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dimanche 2 juin 2024

UNE BONNE NOUVELLE : «La France et l’Europe ne sont pas en mesure de développer une “économie de guerre”»

 


Par Jean-Pierre Robin  (in Le Figaro)

 

L’intendance suivra? La question se pose alors qu’Emmanuel Macron a brisé un tabou en autorisant l’Ukraine à utiliser des armes françaises pour cibler le territoire russe et que les Américains et les Allemands ont emboîté le pas, à la grande joie du président Zelensky.

Le chef de l’État avait été l’un des premiers à s’inquiéter de la nécessité d’avoir une «économie de guerre». C’était en juin 2022, peu après sa réélection à l’Élysée, lors du salon Eurosatory qui réunit tous les deux ans à Villepinte (Seine-Saint-Denis) le gotha mondial des industriels de l’armement. Emmanuel Macron leur avait demandé «d’aller plus vite». La France s’est mise en «mode économie de guerre», a-t-il claironné en janvier 2024 lors de ses vœux aux forces armées.

De son côté Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, multiplie les injonctions pour que les industriels accélèrent les cadences, les menaçant au besoin de réquisitionner «des personnels, des stocks ou des outils de production». Début avril, il a même fixé un objectif de production mensuelle de canons Caesar, qui devraient passer dans un avenir proche à douze exemplaires, alors qu’il n’en sortait des ateliers de Nexter KNDS France que deux par mois en 2022.

100 milliards d’euros de dépenses en plus

«Sommes-nous en économie de guerre?», s’interroge l’association L’Éco à venir, regroupant une quarantaine d’économistes, du secteur public et des entreprises privées, que préside Pierre-Olivier Beffy. La note publiée la semaine dernière portant à la fois sur la France et l’Europe est formelle: «Non, nous n’en avons ni les capacités de production ni le financement.» Ils citent à cet égard un chiffrage de l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, l’Union européenne (UE) a certes accru de 100 milliards d’euros ses dépenses militaires (en un peu moins de deux ans). Mais ces achats d’armements se sont effectués pour 78 % d’entre eux en dehors de l’UE (dont 80 % aux États-Unis, 13 % en Corée du Sud, 3 % au Royaume-Uni et 3 % en Israël). Quant aux 22 % restants - les matériels produits dans l’UE - l’Allemagne s’est taillé la part du lion, un peu plus de la moitié (11,5 milliards d’euros), la Suède en fournissant 22 % et la France, 12 %.

Au-delà de l’effet incantatoire que signifie l’expression rabâchée « économie de guerre », le meilleur moyen d’en saisir la portée est de se ré­férer à la mobilisation décrétée par les États-Unis de 1941 à 1945

L’Europe continentale n’est pas en mesure actuellement de produire elle-même les équipements militaires dont elle aurait besoin. Serait-elle à même de mobiliser ses forces productives et ses financements? Au-delà de l’effet incantatoire que signifie l’expression rabâchée «économie de guerre», le meilleur moyen d’en saisir la portée est de se référer à la mobilisation décrétée par les États-Unis de 1941 à 1945 . Les experts de L’Éco à venir en rappellent les chiffres les plus saillants.

Tout d’abord, des dépenses militaires considérables, qui ont représenté 45 % du PIB américain en 1944, alors que les autres dépenses publiques diminuaient de moitié, tombant à 7 % du PIB. C’est ensuite un effort de production exceptionnel, se traduisant notamment par un allongement de 5 heures hebdomadaires du temps de travail dans l’industrie manufacturière, avec en outre une augmentation de 40 % du travail des femmes. C’est enfin l’envolée des déficits publics à 25 % du PIB et un doublement de la dette à 120 % du PIB, malgré une augmentation de l’impôt sur le revenu à 8 % du PIB.

Complexe militaro-industriel

Emmanuel Macron a-t-il ces données en tête quand il en appelle à «l’économie de guerre»? Il nous le dira peut-être ce jeudi 6 juin lorsqu’il commémorera en grande pompe le 80e anniversaire du Débarquement sur les plages de Normandie en 1944, le résultat historique de la mobilisation de l’économie américaine. À titre de comparaison, la fabrication mensuelle d’armes et de munitions en France a augmenté de 13 % seulement sur les deux dernières années, observe Julien Pouget, l’un des meilleurs spécialistes de la conjoncture française (il en a dirigé le service à l’Insee jusqu’à l’an dernier).

Pour spectaculaire qu’il soit, l’exemple américain de la Seconde Guerre mondiale n’est sans doute pas transposable à notre époque où les activités de services occupent désormais partout une place ultra-prépondérante. Même la Russie et l’Ukraine, les deux belligérants contraints de réaménager en profondeur leurs économies, affichent une mobilisation bien moindre que celle des États-Unis de 1941 à 1945. Selon des estimations de la Banque mondiale, l’économie ukrainienne consacre actuellement 37 % de ses ressources aux dépenses militaires et la Russie y affecte 7 % de son PIB.

«Complexe militaro-industriel»

Reste que les pays de l’Union européenne sont très loin de tels ratios. Seulement cinq d’entre eux (Grèce, Lituanie, Pologne, Croatie et Lettonie) consacrent plus de 2 % de leur PIB à la défense, comme l’exige en principe l’Otan à ses pays membres, alors que les États-Unis ont un budget militaire atteignant 3,4 % de leur propre PIB, par ailleurs le premier au monde. D’où la suprématie américaine écrasante: dans le classement annuel de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les États-Unis arrivent très largement en tête, avec un montant de dépenses militaires de 916 milliards de dollars (en 2023), dépassant la totalité des budgets des neuf pays suivants réunis, dont la Chine.

Le Defense Production Act adopté par le Congrès en 1950 permet à la Maison-Blanche de détecter les insuffisances de matériel et d’ordonner aux sociétés privées de répondre aux commandes publiques. Rien de tel au sein de l’UE où les États européens de l’Otan privilégient systématiquement les commandes à l’Oncle Sam !

Depuis l’attaque japonaise de Pearl Harbor (décembre 1941) qui avait précipité leur entrée dans la Seconde Guerre mondiale, les Américains n’ont eu de cesse de développer leur «complexe militaro-industriel». Le Defense Production Act adopté par le Congrès en 1950, au tout début de la guerre de Corée, permet à la Maison-Blanche de détecter les insuffisances de matériel et d’ordonner aux sociétés privées de répondre aux commandes publiques. Rien de tel au sein de l’UE où les États européens de l’Otan privilégient systématiquement les commandes à l’Oncle Sam! Manque plus encore l’argent, le nerf de la guerre. D’où la proposition du commissaire français à Bruxelles Thierry Breton de créer un fonds de 100 milliards d’euros pour développer une défense européenne, restée pour le moment lettre morte.

NB : les journalistes ne vont pas plus loin, c'est à dire jusqu'à poser la question lancinante : en mettant en branle une véritable économie de guerre, quelles tonnes d'impôts supplémentaires s'imposeraient contre une classe ouvrière européenne déjà rétive aux guerres en Ukraine et à Gaza ?

 

« Allez vite, dit De Gaulle au général Leclerc en 1944, nous ne pouvons pas nous payer le luxe d'une nouvelle Commune ! »

et merde au GIGC

 

 

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