PAGES PROLETARIENNES

jeudi 28 mars 2013

LA PAYSANNERIE UNE VIELLE SOUS-CLASSE D’ACCAPAREURS





Il reste de vieilles croyances anarchistes selon lesquelles le paysan aurait un potentiel révolutionnaire. Selon cette lubie le paysan, être près de la terre, serait incontestablement le dernier humain plus près de la vraie vie contre l’industrialisme forcené pour un retour aux vrais choses de la vie. Tant de jacqueries du passé abonderaient en faveur de cet être révolté traditionnellement contre les puissants, les accapareurs, les féodaux puis les atroces banquiers. La dernière  parodie de jacquerie paysanne passée de mode  n’aurait-elle pas été la pantalonnade écolo du promu député le moustachu intellectuel recyclé du Larzac, José Bové ? Luttant contre les OGM criminels d’un capitalisme pourtant soucieux de nourrir une humanité finissante et affamée à condition de démultiplier les profits sans égards pour la traçabilité des produits de la terre, de la mer  et de Mac Donald. 

L’intellectuel anarchiste marginal, hors des réalités du capitalisme finissant peut toujours se bercer des citations de l’apôtre de la paysannerie primitive, Tolstoï, rétif au modernisme, presque bolchevique, qui espérait un retour salvateur à la « terre » : « La conscience des hommes ne peut pas être apaisée par de nouvelles inventions, mais seulement par une vie nouvelle »[1] . Concédons qu’il y a une part de vrai dans cette distance prise avec la copulation de la science et du profit. Mais pour l’essentiel,  c’est du pipeau d’intellectuel déphasé avec la réalité d’une classe sac de patates, dénuée de conscience universelle, âpre au gain et à l’impérialisme territorial. La classe paysanne, non reconnue comme véritable classe par le marxisme, a toujours été une classe servile vis-à-vis des dominants. Elle resta soumise sous le règne de la féodalité du moment qu’on lui promettait de la protéger et de continuer à exploiter ses ouvriers agricoles, pauvres du cru ou immigrés. Avec le règne de la bourgeoisie, les grandes exploitations fermières, si bien nommées – le paysan même petit est fier d’être « exploitant agricole » - ont prospéré et prospèrent toujours même en enfumant l’atmosphère des pires produits chimiques de l’industrie capitaliste. 

En France, cette sous-classe bénéficie toujours des cajoleries des politiciens électoraux même si son nombre a périclité considérablement, sauf dans les campagnes où les gros paysans font toujours la loi avec le soutien entier de l’appareillage judiciaire parasite. La conscience du paysan dans la société de consumation marchande et de consultation fictive se résume à un individualisme foncièrement foncier, même si quelques originaux socialisant ne confirment pas la règle. Le paysan jaloux des riches est motivé par le besoin effréné de toujours plus de terre, de bestiaux, l’envie de s’accaparer sans témoin  des biens du voisin. Le secret de l’enrichissement est la vitesse. Un jeune « exploitant agricole » sait qu’il doit profiter vite, à condition que les banques lui octroient des crédits, même faramineux, pour se doter du matériel agricole performant. Les vieux paysans le voient arriver comme un corbeau de mauvais augure et s’ils ne peuvent pas le tuer au moins s’empressent-ils de le menacer s’il tente de déborder de ses terres.
Le paysan moderne s’endette donc, et s’endette royalement. Il est pain béni pour les banques qui lui fournissent immédiatement crédit à vie, sachant que la naïveté primaire fait bon mariage avec l’appât du gain…capitaliste. Mieux le paysan est comme toujours son propre patron, du moins c’est ce qu’il croit jusqu’au jour de la faillite. Il décide quand il veut d’aller semer le blé, même le dimanche car les curés ne font plus la loi. Il agrandit son territoire sur le communal grâce à la loi trentenaire et peut compter sur les tribunaux de classe et l’Etat fan de la propriété privée. Pourtant les premières années du postulant à l’enrichissement terrien sont dures et abêtissantes. Il faut sacrifier toute vie libre à la traite des animaux matin et soir, compter sur une concubine qui accepte l’odeur de la merde, la servitude de la nourriture de la volaille et les cancans étroits du village. Les vignerons sont constamment en butte aux limites de territoire et aux invasions ou vols des romanichels. Les éleveurs de cochons font face aux pétitions contre les mauvaises odeurs par les riverains retraités planqués. La paysannerie dans ses diverses composantes n’est que la guerre de tous contre tous. Les exactions paysannes contre les préfectures de l’Etat et leurs violences contre les « forces de l’ordre » bénéficient d’une indulgence que ne connaissent pas les manifestations d’ouvriers. Pour l’anarchiste moyen, habité par le souvenir du Larzac, du lac de Naussac, des Pyrénées à Nantes, il s’agit d’une glorieuse lutte contre l’Etat « prédateur », prolégomènes à un retour à la vraie vie,  individualiste, cossue et au bon air, sans les produits chimiques de la ville spoliatrice.
Les médias totalitaires compatissent aux deux catégories qui seraient les plus touchées par le suicide final : la police et la paysannerie.  Pur mensonge, on dénombre régulièrement un nombre plus fréquent de passage à l’acte de prolétaires.
Les policiers, universellement méprisés surtout par les tribunaux, sont les nouveaux exploités de la « tolérance étatique » face à une criminalité indispensable à l’achat de Porsche pour les avocats. Pour quelques paysans qui recourent à la solution létale, au sommet de l’endettement, les médias ne leur consacrent que la rubrique des chiens écrasés en saluant leur dignité, hélas, et  en passant à l’info suivante.
Dans l’ordinaire du paysan la dignité n’a pourtant aucune place. Dans la guerre de tous  contre tous, certains sont de véritables champions et ne font que concrétiser les désirs de tous. Lorsqu’un paysan meurt normalement, ou prenant la retraite, tous, autour vautour, vont tout faire pour récupérer ses terres, gage d’une progression du cheptel et donc des bénéfices laitiers et consuméristes. Le maire de base, souvent paysan lui-même, tête ou otage d’un clan villageois, se battent comme cochons en foire, pour dénoncer un rival qui a mordu avec son hangar sur le communal. Les tribunaux provinciaux sont remplis de requêtes pour venger des poules écrasées par le tracteur de Martin.
Tolstoï a tort ici pour les besoins capitalistes du paysan. Les nouvelles inventions, qui vont accroître son endettement, lui sont indispensables. Les trayeuses électroniques de plusieurs vaches à la fois, délaissant le tabouret et la branlette des pis  à papy labour, lui donnent des yeux de Chimène. Il va pouvoir enfin regarder Koh-Lanta en même temps que les ouvriers privilégiés des villes. Tranquilles eux après leurs sept heures peinards et leurs luxueuses 35 heures, quoique sans compter le temps de transport. Son profit va être immédiatement proportionnel aux milliers de litres de lait, même cradement filtré, qu’il va refiler au camion du laitier. Le fumier Montesento  existe aussi en France européenne.
La solidarité paysanne est incontestable devant les tribunaux bourgeois, alliances ou mésalliances opportunistes visent à couler le concurrent et à toucher de substantielles « indemnités ». De fait les banques et les tribunaux sont les meilleurs alliés du paysan, du moins de celui qui « réussit ».
Comme le flic bien dans sa peau, comme le patron qui « prend ses responsabilités », comme le cadre du secteur public, le paysan vote Sarkozy. Comme l’actionnaire ou le retraité chapeau le paysan vole impunément et il est dans « son droit ». Toujours plus, telle est la doctrine du paysan.


[1] Cité par Georges Anquetil dans son très anti-homosexuel brouillon « Satan conduit le bal » (1925).

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