PAGES PROLETARIENNES

lundi 9 avril 2018

Bashing SNCF, épisode 5: VERS LA DEFAITE DES SYNDICATS "TOUS ENSEMBLE"




Les tontons flingueurs vont bientôt nous "expliquer"...
« Les CRS... qu'on leur donne de la gnôle ».
Général De Gaulle (mai 1968)

« La populace ne peut faire que des émeutes. Pour faire une révolution il faut le peuple ».
Victor Hugo (O.C.)

Bravo au gouvernement ! Quelle maestria ! Il est vrai que le sommet de l'Etat dispose de tous les pouvoirs : BFM Elysée, TF1 Elysée, France infaux, LCI, les radios, les jeunes godillots parlementaires, les syndicats et les... zadistes ! Chacun, à sa façon favorise non pas des convergences mais la divergence accentuée jusqu'à la caricature, on pourrait dire simplement la cacophonie ou l'art de crier toujours « c'est la faute à l'autre ». Régner c'est diviser a dit je ne sais plus quel roi de France. Naïf comme un impotent ventripotent trotskien devant son compte facebook je m'étais interrogé sur la façon dont la gouvernance Macron allait traiter à la fois l'aboutissement du scénario syndical impuissant et une nouvelle évacuation de la zone crado, clochardisée et sans dents, à bobos marginaux. Je n'ai pas pensé un instant qu'il puisse y avoir solidarité entre une partie de la classe ouvrière (statutaire) en grève et la marge petite boutiquière de ND des Landes, mais j'inclinais à croire que les violences pouvaient enfler au point de contraindre à des dépassements d'horaires la soldatesque républicaine et bourgeoise. Je me doutais que le NPA et toutes les sectes immatures du gauchisme allaient crier à la « généralisation » contre un sale gouvernement qui s'en prend à tout le monde, aux travailleurs, mais aussi aux étudiants, aux vieux, aux immigrés, et aux collectionneurs de timbré(e)s (en HP).
Or régner c'est aussi être intelligent et retors. Depuis le nettoyage annoncé longtemps d'avance et sans fard de la ZAD, on n'entendait que persiflage de la part des opposants de la gauche gnangnan contre un gouvernement couille-molle qui avait baissé culotte face au projet d'aéroport. Dès ce lundi matin, le décor était planté. Artistiquement et marconesquement. A la sonnerie du réveil des travailleurs et des travailleuses, une femme, plus très jeune, préfète du coin annonçait de sa voix douce qu'une dizaine de squats avaient été déjà démantelés, que tout se passait calmement (elle omettait de préciser que les cameramen étaient interdits au front zadistes/gendarmes) ; tout se déroulait légalement avec des huissiers et des déménageurs professionnels : « on a été plus vite qu'on ne pensait »; elle informait toutefois qu'un gendarme avait été gravement blessé à l'oeil. Il ne fallait donc pas s'inquiéter. D'ailleurs ce ne sont que des femmes (gages de paix et de douceur, CQFD) qui étaient convoquées sur les plateaux : la porte-voix de la gendarmerie n'était point de cette espèce de gros colonel repoussant avec képi comme on en voyait bougonner vers les ans 68, mais une douce gendarmette galonnée qui se répandait en prévenance sur la nouvelle culture des troupes, le souci permanent des gradés qu'il n'y ait aucun blessé « des deux côtés ». L'important était de vanter l'engagement des troupes et l'héroïsme propre à la gent militaire (cf. n'oubliez pas le colonel Beltrame, héros de la nation!).
LA VICTIMISATION DE LA POLICE EN GENERAL
Le pauvre Rémi Fraisse était évoqué parfois au détour d'un bâillement, mais l'insistance était portée sur les jets de projectile par les « plus radicaux » (ne pas dire voyous ni racailles SVP), et, en toile de fond – subliminal mes chers après les voix flicardes féminines – les incendies de barrières de pneus et quelques excités soigneusement filmés au niveau des godasses collectant gros cailloux ou bâtons. Derrière les journalistes autour de la table de studio, les grandes flammes de l'écran géant faisaient tapisserie et conféraient une ambiance méphistophélique à des bagarres très limitées avec un nombre limité également de marginaux du coin face aux 2500 pandores ; saisissant pour l'électeur retraité de province. La Bretagne à feu et à sang ? Et quoi ? pour quelques zigotos qui ne payent ni patente ni loyer, et qui prétendent qu'élever des chèvres loin de Paris est synonyme de liberté... On annonçait pour le soir, des manifs de soutien un peu partout pour environ 70 radicaux encore dispersés dans les champs ou montés dans les arbres. La pluie et « l'opinion » en eurent raison semble-t-il.
L'info qui occupa la matinée pourtant, en une sur gogole news, Bing et Cie, puis à la suite sur tous les sites de presse : on avait alpagué, comme par hasard 5 ou 6 personnes en lien avec le crime atterrant du couple de policier à Magnanville d'il y a deux ans ! Terrifiant mais adonc rassurant sur l'utilité de la police en général, pour sa capacité à nous protéger d'un coup de poignard d'Allah Akbar ; bien sûr ce n'était pas un couple de gendarmes mais c'est pareil n'est-ce pas ? la première cible des terroristes c'est les gens en uniforme chargés de défendre... la France. Qu'on se le dise et répétez-le à votre voisin.
Curieux que l'antiterrorisme héroïsé nous soit resservi comme plat réchauffé lors de chaque confrontation sociale ou même d'émeutes marginales... A la veille de la grève tourne-bourrique des syndicats encadreurs des cheminots, l'agenda Big Brother avait placé les présumés terroristes de Tarnac – comme une ombre furtive pour indiquer aux vaillants cheminots de rester dans la légalité - avant que le procès de cette poignée de rigolos ne s'écroule lamentablement en justice dérisoire...
Baignés que nous étions devant nos écrans de gratitude et d'admiration pour la geste gendarmesque, comptant dans les rangs sans nul doute de nombreux futurs héros, nous nous demandions si les journalistes allaient être un tant soit peu républicains et donner la parole au camp adverse, aux défenseurs acharnés de la liberté d'élever chèvres et volailles sans payer d'impôts à l'Etat bourgeois. Un quarteron fût dégoté qui lut un communiqué minable de consternation devant une « telle violence », probablement « inadmissible ». Il nous fallut cependant réprimer un énorme fou-rire lorsque vint l'interview d'un jeune zadiste en uniforme zaza avec cagoule, godasses et tout, qui expliqua aimablement que la police était dans l'illégalité. Qu'un gauchiste, émeutier amateur déguisé, vienne poser au défenseur de la légalité juridique bourgeoise en défense des divers squatters de « l'expérience agricole unique »1, cela frise le ridicule2.
UNE OPERATION DE DIVERSION
C'est la remarque faite à BFM Elysée, par le politicien retraité Mamère, remarque juste mais pour taxer Macron d' « erreur » (ouh !le méchant!). Le nettoyage de la ZAD n'est pas une erreur du tout mais un habile clin d'oeil du gouvernement Macron à « l'opinion » (en 68 on l'appelait « majorité silencieuse » avec quelque mépris) où grévistes encasernés et usagers excédés ne voient pas plus d'avenir à une grève corporative sans âme qu'ils ne peuvent prendre au sérieux une bande de vieux boutiquiers et ploucs soixantehuitards ou jeunes vagabonds nihilistes.
Le défilé des interlocuteurs des divers syndicats ne relève pas le niveau. Ils peinent souvent à s'exprimer clairement ou récitent leurs vieilleries corporatives qui n'intéressent qu'eux. Le vieux Mailly de FO, convié lui aussi sur BFM Elysée, bonze en partance, les observait avec pitié. La majorité de la classe ouvrière travaille sans garantie d'emploi ni statut. Les garanties statutaires sont complètement vintages de nos jours. A la veille de la guerre et après (pour reconstruire le pays) la bourgeoisie, via staliniens et trotskiens, a inventé les statuts pour attirer les prolétaires dans des emplois alors ingrats et non source de profit, sauf pour la circulation des marchandises ; la nationalisation ou étatisation comme pouvait la concevoir Engels ne peut plus être considérée comme une étape vers le socialisme3. Comme tout a été reconstruit depuis belle lurette, il n'y a plus nécessité de créer des « appâts » pour ces professions du secteur qu'on nommait « nationalisé » à notre époque où le capital est inter-nationalisé et a besoin d'aires géographiques non limitées par des barrières douanières d'un autre âge.
Mais le pire dans tout ce capharnaüm est qu'il n'y a rien de socialiste ni d'intéressant pour l'avenir de la communauté humaine. Du charbonnier maître chez soi et borné véhiculé par les zadistes et leurs soutiens gauchistes au « défendons notre statut » comme seule revendication prioritaire refilée aux cheminots par leurs prétendus représentants syndicaux il n'y a aucune perspective de lutte d'envergure pour une indépendance de classe, pour affirmer la nécessité de renverser non pas quelques escouades de flics ou de conserver des « avantages statutaires », mais de ficher en l'air la société capitaliste. Rien pour décloisonner une société figée, et cela Macron l'a compris, mais ce n'est pas cela qu'il va « expliquer ». Il va se moquer des vieilleries de l'attirail politique et syndical moisi de la gauche disparue pour tenter de nous refiler de plus vieux oripeaux encore que le système bancaire capitaliste lui a demandé de remettre à la mode comme d'autres ressortent la danse sociale, le swing. Mais si le lindy hop c'est super, et que toutes les classes peuvent faire le pas chassé, le libéralisme macronesque c'est une exploitation et une précarisation tout azimut du prolétariat ; va Macron ! Continue avec ces deux fouets et tu contribueras ainsi vraiment à la généralisation puis à la cristallisation de l'unité prolétarienne ; mieux que la défense du statut de telle ou telle corporation.
Similarité avec l'artificialité de l'occupation des facs par des minorités d'excités, même dans leur différence, l'émeute zadiste comme la grève ombilicale SNCF vont dans l'impasse. Mais on ne pourra pas dire qu'il s'agit d'une défaite de la classe ouvrière, ni d'une partie de la classe ouvrière, mais bien d'une déconvenue des syndicats « tous ensemble » avec leurs mensonges, leurs fausses promesses de « radicalisation »... de la négociation.
Les événements dans l'histoire ne se répètent jamais deux fois de la même façon, et je me passe de vous refiler la citation éculée de qui vous savez. Seuls les idiots utiles au gouvernement Macron et à la gauche bourgeoise déconfite peuvent – lot de consolation – entretenir la croyance en la venue d'un nouveau mai 68. Ils sont tous creux comme des citrouilles et hors de la situation tangible.
NOTES

1 Dixit un électeur de Macron, Noël Mamère, seul « radical » invité sur le plateau élyséen BFM, première chaîne d'infaux de France. Ils auraient pu inviter un membre de la secte CCI pour qu'on sache quelle est leur opinion sur les évènements en cours, à moins que la CIA ait bloqué leur dangereux blog.

2C'est pourquoi certains sont violents avec les journalistes parce quoiqu'ils déclarent ils seront ridiculisés, mais surtout par leur aptitude à se ridiculiser eux-mêmes.

3 Engels, qui a dit quelque part que les barricades et le temps des coups de main était passé, se méfiait déjà du concept d'étatisation : « Ce n'est que dans le cas où les moyens de production et de communication sont réellement trop grands pour être dirigés par les sociétés par actions, où donc l'étatisation est devenue une nécessité économique, c'est seulement en ce cas qu'elle signifie un progrès économique, même si c'est l'État actuel qui l'accomplit ; qu'elle signifie qu'on atteint à un nouveau stade, préalable à la prise de possession de toutes les forces productives par la société elle-même. Mais on a vu récemment […] apparaître certain faux socialisme qui même, çà et là, a dégénéré en quelque servilité, et qui proclame socialiste sans autre forme de procès, toute étatisation […]. Évidemment, si l'étatisation du tabac était socialiste, Napoléon et Metternich compteraient parmi les fondateurs du socialisme. […] ce n'était nullement là des mesures socialistes, directes ou indirectes, conscientes ou inconscientes. Autrement ce seraient des institutions socialistes que la Société royale de commerce maritime, la Manufacture royale de porcelaine, voire l'étatisation proposée avec le plus grand sérieux […] par un gros malin, - celle des bordels ».
  • Socialisme utopique et socialisme scientifique, Friedrich Engels (trad. Paul Lafargue), éd. sociales, 1973, partie 2 (« Socialisme scientifique »), chap. Vers l'élimination du capitalisme individuel, p. 109 (note 1)

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