PAGES PROLETARIENNES

dimanche 20 mars 2016

Conférence vintage : Les clichés sur la guerre d'Espagne ont la vie dure

le document commémoratif militaro-démocratique distribué par le personnel CNT

 Quand la CNT parisienne gomme les crimes du parti stalinien en 1936-39


Bilan de la rencontre bibliophile avec Frank Mintz et ses spectateurs contrits « La révolution espagnole de 1938 et ses leçons pour aujourd'hui » Médiathèque d'Arcueil 19 mars 2016


 Nous voici en pleine période commémorative de la guerre d'Espagne (pour les médias officiels « révolution espagnole »). La médiathèque d'Arcueil avait tenu à s'inscrire dans cette commémoration en trois volets : un court film sur la grève des mineurs en Andalousie en 1934, une « rencontre » avec un « spécialiste » anarchiste pour parler de cette « révolution » et de ses « leçons pour aujourd'hui », historien retraité ou plutôt prof d'espagnol intronisé retraité historien, en réalité un amateur CNT ; et un type qui vient chanter des chansons d'époque anarchistes et staliniennes1. Naïf comme je suis je me pointe à 15 heures pour ne pas rater le film promis sur la grève des Asturies. Le décor est planté, façon ducasse de LO et CNT, avec des panneaux explicateurs pour les sourds et malentendants, des photos élimées de la « revolucion », la tronche de la passionnaria ! Des décorateurs furtifs grisonnant avec catogan témoignent que le décor n'est pas de Roger Hart mais de vieux machins CNT qui s'affairent à enguirlander la salle, laquelle se remplira peu à peu d'une soixantaine de personnes, chenues majoritairement mais avec quelques barbes trentenaires, à la mine de marginaux jamais vus à Arcueil, la secte CNT parisienne doit être au grand complet (la plupart joueront les spectateurs silencieux). Une belle brunette (membrette de la secte) F s'assied sur le fauteuil de scène pour nous présenter la biographie de quatre femmes, dont la passionnaria, et j'en suis estomaqué, mais je décide de me taire. Le film de 15 mn qui est ensuite projeté n'est qu'une série de diapositives qui véhiculent les clichés les plus éculés sur la « révolution espagnole » avec méchants franquistes, femmes en grève, cadavres sur la chaussée. Lorsque la lumière se rallume, la salle applaudit.

A la fin de applaudissement, je dis : vous applaudissez un grand camouflage comme l'a si bien écrit Burnett Bolloten ! Avec la cougar Ibarruri qui a déclaré « il vaut mieux exécuter cent innocents qu'épargner un coupable », et qui a du sang sur les mains des prolétaires espagnols avec ses collègues du comité central stalinien. Après une introduction féministe... Dans la lutte de classe il n'y a pas de différence entre hommes et femmes, et les femmes ne seront vraiment plus des esclaves que dans la société communiste... c'est Marx qui a dit le premier que la femme est le prolétaire de l'homme. J'admire de grandes figures féminines comme Flora Tristan, George Sand, Louise Michel , Rosa Luxemburg mais elles n'étaient pas féministes ». Comme ils me regardent tous l'air perplexe comme si j'étais un pingouin sur Saturne, je précise : « je vous expliquerai après ». La réalisatrice, non rembobinée, plaide qu'elle n'a pas voulu afficher féministe et qu'elle a voulu faire court pour Dolorès Ibarruri. Je lui réponds : « menteuse ». Le patron anarchiste de la médiathèque me recadre en me voussoyant : « vous avez exprimé un avis différent, mais celui de votre interlocutrice est aussi valable, et pas forcément féministe ». La blanche barbiche de Mintz succède à l'ignorante brunette au fauteuil de la tribune pour nous expliquer la révolution espagnole professoralement et familièrement. Le ton est convivial, à la bonne franquette, éducatif et familier. L'anecdote voisine avec les poncifs encore plus éculés que ceux du film de la potache marginale, comme si l'auditeur avait la même notion du fascisme, du parti socialiste espagnol et des braves anarcho-syndicalistes ibériques. Dans ce ronronnement éclectique on croirait presque entendre la voix d'Alain Decaux expliquant sur Antenne 2 à des téléspectateurs ignares les sautes d'humeur de Marie-Antoinette. Les mots employés – union de la gauche, union des forces prolétariennes – font hocher la tête à la limite de l'orgasme les mamies du public sur ma droite. Un autre cliché très post-mitterrandiste fait aussi bouger les têtes d'avant en arrière : « c'est toujours la même chose, quand la droite va mal, elle laisse la gauche au pouvoir ». On sourit aux traits d'esprit conviviaux : « les ouvriers et les paysans espagnols n'ont pas forcément de bonnes oreilles : ils ont cru entendre parler de 'république des travailleurs' » du coup ils s'énervent. Quand le camarade spécialiste Mintz avance les chiffres ridicules du PCE, la salle a un haut le corps : « le PCE est ultra-minoritaire au début, s'il y a 300.000 ouvriers et 500.000 paysans, il ne compte que 800 membres ». La salle pousse des « Oh » et « Hein » de mépris. Dans ce tableau impressionniste on arrive enfin à la spécialité du spécialiste, les « réorganisations spontanées », les « collectivisations paysannes », les fameuses tentatives de « changer l'économie à partir de juillet », où « l'on adopte la production aux besoins du pays » , « où l'on fabrique les premiers tanks », où « les syndicats exportent les agrumes », où l'on « nationalise ». (J'avais prévu de démonter toutes ces vieilleries cantonalistes et villageoises dont se targuent les anarchistes pour calfeutrer leur apolitisme de coucou, qui n'aboutirent qu'à une pagaille généralisée, souvent à une dictature anarchiste locale de petits bureaucrates syndicaux, et que le sinistre chef de guerre Lister a « nettoyé », mais on ne peut pas tout dénoncer ni « approfondir » dans ce genre de conférence « populaire » où plus c'est simpliste mieux çà passe).

J'avais été mis en colère par la glorification de la mère sainte Ibarruri, aussi douté-je de ma capacité à convaincre les auditeurs assis comme des oignons en face de moi. Pourtant, malgré des interruptions incessantes l'intervention est très claire sur la mystification de la guerre d'Espagne et surtout contre le mythe de la guerre révolutionnaire. Mais allez faire entendre raison à un faux sourd qui ne veut pas entendre ! « La légende de la révolution espagnole a la peau dure puisque jusqu'aux années 1960 « no passaran » a beaucoup de succès. On ne sait pas ce qu'il y a derrière jusqu'à aujourd'hui où des milliers de lycéens défilent dans le monde d'un pas martial au cri de « le fascisme ne passera pas ». Mais le fascisme est « passé », du passé. Après 68, car les événements historiques – on ne le mesure pas souvent – donnent un coup de pied au cul des historiens. Michelet dit que « l'historien est le vengeur des peuples ». Après 68, alors que je faisais encore partie des jeunes, on a eu un petit déclic en lisant Georges Orwel, Vernon Richards en collection 10-18 : on a alors appris qu'il s'était passé quelque chose d'étrange un certain mai 1937 en Espagne. Jusque là on croyait savoir que l'union des forces de gauche avait confronté les méchants fascistes espagnols, qui n'étaient d'ailleurs pas fascistes, ce qui demanderait une analyse approfondie ; le féodalo-capitalisme de Franco a curieusement été soutenue pendant toute la guerre par l'Angleterre – dès le moment de l'entrée des troupes franquistes à Madrid, les bourgeoisies française et anglaise ont reconnu Franco comme le chef d'Etat légitime - et la bourgeoisie internationale a remercié Franco en lui laissant gouverner le pays 50 ans. Donc il y avait bien des forces impérialistes qui étaient derrière et qui ont laissé faire Franco. A la limite il n'avait pas besoin de l'Allemagne et de l'Italie. Mais là où est le grand mensonge déconcertant, le grand camouflage pour reprendre la formule de Burnett Bolloten, c'est de montrer qu'il y a eu une guerre civile dans la guerre civile. La guerre d'Espagne n'est pas pour moi une révolution, c'est une tentative de révolution transformée en guerre impérialiste. Mieux encore, elle signifie la mort de l'anarchisme. Jusque là, l'anarchisme se disait apolitique. J'ai connu Grandizio Munis qui était l'homme le plus clair à Barcelone avec le groupe bolchevique-léniniste à une époque où le trotskysme était encore révolutionnaire et non pas ce croupion gauchiste altermondialiste qu'il est devenu. C'est le seul groupe révolutionnaire à s'opposer aux staliniens, aux anarchistes et au POUM qui répètent « d'abord la défense de la démocratie, après la révolution », langage qu'ils répéteront pendant la résistance nationale en France. A ce sujet le double langage de Thorez est frappant – il était plus intelligent que Marchais – il dit, s'adressant aux ouvriers français, et reprenant la célèbre phrase de Robespierre : « la liberté ne peut s'exporter à la pointe des baïonnettes ». Mais en Espagne si ! C'est pourquoi je fais la comparaison ici avec la révolution russe. Certes les années qui ont précédées 1936 en Espagne avaient été très violentes face à un clergé autoritaire et des propriétaires terriens cyniques, mais les anarchistes ont une révolution de retard, le regard anarchiste est tourné vers la Commune de Paris ? Ils se disent « on va faire pareil », on aura des uniformes et une armée de gardes républicains (ils donnent d'ailleurs le nom de communards à leurs groupes de militarisés). Ils vont faire les mêmes conneries militaires que l'armée « mexicaine » de la Commune (cris, interruptions). S'il vous plaît laissez-moi terminer. On a donc une fixation sur la Commune de Paris en reprenant la théorie de la « guerre révolutionnaire ». Or il ne peut y avoir que l'une ou l'autre, elle s'oppose ou s'annulent. En Russie le prolétariat et le parti bolchevique arrêtent la guerre mondiale. Cette théorie de la guerre révolutionnaire elle n'a jamais marché. On n'est pas formé pour çà dans le mouvement ouvrier. Si vous prenez l'exemple de la Russie, il n'y a pas besoin de brigades internationales. En Russie ce sont des manifestations contre la faim, des manifestations de femmes des soldats au front qui enclenchent la révolution. Le dit coup d'Etat fait tomber l'Etat comme une merde en quelques jours et peu de morts. La situation est différente en Espagne où on est en pleine contre-révolution. Elle est entourée par les nazisme en Allemagne et le fascisme en Italie, et la France du Front de gauche à l'époque – je m'excuse pour ceux qui sont du Front de gauche ici - Front populaire anti-ouvrier, qui est en train d'enfermer les ouvriers dans les usines et leur dit « nous on s'occupe du pouvoir ».


 L'INSTRUMENTALISATION DE LA GUERRE SAINTE ANTI-FASCISTE AUTOUR DE DEUX ARMEES MERCENAIRES: LES BRIGADES INTERNATIONALES ET LES "REGULARES"

 Les ouvriers espagnols n'en voulaient pas de cette guerre, ni s'entretuer entre espagnols.  En Espagne le pouvoir n'est pas renversé mais, chose étrange, on n'a rien fait jusqu'en octobre pour armer les prolétaires (qui voulurent simplement défendre la République) alors que des milliers d'ouvriers espagnols commencent à être sacrifiés au combat de la « guerre sainte antifasciste » (…) les premiers combats contre le putsch de Franco ils l'avaient gagné par leur grève générale pas par l'utilisation des armes, et que dans beaucoup d'endroits les armes ont été fournies par les soldats eux-mêmes. En face on a une politique de Franco qui a observé ce qui s'est passé en Russie en 1917. Dans les écoles militaires huppées on n'enseigne pas simplement l'art de la guerre d'un philosophe chinois antique, on y analyse le déroulement des révolutions. Dans ce cas, une armée de conscrits est dangereuse pour la bourgeoisie, elle peut se retourner à tout moment contre ses officiers. Qu'en tire comme leçon Franco ? Il envoie les troupes coloniales et cela personne n'en parle. Il fait venir les « regulares » marocains qui sont avec les légionnaires des gens particulièrement cruels. Les premiers jours du pronunciamento ce sont des milliers de tueurs qui se répandent en Espagne, qui violent les femmes et coupent les couilles aux mecs et les mettent dans la bouche ; ça c'est la spécialité coloniale reprise par l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Là c'est la terreur parmi les ouvriers espagnols au point que la terreur va durer toute la guerre, jusqu'au coup d'Etat du gouvernement Casado, qui comporte des ministres anarchistes, mais plus des staliniens (qui prennent la poudre d'escampette). (cris, interruptions). Je termine SVP. Le dernier gouvernement républicain – qui évite une capitulation honteuse aux staliniens – supplie Franco de ne pas envoyer les « maures » mais des soldats espagnols. Voilà, les ouvriers ne peuvent jamais gagner par la guerre révolutionnaire face à une armée classique. Nous pouvons gagner comme l'ont fait les russes en 1917, par la grève générale, par la paralysie économique. Nous pouvons gagner comme les ouvriers espagnols au mois de juillet 1936. Mais là les conditions politiques étaient telles que du parti stalinien aux anarchistes ils se sont tous mis au service de l'Etat bourgeois. L'Etat bourgeois n'ayant pas été détruit, il n'y avait pas de révolution possible en Espagne. J'arrête là »2. La réponse du « spécialiste » fût de la même eau que son exposé introductif avec nombre d'approximations hors sujet, comme la remarque qu'il n'y avait pas eu de fraternisation au cours de la Commune de Paris (ce n'est pas le problème de la Commune qui reste un « accident » mais en même temps une prémisse indispensable à la théorie du défaitisme révolutionnaire).

Des digressions sur l'or espagnol pas très claires, et je lui ai demandé de préciser que c'est surtout Staline qui s'est fait payer ses tanks pourris. Il a réfuté qu'il y ait eu grève générale je ne sais plus où. Il a affirmé bizarrement qu'il n'y avait pas d'anarchistes en Espagne mais que des anarcho-syndicalistes. Il a affirmé aussi qu'il n'y avait pas de tradition anticléricale parmi les ouvriers espagnols (à voir sur l'enregistrement). Sur les exactions des "maures" marocains il me répond que plusieurs historiens en ont parlé il y a longtemps, mais je lui rétorque que la CNT "antiraciste" esquive cet aspect de l'histoire dans ses textes sur internet. Ah... sur internet.
Enfin, peu importe, sans méthode, ce n'était que du commentaire d'historien éclectique et de peu d'intérêt pour penser cette tragique guerre d'Espagne. Certainement en braquant le public, et en désespoir de cause je suis encore intervenu pour lui demander qui avait eu l'idée d'inventer les brigades internationales. Une idée vicieuse, selon moi, et militariste. Le premier souci des révolutionnaires russes avait été de s'adresser aux révolutionnaires du monde entier pas pour qu'ils viennent endosser l'uniforme de l'armée rouge mais pour qu'ils facilitent la révolution dans leur propre pays. J'ai modernisé la fameux slogan « on croit combattre pour la patrie, mais on combat pour les marchands de canons » à la sauce brigades internationales : « on croit combattre pour l'internationalisme mais on vient combattre pour le nationalisme espagnol » ; c'est pourquoi on peut raisonnablement conclure que la tragédie espagnole a été une préparation à l'embrigadement pour le deuxième guerre mondiale, et je suis choqué que vous fassiez circuler une image humiliante et soumise d'anarchistes assis sur les tanks du général Leclerc à la Libération de Paris. Très houleux, les unes et les uns se levaient pour m'invectiver. Un des figurants de la secte crie : « je lirai pas ton blog ». Et moi : « je m'en fous. Vous vous nourrissez tous les matins au petit-déjeuner de clichés antifascistes ». Un hurluberlu du fond prend soudain la parole pour déclarer que suite à l'ouverture des archives à Moscou on a bien compris que la révolution de 1917 n'avait été qu'un complot ! J'éclate de rire et je réponds : racontars des dominants, du Raymond Aron ! (ces anarchistes lambdas sont capables des pires sornettes que même les pires bourgeois ne se permettent pas). J'ai laissé le conférencier terminer son monologue hétéroclite et, à l'annonce de l'arrivée du chanteur antifasciste j'ai pris le chemin de mes pénates.

Le gentil conférencier, avec son air de pas y toucher, n'avait pas été fichu de me répondre au pourquoi de la participation des anarchistes à un gouvernement bourgeois, sauf qu'en bon caméléon (ou coucou) il avait relevé une opposition entre la base et les dirigeants. Air bien connu de tout politicien bourgeois, stalinien repentant ou syndicalo-trotskien.Quant aux leçons pour aujourd'hui de la "révolution espagnole", vous repasserez bien une autre fois.

PS: La voix du conférencier de la CNT avait été monocorde et peu audible, mais je compris par après que dans les grandes lignes l'exposé n'était pas du tout basé sur la lucidité et la compréhension contemporaine de cette sale guerre d'Espagne par les véritables groupes marxistes maximalistes ou tout honnête homme (j'imaginais à tort qu'il invoquerai la "bible" Bolloten ou qu'il me manquerait pas de ne pas oublier de dénoncer le coup de poignard stalinien dans le camp républicain avec exécutions sommaires d'opposants et que les collectivisations ringardes ne cachèrent point les cris de Nin torturé... ce qui était méconnaître la nature de cette secte bourgeoise de bobos patibulaires). Parfaitement couards et sûrs d'être dans les ex-terres staliniennes - où pourtant il ne reste que quelques vieilles grenouilles cacochymes - l'exposé du chefaillon spécialiste n'était basé que sur les poncifs éculés de l'unité "antifasciste", saupoudrée comme je l'ai montré de féminisme bcbg, engluée dans des détails d'histoire secondaire, et, comme on l'a vu aussi dans une esquive permanente des crimes staliniens; c'est pourquoi le petit prof retraité arguait d'une dispersion de l'or espagnol aux vendeurs d'armes sans jamais dénoncer Staline, son principal pillard. Rien n'était dit sur l'essentiel où révolution et guerre s'opposent comme le jour et la nuit, où l'une délimite l'autre. Rien sur le maintien de l'Etat bourgeois et de ses banques. Rien sur le désarmement des ouvriers et la militarisation des milices ouvrières. Rien sur les ukazes des syndicats en faveur de l'économie de guerre. Rien sur l'interdiction des luttes revendicatives pour ne pas nuire  à la "guerre sainte antifasciste". Rien sur le dessous des collectivisations soumises à l'économie de guerre. Quasiment rien sur la répression des PC-POUM et anarchistes en mai 37. On fît vibrer ignorants et fidèles de secte dans la salle par l'évocation de la spontanéité... syndicale qui est tout sauf spontanée... (Ce bouffon de l'anarchisme mité n'allait tout de même pas renvoyer ses auditeurs lambdas à la lecture des "leçons des événements d'Espagne" de la revue Bilan n°36, d'octobre 36 justement!).
La CNT actuelle n'est même plus ni héritière ni décomposition de la glorieuse organisation syndicaliste d'avant 1936, mais un misérable croupion gauchiste qui - sans prétendre rivaliser avec les restes décatis du PCF - voudrait pêcher à la ligne dans son cimetière idéologique. Ce qui me fait dire, en revenant au décès de l'anarchisme révolutionnaire en 1936, qu'un parti qui dégénère n'est en fait qu'un parti qui vient rivaliser avec les autres partis déjà bourgeois, mais pour prendre ou partager une partie du pouvoir d'Etat; si on veut bien lui accorder un strapontin.

 Hugh Thomas dans le tome II de son histoire de la guerre d'Espagne (et non pas de la révolution) rapporte le témoignage génial du père de Federica Montseny, un véritable anarchiste de la grande époque; celle-ci ayant déclaré que "la CNT reconnaissait maintenant l'Etat comme un 'instrument de lutte', il avait été au regret de lui dire que tout cela signifiait "la liquidation de l'anarchisme. Une fois au pouvoir vous ne vous délivrerez pas du pouvoir".

"Une condition essentielle devait être respectée: laisser intact le mécanisme de l'Etat bourgeois et le renforcer par l'apport des organisations ouvrières auxquelles étaient dévolus les rôles de propulsion de Pierre l'Ermite, dans la guerre antifasciste. Bien sûr, l'on a collectivisé des usines expropriées par les ouvriers, l'on a partagé les grandes terres appartenant à des fascistes, mais toujours en conformité avec le maintien et le renforcement de l'Etat bourgeois qui peut croître et se développer dans une ambiance où les usines collectivisées sont devenues des usines militarisées où le prolétaire doit produire "plus et plus qu'avant le 19 juillet" et où ne peut plus émettre la moindre revendication de classe. L'Etat bourgeois vit et se renforce dans la mesure même où l'on jette une digue militaire pour empêcher les ouvriers de vivre et de se renforcer sur le terrain des luttes sociales. "Tous au front ou à l'usine" voilà la situation qui permet aux organisations bourgeoises et ouvrières de remplacer l'activité spécifique du prolétariat par l'activité spécifique de la bourgeoisie". Bilan n°37 (décembre 1936)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire