PAGES PROLETARIENNES

lundi 17 décembre 2012

DE L’injure en politique MAXIMALISTE





Fable d’Esope : « L'Âne paissait un jour dans la compagnie d'un Coq. Un Lion vint pour attaquer l'Âne. Le Coq chanta. On dit que le Lion a une horreur naturelle du chant de cet animal. Le Lion se mit à fuir. L'Âne, qui s'imagina follement que le Lion le redoutait, le poursuivit à toute outrance ; mais quand le Lion se vit assez éloigné pour ne plus craindre le chant du Coq, et pour ne le plus entendre il revint sur ses pas, se jeta sur l'Âne et le dévora. " Malheureux que je suis, s'écria-t-il, en se voyant aux derniers abois, de quoi me suis-je avisé de vouloir faire le vaillant, et pourquoi ai-je voulu m'exposer au combat, puisque je ne suis point né de parents guerriers ? ».

Une injure est une parole offensante adressée à une personne dans le but de la blesser délibérément, en cherchant à l'atteindre dans son honneur et sa dignité. Cela ne signifie pas que celui qui est insulté est « atteint ». Il peut s’en foutre, ne dit-on pas que la bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe. Ou, au contraire, il peut avoir recours à la justice de classe.  Dès lors  pour qu’il y ait injure au sens de la loi, il doit y avoir atteinte à l’honneur de la personne visée. Et peu importe que ça soit vrai ou non ! Par exemple : le fait de traiter quelqu’un de « sale homosexuel » est une injure. L’injure est publique lorsqu’elle est prononcée dans un lieu accessible à tous, sans condition et à tout moment. Par exemple, un café, un blog, la rue, une réunion, une affiche, un livre, une annonce radio / télé… Les autres lieux sont des lieux privés. Par exemple, un message sur un répondeur, une lettre au nom de la personne visée… Quelles sanctions ?
Pour les injures privées, il s’agit simplement d’une contravention de 1ère classe soit 38 Euros d’amende. Mais si elle est à caractère raciste ou si elle vise une personne à raison de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son handicap, il s’agit d’une contravention de 4ème classe soit 750 Euros d’amende. Les injures publiques sont beaucoup plus sévèrement sanctionnées puisque l’atteinte à l’honneur est bien plus importante. La peine d’amende est alors de 12000 Euros maximum. Si l’injure publique est à caractère raciste ou si elle vise une personne à raison de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son handicap, alors l’amende monte jusqu’à 22500 Euros et une peine de prison de 6 mois peut être prononcée par le juge. Lorsque l’injure vise un fonctionnaire, et même si elle n’est pas publique, un agent de l’autorité publique, elle est punissable de 12000 Euros d’amende.

Mais à voir… si chaque fois que je traite de con celui qui m’a fait une queue de poisson ou d’abruti congénital un fonctionnaire borné par son guichet je devais être sanctionné… Sachant que l'injure ne sera pas sanctionnée si son auteur prouve qu’il a été provoqué par la personne qu’il a insultée…
Tout cela est hors sujet dans le quotidien des prolétaires, insultes et persécutions sont le lot commun plus ou moins supporté, plus ou moins toléré suivant les lieux ou circonstances. Nous ne nous intéressons pas ici aux injures de la vie quotidienne, aux paroles intempestives ou aux mots impulsifs dans les circonstances répétitives d’un monde inhumain et aliéné. Non, en réponse à notre ami de Lille qui joue au Candide, qui déplore « attaques, insultes et autres noms d’oiseaux » dans le milieu maximaliste dit révolutionnaire prolétarien, je veux simplement constater :
1)      Que c’est certes toujours plutôt regrettable mais pas si improductif qu’il n’y paraît, l’insulte a valeur souvent de publicité gratuite, elle fait des vagues donc éveille l’intérêt;
2)      Que ce n’est point nouveau, même les plus grands et encensés théoriciens s’y sont livrés sans que cela soit une marque d’intelligence supérieure;
3)      Que ce n’est pas près de cesser dans le monde tel qu’il va;
4)      Mais enfin surtout que c’est quelques fois parfaitement justifié, et qu’il faut hardiment deviner ce qui se cache sous les grossièretés : problème pathologique personnel ou réelle divergence politique ?

En gros, les injures cristallisent-elles significativement des rivalités et des haines  en politique maximaliste « prolétarienne » ? Sont-elles une spécificité des groupuscules gauchistes et des partis staliniens ?
Hélas non, concernant la seconde question. Dans le mouvement révolutionnaire au XIXe siècle, pour ne pas remonter à l’Antiquité d’Esope ou à Platon, les insultes ad hominem (attaque personnelle)  valsent à profusion de Marx à Bakounine, de préférence dans les courriers privés qui seront connus par la postérité. Xénophobie et antijudaïsme tiennent le pompon.  Parlant de Marx et de Lassalle, Bakounine a écrit : « Mais à côté de ces deux Juifs géants, il y avait et il y a une foule de Juifs pygmées ». Marx a été moins tendre encore pour les juifs bourgeois. Les commentateurs superficiels du côté de la bourgeoisie moderne et hédoniste – qui adorent insulter les morts - ne voient plus Marx que comme un lamentable insulteur, tel l’anarchiste nihiliste et poseur pour studio de télévision M.Onfray qui déchaîne sa haine contre le véritable chef de la Première Internationale: « Marx l’atrabilaire, le doctrinaire de cabinet méconnu, le pilleur des bibliothèques, le militant politique manœuvrier des couloirs, petit-bourgeois dans sa vie quotidienne, le jaloux envieux engagé dans un combat pour asseoir son pouvoir sur l’organisation ouvrière internationale ; Bakounine l’ogre dionysiaque… Cynisme contre romantisme». « Max recourt à tout pour disposer du leadership de la contestation ouvrière internationale, y compris la calomnie, le mensonge, l’intrigue. Lui et les siens laissent courir le bruit que Bakounine agit en espion à la solde du gouvernement russe. L’insulte réapparaît régulièrement…. » (cf L’eudémonisme social). Onfray adore encenser le « romantique » Bakounine par devers un Marx « prussien », « russophobe », pathologiquement manœuvrier…
Interviewé par Radio Libertaire en février 1982, un bâtard du marxisme chloroformé, le brave Maximilien Rubel taxe le « mauvais caractère » de l’insulteur Marx – qui laisse tout de même « un fil d’explication de la misère du monde actuel » - mais ne cache pas son estime pour Bakounine : « Pour ce qui est de l’application de l’anarchisme dans la vie quotidienne, il est certain que Bakounine était plus proche d’un homme émancipé des préjugés bourgeois que Marx. Marx menait une vie de petit bourgeois et même de paria en marge de la société bourgeoise, en quoi il ressemblait à Bakounine d’ailleurs, un mendiant permanent, malade, qui n’a laissé qu’un fragment d’une œuvre qu’il pensait achever durant sa carrière et qu’il a laissé à la postérité comme une espèce d’avertissement ».
Marx insulteur insulté ? Et ses contemporains, Victor Hugo par exemple ? Ils rivalisent de quolibets, d’insultes ad hominem, de comparaisons qu’on dirait de nos jours « machistes ». Les vieilles fripouilles féodales au Parlement, elles, ne se livrent pas qu’au seul duel vengeur au coin d’un bois face aux élus bourgeois républicains. Les joutes verbales à la Chambre des députés sortent tout de même de l’enceinte, et les adjectifs hugoliens: petit, pygmée, avorton, nain immonde. Sont visés : Napoléon III, Thiers, Louis Blanc. L’insulte est courante et accompagne l’affirmation du Parlement (encore à dominante rurale) mais peut être suivie de violence physique. Jaurès est agressé à la tribune. Zola et Léon Blum auront été les plus insultés, à l’époque de l’affaire Dreyfus. L’attaque ad hominem est une spécialité de la droite bourgeoise, pathologique, insinuante, xénophobe. L’homme de droite classique ou néo-facho ne connaît que les individus, les superstructures sociales et les rapports sociaux c’est trop compliqué pour lui.
L’insulte avilissante qui dégorge, humiliante, répugnante est typique de toutes les périodes de réaction. Les partis réactionnaires de Vichy offrent un dégueulis permanent, surtout antisémite. Le parti réactionnaire PCF à la Libération sera lui le champion du chauvinisme anti-boche contre ses rivaux gaullistes, mais plus insultant encore avec des termes de maquereau contre les ouvriers rétifs face à ses ordres ou à ses « fables communistes ».
Flash back  du temps jadis héroïque et pré-révolutionnaire. La polémique entre bolcheviques et mencheviques ne fut pas abreuvée à l’eau de rose. Lénine était plus fort pour les épithètes que pour la philosophie (et encore on ne dispose pas des enregistrements verbaux), mais il aura été sans doute l’homme politique le plus insulté au XXe siècle, plus que Hitler, rangé dans les tiroirs comme simple méchant. L’insulte dans la polémique politique des premiers révolutionnaires maximalistes du début du XXe siècle ne porte pas à conséquence ni ne signifie menace de mort. Elle est autrement grave en période de contre révolution, mais aussi en période de révolution. Ne pas porter la cocarde tricolore en 1789 pouvait vous faire traiter de complice de la noblesse et vous transformer en gibier de guillotine. Soupçonné à tort d’être du côté des Blancs par des soudards mal embouchés, insulté et bousculé, John Reed faillit y laisser la peau.
L’insulte n’est pas simplement dans le mot, grossier ou macabre, elle se niche dans la façon de tancer la victime. Le début de rupture entre Lénine et Staline date du jour ou Koba a agressé verbalement sa femme Nadia Kroupskaïa au téléphone. On connaît mieux aujourd’hui la teneur des propos menaçant et avilissant du futur dictateur Koba-Staline, à la manière typique des pervers narcissiques sous une faconde moraliste : « Il lui reproche grossièrement d’avoir laissé son mari se « fatiguer » en rédigeant des lettres et la menace de la traduire devant le Comité central. Ses propos sont odieux : « Pourquoi devrais-je me mettre sur mes pattes arrière pour elle ? Coucher avec Lénine ne garantit pas automatiquement la compréhension du marxisme-léninisme. Juste parce qu’elle se sert des mêmes toilettes que Lénine… ». Dans un style tout en finesse donc, Staline expose clairement à Nadia les difficultés auxquelles elle devra faire face à la mort de Lénine. Il explicite, la menaçant de bien pire que de la traduire en justice : si elle n’obéit pas, il fabriquera pour l’histoire une autre veuve à Lénine, en lui nommant une autre épouse officielle : « Si elle ne ferme pas sa bouche, le parti appointera la vieille Elena Stasova – qui était une amie très proche d’Inessa – comme veuve officielle de Lénine à sa place ». Nadia attend le 5 mars 1923 pour parler de l’altercation à Lénine. »  (cf. Femmes de Dictateur, de Diane Ducret). Lequel, fou de colère, va exiger en vain des excuses au Robin des bois montant… (Koba = Robin des bois en Russie, c’est pourquoi c’est toujours le surnom prisé par des activistes CGT lors de leurs actions clandestines de type… stalinien).
Dans l’histoire de l’opposition trotskyste et de la fraction italienne dans les années 1930, les injures ou l’insulte qui consiste à accuser de complicité avec la police n’est pas l’apanage des seuls staliniens. Trotsky a le culot d’injurier la Gauche italienne, qui conteste son opportunisme par rapport au stalinisme, en la traitant de « nationaliste ».
A la Libération, en Italie, les tendances maximalistes qui doivent s’unifier dans un parti internationaliste volontariste et prématuré, sont peu galantes entre elles. Il a fallu que soit publié le livre de Damen en français pour connaître le peu d’aménité de Bordiga contre les « damenistes » qui s’estiment diffamés par ses propos – et dont le conflit ira jusqu’à demander à la justice bourgeoise de trancher sur la propriété des sigles du parti et du nom du journal commun jusque là - : « activisme, uniforme historique du renégat »… dicté par la frénésie de « jouer au politicard de manière personnelle et électoraliste » (cf. Damen in Bordiga au-delà du mythe », p.9).
Damen décrit un Bordiga qui n’en fait qu’à sa tête et qui mégote. Il le qualifie nettement son mysticisme comme néo-stalinien par son incapacité à identifier le stalinisme comme un capitalisme d’Etat. Il cite les points de base (néo-staliniens) de 1951 rédigés par Bordiga qui « interdit la liberté individuelle d’analyse », parle de « science de classe prolétarienne » ; il se moque ensuite de cette vision du type providence divine », « formas mentis qui n’a que le vernis extérieur du marxisme… » ; en gros une incapacité de Bordiga à comprendre la classe ouvrière. Alfa Bordiga est tout juste bon à un « caprice intellectualiste », un insatisfait, un opportuniste qui se livre à des attaques personnelles alors qu’il en a été aussi cruellement l’objet par les staliniens naguère (p.137). Bordiga au fond n’est qu’un mystique, (p.141 et suiv, je reviendrai comme promis sur cette critique pertinente jamais relevée par le milieu maximaliste des 70 qui se contenta de dénoncer l’aspect secondaire de ce mysticisme, l’invariance).
Dans sa lettre du 28 mars 1952, Bordiga ne ménage pas son mépris et ses insultes contre Damen : « …tu es tombé dans un état d’infirmité (il faut) accorder quelques mois de repos à ton cerveau ».
Damen, magnanime et compassé, rappelle en fin de compte qu’il ne fallait pas encenser Bordiga en citant son plus proche ami Perrone/Vercesi qui, dans Bilan, récusait le qualificatif idiot de bordiguisme  pour caractériser toute la Gauche italienne.

PETITE BOURGEOISIE HIER ET AUJOURD’HUI : DIFFERENCE ENTRE LES ALEAS INJURIEUX DES POLEMIQUES ET LES PROCES D’INTENTION DESTRUCTEURS DANS L’ORGANISATION
Thomas Bouchet, a décrit d’une façon généraliste et inoffensive cette pratique ancienne de l’insulte en politique par les militants de tous les partis : « Noms d’oiseaux. L’insulte en politique de la Restauration à nos jours », (Edition Stock, mars 2010).  Faut pas faire la fine bouche, en politique traditionnellement dans tous les partis bons et mauvais, pour les pauves ou pours les bourgeois, on s’insulte joyeusement. L’ex- président Sarkozy, pour séduire le populo, a même inauguré l’insulte pour le gogo de base, sympathisant ou touriste lambda qui semblait plus épargné que les militeux. Son « casse toi pauv’con » public est entré au Panthéon du comportement outrancier des puissants, qui  n’épargne même plus le passant spectateur. L’affrontement politique peut ainsi retomber dans le simple affrontement interindividuel étroit et improductif, sauf pour les rieurs acquis au prince.

DERRIERE L’INJURE LE REVE D’UNE REVOLUTION DES PROFESSEURS…
Mais, devons-nous poser : l’injure à la boutonnière n’est-elle pas typique du petit bourgeois et pas simplement du « populo » ? Les assemblées de prolétaires sont en général sages et disciplinées, hélas trop souvent par suivisme et insuffisance politique. Le petit bourgeois intellectuel ou artisan est colérique, inconstant, ses assemblées corporatives sont toujours houleuses et indisciplinées ? La petite bourgeoisie intellectuelle tient au rôle très précis qu’on consent à lui laisser jouer dans le processus de reproduction du mode de production et de toute la société en général. Cette vaste couche moyenne moderne, toujours hésitante et râleuse, toujours menacée de paupérisation, toujours effrayée à l’idée de perdre les privilèges qui lui ont été accordés depuis la lointaine reconstruction, ne trouve souvent pour exprimer sa colère que l’insulte ou la calomnie. La petite bourgeoisie bobo-écolo aimerait tant faire partie des grands, des puissants, de la grande bourgeoisie agissante quand elle est rarement conviée à la table des festivités, sauf pour faire de la figuration en remerciement des services rendus aux capitaines d’industrie. La petite bourgeoisie intellectuelle salariée (dont ses divers déclassés) aimerait bien obtenir les meilleures places au sommet de l’Etat « prolétarien », place garanties par de hautes fonctions dans le « parti de classe ». Bien entendu il faut toujours de hauts diplômes de nos jours encore. Toutes les révolutions n’ont jamais porté au pouvoir que des avocats, des ingénieurs, des professeurs… Et dans les conseils ouvriers en Russie, ce furent les anciens syndicalistes, ceux qui savaient lire, écrire et discourir, qui monopolisèrent les décisions ; pourquoi le cacher ?
La majeure partie des couches moyennes (qualifiées naguère de petite bourgeoise) ne marque donc pas une propension à « tomber dans le prolétariat », mais à préserver les strapontins que lui concède le capital ou à se ménager une promotion hiérarchique dans la révolution… de l’avenir futur... Pauvre Manifeste de 1848 qui les voyait tomber plutôt qu’aspirer à « monter »!
L’attaque ad hominem dépend des circonstances, de telle ou telle provocation, de celui qui y est réduit ou de celui qui s’en sert. Elle n’a pas lieu d’être si existe un minimum de solidarité de classe et si l’unité des prolétaires est vécue comme indiscutable. Mais lorsque la solidarité a disparu – que la mentalité petite bourgeoise individualiste prédomine - que plus aucune règle ne prévaut, toute petite organisation qui se flatte d’être un produit historique du mouvement prolétarien (même composée de simples prolétaires), tel un frêle esquif, n’est plus rien qu’une somme d’individus à nouveau en concurrence comme tout prolétaire prosaïque qui n’a le choix qu’entre le silence ou le suicide.
Dans la situation où domine massivement le chacun pour soi, toute divergence, toute polémique ne peut malheureusement que déraper. Comme un couple stérile, l’organisation se scinde et se cherche des poux dans la tête. Lorsque la tension devient plus vive et se transforme en série d’insultes, ou en moyen pour culpabiliser ou inférioriser celui qui est en désaccord avec l’opinion à la mode ou la ligne générale – et à ce niveau c’est le même terrorisme qui règne souvent dans un parti bourgeois ou prolétarien – c’est bien le même type d’oppression de la pensée, de type stalinien qui réapparaît. Le mode de soumission totalitaire de l’individu  n’est pas originellement stalinien puisque le stalinisme n’est qu’un sous-produit du capitalisme résistant du XXe siècle, calque de la tradition du fonctionnement de toutes les anciennes factions bourgeoises. La soumission sans discussion est l’exigence de base de tout corps politique constitué. Mais nous ne pouvons en rester à une explication généraliste et superficielle. La guerre des chefs aux époques de décadence sociétale révèle au moins une chose : tout le monde veut commander et plus personne n’est là pour incarner non un commandement général mais une unité du mouvement. Un mouvement qui tend vers l’unité, vers un regroupement des forces ne génère aucun combat de chefs. Les forces se coalisent naturellement sans frottements, chacun trouvant sa place avec dévouement comme le décrit si bien le témoignage de Victor Serge d’une vingtaine de pages « Vie des révolutionnaires ».
Le cas de la déliquescence stalinienne du CCI est typique du fait qu’il ne s’agit nullement de préserver un « organe prolétarien à la classe », lequel n’est composé au demeurant que de petits bourgeois ergoteurs. Il est typique de l’incapacité de couches petites bourgeoises, pas vraiment tombées dans le prolétariat (salariés fonctionnaires protégés ou cadres aisés) à tolérer autre chose qu’une politique de secte ou de clan. J’ai écrit il y a plus de dix ans qu’un clan pouvait en cacher un autre, clan anarchiste contre clan marxiste, qui est tombé à l’eau ? Le bateau CCI. Espérant devenir le quartier général d’une classe ouvrière qui n’a que foutre de généraux d’opérette pour une « guerre civile révolutionnaire » où ils seraient encore les massacrés pour la gloire des chefs « prolétariens », ils n’ont rien représenté no orienté, ils ont failli et en échouant ils ne pouvaient que se dévorer entre eux.
Ils sont redevenus des petits bourgeois en compétition. Ils ont laissé tomber le prolétariat qui, de son côté, ne s’est pas soucié de leurs prétentions pusillanimes.
En espérant que tu as suivi mon raisonnement, lecteur, mon con.

POST SCRIPTUM ARCHIVES DE LA REVOLUTION REVEE :
LA VISION LENIFIANTE DU MANIFESTE DE 1848 (sur la petite bourgeoisie tombante dans le bon sens)
« Cette organisation du prolétariat en classe, et donc en parti politique, est sans cesse détruite de nouveau par la concurrence que se font les ouvriers entre eux. Mais elle renaît toujours, et toujours plus forte, plus ferme, plus puissante. Elle profite des dissensions intestines de la bourgeoisie pour l'obliger à reconnaître, sous forme de loi, certains intérêts de la classe ouvrière : par exemple le bill de dix heures en Angleterre. En général, les collisions qui se produisent dans la vieille société favorisent de diverses manières le développement du prolétariat. La bourgeoisie vit dans un état de guerre perpétuel; d'abord contre l'aristocratie, puis contre ces fractions de la bourgeoisie même dont les intérêts entrent en conflit avec le progrès de l'industrie, et toujours, enfin, contre la bourgeoisie de tous les pays étrangers. Dans toutes ces luttes, elle se voit obligée de faire appel au prolétariat, de revendiquer son aide et de l'entraîner ainsi dans le mouvement politique. Si bien que la bourgeoisie fournit aux prolétaires les éléments de sa propre éducation, c'est-à-dire des armes contre elle-même.  De plus, ainsi que nous venons de le voir, des fractions entières de la classe dominante sont, par le progrès de l'industrie, précipitées dans le prolétariat, ou sont menacées, tout au moins, dans leurs conditions d'existence. Elles aussi apportent au prolétariat une foule d'éléments d'éducation. Enfin, au moment où la lutte des classes approche de l'heure décisive, le processus de décomposition de la classe dominante, de la vieille société tout entière, prend un caractère si violent et si âpre qu'une petite fraction de la classe dominante se détache de celle-ci et se rallie à la classe révolutionnaire, à la classe qui porte en elle l'avenir. De même que, jadis, une partie de la noblesse passa à la bourgeoisie, de nos jours une partie de la bourgeoisie passe au prolétariat, et, notamment, cette partie des idéologues bourgeois qui se sont haussés jusqu'à la compréhension théorique de l'ensemble du mouvement historique. De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique.
Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat ».


LES HEROS DU PASSE PROLETARIEN NI PETITS BOURGEOIS NI ARRIVISTES :
Sur son blog, intéressant et fourmillant de textes classiques (Matière et Révolution), le professeur retraité Robert Paris a opposé au moins de juin dernier, les thèses d’Helmut Wagner (1934) et le court témoignage passionnant de Victor Serge : "Vie des révolutionnaires » (introuvable à lire ou relire absolument, mais R.Paris reproduit intégralement, quoique bourré de coquilles, ce témoignage indispensable de V.Serge).
« Dans les « Thèses sur le bolchevisme » (http://www.marxists.org/francais/wa...) d’Helmut Wagner on lit
16. (...) les éléments les plus combatifs de l’intelligentsia étaient à l’avant-garde du mouvement révolutionnaire qu’ils allaient marquer du sceau jacobin et petit-bourgeois. Le mouvement de la social-démocratie russe, dirigé par des révolutionnaires professionnels, représentait essentiellement un parti de la petite bourgeoisie révolutionnaire.
19. (...) Les bolchéviks représentent le parti dirigeant de l’intelligentsia petite-bourgeoise révolutionnaire de Russie.
Récemment sur ce site des camarades de la Gauche communiste ont fait référence à ce texte. C’est l’occasion de relire un texte de Victor Serge qui décrit une réalité (qu’il a connue) qui va complètement à l’encontre de certaines thèses de Wagner.
1) Victor Serge montre que l’avant-garde bolchévique n’est pas une secte petite-bourgeoise détachée de la société, mais l’émanation de toutes les classes ou couches sociales (ouvriers, bourgeois, femmes, etc.) desquelles le tsarisme faisait sortir naturellement des révolutionnaires. Wagner sous-entend que seule la petite bourgeoise a donné des cadres aux socio-démocrates, la classe ouvrière étant incapable d’en fournir, Victor Serge donne des contre-exemples qui démolissent ce préjugé.
2) l’affinité entre la petite bourgeoisie et le bolchévisme mis en avant par Wagner est au contraire démenti par Victor Serge à plusieurs reprises. Par exemple à propos-des petits-bourgeois qui rejoignirent le bolchevisme il conclut : « cette rupture économique et morale avec leur milieu originel les assimile à la classe ouvrière ».
Ce texte est à la fois un hommage aux anonymes "cadres moyens" de la révolution de 1917, des années qui précédèrent (1905 ...) et qui suivirent (guerre civile) mais aussi un tableau qui fait comprendre comment émerge et se forme une génération de révolutionnaires unis autour d’un programme, celui du bolchévisme animé par Lénine ».
Autre époque cher Robert Paris, où une forte partie de la petite bourgeoisie intellectuelle tombait encore dans le prolétariat non pour son profit ou sauvegarder des intérêts particuliers, sans oublier qu’une autre partie a profité de la dictature militaire de l’Etat de Robin Staline pour s’emparer quelques années plus tard des « bonnes places »… Et il faut bien voir où on en est aujourd’hui… sans insulter personne.






2 commentaires:

  1. Dans "Sous la bannière du marxisme" (édité Vaganian), Kamenev a écrit un article sur l'évolution de 'ругани' ('jurer' ou 'rodomontades' selon imtranslator).

    Je tiens seulement à signaler que l'indice de cette revue est disponible ici:

    http://libcom.org/library/under-banner-marxism

    J'ai aussi traduit quelques articles de cette journal, par exemple de Isaak Dashkovskij. Il était membre du groupe des "centralistes démocrates". J'ai énuméré mes traductions de ce groupe ici (la note 4):

    http://libcom.org/library/democratic-centralism-eduard-dune#footnote4_om20j9e

    Je pense que Reveil Communiste (Pappalardi) a traduit leur programme politique, et l'année dernière Smolny a donné une conférence, avec Jean-Jacques Marie "Les décistes et les oppositions de gauche au sein du Parti communiste russe", mais pas grand chose d'autre est connu d'eux.

    Aussi le contenu de "Sous la bannière du marxisme" reste largement inconnu.

    Mais j'ai quelques bonnes nouvelles pour vous chercheurs-historiens: http://socialhistory.org/nl/projects/centrale-digitization-project

    Dans les mois suivants, les écrits de Kautsky seront déjà mis en ligne. (J'ai ses notes sur Le Communisme de Gauche, jamais publié; si vous voulez, je peux les envoyer.)


    salutations,
    Noa


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  2. Je ne connais pas votre adresse email (laissez ce inédits si vous préférez). Ici les notes de Kautsky: http://www.mediafire.com/view/?5uy071w8301bt6g

    (5 fragments; un sur le livre de Lénine).

    Ma traduction en français n'est pas parfait. J'espère que vous pouvez lire un peu allemand.

    La date n'est pas certaine (1920-21). Peut-être c'était pendant son voyage à Georgie avec sa femme Louise (cf. page 157-178 L'Internationale socialiste et la Géorgie: http://catalog.hathitrust.org/Record/006783888 ,lire avec un proxy américain)



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