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dimanche 16 décembre 2012

HISTOIRE DU BIPR/BATTAGLIA COMUNISTA



BREVE HISTOIRE DU BIPR-Battaglia Comunista : l'ex Bureau International pour le Parti Révolutionnaire


Aux origines :

En 1943, vers la fin de la guerre mondiale, et à la suite des grandes grèves de Turin est créé le parti communiste internationaliste (notez bien l'adjectif, car international désignera le parti bordiguiste ultérieur), complètement en dehors du PC italien inféodé à Moscou. Ce parti renoue les origines de la fondation du PC de Livourne membre de l’Internationale communiste avant que celle-ci ne décline. Le premier numéro de sa revue Prometeo (illégale) paraît en novembre 1943. La plupart des grands fondateurs se retrouvent dans ce parti: Onorato Damen, Mario Acquaviva, etc. Bordiga reste en marge tout en prodiguant ses conseils. En 1944 le parti compte environ 2000 membres et peut constituer des fédérations importantes dans certaines villes ouvrières comme Milan et Turin.
En 1945 Battaglia comunista devient l’organe principal de propagande du parti tandis que Prometeo continue comme revue théorique. A la fin du mois de décembre se tient à Turin la première conférence nationale du parti où participent des délégations étrangères de France et de Belgique. A cette conférence s’opère les retrouvailles avec les militants italiens qui avaient émigré au début de la période fasciste, en particulier Ottorino Perrone (Vercesi), principal animateur de la fraction de gauche en Belgique (revue théorique : Bilan). Une polémique sera répercutée depuis Paris par les membres de la fraction en France (qui deviendront Gauche Communiste de France) avec Marc Chirik qui avait condamnés l’attitude de Perrone en mai 1944 pour sa présidence d’un comité antifasciste des réfugiés italiens en Belgique. Perrone sera blanchi et Chirik exclu pour « indignité politique » parce qu’il aura refusé de se plier à cette refondation précipitée d’un parti internationaliste sans réexamen des positions valides ou non, sur la base du travail théorique novateur de la revue Bilan. Le nouveau parti reste donc surtout italien avec pour seule ramification internationale des liens maintenus avec quelques éléments en Belgique et le petit cercle de la FFGC (fraction française de la gauche communiste) de Suzanne Voute.
Sur plusieurs questions, non clarifiées, le PCint ne se rend pas compte qu’elles lui reviendront comme un boomerang :
-          le travail d’intervention au sein de la résistance antifasciste était ambigu, proche des confusions trotskystes,
-          - sur la nature de l’URSS le nouveau parti n’était pas homogène tout en dénonçant la contre-révolution stalinienne,
-          Le travail en direction des syndicats (activisme et impossibilité de récupérer ces organes pour le prolétariat) demandait à être clarifié et sera une des principales causes de la scission de 1951-52.
-          La question parlementaire : pour le PCint comme pour il maestro (toujours en coulisses) Bordiga, il est nécessaire de participer à certaines élections.

Au premier congrès du nouveau parti à Florence en mai 1948, l’enthousiasme et l’activisme qui avaient gonflé le PCint retombent face au passage à l’opposition du parti stalinien et au début de la guerre froide. Des controverses vont surgir sur la validité ou non de qualifier l’URSS de capitaliste d’Etat, sur le rôle des syndicats et sur les questions nationale et coloniale. La « diaspora » retrouvée des militants italiens mettait en présence des militants qui avaient évolué sur des analyses différentes sur les questions « tactiques » depuis l’avant-guerre. Face aux orthodoxes d’une théorie révolutionnaire maximaliste « invariante », Onorato Damen se montrait plus capable d’intégrer un « bilan » plus large, intégrant l’expérience de« la gauche allemande ».
Le PCint participe aux élections générales de 1948 mais ne recueille que quelques dizaines de milliers de voix, croyant pouvoir se servir, comme les trotskystes en France à la même époque, de ce temps de parlotes comme d’une tribune révolutionnaire.

La naissance de Battaglia :

Dans la polémique de 1952, les deux camps se délimitent ainsi : d’un côté Onorato Damen, de l’autre : Bordiga (toujours hors du parti) Ottorino Perrone et Bruno Maffi. La polémique est longue et dure sur : la question syndicale, les luttes de libération nationale, le rapport du parti et de la classe, et l’organisation interne du parti. Lors de la scission en 1952, après de nombreuses attaques ad hominem entre Onorato et Amadeo, pour conserver les titres du journal et de la revue, le groupe Damen entraîne l’autre (pro-Bordiga) face à la justice bourgeoise. Cette dernière tranche le différent : Damen garde Battaglia Comunista et le titre de revue Prometeo, l’autre camp conserve la publication mensuelle de Programma Comunista. Les deux organisations conserveront jusqu’en 1964 le même nom de parti communiste international, où il y aura une scission dans le PC-programma comunista, la révolution communiste, opposé au dépassement des critères léninistes d’organisation (en réalité critères mystiques).
En mai 1952, à Milan à son IIe congrès, le PCI qui sera identifié couramment désormais sous le titre de son journal « Battaglia comunista », procède à une réélaboration de son programme. Il est le seul groupe internationaliste, existant comme parti délimité – alors que la Gauche Communiste de France disparaît de la circulation – à rejeter tout soutien à la vogue des mouvements anti-coloniaux dits de libération nationale, affirmation de la dictature de la classe et pas du parti. Contrairement à ses anciens alter-ego restés « bordiguistes » dans leur isolement, Battaglia reste toujours ouvert aux discussions avec les autres groupes nouveaux ou anciens ; ainsi des discussions seront menées tout aussi bien avec Socialisme ou Barbarie en France, News and Letters de Raya DunayevskaÏa aux Etats-Unis, le Fomento Obrero Revolucionario de Grandizio Munis, et les groupes de Bruno Fortichiari, de Arrigo Cervetto et l’unité prolétarienne de Danilo Montaldi.
Les écrits de Battaglia des années 1960 et 1970 sont les plus intéressants du camp maximaliste révolutionnaire, contre la vision mystique du bordiguisme en particulier (cf. Le livre de Damen, « Bordiga , au-delà du mythe »).
Battaglia convoque la première conférence internationale contemporaine en 1977 en mai à Milan, invitant le CCI –courant communiste international – la CWO – Communist workers’organisation – etc. Le CCI estime de son côté que c’est lui qui en avait relancé l’idée, car depuis 1967 son premier fondateur, Marc Chirik, avait fait plusieurs fois des déplacements pour rencontrer les camarades italiens. La première conférence souffrit d’un manque de préparation et les critères d’invitation douteux (Battaglia avait invité les deux avortons trotskistes Combat communiste et Union ouvrière) ; il aurait fallu d’abord poser la question : qui appartient au milieu révolutionnaire ? Plusieurs autres groupes avaient convenu de venir y participer mais ne sont pas venus : Arbetarmakt (Suède), le FOR de Munis en raison de travaux urgents en Espagne, la CWO, et le PIC (pour une intervention communiste hostile à un « dialogue de sourds entre léninistes ».
La capacité du groupe Battaglia à réexaminer les positions caduques et à garder un esprit ouvert aux autres minorités politiques maximalistes expliquent sa longévité. Par contre, comme sa propre présentation le dit en italien sur wikipédia, Battaglia a raison de souligner que, chez le PCint-Programma, les questions restées sous-jacentes ont fait que celui-ci a « été rattrapé par l’histoire ». Malgré une longue phase de croissance numérique et internationale, l’invariant PCint-programma s’effondre en 1982.

La fondation du BIPR :

En 1983-1984, Battaglia crée en compagnie de la CWO (fondé lui en 1975), le BIPR – Bureau international pour le parti). Cette constitution est considérée par le CCI comme une opération de concurrence déloyale pour le regroupement international des vrais révolutionnaires maximalistes. Jusque là, excepté le PCint-programma et le CCI, il n’existait pas d’autres groupes avec des ramifications dans plusieurs pays. Battaglia demeurait un groupe en Italie. Les conférences internationales de la fin des années 1970 n’avaient pas abouti au regroupement général souhaité sous la houlette du seul CCI. Battaglia fût accusé d’avoir voulu faire cavalier seul mais pouvait répondre que ces conférences lui avait permis d’aller plus loin avec la CWO d’Angleterre – revue Revolutionary Perspectives -, pourtant à l’origine groupe aux conceptions conseillistes (comme ses petits frères initiaux World Revolution et Workers’voice, mais après tout aussi comme RI de 1968 à 1972) ; la CWO considérait le CCI au début comme contre-révolutionnaire parce qu’il n’estime pas que la contre-révolution russe a commencé avec Kronstadt, et justifiait son existence séparée du fait de son analyse de la baisse tendancielle du taux de profit comme une « position politique » ; aussi nulle en histoire que les jeunes militants du CCI, la CWO originelle qualifiait l’Opposition de gauche trotskyste comme un « gang du capitalisme d’Etat » ; en outre la CWO n’était pas plus immature que le CCI en 1981 en proclamant face à la grève polonaise « la révolution tout de suite » ; le CCI faisait montre du même maximalisme juvénile en croyant voir venir l’insurrection tous les deux ans dans les années 1970…
Les relations se sont tendues de plus en plus par la suite entre Battaglia et CCI. Le CCI a estimé que le regroupement Battaglia-CWO manifestait la fin de la « dynamique de regroupement des révolutionnaires après le surgissement historique du prolétariat mondial en 1968 », et même que la formation du BIPR « a été un sabotage des conférences internationales » - 4 conférence au total - car « le fleurissement de groupes n’exprime pas autre chose que le malaise et la révolte de la petite bourgeoisie ». Puis le CCI a oscillé dans des caractérisations excluantes du nouveau BIPR de Battaglia le qualifiant d’opportuniste, de « centriste » (cf. PC d’Iran et Komala) d’un penchant à concilier avec le conseillisme ou dernièrement à n’être plus qu’un groupe « parasite ». Pourtant les polémiques entre CCI et BIPR ont été nombreuses et souvent fraternelles, quoique chacun n’ait jamais cessé dans la compétition pour s’implanter dans les pays de se livrer au « bourgeonnement d’une organisation préexistante ».
Bien qu’ils soient d’accord sur les grandes questions, une des principales divergences entre CCI et Battaglia avait porté sur l’analyse du rôle des organismes politiques et de l’Etat dans la période de transition du capitalisme au communisme. Le CCI, après Bilan et la GCF a rejeté la notion d’ « Etat prolétarien », ce qui n’est pas le cas pour Battaglia. Battaglia n’envisagerait qu’une gestion ouvrière de l’Etat transitoire alors que le CCI estime le problème plus complexe avec le rôle des autres couches non exploiteuses composant la société.
Dans leur union « fédéraliste » comme le dit souvent le CCI, Battaglia et la CWO ne seraient toujours pas très clairs sur le rôle et la fonction des syndicats.
La CWO portera souvent pas contre des attaques basées sur les habituels ragots bordiguistes contre les « confusions et prévarications de Bilan » , contre le « luxemburgiste Marco » ; la Fraction de la GCF aurait été exclue parce qu’elle aurait rédigé un tract avec deux groupes trotskystes… avec finalement un esprit de clocher « italien » en couvrant toujours comme leurs ex-partenaires du PCint hâtivement refondé la « trahison » du bras droit de Bordiga, Vercesi-Perrone.

D’une manière générale, au bout de sa longue histoire, s’il n’a jamais fourni d’analyses originales qui auraient pu lui conférer une certaine notoriété – sa seule invention fût la « social-démocratisation des PC » au moment de l’eurocommunisme - Battaglia reste ambigu sur de nombreuses questions : le parti reste sensé organiser la révolution du prolétariat comme un état-major, le parlementarisme révolutionnaire n’est plus possible mais le parti ne peut exclure de l’utiliser comme tribune tactique, les syndicats ne sont pas récupérables mais on peut travailler dedans selon les circonstances, il suffit parfois de changer les termes en gardant les mêmes fonctions ; ainsi leur théorisation des groupes de lutte immédiate s’appelait naguère « groupes syndicaux internationalistes », puis après 1968 « groupes d’usine internationalistes ». Si Battaglia accuse le CCI d’éclectisme avec sa prétendue synthèse des gauche allemande et italienne, son éclectisme tactique n’est pas moindre. Qualifié de « bluff opportuniste » de regroupement concurrent du BIPR, comme le lui a reproché le CCI, dont le « bureau » - n’est pas un simple comité de liaison mais l’instrument d’une organisation avec des statuts - reste très fédéraliste. Les organisations adhérentes au BIPR (peu… la CWO et quelques éléments en France et au Canada) gardent leur identité distincte ; un des statuts du BIPR indique : « le Bureau entretiendra des rapports seulement avec les comités dirigeants de celle-ci ». Assez… bureaucrate, et raison pour laquelle Goupil (André Claisse) en était parti. Le BIPR a aussi plusieurs plateformes pour chaque groupe, celle de la CWO et du tout venant : « le Bureau n’est pas le parti, il est pour le parti ». Toutes les partis du BIPR sont-elles d’accord quand la CWO affirme à plusieurs reprises que : « C’est le parti communiste, avant-garde de la classe, qui organise et dirige le soulèvement révolutionnaire » ?
Contre les « idéalistes » du CCI, le BIPR est toujours marqué par des oscillations rémanentes par rapport à la tactique à adopter dans les luttes immédiates, et finissent toujours par foncer dans un syndicalisme de base radical. Le CCI persiste à dénoncer une politique de regroupement sans boussole quand la CWO s’allie avec le CBG (communist bulletin group) et discute avec la FECCI (fraction externe) taxés de « groupes parasites » ; car « le parasitisme ramollit la colonne vertébrale des organisations existantes ». Le CCI, même avec ses exagérations, a pourtant raison sur ce point. Le BIPR est entrainé par la CWO à croire, à la suite de l’effondrement du bloc de l’Est, à la nécessité de « nouvelles tâches théoriques », démarche typique de ce milieu d’intellectuels interlopes qui veulent se faire un nom sur le dos du prolétariat. L’impuissance de volonté militante et d’engagement politique dans la lutte de classes se traduit par une prétention à se plonger dans « les nouvelles questions théoriques » avec tout le bla-bla repiqué chez les modernistes et communisateurs sur la « reconstitution du prolétariat » ou sa disparition présumée comme force révolutionnaire (ce qui explique l’abandon de son journal par la CWO – la tâche de dénonciation étant considérée désormais comme simpliste et inutile – pour se restreindre à sa revue théorique. Les membres du BIPR participent de plus en plus en effet à des séminaires ou conclaves d’intellectuels sectaires « où la discussion est alimentée plus par les besoins de la diplomatie que par des principes clairs » et le milieu élitaire de la marxologie (les amis de Janover).

Un exemple de bourde historique de Battaglia Comunista, mais qui restait son socle d’analyse en arrière-fond jusqu'à sa transformation en Tendance Communiste Internationaliste :

« En 1976, nous avions formulé tris hypothèse possibles :
1)      que le capitalisme dépasserait temporairement sa crise économique,
2)      que l’ultérieure aggravation de la crise créerait une situation subjective de peur généralisée telle qu’elle conduirait à une solution de force et à la troisième guerre  mondiale ;
3)      l’anneau le plus faible de la chaîne se briserait, d’où la réouverture de la phase révolutionnaire du prolétariat, continuité historique de l’Octobre bolchévik (…) Deux ans après, nous pouvons affirmer que la situation actuelle a pris les contours et les lignes de notre deuxième hypothèse ».

En espérant que ce petit historique vous aidera à comprendre un peu mieux la trajectoire, certes honorable du point de vue maximaliste communiste, du Bureau International Pour le Parti. Il a abandonné le déplorable qualificatif "bureau" pour le parti, qui faisait tout de même bureaucrate ringard alors que même les termes "comité central" ne sont plus usités par les partis gauchistes. Nouveau sigle TCI, Tendance Communiste Internationaliste, n'est pas plus heureux, mais au moins montre qu'il ne se prenne pas pour le parti mondial, croyance réservée à quelques fous mystiques hyper individualistes! Le groupe a de beaux restes, maintient les « positions de classe » mais ni sa structure fédéraliste, ni une curieuse absence de scissions connues – une scission n’est pas en soi négative mais témoigne de la vie politique réelle d’un groupe – ne militent en faveur de lui faire confiance. Pas envie d’y adhérer. L'ex-Battaglia végète dans une impotence théorique, un activisme de rue étriqué et dans l'anonymat militant. On a beau dire traditionnellement que l'individu est secondaire dans l'histoire, la mort suite à un cancer du dynamique, courageux, charismatique et aux qualités d'ouverture d'esprit rare en milieu militant, Mauro Stefanini Jr (1948-2005) - que je suis heureux d'avoir connu - reste une perte considérable pour le groupe qui n'a plus apparemment de personnalité aussi chaleureuse et brillante en figure de proue. Mauro correspondait certes à une période faste du regroupement des révolutionnaires internationalistes. L'époque a les individus qu'elle mérite...

P.H.

Profession de foi et liens:

"Le Parti communiste internationaliste (Battaglia Comunista) fut fondé autour de ces objectifs lors de la Seconde Guerre mondiale (en 1943) et condamna alors les deux camps comme étant impérialistes. Il prenait ses origines dans la Gauche communiste italienne qui à partir de 1920, condamna la dégénérescence de l’Internationale communiste et la stalinisation imposée sur les partis qui y adhéraient. Durant les années 70 et 80, il organisa une série de conférences qui menèrent à la création du Bureau international pour le parti révolutionnaire et finalement, à la Tendance communiste internationaliste en 2009. Nous sommes pour le parti, mais nous ne sommes pas le parti, ou même son seul embryon. Notre tâche est de participer à sa construction en intervenant dans toutes les luttes de la classe, en nous efforçant de lier ses revendications immédiates à son programme historique; le communisme".
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