PAGES PROLETARIENNES

jeudi 6 juin 2013

REPENSER LA REVOLUTION… SANS LE PROLETARIAT ET HORS DU MARXISME



Pourquoi pas ? Personne n’est propriétaire d’une perspective de révolution, bien que celle-ci soit à préciser. Le problème avec Bitot, auteur à géométrie variable, est que dans son précédent livre (Quel autre monde possible ?) la révolution avait disparu au profit de la génération spontanée d’une société basculant automatiquement dans la propreté, la frugalité écologique et la fidélité dans le mariage. Autrement dit, s’il pensait avoir nettoyé sa conscience des rebuts du « prolétariat imaginaire » et du « marxisme décati », il lui restait à enterrer l’idée de révolution « ringarde ». C’est fait avec ce disciple tardif de Gustave Le Bon, Malatesta et André Gorz. Avec « Repenser la révolution », titre de fond de chacun de ses trois principaux ouvrages, il répète les mêmes « nouveautés » à pisser de rire sous la forme d’un questionnement qui se veut au départ neutre, introspectif et convivial pour tous les intellectuels vagabonds qu’il fréquente. Claude Bitot se veut une sorte de Martin Luther du marxisme, un marxisme devenu bleu comme une chambre d’enfant, qui en aurait vaguement l’odeur mais pas le goût ni la substance. Un marxisme de l’individu espiègle Marx dont la devise était « je doute de tout » et le bréviaire : « le prolétariat est tout ou il n’est rien », formule lapidaire très ébouriffante mais très creuse et passe-partout pour bateleurs de cénacle moderne cultivé et sans besoin pressant.[1]
Les années 1970 ont vu fleurir pléthore d’« adieux au prolétariat » (selon la formule d’André Gorz en 1980) au motif que celui-ci ne constituait non seulement plus « le » sujet révolutionnaire, mais n’était même plus un sujet politique consistant tout court ; qu’il s’était embourgeoisé, devenu pour l’essentiel une gamme de « classes moyennes » aux conditions de vie améliorées, sans identité autre qu’une participation active à la « société de consommation » ; puis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui ont vu surtout une noria de sociologues tapant comme des sourds sur l’affaiblissement numérique du prolétariat et son prétendu vote majoritaire pour l’extrême-droite. Claude Bitot s’inscrit résolument dans cette lignée, surenchérissant même que le prolétariat n’a jamais été révolutionnaire et qu’il est du type masochiste consentant.

PLUS DE CLASSE REVOLUTIONNAIRE ?

Pour Claude Bitot, les choses sont claires et nettes désormais :
-          « il n’est plus possible de croire que la classe ouvrière pourrait être le sujet révolutionnaire »
-          « plus de voie indiquant le chemin (qui) pourrait faire déboucher la lutte de classe sur une autre société »
-          « le projet « industriel » du socialisme n’a plus aucun sens face aux dégâts irréparables de la production capitaliste »[2]
-          « le marxisme et tous les partis et syndicats ont basculé dans le vide ».
Sous l’aspect provocateur, qui devrait faire vendre largement son livre en milieu anarchiste et gauchiste décomposé, toutes les saillies ne sont pas fausses mais viciées au coin du raisonnement « marxiste défroqué. Il veut faire du neuf avec du « vieux » marxisme, en en gardant certaines analyses mais détachées d’un tout autrement cohérent que la simple explication sociologique et pas forcément facile à manier pour les ignorants et contempteurs de l’histoire. Bitot, lui, est  loin d’être un ignorant – je conseille d’ailleurs la lecture de ce livre pour sa capacité à offrir des explications de base économique simples du marxisme aux novices – et il écrit clairement et lisiblement contrairement aux abrutis communisateurs (variétés de profs au langage biscornu et creux) auxquels il a succombé sur le fond vagabond, « mondain » (l’expression heureuse est du sarcastique Paulo) et coupé des réalités.

UN INVENTEUR DE LA « NON-CLASSE » QUI SE RIT DE CE PROLETARIAT QUI A PRETENDU ABATTRE LE CAPITALISME ENCORE EN PLEINE CROISSANCE

En introduction Bitot ne cache pas qu’il se raccroche aux branches du marxisme fané pour se doter d’une analyse romancée qui se prétend néanmoins « subversive », ce qu’elle est dans la mesure où elle va déranger les mystiques orthodoxes d’un marxisme lénino-stalinien et qui lui vaudra certainement leurs foudres criardes ou leur mépris silencieux. Il casse immédiatement toute la « mythologie » de la vague révolutionnaire des années 1920 où le « marxisme révolutionnaire croyait le capitalisme en décadence » et où le prolétariat dans son ensemble « n’aspirait qu’à des réformes au sein du capitalisme », sous-entendu le capitalisme restait indestructible. Il fallait encore attendre que le capitalisme atteigne « la fin de sa civilisation industrielle ». La révolution « n’est plus l’affaire d’une classe ». Tout dépend désormais de cette masse (les gens de toute la société) « sortie brute de décoffrage de l’effondrement (automatique) du capitalisme » qu’il ne cesse d’annoncer à l’unisson de l’exhibitionniste Paul Jorion. Si Bitot se veut un clone de Luther, Jorion en est le Calvin. Se voulant surprenant, jusque dans la récupération de bouts émiettés du marxisme, Martin  Bitot prône un objet missionnaire de la nouvelle croyance révolutionnaire « populaire », mais oui : UN PARTI « de conscience et de volonté » (parodie d’une phrase de Bordiga) qui permettra « la recomposition de la non-classe » (parodie du fameux « classe pour soi »). Dans sa rêverie de retraité infantile – « la révolution n’étant plus la lutte d’une classe contre une autre » - elle « sera relativement pacifique ». Cela met à l’aise immédiatement la terre entière et la haute bourgeoisie accrochée à ses valeurs immobilières et bancaires ! La perspective sirupeuse fait penser à la gravure béate de la prairie promise aux Témoins de Jéhovah : « Un mode communiste de fonctionnement basé sur la bonne entente de gens ayant des intérêts communs et évoluant ainsi dans une société sans conflits sociaux majeurs ». Une société où il sera garanti de se faire chier éternellement ! Quoique avec la fin de la coupure ville/campagne où le travail industriel « sera peu mécanisé » ; où l’on retrouve toujours dans l’imaginaire bitotien la charrue du Taliban et le rouet de mamie.
Pour les besoins de sa démonstration du « démarrage du capitalisme », dans les pays arriérés comme la Russie et l’Espagne, Bitot est plus critique de l’expérience de 1936 en Espagne mais en vient à magnifier le boucher Franco « agent de l’entrée de celle-ci dans le monde industriel » (comme Poutine ?)[3]. N’est-il pas fidèle à sa façon au Marx qui ne voyait que crises cycliques perpétuelles ?
Mieux : « manquait à l’appel le ‘fossoyeur’ du capitalisme » ! Ce vieux doute qui a toujours habité Bitot ressurgit dans son absurdité : puisque le prolétariat a été vaincu c’est qu’il n’existait pas réellement comme sujet révolutionnaire ! Elémentaire mon cher Watson ! Car le capitalisme, à chaque époque « a façonné le prolétariat dont il avait besoin », révélant à la suite de son ex-ami Camatte que ce n’était qu’une « classe pour la capital allergique au socialisme ». Il lui suffit de décortiquer ensuite la classe ouvrière en catégories, élites artisanales, grèves-kermesse de 36 et 68, une classe pourrie par les bienfaits de l’Etat providence depuis 1945, etc.
Pour les besoins de son adaptation masquée à l’évidence de la faillite actuelle et historique du capitalisme qu’il assaisonne à son langage de découvreur des découvertes des autres  - « fin de cycle historique » - il oublie de mentionner qu’il a fait partie de la cohorte des intellos bobos qui avaient cru au nouveau souffle des pays capitalistes « émergents » (si je ne me trompe pas) en tout cas avec cette propension héritée de son séjour en bordiguisme que le parti, même résumé à un seul individu, a toujours raison.
Dans sa « limite interne » de sa « fin de cycle » il note à la fois la dégénérescence financière du capitalisme et le « déclin caractérisé de la classe ouvrière dans la population active ». Cette vision de la classe ouvrière à partir de sa partie dite productive il aurait fallu pourtant la laisser aux staliniens ouvriéristes, car, outre qu’on se fout des catégories productives ou dites improductives qui constituent l’ensemble du prolétariat, celui-ci n’a jamais été délimité dans les usines ni par la place d’une partie au cœur de la production[4]. Avec ce type de raisonnement qui se prétend orthodoxe d’un marxisme professoral et élitaire, Bitot embouche la trompette de la bourgeoisie contre les superflus : les éjectés du salariat, RMI, RSA, et toutes les variétés de chômeurs médiocres  « assistés » ; ce « précariat » les excluant de la dignité de prolétariat !
Pour la « limite externe », vague plagiaire de Rosa Luxemburg, notre inventeur de la non-classe tombe dans l’anti-marxisme primaire de ses amis rigolos de L’Encyclopédie des Nuisance, en inventant la limite des « nouveaux marchés externes » : « la limite de la croissance du capitalisme en raison du fait que les ressources naturelles de la planète s’épuisent ».

LA BOURGEOISIE A DECOMPOSE LA CLASSE OUVRIERE

Les pages 68 et suivantes comportent nombre de réflexions judicieuses sur l’émiettement de la classe ouvrière par l’idéologie bourgeoise totalitariste. Il a repris un certain nombre de mes constats dans mon livre « Immigration et religion », notamment le remplacement officiel de la classe ouvrière par « les immigrés en général ». Mais il en reste au constat de l’utilisation des « idiots utiles du capital », alors que j’insiste sur la stratégie moraliste et « humanitaire » de division du prolétariat et une problématique de « l’invasion » qui rend opaque l’incapacité du capitalisme et à réguler le flux des populations et surtout à endiguer la misère. Il voit une décomposition factuelle du prolétariat où je vois une division réversible seulement par l’affirmation de la lutte de classe généralisée.
Son aveuglement sur la pérennité de l’existence du prolétariat comme antinomique à la continuité du capitalisme – et qui cherche toujours de partout à allumer le brasier généralisé – est remarquable de mépris contre ce même prolétariat :
-          « le capitalisme a fini de se faire aimer des masses »
-          « il a opéré un renversement des valeurs, celles de sobriété, de simplicité des besoins confondues avec la misère et l’indigence »[5].
La modification de l’univers urbain sur lequel il est loquace ne signifie pas non plus la disparition du prolétariat mais participe de sa division, de son contingentement, de sa ghettoïsation. Bitot confond la cause et les conséquences ici. Le capitalisme génère un homme « nouveau » très ancien – aliéné, individualiste possessif et narcissique – certes, mais ce constat ne prend pas en compte le mouvement, la révolte derrière lorsqu’elle prend un tour collectif, sans cesse contrarié par le totalitarisme étatique. Pour appuyer son raisonnement à courte vue Bitôt ne trouve pas mieux que de s’acoquiner avec les idéologues écolos Bergounioux et Semprun, apôtres de cet olibrius le « citoyen-écologiste », nouveaux maîtres de la planète bobo, ces couches moyennes sans rivage politique autre que les cartels électoraux et le lobby écolo.
Ayant perdu de vue la place centrale du prolétariat, derrière toutes les combinaisons et circonvolutions de la politique internationale, Bitot se répand en banalités glanées dans la presse mondiale sur la constitution de l’Europe jusqu’aux « révolutions arabes », toujours à côté de la plaque. Notre approfondisseur et enfonceur de portes ouvertes bien connues, n’a rien compris à la fabrication de l’Europe post 1945 et aux émeutes en ays arabes[6]. Ses délayages sont si faibles au niveau social et politique qu’ils confirment qu’il est hors de la réalité et que sa grande lacune intellectuelle et politique manifeste qu’il lui manque une réflexion « en groupe ».

LA THEORIE DU CHOC POUR SUPPLER AU DELABREMENT DU PROJET COMMUNISTE ?

Même s’il nous a fait part se son rêve d’éclosion d’un parti de non-classe  « de la conscience et de la volonté », tout semble procéder par automatisme dans les spéculations de Bitot : les prolétaires sont embourgeoisés, le capitalisme est en pilotage automatique et le projet communiste est automatiquement discrédité. Sur la dernière question il n’a pas tout à fait tort, le rouleau compresseur du stalinisme, les pitreries des gauchismes et les études confidentielles et ardues des cercles maximalistes ne risquent pas d’aider à une renaissance de l’espoir révolutionnaire prolétarien. Mais, au lieu d’élever la réflexion, et d’en référer aux vrais débats sur la transition toujours posée et actuelle du passage à une autre société en rappelant les réflexions et analyses de minorités et d’auteurs qui ne renient pas les étapes méconnues d’une réflexion historique dans le mouvement ouvrier, Bitot, après avoir donné un coup de chapeau au néo-stalinien Furet, va glaner des explications chez les pires pourfendeurs du « progrès », les socio-démocrates Gorz et la compagnie de l’Encyclopédie des Nuisances (les nuisettes écologiques et crypto-situs) qui rejettent tout le progrès du « machinisme » et l’urbanisation depuis leur résidence à la campagne. Il transparaît un aspect eschatologique dans la complainte pour la désindustrialisation quand résonnent encore à nos oreilles les  doctes paroles de moines hippies ultra-gauches du siècle dernier : « savoir renoncer au confort », « ce monde qu’il nous faut quitter » (Camatte), « Il va falloir attendre » (Barrot), etc.
En vérité, chacun pouvant comprendre que la révolution c’est foutre en l’air le capitalisme, vivre heureux frugalement et maritalement entre bonnes gens, la vraie raison n’est-elle pas qu’il n’y a plus « aucune force sociale à même d’entreprendre une révolution » ? Evident mon cher Watson quand on regarde tous les jours le 20 heures et qu’on va faire pisser le chien après la vaisselle.
Le pilotage automatique du capitalisme le conduit à désintégrer cette classe dont il n’a plus besoin. Va-t-il se contenter dès lors du travail mort ? Regardez ces pauvres mecs, les Conti qui se sont battus pour sauvegarder leur emploi ! Pas pour la révolution mais pour leur petit égoïsme individuel ! Des aliénés du Capital ! Et ces pauvres mecs des pays émergents qui se bornent à désirer un meilleur salaire ! Pourquoi ? Parce que : « … il n’y aura pas dans ces pays un remake révolutionnaire du prolétariat, la partie ayant été jouée depuis longtemps et définitivement ».
Les nouvelles classes moyennes qui génèrent « indignés », « altermondialistes » et divers « gauchistes » en prennent pour leur grade, et je suis alors pleinement sur la même ligne que Bitot. Mais comment Bitot va-t-il s’en sortir après avoir fait le vide, avec ce prolétariat « hors jeu ». Il n’y a plus d’habitants sur la planète à Bitot ? Répondez !
Heureusement le CHOC va arriver : « le capitalisme s’autodétruira ayant atteint ses limites ».

LE CHOC SALVATEUR DE LA REVOLUTION

Bitot nous apprend qu’aucun marxiste, avant lui, n’avait imaginé une solution aussi inespérée[7]. Sans doute parce qu’ils la trouvaient grotesque. L’idée de la chute finale automatique  commencerait à faire son chemin grâce aux grands penseurs du vide sidéral les Paul Jorion et Robert Kurz. Attention il ne faudrait pas confondre la théorie bitotienne avec le réformisme écolo. Alors comment le capitalisme va-t-il mourir de mort violente ?
Bitot nous livre la somme des crises financières et commerciales des dernières années, la hausse vertigineuse des prix des matières premières, un roman digne de l’imagination de Jack London : « … une monnaie qui ne vaudra plus rien. Dès lors le commerce mondial s’effondrera, les transports seront paralysés, les usines s’arrêteront de produire, et il s’ensuivra des désastres sociaux à la chaîne, un chômage colossal, une paupérisation généralisée, une sous-alimentation massive avec des risques de famines… ». Voyant venir l’objection de la guerre mondiale, Bitot, pacifiste enfiévré, la repousse d’un revers de manche en conjonction avec sa conviction de la naïveté et rationalité de la bourgeoisie : « du point de vue de la rationalité capitaliste cette guerre n’aurait aucun sens… il faut se départir de cette idée fausse selon laquelle le capitalisme pourrait toujours s’’en sortir grâce à une bonne guerre de destruction ». Ah bon, pourquoi ? Et pourquoi les guerres ne cessent-elles pas d’Afghanistan en Syrie ?
Pour ceux qui peuvent s’exagérer le choc terrifiant du chaos (grand choc mental) qui surviendra avec ce
choc de l’effondrement du capitalisme - il faut savoir que tout le monde sait que l’humanité n’y survivrai pas en cas de tournure atomique – il leur faut prendre conscience que se produira un choc spirituel comparable pour tous à la gueule de Moïse recevant les tables de la loi : « la révélation de la faillite de la société industrielle » ! Et gare, finie l’abondance ! La révolution conçue comme richesse par bourgeois et prolétaires, c’est périmé ! Faudra s’y faire, se serrer la ceinture pour retrouver cette communauté de misère et de faim fraternelle découverte en Aragon en 1937 par Orwell ! Pas question de céder à l’illusion réformiste d’Ellul pour spéculer sur le détournement des technologies capitalistes.
Il faut en remettre une couche sur la mythologie du prolétariat « classe rédemptrice ». Marx ne s’est-il pas fourré dans l’œil en disant que c’était la classe « la plus malheureuse de la société » ? Du flanc concernant les ouvriers modernes, « beaufs » avec bagnole et crédits ou immigrés « prolétariat de rechange » qui ne nous envahissent que pour se payer les mêmes bagnoles. Faudra qu’ils tâtent un peu du choc du capitalisme effondré pour apprécier les vrais besoins frugaux et solidaires !
Et, depuis un siècle les luttes syndicales ne sont-elles pas une longue cohorte cloisonnée de catégories poursuivant chacune « des buts corporatistes » ? L’anarchiste Landauer n’a-t-il pas si bien décrit ces mutilés de la division du travail « égoïstes jouant des coudes » ? A l’unisson de Malatesta, ce nouveau conseiller de Bitot avait conclu avant lui leur médiocrité : « On reconnaît ici que les ouvriers ne sont pas une classe révolutionnaire, mais un tas de pauvres diables qui doivent vivre et mourir en régime capitaliste ». 

UN MAGMA SOCIAL QUI REND BITOT INFORME

Lorsque Bitot, qui a laissé de côté son choc final transcendant, revient encore en notre bas monde, c’est pour régurgiter les statistiques sociologiques des composants des classes modernes. Des sources INSEE franco-françaises, il extrait joyeusement : sur un total de 22,7 millions de salariés, la classe ouvrière représente à peine le quart de la population active. Ce qui est pourtant déjà pas mal en en restant à sa définition ouvriériste du prolétariat. Manque de pot : près de 15% des cadres, 23% intermédiaires (enseignement et santé), 29% (employés » ne sont pas comptables dans la classe bourgeoise ! Ce qui fait une proportion autrement plus signifiance de l’importance de TOUTE la classe ouvrière, qui ne se réduit donc pas aux « producteurs » (thématique chère aux anarchistes artisanaux et ploucs). Bitot se sent obligé d’en venir à la définition de la classe ouvrière, qui n’est selon strictement définissable que par rapport à la productivité. Comme les vieux machins modernistes il nous ressort la soi-disant différence entre prolétariat et classe ouvrière, et ne nous démontre jamais en quoi les cadres et les employés seraient improductifs ! Mieux il tente de nous présenter ces catégories comme des parasites de l’Etat (qui grèvent son budget comme dirait Sarkozy ou Hollande) : « l’Etat paie ses fonctionnaires par le canal de l’impôt sur les sociétés capitalistes et du revenu des salariés »[8] ; choses qui choque tous les petits patrons de PME toujours dans le rêve d’un retour au féodalisme de fabrique.
Le « prolétariat authentique » est donc noyé dans un « vaste magma salarié informe et hétéroclite » méprisable – mais qui devrait devenir la non-classe réveillée par le choc final eschatologique du capital ! Ce magma c’est considère-t-il avec son maître éclectique Gorz, c’est aussi cette « classe de domestiques » (55% de la pop active aux USA) qui torchent le cul des vieux, les bonniches et les caissières de fast-food, etc. Or ces professions certes de plus en plus répandues une autre société en héritera plus sûrement que de l’ouvrier d’usine ou du pâtre à sa convenance de Marx, non parce que la capital s’en contenterait mais parce que l’aide à la personne par exemple est devenu un des métiers les plus dignes et des plus indispensables et que de telles fonctions seront encore nécessaires dans le communisme ou tout autre société. Bitot se fait là le porteur de l’idéologie du hippie irresponsable, individualiste qui décrète que « les termes de bourgeoisie et de prolétariat sont tombés en désuétude ». Et si ce n’était pas notre théoricien en chambre qui était tombé en décrépitude ?
Tout le roman de Bitot part en quenouille quand il veut enfin jouer au sculpteur de la mise en forme de ce magma méprisable : « en sa qualité de non-classe, immense majorité de la société celle-ci sera en adéquation avec l’universalisme du projet communiste (ce qui n’était pas le cas avec le prolétariat classe particulière de la société » ». La théorie de Bitot est en effet ce magma, beurre sans sel, couteau sans lame auquel il manque le manche et omelette théorique sans œuf. Il va nous chercher la poële dans sa cuisine : le parti.

DU GRAMSCI BRICOLé

A est la tâche la plus dure pour sa clientèle anarchiste illettrée. Dès le mot parti, les anars hérissent le poil et aiguisent les couteaux. Mollo, z’affolez pas « facteur de conscience » c’est pour les gens intelligents un parti, z’allez pas rester idiots utiles de la bourgeoisie ? Et un « centre intellectuel » [9]comme disait le petit voûté qui a passé sa vie dans une geôle mussolinienne. Nouvel aparté sur l’histoire des partis marxistes pour rassurer l’anar moyen sur leurs impuissances successives. Bitot sans fard définit ensuite un organisme de type élitaire : « militants, mais bons, capables d’être des passeurs d’idées (du magma ? jlR), des éveilleurs de conscience (de la fin du cycle capitaliste et de son désastre écolo ? jlR) (…) il est bien une avant-garde, une élite, disons-nous, quitte à choquer les oreilles démocratiques » (cf. restant du terrifiant vocabulaire bordiguiste !). Le calque avec l’ancien cénacle bordiguiste crève les yeux, le parti aura pour tâche : « d’élaborer un programme cohérent (sic) et de le répandre parmi la non-classe ». On peut savoir le fond de l’argumentaire de ce programme M’sieur ?
«  La fin de l’abondance capitaliste… (est la) condition favorable au retour des idées communistes ». Tient cela nous fait penser à tous ces idéologies anarchistes qui voyaient la révolution surgir de la seule misère noire. On se représente la mise en scène de Bitot : le capital qui a transformé les masses en vulgaires consommateurs bouffis de gadgets va les en priver brutalement, du coup, pauvres et misérables, elles demanderont à se contenter de peu, ce que le parti leur accordera, magnanime et confus de reconnaissance de ce réel « réveil communiste » de la non-classe ! Mais le travail du parti khmer ne sera pas terminé : « le parti aura à décrasser les consciences des anciennes idées de consommation à tout va, de « toujours plus » dont le capitalisme les avait imprégnées du temps de sa « splendeur ».
Pour conforter son pacifisme qui enrobe toutes ses spéculations frugales, Bitôt ne se gêne pas par contre pour reprendre l’exemple des « criminels bolcheviques » qui ont eu tapis royal pour faire l’insurrection sans coup férir vu que le gouvernement Kerenski s’était « choqué » lui-même comme demain le pouvoir du capital mondial sera si déliquescent qu’il n’y aura qu’à se baisser pour le ramasser, pour que la « non-classe » le ramasse. Faudra penser à constituer quelques milices armées tout de même pour finir la travail.

LE NOUVEL ETAT DE LA NON-CLASSE

Flash back sur les pithécanthropes Conseils ouvriers allemands et russes : bof, ils n’avaient aucun contenu socialiste ! Les masses historiquement ne sont-elles pas des adeptes de la servitude volontaire ? Alors le rôle du parti sera d’encourager la non-classe : « à exercer elle-même le pouvoir ». Pas beaucoup d’imagination notre développeur de révolution sans prolétariat, les termes ressemblent comme deux gouttes d’eau à la vieille propagande communiste brut de coffrage  (qui a tant failli à ses dires). Bitot persiste à défendre la nécessité d’un Etat, ce qui va lui faire perdre nombre de lecteurs libertaires, qui vont rester dubitatifs face à son chemin alambiqué, un peu trop balisé, vers « l’harmonie sociale enfin réalisée »[10]. Le parti se substitue à l’Etat pour empêcher l’éclatement de la société, selon ses dires. Nous croyons plutôt qu’il est retombé dans l’ornière bordiguiste indélébile où le parti a recommencé à se confondre avec l’Etat. Enfin il est question d’un plan de production communiste[11]. Et pour éviter l’uniformité on conservera les spécificités nationales. Pour le tourisme au musée du Club Med et des objets fossiles : portables, ordis et nike ?
En conclusion je n’aurai qu’un mot pour répondre à Claude Bitot :
Le prolétariat n’a pas encore commencé !

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LE DERNIER DES MOHICANS DU PSU

En guest star, la postface est de JM Kay, avec un titre oxymore aussi accrocheur : « Quel communisme dans l’immédiat ? »
A la différence de Bitot, Kay pose les questions d’un point de vue marxiste, depuis les BESOINS de classe et non de la pure spéculation individuelle et des rêveries d’ancien militant. On ne sait pas trop s’il pense lui que le prolétariat est resté la classe révolutionnaire par excellence, il arbore de curieux concepts : « les habitants de France » ( ?), la révolution est-elle nationale ?; le « collectif », le « faire en commun » (qui est qui ? qui fait quoi ?), les « combattant de l’égalité » ( ? notion non marxiste !).
 Kay livre une intéressante analyse de la hiérarchie des pouvoirs dans le capitalisme actuel, un peu embrumée par les souvenirs communs de sa trajectoire avec ses amis du PSU disparu. Son mérite est de ressortir du tombeau les luttes anti-hiérarchiques de l’après 68 étrangement absentes comme références des programmes de partis existants (bourgeois de gauche) comme d’ailleurs des purs cercles marxistes « autoritaires ». Malheureusement, lui aussi a un truc : l’abolition du salariat. Cette rengaine, ultra proclamée par les anarcho-marxistes et divers gauchismes de l’après 68 est le nec plus ultra, le sésame qui simplifierait la période de transition et ouvrirait les portes de l’harmonie. Même s’il l’associe à un principe que je juge fondamental (esquivé par les marxistes orthodoxes tous chefs de partis sans troupe) : « la lutte contre la division sociale du travail » et revoir la hiérarchie des revenus (qui suppose qu’il n’est pas possible d’abolir tout de suite le salariat, qui annoncé comme tel = goulag pour les néophytes). Enfin, notre dernier Mohican du PSU n’est pas farfelu lui au moins : « Rien ne dit quelle étincelle mettra le feu à la plaine ».


[1] J’ai répondu aux trois livres de Bitot, pour le premier qu’il avait publié aux ed Spartacus , par un article qui m’avait été refusé pour la Rint du CCI, laquelle secte considérait qu’on n’avait pas à s’abaisser à polémiquer ou bavarder avec les socio-démocrates et libertaires des Cahiers Spartacus ; pour le second livre qu’il avait auto-imprimé en Italie, la réponse toujours valable  (et qui répond encore pour l’essentiel à ses spéculations) se trouve au chapitre 4 de mon livre de 2008 : The End, vous pouvez la lire sur mon blog du 7 mai 2008 : « Bitot abandonne le marxisme ». Et notre vieil entretien de février 1991 sur la période de transition au communisme se trouve sur ce même blog au début de cette année 2013. Il a lu bien sût toutes mes objections et fait mine de les ignorer sauf mon accusation de « communisme frugal » dont il n’arrive pas à se dépétrer. Ses livres sont bâtis en général en opposition aux miens. Lors d’une rencontre forfuite en 2008 je crois, il m’avait assuré cœur sur la main :  « le prolétariat et le marxisme, je fais une croix dessus ». Donc il reste bien fidèle à ses reniements successifs.
[2] Au cours du voyage écolo de Bitot, il vous apprendra que : « la révolution de 1917 des bolcheviks avait des objectifs capitalistes », et s’appuyant sur le « livre noir du communisme » des éditions d’Etat démocratique, il indique par après qu’il n’y a pas eu dégénérescence de cette révolution mais l’expansion de meurtres de masse gratuits sauf pour le développement en grand du capitalisme (Paris-Match devrait consacrer sa Une au crâne d’œuf de Bitot !
[3] Formé à l’école du maximalisme bordiguiste, Bitot ne nie pas que le fascisme a été un produit du capitalisme, mais comme un « passage à vide » (alors qu’il a servi avant tout à massacrer le prolétariat) avec des inepties : « une fois abattu il ne laissa guère de traces, n’ayant pas bouleversé la structure de la société » (p.67). Mais il rejoint complètement l’idéologie du capitalisme vainqueur en reprenant le poncif de la « folie furieuse », la destruction des Juifs d’Europe » qui « n’avait plus grand-chose à voir avec le capitalisme et sa rationalité » car, en plus « les marxistes révolutionnaires n’avaient pas pris en compte les facteurs subjectifs » (p.76). On ne joue pas impunément dans le pré carré de la domination idéologique niant sans cesse les classes (avec ce gadget de non-classe) sans retomber dans les bras de la bourgeoisie.
[4] Pour Marx, les activités de transport par exemple, conditionne aussi la marchandise, et font partie donc du processus productif. Un postier et une caissière font partie de ce processus à ce niveau  jusqu'à l’acheteur.
[5] Cela est vrai, mais le communisme frugal a bon dos, en vérité les besoins « ne sont plus simples », et ne seront plus jamais simples ; et on ne peut pas ridiculiser la diversité des besoins (certains étant légitimes dans le capitalisme) en renvoyant le problème aux jeunes de banlieues qui cassent des vitrines pour des Nike.
[6] J’en ai traité souvent dans mes articles. L’Europe +le Mur de Berlin ont servi à empêcher le prolétariat de la vague révolutionnaire de se reconstituer cassé entre deux blocs impérialistes ; le fédéralisme européen est une arme anti-révolutionnaire de première. Les « révolutions arabes » ont été téléguidées par l’impérialisme US et l’intégrisme musulman est le meilleur ami du capitalisme.
[7] Ce n’est pas vrai, plusieurs auteurs staliniens des années 1930, croyaient à cette supputation.
[8] Même du point de vue marxiste classique le raisonnement est faux, les transports en commun permettent le profit puisqu’ils permettent d’acheminer les exploités sur le lieu du profit. La centralisation étatique et juridique permet aux patrons d’exercer leur autorité et répression, donc n’est pas de type parasitaire. Bitot s egarde d’évoquer les retraites, salaire différé certes non productif, mais on s’en fout.
[9] Voir mon texte sur ce blog : La maison de maçon de l'entreprenant Lénine et son étincelle inutile  du 08 sept. 2012.

[10] Le chapitre comporte des réflexions remarquables cependant et sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir. . Il se moque en passant des cons de communisateurs infantiles comme Astarian (très bien la citation en page 169).
[11] J’imagine l’ami Kay sursautant au moment des corrections avec cette histoire de production communiste : quécéquécaqueçà ? C’est comment un plan de production communiste ?

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