PAGES PROLETARIENNES

samedi 29 août 2015

QUELLES MIGRATIONS? OU LES ABOMINATIONS D’UNE GUERRE MONDIALE OPAQUE

Le livre que tout révolutionnaire devrait lire

(la manipulation bourgeoise par la psychologie des émotions, la dépossession politico-sentimentale
 des «foules» face à l'exode des "demandeurs d'asile"


«Ne pas se laisser envahir par une émotion quelle qu’elle soit, et fabriquer des émotions avec beaucoup de justesse, tels sont les secrets des parfaits menteurs».
Claudine Biland (Psychologie du menteur, p.33, ed Odile Jacob 2004)

Aux expositions de centaines et centaines de corps des "demandeurs d'asile" noyés s’ajoutent celles de cadavres réfrigérés sur terre, qui ont tenté (vainement) eux aussi au mépris de la mort de passer par la terre ferme de l’est européen pour rejoindre le prétendu Eldorado des pays du vieux capitalisme; fuite occultée des syriens chrétiens ou laïcs pour échapper à telle ou telle bande armée islamiste qui se propose de les zigouiller une fois au pouvoir. Les campagnes de culpabilisation des Etats «qui ne font pas assez» pour sauver ceux qui tentent par milliers de «se réfugier» visent psychiquement à soulever l’émotion en cachant les responsabilités de l’ensemble des dirigeants capitalistes dans les causes (militaro-impérialistes) de ces fuites éperdues; c’est un peu comme si on demandait aux habitants et gouvernements collabos de l’Europe sous la botte de Hitler de venir en aide aux millions de prisonniers dans les camps et aux juifs dans les camps de la mort. Sauf qu’en 39-45, beaucoup de choses n’étaient pas sues et qu'il n'était ni possible de faire grève ni de déclencher une quelconque révolution. On SAIT presque tout de l'horreur du monde de la guerre et de la finance aujourd’hui mais on reste pétrifié devant l’horreur et chacun de croire éternelle la politique de l’autruche, comme si la guerre mondiale rampante n’allait en reste qu’à l’exhibition du malheur et de la mort des autres. Bordiga a eu entièrement raison de dire que le fascisme a triomphé finalement en 1945. Le système démocratoc utilise les mêmes ficelles émotionnelles que décrivait en 1939 Tchakhotine. Il n’est pas jusqu’à la querelle sémantique entre les termes «migrants» et «réfugiés» - qui sert de rempart supplémentaire au mensonge christiano-impérialiste de tous ces faux-culs de journalistes - qui ne prête à se poiler en lisant l’extrait qui suivra où Tchakhotine se moque des distinctions du très limité Le Bon entre «le peuple» et «la foule». Ortiz, réac en chef de l’Huma, dit quelques vérités sous son titre provocateur («Non à «l’invasion» des migrants») en dénonçant l’arrière-salle impérialiste, mais dans un discours de fond stalino-chrétien en faisant croire à des solutions nationales de charité. Si les malheureux demandeurs d'asile en quête de refuges sont bien des «damnés de la terre», ils ne sont pas un prolétariat en constitution, mais une masse en exode de déshérités de plus en plus inintégrables au long terme qui débarquent avec une prison dans la tête (la religion) et sont destinés à servir à généraliser l’implantation de vastes camps de réfugiés en «pays riches» comme c’est la coutume depuis des décennies en pays sous-développés de la dite périphérie d’un capitalisme décadent et étouffant. Le résidu du PCF n’est toujours pas plus internationaliste que ma grand-mère n’était chanteuse de variétés, il reste un menteur sibyllin! Je n’ai point lu L’Huma protester contre la vente de «Rafales» et autres «Mirages»! Par défaut, cela ne dope-t-il pas le «produisons français»?

C'est une immigration de guerre, ou plutôt d'un exode auquel nous avons abruptement affaire, pas à ce mensonge libéral d’une simple migration de la misère (ou la version christiano-trotskienne, cette vieillerie de «réservoir de main d’oeuvre") c'est çà qu'il faut dénoncer (pas les pauvres victimes bien sûr), nous n'avons pas à réclamer des gouvernements bourgeois une mansuétude qu'ils sont incapables d'apporter (ils se la jouent compatissants et pleureuses avec leurs médias). Nous ne sommes ni chrétiens marxistes ni marxistes cyniques, ce n'est pas en pointant du doigt les drames terribles que nous contribuerons, nous les has been d’un communisme pur improbable, à conjurer le sort des victimes mais en dénonçant les guerres des impérialismes, non?
 Je m'étonne de parler dans le vide. Rapellez-vous les sixties; le mot d'ordre génial était "stop à la guerre du Vietnam" et enflammait la jeunesse du monde entier (plus que la vieillesse de la classe ouvrière)... mais désormais, en pleine ère glaciaire du regain du sabre et du goupillon, personne ne dit plus rien et masse comme individus consummérisés assistent en observateurs impuissants. Puis tout le monde s'était tu... les boat-people étant considérés comme des ... anti-communistes, tout à fait inintégrables et gérables dans leurs divers China Town!
Ce qui dégouline et fait gerber sous nos yeux est une guerre mondiale qui ne dit pas son nom, où la dénonciation de la guerre impérialiste peut passer pour caduque; en effet nous n'aurions affaire qu'à une guerre du bien contre le mal (les salauds Assad, Daesch, Poutine, etc.) et une Amerrikke blanche n'exposant plus ses soldats mais envoyant des drones... Alors le résultat va s'avérer pire qu'en 39-45: de moins en moins de soldats tués dans le "camp du bien" mais de plus en plus de civils victimes des guerres opaques de la bourgeoisie et de son incapacité à absorber, sauver ou secourir les populations sans défense qui subissent les diverses exactions des "pogromes impérialistes"! Combien de temps va durer cet exode ininterrompu vers la mort?
Quand le prolétariat mondial ira-t-il se plaindre du terrible viol psychique dont il est victime auprès du commissaire du parti au coin de la rue?

Tchaktotine nous interpelle dès le début du texte suivant - «aucune société, même animale, n’est concevable sans un certain respect de la vie d’autrui» - or ce que nous laissons faire, par notre soumission psychique aux Etats vendeurs d’armes montrent que nous sommes tombés en dessous des animaux avec le triomphe du «chacun pour soi», des divers «chacun chez soi», et d’une indifférence qui fait honte à l’humanité et même à tout ce long combat qui avait nom socialisme et «respect de la vie d’autrui».

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LE VIOL DES FOULES PAR LA PROPAGANDE POLITIQUE
par Serge Tchakhotine

... Il ne peut y avoir de doute que le point de départ de toute analyse psychologique des activités collectives humaines ne peut être autre que la constatation qu’aucune société, même animale, n’est concevable sans un certain respect de la vie d’autrui, objet d’un «tabou» formulé ou silencieusement admis. Ce tabou n’est même pas particulier à l’homme: il plonge ses racines dans l’animalité. Les faits rapportés par Sighele, qu’en Sicile, dans une révolte causée par la famine, des femmes faisant partie d’une foule, avaient arraché et avalé des morceaux de la chair humaine des corps des gendarmes tués, n’infirment pas l’existence, dans toute société, de ce tabou: nous avons devant nous, dans le cas rapporté, un comportement pathologique, dévié; quoique on ne saurait perdre de vue qu’un milieu social déterminé peut imposer toujours et partout des formes particulières aux phénomènes qui se produisent dans son sein.
La «psychologie des foules» a été souvent l’objet d’études poussées. C’est surtout Gustave Le Bon en France qui a inauguré la série d’écrits sur ce sujet, écrits qui datent déjà de plus d’un demi-siècle. Il parle d’ «âme» des multitudes là, où nous disons aujourd’hui «comportement» et mobiles. Il distingue «le peuple» et «la foule» et dit que le milieu et l’hérédité imposent à tous les individus d’un peuple, un ensemble de caractères communs, stables puisque d’origine ancestrale, mais que l’activité consciente de ces individus, rassemblés en foules, s’évanouirait et donnerait place à une action inconsciente, très puissante mais élémentaire. Le Bon, dont les idées ont fait école dans la sociologie moderne, a tendance à attribuer aux foules tous les maux dont nous souffrons, et à faire retomber sur elles toute la responsabilité des déboires de la vie politique et sociale de notre époque, qu’il nomme «l’ère des foules». Si l’on tient compte de ce que cette opinion a été émise vers la fin du siècle dernier, où l’allure des événements, comparée au dynamisme de nos jours, laisse apparaître l’époque en question comme une période de stagnation, on n’est guère persuadé que l’opinion de Le Bon ne lui ait été dictée par un parti pris et par une exagération de l’influence réelle que l’activité des foules peut avoir sur la vie des Etats. Il y a aussi une confusion des notions des diverses catégories des collectivités humaines. En effet, il paraît aujourd’hui puéril de mettre sur le même plan une foule qui procède à un lynchage, une armée défilant à une parade et une séance de la Chambre des Communes en Angleterre. Seul un certain affolement d’esprit, peut justifier la phrase suivante de Le Bon: «D’universels symptômes montrent, dans toutes les nations, l’accroissement rapide de la puissance des foules. L’avènement des foules marquera peut-être une des dernières étapes des civilisations d’Occident, un retour vers ces périodes d’anarchie confuse, précédant l’éclosion de sociétés nouvelles». Il est vrai que déjà Platon, dans sa «République» disait que le pouvoir des foules est une ivresse qui prépare fatalement le triomphe de quelque tyrannie.
Mais ce qui caractérise, en vérité, l’époque où nous vivons, est plutôt une décroissance de l’influence réelle des collectivités sur la vie publique; elles deviennent plutôt des instruments dociles entre les mains des dictateurs et même des usurpateurs, qui, en utilisant d’une part, une connaissance plus ou moins intuitives des lois psychologiques, et d’autre part, disposant de formidables moyenstechniques que leur donne aujourd’hui l’Etat moderne, et ne se laissant freiner par aucun scrupule d’ordre moral, exercent sur l’ensemble des individus composant un peuple, une action efficaceque nous avons présentée ici comme une sorte de viol psychique. Il est naturel qu’ils soient obligés, de temps à autre, d’avoir recours à des manifestations bruyantes, où ils exploitent et déchainent les forces inhérentes aux foules; par exemple, les parades militaires à grand fracas, des exhibitions spectaculaires, comme les Congrès de Nuremberg de Hitler, ou les harangues de Mussolini du haut de son balcon. Et cela s’explique très simplement: nous avons vu plus haut, qu’un réflexe conditionné, s’il n’est pas de temps à autre «rafraîchi», c’est à dire accompagné d’un réflexe absolu, perd de son efficacité; lorsque l’on emploie comme méthode de gouvernement la méthode psychique (cf. comme «l’antiracisme de gouvernement», note de JLR), la force des symboles agissant sur les 9.10ème des masses, c’est à dire la force agissante des ordres impératifs sur les suggestionnés, sur les «esclaves psychiques», s’évanouit peu à peu, si on ne touche pas périodiquement les cordes, que la peur ou l’enthousiasme sont capable de faire vibrer chez eux. C’est pourquoi l’art de gouverner des dictateurs (et des démocraties, note de JLR) comprend toujours deux formes ou phases essentielles d’action: I. r    rassembler les masses en foules, les impressionner par un coup de fouet psychique, en les haranguant violemment et ne leur faisant percevoir en même temps certains symboles - clefs de leur affectivité -en ravivant chez eux la foi en ces derniers; 2. disperser de nouveau ces «foules», en les transformant en «masses», et les faire agir pour un certain temps, en les entourant de tous côtés par les symboles devenus de nouveau agissants.
En France, les idées de Le Bon ont rencontré une opposition véhémente de la part de Durkeim et de son école sociologique, qui se sont dressés contre la tendance psychologique de Le Bon. Selon Durkheim, la foule n’est pas un phénomène primitif, présocial, elle est plutôt une société in statu nascendi (en train de naître). Ce qui caractérise une société évoluée, est sa structure sociale fixée (les institutions), qui exclut la foule, privée de cette structure. Enfin, selon Durkheim, l’idée de Le Bon sur l’influence des foules sur la vie social, est exagérée: les faits capitaux de la vie de la société ne trouvent pas leur solution par des coups brisques et tragiques dans la rue; ces derniers ne peuvent que renforcer les mouvements de la société même, qui y sont déjà à l’état latent.
Des courants sociaux exercent une pression sur l’individu qui se transmet aux masses. Cette pression s’exerce ainsi du dehors, mais là où il y a formation de foules, la pression peut avoir le caractère plus primitif des instincts (à base de pulsions). Durkheim repousse l’idée d’un psychisme collectif qui se manifesterait dans la foule. Dupréel arrive à entrevoir la nécessité de distinguer les foules et les masses, qu’il nomme «les foules diffuses».
Si l’on suit les idées de Le Bon, on voit que ce qu’il dit de la «domination» des foules dans la vie moderne, n’est aucunement applicable aux pratiques des dictateurs, mais on constate qu’il vise à frapper surtout l’idée démocratique, en insinuant que les assemblées, souvent houleuses, irréfléchies, «chaotiques», imposent des solutions, des actes visiblement irrationnels, qui aggravent parfois les difficiles situations politiques, au lieu d’y remédier. Un peu de vérité réside dans cette affirmation. Mais, à notre avis, c’est justement le cas d’une révolte des masses contre une oppression psychique qui devient intolérable, c’est une réaction saine qui précède une vraie révolution, ou qui se manifeste à ses débuts. La «masse diffuse», passive, soumise, devient «foule», qui passe plus facilement à l’action: elle est agitée et donne libre cours à ses passions, si celles-ci ne sont pas freinées et canalisées par un tribun, un homme qui, en conformité lui-même avec les aspirations de la foule, sait exploiter les forces déchaînées et les diriger vers un but qui renferme le salut. C’est précisément la tâche des vrais meneurs ou chefs de l’humanité, en ces périodes de fermentation et de révolte plus ou moins consciente des âmes, de savoir utiliser les énergies qui se déchaînent, pour aboutir à des situations, d’où l’on voit se dessiner les horizons lumineux de l’avenir de l’humanité, émancipée aussi bien de l’esclavage matériel que de l’esclavage psychique. Ce sont alors de vrais prophètes  de temps meilleurs».







BIOGRAPHIE (1883-1973): Né en 1883 en Turquie, Tchakhotine entame sa scolarité à Odessa (actuelle Ukraine) avant de rejoindre l'université d'Heidelberg où il soutient, en 1908, une thèse de doctorat portant sur le statocyste des hétéropodes (biologie). Menchevik1, il s'oppose à la Révolution d'Octobre, il devient, pendant la guerre civile russe, le conseiller à la propagande du général Piotr Krasnov des armées blanches anti-bolchéviques, avant de s'exiler en Allemagne et de se mettre au service du SPD.

En 1930 Tchakhotine est chercheur invité à Heidelberg au sein de l'institut Kaiser-Wilhelm qu'il quitte en avril 1933 pour s'exiler d'abord au Danemark, puis en France. Il fait également un séjour en Italie, à l'institut de pharmacologie expérimentale de l'université de Messine. Durant cette période, Tchakhotine conserve une grande influence en Allemagne où il reste l'idéologue en chef du Front de fer qui s'est organisé autour du SPD et de la confédération générale des syndicats pour s'opposer au nazisme. En 1932, avec le chercheur et politicien Carlo Mierendorff (de), il invente la figure des trois flèches (en) qui devient le symbole du Front d'airain (1931-1933). Trois flèches, dont il théorise l'usage dans Le Viol des foules par la propagande politique : mises sur un mur après ou avant un autre symbole (par exemple une croix gammée) censé les rayer, on voit dans les deux cas le symbole de l'autre camp rayé par ces trois flèches, et non l'inverse. En France il participe à l'élaboration de la propagande du Front Populaire en collaboration avec Marceau Pivert, mettant notamment en scène les meetings et les films de la SFIO2.

En 1958, Tchakhotine retourne en URSS, menant ses recherches dans différents instituts au sein de l'Académie des sciences notamment à Leningrad, puis à Moscou. Par la suite, il vit dans plusieurs pays d'Europe, restant un adversaire convaincu à la fois de la révolution russe, du fascisme et du nazisme, combat pour lequel il met en application ses propres théories.

Ami d'Albert Einstein et d'Ivan Pavlov, dont il expose et utilise les théories psychologiques dans Le Viol des foules par la propagande politique, il est considéré comme l'un des inventeurs des méthodes de la propagande moderne et l'un des premiers théoriciens de la psychologie des masses à la suite des travaux du français Gustave Le Bon.

Sur le blog de Huyghe on trouve d’intéressantes précisions:

Viol des foules...

"La période de l’avant-guerre se clôt par un ouvrage au titre inoubliable « Le viol des foules par la propagande politique » de Serge Tchakhotine (1883-1973). Le titre vaut mieux que le contenu qui, avec le recul du temps, paraît singulièrement daté (il est écrit en 1939), ne serait-ce que dans ses références scientifiques.
Tchakhotine se veut en effet un disciple de Pavlov, l’homme du réflexe conditionné. Tout le monde connaît le fameux chien qui, habitué à recevoir de la nourriture lorsque retentit le son d’une cloche, est rapidement conditionné à baver dès qu’il entend la cloche, même si aucun repas ne suit. Un schéma que les pavloviens appliquent à l’homme en qui ils voient une créature sans intériorité, pur produit du conditionnement exercé par leur environnement.
À certains égards, le pavlovisme n’est pas très différent du béhaviorisme et de son schéma stimulus-réponse : il n’y a pas de nature humaine – nous sommes tous des pages vierges sur lesquelles s’inscrit le texte venu du monde extérieur. Tout ce que nous sommes est le résultat de l’apprentissage. Tout ceci n’est pas sans conséquences politiques. Le béhaviourisme connaît un grand succès aux U.S.A., à la fois comme science « purement américaine », dont le pragmatisme s’oppose aux complications de la psychologie européenne plus littéraire et comme message optimiste : si les hommes sont le produit de l’environnement, c’est qu’ils sont au départ foncièrement égaux et qu’ils peuvent toujours être améliorés. Quant à Pavlov, il va devenir le psychologue officiel de l’U.R..S.S. et sa théorie du réflexe, la science orthodoxe conciliable avec le marxisme : en effet, si l’homme peut être ainsi conditionné, rien n’empêche d’espérer produire l’homme nouveau promis par le socialisme, débarrassé des tares de la psychologie bourgeoise. Vision à laquelle adhére entièrement Tchakotine : après avoir été un praticien de la propagande social-démocrate face à celle du NSDAP, il se réfugie en URSS et chante la gloire de Staline.

En dépit de ses simplifications théoriques et de ses compromissions idéologiques, Tchakhotine reste pourtant un auteur incontournable sur la question, ne serait-ce que par la manière dont il a contribué à répandre la peur d’une propagande toute-puissante qui permettrait demain aux minorités de dominer les foules hypnotisées, en s’adressant « directement à leur inconscient » et en profitant de leur suggestibilité.
Quelle est la théorie qui explique ainsi le conditionnement des masses par le slogan et l’image ? Elle repose sur l’idée d’association. Nous sommes mus, dit en substance Tchakhotine, par quatre pulsions fondamentales : combative, alimentaire, sexuelle, parentale d’où découlent toutes les réactions humaines. La propagande consiste à créer à travers des symboles, si possible simples, visuels, répétitifs, faciles à interpréter, un équivalent du réflexe conditionné. Ce n’est plus l’objet réel (repas, partenaire sexuel, enfant à protéger, adversaire à vaincre) qui sera désiré par le sujet, mais l’objet imaginaire qui lui a été substitué. Ainsi, la pulsion maternelle est comme redirigée vers le parti national-socialiste au fur et à mesure que le sujet est exposé à des affiches montrant une mère et son enfant blond associés à la croix gammée.
À partir de ce schéma de base – l’inconscient manipulé par des symboles – Tchakhotine retrace une histoire terrifiante des symboles efficaces, montrant comment la propagande qui fait le moins appel à la discussion et à la raison et qui recourt le plus aux logos simples, slogans répétitifs et emblèmes évidents est souvent la plus opérante.
Foules hypnotisées, foules violées (le propagandiste tenant ici le rôle du mâle brutal face à la foule femelle et passive), ère des masses, robots psychiques, véritables « chiens de Pavlov » conditionnés sans le savoir : toute une mythologie terrifiante s’est mise en place qui fait de la propagande l’arme absolue d’une Histoire faite par les minorités.

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