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vendredi 6 avril 2018

Bashing SNCF, épisode 4: NEGOCIATIONS PIEGE A CONS


Après la manif exploratoire du 22 mars, pas terrible malgré les satisfecits de la secte LO, la deuxième série séquentielle de la grève intermittente n'a pas soulevé d'énormes vocations parmi les masses exploitées par Micron 1er. Même le CCI n'a pas jugé utile de publier le moindre communique ou article pour au moins encourager les grévistes à ne pas se laisser berner trop longtemps par la comédie des conciliabules du "négoce" en permanence du gouvernement et de ses syndicats chéris, cette comédie de boulevard digne d'un Eugène Labiche qui aurait pu s'intéresser au philistin syndicaliste, à ses travers et ridicules comme au bourgeois, sa cible principale ainsi qu'il l'avoue au Figaro en 1880 : « Je me suis adonné presque exclusivement à l'étude du bourgeois, du philistin ; cet animal offre des ressources sans nombre à qui sait les voir. Il est inépuisable. C'est une perle de bêtise qu'on peut monter de toutes les façons. Il n'a pas de grands
vices, il n'a que des défauts, des travers, mais au fond il est bon, et cette bonté permet de rester dans la note gaie ». Bon et con finissent par la même lettre, disait ma mère1. L'essentiel n'est ni la revendication, ni la révolution, ni la cristallisation d'une conscience de classe, mais la négociation, cet art de gérer ensemble l'Etat capitaliste entre politiciens parvenus, même minoritairement au pouvoir, et valets syndicalistes à la vue bornée à leur seule corporation et carrière individuelle.

DES TRAVAILLEURS COMME MASSE DE MANOEUVRE...
Des conciliabules gouvernementeurs à foison... Vous ne le savez sans doute pas, mais au total, environ 70 réunions de négociation étaient prévues pour les mois de mars et avril entre le gouvernement et les syndicats. La causette à rallonge ils s'y connaissent ! Pas besoin d'avoir fait l'ENA ou une école de cadres cheminots. Pour se distraire un peu entre négociateurs ils ont jugé bon d'inventer un scénario de grève intermittente prolongée, prolongeable et gonflable. Certainement pour balader les ouvriers et employés de la SNCF mais aussi pour y convier des millions de spectateurs dont la seule solidarité chantée même par Le Figaro n'est envisagée que comme solidarité pécuniaire. Les cheminots ont été poussés à une grève séquentielle totalement encadrée, individualisée comme le vote politique isolatoire dans l'urne2, où la décision
le passif des conciliabules  moqué grossièrement...
finale comme initiale reste entre les mains des bonzes syndicaux anonymes, sans que personne ne pense un instant qu'ils agissent en concertation permanente avec leurs maîtres (les permanents syndicaux de hight class sont payés par l'Etat ou ses officines indirectes... de service public!). Il n'est pas né le chien qui mordra la main de celui qui le nourrit.3

« Posture » des syndicats selon la clique gouvernementale ! « Mascarade » de concertation selon les cliques syndicales. Hier six heures de palabres pour rien, et ce vendredi deux heures et demie dans une voie de garage exclusivement revendicative sur le négoce de la dette de 55 milliards d'euros de la SNCF versus le non transfert des cheminots vers des sociétés privées après l'ouverture à la concurrence."C'est une véritable mascarade" avec "un gouvernement qui brode", qui "n'a pas de propositions et qui ne règle pas les problèmes", a déploré Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminots."Le gouvernement avance à marche forcée pour tenter de nous asphyxier (…) Il n'y a pas eu de négociation », puis il a assuré que «la grève pourrait aller au-delà du mois de juin ».(oulala! le moment des vacances est propice à généraliser la lutte... sur la plage)
« On est dans une situation où le mouvement social risque bien de se durcir », a renchéri de son côté le ventripotent Roger Dillenseger pour l'Unsa (la presse écrite se gardant de préciser que le ton était plus courtois et qu'il ajoutait qu'il sentait tout de même venir la négociation). Voire de tomber à l'eau...

Ce même vendredi matin, la ministre des Transports, Elisabeth Borne (bornée?), pour son côté ministériel déplora que "la posture des syndicats ne change pas", et au contraire vanta des avancées dans le vaudeville syndical, estimant avoir "donné des garanties" aux cheminots qui partiraient chez la concurrence en cas de perte d'un marché par la SNCF à l'avenir. Ils conserveraient selon elle "l'essentiel des garanties du statut". En gros le gouvernement explique et les syndicats ne... veulent pas comprendre.
COMMENT DURCIR UN GROS MOU ? OU LA CRISTALLISATION IMPOSSIBLE
Les organisations dites « représentatives » à la SNCF (CGT, Unsa, SUD, CFDT), pourtant étrangères au mouvement ouvrier, sont sorties du ministère après ces deux heures et des broquilles aussi « scandalisées » les unes que les autres comme si la négociation avait été violée . . «Les cheminots vont augmenter la pression», a surenchéri le bonze CFDT Didier Aubert, annonçant dans certaines régions «quatre à cinq points de plus» de mobilisation pour les deux prochains jours de grève. «Le gouvernement a besoin d'une nouvelle démonstration», a-t-il assuré."Hélas, les cheminots vont devoir se mobiliser dimanche et lundi (...) Nous sommes partis sur un conflit qui risque de durer si le gouvernement ne revoit pas sa méthode", a menacé le bonze de la CFDT.
La clique syndicale,qui passe pour la plus radicale, a re-surenchéri par la voix de Erik Meyer de SUD Rail«C'est absolument inacceptable ce qui vient de se passer aujourd'hui», et en annonçant avoir l'intention de «proposer lundi de durcir le mouvement». Le même représentant de clique syndicale, interrogé le soir sur BFM, assurait que « les syndicats restent unis » autour de la défense du service public et d'une SNCF non basée sur le profit4 ; la plupart des sous-fifres syndicaux ont leur deux minutes de gloire devant micros et caméras mais pour radoter les mêmes discours faux sur l'unité dans la lutte « du privé et du public », triste racontar comme en 95 et dans les années 2000 où le privé n'a pas la force pour faire grève ou reste isolé et sans soutien des grands groupes nationalisés. Ce n'est pas pour une véritable convergence qu'ils militent ces arsouilles, convergence des travailleurs eux-mêmes d'où qu'ils viennent, mais pour leurs amalgames troubles entre cartels syndicaux en lutte des places. La cristallisation des luttes sociales est impossible tant que ces menteurs professionnels, camelots des vieilleries nationalisées et sans projet politique alternatif, occupent le devant de la scène. La grève planifiée et dévitalisée a autant à voir avec mai 68 que le défunt programme commun avec Octobre 17.
Ce qui est le plus honteux c'est bien cette défense de la comédie de l'unité des cartels syndicaux alors qu'on sait qu'ils vont se diviser lors du sprint final (comme toujours), et cette inféodation au mythe de la représentativité de ces organismes d'Etat si on compare avec le caméléonisme de leurs pères en trotskysme en 1968 (mais poussés au cul dans une période autrement singulière par une classe qui déchirait les cartes syndicales) : à l'époque les trotskistes récemment sortis du stalinisme ne passaient pas leur temps à coller des calicots CGT ou SUD mais revendiquaient des comités élus et révocables en AG et refusaient que la parole des grévistes soit « usurpée » par les bureaucraties syndicales5
Pour SUD-Rail jeudi soir, il fallait "renforcer, amplifier, durcir" la grève pour "faire plier" le gouvernement.
La reprise de la grève est prévue samedi à 20H00, jusqu'à mardi 07H55. Ce sera le deuxième épisode de grève deux jours sur cinq, après celui des 3 et 4 avril, lors duquel le trafic ferroviaire a été très perturbé. Le mouvement est emmerder usagers et gouvernement jusqu'au 28 juin, voire plus s'il est nécessaire de vraiment bien faire mordre la poussière aux plus excités, et que cela signifie une défaite pour l'ensemble de la classe ouvrière, laissant les mains libres à Jupiter pour honorer les cieux patronaux jusqu'au renouvellement de sa sinécure élyséenne.


Les divers conflits agitent le pays - universités, Air France, milieu hospitalier, fonctionnaires – restent cloisonnés entre leur quatre murs, et aucune convergence n'est possible dans le magma des revendications, voire leur étrangeté dans l'obscurité des conciliabules syndicalo-gouvernementaux. Macron ne s'est pas fait remarquer pour sa brutalité mais, toujours pédagogue Labiche, il a expliqué que les mouvements sociaux "ne doivent pas empêcher le gouvernement de gouverner". Et les menuisiers de menuiser.
Le vaudeville syndicalo-gouvernemental risquant de lasser les spectateurs, les comédiens durcissent le scénario. Il devrait «s'amplifier», prévient Force ouvrière. Pour SUD Rail, «il va falloir renforcer, amplifier, durcir» la grève pour «faire plier» le gouvernement et «arriver au bout des revendications». L'Unsa Ferroviaire appelle également les cheminots et usagers à «se mobiliser si on veut faire plier le gouvernement». «Il faut avoir en mémoire qu'on a derrière nous (sic, un par un) des cheminots mobilisés. Plus le conflit va durer, plus les positions vont se radicaliser», assure Didier Aubert de la CFDT. Selon ce dernier, la mobilisation des cheminots, appelés à cesser le travail samedi à 20 heures jusqu'à mardi à 7h55, devrait être «au moins aussi importante» qu'en début de semaine. Et la lassitude, même si les figurants Hamon, Mélenchon et Ruffin organisent des « sorties » pour distraire un peu de la vacuité politique et sociale.



NOTES

1Macron figure assez bien ce bon bourgeois parvenu de vaudeville, avec ce comique mépris de classe, hautain et moralisateur. Il a accumulé des perles ces dernières années qui auraient ravi Labiche. « Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord » ; « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires » ; et il EXPLIQUE que « la meilleure façon de se payer un costard c'est de travailler », sans oublier les « illettrées » de l’entreprise Gad… Dans un bassin minier du Nord, comme n'importe quel curé du temps jadis il EXPLIQUE : «l’alcoolisme et le tabagisme se sont peu à peu installés dans le bassin minier. Tout comme l’échec scolaire. Il faut traiter cela en urgence afin de rendre le quotidien de ces personnes meilleur», Sur un plateau TV il EXPLIQUE que les ouvriers sont des privilégiés : « Bien souvent, la vie d'un entrepreneur est bien plus dure que celle d'un salarié, il ne faut pas l'oublier. Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties ». Mais il se fait aussi régulièrement recadrer comme à Rouen cette semaine face à une aide-soignante (certes militante LO) qui refuse de lui serrer la main. Bravo c'est déjà ce qu'il faut faire refuser de serrer la main de tous ces pantins de négociateurs en chef, et en cravate, comme aurait dit Labiche.
2Chaque gréviste doit se déclarer à son petit chef de service, lui indiquer le jour et les heures où il fait grève, un casse-tête aussi débile à gérer que le début d'application des 35 heures... voir l'article de Libération à ce sujet : http://www.liberation.fr/france/2018/04/04/sncf-a-la-gare-du-nord-la-crainte-d-une-mobilisation-a-la-carte_1641001
3Dans certaines entreprises nationalisées on pouvait naguère assister à une partie des négociations direction/syndicats. J'y ai assisté une paire de fois, ce n'était que bavardages inconsistants, roulements de tambour et déclarations bravaches qui n'en finissaient pas, à chaque fois j'ai claqué la porte.
4Les chiffres de comparaison qu'il avait inventé pour prouver que les transports coûtent plus cher en Allemagne et en Angleterre étaient faux ; l'intérêt de la concurrence libérale écrase la lourdeur du monopole nationalisé stalinien, baisse des prix en réalité et une concurrence qui permet de choisir ou de changer de prestataire comme on en voit les avantages avec la téléphonie. Ce discours syndical vieillot – très corporatiste – se ridiculise lui-même, et fait les gorges chaudes chez les millions de cons-somateurs plutôt du côté de l'Etat... mercantile.
5Dans son livre d'archiviste, Ludivine Bantigny - « 1968 de grands soirs en petits matins » (Seuil 2018, 25 euros) – rappelle cela, mais les trotskistes restaient complices et suce-boules des syndicats staliniens, en fait ils se calquaient sur les positions autrement révolutionnaires des minorités révolutionnaires qui commençaient à réapparaître, hors du caméléonisme trotskien, mais peu audibles, à part les esthètes situs.

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