PAGES PROLETARIENNES

vendredi 5 avril 2013

THé DANSANT





Ah vieillesse ennemie ! « La vieillesse est un naufrage » disait le grand Charles qui resta un homme sans âge, mais lucide, plus porté sur le pouvoir que sur la sexualité,  jusqu’au bout en jouant sa destinée aux cartes plus que sur les films pornos. Passé quarante ans on est déjà considéré comme vieux en entreprise. Et hors entreprise. Ce qui n’empêche pas les « vieux » quadras de juger comme très vieux les quinquas, les sexagénaires et au-delà. Out les vieux quoi ! Comme le dicte le dicton : « les jeunes avec les jeunes, les vieux avec les vieux ». Les jeunes ne pouvant s’amuser qu’entre eux et les vieux croupir dans les maisons gériatriques ou dans les aléas de leur mariage fané convivial, admis communément et légal à souhait.
La vieillesse un naufrage pour qui ? Pour ceux qui sont aigris et qui ne tolèrent pas les outrages du temps ? Pour ceux qui, en bonne santé, imaginent qu’ils peuvent disposer de la même considération des autres sexes du genre humain plus tard nés sur cette terre, des mêmes capacités intellectuelles, des mêmes capacités sexuelles, voire plus si éternité ? Etre vieux est-ce limité au physique ?
Trotsky postulait que, dans le communisme enfin réalisé, avec le concours d’une science améliorée et d’une humanité humaine, on vieillirait moins laid. Fourier avait été bien plus loin dans les possibilités infinies pour les sexes de tout âge avec le matériel donné, handicap ou ridé. C’est pas demain la veille qu’on sera comestible avec l’âge avec l’inévitable hérédité génétique et les habitudes alimentaires imposées aux classes. Et que vaudrait une humanité où tout le monde serait beau (selon quels critères ? Grec, fasciste ou publicitaire ?), svelte, musclé, avec des hommes sans bide et dotés d’une chevelure abondante, des femmes sans mamelles pendantes et sans bourrelets disgracieux. Un monde où une masse de clones humains, ultra modélisés depuis la naissance par un savant dosage génétique des meilleures espèces afin qu’aucun homme ne soit chauve et bedonnant et toute femme avec un éternel ventre plat et une foufoune non dégarnie après la quarantaine. Une telle vision s’apparente à la génétique fasciste, voire à une conception adolescente attardée. On y reviendra en conclusion abrupte.
Le problème n’est pas dans l’apparence ni dans les affres de l’âge, mais dans le culte démagogique de la jeunesse, catégorie fuyante et éphémère, dans le capitalisme. Le capitalisme, dirigé par des vieux croutons inamovibles, se rêve éternellement jeune. Le capitalisme préfère embaucher des « jeunes ». Le jeune n’est-il pas plus malléable ? Plus âpre à la reconnaissance et à l’obéissance ? La ou le jeune prolétaire n’est-il pas plus baisable ? Plus présentable pour l’entreprise ? Hors turbin, ne vaut-il pas mieux avoir autour de soi des copines et des copains jeunes, gage d’évolution, de séduction et de rires sans fin ? Les vieux il faut les supporter dans les réunions familiales obligatoires, en attendant qu’ils refilent l’héritage.

LES VIEUX RESPONSABLES DE LA CRISE DU CAPITALISME

Le capitalisme est très préoccupé par le vieillissement de la population. Pensez au surcoût pour l’entretien de la santé flageolante des vieillissants et à l’endettement que cela représente pour l’Etat. Statistiquement, contrairement à une croyance répandue, ce ne sont pas les mineurs silicosés ni les ouvriers de l’amiante qui sont la charge la plus lourde pour le système de « protection de la santé ». Les surcoûts « sociaux » sont surtout le fait des classes bourgeoises et petites bourgeoises qui grèvent le budget de la sécurité sociale par leurs systématiques bilans de santé et leurs corrections esthétiques maquillées ; source toutefois d’enrichissement pour la corporation bourgeois médicale. Je connais de grosses pouffes qui se font offrir chaque année des « cures » tous frais payés en thalasso ou à la montagne, alors qu’elles n’en ont nul besoin et que cela n’a aucun effet pour diminuer la graisse. Mais, m’objecterez-vous, il faut bien que le personnel des stations thermales, les masseurs et les moniteurs de haute montagne disposent d’un emploi garanti toute l’année. Ne parlons même pas de l’industrie touristique française et tunisienne qui, sans les vieux retraités, serait en faillite. Il est vrai que le PNB national souffre des restrictions de ces salauds de retraités qui, indifférents à la crise – la France sarkozo-hollandaise pâtit du bas de laine égoïste – n’achètent plus de bagnoles neuves ; les anciennes immatriculations sont légions et heureusement que le lobby écologique rame pour la suppression des vieux tacots. La France pour ne prendre qu’elle, dans la généralité évidente, est endettée à 90%, autant dire qu’elle a consommé tout son revenu de l’année à venir. Situation fantastique qui oblige l’Etat à se comporter en pillard effronté pour « sauver le pays ».
Alors les « jeunes » agneaux  (prolétaires) et leurs jeunes loups (chefs arrivistes) doivent contribuer en acceptant la flexibilité, gage d’obéissance véritable, de soumission contrite. Alors les « vieux » (prolétaires) doivent être jetés de la production avant terme pour assurer la « rotation des générations », car les vieillissants ne marchent plus dans la combine et n’espèrent plus rien des promesses entrepreneuriales, sans compter que tout est fait pour qu’ils doutent de leurs capacités (adaptation aux nouveautés). Quoique le gouvernement hollandais, dans sa course opaque à supprimer lui aussi la retraite viagère et privilégiée, les encourage à débloquer leurs « actions » pour relancer l’industrie automobile ; cela avait en partie marché en 2008 sous Sarkozy l’arrogant, mais pas trop. Les vieux n’ont pourtant pas un capital immense dans leur bas de laine.

DISTRAIRE DES IMPERATIFS ECONOMIQUES BOURGEOIS

La bourgeoisie ne règne pas simplement pour le culte du profit mais diffuse l’idéologie d’un bonheur « partagé » convivialement démocratique et sexuellement tolérant dans un cadre strict. Comment distraire jeunes et vieux prolétaires ? Car si le pain est garanti (pas totalement, une directive européenne vient de criminaliser la restauration  du « cœur »), le rêve ou un monde heureux doit être « organisé » ou mythifié : du sport et du sexe comme il faut. Succédant aux jeux antiques et aux contes près de la cheminée des anciens, la télévision a joué et continue de jouer un rôle plus considérable que la religion et le cinéma pour la « détente sociale ». Pour le système « travail, famille, patrie » le mariage (hétéro et homo) reste  un gage de stabilité des mœurs et de la tranquillité politique. Il repose sur une distraction pépère, fidélisante chaque soir. Combattre l’ennui quotidien d’une vie répétitive a toujours été déterminé par l’exposition de faits anormaux (hors du commun légalement consenti et de cette ancestrale peur d’être « hors la loi »). Au dix-neuvième siècle, pour ne pas allonger avec les nombreuses autres distractions des siècles antérieurs  (pendaisons et mutilations publiques), les faits divers servaient déjà à alimenter l’effroi populaire intéressé à apprécier et commenter ce qui sortait de « l’ordinaire ». Dans les chaumières et les châteaux on était ravi de ne pas avoir été directement concerné tout en étant perclus de pitié pour les victimes. On était satisfait de retourner aux champs ou à l’usine où ce n’est pas tous les jours qu’on risque la mort ou la torture.
Les journaux télévisés et la presse, obligée d’être désormais gratuite sur le web, n’auraient aucun intérêt s’ils n’étaient consacrés qu’aux déclarations des divers politiciens, sauf lorsqu’ils sont compromis dans des affaires financières ou sexuelles. Les faits divers permettent un pic de l’audimat. Les pantins journalistes comme les spectateurs en raffolent.
« L’indépendance » de l’information au bon prolétariat suppose une multiplicité de centres d’intérêt, outre les décisions de l’Etat et les réglementions ordinaires pour les automobilistes, les locataires, les conditions de travail, les dates de vacances scolaires, le changement d’horaire et la météo hexagonale (cette obsédante subliminale délimitation idéologique de la température de la vie quotidienne). Les résultats sportifs sont incontestablement la meilleure illustration de l’idéologie de compétition capitaliste. Supérieurs à l’intérêt de classes d’âge, au-dessus des concerts des saltimbanques du milieu des pop stars sirupeuses, la compétition footbalistique ou cycliste, génère un engouement frénétique devant l’écran à cristaux liquide (il vaut mieux l’observer depuis son clic-clac que dans les parages hurlants du stade). Toutes générations confondues chacun est fasciné par les as milliardaires du ballon rond, le club adulé, la marque du maillot (à 150 EUROS pièce), les champions nationaux (le foot féminin, plus cool, plus brillant, est carrément méprisé). Du flic moyen au prolétaire malgré lui, le sujet est de rigueur au lendemain du match. Avec les habituelles histoires de cul qui distraient de la morosité quotidienne. Et, dans la solitude du soir, les milliards de masturbations grâce au web.

LE TRISTE TEMPS DE REPOS ET DE LA PAIX SOCIALE PORNO

Voici le weekend. Les mariés vont amener les gosses au cirque ou en promenade ou en conclave familial. Les célibataires vont surfer sur les sites de rencontre ou aller en boite dansante ou échangiste. Ou promener le chien dans l’espoir d’une rencontre. En réalité il ne se passe rien. Le type marié fantasme sur une autre vie ou d’une promotion dans l’entreprise ratée à cause d’un concurrent injustement choisi, ou rêve d’une autre nana moins grosse (et se branle sur le net pendant qu’elle dort), et elle d’un type qui la prenne à la levrette et pas en chien couché (et peste si elle le surprend sur Gonzo movies). Le ou la célibataire ronge son frein. Les enfants s’emmerdent avec les projets des parents pour leur faire plaisir alors qu’ils voudraient avoir passé le weekend à « s’éclater » avec leurs copains du même âge infantile (et en matant avec eux le porno sur l’ordi de papa parti dans sa résidence secondaire).
La distraction sous le règne du capitalisme est compensation illusoire, or la compensation ne remplace pas la vraie vie.
Dans les villes de province, la « boîte » est le fantasme le plus répandu. Là est envisagée la possibilité de sortir de « l’ordinaire », la possible rencontre de l’homme ou de la femme de sa vie, du mec ou, plus extra de la nana qui va permettre « l’aventure », la transgression pour le VRP ou la bourgeoise en manque. Culan, le bourg (masculin de bourre)  auvergnat bien nommé est le nec plus ultra de la rencontre sans lendemain pour femmes esseulées ou mal mariées et contremaîtres EDF en vadrouille, sous prétexte de stage.
Le quotidien est si nul qu’il faut espérer que la musique et la danse vont transcender l’ennui. Peau de balle. Aucune rencontre n’est réelle dans l’absence de communication verbale sous le bruit tonitruant orchestré par le DJ tombeur de toutes les pétasses du coin. Il ne faut pas boire outre mesure. Les commerçants des boites veillent à ce que le whisky ne soit composé que d’un quart de ce breuvage anglo-saxon (existe aussi en canadien et français) et aux trois quart de coca inoffensif, pour préserver les points des danseurs automobilistes. A  décharge des croyants aux seuls méfaits de l’alcool nombre de régions de province du sud sont bordées de panneaux sinistres indiquant le fantomatique nombre des jeunes tués dans les virages ou bouquets de fleurs en plastiques déposés par les parents éplorés pour l’éternité de la révolution automobile du fils qui se prenait pour Fangio.
La libido est si prégnante dans le capitalisme agonisant qu’il faut à la fois la masquer, la judiciariser, tout en lui laissant libre cours comme les carnavals licencieux d’antan. Le gouvernement de gauche hollandaise a fort heureusement décidé d’abroger le dit délit de racolage passif – pénalisant les prostituées et les clients  paumés pénalisés pour renflouer les caisses de l’Etat – quand les saunas bcbg prospèrent comme toujours sous les Chirac et Sarkozy. Le sauna, équivalent de la cure remboursée par la SS, est un lieu où tous les solitaires et les vielles obèses, ou abîmées par la nature (et les vieux hommes) peuvent jouir par procuration. Il faut exclure les clubs échangistes de cette hypocrisie car ils sont plus honnêtes permettant au mari de jouir à la vue de sa « grosse » sautée par des étrangers, sans que nul sentiment ne soit bafoué. Un car de retraités est garé près de la station thermale, déjà utilisée par les Romains, ces cochons antiques.
 Nous sommes tous là avec nos bourrelets, nos excroissances adipeuses à barboter sous les jets d’eau glacée et froide, à végéter dans l’espace sensoriel ou à suer dans le hammam sous l’œil torride du voisin ou de la voisine. Puis il y a la piscine avec jets puissants à différents niveaux.
Personne ne semble se voir. Les regards sont absents, comme on dit. Les jets souterrains de la piscine sont destinés officiellement à remuscler, à raffermir les peaux avachies. Un premier jet puissant (bonjour la facture d’ERDF) me masse efficacement les dorsaux mais aussi le bide. En face de moi, il me semblait bizarre que des femmes âgées, opulentes, restent depuis aussi longtemps positionnées au-dessus d’autres jets souterrains. Je me rends au même endroit une fois celles-ci parties. Quelle n’est pas ma surprise de constater que le jet, non seulement éjecte le slip, mais masse violemment le trouduc et, par con-séquent le deuxième orifice féminin. Ainsi les grosses et moches – ou même de jolies cougars -  en public, et sans rien y laisser paraître (regard absent), peuvent bénéficier d’un orgasme pour le prix de l’entrée au sauna. Le capitalisme peut être jouissif à condition d’acquitter son billet d’entrée au sauna. Très bien mais triste comme la véranda du sauna.
J’aperçois une grosse mémère qui sort, rouge comme pivoine d’une salle de massage, accompagnée par un homme noir musclé et bien bâti. J’apprécie la révolution sexuelle cachée d’une contrée arriérée, dont je tairai l’endroit. J’en deviens persuadé que la télé, internet, la musique pop et le football ne sont pas suffisants.
M’étant encore égaré de l’institutionnel, je reviens donc au sujet initial de cet article, le thé dansant, ce ghetto social et excluant. Pour les vieillissants ignares de l’informatique non initiés à l’arnaque des sites de rencontres à prélèvement obligatoire et incontrôlable, trop fauchés pour recourir aux dernières agences matrimoniales obsolètes et ringardes, sans relation amicale ni professionnelle, il reste donc le « thé dansant » de la deuxième Guerre mondiale. Il se tient d’ordinaire l’après-midi, les retraités disposant d’un temps libre étranger aux 35 heures qui offusquent la droite caviar. Du temps de mon activité salariale j’ai vu souventes fois rencontré tel pauvre retraité se bichonnant, se pomponnant, se parfumant, s’épilant, se noircissant les maigres poils du caillou dégarni pour se préparer au bal des anciens pour séduire l’éventuelle Dulcinée blanchie sous le harnais, laquelle exigeant dûment une salle de bains ou des chiottes doubles avant de convoler aux agapes tardives pour ne pas dire terminales.

Il faut subir l’accordéon. Cet instrument, qui fût un opium prolétaire mais vous flanque désormais un chagrin nostalgique de la misère de nos parents et de leur musique ringarde assommante, qui  aurait dû disparaître depuis la révolution de la guitare électrique vers 1960 avec Elvis et l’ado Hallyday, mais non, il sévit encore dans nos campagnes. Quiconque d’un peu connaisseur de l’histoire des générations eût pu supputer qu’avec la disparition des générations de l’époque renversante de la révolution russe (1917-1923), et quelques tolérances pour les accrocs d’Yvette Horner des fifties, que cet infâme instrument  dépressif n’animerait plus que quelques maisons de retraite. Et que non, il sert à faire chavirer quelques couples bouseux, fidèles à en mourir depuis le mariage de la dinde et de l’écurie. Aucun mépris de ma part, j’ai toujours envié le jeu de jambes des septuagénaires au son d’une valse accordéonique, ou d’un tremblant passo doble – avec toutefois un total dédain  raciste des connards ascètes du tango argentin. Dans le « thé dansant » il faut « savoir danser ». Danser c’est mimer l’amour platonique. Le slow c’est pour les ignares. La génération du twist et autres fariboles pour merdeux qu’on pas connu la guerre et Charles Trenet, caca boudin. Les soixante-huitards sans éduc et sans capacité à virevolter classique, puff… des marginaux dégarnis !
S’il n’existe aucun endroit pour se rencontrer passé cinquante piges – les boites à danser sont réservées aux merdeux de 18 à 29 ans – il reste les boites à accordéon. Veuf, célibataire, divorcé , ne vous plaignez pas, ayez recours à la branlette. Le plaisir solitaire voilà bien la plus grande conquête du capitalisme.
La leçon de cette analyse pornographique  et hors norme ne dépend pas des envies, fantasmes, faux besoins secrétés par le capitalisme, mais d’un avenir communiste où la femme et l’homme ne seront plus considérés à l’aune de critères esthétiques de forme et d’allure basés sur la compétition, la concurrence, la supériorité sur l’autre, mais sur l’humain et les besoins véritables, et un besoin naturel fondamental qui est INTERIEUR et rétif à toute comparaison ou jalousie possessive.
Je suis parti en courant du « thé dansant », j’ai encore de bonnes jambes musclées et un appareil encore apte à bien fonctionner..
Mais je suis probablement au rang des utopistes maximalistes et rêveurs d’avenir.


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