PAGES PROLETARIENNES

mardi 22 mars 2016

UNE SI LONGUE GUERRE TERRORISTE...


Nouveau carnage, une trentaine de tués et une centaine de blessés graves. Daech a revendiqué en fin d'après-midi les attentats de Bruxelles: "des combattants de l'Etat islamique ont mené une série d'explosions avec des ceintures d'explosifs". Ce pôle criminel invisible a précisé que la Belgique est "un pays qui participe à la coalition internationale contre l'Etat islamique". "Les combattants ont ouvert le feu à l'intérieur de l'aéroport de Zaventem avant que plusieurs d'entre eux ne déclenchent leurs ceintures d’explosifs".

UNE GUERRE LONGUE DU TERRORISME CONTRE LA DEMOCRATIE ?

Outre la stupeur, cette nouvelle tragédie vient confirmer les perpétuelles mises en garde affolantes et stériles du Premier ministres Valls, qu'on préférait ne pas prendre au sérieux. Ce nouveau crime barbare contre des civils et des prolétaires, les deux mêlés, confirme malheureusement non une situation forfuite et ponctuelle de stratégie « d'armes du pauvre » - terrorisme de chantage des "Etats voyous" au cours des années 1980 – mais une situation de guerre... mondiale, où partout des civils peuvent être tués sans raison claire ni rationnelle.
Tout cela relève pourtant d'un maquillage éhonté, simpliste. Churchill avait dit que toute guerre devait être protégée d'un rempart de mensonges, mais la terreur que nous sommes en train de subir rappelle étrangement la complexité et la singularité des débuts de la guerre d'Espagne en 1936 (ou Staline et son compétiteur Hitler souhaitaient une "guerre locale longue"; examinons la description du puzzle par Bilan n°38 en janvier 1937 : « En Espagne actuellement on aboutit à un véritable puzzle si l'on essaye d'expliquer comment l'Angleterre supporte que sa colonie portugaise devienne le fournisseur de Franco allié de Mussolini qui menace les positions anglaises en Méditerranée, ou comment la France ne s'oppose pas au ravitaillement des militaires espagnols par Hitler qui peut ainsi s'assurer une base d'encerclement territorial de la République »1.

L'anti-terrorisme islamiste, assimilé à la démocratie innocente quand le terrorisme djihadiste est assimilé à un nouveau fascisme, tendent à nous replacer dans le même type de mystification que l'idéologie binaire fascisme/antifascisme qui avait présidé à l'embrigadement généralisé en 1939, mais on oublie qu'il avait fallu l'invention du pacte « communisme-fascisme » pour vraiment déstabiliser le prolétariat mondial. Malgré leur répétition, les attentats contre les civils un peu partout, et de plus en plus en Europe, ne déstabilisent pas autant – du fait que les contradictions sont
nombreuses et véritables nœuds gordiens : crise des migrants, antiracisme moralisateur, padamalgam, indignité du sadisme djihadiste, arrogance des communautarismes qui sert tant à la négation des classes.

La tentation est facile de radoter comme certains du milieu maximaliste que la bourgeoisie prépare la guerre mondiale, la vraie, des monstres de daech aux fous de la Corée du nord. Je ne partage pas ce radotage – qui, certes à force d'être répété, pourrait bien arriver un jour. Je penche plutôt pour un « long » conditionnement des populations à la terreur invisible, comme une volonté étatique de restaurer un paternalisme étatique, une soumission idéologique au pire qui reste à venir. Où il nous faut mener une réflexion à partir de la situation sociale intérieure et ensuite aller voir au plan impérialiste. C'est par ce plan que je commencerai pourtant.

(Le général Desportes est un des grands stratèges militaires français. Attaché militaire près de l’ambassade de France aux États-Unis d’Amérique, puis conseiller défense du Secrétaire général de la défense nationale (SGDN), il fut ensuite directeur du Centre de doctrine et d’emploi des forces (CDEF) jusqu’en juillet 2008. Le général Vincent Desportes prend la tête du Collège interarmées de défense (CID), de 2008 jusqu’à l’été 2010.Sanctionné en 2010 pour son franc-parler, il quitte l’armée. Il est aujourd’hui professeur associé à Sciences Po et enseigne la stratégie à HEC. Vincent Desportes est aussi codirecteur avec Jean-Francois Phelizon de la collection « Stratégies & doctrines » aux éditions Economica.)
Source : senat.fr, 17/12/2014 COMPTES RENDUS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES, DE LA DEFENSE ET DES FORCES ARMEES

Débat en séance publique sur la prolongation de l’opération Chammal en Irak – Audition de M. Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères

La commission auditionne M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, en vue du débat en séance publique sur la prolongation de l’opération Chammal en Irak, en application de la l’article 35 de la Constitution.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. – Je souhaite à présent en notre nom à tous la bienvenue à M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères. Monsieur le ministre, nous préparons la décision que nous prendrons le 13 janvier prochain sur la prolongation de l’opération Chammal en Irak. Votre expérience et votre analyse peuvent éclairer notre choix. Vous avez récemment déclaré que les pays occidentaux étaient incapables de changer le cours des choses, qu’ils n’avaient plus « les moyens de leurs émotions ». Nous menons en effet des opérations lourdes et complexes, qui ont de forts impacts sur la société et la mondialisation. Quel est votre sentiment sur ces questions ?
M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères : (…) Je suis plus réservé à propos de notre engagement en Irak. L’intervention américaine de 2003 était une erreur, d’autant plus que les arguments utilisés pour la justifier étaient mensongers. Mais, surtout, la politique qui a été mise en place après le renversement du régime a été une erreur plus grande encore. Elle a consisté à appliquer les mêmes méthodes qu’en Allemagne ou au Japon en 1945, en partant du principe qu’une fois la dictature renversée, on retrouvait la démocratie de façon automatique ! Or il faut du temps pour construire la démocratie. Si les États-Unis avaient été capables d’élaborer un plan constructif, évitant de renvoyer les membres du Baas dans l’extrémisme, nous aurions été obligés de reconnaître après coup le bien-fondé de leur intervention. Une troisième erreur a été commise, quand les troupes américaines sont parties. Certes, le président Obama avait été élu avec pour mission de désengager les forces américaines. Néanmoins, abandonner le gouvernement de l’Irak aux mains de M. Maliki, partisan d’une politique chiite sectaire, était une faute. Cet enchaînement de mauvaises décisions a conduit à la dégénérescence actuelle. Quel enseignement en tirer, sinon que toute intervention nécessite qu’on réfléchisse soigneusement à ses objectifs, aux conditions dans lesquelles elle se fera, sans parler des moyens ?
Quant à Daech, il était compréhensible que le président Obama décide d’intervenir après les décapitations spectaculaires et de mettre sur pied une coalition. Grâce aux drones, aux forces spéciales et au renforcement des troupes kurdes, le mouvement a pu être à peu près endigué. Il n’y a pas eu de bataille de Bagdad. Il était rationnel que nous apportions notre aide, en engageant des moyens. Cependant, pour éradiquer le mouvement, il faudrait une action militaire au sol et une solution politique en Irak et en Syrie. Or aucun pays occidental ne souhaite envoyer des troupes au sol : le Congrès américain voterait contre, la Grande-Bretagne s’y refuse, tout comme la France. Créer une force à partir des contingents irakiens chiites, kurdes et saoudiens reste difficile. Quant aux solutions politiques, elles supposent la création d’un Irak fort où le gouvernement chiite respecterait les sunnites – or rien de tel ne se fera sans l’Iran – mais également en Syrie. La tête du système Daech est en Syrie. Mais si on casse Daech en Syrie, on consolide de facto le régime Assad, car il n’y a pas de force démocratique assez forte sur le terrain syrien. Nous sommes placés dans une contradiction insurmontable. Sur le plan réaliste, il faudrait pouvoir accepter de coopérer davantage avec l’Iran et nous résigner à ce que Bachar el-Assad ne tombe pas. Bien sûr, des alliances difficiles se sont nouées pendant la Seconde guerre mondiale : face à Hitler les Etats-Unis se sont alliés à Staline. Mais certains choix dramatiques sont difficiles à assumer par les diplomaties d’opinion. L’affaire syrienne nous place devant une contradiction que nous ne savons pas gérer. Comme s’en inquiétait déjà Tocqueville, dans les démocraties, « les politiques étrangères sont souvent menées à partir de la politique intérieure ».
Intervention du général Desportes :
Général Vincent Desportes, professeur associé à Sciences Po Paris. – Avant de revenir vers les critères d’évaluation des opérations extérieures, je crois qu’il faut dire, affirmer et répéter sans faiblesse : « Daech delenda est ». Ayons la force de Caton l’Ancien.
Daech est aujourd’hui le danger majeur. Nous n’avons certes pas les moyens de tout, en même temps. Les menaces doivent être priorisées, quitte à consentir quelques compromis avec les moins brûlantes : dans le monde réel, dans un contexte de ressources et de moyens limités, notre politique ne peut être que réaliste.
« Daech delenda est » … mais nous ne pourrons répandre le sel sur le sol de l’Irak et de la Syrie. Il faudra au contraire le rendre fertile pour de nouvelles semences.
« Daech delenda est » … et pourtant votre interrogation demeure fondamentale : personne ne doute ici qu’il faille détruire Daech, mais devons-nous participer nous-mêmes à cette destruction ?
Un mot sur Daech, d’abord.
Ne doutons pas de la réalité de la menace directe pour nos intérêts vitaux, dont notre territoire et notre population. Daech est le premier mouvement terroriste à contrôler un aussi vaste territoire (35% du territoire irakien, 20% du territoire syrien). Ce qui représente 200 000 km² (soit l’équivalent de l’Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes réunis) et une population de l’ordre de 10 millions de personnes. Ce territoire est imparfaitement mais réellement « administré » par un « ordre islamique », fait de barbarie et de rackets. Daech dispose d’un véritable « trésor de guerre » (2 milliards de dollars selon la CIA), de revenus massifs et autonomes, sans comparaison avec ceux dont disposait Al-Qaïda. Daech dispose d’équipements militaires nombreux, rustiques mais aussi lourds et sophistiqués. Plus que d’une mouvance terroriste, nous sommes confrontés à une véritable armée encadrée par des militaires professionnels.
Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les Etats-Unis. Ce mouvement, à la très forte capacité d’attraction et de diffusion de violence, est en expansion. Il est puissant, même s’il est marqué de profondes vulnérabilités. Il est puissant mais il sera détruit. C’est sûr. Il n’a pas d’autre vocation que de disparaître.
Le point est de le faire disparaître avant que le mal soit irréversible, avant que ses braises dispersées n’aient fait de ce départ de feu un incendie universel. Il faut agir, de manière puissante et déterminée, avec tous les pays de la région.
Il faut agir, mais qui doit agir ?
Avant d’aller plus loin dans mon raisonnement, je voudrais, comme vous l’avez souhaité, étudier quelques-uns des critères retenus comme fil guide de ces auditions. J’aborderai d’abord celui de la capacité « d’analyse exacte du contour spatio-temporel et financier d’un engagement ». Ce critère est en opposition profonde avec la nature même de la guerre.
Car, depuis que le monde est monde, personne n’a jamais pu « commander » à la guerre. Le rêve du politique, c’est l’intervention puissante, rapide, ponctuelle, qui sidère. C’est le mythe cent fois invalidé du « hit and transfer », du choc militaire qui conduirait directement au résultat stratégique et, dans un monde parfait, au passage de relais à quelques armées vassales immédiatement aptes et désireuses d’assumer elles-mêmes les responsabilités. Las ! Les calendriers idéaux (du genre « Cette opération va durer six mois ») sont toujours infirmés par ce que Clausewitz appelle la « vie propre » de la guerre. La guerre appartient à l’ordre du vivant, elle n’est pas un objet, elle est un sujet. Dès lors, n’espérons jamais « commander à la guerre » : c’est elle qui imposera son calendrier et ses évolutions. Cela a toujours été vrai : je relie mon propos à trois stratégistes qui inscrivent dans le temps éternel cette caractéristique incontournable de la guerre. 400 av. JC, évoquant la guerre du Péloponnèse, Thucydite indique que « La guerre ne se développe jamais selon un plan arrêté ». Au XVe siècle, Machiavel considère pour sa part que, si « on rentre dans la guerre quand on veut, on en sort quand on peut ». Il y a quelques années, un officier de cavalerie qui connaît la guerre mieux que personne pour en avoir souffert dans sa chair et l’avoir pratiquée à tous les niveaux, je veux parler de Winston Churchill, affirme dans ses mémoires, « Ne pensez jamais, jamais, jamais qu’une guerre peut être facile et sans surprise ; (…) l’homme d’Etat qui cède au démon de la guerre doit savoir que, dès que le signal est donné, il n’est plus le maître de la politique mais l’esclave d’événements imprévisibles et incontrôlables ».
Il a tellement raison ! Prenons deux exemples récents. Quand les Etats-Unis se lancent dans la deuxième guerre du Golfe en 2003, ils ne savent pas qu’elle va les entraîner, 11 ans plus tard, dans une troisième guerre du Golfe. Quand la France décide de stopper les chars libyens devant Benghazi en 2011, elle ne sait pas que cela va l’entraîner en 2013 au Mali et pour de très longues années dans la bande sahélo-saharienne.
De la première bataille à « la paix meilleure » qu’elle vise, il y a toujours un long chemin chaotique qui ne produit le succès que dans la durée, l’effort et la persévérance. Donc, quand on rentre dans une guerre, il faut avoir de la ressource, ce que j’appelle de la « profondeur stratégique » – notion fondamentale – pour pouvoir « suivre » (dans le sens du jeu de poker) et pouvoir s’adapter… ce que nous avons été tout à fait incapables de faire en Centrafrique par exemple.
Je veux insister encore un peu sur ce problème du nombre, car il est crucial. Il est directement lié au concept de résilience. Résilience dans chaque crise et résilience globale. Aucune de nos interventions ne peut produire ses effets dans le temps court, mais notre capacité de « résilience ponctuelle » est très faible : à peine arrivés, il faut partir. C’est pire dans le temps long, et pourtant il faut bien intervenir face aux menaces extérieures.
Au bilan, quelle que soit l’armée considérée, nous sommes engagés au-dessus des situations opérationnelles de référence, c’est-à-dire que chaque armée est en train d’user son capital sans avoir le temps de le régénérer. Nous avons des forces insuffisantes en volume. Pour compenser, tant au niveau tactique qu’au niveau stratégique, nous les faisons tourner sur un tempo très élevé qui les use. C’est-à-dire que si ce suremploi continue, l’armée française sera dans la situation de l’armée britannique sur-employée en Irak et en Afghanistan et obligée pendant quelques années d’arrêter les interventions et de régénérer son capital « at home ». L’effort considérable produit aujourd’hui au profit des interventions a des répercussions fortes et mesurables sur les forces en métropole, en termes de préparation opérationnelle en particulier.
Le sens des responsabilités exige de tordre définitivement le cou au mythe de la guerre courte. Ecartons définitivement les faux rêves toujours invalidés du « first in, first out » et du « hit and transfert ». Cela n’a marché ni pour les Américains en Irak, ni pour nous au Mali. D’ailleurs le « hit and run » n’est pas un facteur de stabilité : nous en sommes à la cinquième opération « coup de poing » en Centrafrique, 34 ans après la première, Barracuda en 1979. Une opération qui dure n’est pas forcément une opération qui s’enlise !
D’ailleurs le Livre blanc de 2008 a, au moins de manière théorique, bien pris en compte cette nécessité. Il postule que : « les phases de stabilisation peuvent s’étendre sur des années » ou que « ces opérations s’inscrivent dans le temps long » et avance que « l’aptitude à durer » est un facteur fondamental de l’efficacité des armées.
Dans ces conditions, il est bien évident que la délimitation de l’espace et du temps, l’évaluation et la maîtrise des coûts relèvent de la gageure. Ce rêve peut être utile en termes de communication politique, mais son propre discours ne doit pas leurrer le politique.
Comment compléter utilement la grille d’évaluation 2008 ?
Je voudrais d’abord prendre un instant pour rappeler ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine Powell, admirée en son temps puis oubliée avec ce dernier après son mensonge public, à la face du monde, le 5 février 2003.
Cette « doctrine » a été définie à l’aube de la guerre du Golfe en 1990. Elle se résume à une série de questions :
– Des intérêts vitaux sont-ils en jeu ?
– Des objectifs atteignables ont-ils été définis ?
– Les risques et coûts ont-ils été objectivement analysés ?
– Toutes les autres options non-violentes ont-elles été épuisées ?
– Existe-t-il une stratégie de sortie permettant d’éviter un embourbement ?
– Les conséquences de l’intervention ont-elles été évaluées ?
– Le peuple américain soutient-il cette action ?
– Avons-nous un réel soutien de la communauté internationale ?

 
Cette grille est bien imparfaite, mais elle est claire et pourrait encore utilement servir d’exemple à nos responsables exécutifs. 
 
(…) Etat islamique. « Daech delenda est » : certes ! Nous sommes profondément solidaires, mais nous ne sommes aucunement responsables. Nos intérêts existent, mais ils sont indirects. Nos capacités sont limitées et dérisoires, là-bas, par rapport à celles des Etats-Unis et notre influence stratégique est extrêmement limitée. Bien que nous soyons le 3e en termes de participation aérienne, nous sommes considérés par les Américains comme le 9e contributeur, derrière l’Arabie Saoudite. Au sein de l’état-major interalliés et interarmées opératif au Koweït, notre poids et notre accès est très limité, avec seulement une cinquantaine de postes non ABCA sur un millier. Le problème est d’une très grande complexité et ne sera réglé que dans le temps très long, en exigeant toujours plus de moyens »1.

LE CAPITALISME N'EST PAS MAITRE DE SES CONFLITS INTER-IMPERIALISTES et inter-terroristes:


Aucun Etat capitaliste ne voulait de 1914 ni de 1939. Aujourd'hui encore, excepté une petite folle comme la Corée du nord, personne n'y pense sérieusement. La Chine y est carrément opposée. La bagarre entre fractions américaines pour la rente pétrolière, à l'origine du massacre dans les tours de New York en septembre 2001 ne sera bientôt plus que le souvenir d'un jeu d'enfants criminels à côté de ce qui nous attend et nous frappe tous les jours. Aucun Etat n'est un tout, chaque nation supporte de cruelles rivalités en son sein (territoriales, économiques ou bankstéristes) qui se fichent de l'humanité. Il est tentant et courant de désigner l'autre comme le grand responsable. L'empire US à ce titre fait fureur chez les diplomates émérites des vassaux comme chez les morveux de banlieue admirateurs des caïds de la drogue recyclés égorgeurs. Le plus puissant serait le meilleur comploteur, celui qui possède une kalach à la cave de sa soeur comme celui qui détient une paire de missiles atomiques à la caserne de la place de la Libération nationale. Fabius et le chef de la diplomatie russe Lavrov ont aussi, chacun à leur manière instillé le doute sur une paternité US, sans que personne ne puisse prouver un soutien direct économique et militaire de la CIA à ces monstres, même si chacun déduit qu'il y a bien des intermédiaires inévitables, Turquie comme pétromonarchies : « Le groupe terroriste Daech a été créé par ceux que les Etats-Unis avaient emprisonnés (nuance), pendant un certain temps, en Irak et en Afghanistan, mais qu’ils ont libérés, ensuite», avait déclaré le ministre russe des Affaires étrangères. Sergueï Lavrov, sur les ondes d’une chaîne de radio, n'avait fait que noter que l’Occident et ses alliés régionaux avaient exhorté (exhorter n'est pas jouer!) les terroristes, les extrémistes et les miliciens étrangers à attaquer le processus politique, en Syrie, afin de renverser le gouvernement Assad. «Ils ont, finalement, perdu le contrôle de l’affaire (ça c'est vrai), et les groupes terroristes et les miliciens étrangers, qui avaient été soutenus par l’Occident, ont procédé à la mise en place du groupe Daech. Les mêmes personnes que les Etats-Unis avaient emprisonnées, en Irak et en Afghanistan, et qui ont été, ensuite, libérées, ont mis en place le groupe Daech», a souligné M. Lavrov.
En réalité Lavrov est un fin diplomate et n'accuse pas directement la bourgeoisie américaine, mais les réseaux sociaux ont poussé le bouchon à fond, et la rumeur devient certitude pour tout sauvageon  nationaliste arabe, qui y ajoute la complicité d'Israël.
La référence (non développée) par Hubert Védrines à Tocqueville, est bien plus intéressante : « Comme s’en inquiétait déjà Tocqueville, dans les démocraties, « les politiques étrangères sont souvent menées à partir de la politique intérieure ».
 
J'ai fait état pour commencer des nœuds gordiens de la politique de l'Etat bourgeois, mais leur dénouement pourrait bien passer par l'amplification croissante du nombre de victimes et la répétition odieuse des attentats terroristes, car à Bruxelles comme à Paris ce sont surtout des prolétaires qui ont été assassinés ou gravement estropiés. Et que la colère ne pourra pas toujours être déviée sur les zorros minables du dit djihadisme, dont les cibles ne sont jamais Neuilly ni les potentats bourgeois de Londres ou Ryad.
Face aux carnages désormais cycliques en milieu urbain, pour n'importe quelle raison – l'an passé à Paris c'était contre des dessinateurs et des jeunes qui s'amusaient quand aujourd'hui ce serait venger une racaille terroriste coincée ou humilier l'Europe – les médias nous rebattent les oreilles sur NOTRE IMPUISSANCE, à vous, à moi, aux gouvernements démocratiques, aux policiers victimes eux-mêmes... quand les deux têtes de l'Etat ne cesse de dire que « nous sommes en guerre » et que la guerre « sera longue ». Guerre très particulière, on en convient, dans la brume et l'obscurité des causes, avec une constante l'agitation au premier plan des pantins djihadistes qui ne seraient que le produit des banlieues reléguées ou du belgikistan. Or tout révèle une stratégie, perverse, très scénarisée : égorgements publics d'otages sans défense, exécutions massives de prisonniers, destruction de monuments antiques, attaques de lieux de distraction, même des lieux sacrés du foot, attentats ciblés dans le métro, dans les aéroports, etc. On dirait une secte qui rivalise en imagination psychopathe au point de nous faire perdre notre latin non pédophile ou notre islam gentil.
Que ces crimes soient à la fois le produit de rivalités souterraines entre Etats ou entre Etats et bandes armées incontrôlables, le problème reste : qui peut nous en protéger ? C'est le problème de la révolution contre l'ordre qui nous opprime et veut qu'on accepte de mourir sans raison. C'est au temps des guerres de tranchées lorsque la tuerie excède toute mesure, les crosses qui se lèvent en l'air, le droit à l'insurrection qui s'empare de l'arrière. J'ai toujours pensé depuis les attentats des années 1980 que, puisque l'Etat bourgeois ne nous protège pas, il ne fallait pas ni pleurer avec lui ni signer des pétitions, mais en appeler à la grève qu'elle soit générale ou partielle, totale ou insurrectionnelle. Un défaitisme révolutionnaire de civils en quelque sorte, comme juste revanche de son immense théoricien, Lénine.
La vérité si on la cherche dans cette tragédie répétitive à deux coups (l'attentat est toujours double ou redoublé comme pour mieux manifester sa barbarie no future et ne laisser aucune chance de penser qu'il a été forfuit ou improvisé) est facile à trouver:
1. les Etats capitalistes ne maîtrisent pas plus la guerre que les bandes armées du passé de l'humanité, et encore moins ses excroissances ou dégâts "collatéraux" même dans leur propre camp, c'est pourquoi d'ailleurs l'Etat bourgeois, national ou européen, est obsolète;
2. tant que le prolétariat ne se réveillera pas lui-même pour mettre fin, à partir d'ici, aux guerres là-bas, la sale guerre continuera ici... sans protection.





1http://www.les-crises.fr/le-general-desportes-au-senat-daech-a-ete-cree-par-les-etats-unis-2014/

Source : senat.fr, 17/12/2014







 
1Page 1247 de Bilan n°38.

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