde au nord de la Syrie – ndlr]. Nous, nous avançons pas à pas. Il faut prendre le temps, écouter tout le monde et faire que tout le monde décide. »
Contrairement à mes correspondants, j'avoue être peu intéressé par ce nouveau « socialisme municipal ». On a affaire ici au pendant des charlatans du RIC : il n'y a ni auto-organisation ni un quelconque « partage du pouvoir » à imaginer tant que l'Etat est là droit dans ses bottes et inexpugnable. Construire quelque chose dans l'isolement, ou même avec des liens entre lieux différents sans lutte d'ensemble puissante et au non de la citoyenneté bourgeoise peut sans doute occuper quelques retraités et jeunes désoeuvrés, mais ne change en rien un rapport de force entre un Etat omniprésent et menaçant face à une masse de la population sans véritables idées directrices, sans vrai but politique clair. Il existe aussi une méfiance tâtillonne vis à vis de ceux qui se prennent déjà pour des caïds3. En gros je ne pense pas que sans l'affirmation du prolétariat, ce genre d'organisme soit un élément de force du mouvement, mais, sur place, il faut y participer sauf à vouloir rester un doctrinaire impuissant.

LES SOUTIENS PERIPHERIQUES

Les pétitions sont à la mode, les récoltes d'argent aussi. Méfiance, des aigrefins, à l'exemple du site canular du maire de Nice, ont créé leurs propres sites dits de soutien, les ignorer, ne rien leur verser. UN peu tradivement arrivent divers soutiens d'Allemagne, d'Espagne, d'Italie, de Grèce, et qui n'ont même pas l'élégance d'être traduits en français. Qui soutient quoi ?

« Gilet Jaune : Appel à une solidarité internationale. Publié le 10 janvier 2019.
La CAJ (Caisse d’Autodéfense Juridique à Toulouse) étant partie prenante de cet appel nous le relayons ici afin que chacun puisse le diffuser à ses contacts. Nous invitons les inculpés et proches d’inculpés à nous contacter ainsi que les caisses ou comités antirep d’autres villes afin de coordonner nos actions et s’entraider pour la solidarité à mener. Nous sortirons prochainement quelques récapitulatifs de la répression en cours et des RDV pour se capter ! La CAJ
Appel à une solidarité internationale
Depuis le 17 novembre dernier, un mouvement social inédit a pris forme un peu partout en France. Nous autres, participants dits « Gilets Jaunes », occupons, bloquons, prenons la rue, attaquons les forces répressives, sabotons, discutons et rêvons de meilleurs lendemains ! Ce mouvement se caractérise pour beaucoup par l’action de ses participants. Ce retour en force de la pratique de l’action directe est évidemment craint par le pouvoir qui préfère que les exploités de ce monde restent dociles tout en participant aux diverses farces électorales. Parce que nous nous sommes organisés à la base, en refusant d’avoir des représentants, nous avons empêché le pouvoir d’avoir les relais habituels pour affaiblir la lutte. L’État ne peut plus compter que sur sa police pour nous faire rentrer chez nous ».
(…) C’est pour cela que nous lançons cet appel aux camarades révolutionnaires du monde entier, pour vous dire que tout soutien (financier, pratique, politique…) est le bienvenu car il permet de faire vivre des positions contre le nationalisme dans le mouvement en cours, ce qui est primordial quel que soit notre côté de ces frontières à combattre.
Des révolutionnaires de quelques villes de France
Pour nous contacter : solidarity2019@riseup.net Nous nous chargerons de diffuser les actions et autres événements de solidarité ainsi que l’argent qui sera récolté »4.

Très bizarre et très gauchiste ce communiqué. On a affaire ici à une énième opération de racolage, typique des sectes gauchistes et dont n'a pas besoin le mouvement qui, via des sites existants ou les familles de victimes sait très bien déjà s'occuper de la solidarité concrète dont il a besoin. Politiquement cet appel à la solidarité financière est en outre réactionnaire. L'appel à la vraie solidarité serait d'appeler à ce que, à l'étranger, la lutte se généralise de la même manière. Mais de quelle manière et sur quelles bases ? Début décembre la presse aux ordres a effectué les mêmes
amalgames pour des red vests en Angleterre, en Allemagne ou en Espagne, en indiquant que c'était « facho » comme en France ! Des mouvements en lutte contre les taxes et l'austérité peuvent prendre, et prennent déjà, comme en Belgique, cette forme protéiforme et avec mélange des opinions, mais cela reste pour l'instant incertain, sans encore une rage équivalente à celle qu'on vit en France. Un appel à une extension internationale de la lutte est sous-jacent évidemment, et c'est même cette possible généralisation contre les attaques des Etats capitalistes qui pourra faire évoluer en France en retour le mouvement afin qu'il se débarrasse de la foutaise du Ric et du drapeau national. Laissée seule à ses propres errements la petite bourgeoisie mène au mieux à l'impasse. On le voit clairement dans la seconde moitié du 19 e siècle :
« Le prolétariat était la troisième force de classe décisive, aspirant non à une « réconciliation » avec la bourgeoisie, mais à la victoire sur cette dernière, à la progression hardie de la révolution, et ce, sur un plan international. Voilà les circonstances historiques objectives qui engendrèrent Cavaignac. La petite bourgeoisie fut « écartée », par suite de ses hésitations, de tout rôle actif, et mettant à profit la crainte qu'elle avait de se fier au prolétariat, le général Cavaignac, cadet français, entreprit de désarmer les ouvriers parisiens et de les fusiller en masse.
La révolution se solda par ces fusillades historiques; la petite bourgeoisie, numériquement la plus nombreuse, était et resta politiquement impuissante, à la remorque de la bourgeoisie; trois ans après, la monarchie césariste était restaurée en France sous une forme particulièrement odieuse »
.5

LES MARGINAUX DE LA LUTTE SOCIALE

« Toute crise rejette ce qui est conventionnel, arrache les voiles extérieurs, balaie ce qui a fait son temps, met à nu des forces et des ressorts plus profond ». Lénine

J'ai déjà eu l'occasion de signaler il a plus d'un mois, le silence de la plupart des sectes gauchistes et des « gauches communistes », dont certains semblent se réveiller tardivement mais pour apporter un soutien de type syndicaliste quêteur. Avec le CCI, non seulement ils sont resté cois, parce qu'ils n'avaient rien à dire, voire méprisaient une vulgaire jacquerie qui durerait peu – ils l'enterraient même la semaine dernière comme le gouvernement Macron – mais au moins ils persistent dans leur négation d'un mouvement essentiellement petit bourgeois et mieux, complètement étranger à la pure classe ouvrière. Il suffit de lire le libellé consternant de leur appel à une réunion publique à Paris où il n'y aura qu'eux et leurs très vieux sympathisants :

« Réunion publique du CCI
Mouvement des "gilets jaunes" :
Pourquoi les prolétaires doivent défendre leur autonomie de classe ?
Nous avons mis en évidence dans nos prises de position, le caractère interclassiste de ce mouvement
Cependant au sein de ce mouvement qui trouve son origine dans la petite-bourgeoisie et ses revendications spécifiques, nous trouvons aussi des ouvriers et nous voyons aussi des revendications que la classe ouvrière peut prendre à son compte (vie chère, hausse du SMIC, etc). Enfin, le mouvement des « gilets jaunes » a aussi montré une méfiance vis à vis des syndicats et des forces politiques qui traditionnellement encadrent la classe ouvrière et cherchent à anéantir ses efforts pour développer sa conscience.
Pourquoi alors dit-on que ce mouvement n'appartient pas à la classe ouvrière ? Pourquoi celle-ci ne peut-elle pas prendre les devants et engager une lutte plus massive ?
Pour répondre à ces questions, il faut revenir sur ce que signifie l'interclassisme ; en quoi le prolétariat se distingue de toutes les autres classes dans la société capitaliste ; en quoi l'autonomie de la classe ouvrière constitue un élément fondamental pour lequel le prolétariat s'est battu dès sa naissance ; en quoi les buts et les méthodes de ses luttes ne peuvent être qu'en cohérence avec le caractère révolutionnaire et internationaliste de la classe ouvrière et se trouvent en diamétrale opposition aux buts et méthodes du mouvement des « gilets jaunes ».
Résumé de la pensée doctrinaire de cette secte CCI6 : « Les Gilets Jaunes, c’est une jacquerie et certainement pas un processus révolutionnaire. Ils ne veulent pas renverser la capitalisme, ils veulent juste qu’on répartisse équitablement l’impôt et avoir de quoi vivre décemment. Ils veulent aussi être représentés sur le plan politique par des bobos comme eux ».
On imagine la poignée d'individus qui a mis des semaines avant de décréter que ce mouvement était « interclassiste » (comprenez mélange des classes) et tout bonnement toxique pour « l'autonomie de la classe ouvrière », puis décrété que ce mouvement « n'appartient pas à la classe ouvrière », comme si la classe ouvrière possédait quelque chose dans le domaine des protestations publiques. Ce rejet dogmatique et hors sol est évidemment la manière pour la secte de masquer qu'elle s'est trompée et qu'elle est tout juste bonne à édicter bons et mauvais points. Ils sont d'ailleurs d'une certaine façon sur le même banc d'église que papy Krivine, et composés aussi de papés du même âge ; ce soir le pauvre petit vieux Krivine tout voûté a chevroté sur Cnews : « il n'y a plus de mouvement ouvrier » et les GJ « c'est des gens paumés », « on peut pas discuter avec la plupart car beaucoup sont fachos », et il faut craindre car les fachos  « y déploient leur griffe ». Le rejet frileux du papy trotskiste comme l'indifférence du CCI révèlent bien le mépris petit bourgeois de l'intelligentsia, ou même plutôt de la marge de l'intelligentsia parisienne. En réalité, ce sont bien Krivine et le CCI qui sont paumés !

Je ne vais pas revenir sur ce qui a déclanché ce mouvement social, autrement plus important et grave que les grèves synidcales après lesquelles ce tout petit groupe insignifiant a couru pendant des décennies en pensant qu'elles étaient l'hydre de la révolution, et aussi tant d'agitations étudiantes vaines. Ces gens imaginent le marxisme comme un catéchisme et ils vont répétant sur la pureté auronome de la classe ouvrière.
Engoncé dans leur théorie simpliste de la décadence, ils n'ont pas vu les changements opérés dans la marche du capital pour liquider l'Etat providence. Comme les bobos des grandes cités, ils ignoraient et ignorent encore cette masse de la classe ouvrière du privé et sise surtout à la périphérie, qu'ils considéraient comme raciste ou arriérée à l'instar de leurs collègues gauchistes. Au niveau de la description un pape du modernisme communisateur, même s'il fait partie des anti-marxistes et des idéologues bourgeois, décrit assez bien ce monde qui échappe aux derniers militants bien nourris du CCI, le fameux Robert Kurz :
« En effet, la pauvreté aujourd’hui ne découle plus de l’exploitation dans le travail, mais de l’exclusion hors de la sphère du travail. Ceux qu’emploie encore la production capitaliste proprement dite font même figure de privilégiés. La société ne définit plus les masses « dangereuses » qui lui posent problème comme regroupant les individus en fonction de leur « position dans le procès de production », mais en fonction de celle qu’ils occupent dans les sphères secondaires et dérivées de la circulation et de la distribution. Ces masses comprennent chômeurs de longue durée et bénéficiaires de prestations sociales, mais aussi employés sous-payés du secteur des services externalisés, auto-entrepreneurs pauvres, vendeurs ambulants et autres chiffonniers. Du point de vue des normes en vigueur en matière de droit du travail, ces formes de reproduction s’avèrent de plus en plus entachées d’irrégularité, d’insécurité et souvent même d’illégalité ; en outre, l’embauche y est sporadique, et les maigres revenus qu’elles apportent frisent le minimum vital, quand ils ne tombent pas carrément en dessous ».

C'est donc cette masse de gens que le CCI nomme petits bourgeois « étrangers au prolétariat » ! Cette secte fait pitié. Kurz est par ailleurs un grand délirant, il ne voit plus de classe capitaliste, théorise un incongru « capital humain », mais il n'a pas tout à fait tort de nuancer la chute de la couche moyenne traditionnelle : «  Car si la nouvelle classe moyenne « tombe » effectivement, elle n’en rejoint pas pour autant le prolétariat industriel traditionnel des producteurs directs, lequel ne représente plus qu’une minorité qui disparaît peu à peu. Paradoxalement, la « prolétarisation » des diplômés va de pair avec une « déprolétarisation » de la production ».
Laissons aussi de côté cette notion de son cru de déprolétarisation de la production qui n'est toujours que la part croissante prise par les machines, puisque cet individu ne croit plus à « la lutte des classes du prolétariat » (pourquoi classes au pluriel?) mais à une lutte foireuse et idéaliste des « humains », patrons, flics et ouvriers confondus7:

« Plus grands sont les écarts de revenus entre riches et pauvres dans cette économie de bulles financières, et plus les différences structurelles entre les classes vont s’effacer au sein de la reproduction capitaliste. Il n’y a donc aucun sens à vouloir – comme le font un certain nombre d’idéologues de cette classe moyenne en déclin qui fut jadis nouvelle – reprendre à son compte une « lutte des classes du prolétariat » d’une époque révolue. Aujourd’hui, l’émancipation sociale exige de dépasser la forme sociale qui nous est commune à tous « 

Le CCI est l'envers de cette même médaille de plomb, il est aussi anti-marxiste finalement que notre idéaliste communisateur. Au moment des indignados il nous était expliqué que la petite bourgeoisie ne pouvait dépasser ses illusions démocratistes, alors on nous fournissait une nouvelle définition de la classe ouvrière sur le mode multiculturaliste comme les gauchistes où, comme la lessive Omo une classe ouvrière génénraliste et multiculturelle allait faire sauter toutes contradictions (mais il n'était pas dit alors que les petits bourgeois étaient des étrangers, ni des migrants d'ailleurs) :

« Ces contradictions ne pourront être dépassées que par la lutte historique du prolétariat. Le prolétariat est la classe de l’association mondiale. Il produit par-delà les frontières, lui-même est une classe de migrants, un creuset de races, de religions, de cultures. Aucune production, depuis un bâtiment jusqu’à une fraiseuse, ne peut être réalisée par une communauté isolée d’ouvriers enfermée dans un cadre national, encore moins local. La production a besoin de matières premières, de transports, de machines, qui circulent mondialement. Elle ne peut être réalisée que par des ouvriers instruits dans une culture universelle, dans les échanges incessants à une échelle internationale. Internet n’est pas seulement un instrument culturel, mais, surtout un moyen sans lequel la production capitaliste actuelle serait impossible ».

Cette définition limitative aux ouvriers de la production fraiseuse et possédant une « culture universelle » permet en effet d'exclure tous ces ouvriers et petits entrepreneurs de la périphérie, qui en sont donc, comme en étaient persuadés les confrères gauchistes et les syndicats, que des salauds d'électeurs du RN. On voit donc que le CCI, ou ses rédacteurs maladroits, s'excluent eux-mêmes de la lutte DES classes.
Lénine et Marc Chirik doivent se retourner dans leur tombe et mausolée en voyant un tel indifférentisme anti-marxiste. Je ne vais pas vous citer des tonnes de remarques de Lénine lorsqu'il conchiait les doctrinaires stupides, mais je pourrais en étaler un paquet.
Une remarque d'abord sur le simple aspect de jacquerie, d'autres que moi, dont Michel Olivier, ont rappelé qu'il n'y avait pas de honte à faire une jacquerie, qui est en général une révolte violente contre la misère. Qu'on me permettre simplement de rappeler qu'une jacquerie avoir une signification dans une période de crise profonde, la révolte des paysans roumains contre les Boyards en 1907, contemporaine de la révolution russe de 1905 est en quelque sorte conclue par les prolétaires russes et les bolcheviques en 1917 …Les propriétés foncières de l'aristocratie jouissaient presque toujours d'une immunité fiscale et judiciaire. De plus, les boyards disposaient, jusqu'à la fin du Moyen Âge, du droit de quitter le service de leur prince pour celui d'un autre. Pour les bolcheviques et les meilleurs militants socialistes français comme Amédée Dunois, il s'est agi d'une pré-révolution prolétarienne spécifiquement dirigée contre le « régime monarchique bourgeois-latifundiaire » (Regimul monarhist burghezo-moșieresc), annonçant le triomphe de la Révolution russe et s'inscrivant dans le « processus d'éveil du prolétariat mondial. Panaït Istrati raconte cette épopée dans « Les chardons du baragan »8 mais aussi Bernard Lazare : « « La jacquerie reste la terreur redoutable des gouvernants et des budgétivores roumains. Ils ont déjà vu, en 1888, l’émeute dans les campagnes, ils ont vu les pacants soulevés envahir les propriétés, jeter les récoltes dans les rivières, détruire tout sur leur passage. La bourgeoisie des agrariens et des fonctionnaires a férocement réprimé la révolte, tuant et emprisonnant les insurgés. Elle n’a pas résolu ainsi le problème. Si demain elle s’apprête à charger de nouveau d’impôts son corvéable, elle rallumera la torche »9.
Quelques citations pour montrer comment tant de sectes restent hors sol et se liquident elles-mêmes avant les révolutions, et ce mouvement n'en est pourtant qu'aux préliminaires, mais on ira loin avec lui.

« Quiconque attend une révolution sociale "pure" ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n'est qu'un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu'est une véritable révolution.
La révolution russe de 1905 a été une révolution démocratique bourgeoise. Elle a consisté en une série de batailles livrées par toutes les classes, groupes et éléments mécontents de la population. Parmi eux, il y avait des masses aux préjugés les plus barbares, luttant pour les objectifs les plus vagues et les plus fantastiques, il y avait des groupuscules qui recevaient de l'argent japonais, il y avait des spéculateurs et des aventuriers, etc. Objectivement, le mouvement des masses ébranlait le tsarisme et frayait la voie à la démocratie, et c'est pourquoi les ouvriers conscients étaient à sa tête. »
Lénine

La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l'explosion de la lutte de masse
Quand j'entends le mot philosophie je sors mon revolver
des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement - sans cette participation, la lutte
de masse n'est pas possible, aucune révolution n'est possible - et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s'attaqueront au capital, et l'avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l'unir et l'orienter, conquérir le pouvoir, s'emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d'autres mesures dictatoriales dont l'ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne "s'épurera" pas d'emblée, tant s'en faut, des scories petites-bourgeoises.

Contre le point de vue pédantesque et ridicule des sectes, Lénine ajoute :

« L'expérience qu'ont reçue les masses, l'expérience qu'ont reçue les classes opprimées pendant ce temps leur a apporté une foule d'enseignements, et les chefs socialistes-révolutionnaires et menchéviks se sont complètement séparés des masses. C'est précisément dans un programme aussi concret que possible que cela se manifestera le plus sûrement, dans la mesure où nous réussirons à la soumettre au jugement des masses.
« Il nous incombe d'aider à faire tout le possible pour assurer une «dernière» chance au développement pacifique de la révolution, d'y aider en exposant notre programme, en expliquant son caractère national, sa totale correspondance aux intérêts et aux revendications de l'immense majorité de la population. Les lignes qui suivent constituent un essai d'exposition de ce programme.
Rapprochons-nous par ce programme des «couches les plus déshéritées », des masses, des employés, des ouvriers, des paysans, non seulement de ceux qui sont avec nous, mais surtout des socialistes-révolutionnaires, des sans-parti, des gens peu éclairés. Efforçons-nous de les amener à juger par eux-mêmes, à prendre eux-mêmes des décisions, à envoyer leurs délégations à la conférence, aux Soviets, au gouvernement ; alors, notre travail ne sera pas perdu, quelle que soit l'issue de la conférence. Alors, il sera profitable et à la conférence et aux élections pour l'Assemblée constituante, et à toute activité politique en général »10.

« La révolution socialiste en Europe ne peut pas être autre chose que l'explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement - sans cette participation, la lutte de masse n'est pas possible, aucune révolution n'est possible - et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s'attaqueront au capital, et l'avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d'une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l'unir et l'orienter, conquérir le pouvoir, s'emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d'autres mesures dictatoriales dont l'ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne "s'épurera" pas d'emblée, tant s'en faut, des scories petites-bourgeoises ».

« Donc, de deux choses l'une : ou bien les anti-autoritaires ne savent pas ce qu'ils disent et, dans ce cas, ils ne font que semer la confusion, ou bien ils le savent et, dans ce cas, ils trahissent la cause du prolétariat. De toute façon, ils servent la réaction ».

NOTES

1Les émeutes de 2005 en banlieue, puis celles de novembre 2007 à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), accélèrent la généralisation de cette arme. Peu à peu, le lanceur de balles de défense devient un outil de maintien de l’ordre, y compris dans les manifestations. Pour Vincent Denis, maître de conférences en histoire moderne à la Sorbonne et spécialiste de la police, interrogé par l'AFP, cette utilisation marque "un tournant" car "la doctrine du maintien de l'ordre depuis 1945 était de ne pas tirer sur les manifestants".Sa théorie prend du plomb dans l’aile en décembre 2010, lorsque Mustapha Ziani, 45 ans, meurt des suites d'un tir de flash-ball au thorax lors de son interpellation dans un foyer de travailleurs à Marseille (Bouches-du-Rhône). L'autopsie atteste que le tir, effectué à environ 4,40 mètres de la victime, était bien la "cause directe et exclusive" de sa mort.
Six ans après les faits, l'auteur du tir, le policier Xavier Crubezy, est condamné à six mois de prison avec sursis. Entre temps, plusieurs dizaines de cas de blessés graves par tirs de flash-ball ont défrayé la chronique. Ça correspond à un coup de poing de Mike Tyson. Ce n’est pas censé tuer quelqu’un mais à partir du moment où il est utilisé au mauvais endroit…Thierry Launois, délégué national formation à l'Unsa Policeà franceinfo
Selon une étude américaine (en anglais) publiée en décembre 2017 dans la revue médicale britannique BMJ Open, 3% des personnes grièvement blessées par un tir de flash-ball décèdent des suites de leurs blessures. Les cas français ne sont pas pris en compte dans cette enquête.

2Par François Bonnet, journaliste à Médiapart.
3Point 4 d'une discussion préparatoire à une AG: le cas Éric Drouet, une des figures nationales du mouvement. « Reporter Youtube », comme il se fait appeler parce qu’il filme toutes les manifestations en Lorraine et des activités du groupe de Commercy, explique avoir été contacté par l’animateur de la France en colère. « Il est peut être intéressé à venir, voilà, je vous transmets... » Le personnage divise. Une partie de l’assistance se méfie. Une autre approuve. Voter, ne pas voter ? Le débat monte. Un compromis est trouvé : on votera non pas pour ou contre Drouet, mais pour décider si le groupe le contacte ou non. Le vote est favorable ».
5LÉNINE: Œuvres complètes, tome 25, pp. 93-94, Éditions sociales, Paris, 1957.

6Courant communiste international, courant surtout après de vieilles chimères. Tous les 10 ou 15 ils s'emballent pour une énimèe sortie de la contre révolution ou des signes annonceurs d'une envolée de la lutte de classe. Je leur avais attribué un soutien aux bobos de « nuit debout », ce ne fut pas le cas, ils dénoncèrent relativement bien ces phraseurs à la Ruffin, sans autre avenir que de rester dans le marais de la gauche bourgeoise. Mais il y a toujours une propension à voir la classe ouvrière où elle n'est pas, où a exalter le milieu étudiant en 2006 dont les AG sanctifiaient « le caractère prolétarien » : « En 2006 : La mobilisation actuelle des étudiants en France se présente, d'ores et déjà, comme un des épisodes majeurs de la lutte de classe dans ce pays depuis les 15 dernières années, un épisode d'une importance au moins comparable aux luttes de l'automne 1995 » ; les étudiants dans leur fac « épisode majeur de la lutte de classe », seuls de petits profs à la retraite peuvent écrire des âneries pareilles ! Puis ils se sont emballés pour les indignados en 2010.
7En effet, la pauvreté aujourd’hui ne découle plus de l’exploitation dans le travail, mais de l’exclusion hors de la sphère du travail. Ceux qu’emploie encore la production capitaliste proprement dite font même figure de privilégiés. La société ne définit plus les masses « dangereuses » qui lui posent problème comme regroupant les individus en fonction de leur « position dans le procès de production », mais en fonction de celle qu’ils occupent dans les sphères secondaires et dérivées de la circulation et de la distribution. Ces masses comprennent chômeurs de longue durée et bénéficiaires de prestations sociales, mais aussi employés sous-payés du secteur des services externalisés, auto-entrepreneurs pauvres, vendeurs ambulants et autres chiffonniers. Du point de vue des normes en vigueur en matière de droit du travail, ces formes de reproduction s’avèrent de plus en plus entachées d’irrégularité, d’insécurité et souvent même d’illégalité ; en outre, l’embauche y est sporadique, et les maigres revenus qu’elles apportent frisent le minimum vital, quand ils ne tombent pas carrément en dessous.

8Que Robert Camoin fît connaître aux nombreux ignares du jeune groupe jadis, et que, apparemment, dans son grand âge il a oublié cet auteur qui le fascinait, puisqu'il méprise lui aussi le mouvement des gilets jaunes.
9S’appuyant sur des travaux du militant socialiste roumain Christian Racovski (futur membre éminent du parti bolchevique), Amédée Dunois relate l’état de la Roumanie dans le journal La Vie ouvrière [créée par le syndicaliste révolutionnaire Pierre Monate en 1909 et qui sera le magazine de la Confédération générale du travail] du 20 décembre 1909. «Le paysan manque de la terre nécessaire pour le faire vivre et meurt littéralement de faim. En 1905, 4000 grands propriétaires possédaient 47% du territoire arable, alors qu’un million de paysans n’en possédaient que 41%. Soixante-six grands propriétaires usurpaient à eux seuls le seizième de l’étendue cultivée. Ces grands propriétaires n’exploitent autant dire jamais eux-mêmes. Ils ont des intendants ou des fermiers», ceux-ci sous-louant les terres aux paysans.
Les contrats que les paysans signaient les étranglaient. Pour pouvoir cultiver un lopin, ils devaient des journées de travail au seigneur: douze en théorie, mais cela pouvait aller jusqu’à 42 jours en Valachie et 46 en Moldavie. A ces jours de
corvée s’ajoutaient la fourniture d’une partie de leurs récoltes et diverses sommes d’argent. Ils versaient par ailleurs un impôt à l’Etat afin que celui-ci se rembourse de l’argent qu’il avait distribué aux boyards pour les indemniser de ce qu’ils avaient perdu en 1864 en cédant une partie de leurs terres. «Et pour que le propriétaire puisse obliger les paysans à exécuter tous ces travaux, il possède un moyen infaillible, poursuivait Racovsky, l’interdiction qui leur est faite de rentrer leur récolte avant l’acquittement de toutes leurs dettes et obligations.» C’est ainsi que des récoltes pourrissaient sur pied dans les champs de paysan (…) Les possédants répandaient l’idée que, derrière le mouvement de la paysannerie, se trouvait la main des socialistes et des «instigateurs russes» . En réalité, la révolte resta une jacquerie comme on en avait connu depuis le Moyen Âge. La colère avait brutalement éclaté sans qu’il y eût au sein de la paysannerie de perspectives sociales ou politiques, et aucun programme ni aucune direction du mouvement ne se manifestèrent durant les quelque deux mois que durèrent les affrontements. En l’absence du relais et de la direction d’une classe urbaine, qui ne pouvait être que la classe ouvrière, la révolte paysanne ne pouvait que déboucher sur une tragique impasse.
Le mouvement socialiste roumain, dont le représentant le plus connu était Christian Racovsky, en était à ses tout débuts, les idées n’atteignant que peu le monde paysan soumis par la classe des grands propriétaires «à la misère, la maladie et l’ignorance», pour reprendre les termes de ce dernier, prédisant que cette classe parasitaire de boyards serait amenée à disparaître peut-être plus vite et de façon plus catastrophique qu’elle ne le souhaitait.
« Le travail de Racovski, comme autrefois celui de B. Lazare, se termine par la prévision formelle d’une catastrophe nouvelle. Racovski ajoute que seule la conquête du suffrage universel par les ouvriers des villes, conquête que suivrait sûrement la réforme agraire, pourrait empêcher l’explosion de se reproduire. C’est sans doute attendre du suffrage universel plus qu’il ne peut donner. J’aimais mieux la façon dont concluait Bernard Lazare, du point de vue de la question juive, quand il disait : « Peut-être si [la bourgeoisie] désespère le Juif, si elle le pousse à bout, celui-ci, malgré sa passivité, malgré les conseils de ses riches timorés, s’unira-t-il au travailleur des champs et l’aidera à secouer le joug. Mais, même s’il ne se joint pas à lui, c’est un jour le paysan roumain révolté qui, directement ou indirectement, résoudra en Roumanie l’actuelle question juive, en se libérant lui-même et en libérant le Juif . »Mais la révolte paysanne ne saurait aboutir sans qu’une période d’organisation préalable n’ait transformé là-bas les conditions et les consciences. À l’œuvre donc, socialistes et syndicalistes roumains ! ». Amédée Dunois


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire