PAGES PROLETARIENNES

samedi 11 décembre 2010

BILAN CRITIQUE DU SOUTIEN PERVERS DE LA CGT AU GOUVERNEMENT (suite 2)


COMMENT LES TROUPES SYNDICALES SE SONT DONNEES BONNE CONSCIENCE ?
Voici un texte élaboré à partir de la synthèse des confrontations – je dis bien confrontations car on ne peut pas vraiment discuter sur les forums aveugles d’internet – entre des adversaires masqués des régiments de syndicalistes et gauchistes de clavier, et l’analyse que je continue à élaborer, grâce justement à ces critiques, parfois lourdingues et sans aucun sens critique, mais qui m’intéressent. J’ai gardé les tonalités plus directes et plus personnalisées, comme si je m’adressais à une assemblée sans craindre sifflets et déterminé à démontrer l’hypocrisie des groupes de manifestants. Flatter une assemblée est le meilleur moyen d’encourager l’opportunisme, le suivisme et la lâcheté. Il est surtout très imbécile de passer son temps à la dénonciation des seuls chefs, surtout quand ceux-ci expriment tout de même le niveau de conscience ras des pâquerettes des ouailles syndiquées ou non. J’ai conscience d’être hérétique et d’innover dans le mouvement ouvrier en me refusant à flatter « les masses », quoiqu’il me revienne que notre regrettée Rosa Luxemburg avait dû se résoudre à constater quel degré de lâcheté sont capables les masses… en 1914 par exemple ! A noter que notre vieil ami Henri Simon a produit dans sa feuille de chou « un monde en luttes » une intéressante analyse sur comment on fabrique une manifestation avec un usine de 1000 personnes avec 40 permanents syndicaux (nuance qui a échappé au CCI dégénéré comme on le verra).

UNE CONSCIENCE SYNDICALE AU RAS DU TROTTOIR

La "conscience syndicale" est la conscience zéro de chacun dans sa petite corpo, derrière son petit leader syndical (qui tonitrue sur la camionnette des conneries de cour d'école). Vous marchiez bien contents d'être dispersés en fin d'après-midi et d'attendre le soir à la télé la date de la prochaine manif... parce que vous n'alliez pas verser votre sang pour tous ceux qui attendront deux ans de plus ni ne bénéficient des « régimes spéciaux » (une cinquantaine).
Les milliers qui défilaient en majorité ne pensaient qu'à leur gueule, se déculpabilisaient à bon compte de suivre leurs bonzes, quitte à leur faire porter le chapeau de la clownerie du blocage des raffineries. Ils se dédouanaient ainsi de toute réelle solidarité ouvrière. Donc les vrais traîtres c'était vous les manifestants privilégiés! Ce n'est même pas du machiavélisme mais de la perversion. Tout ceci étant relatif parce qu'on n’a pas assez bouffé de vache enragée pour mener à bien une révolution. Résultat quand même, chute de 4 points de tous les syndicats aux élections professionnelles. ET puis il y a et il y aura les petits arrangements sous la table, déjà planifiés dès 2009 entre partenaires sociaux, pour certains secteurs tenus au calme ; c’est sans heurt qu’est annoncée en novembre la mise à la retraite de 3000 salariés de Renault à 58 ans (et non à 62) en raison de la pénibilité de leur travail… message subliminal qui n’échappe pas à l’oreille attentive de « l’opinion publique » surtout celle qui vote, et qui ne s’en laisse pas compter sur les faux intérêts communs de tous les salariés…

LES RETRAITéS DES REVOLUTIONNAIRES ?

Ce faux mouvement de protestation « d’ensemble », ce mouvement sans nom de promeneurs philanthropes, apporte au moins une réponse à ce que sont devenus les « jeunes retraités » gauchistes et syndicalistes. D’abord ils sont nombreux et en bonne santé, mais tout aussi suivistes et réactionnaires que leurs homologues sur chaises roulantes des maisons gériatriques où on place leur main qui secoue les fraises au-dessus de l’urne avec un bulletin droite caviar. Au timing électoral aliéné, la droite bourgeoise peut compter sur les retraités gagas, quand la gauche bourgeoise peut compter combler les trous derrière les banderoles syndicales dans la rue sur ses jeunes retraités des régimes spéciaux. Je n'ai jamais vu dans l'histoire des retraités se muer en révolutionnaires impavides! Braves retraités militants de cette bonne conscience, celle du type friqué qui donne un peu de sa monnaie à l’église ou achète un CD pour les restos du coeur.
Un blogueur ami, Novos soulignant que je négligeais un tantinet le niveau faible actuellement de la conscience de classe, je le saluai puis fit le commentaire suivant. Dans ce pauvre forum on n'assiste généralement qu'à de pauvres confrontations entre dits "umpistes" (des fois artisans neuneus ou flics envoyés spéciaux) et dits "gôche caviar"(nombre de braves syndicalistes de bases et autres déclassés en cours de rattrapage pour monter un peu dans cette société...). Tu n'as pas tout à fait raison de souligner le faible niveau de conscience de notre classe. Je pousse le bouchon plus loin en affirmant qu'elle ne s'est pas laissé entraîner dans ces défilés - pas moutonniers (ceux qui ont défilé n'étaient pas trahi contrairement à ce que disent certains gauchistes) mais en phase avec la bonne conscience affichée des bonzes syndicaux. Résumé: on manifeste pour tous, « tous ensemble » comme à la messe ‘dieu pour tous » (c'est à dire pour le maintien des inégalités existantes entre les "régimes spéciaux" et le reste des niqués par Sarko & co).
La majorité des centaines de milliers de manifestants étaient déjà des retraités + les habituels employés des cartels syndicaux et des municipalités gauche dépitée. Ceux qui défilaient, et j'y ai été voir, n'avaient donc pas envie de prendre le moindre risque ni de contester des chefs syndicaux qui représentaient EFFECTIVEMENT leurs intérêts corporatistes! Depuis janvier les dés étaient pipés. Manifester pour la retraite en général c'est comme pisser dans la mer. Les 5 manifs contre les ordonnances de la sécu en 68 étaient du même genre. Puis paf, sans lien avec ces défilés pépères, surgit un beau mois de mai! Je n'attends pas un nouveau mois magique, mais je dis que le fait que l'immense masse des prolétaires n'ait pas cru un instant à une "victoire" derrière les syndicats, mais ait fait savoir - via d'une certaine façon cette pute d'opinion publique - que cette attaque de l'Etat était dégoûtante, ne signifie pas résignation mais report de la confrontation. Enfin je n'ai pas bien compris la fin de ton argumentation sur les financements obscurs. En tant que parti électoraliste ayant fait leurs preuves depuis quelques années, LO et le NPA reçoivent des prébendes de l'Etat (cela peut suffire à les décrédibiliser comme prétendus organismes révolutionnaires) mais il n'y a pas besoin de payer les milliers de naïfs qui suivent ces micro-partis ou les manifestants en général, ceux-ci sont sous la coupe de la domination idéologique du "camp des salariés de la gauche", tous les termes de cette trilogie sont typiquement bourgeois et anti-marxiste: "camp" on est pas une armée, "salariés" et les chômeurs ils sont quoi?, "gauche" une corporation de l'élite bourgeoise au pouvoir au parlement et dans les municipalités. Cela fait beaucoup pour maintenir les masses sous la domination terroriste, mais nous devons parler et pousser aux discussions sur le "terrain de classe" afin que l'explosion ne parte pas dans tous les sens avec une violence débridée mais compréhensible. Fraternellement.

RAISONNEMENT DE BOEUF DE BASE

Ce qui est formidable avec les contradicteurs syndicaux qui défendent le foutage de gueule généralisée du syndicalisme dominant est qu’ils donnent immédiatement tous les arguments pour se faire fouetter. Vous avez tellement trahi les objectifs du prolétariat que vous, les divers militants syndicaux, êtes devenus des professionnels de la trahison, c'est à dire des traîtres professionnels. La première caractéristique d'un traître stalinien tu en es la parfaite illustration: le dénigrement systématique de ceux qui ne sont pas d'accord avec toi, l'attaque ad hominem. Aucune analyse objective, le but recherché du petit flic syndical de base est de faire taire le contradicteur, de le ridiculiser pour qu'il comprenne enfin que son chef de rayon syndical, et au-delà, détient la science. Un bon flic de base syndical fait régner la terreur subtile du pervers narcissique en faisant taire toute objection: lui prend des risques à parler au patron, lui sait argumenter en public, lui peut décider pour les autres, etc. Dès l'école règne la fabrique du petit caïd: en classe si vous participez trop au lycée, un clan ou une bande vous cible comme "collabo" des profs ou lèche-cul quand ce n'est pas la "grève de la parole" qui fait loi sous le meneur ou la meneuse de la classe. Jadis les curés formez les flics, aujourd'hui les profs forment les syndicalistes de base.
Depuis les bandes de la cour de l'école on nous apprend que les organisations pré-existantes on doit s'agenouiller devant, qu'elles sont indispensables: toutes les organisations de l'Etat. Sinon stigmatisation de l'individu ou destruction complète si possible de son « individualisme » indécrottablement collabo ou bourgeois. Aux défenseurs acharnés du syndicalisme qui m’accusaient d’insulter, je répondis brièvement. Le syndicalisme est mort depuis belle lurette et n'est plus créé par la classe ouvrière. Mes contradicteurs syndicalisés ne connaissent rien à l'histoire du mouvement ouvrier (Rosa, Pannekoek, Bordiga, Korsch, etc.), confondent trotskiens et maoïstes. Je sais que je dérange les fanatiques et les sergents recruteurs des syndicats, mais ce n'est pas par plaisir. Vieux bonimenteurs vous esquivez la seule remarque intéressante de Canto "les manifs qui ont servi à rien" - et sa proposition farfelue j'ai été le premier à m'en moquer sur Le Post - et surtout vos chefs jumeaux Chérèque-Thibault ont mené les troupes minoritaires (retraités des syndicats + affidés des municipalités, + quelques naïfs) dans le mur, en chantant que la lutte allait se diversifier... dans le ridicule des piques-niques et autres sornettes de baroud pour les pauvres types sans mémoire. Le petit intermède "cantonien" n'a pas fait oublier au prolétariat que vous vous êtes foutu de sa gueule, sans vous Sarko était KO en deux jours, mais sur la base d'une vraie paralysie générale (j'ai dix citations de vos chefs qui affirmèrent n'avoir jamais voulu entraver la réforme... pour le bien du pays...). Ne faites pas les innocents, la vraie lutte ce n'est pas obéir à une obscure intersyndicale auto-proclamée, des AG sabotées, des manifs sans but... Rira bien qui rira le dernier. Vous ne vous foutrez pas longtemps du prolétariat sans que cela ne vous retombe sur le nez... avec le krach qui s'annonce, et on vous dépouillera de vos "livrées" et "haillons syndicaux" de gauche caviar et de recruteurs serviles. A l’époque féodale, les soldats portent la livrée uniforme de leur régiment. La livrée consiste au minimum en des bandes d'étoffes de couleurs placées sur le pourtour des pièces du costume, des poches ou des boutonnières. Les couleurs des livrées sont celles du blason de la famille, du clan, de la mafia ou de l’entreprise. Il était interdit de prendre une combinaison de couleur syndicale déjà utilisée: les livrées faisaient l'objet de la même protection comme propriété que les badges, les insignes ou les marques. Le terme livrée ne s'utilise plus que pour les sociétés syndicales d'Ancien Régime. Voilà pourquoi mon prochain livre se nomme « L’aristocratie syndicale » (ed du pavé) où je sépare le bon grand de l'ivraie. Dors bien petit soldat du corporatisme étroit. La perversion des masses (relatives) des petits syndicalistes de base (venus des diplômés faillis des couches petites bourgeoises) est telle qu’elles se retournent en général contre « les chefs » pour faire oublier leur participation et complicité tout le long de la mascarade. Même si la prochaine fois « ils » repartent avec les mêmes chefs (travail de Sisyphe crétin, dixit Rosa et mon book).

LE NPA A ETE AU COEUR DU COLLABORATIONNISME POLITIQUE ET SYNDICAL

Le NPA comme tous les petits partis gauchistes est une école de la trahison professionnels pour petits bourgeois déclassés. Dans la mise en pratique, sur le terrain, à chaque cortège le petit Besancenot et ses potes se dévoilèrent comme d'ardents soutiens des promeneurs syndicaux, avec leurs mégaphones "tonitruands" et les SUD qui hurlaient à la "grèèève générâââle reconductible", cette truie anarchiste dégonflée, cette vacuité apolitique. C'est la même tactique de "soutien critique" du trotskysme hérité de la LCR qui permet de conduire à chaque fois à l'abatoir les prolétaires qui acceptent de suivre les "traîtres syndicaux" qui, à force de trahir, sont devenus des traîtres professionnels dont les militants NPA veulent simplement prendre la place.
Aucun bilan n'a pu être tiré par les grands barnums syndicaux, les deux frères jumeaux du mystère Titi et Chéri (en photo sur ce blog, laquelle tendre image n'est que la sublimation des premières accordailles CFDT-CGT en 1966 qui émeut encore tant les plus vieux retraités syndiqués car elle évoque le grand boire syndical) qui se sont éclipsés sans bruit (pas de bilan ! Bilan qui est-ce ?); on avait pu lire pourtant ce curieux éditorial d'un journal national: "l'opinion publique était interloquée de voir les syndicats renoncer à pousser leur avantage" (extrait du Prolétaire n°497). De toute façon c'était parti sur de mauvais rails depuis janvier. Un seul a dit la vérité vers la fin, l'aristo chef le plus proche du gouvernement (Chérèque chez Ruquier, mon article le plus lu pendant deux mois et sur Le Post): "Vous savez il y a une cinquantaine de régimes de retraite en France, alors..." . C'est pourquoi ni le privé ni les chômeurs dans leur immense majorité n'ont suivi les menteurs syndicaux et leurs amis du NPA. Le jeu était faussé d'avance, et les moins de deux millions de manifestants étaient peuplé surtout de retraités et d'employés des syndicats qui voulaient se donner bonne conscience et surtout pas "aller au casse-pipe"!
Le NPA soutient tout ce qui bouge comme son ancêtre tiersmondiste (la LCR), et soutient tout défilé syndical... parce que vous êtes un réceptacle à ratés sociaux et déclassés de cette petite bourgeoisie qui "tombe dans le prolétariat"... pour tenter d'en prendre la tête! Le mouvement fabriqué dès janvier par l'intersyndicale obscure et autoproclamée des aristos syndicaux a été sévèrement encadré et délimité dans chaque corporatisme, et les défileurs (tranquilles retraités ou membres des mafias syndicales) n'ont pas fait un gros sacrifice ; ils se sont promenés sans prendre de risque en attendant le soir à la télé l'annonce de la prochaine promenade, et à la fin plus ridicule et symbolique de ce suivisme d'une petite partie des « salariés » (on est 28 millions sans compter les chômeurs) le lamentable tourisme syndical inoffensif: pique - nique (syndical) (à quand le "camping syndical"), et la danse du ventre d'une poignée de retraités CGT devant le Fouquet's. Ah vous vous êtes bien foutus de la gueule des prolétaires, syndicalistes de mes couilles, rira bien qui rira le dernier. Une bonne nouvelle, TOUS les syndicats ont perdu au moins 4 points aux récentes élections corporatives!

UN TYPE TENTAIT DE NOUS FAIRE GOBER L’ IMPUISSANCE DU SYNDICALISME

Bien au contraire, c’est de puissance de feu qu’il faut parler, pour saboter en grand. Le résultat est là, tout est parti en quenouille sans que personne ne conclue alors que les journalistes avaient joué les angoissés du genre: qui va gagner? La défaite ne sera-t-elle pas trop humiliante pour les syndicats? La presse bourgeoise a eu pour consigne d'écraser sur le sujet: imaginez le Figaro bête il y a quelques années, leur titre aurait été: "les syndicats ont mordu la poussière"... non tout doux, surtout taisez-vous leur a dit N.S. Quelle réussite du parti syndical au service de la paix sociale retrouvée en attendant le père Noël, entraîner des milliers de retraités des syndicats et des milliers de leurs employés de la fonction publique complice de ces manifs "bonne conscience" (d'où le privé et les chômeurs étaient absents) pour aller dans le mur, ce n'est pas maladresse mais sabotage de toute lutte sérieuse qui eût exigé, en effet, de prendre d'autres risques... par exemple aller à la confrontation face à l'Etat bourgeois avec un programme alternatif. Mais c'était rigoureusement impossible puisque l'Etat était parmi nous, et conduisait les défilés avec ses missi dominici syndicaux (tous ces petits bourgeois tombés dans le prolétariat pour faire carrière dans le syndicalisme "meneur d'hommes pour suppléer à l'inanité de leurs diplômes. Le NPA est truffé de déclassés de ce genre, comme tous les particules gauchistes.

...ET UN AUTRE LA MARTYROLOGIE DE LA CGT…

Tu me fais penser à Marchais qui invoquait son passé de prolétaire (collabo) pour justifier de son statut de menteur en chef. La CGT poursuivie par le gouvernement, tu fais rire tout le forum avec cette insulte à la vérité. Explique nous pourquoi (je te l'ai posée dix fois la question et tu as été incapable de répondre) ton chef Thibault a été félicité deux fois: en décembre 2009 et en octobre 2010 par son maître N.S.? Pour qu'on pense que Sarko se foutait de la CGT? Gros naze la CGT reste le principal allié du gouvernement, et principalement financée de façon occulte. Et non seulement je suis historien mais je suis un chercheur attentif à tout ce qui se publie: par exemple les licenciements en or des divers délégués d'ailleurs (pas que CGT) on aimerait bien que tu nous touches un mot là-dessus... La victimologie syndicale c'est pour les cons. Va donc faire un tour sur les sites des "radicaux" de la CGT: Jean emarre, Roger Sylvain de la CGT Renault, celui des Conti, et tu verras ce qu'ils disent de "l'appareil" CGT, même s'ils se font des illusions sur un possible redressement, ils portent des critiques plus dures que moi. Bonne lecture et ouvre les yeux.

UN AUTRE ME REPROCHAIT DE SALUER LES ETUDIANTS ANGLAIS

La classe ouvrière c'est la classe ouvrière. Les étudiants c'est les étudiants. Mais on ne peut en rester à ce simple constat. Je suis OK avec plusieurs participants de ce forum que les couches moyennes sont écrasées de plus en plus par la crise, et en particulier cette partie supérieure des enfants de la petite bourgeoisie qui voient leurs diplômes dévalorisés (que je ne plains pas). La petite bourgeoisie ne consent jamais à "tomber dans le prolétariat" sans tenter de conserver sa place privilégiée, et a ainsi d'abord recours aux cris d'orfraie et à la violence. Ceci dit faut pas qu'ils rêvent la crise systémique ne leur fera pas de cadeau. L'heure n'est plus au "refuge" dans le fascisme aussi ils n'ont qu'un choix: rejoindre la lutte du prolétariat, le suivre dans ses objectifs politiques et ne pas chercher à en prendre la tête (mais je suis sans doute utopiste là-dessus, la petite bourgeoisie a toujours été à la tête de toutes les révolutions). Cela suppose de s'intégrer dans de vraies grèves hors du sabotage syndical permanent... La « victoire » concernant le CPE n’a pas été une victoire mais une concession à la petite bourgeoisie estudiantine qui s’est traduit par rien pour les fils d’ouvriers au chômage ! Cela dit je pense que les prolétaires anglais ont vu avec plaisir un pot de peinture atterrir sur la rolls du symbole "royal" de leur oppression. Un intermède comique, pas plus.

LE SYNDICALISME POUPEE GIGOGNE

La classe ouvrière ne produit plus les syndicats puisqu'ils sont d'abord inféodés à l'Etat bourgeois, rémunérés par celui-ci et qu'ils le sont pour leur fonction de l'organisation des défaites systématiques des "conflits naturels du travail". La reproduction des appareils provient des rangs de la petite bourgeoisie en chute libre avce la crise, dont les enfants (étudiants ou immigrés arrivistes) ne se résolvent pas à ce qu'ils considèrent comme une "chute dans le prolétariat", c'est pourquoi ils se précipitent pour occuper la place de "directeurs de conscience" des ouvriers et des employés; il y a foule au portillon des nouvelles poupées russes, j'allais dire trotskistes! Pourtant la structure des appareils syndicats est extrêmement hiérarchisée comme leur modèle l'Etat bourgeois. Ironie de leur compromission historique, ces appareils fonctionnent avec des "patrons" et des "directeurs" persécuteurs comme leurs homologues de n'importe quelle entreprise dite libérale concurrentielle. A la suite de la nouvelle des salariés maltraités par leur employeur le syndicat CGT, éclatements de rire sur le forum et tirs de barrage. Je me fais plein d’amis. OK, dis-je à celui-là, « Sud » une fois dans la place fait le même boulot pourri, et la CNT ne vaut pas mieux, c'est un cloaque de magouilleurs. Je suis OK qu'il faut une organisation pour les prolétaires (dans un syndicat de gouvernement comme dans n'importe quelle boite de taille qui le permet) mais pas besoin d'un syndicat permanent. Ceux du centre de Montreuil pouvaient très bien constituer un organisme de défense face à leurs oppresseurs, pas besoin d'autres complices de... la direction CGT. Pour nous les maximalistes marxistes, à la suite de Rosa et Pannekoek nous continuons à affirmer: L'ORGANISATION EST LE PRODUIT DE LA LUTTE, L'INVERSE N'EST PAS POSSIBLE. Le syndicalisme c'est comme les poupées russes, pardon staliniennes, il tend à s'autoreproduire: pousse-toi de là que je m'y mette. Tous les ratés et fainéants des grands services publics espèrent y faire carrière, mais les temps sont durs même dans la niche des principaux syndicats gouvernementaux: y a toujours un chefaillon au-dessus comme dans la boite capitaliste. La mère CGT gigogne est entourée en permanence de plein de petits marmots gauchistes et anarchistes qui veulent bien téter le sein mais pour monter sur les épaules de la matrone.

NUL DEBAT DE FOND DE SOCIETE

Le plus consternant des dix mois de « bonne conscience syndicale » où finalement des millions de prolétaires ont été mis en danger, est surtout l’absence de tout débat face à la crise systémique. Rien de rien. Aucun projet d’avenir. Aucune tentative pour poser les problèmes politiques généraux, tout est resté ficelé entre les dénigrements pathologiques concernant la personnalité du président de la république et dans l’attente du chiffre réel ou faussé des manifestants. Lamentable. Mais parce que dans le fond toutes les fractions politiques et syndicales restaient accrochées aux promesses de réformes « nationale ». A chaque fois que j’ai posé la question d’une lutte internationale des prolétaires on s’est moqué de moi ou j’ai été qualifié d’utopiste. Je suis le seul à avoir déploré sur ce blog que, indépendamment de la bonne conscience syndicale français – au fond aucun de nos gentils manifestants ne s’estime « défait » comme m’en ont témoigné tous mes contradicteurs non simplement embrigadés, mais ils se fichent et ne se rendent pas compte de la résonance internationale déprimante que cet échec représente pour les prolétariats des autres pays ! L'idéologie que vous allez nous refourguer vous Libération et les ânes de la gauche caviar, les Montebourg, Mélenchon, Arthaud, et les lèche-bottes trotskiens à la Besancenot, est de faire croire à des "solutions nationales" à la crise mondiale, en sus avec l'effondrement de l'euro... L'Europe n'aura été qu'une baudruche pour détourner le prolétariat le plus ancien du projet international de mise à bas des frontières. La focalisation sur les banques permet à M.Sarkozy et à ses amis francs-macs des syndicats et de la police de respirer, on éloigne le bon prolétariat de la stigmatisation des donneurs d'ordre politique. C'est la présidence de la république, gouffre financier de l'Etat, qui est à dissoudre en premier lieu comme le quémande ma pétition sur Le Post. Les banques elles tomberont toutes seules. Et leurs employés pourront se recycler dans l'élevage des chèvres ce qui est bien plus utile à l'humanité.

DES REVOLUTIONNAURES EN RETRAITE POLITIQUE : LA NOYADE POLITIQUE DU CCI

On peut désirer discuter, répondre amplement, sereinement sur comment lutter, comment s’organiser, etc. Le problème est que toute cette mascarade syndicale s’est déroulée sous le mutisme le plus complet, couverte par les cris idiots des mégaphones et les appels anarcho-réformistes à l’invisible et impossible grève générale. Avatar secondaire de la mascarade, le délitement politique d’une petite organisation maximaliste à vocation mondiale, le CCI qui publie Révolution Internationale (RI), est une nuisance supplémentaire très regrettable pour la vocation du prolétariat à faire ressurgir un parti politique pour l’insurrection. Ce mot même a toujours fait peur aux petits bourgeois conseillistes du CCI. RI se fend donc d’un supplément en date du 22 octobre, alors que tout observateur pouvait déjà conclure que les carottes étaient cuites, intitulé : « Comment lutter ». Vous imaginez ce qu’en avait à foutre des « leçons » du club CCI les défilants syndicaux et retraités spéciaux, persuadés de « lutter à leur niveau » en phase avec leurs « dirigeants » applaudis tout le long des parcours (une régression par rapport à 2003 et 2007) où ils avaient dû s’enfuir en courant ; mais les affidés syndicaux ont la mémoire courte ou plutôt sélective !Ce que ne dit pas le supplément est encore plus consternant, le CCI s'est aligné sur le contenu des tracts du groupe anarcho-syndicaliste le plus fumiste, la CNT (au nom du tournant démocratique vers les "anarchistes vierges"); formellement on s'en fout; politiquement c'est néant.
Le supplément accessible sur le web commence par cirer les pompes du « mouvement » syndical et nous raconte que toutes les catégories ouvrières sont en train de rejoindre « progressivement » le « mouvement » ! Lequel devient « nous », merveilleuse façon de se mettre à la tête des défilés par quatre révolutionnaires marginaux professionnels : « Nous sommes aujourd’hui plus de trois millions à descendre régulièrement dans la rue ». Faut le lire pour le rire. Suit un bla-bla radoteur sur les attaques en général du gouvernement et cet incroyable salut à la retraite « qui permet de tenir » ! Dans cette vision typiquement syndicaliste régressive, le CCI (porteur du projet d’émancipation de l’humanité enfin communiste) – dépêchez-vous dans mille ans la température sera à 300 degrés sur terre et espérons que les derniers humains auront déménagé sans le capitalisme sur mars et Saturne – imagine que les prolétaires tiennent 30, 40, 50 ans au turbin dans l’espoir de cet « eldorado » !
Même Bernstein ne se serait jamais permis de dire une insanité pareille ! La vérité est que les trois quart de nos 4 révolutionnaires professionnels y sont déjà dans l’Eldorado des cadres !
Puis suivent une série de constats aussi misérabilistes, généralistes que faux : « Les pensions sont devenues misérables depuis 20 ans ». Puis notre quarteron de bolcheviques de pacotille salue vaillamment cette « colère immense qui touche toute la population ». Seule ombre à cet idyllique tableau de l’hymen de la belle Chérèque et du beau Thibault, il y manque : « la prise en main des luttes par les travailleurs eux-mêmes » ! Sans blague ? Puis le quarteron du CCI bouscule impunément les jeunes mariés et tel le curé qui fait redouter le pire s’il y a infidélité, tonne : « Si nous ne faisons que suivre comme des moutons les consignes de l’intersyndicale, nous allons droit à la défaite ». Les bans sont malmenés paraît-il, dans la salle de danse du fond de la mairie une dizaine d’agités « interprofessionnels » seraient en train de perturber la bienséance du mariage !?
Au lieu d’analyser l’entourloupette depuis janvier, nos quatre larrons du CCI sont montés dans le wagon syndical et ont espéré remonter jusqu’à la locomotive pour virer Jean Gabin de la CGT et Fernandel de la CFDT. Ils se sont fait un film quoi. Comme le « mouvement » ne reposait sur aucune initiative de classe (ni n’était tenu par une grève épine dorsale par exemple) mais était fabriqué entièrement à partir des coulisses du gouvernement avec l’obscure intersyndicale qui ne devait des comptes qu’à Sarkozy ou intermédiaire patenté, il n’y avait RIEN à en tirer ni à en espérer. A l’écoute toute de même des quelques protestations qui s’élevaient contre la mascarade jusque dans les rangs des syndicats et les forums d’internet, au trois quart du truc, les veilleurs de nuit du syndicat et de la police ont bien entendu qu’il fallait donner un os à ronger aux cris des « paralyseurs » et autres « grèvegénéralistes ». Partout n’entendit-on pas clamer : « bon y a qu’à tout bloquer, les camions s’arrêtent de rouler, plus d’essence, etc. ». Les appareils opaques de l’Etat syndicaliste ont donc inventé le blocage des raffineries. Et avec quel culot, après avoir salement brisé la grève des ouvriers de ce secteur en février, la CGT les poussa à aller se sacrifier six mois plus tard, à la fois pour atténuer leur rancœur en leur montrant à nouveau la lune, et pour satisfaire les croyants dans « l’opinion publique » à un « bon blocage ». Le CCI tombe dans le panneau complètement : « …de nombreux travailleurs de tous les horizons ont eu pour réflexe de se rendre sur les lieux de blocage et d’occuper pour exprimer physiquement leur solidarité ». Du pipeau complet. J’ai pu vérifier et recouper des infos grâce à mes correspondants. Ni les manifestants les jours de manifs, ni de « nombreux travailleurs » ne se sont rendus aux piquets des raffineries ni aux carrefours bloqués la nuit avec des tas de pneus qui brûlaient sans personne autour (bravo encore à nos donneurs de leçons écologiques des syndicats), et pas très courageux !Les petits blocages en général, comme je le démontre dans "L'aristocratie..." ont favorisé la théorie du complot organisé par l'avant-garde à la base complémentaire des sommets syndicats rois des comploteurs coupés des masses mais pas de leurs sous-fifres de base anarchistes laissés tranquilles pour s'amuser "à emmerder les patrons des zones industrielles" dans leur petit pré carré local et corporatiste. Idem pour les quêtes lancées par des poignées d’anars excités, j’en ai contré quelques uns sur les forums en dénonçant un rackett syndical (chaque syndicat fait ce qu’il veut du pognon, et se fait de la pub). Plus discret dans les médias, le fait que les gars des raffineries ont ou été intégralement payés ou ont eu des récupérations RTT… Ce "blocage" relatif et limité réduisait un peu plus l'ensemble de sprolétaires au rôle de spectateurs semi-coupables, et la CGT n'eût qu'à siffler la fin de la mascarade en remettant tous "raffineurs" au boulot sans que ceux-ci puissent se retourner contre elle cette fois-ci puisqu'ils avaient été lâché... par l'ensemble des autres "salariés" et laissés à l'isolement et à la répression...
Le plus grave dans la décadence accélérée du CCI est à venir au paragraphe suivant, je rappelle qu’on est fin octobre et que les carottes ont carrément noirci dans la poële : « …de plus en plus de prolétaires (et même de petits commerçants, professions libérales et paysans) qui rejoignent le mouvement ». Si personne n’y avait pensé, et bien le CCI l’a inventé l’interclassisme. Un groupe maximaliste qui a défendu pendant presque un demi-siècle la théorie du prolétariat seule classe révolutionnaire nous balance que cette somme de corporatismes syndicaux brinquebalée de JA en JA aurait représenté « les prolétaires » dans une longue promenade rejointe par les catégories bourgeoises classiques. Vous imaginez vous : avocats, dentistes, pharmaciens et paysans, et commerçants défilant avec les prolétaires ? Moi j’en ai pas vu. A partir d’un tel mouvement « populaire ». Le CCI a succombé au charme vénéneux de l’opinion publique, ravissante pendant ces dix mois il faut le reconnaître. Trop ravissante pour être pure de toute vénalité. C’est à cette belle péripatéticienne qu’il s’adresse pourtant finalement, après un bref bla-bla sur le dépassement de l’économique par le politique, l’engageant à « recherche l’extension de la lutte… notre union massive et notre solidarité ». Avec de tels mamours où « c’est dans la rue qu’on peut se rassembler massivement », cela ressemble malheureusement à ce cauchemar annuel : les défilés du 14 juillet interclassistes ! Ce n’est pas drôle du tout, c’est une hérésie par rapport à la théorie marxiste dont il s’est longtemps prétendu le meilleur représentant, pire c’est une trahison des principes de classe.

vendredi 10 décembre 2010

Bilan critique du soutien pervers de la CGT au gouvernement (suite)


Délaissant le plaisant et superficiel intermède cantonien (ndlr le footballeur Cantona), vous savez combien je suis obstiné à traquer la vérité, alors vous ne vous étonnerez pas que je continue à fouiller partout pour trouver les bilans de chacun de l’échec (enfoui et enfui) de la protestation syndicrate sur les retraites. Après l’étonnant bilan, proche de mes analyses et des conclusions de mon livre, du trotskien historien Robert Paris, voici celles d’un gouillot du Figaro, encore plus intéressantes puisqu’elles prouvent au niveau électoral professionnel que la CGT n’a même pas abusé ses syndiqués…

Pourquoi la CGT recule après les retraites
par Marc Landré (du service économie du Figaro) le 8 décembre 2010
JE VOUS FAIS PARTAGER sur "Les dessous du social" le début de l'analyse sur le recul de la CGT dans les récentes élections professionnelles que j'ai rédigée pour Le Figaro et qui est publiée ce mercredi 8 décembre dans les pages Débats/Opinion du journal.
Même Bernard Thibault n'en disconvient pas. Le recul de la CGT, observé ces trois dernières semaines lors des élections professionnelles qui se sont déroulées dans plusieurs de ses bastions traditionnels, est «incontestable». Bien qu'elle reste en première position dans la plupart des cas, la centrale de Montreuil a partout régressé, passant parfois sous la barre des 50% des voix et perdant la majorité absolue qu'elle détenait historiquement. Elle a ainsi chuté de 4 points à la RATP, de 7 chez GDF Suez, de 5 dans les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), de 4 chez ErDF et GrDF - les réseaux de distribution d'électricité et de gaz en France -, de 2,3 à la Poste...
Le secrétaire général de la CGT - qui a été réélu en décembre 2009 pour un quatrième mandat de trois ans - n'en tire pas pour autant de «tendance générale au plan national», préférant y voir des «différences de mobilisation» ou de «baisse de la participation» lors des scrutins. Il n'observe pas non plus «de poussée des uns par rapport aux autres» et veut prendre le temps d'analyser, secteur par secteur, «les raisons du recul.»
Et pourtant, ces élections intervenues dans la foulée de la fin du mouvement contre les retraites et de la promulgation de la réforme en disent long sur le positionnement de la première confédération syndicale du pays pendant le conflit...

Les commentaires sur ce journal de gouvernement sont en général censurés ou typiques du bourgeois moyen, j’en ai gardé quatre qui m’ont semblé illustrer plus ou moins la confirmation que les syndicats n’ont pas abusé la majorité de la classe avec leurs ridicules promenades et piques-niques :

John W. Dwight-Davis : « La CGT passe sous la barre des 50% des suffrages exprimés... Et quel était le taux de participation? Quel est le taux de syndication? La CGT ne représente pas les travailleurs, mais une clique de fainéants et de privilégiés ayant un pouvoir de nuisance, et determinés à prolonger leur parasitisme sur le dos de la majorité de la population, faite de gens qui eux, travaillent, sont productifs, et soumis a la réalité: c'est à dire la mondialisation et la compétition internationale ».
McTwister : « Parce qu'ils sont des bourgeois comme dans la célèbre chanson de Jacques Brel... « Les bourgeois c'est comme les cochons… plus ça devient vieux, plus ça devient… cons ! »
De Alain Bard, militant de la CGT 04, sur lefigaro.fr : « Je suis d'accord avec vous sur une partie de votre article de ce jour Pourquoi la CGT recule après les retraites, notamment sur le temps passé en réunion au regard du travail de terrain de Sud. Par contre la discrimination à l'encontre des représentants (constat de moins de prise des heures syndicales, évolution du salariat dans ces secteurs ainsi que l'appropriation de la formation professionnelle par des officines patronales sont des éléments qui me semble plus peser sur les résultats que le positionnement de la confédération. Je ne suis pas naïf sur le but poursuivi, mais je ne fais de procès à priori sur l'orientation de votre journal ». (un cégétiste pro-Figaro, pas mal non ?)
De Kabouki, sur lefigaro.fr : « Vlan ! C'est bien fait .......Comme dirait mon petit-fils ».

"NE PAS RENONCER A AGIR"

Le seul bilan officiel de la CGT je l'ai trouvé dans la revue CCAS/infos, dont le président, qui a une tête honnête comme du bon pain, un certain Mickaël Fieschi, nous explique, comme au bon temps des défilés/promenades inoffensives, que, nous pauvres crétins, en avons encore de vagues échos en tête. Je me vois dans l'obligation de lui attribuer la palme d'or de l'année du "sombre demeuré" number one.
L'aristo de la CCAS/EDF nous chante son édito (daté novembre/décembre)à manifester couché avec une doxa toujours aussi stalinienne:
"Le mouvement de contestation qui touche la réforme des retraites résonne encore profondément dans le pays. Même si la plupart des médias accréditent l'idée de la résignation, relayant ainsi la parole du Gouvernement (il y a mis un G majuscule), chacun sait bien sûr que cette réforme ne passe pas! Bien sûr, le mouvement est parti des retraites, mais cette question fait largement écho à toutes les autres préoccupations sociales (menteur! vous avez tout ficelé sur la retraite en général en taisant les avantages de "l'aristocratie ouvrière"): l'emploi des jeunes, des femmes et des seniors, sans parler des salaires, des conditions de travail et de la pénibilité au travail! (pas la sienne derrière son bureau d'aristo du travail!). Oui, cette réforme est injuste et ce n'est pas le ravalement de façade du Gouvernement qui pourra éteindre l'exaspération qu'elle suscite (c'est déjà fait par ton syndicat!); il est légitime de ne pas renoncer et de tout faire pour empêcher l'application de cette loi. 70% des français soutiennent ce mouvement intersyndical (sic), populaire, refusant le passage en force gouvernemental. De fait, les salariés ne s'en laissent pas compter: ils investissent les organisations syndicales par milliers, se réapproprient le syndicalisme comme outil d'efficacité, de rassemblement et d'action. Cette dynamique porte un ensemble d'exigences sociales, articulées autour d'un autre partage des richesses créées. L'attente est donc forte vis à vis des syndicats!". Non on n'en attend plus rien pauvre brêle, et surtout pas de ceux de la corpo ERDF!
ON vous laisse continuer "à agir": piques-niques gogols, danse du ventre devant le Fouquet's, licenciements dorés des aristos isolés, comédie du carnet B en Auvergne... la lutte prendra d'autres formes avait prévenu ton PDG Du Guesclin Thibault! Même pas un grand carnaval des luttes syndicales mais une minable ducasse moins fournie que celle de vos suivistes les trotskiens de LO!

TOUS LES ARISTOS A LA RAMASSE

Va-t-on vers une chute des aristocraties syndicales d’abord, anglaise ensuite ? Un grand salut ici aux étudiants britanniques qui ont fait vaciller la couronne quatre siècles après Thomas Cromwell !
C'est sur Regent Street, au milieu de l'un de ces groupes très agités, que le prince Charles et son épouse Camilla se sont retrouvés coincés à bord de leur limousine royale. Le couple se rendait à une soirée spéciale de gala au théâtre Palladium. Alors que la Rolls Royce du prince était séparée des voitures de police qui l'escortaient, des manifestants ont cassé une des vitres de la voiture, donné des coups de pied, jeté de la peinture et cassé des bouteilles sur la carrosserie. L'héritier de la couronne et la duchesse de Cornouailles n'ont pas été blessés mais ont été clairement choqués par ces violences sans précédent contre des membres de la famille royale.
Pendant tout l'après-midi, plusieurs milliers de jeunes manifestants se sont opposés aux forces de l'ordre, qui les empêchaient de s'approcher du palais de Westminster. C'est là, dans la Chambre des communes, que se déroulait la session parlementaire la plus importante de la législature pour le gouvernement de coalition de David Cameron, qui a condamné des violences «totalement inacceptables». À quelques reprises, la police a utilisé des charges d'officiers à cheval pour contenir des manifestants qui lançaient des projectiles contre les forces antiémeute.
Malgré la réticence et l'abstention de quelques députés libéraux-démocrates que Nick Clegg n'avait pas réussi à convaincre, les voix des élus conservateurs ont été suffisantes pour permettre à David Cameron de remporter le vote, avec une majorité réduite à seulement 21 voix alors qu'elle est habituellement de 83 voix. L'annonce du résultat du scrutin, vers 18 h 30, a provoqué un regain de violence chez les manifestants. Des casseurs en noir, le visage masqué par des cagoules, ont brisé des vitres du ministère des Finances et se sont attaqués à la façade du bâtiment de la Cour suprême sur Parliament Square. Plus loin, dans la rue commerçante Oxford Street, quelques dizaines de jeunes ont saccagé la façade du grand magasin Top Shop.

mardi 7 décembre 2010

LA REVOLUTION ET CANTONA MONTENT EN BATEAU : QUI TOMBE A L’EAU ?


... LES BALLOTS! (publié en même temps sur Le Post)

CANTONA N’A PAS FAIT SAUTER LA BANQUE comme ont feint de le craindre certains commentateurs journalistes, parce que sa proposition était farfelue, parce qu’elle était sans projet, et parce qu’il n’a même pas eu le courage de montrer l’exemple. Etait-il bourré le jour où il a été complaisamment filmé dans son fauteuil ?
Sur Le Post le 28 novembre je lui avais répondu que je pouvais comprendre sa proposition impulsive de milliardaire touché par la vue des « pauvres », sans discerner les catégories sociales, et exprimé mon souhait favorable à toute proposition de « lutte réelle » contre le système après que les aristocrates syndicaux aient gentiment emmené la population « salariée » dans le mur d’une défaite annoncée, disparaissant même des écrans sans s’excuser, ni oser un bilan…
M. Cantona, tout en jouant au « rebelle » sans cause et sans projet, vous ne vous êtes même pas déplacé pour montrer l’exemple à votre banque. Pire vous avez viré une somme faramineuse d’une banque à une autre – preuve que vous leur faites confiance - et promis de venir chercher 1500 euros à votre banque, ce ridicule pécule qui est le salaire mensuel d’un ouvrier moyen.
Ni « bank run », ni tremblement de terre comme l’avait souhaité nombre de journalistes pipoles, votre proposition farfelue et méprisante n’a pas eu le succès escompté. Vous avez donc échoué à nous prendre pour des cons comme je vous le reprochais dans mon précédent courrier. Aucun dirigeant bourgeois ne vous a pris au sérieux, mais la plupart des prolétaires non plus.
La « révolution Cantona » n’aura été qu’au niveau de la pitrerie d’une poignée de syndicalistes retraités de la CGT se dandinant devant Le Fouquet’s, et conchiant la seule cible pipolisée Sarkozy pour faire oublier la trahison puante de leurs appareils. Vous ne valez pas mieux que les « traîtres professionnels » du syndicalisme.
Ce matin, je me suis rendu à mon agence du Crédit Agricole pour protester contre une banale « ponction » habituelle des banques parasites. Le weekend j’avais été acheter deux cartouches de cigarettes en Belgique. Au retour, survolant le listing de mon compte, je me suis aperçu que la banque m’avait prélevé 1 euro « com. achat à l’étranger ». Interloqué je m’étais demandé alors à quoi servait l’euro s’il maintient les frontières… bancaires. Tout de go, je déclarai aux deux jeunes banquiers qui me faisaient face, et en élevant la voix :
- Vous êtes vraiment des voleurs les banques ! Cantona a raison… veuillez vider mon compte et me remettre le liquide !
Le jeune banquier s’apprêtait à s’exécuter en me demandant mon numéro de compte, mais j’éclatai de rire aussitôt en lui tendant la main :
- C’est une blague… ce n’est pas votre faute… allez bonne journée mais dites à votre directeur que c’est un peu fort le café 1 euro de taxe pour un achat dépendant du territoire européen ! (*)
En sortant de la banque, j’ai trouvé dans ma boite aux lettres un excellent journal « Le Prolétaire » qui apporte les réponses que tous les ballots attendaient de votre démagogique proposition. C’est un jeune socialiste nommé Amadeo Bordiga qui l’apportait cette réponse en 1920. LES BUTS DES COMMUNISTES : « Le maximalisme ne connaitra sa première victoire qu'avec la conquête de tout le pouvoir par le prolétariat. Avant cela, il n'a rien d'autre à proposer que l'organisation toujours plus vaste, toujours plus consciente de la classe prolétarienne sur le terrain politique ».

lundi 6 décembre 2010

Contribution à un état des lieux de la Gauche Communiste Internationaliste

Contribution à un état des lieux de la
Gauche Communiste Internationale
Par Klasbatalo! (Canada) (*)

Présentation par JLR: Ce texte du groupe de Montréal Klasbatalo est le bienvenu dans ma boite e-mail, non seulement parce que j’en partage d’essentiel du contenu mais parce qu’il me semble une claire approximation du vide (relatif ) que je déplore de l’ancien milieu révolutionnaire. Deux remarques critiques tout d’abord. Première : Ce texte ne part pas des besoins de la période – l’extrême gravité de la crise systémique qui rapproche plus qu’on ne croit d’échéances sociales graves – ce qui lui eût donné plus de souffle. Mais il est représentatif de l’impuissance actuelle des éléments dispersés de la Gauche communiste internationaliste, dont les derniers feux ne pourront être réactivés, d’après moi, qu’après l’explosion sociale généralisée. Marc Chirik aimait à dire que la plupart du temps les révolutionnaires « professionnels » n’étaient jamais à l’origine des véritables grèves importantes. On peut dire à peu près la même chose pour la Russie de 1905 et 1917, et, en très modeste pour mai 68 en France et en Allemagne. Deuxième : il n’est pas minuit dans le siècle (dixit Controverses) rien n’est perdu des acquis politiques et il n’y a pas à recommencer les analyses de Marx et Engels, ni à nier les apports des Pannekoek, Lénine, Bordiga, Chirik, etc. Si j’ai proposé de renommer comme « maximaliste » l’ancienne appellation polémique et caricaturale d’ultra-gauche, pour identifier le vrai milieu révolutionnaire prolétarien, ce n’est pas pour le réduire à ce même qualificatif concernant anarchistes et réformistes italiens de 1920 (puisque Bordiga et le KAPD se concevaient comme maximalistes communistes), c’est parce que cette dénomination permet de démontrer : 1. Que nous avons eu toujours raison de défendre le programme maximum (même dans une période où on a rêvé naïvement que la révolution allait éclater en pays riches) comme nous avons encore raison de le défendre;
2. ce désir de « maximum » s’est heurté à la réalité d’un capitalisme encore capable de « tenir » malgré nos polémiques heuristiques sur la décadence ou la bttp, et la plupart des éléments venus au programme révolutionnaire, issus de la petite bourgeoisie, se sont rapidement découragés pour soi se disperser « dans la nature » soit s’ossifier dans des sectes attachées à préserver ego(s) et hiérarchie(s). Ce phénomène de fossilisation n’est pas produit par le prolétariat; ce qui se fossilise est mort pour le prolétariat. La petite bourgeoisie ne se résout jamais à tomber dans le prolétariat et elle retourne vite… au mode de vie bourgeois qui est concurrence, esprit de chapelle, de secte, de confrérie, totalement étranger au mouvement même de la classe qui tend vers la nécessaire et indispensables unification des forces : en parti pour le regroupement de ses éléments les plus déterminés, en comité central de grèves pour les Conseils de travailleurs.
Le « maximalisme » va renaître de ses cendres à la faveur du grand crash capitaliste qui nous pend au nez, et que la bourgeoisie tente de cacher désespérément. Du point de vue de l’analyse générale si je suis complètement d’accord avec les quelques productions politiques de Klasbatalo! et de la FGCI, je peux apporter quelques nuances :
- Concernant l’ex parti de Damen devenu TCI, c’est une organisation plus que floue, de type gauchiste fédéraliste, localiste voire ouvriériste (au sens caricatural); cf. mon histoire de Battaglia in Archives maximalistes; je suis OK avec vous de Klasbatalo que ce nouveau nom de « tendance » est ridicule, mais montre bien que Battaglia a renoncé à être au centre de quoi que ce soit; mais la porte doit leur rester ouverte, mais ils ne sont même pas une vertèbre du futur parti ces « fédéralistes mutants » comme vous le dites si bien!
- Concernant le CCI, son vocabulaire n’étant pas très riche, ils ne doivent même pas savoir ce que signifie le terme fœtus, mais ils avaient déjà anticipé leur propre mort il y a plus de vingt ans quand leur chef vénéré, le colonel Fabienne, avait assuré que le CCI était le squelette du futur parti (je dois être le seul à avoir rigolé à l’époque) d’une telle billevesée; comme corps ils sont en poussière, mais des membres très valables parmi eux pourront rejoindre le parti de demain (je préfèrerai voir arriver d’anciens camarades du CCI que des staliniens ou Mélenchon et Cie).
- Controverses et PI ne sont que des cercles mondains où un quarteron d’intellectuels se pique d’économie et de sociologie (voir leur lamentable soutien à Darmangeat révisionniste d’Engels); aux origines de Controverses il y a surtout un camarade sincère auquel il ne faut pas reprocher de ne pas avoir mené un travail de fraction (dans une telle secte paranoïaque!?) où il n’était plus possible que de s’enfuir sans donner nulle explication parce qu’il n’y a pas d’explication à donner dans un asile de dingues! Laissons les petits bourgeois frileux du CCI jouer au parti de salon pour, une fois dehors, aller cirer les pompes du groupe gauchiste le plus louche en France : la CNT! Quant aux tracts de Controverses sur le soi-disant mouvement en France, plutôt nul et fade, typique de l’observateur intellectuel averti mais le nez dessus incapable de dénoncer le piège, seuls les tracts de leurs dits « collaborateurs » de Toulouse (Smolny, site perdu dans la galaxie et qui n’émet plus) ont été assez bons. PI et Controverses ne sont pas de méchantes gens, et produisent de bons pensums d’analyse, mais ce sont des bavards impénitents à faire fuir les prolétaires, aussi tristes que leurs blogs, aussi peu enthousiasmants qu’un carnaval belge; ce sont nos nouveaux conseillers en conseillisme; et il ne faut pas croire que ces anarchistes en peau de marxiste seraient plus ouverts que les fossiles du CCI ou de TCI. L’histoire le démontre, plus borné qu’un anarchiste cultivé, y a pas, surtout quand il décrète que tout ce qui a vécu avant lui est mort, et qu’il aime vivre sur le mode de la complaisance entre « anciens », entre vieux de la vieille de Sabatier à RV, où chacun vient panser ses plaies contre cet AVC de jeunesse : l’esprit de parti!
Fraternellement,
JLR


Récemment, les communistes internationalistes – Klasbatalo!, anciennement connu sous l’acronyme CIM, ont eu la chance de rencontrer leurs camarades de la Fraction de la Gauche Communiste Internationale. Cette rencontre a non seulement été des plus fructueuses, fraternelles, et positives, mais a également permis de clarifier nombre de difficultés auxquelles les forces du Milieu Politique prolétarien sont confrontées depuis quelques années. Entre autres chose fut abordée la nécessaire question du regroupement des organisations se réclamant de la Gauche Communiste face aux derniers départs – ou scissions – qui eurent lieu au sein à la fois de la TCI, du CCI, du PCI, et de la FICCI. Ce problème qui accable l’ensemble des groupes issus du Milieu Politique prolétarien, ou camp prolétarien, ne semble pas sur le point de se résorber, bien au contraire. La plupart des groupes issus de ce courant se replient de plus en plus sur leurs positions, sans aborder l’ombre d’une discussion avec d’autres groupes issus du même héritage, quand ils ne délitent pas carrément leurs positions pour se rendre plus accessible à d’autres groupes portant l’épithète « Internationaliste ». La réponse produite à la fois par Controverses et la FGCI à ce sujet (respectivement, annexe 1 et annexe 2), réponse quelque peu divergente, explique relativement bien la situation dans laquelle nous pataugeons en tant que courant (1).
Aussi, comme il est normal lors de l’affûtage d’une discussion tranchante, quelques désaccords ou incompréhensions de part et d’autre, incluant même à l’intérieur de notre groupe, furent observés sur la question du Bilan des trente dernières années qu’a vu dérouler notre héritage. Les deux textes présentés en annexe, qui font l’état des lieux de l’ensemble des groupes se revendiquant de l’héritage gauche communiste – et qui arrivent à des conclusions forts différentes – sont à l’origine de ces divergences.
Les textes Il est minuit dans la Gauche Communiste du groupe Controverses, et le camp prolétarien a-t-il définitivement fait faillite? produit par la FGCI, représentent ces deux textes aux positions à-priori opposées. C’est donc dans un souci de clarification politique que nous nous sommes donnés pour mandat de répondre aux deux groupes en tentant – à supposer qu’il soit possible de le faire, ce que nous pensons – de les concilier. Car, aux premiers abords, ces deux positions semblent irréconciliables : deux fins de non-recevoir (le bilan de Controverses se veut d’ailleurs « sans appel car il se fonde sur des éléments matériels et objectifs que tout un chacun peut facilement vérifier (annexe 1) »).
Nous assistons, par ces deux analyses, à un bilan tranché du groupe Controverses et à une réponse au bilan toute aussi tranchée de la part de nos camarades de la FGCI. Pourtant, après maintes discussions, il nous semble qu’une synthèse soit non seulement nécessaire pour l’ensemble des groupes qui se situent directement sur le terrain de classe mais également possible. De fait, comme c’est souvent le cas dans notre courant, les réponses de part et d’autres se révèlent bien souvent binaires et pauvres d’explications approfondies.
Notons au préalable que le texte que nous produisons aujourd’hui se veut avant tout la critique des deux articles présentés ci-haut; cependant, puisque le marxisme se veut un corpus théorique dialectique, et une vue d’ensemble la plus large possible qui ne se confine pas à l’étude des particularismes, le présent document de notre part se veut également et immanquablement une critique à froid du groupe Controverses et de la FGCI. Aussi, le débat autour de ces deux textes résume une discussion que nous avions eu au sein des CI-K en vue d’un document résolutoire; d’un positionnement théorique face à la tendance actuelle de repliement sur soi – ou de liquidation des positions programmatiques – des groupes du camp prolétarien et vers lequel les CI-K devait converger en pratique. Par la suite, cette discussion a été menée également avec nos camarades de la FGCI.
Préserver à tout prix l’organisation?
D’entrée de jeu, le texte de Controverses se veut un questionnement par rapport à la nécessité ou non de préserver à tout prix des organisations qui ne répondent plus forcément aux circonstances qui les ont vues naître; qui ne sont plus synchronisées – pensent Controverses – sur « l’évolution du rapport de force entre les classes ». En effet, en prenant Marx et Engels comme point d’appui, le texte se veut implicitement un appel à saborder les trois principales organisations actuelles de la GC : le Courant Communiste International, la Tendance Communiste Internationaliste, et le Parti Communiste International (Le Prolétaire – bordiguiste). Citons ainsi le texte de Controverses :

Comme le surgissement et la disparition des organisations révolutionnaires dépendent très étroitement de l’évolution du rapport de force entre les classes, et que l’exacerbation des conditions objectives et subjectives à la base des mobilisations ouvrières se déploie sur un laps de temps relativement court, Marx et Engels concevaient que l’existence de ces organisations était temporaire, intrinsèquement liée aux flux et reflux des luttes.

C’est effectivement comment Marx et Engels voyaient la mise sur pied et la disparition des organisations politiques dont se dotait le prolétariat. Loin de s’agiter à mettre de l’avant à tout prix des organisations de classe, tel un Don Quichotte combattant ses moulins à vent, Marx étudiait constamment le cours historique des luttes afin d’y voir surgir les éléments desquels émergeait la théorie; pour que celle-ci transforme la prise de conscience en soi du prolétariat en prise de conscience pour soi. Au demeurant, Marx ne cherchait pas la confrontation de classes à tout prix. Le prolétariat est un corps social qui s’épuise et est appelé à se décourager dans l’agitation de vaines luttes et promises à l’échec. L’Histoire a démontré que les organisations politiques dont se dote la classe prolétarienne, sont les plus fécondes quand elles répondent à la nécessité de se regrouper, de s’organiser, de développer plus en avant l’analyse du cours historique des luttes.

L’organisation qui subsiste après avoir vu différentes luttes prolétariennes, avec une forte potentialité de rupture dans son rapport de classe, sans jamais avoir su y intervenir pour y insuffler le programme communiste avec des mots d’ordre révolutionnaire; cette organisation, disons-nous, ne se trouve plus en phase avec le processus réel qui doit conduire ultimement le prolétariat à établir sa dictature contre l’ordre bourgeois. C’est ainsi, dans le cours ascendant des combats ouvriers, lorsque le capital fait payer sa crise aux producteurs de plus-value (bref lorsque le prolétariat est attaqué), que le rapport dialectique organisation / classe – classe / organisation est à son paroxysme. C’est à ce moment que la lutte produit plus clairement la théorie formulée par l’avant-garde révolutionnaire, dans un rapport constant avec sa classe; théorie qui sera ensuite réinjectée dans la classe et lui permettra de transformer sa conscience en soi en une conscience pour soi. Dans une lutte aux pointes acérées, il y aura toujours de petits groupes qui se formalisent ça et là et qui sont – à cet instant – plus en phase, plus en lien, avec le processus de la transformation graduelle des luttes. Les soviets ouvriers n’en sont qu’un exemple. Toutefois, ces petits groupes naissants (souvent sans grande expérience organisationnelle) cherchent à briser leur isolement en provoquant la discussion au sein de la classe, discussion qui saura provoquer la réponse d’autres groupes et ipso facto une clarification des réponses programmatiques. À cet instant, le parti est à l’ordre du jour.

Aussi, comme le souligne bien Controverses à cet effet :

(…) l’histoire a systématiquement démontré que, fondamentalement, [les organisations politiques du prolétariat] surgissent tout naturellement au cours des phases d’effervescence sociale et se disloquent lors des périodes de reflux.

Après le reflux du cours des luttes, lire de l’épuisement du prolétariat écrasé le plus souvent du temps par sa défaite, l’organisation tend à chercher une légitimité à la préservation de son existence. Elle tend alors à s’enfoncer dans des analyses particulières qui la divisent sur des questions de second ordre (2).

Le fait est que les organisations vont et viennent. Elles surgissent dans l’Histoire et disparaissent. Rappelons que ce ne sont pas les groupes, les organisations, les partis politiques du prolétariat qui font la Révolution mais bien le prolétariat dans son ensemble, en produisant ses avant-gardes politiques en lien – et véritablement synchronisés – avec le cours historique des luttes; ce sont ces organisations qui sauront produire les mots d’ordre et consignes révolutionnaires en dirigeant la lutte générale en ce sens, c’est-à-dire vers une transcroissance des luttes en direction du projet révolutionnaire. La fin d’une organisation qui a été mise sur pied lors d’un flux croissant des affrontements de classes (3) n’est pas la faillite du programme qu’elle défendait. Tous les acquis théoriques positifs produits au cours de la période – disons ascendante – de production de l’organisation demeurent après son démembrement, et s’inscrivent ainsi dans le programme révolutionnaire enrichi par cette contribution historique; mais à condition que les organisations qui sont un produit de ce démembrement en réclament une continuité historique, ce que ne semble pas enclin Controverses à faire présentement. Nous reviendrons sur ce point plus loin dans le texte.

Cependant, avec Controverses, nous pensons qu’une organisation s’évertuant à subsister malgré un cours historique défavorable, qui ne produit plus de luttes à fort contenu théorique, risque considérablement de ne plus se comporter – de ne plus agir – en tant qu’organisation révolutionnaire et risque plutôt, dans cette période, de se comporter telle une pathétique secte d’élus. D’avant-garde révolutionnaire, les chances sont fortes pour qu’elle se meuve à présent plutôt en Cabale ouvrière, perdue dans la nécessité absolue de voir surgir LA lutte pouvant soulager ses doutes et lui donner raison. C’est réellement la différence entre une organisation révolutionnaire de prolétaires, et une secte organisée autour du prolétariat : la première cherche à influencer le cours des luttes, est prête à débattre d’erreurs historiques tout en cherchant à dépasser ses propres erreurs historiques, et à ultimement transformer l’histoire; tandis que la seconde cherche tout simplement à se préserver à tout prix dans le temps, en se repliant sur elle-même, attendant je-ne-sais-quoi, la fin de l’histoire?

Jean-Louis Roche, dans son Histoire du Maximalisme, est d’ailleurs très direct concernant le Courant Communiste International à cet effet :

« Je regrette que le CCI n’ait pas su mourir à temps, survivant péniblement à ses avaries de fin de siècle. Il serait devenu certainement une vedette comme James Dean ou Guy Debord, au lieu de ce qu’il est, une vieille dame percluse de rhumatismes théoriques, obsédé par de douteuses histoires de sorcières. »

Le ton semble à l’humour mais pose à la fois une question pertinente; celle de savoir si une organisation qui s’évertue à résister vents et marées alors qu’elle ne cesse de subir intérieurement les coups et assauts de l’idéologie bourgeoise ne devrait pas se dissoudre pendant que les acquis qu’elle a produit sont encore à la cime du programme politique de sa classe, et une référence future – dans ses points forts – pour la prochaine organisation du prolétariat (4). Car, pour pousser encore plus loin le drame des organisations au corps malade, Controverses souligne l’autisme dans lequel les principales organisations issues de la Gauche Communiste se sont vautrées depuis le début des années quatre-vingt. En réalité, pire qu’une forme d’autisme, ces organisations semblent avoir vécu de véritables épisodes de psychose. En effet, l’autiste ne se rattache plus au monde extérieur, ne tente donc pas de convaincre les autres de la justesse de ces positions (et ne les induit donc pas non plus en erreur), tandis que les organisations qui semblent évoluées dans ce genre de situation continuent d’accorder un profond attachement au monde extérieur – les luttes – qui semblent les confirmer à tout moment, de façon rétroactive, dans la vision qu’elles ont du cours historique… Mais en en déformant malheureusement l’analyse lors de crises passagères qui produisent également les scissions. Ces organisations peuvent ainsi continuer de produire à l’occasion d’excellentes analyses, de tirer des conclusions formidables; mais en général, elles se replient graduellement sur elles-mêmes parce qu’elles sont de plus en plus fragiles et de moins en moins aptes à pouvoir tolérer la critique. De fait, leur dynamisme interne commence à prendre l’aspect des organisations staliniennes appliquant la loi du silence face aux divergences et elles perdent vigueur et dynamisme, de moins en moins capable de produire une théorie vive d’enrichissement programmatique (5). Les analyses risquent graduellement de se voir bâclées, erratiques, et déconnectées du cours historique réel. D’organisations vivantes et enrichissantes – capables de répondre aux nécessités historiques de la classe et de se lier au cours historique réel des luttes – elles risquent ainsi de devenir de véritables repoussoirs pour le prolétariat comme cela peut sembler être le cas pour le CCI (6) et la TCI (7) actuellement.

Notons qu’en dépit de la volonté de ses membres de la préserver, en réalité, lorsqu’une organisation disparaît, c’est malheureusement, et tout simplement, qu’elle n’est plus en mesure de faire face à la conjoncture dans laquelle elle se trouve; et si elle bascule dans le camp de la bourgeoisie, c’est qu’elle n’a pas développé l’expérience et l’intelligence historique requises pour faire face à la conjoncture dans laquelle s’articulent les luttes de sa classe . Ceci dit, notons encore une fois que seule l’Histoire s’avère apte à prononcer sa dissolution.


Scissions, fraction, et continuité historique

C’est ainsi que nous partageons en partie l’analyse de Controverses – et de Marx et Engels – concernant la remise en question sur la nécessité absolue de vouloir préserver les organisations existantes.

Aussi, même si nous saluons les efforts de nos camarades de Controverses de vouloir entrer dans un processus de remise en questions et de bilan, nous tenons également à leur rappeler que les scissions et fractions sont un processus de la formation du parti et représentent une filiation historique, dont Controverses (et la FICCI entre autres groupe) font partie. Nous partageons en partie la critique de la FGCI lorsqu’elle affirme en s’adressant implicitement à Controverses :
« S'appuyant sur le constat immédiat, mais non moins réel, de division et de sectarisme qui frappent les groupes se revendiquant de la Gauche communiste, ces éléments en rupture d'organisation et en quête de "liberté individuelle" affichent ainsi leur rupture - non déclarée, non ouvertement revendiquée - avec les orientations politiques qu'ils avaient pourtant défendues durant parfois des décennies au sein de leur organisation, en l'occurrence pour ces derniers dans le CCI. »
Il nous semble donc, au premier abord, qu’effectivement Controverses a claqué la porte du CCI très rapidement, sans apporter plus d’éclaircissement que ce soit devant la classe sur cette question. Pourtant, la Gauche Communiste a toujours revendiqué une continuité historique organisationnelle (9). Le programme politique communiste s’acquiert à force de l’expérience des luttes de notre classe, des organisations qu’elle a vues naître et disparaître; des erreurs, échecs, et dépassements de ses erreurs et échecs. Pour se faire, elle a toujours revendiqué son histoire. Bien sûr, Controverses peut toujours nous répliquer :
« C’est cette compréhension – fort tardive, mais absolument nécessaire – qui est à l’origine de notre existence et de notre projet politique : faire prendre conscience de cette crise au sein de la Gauche Communiste et aider à la surmonter. Telle sont les raisons d’être de notre forum et des priorités que nous nous sommes assignées. »
Cependant, ces explications nous laissent sur notre faim.
Pour nous, peu importe que le projet de Controverses semblait à la base, dès le départ, un simple forum de discussion de membres ou d’anciens sympathisants (ou tutti quanti) du CCI, un « milieu » qui ne se voulait peut-être pas organisé (mais qui ne pouvait ultimement échapper à l’organisation de par son héritage politique et de par sa façon de concevoir l’histoire); peu importe, donc, ses réclamations, notre critique demeure la même : il faut revendiquer son héritage organisationnel! (10)
En ce sens, maintenant, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire pour un groupe qui est issu d’une organisation qu’il a défendue durant plus de X années (11) et qui claque la porte d’une telle façon? N’aurait-il pas été possible de faire prendre conscience de cette crise à travers l’organisation même qui l’a vue naître? N’aurait-il pas été préférable d’au moins essayer de s’organiser en fraction à l’intérieur du CCI pour se faire entendre, avant de prendre le large? Camarades, voyez le flou des questionnements pour la petite minorité révolutionnaire que nous constituons : imaginez maintenant ce que cela peut représenter pour l’ensemble du prolétariat qui n’a pas la même connaissance historique que vous, que nous.
Camarades, en effet, nous pensons que vous serez d’accord avec nous : l’organisation n’est pas une entreprise qu’on quitte et qu’on ouvre à sa guise selon son bon vouloir, sans plus d’explication. Pour la classe prolétarienne, cette façon de faire soulève doutes et questionnements. Si Controverses a quitté le bateau parce qu’il lui semblait trop « vieux », peut-être plus tellement en capacité de répondre au fort courant des luttes qui s’annoncent, alors son devoir n’était-il pas d’appeler à dissoudre l’organisation pendant qu’il était encore membre du CCI, histoire d’échapper des membres avant qu’ils ne se noient? Car c’est ce que fait Controverses présentement : il appelle à mettre un terme à la longue vie du CCI… Mais il le fait de l’extérieur de l’organisation en érigeant sa petite tente dans la nature du camp prolétarien, comme si c’était une franchise fluorescente du CCI. On cherche la continuité historique dans sa presse, sur son site, et elle nous apparaît floue. On cherche à comprendre qui vous êtes, et nous ne trouvons pas clairement (12). Pour Klasbatalo, il est impératif que des explications plus larges aient lieu, et que Controverses affiche plus clairement son passé. On ne laisse pas le prolétariat dans une telle confusion suite à une scission, une fraction, ou une expulsion.
Marc Chirik écrivait à cet effet :

«Les scissions peuvent être à un certain moment la seule mesure qui s'impose pour sauvegarder au prolétariat son organisme de classe, son organisation politique. Pour que des scissions ainsi comprises aient lieu, cela ne peut et ne doit, en aucune façon, dépendre de la volonté et des caprices des personnalités mais exprimer une nécessité politique, se manifestant par des divergences programmatiques principielles parvenues à leur pleine maturation, en correspondance avec la situation objective. Unification et scission ne peuvent être examinées en soi mais se relient à la conception générale qu'on a sur la nature du parti.

Ceux pour qui la construction du parti est un acte de volonté et non en correspondance avec le processus de la formation historique de la classe, ceux-là opèreront des unifications et des scissions qui seront tout ce que l'on veut mais qui n'exprimeront pas un instant la vie de la classe, parce que se situant hors du processus réel. Aussi ces scissions et ces unifications se produiront dans la pleine nuit politique et n'apporteront aucun élément, aucun acquis, aucune expérience susceptible d'être utilisés dans la lutte de classe et dans l'élaboration du programme de cette lutte. »
C’est suivant Marc Chirik – principal maître à penser du CCI – que, selon nous, Controverses devrait débuter l’élaboration de son bilan afin de dépasser l’organisation qui l’a vue naître. Nous pensons qu’effectivement la tâche de l’heure pour les petits groupes en marge d’organisations de la Gauche Communiste, pour les fractions et scissions issues de ces organisations du Milieu Politique prolétarien, est d’œuvrer à se regrouper autour de discussions programmatiques de premier ordre, d’échanger et de débattre en vue d’un regroupement politique synchronisé sur le cours historique ascendant dans lequel le prolétariat trempe actuellement. Notre tâche devrait être une interpellation mutuelle sur les questions de fond en vue de voir se détacher les éléments étrangers au programme internationaliste du prolétariat et afin par le fait-même, de se développer lentement en un corps politique organisé, capable de s’articuler dynamiquement autour des luttes que mène notre classe pour y injecter à petit feu son programme. Encore Chirik :
« Dans le présent, les révolutionnaires ne peuvent échapper à cette sclérose sectaire qu’en tendant au maintien et au développement de liaisons entre les groupes révolutionnaires de tous les pays, en entretenant les discussions les plus larges et les plus publiques, en bannissant l’esprit de tabou dogmatique, afin que l’esprit de critique vienne continuellement balayer la poussière accumulée et vivifier la pensée. Il n’y a pas d’autres voies de salut et il ne saurait exister de garantie absolue a priori. »

Lorsqu’une organisation perd un membre de la façon la plus brutale soit-elle, ou lorsqu’une scission se produit au sein d’une organisation, le devoir de ces deux organes nouvellement allégés est d’expliquer le comment du pourquoi à la classe, de mener une discussion ouverte devant celle-ci (13).
Et c’est aussi pourquoi nous ne concevons pas forcément qu’il faille présentement s’unir – lire se regrouper – spécifiquement autour d’une organisation issue de la Gauche Communiste comme le sont la Tendance Communiste Internationaliste, le Courant Communiste International, ou le Parti Communiste International. Ces organisations agissent telles trois forteresses et pointer en direction d’une seule en proclamant aux minorités révolutionnaires (et se faisant au prolétariat) : « en avant » nous semble complètement a-historique et n’aide en rien à éclaircir les déboires de la GC, ni non plus son programme ultime qui est celui du renversement de la société bourgeoise. Ce n’est pas le temps de semer la confusion mais de l’extirper même si cette façon de procéder peut s’avérer un travail long et pénible.
Se regrouper, certes, mais comment ?
Nous saluons fraternellement le travail de nos camarades de la FGCI (et de l’ancienne FICCI) qui tentent depuis plusieurs années déjà au redressement du CCI, tout en appelant les forces de notre courant à se regrouper autour d’une organisation; mais nous divergeons cependant de leur méthode qui cherche à « octroyer » immédiatement le « contrat » du pôle de regroupement à la Tendance Communiste Internationaliste comme s’il s’agissait de l’entreprise la plus basse soumissionnaire d’erreurs et de régression programmatique.
De plus, pourquoi fermer la porte aussi rapidement à un groupe tel que Controverses plutôt qu’en faire une critique fraternelle? Mentionnant encore une fois Controverses, la FGCI écrit :
« Ils renoncent à la lutte pour le regroupement de la Gauche communiste, c'est-à-dire qu'ils refusent et même renoncent à la confrontation des positions politiques réelles qui sont exprimées et défendues par les groupes les plus anciens et importants, en particulier dans leur presse et intervention. Ces gens-là préfèrent bavarder dans des réseaux ou pire dans des "structures" informelles où l'on entre et l'on sort quand on veut et où chacun, comme dans les "auberges espagnoles", propose ou reprend, selon son humeur, sa pauvre "production".»
Il nous semble que c’est jeter l’anathème très rapidement, trop rapidement. Le temps est à la discussion, à l’ouverture des débats, aux critiques dures, certes, mais fraternelles. Les divergences autour de questions de second ordre n’empêchent pas forcément un travail commun, même s’il peut sembler l’alourdir dans le processus. En réalité, elles font partie du processus dialectique si cher aux marxistes. Qui plus est, comme ont pu le constater nos camarades de la FGCI, récemment, Controverses a su arrêter de produire son bilan pour intervenir directement dans la lutte contre la réforme Sarkozy qui a lieu depuis quelques semaines déjà avec un tract fort dynamique diffusé dans les mouvements en France. Et il a su en produire un second diffusé en Belgique, tout aussi pertinent. D’un forum libre et indépendant au départ, Controverses a su s’inscrire dans le processus réel des luttes en tant qu’organisation ! C’est peu dire, selon nous, l’intérêt que nous devons accorder à ce groupe présentement.
Aussi, nous pensons à contrario de nos camarades de la FGCI que le groupe Controverses, malgré peut-être ses difficultés à reconnaître son héritage programmatique CCIste, cherche tout autant que la FGCI au regroupement des forces issues de la Gauche Communiste. Plus important encore, nous pensons qu’il s’agit de notre devoir, en tant que groupe qui se revendique de l’héritage de Bilan, de la GCF, et des acquis du CCI, d’ouvrir une discussion avec celui-ci et en appelons nos camarades à faire de même, de la même façon que Chirik prenait contact avec tous les camarades de la GC en 1968. Nous divergeons donc grandement sur leur interprétation du groupe Controverses. Il n’est pas l’heure d’envoyer paître des militants ou des groupes avec lesquels nous partageons une analyse programmatique !
Par ailleurs, cela fait quelques années que nous entretenons d’excellents contacts avec la FICCI (d’ailleurs elle aussi scissionnée dernièrement), et nous ne cachons pas notre sympathie à leur égard, que ce soit la nouvelle FGCI ou la FICCI (qui ne semble plus très active malheureusement). En ce qui nous concerne, nous pensons qu’il s’agit d’un des groupes les plus sérieux avec une des plus grandes volontés à la discussion et à la clarification programmatique. Nous n’avons pas l’expérience historique de la plupart des groupes du Milieu Politique prolétarien, mais la Fraction (la FICCI unie) a su ouvrir un échange avec nous, en sachant très bien nous critiquer durement lorsqu’il était nécessaire de le faire. De notre côté, nous avons su digérer ces critiques – en gardant toujours en vue la méthode dialectique, processus cognitif de la lutte de classe – tout en continuant une correspondance fraternelle avec ceux-ci. Elle a aussi su nous empêcher de glisser vers des voies de garage, dans notre désespoir à vouloir à tout prix briser l’isolement, à regrouper autour de nous, à s’activer dans notre classe. Effectivement, aucun groupe n’est à l’abri d’erreurs et d’errements politiques, surtout dans l’état actuel des choses. Bref, le fait est que la FICCI (les deux scissions) s’est donnée pour mission, tout comme Klasbatalo, de contribuer au regroupement des forces issues de la GC (14) .
Oui mais encore, de quelle façon ? Concernant le sempiternel regroupement autour de la TCI, la FGCI écrit :
« Enfin, dans cette situation du camp prolétarien dans laquelle ces deux premiers courants ("Bordiguisme" et CCI) ne sont plus en capacité de faire face à leurs responsabilités historiques comme pôle de référence et de regroupement, la Tendance Communiste Internationaliste (ex-BIPR), seule organisation qui serait en capacité réelle d'occuper et d'assumer cette responsabilité, tend à n'en pas saisir toute l'importance et toute la signification historique, préférant en rester à ces certitudes immédiates. Certes, cette organisation réussit par moment et en certaines occasions à s'imposer comme ce pôle, au point de regrouper directement autour d'elle - ce que nous saluons et appuyons -, mais elle ne réussit pas à appréhender toute la dimension d'une politique déterminée de "regroupement" autour d'elle, se limitant justement à n'en voir la finalité que comme une adhésion immédiate. Du coup, elle tend à sous-estimer, voire à ignorer, les autres courants du camp prolétarien et l'indispensable lutte politique contre les dérives opportunistes qui s'y développent, n'y voyant, à son tour, elle-aussi, que des polémiques stériles. Pourtant combien d'éléments révolutionnaires en recherche de clarification et de cohérence politique - ils seront encore plus nombreux demain avec la crise et les luttes ouvrières inévitables qui se développent - pourraient ainsi se référer et s'orienter parmi les positions et groupes si la TCI assumait toutes les dimensions du rôle que l'histoire lui offre aujourd'hui. Quel pas en avant pour le regroupement ! »

Camarades, pourquoi elle et pas une autre? Parce qu’on en a décidé ainsi? Il nous semble qu’au contraire, l’ancien BIPR, de par son simple nouveau nom de « Tendance Communiste Internationaliste » semble avoir politiquement considérablement régressé en s’autoproclamant « tendance »! On est loin de la clarté ici. N’en déplaisent à nos camarades italiens, la Gauche Communiste n’est pas une tendance mais bien un courant politique produisant des tendances (italienne partidiste, germano-hollandaise conseilliste, française synthétique).

On ne décide pas suivant la simple volonté d’une poignée de militants quelle organisation devrait être et agir comme pôle de regroupement, ni non plus on ne décide quel groupe sera le futur parti. C’est d’ailleurs une incroyable faiblesse de la part d’organisations se revendiquant du marxisme de pouvoir s’affirmer ou non parti ou embryon du parti. C’est grâce à une discussion autour du renforcement et de la clarification du programme communiste que se formaliseront les cadres du futur parti prolétarien. Pour Klasbatalo, c’est une vérité fondamentale toute simple que seule l’Histoire, autour de profondes discussions au sein des minorités révolutionnaires, saura déterminer si la TCI sera ou non le prochain pôle de regroupement, le prochain parti de notre classe. S’il n’était que de la volonté des militants de proclamer le parti de classe, alors à quoi bon attendre le prolétariat pour faire la Révolution? Nous n’aurions qu’à nous armer, à prendre le maquis, à s’activer dans la lutte armée minoritaire si propre aux organisations staliniennes (véritables liquidateurs du marxisme)…

Camarades, c’est par un programme clair, synchronisé sur la lutte que mène au quotidien la classe dont nous sommes issus; par une capacité croissante, organisée en un véritable corps politique, d’articuler et d’insuffler la réponse historique des intérêts du prolétariat au sein-même de la classe prolétarienne; par le mouvement dialectique d’une classe sans moyen de production à se tourner dans notre direction pour chercher ses mots d’ordre; c’est tout ça qui définira finalement quel – et comment – sera le parti communiste internationaliste.

Le fait est que pour les CI-K actuellement, non seulement la TCI n’a pas la volonté d’accomplir ce rôle (et c’est elle-même qui ne cesse de l’affirmer) mais nous pensons que, pire encore, elle n’est pas en mesure de le faire. Cette organisation, tout en gardant le cap sur les positions de classe, nous semble floue; on ne sait jamais trop ce qu’est le bureau, qu’est-ce qu’il fait, quelle est son intervention dans la classe. L’existence de son ancien comité de liaison (devenu depuis peu bureau international) semble vivre au gré de la volonté de ses militants avec une intervention ici, une là. De fait, à notre connaissance, la seule intervention publique de l’ancien comité de liaison du BIPR fut dans sa « mise au point » à notre égard.

Dans le point 3 du texte Le Bureau International pour le Parti Révolutionnaire devient la Tendance Communiste Internationaliste, il nous est dit :

« Notre orientation a toujours été en direction de la classe ouvrière dans son ensemble plutôt que vers les groupes politiques existants, aussi proches fussent-ils. »

Nous demandons ainsi à nos camarades, n’est-ce pas là se concevoir comme un parti en soi?

Ensuite, toujours dans le même point, nous sommes contraints de lire cette ânerie qui sort dont on ne sait où:

«Même si nous avons eu de temps en temps des échanges polémiques avec d’autres groupes, notre objectif n’était pas simplement de réunir des groupes d’intellectuels, mais de construire des organisations réelles qui visaient à trouver des moyens de se lier avec les luttes des travailleurs et des travailleuses sur le terrain afin de maintenir une continuité de la conscience de la lutte pour les prochains combats. C’est pourquoi nous continuons à préconiser la nécessité d’organes du parti organisés dans la classe, tels les groupes d’usines ou les groupes sur les lieux de travail et les groupes territoriaux qui regroupent des militants et des militantes dans le même quartier. »

Qu’est-ce qu’une avant-garde révolutionnaire sinon un groupe d’ouvriers et d’intellectuels, et dont les ouvriers qui en font partie sont eux-mêmes des intellectuels? Est-ce réactionnaire et anti-ouvrier d’être intellectuel? N’y a-t-il pas des salariés, des prolétaires, qui sont à la fois des intellectuels et / ou produisent directement un travail intellectuel? Faut-il boire de la bière et jouer au football pour être ouvrier? Qu’est-ce qu’une organisation réelle pour la TCI? Un groupe de deux personnes au Canada et un groupe qui publie un journal de façon très irrégulière en France? Mais éclairez-nous sur cette question, nous sommes confus. Et la continuité de la conscience, n’est-ce pas dans le travail intellectuel et les organisations que le prolétariat met de l’avant qu’elle se maintient, s’articule, et se développe? Également, dans les échanges entre groupes, dans l’analyse des luttes de notre classe, dans l’analyse aussi d’organisations les ayant précédé? Les organisations – en fait, plutôt le programme qu’elles ont su clarifier – ne sont-elles pas la poursuite d’une œuvre historique plus grande qu’elles-mêmes? Et la simple mise en avant de groupes d’usines, de groupes sur les lieux de travail, de groupes territoriaux et de quartier nous semble plus près du travail d’anarchistes que de celui du travail partidiste.

Continuons. Dans le résumé des décisions prises du même texte, la TCI nous écrit comme si c’était une vérité fondamentale :

« Le cadre de base et l’approche définie dans nos documents d’origine reste inchangé. Nous devons toutefois reconnaître que le Bureau est allé au-delà de sa composition originale et que, puisque c’est le cas, comme nos documents initiaux le prévoyaient, nous devons évoluer progressivement vers une activité plus centralisée à mesure que le Bureau s’élargit. C’est pourquoi nous avons décidé que le Bureau doit devenir l’organe centralisé de coordination de notre organisation internationale. »

Au-delà de sa composition initiale? Nous tenterons de garder notre sérieux pour ne pas rire. Aussi, si on suit cette logique, parce qu’il y a une quinzaine d’années les documents initiaux prévoyaient une expansion de l’organisation, il lui faut maintenant – en septembre 2009, alors qu’aucune lutte ne menace réellement le capital comme c’est le cas depuis l’hiver 2010 passé – évoluer vers une activité plus centralisée à mesure que le Bureau s’élargit. Gardons encore notre sérieux. Alors, si nos camarades de la TCI pouvaient à présent nous dire à quoi ressemble ce centre, et en quoi il est si différent de ce qu’il était, ce serait très éclairant.

Dans cette veine, nous demandions à nos camarades de la FGCI, que faire au Canada avec des militants en quête de clarification politique et programmatique approchant les CI-K? Les envoyer vers le Groupe Internationaliste Ouvrier, filiation canadienne de la TCI, alors que ce groupe représente pour nous un élément problématique qui ne semble pas avoir un quelconque problème à jongler occasionnellement avec l’opportunisme? Du même coup, le cadre organisationnel que l’ancien BIPR a mis sur pied et dans lequel il se trouve – c’est-à-dire la préséance des organisations nationales sur l’organisation internationale, sorte de fédéralisme mutant (15) et inquiétant dans son impossibilité pratique à pouvoir intervenir efficacement lors de difficultés rencontrées au sein d’une de ses sections nationales – empêche la prise en charge plus « partidiste », plus centralisée, des militants adhérent à sa plateforme internationale. Pour nous, cela pose un énorme problème; et un problème pas seulement théorique comme certains de nous l’ont expérimenté au cours de notre passage au sein du GIO.

Maintenant, dans la décision numéro huit :

« Nous avons déjà fait la preuve de notre préparation théorique et la dernière phase de la crise n’a pas encore donné naissance à de nouveaux groupes de la classe ouvrière, ce qui aurait pu changer nos perspectives. Il a donc été convenu qu’il serait prématuré de tenir une conférence internationale dans un avenir prévisible. Au lieu de cela, notre priorité doit continuer à être le travail en direction de la classe ouvrière dans son ensemble, car c’est seulement en travaillant dans cette direction que nous apprendrons à mieux contribuer au futur parti du prolétariat. »

Mille soupirs! Il y a eu de nouveaux groupes issus du prolétariat : toutefois, la TCI n’a pas la volonté (ou l’intérêt, ou les deux) d’entrer en discussions avec ceux-ci. Elle discute avec elle-même en pensant pouvoir un jour accoucher de son propre parti. En travaillant seule dans la direction du prolétariat, la TCI nous apprend qu’elle pourra apprendre à mieux contribuer au futur parti. Est-ce que Klasbatalo! est le seul groupe à avoir de la difficulté à comprendre cette formulation, qui semble sortie de nulle part? C’est ainsi que la TCI nous apprend que, en ce qui la concerne, l’époque du regroupement des forces communistes est terminée.

Par ailleurs, nous n’affirmons pas non plus que la TCI ne puisse pas être un pôle de regroupement. Seulement, elle ne peut pas l’être pour le moment car elle est repliée sur elle-même et il s’avère impossible, pour nous, de discuter avec sa filiation canadienne qui nous accuse, une fois l’an, de mener une campagne systématique de dénigrement à son égard.

Maintenant, oui nous pensons que l’heure est au regroupement mais posons au préalable ces trois questions devant nos camarades, toutes organisations de la Gauche Communiste confondues : sur quelle base se regroupe-t-on? Quel groupe semble s’inscrire réellement dans le processus des luttes que mènent notre classe et quel groupe semble étranger à ce processus? Qui actuellement, dans les organisations ayant un passé Gauche Communiste, ne peut plus réellement se revendiquer appartenir au Milieu Politique prolétarien (et ipso facto, est-ce que des divergences quant à la nature de ce propos pourraient automatiquement empêcher un travail conjoint)?

Les acquis politiques et la voie vers le regroupement

On peut actuellement analyser le mouvement révolutionnaire de la même façon qu’Internationalisme le faisait en 1947 :
« C'est en pesant chaque mot et non par goût de la phraséologie journalistique que nous disons que le mouvement ouvrier n'a encore jamais vécu des heures aussi sombres que celles que nous traversons. Il serait peut-être plus exact encore de dire qu'il n'existe pas de mouvement ouvrier présentement. Les partis socialistes et staliniens ont depuis longtemps cessé de représenter une tendance du mouvement ouvrier pour n'être que des formations politiques de la bourgeoisie. Le mouvement syndical ne représente pas davantage une organisation unitaire de défense des intérêts économiques immédiats du prolétariat. Les syndicats sont aujourd'hui complètement intégrés à l'État, ils sont un appendice de l'État avec la fonction de faire accepter, par la classe ouvrière, les mesures d'exploitation et d'aggravation de leurs conditions de misère. Les récents mouvements de grève ont mis en évidence que ce moyen classique de lutte des ouvriers a cessé d'être l'arme exclusive du prolétariat, a perdu sa nature absolue de classe et peut aussi servir de moyen de manoeuvre d'une fraction politique capitaliste contre une autre, d'un bloc impérialiste contre un autre et finalement dans l'intérêt général du capitalisme.
Dans l'ensemble, la classe ouvrière - désorientée et totalement impuissante - sert actuellement de masse de manoeuvre à différents partis et cliques politiques de la bourgeoisie.
Les petits groupes et groupuscules de révolutionnaires sont absolument sans liens physiques avec la classe et leur influence est nulle. N'est-il pas plus tragique que comique de voir ces groupes se prendre au sérieux quand ils parlent de leur action des masses et dans les masses, quand ils s'agitent et sont agités dans le vide et ne s'aperçoivent pas que toute cette agitation se passe et se fait en dehors des masses, en marge de la classe ?
Mais alors que reste-t-il à faire aux militants révolutionnaires ? N'ont-ils, en tant que révolutionnaires, aucune tâche à faire, ni aucune possibilité de s'en acquitter ?
Avant de répondre à ces questions et pour pouvoir répondre d'une façon concrète positive, il est indispensable de reconnaître préalablement la réalité objective du moment présent, reconnaître sans réserve l'inexistence effective, dans l'immédiat, du mouvement ouvrier et de renoncer catégoriquement à la pratique du bluff, à la prétention de vouloir jouer immédiatement et à tout prix un "rôle" de guide et dirigeant, et s'obnubiler de son importance.
Les conditions et les facteurs qui ont déterminé la plus profonde défaite du prolétariat et la nuit historique de la période présente dans laquelle a sombré le mouvement ouvrier révolutionnaire ne sont aucunement épuisés. Ils continuent encore à agir et à dominer le cours présent. Rien ne laisse malheureusement escompter une modification du cours avant la généralisation de la prochaine guerre impérialiste. Peut-être même que la catastrophe humaine que sera la prochaine guerre mondiale est-elle nécessaire pour déterminer le renversement du cours et conditionner la réapparition du prolétariat et la reprise de sa mission et de sa lutte révolutionnaire.
Dans la période présente les révolutionnaires ne peuvent prétendre exercer une influence directe et efficace sur les événements. Ils ne peuvent que représenter des îlots, des hommes allant consciemment et volontairement contre le courant, se trouvant non pas volontairement mais forcément isolés des grandes masses du prolétariat. Leur tâche dans le présent n'est pas celle de l'agitation mais celle de la propagande des idées, nécessairement limitée à des couches restreintes. Leur principal effort doit porter sur le réexamen critique des notions et des conceptions qui ont servi de fondements du programme de la révolution et de l'Internationale Communiste, à la lumière de l'expérience des trente dernières années, riches en actions révolutionnaires et défaites profondes.
C'est dans le plein accomplissement de ce travail que les groupes révolutionnaires s'acquitteront réellement de la tâche qui est la leur et contribueront efficacement à l'élaboration du programme qui permettra demain au prolétariat, à la reprise de ses luttes, de s'en servir comme l'arme décisive pour le triomphe de la révolution et l'édification de la société socialiste. Le programme n'est pas un composé de dogmes qu'une fois donnés il ne reste qu'à vulgariser et à propager. C'est une oeuvre constante nécessitant son continuel développement (et dépassement) sur la base de l'expérience vivante de la lutte de classe. La prise de conscience, le travail sur la matière, donnée par l'expérience, en vue de l'enrichissement du programme restent les raisons fondamentales de l'organisation de l'avant-garde ; et c'est dans ce sens et sur cette base uniquement qu'on doit concevoir la formation des cadres. »
Marco (Marc Chirik), PROBLEMES ACTUELS DU MOUVEMENT REVOLUTIONNAIRE INTERNATIONAL, janvier 1947
Que dire de plus ? Impossible même de tronquer et de raccourcir cette citation qui nous semble dater d’hier tellement la conjoncture est, actuellement en 2010, pratiquement à peu de choses près la même ! Chirik écrivait pourtant ceci il y a plus de soixante (60) ans ! Nous ne pouvions la passer sous silence, et c’était notre devoir de la remettre à l’ordre du jour.
Bien entendu, en 60 ans, il y eût des progrès et changements.D’abord, la constitution de la plus importante organisation Gauche Communiste de tous les temps, c’est-à-dire le Courant Communiste International qui a su également produire la plus importante théorie programmatique, malgré quelques inévitables erreurs au cours de son apprentissage organisationnel ; malgré également des difficultés et erreurs internes notoires (celles-là probablement très très évitables) ; malgré un cours historique des luttes faibles (mais pas inexistantes comme le laisse entendre Controverses dans son texte).
Cette organisation a également produit d’innombrables départs plus ou moins intéressants à rappeler tellement ils ont eu lieu dans des crises paranoïaques intenses ; elle a aussi accouché d’organisations de tendances diverses (du conseillisme jusqu’au bordiguisme) ; et nettement influencé les groupes d’aujourd’hui, qui revendiquent un héritage Gauche Communiste, tel Klasbatalo. Le bagage programmatique qu’elle a produit dans ses plus belles années demeure d’une luminosité éclatante pour le prolétariat, dans sa synthèse des fractions de gauche issues de l’Internationale Communiste qui se sont développées de façon plus autonome, plus éparses, après la dégénérescence de cette dernière. Avec Bordiga, c’est probablement, pensons-nous, une erreur de n’avoir pas plus bataillé – organisés solidement en « corps de fractions » de Gauche – au redressement de ce point d’assise à l’origine socialiste, de l’avoir déserté aussi rapidement dans une indifférence plus ou moins généralisée. Nous en ressentons encore aujourd’hui les effets : la tendance qu’a la Gauche Communiste à capituler aussi rapidement dans les discussions, devant la moindre divergence, laissant éclater – sans ne plus voir le tragique de la chose – les organisations sur la base de particularisme programmatique incompréhensible pour le commun du prolétariat en semant la confusion dans le processus.
C’est beaucoup plus facile ainsi : on ne se trompe plus, on ne discute plus !
En soixante ans, malgré tout, malgré ce narcissisme organisationnel qui semble affecter la plupart du Milieu, l’apport programmatique laissé par les groupes est d’une importance capitale ! Avec la FGCI, nous ne pouvons renier la richesse de cet apport : la continuité historique des principales organisations bordiguistes qui ont formé un pôle capital et su préserver leur héritage programmatique (malgré les divergences importantes que nous entretenons avec ceux-ci). Le CCI qui a vu le jour, le BIPR qui s’est formalisé et qui a donné naissance à la Tendance Communiste Internationaliste, laquelle cherche aujourd’hui à se centraliser pour intervenir plus efficacement dans les luttes. Que nous soyons en accord ou non avec ces acquis, le fait est qu’ils sont bien présents et prennent leurs racines, plus ou moins solidement, au sein de notre classe, dans l’ensemble du prolétariat.
Le fait est que l’histoire semble actuellement se répéter. Effectivement celle-ci possède ses cycles qui se reproduisent lorsque l’ensemble de la société toutes classes confondues se voit bloquée. Le capitalisme n’arrive pas à trouver la voie vers la guerre généralisée et subit crises économiques par-dessus crises économiques. Et le prolétariat, dans l’antagonisme qui l’anime face à la bourgeoisie, n’arrive pas à s’affirmer comme classe, subissant coups après coups les assauts répétés de la bourgeoisie qui cherche à trouver l’ultime expédient à sa crise.
Citons encore une fois le camarade Roche :
« La classe ouvrière a subi de multiples transformations structurelles au cours de deux siècles d’industrialisation. Artisan, mineur, sidérurgiste, métallurgiste, employé de bureau, informaticien, le prolétaire reste prolétaire. Constituée de moins d’ouvriers industriels, d’une noria d’employés flexibles des services, de cadres massivement prolétarisés, la classe ouvrière, ou disons travailleuse, garde toutes ses potentialités révolutionnaires presque un demi-siècle après le chambardement inattendu de 1968. L’observateur superficiel ne voit pas plus loin que la ligne bleue des Vosges, mais d’importantes grèves ouvrières ont continué à inquiéter la bourgeoisie au niveau international pendant plus de trois décennies, grèves des mineurs anglais, mouvement massif des ouvriers polonais en 1981, grève des cheminots en France au milieu des années 1980, puis 1995, etc. »

Les luttes se sont toujours poursuivies à plus ou moins larges échelles, avec plus ou moins de potentialités historiques, à contrario de ce que Controverses semble affirmer. Dans le mode de production capitaliste, il y a naturellement – dans la nature intrinsèque antagonique qui la remue – des périodes d’attaques généralisées comme c’est le cas présentement, et des périodes qui garantissent une plus grande stabilité et permettent la reprise du cycle d’accumulation, toujours inscrites dans le processus historique des luttes de classes qui doivent mener de façon transcroissante à l’ultime guerre des classes. Notre rôle en tant que révolutionnaires est de suivre le cours de ses luttes et de nous inscrire dans celui-ci, pour justement insuffler la transcroissance des luttes prolétariennes. Il incombera donc au futur parti communiste internationaliste la tâche de cristalliser (en même temps que d’approfondir) le processus de transformation de la classe en soi en classe pour soi, consciente de ses intérêts révolutionnaires. Il est de notre ressort de savoir tirer adéquatement les leçons historiques des défaites du prolétariat pour qu’elles se transforment ultimement dans le triomphe communiste. Camarades, dans ce processus, il n’y a aucune place aux approximations du cours historique.

Ébauche d’une conclusion
Pourquoi vouloir à tout prix faire de la TCI ou du CCI un pôle de regroupement? Rappelons que le CCI fait présentement les yeux doux à l’anarchisme. Du côté de la TCI, pourquoi est-elle autant repliée sur elle-même? Elle expose très peu son fonctionnement devant la classe, si bien qu’il nous est difficile de concevoir sa pratique dans les luttes. Elle tente depuis plusieurs années de taire les divergences des membres qui la quittent en gardant le silence « pour ne pas créer de polémique ». Est-ce là le rôle de l’organisation de taire les scissions devant la classe pour empêcher les polémiques? N’y a-t-il pas danger, au contraire, de semer l’ambiguïté dans le prolétariat? Pour répondre à nos camarades de la FGCI, le pôle de regroupement ne serait-il pas censé être un produit de larges discussions au sein du Milieu Politique prolétarien? Un produit de la convergence d’individus et de noyaux se regroupant autour de profonds questionnements, autour de discussion visant à dénouer les nœuds programmatiques?

Aussi, les principales difficultés auxquelles l’ensemble des groupes se revendiquant de l’héritage Gauche Communiste assistent depuis la moitié des années quatre-vingt, comme s’ils étaient impuissants, est à une large retraite du plan organisationnel et à une pauvreté théorique croissante de sa réponse à la conjoncture historique. Comme s’ils n’étaient pas facteur actif de cette crise des « claquages de porte » en série et éviscération programmatique, les principaux groupes issus de la Gauche Communiste, au lieu de tenter de dresser un bilan de leurs échecs et échecs communs, se campent de plus en plus sur leurs positions en défendant leurs erreurs et en les revendiquant presque comme particularisme programmatique (par exemple, le CCI et l’affaire JJ; feu le BIPR et la suite d’échecs avec ses groupes en rapprochement ainsi que la stagnation – si ce n’est pas le recul – du GIO et de B&P). De cette façon, ce n’est plus un pied qui trempe dans le sectarisme politique mais les corps organisationnels au grand complet. Nous tendons à partager à cet effet l’analyse de Controverses et de la FGCI. Qui plus est, le CCI et la TCI (feu le BIPR) se comportent de plus en plus comme le fœtus du nouveau parti. Le changement de nom du Bureau International pour le Parti Révolutionnaire est patent à cet effet (16) .

Par ailleurs, tout en partageant une bonne partie des conclusions de Controverses, nous ne pensons pas que ce bilan soit « sans appel ». En effet, bien qu’il soit une importante contribution à l’éclaircissement de la situation présente au sein des groupes issus de la Gauche Communiste, nous pensons qu’il faut mettre un peu plus les choses en perspective et qu’il y a place aux discussions concernant ce bilan, bilan que nous jugeons actuellement indispensable pour la formation du regroupement de nos forces qui partagent un objectif commun : la formation éventuelle d’un parti de classe internationaliste comme futur « guide » de la révolution. La principale force de l’analyse de Controverses est justement la tentative qu’il fait de produire une analyse, un bilan, des trente dernières années. Controverses se veut ipso facto l’expression de questions qui accablent l’ensemble des organisations du camp prolétarien, et qu’elles ne semblent pas vouloir se poser. Aussi ce bilan, loin d’être « sans appel » se veut plutôt l’appel aux bilans.

Maintenant, que nous reste-t-il à faire en tant qu’élément révolutionnaire marxiste?

Contribuer à l’élaboration d’un état des lieux général de la Gauche Communiste ou se camper sur ses propres positions en n’y voyant que du feu; en espérant peut-être que la débâcle se résolve d’elle-même? Demeurés des « électrons libres » – qui s’agitent ou théorisent des questions de façon autistique, sans s’inscrire dans le processus réel des luttes – d’une organisation plus cohérente, mieux articulée, plus en mesure de répondre à la montée des luttes? Ou tenter de se regrouper autour des questionnements nécessaires, et inévitables; de se regrouper autour même des divergences qui posent ces questionnements et tentent de les résoudre de façon dialectique, marxiste, vivante (dans l’esprit des fractions fidèles aux principes mêmes de notre héritage programmatique)?

Rappelons en dernier lieu qu’à l’origine, la Gauche Communiste se concevait pratiquement comme un centre en soi avec des divergences plus ou moins importantes : un regroupement de toutes les fractions de gauches de l’Internationale Communiste appelées à discuter entre elles.


Aussi, pour les communistes internationalistes – Klasbatalo!, il va de soi que la tâche actuelle des groupes qui partagent le même héritage Gauche Communiste doit consister à resserrer nos liens internationaux – et certainement même à se réconcilier – autour du programme révolutionnaire qui est celui d’une classe à laquelle nous appartenons, à le clarifier davantage à la lumière des nouvelles luttes historiques grâce à la discussion et à l’ouverture de débats; et ainsi à se voir se préparer à le ré-insuffler au sein du prolétariat lorsqu’il y aura guerre des classes...

Les communistes internationalistes – Klasbatalo!
Novembre 2010.
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Notes :

(1) Par ailleurs, même si les divers corps de la Gauche Communiste sont moribonds, certains de ceux-ci semblent « victimes » de spasmes qui laissent entrevoir la volonté d’un dernier effort pour briser l’isolement en vu probablement de transmettre leur héritage (la moyenne d’âge des camarades ayant sensiblement augmenté), afin de reprendre la voie des discussions. Notons d’emblée à ce sujet que le Parti Communiste International (Le Prolétaire), dans les dernières organisations importantes issues de la Gauche Communiste, a toujours su répondre à nos courriels de la façon la plus honnête et la moins contournée, même si la plupart du temps cela s’avérait une fin de non-recevoir de la part de celui-ci, véritable blindé gardant ses positions intransigeantes. La critique récente de nos positions de base est un premier pas dans cette direction. Voilà déjà pour le PCI et voilà déjà aussi pourquoi selon nous l’heure est à baisser les boucliers et à reprendre la voie des contacts et discussions entre nous.

(2) On peut facilement faire un parallèle à cet effet avec le CCI qui semble s’être profondément enfoncé dans la paranoïa et l’autisme organisationnel au cours des dernières décennies.
(3) Affrontement de classes comme c’est la tendance présentement. Nous assistons depuis la crise des subprimes à une attaque en règle de la bourgeoisie contre le prolétariat.
(4) Comme ce fut le cas par exemple de la GCF et Internationalisme, malgré sa fuite paranoïaque pour préserver ses cadres d’une éventuelle troisième guerre mondiale. Le corpus théorique incroyable qu’elle a su produire pendant presque 10 ans ont jeté les bases sur lesquelles s’est édifié le CCI.
(5) Et passons sur le fait qu’à subsister ainsi, elles heurtent fortement l’environnement duquel elles sont issues et dans lequel elles évoluent, c’est-à-dire notre classe, le prolétariat.
(6) Le CCI a subi de nombreuses crises au cours des trois dernières décennies qui chaque fois semblent l’avoir considérablement ébranlé. L’affaire JJ est certainement la plus grave de celle-ci. De fait, le CCI est l’organisation qui a enfanté le plus de groupes marginaux depuis trente ans : Le Groupe Communiste Internationaliste (si on peut dire), Perspective Internationaliste, la FICCI, et Controverses. Il faut aussi noter que le CCI est de plus en plus silencieux de répondre à ses critiques.
(7) La TCI, du temps du BIPR, a subi plusieurs échecs au cours des dernières années. Rappelons l’affaire des « communistes radicaux d’Ukraine », du LAWV, du départ du Circulo de Comunistas Internationalistas sans même une notice pour expliquer sa disparition de ce groupe membre. Passons aussi sur le silence incroyable dont il a fait preuve concernant l’IOD et sa récente réponse dont le caractère politique cherche encore à émaner. D’ailleurs, n’en déplaise à celle-ci, nous considérons toujours que notre contribution au sein du GIO fait de nous, de façon relative et non pas absolue, une espèce de scission de la TCI : du moins, une sorte de mutation exogène. De toute façon, la TCI semble habile à former des mutants.
(8) Le trotskisme en est un exemple flagrant en appelant le prolétariat à monter dans la charrette de la bourgeoisie du Front Populaire pour se faire massacrer au nom de la république.
(9) Rappelons comment la GCF et la FFGC clouaient au pilori les prétentions de Castoriadis à vouloir innover alors qu’il ne faisait que repiquer les vieux textes de la GCI. D’ailleurs la plupart de la critique de Controverses (et de la nôtre), revue sous la lunette de la conjoncture présente, se retrouve aisément dans les vieux numéros d’Internationalisme de 1945 à 1952.
(10) On se souvient qu’ils ont signé un document « pro-révolutionnaire » de Perspective Internationaliste, dont le contenu était complètement opportuniste, avec tout un tas de groupes qui n’ont rien à battre de l’héritage programmatique marxiste.
(11) Les principales organisations présentes issues de la GC ont toutes su se préserver malgré un cours historique difficile durant les dernières décennies. Les luttes de classes sont l’oxygène de la l’organisation. Sans cet élément, c’est un reflux théorique auquel on risque d’assister.
(12)Lorsque nous, feu les communistes internationalistes de Montréal, avons démissionné du GIO, nous avons expliqué les raisons de notre départ, même si nous n’étions que des sympathisants fortement actifs. Peu importe si nous n’avions pas l’énorme bagage théorique de la GC, c’était notre rôle d’entrer en communication avec les autres groupes, d’expliquer la situation : même si nous avons alors été targué de semer la confusion (au contraire selon nous), de mener des ‘petty debat’. Entendu que nous avons fait des erreurs : mais qui en travaillant n’en commet aucune ?
(13) À ce sujet, nous renvoyons aussi le lecteur à la récente scission de la TCI avec l’Instituto Onorato Damen. Non seulement la TCI a-t-elle tardé à répondre à cette scission mais il nous semble qu’elle y ait été contrainte par la force des choses. Aussi nous dit-elle dans sa mise au point : « Nous avions décidé de ne pas commenter la naissance de cet institut afin d’éviter des polémiques inutiles. » Mais quelle polémique peut-elle être plus utile que d’expliquer un évènement d’une telle importance que celui qui mène à une scission ? À quoi rime cette omerta de la part de nos camarades italiens ?
(14) Bien entendu, à ce sujet, nous déplorons la récente scission de la FICCI et appelons nos camarades de la FGCI et de la FICCI à rouvrir la discussion.
(15)Cependant, nous ne pensons pas qu’un fédéralisme plus classique serait préférable. Le besoin d’organisation du prolétariat au niveau mondial se doit d’être centralisé pour coordonner efficacement la chute de la bourgeoisie dans tous les pays.
(16) Les anciens communistes internationalistes de Montréal ont également changé de nom mais pour les raisons suivantes : depuis les derniers mois, la constitution de notre groupe, plus ou moins informelle au départ (notre groupe s’étant avant tout formé en vue de répondre au BIPR et à son groupe le GIO, d’où le nom plus ou moins informel de CIM), s’est vu se renforcer; également nous ne sommes plus limités à la ville de Montréal en tant que groupe d’internationalistes. Nous sommes conscients qu’il s’agissait-là d’une contradiction.



Annexe 1 :
Il est minuit dans la Gauche Communiste
(Controverses)
http://www.leftcommunism.org/spip.php?article169
Annexe 2 :
Le camp prolétarien a-t-il fait faillite?
(Fraction de la Gauche Communiste Internationale
http://fractioncommuniste.org/fra/bci02/bci02_1.php

(*) merci d'avoir ainsi nommé votre groupe, y en a marre pour les néophytes des sigles à rallonge (une scission 5 consonnes et une voyelle, deux scissions, 8 consonnes, etc.), je propose même qu'on nomme le futur parti mondial "Robert", ne serait-ce que pour flatter notre vieil incontinent bordiguien Robert Camoin, mais en le tenant en dehors car il est exclu que le prochain parti ait un empereur PN pour le cornaquer ou même un clone de Lénine avec perruque. Ainsi au lieu de dire, je vais adhérer au PCML(I), on pourrait dire "je vais adhérer à Klasbatalo puis au Robert". Ou encore en hommage à Chirik au "MARC" (Mouvement d'Action Révolutionnaire Communiste). Dernière remarque enfin aux reformateurs du parti mondial, il ne faut pas abuser les lecteurs sur les "groupes" en question ici évoqués, ils sont le plus souvent moins nombreux que le nombre de consonnes dont ils se sont affublés. Dans le milieu maximaliste quand on scissionne en ce moment cela est peau de chagrin, quatre donnent deux, et quand deux scissionnent, reste un. C'est lamentable mais c'est comme ça. On devrait parler plus souvent de "couples" plus que de groupes. Et alors, me direz-vous Marx et Engels ils étaient bien deux la plupart du temps? Oui mais ils étaient Marx et Engels!Et on n'en fait plus des lascars de cette trempe.