PAGES PROLETARIENNES

lundi 10 juin 2024

TROUBLE DE L'ELECTION : QUELS SONT LES TRAITEMENTS NATURELS ?

 


ET A PROPOS DES CONSEQUENCES DU MEPRIS ELECTORAL

 

« Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple ». Bertolt Brecht (dramaturge communiste)

 « La belle Europe des peuples, qui désormais ne voulaient plus se faire la guerre, est devenue la petite coterie de quelques élites imposant aux peuples à la fois leurs manières de faire et leurs croyances morales »[1]

Chantal Delsol (philosophe)

 

Fréquents à partir de 50 ans de vie politique, les troubles de l’élection se traduisent par une incapacité à obtenir ou à maintenir une croyance suffisante pour avoir une démocratie satisfaisante. On estime qu’un électeur sur deux souffre d’une dysfonction parlementaire lorsque les problèmes d’élection durent plus de trois mois et se répètent à chaque scrutin. Déception présidentielle bien que les plages du débarquement aient été transformées en salle d'embarquement des électeurs.

La première surprise de ces érections européennes est encore pourtant que les sondages ne se sont pas trompés, preuve du contrôle des opinions et des tribus par l'Etat. Ils ne se trompent en général quasiment jamais depuis quatre décennies (excepté l'accident de mai 1981)[2]. Au point qu'on peut se demander à quoi servent les élections puisqu'elles sont courues d'avance au poil près ?

Les élections « démocratiques » sous la domination capitaliste ne sont d'ailleurs qu'une comédie de façade, qui n'a rien à envier au régime des dictateurs à la Poutine, avec un traficotage bien plus subtil où ce sont toujours les élites bourgeoises de gauche et de droite qui découpent, répartissent et décident ; pour ne se souvenir que du Traité de Lisbonne.

L'événement est intéressant cette fois-ci du fait de l'arrogance et vanité bafouée du chef de l'Etat. Jusqu'au bout il n'a pas pris au sérieux les sondages. La gauche bourgeoise non plus même dans son combat croquignolesque contre « la montée du fascisme », avec l'idole des bobos Glucksmann et les soumis de l'idéologie islamo-gauchiste.

Ils ne s'en rendent pas compte, ou font semblant les caciques de la gauche bourgeoise décrédibilisée mais la situation politique, surtout en Europe, est rigoureusement inverse à celle des années 1930 où les prétendus barrages aux fascismes les fronts populaire n'ont servi qu'à désarmer le prolétariat avec leurs pleurnicheries pacifistes et leur sabotage des grèves, et à précipiter la guerre mondiale. Le vrai danger aujourd'hui ou tout au moins le principal c'est la gauche bourgeoise va-t-en guerre du colonel Gluksmann au sergent Poutou et à la piétaille écologiste. 

Le mépris bafoué

Le plus notable de la dite « crise présidentielle », passé au second plan, est aussi ce sondage, indirectement dirigé par cette masse décidée depuis longtemps à conchier l'Etat via n'importe qui, même le limité Bardella : est-ce que la campagne électorale vous a fait changer d'avis ? Une majorité des sondés a répondu : non. Ce qui signifie bien plutôt un rejet de l'ensemble des pitres des diverses tribus politiques qui n'ont pas cessé de s'insulter comme argument programmatique, puisqu'il n'y a plus de programme bourgeois crédible. Et aussi qu'ils se sont tous dispensés (dépensés) en affichage inutiles qui renvoyaient au système électoral de Peppone et Fernandel.

Le gouvernement de Big Mac, comme ceux de la gauche caviar et bobo, a toujours été marqué par son arrogance et son mépris du peuple et du prolétariat. Ce qui avait été un élément détonateur de la colère des gilets jaunes. Or cette arrogance évidente lors de la dernière intervention intempestive du président, a amplifié sa perte, avec cette forfanterie : : «Aujourd’hui, tout se passe comme si, parce que c’est un moment de colère – on se dit que c’est un vote défouloir, que ce n’est pas grave – il n’y aura pas de conséquences ».

Tous les médias à ses basques s'étaient d'ailleurs efforcés d'affirmer que la dissolution était impossible et que l'auguste Macron n'allait rien concéder à  cette merde de RN. Or, face au raz de marée du « défouloir » (terme très méprisant du peuple impuissant mais qui sait gueuler) – et qui n'est pas limité aux 40% de la dite extrême droite, car il faut y inclure surtout près de 50% d'abstention – Macron n'avait pas le choix, comme n'importe quel président dans une telle situation. La chose n'est pas la preuve pourtant d'un crétinisme du président. Très comique que toutes tribus bourgeoises aient crié contre le « joueur de poker », Libération à l'unisson de la presse étrangère le taxant même de « kamikaze suicidaire ». Les bobos écolos parisiens se sont tous précipités à la Bastille pour réclamer...l'abolition de la dissolution, cette horreur destinée à « faire gagner le fascisme ».

Incontestablement, pour une fois, Big Mac a dû se faire violence et se ranger aux conseils de ses conseillers en communication et en manipulation. 

Le RN contre les va-t-en guerre 

On verra par après les avantages de cette dissolution. Passons tout de suite à une autre leçon très intéressante de la victoire du RN. On attribue sa victoire à sa dénonciation « démagogique » de l'immigration et à son annexion du concept commercial « contre la vie chère ». Or une autre raison a pesé lourdement, favorisée évidemment par le principal va-t-en guerre : le général Big Mac. On accusa Bardella de soutenir Poutine pour affaiblir un sujet plus nationaliste à l'Elysée qu'au siège du RN. Bien sûr que la position du RN n'est pas subversive, il ne fait que reprendre le pacifisme impuissant des fronts populaires, mais l'argumentaire « la guerre nous coûte cher, vaut mieux produire pour nourrir que développer l'armement » fût particulièrement prisé par les « couches d'en bas » !

Les déclarations contre les va-t-en guerre des tribus de la gauche décatie : le croupion du PS à à peine 13%[3] ? le NPA et les écolos souteneurs du sergent recruteur Zelensky, ont probablement pesé autant que leur dénonciation de l'immigration massive et sauvage.

Le discours ronflant, pachydermique pour un combat jour après jour contre l'hydre fasciste du colonel Glucksmann, ne pouvait masquer ses constants soutiens à renforcer la guerre en Ukraine, emberlificoté dans ses radotages les mots valises, les mots tiroir creux : liberté, solidarité, enthousiasme, démocratie, clarté, sincérité, justice, travailler ensemble, pas une seconde de répit (même au petit déjeuner). J'étudierai plus loin comment il est possible que les couches moyennes petites bourgeoises peuvent se laisser gaver par tant d'insanités fabulatrices remplaçant tout projet crédible.

Voilà donc toute une série de coquins et de Ruffins sonnant l'alarme face au danger « fâchiste » favorisé par le « taré » Macron[4], nécessitant « d'arrêter les conneries »[5]. L'amienois aux oreilles de Star Trek d'en appeler à une urgence de l'alliance des cliques disparates de la gauche unie disparue. Oubliant que l'assemblée issue du front populaire a remis les pleins pouvoirs au maréchal en 1940. Au lieu de nous rejouer la pose du provincial rêvant à l'Elysée, il aurait mieux fait de féliciter Bardella dont le principal intérêt pour sa classe d'appartenance est d'avoir fait diminuer l'abstention.

LE GENIE ELECTORAL DU FILOU Big Mac...mitterrandien

Le niveau de débilité de la gauche bourgeoise décatie explose avec son désarroi face à la dissolution, plus par l'effroi de perdre les chaudes places d'élus élitaires moralistes que par une once de réflexion sur l'ingouvernabilité du pays...et de l'Europe. L'idole à bobos crie au scandale : « Macron a obéit à Bardella) !

Les confettis de la gauche bourgeoise, tout à leur hautain mépris du peuple « raciste » n'ont pas compris pourquoi ils sont morts pour les couches méprisées. Leurs organes (Libé, Le Monde, l'OBS, Huffpost, microsoft actu) resteront en panne d'érection vu leur inconsistance à nier crimes liés à l'immigration, OQTF non renvoyés, gouffres culturels (de plus en plus de femmes voilées) conseil d'Etat de gauche assurant la défense juridique gratuite aux migrants mais pas aux français, yeux fermés sur le débordement de nombre de jeunes ou faux jeunes migrants dans les locaux de concentration et les villages du sud, etc.

Comme je l'ai déjà souligné à plusieurs reprises c'est une malignité grave de l'ordre dominant : un travestissement de l'internationalisme sous couvert humanitaire (tout en laissant crever une majorité de migrants) favorisant non le racisme mais un repli nationaliste coupable. La gauche bourgeoise et élitaire est naze pour les couches d'en bas, c'est à dire pour une bonne partie de classe ouvrière qui ne fournit plus un simple vote protestataire mais qui aura besoin de voir la nullité du RN au pouvoir pour se rendre compte qu'aucune faction bourgeoise n'a de solution dans ce monde en décrépitude, posant la vraie question celle du renversement de l'Etat de la classe dominante et de ses suivistes parasites  bobos.

L'annonce bouleversante pour les bobos montre un Macron les traits tirés (pensant au fou-rire de Poutine) ressortant du tiroir à fantasmes de gauche le danger de l'extrême droite[6]. Il pose au calme électoral renouvelé (il va nous faire chier un mois de plus avec ses élections piège à cons)  pour mettre fin à la fièvre qui s'est emparée du pays, pour un véritable débat public, dont la classe ouvrière a pourtant constaté qu'il ne pouvait plus être qu'une foire d'empoigne ! Sans laisser de côté l'exigence de la clarté (hi hi).Toujours le même mépris renouvelé pour le peuple et le prolétariat, accréditant le célèbre aphorisme de Brecht, concernant le « peuple souverain » (ce connard).

Malignité d'abord, jamais des élections législatives n'ont été annoncée en un aussi court laps de temps. Conséquences fructueuses : aucune des tribus de gauche et de droite n'aura le temps (ni le vrai désir) de constituer un front unitaire quelconque. De plus, le RN est en effet incompétent et ne dispose pas de vrais cadres administratifs, ni ne peut présenter des types fiables partout ; autre perversité, si la première élection de Mitterrand entraîna trois ans durant une catastrophe économique, une cohabitation avec le RN, car il n'a pas les moyens de gouverner seul, provoquerait un effondrement plus grave et plus rapide. Quoique il ne  soit pas certain que la coalition « antifa » des macronistes jusqu'à l'extrême gauche suffise à amoindrir un nombre conséquent de députés RN. Ni que le RN apporte une solution quelconque supérieure aux "antifas" gouvernementeurs ni au plan du bordel migratoire ni au plan d'une violence généralisée et de plus en plus incontrôlable. Ce matin d'ailleurs les marchés financiers ont fait grise mine celant la vérité pour le prétentieux RN: comme les patrons ils ne veulent pas de cette engeance sans véritable programme économique, encore plus irresponsable que celui de Mitterrand en 1981, où le "pouvoir socialiste" avait dû lâcher pour la classe ouvrière, provisoirement, bien plus qu'en 1968. La classe ouvrière, le RN s'en fout aussi et sa proposition (électoraliste) de retour de la retraite à 62ans n'a aucune chance d'aboutir. Il ajouterait des milliards aux milliards de l'endettement actuel de l'Etat français.

La dénonciation du fâchisme d'une extrême droite plus en phase avec les valeurs (les voleurs) de la droite, NE MARCHE PLUS. 40 ans d'antifascisme d'opérette ça suffit ! La mise en évidence de l'incurie et incompétence du RN devraient suffire...

La gauche bourgeoise, elle, n'est plus populaire pour longtemps et les populaires n'illusionneront pas longtemps non plus. On analysera une autre fois l’ampleur de la prétendue montée du fascisme « brun » en Europe dans le cadre d'une crise qui ne peut que contrarier la marche à la guerre, pour une raison choquante pour tous les menteurs de la gauche bourgeoise et petite bourgeoise: c'est toujours la gauche bourgeoise qui dirige jusqu'au dernier moment les gouvernements qui favorisent l'entrée en guerre (démocrates aux USA, parti socialiste en 1914, Léon Blum et cie, SFIO au moment de la guerre d'Algérie, etc.)

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La partie suivante est une étude historique sur la petite bourgeoisie assez longue, que vous lirez si vous avez le temps. Les petits bourgeois à l'époque moderne sont beaucoup plus nombreux qu'au XIXème siècle et mordent même comme présumées classes moyennes sur le prolétariat (il y a désormais plus d'emplois de bureaux que de cols bleus). Ils jouent un grand rôle médiatisé au service de la bourgeoisie en période électorale. Je me suis toujours demandé pourquoi les petits bourgeois avaient tant d'oeillères ou étaient aussi cons. Voici une ébauche de réponse grâce au génial ouvrage de Baudelot et Establet (1974)

 


POURQUOI LES PETITS BOURGEOIS SONT DES HANDICAPES CIVIQUES ?

« Dans leur immense majorité, les cadres du secteur économique sont des petits bourgeois, et non pas une partie de la bourgeoisie capitaliste ».

« Quant à la motivation, option politique, elle est aussi étrangère aux conditions de travail et d'existence du cadre (…) Ils ne sont pas menacés comme les petits commerçants ; ils n'ont pas à défendre et à élargir sans cesse leurs positions acquises, comme les petits bourgeois des services publics. Ils peuvent donc se passer d'idéologie collective. Ils peuvent donc se désintéresser de la politique ».

« On ne s'étonnera pas alors que les cadres aujourd'hui fassent figure d'HANDICAPES CIVIQUES ».[1]

 in La petite bourgeoisie de Baudelot et Establet

 

Marx et Engels n'ont jamais réduit les conflits sociaux à la simple confrontation du capital et du travail. Cette confrontation est du domaine de l'ultime. En attendant les couches de la petite bourgeoisie fluctuent. Dans le capital Marx a prévu une croissance de l'appareil d'Etat propre aux entreprises où une nouvelle petite bourgeoisie peut prendre place. Il faut bien constater de nos jours, en dehors du secteur productif,  surtout avec ce qui est nommé abusivement et confusément classes moyennes, que des centaines de milliers de salariés ne sont pas des prolétaires, et ne se considèrent pas du tout comme tels[2]

A la fin du XIX ème siècle, toutes fractions confondues, la petite bourgeoisie n'avait qu'une position marginale. Son parti, le parti radical, se méfiait autant des ouvriers que des riches. Jusqu'en 1936, la France était un pays d'agriculteurs et d'artisans où la première place n'était pas encore détenue par le prolétariat industriel ; dans la liste des ennemis du prolétariat se trouvait, on l'a oublié, le boutiquier. Historiquement, Baudelot, Establet et Malemort, distinguent trois fractions de la petite bourgeoisie :

–la petite bourgeoisie commerçante de biens et de service :

-la petite bourgeoisie d'encadrement des services publics :

–la petite bourgeoisie d'encadrement de l'appareil économique du capitalisme.

On verra que ce découpage n'est pas très satisfaisant et qu'il minore et oublie, en particulier l'encadrement syndical....dans les services publics ! Face au prolétariat vaincu en 1848, la bourgeoisie se fractionne en groupes d'intérêts et de partis qui tous prétendent à l'hégémonie nationale. D'emblée il faut préciser que le critère de la profession n'est pas un critère des distinctions de classes.

Avant l'invention du concept confus de classes moyennes, on avait utilisé celui de secteur tertiaire :

« Il s'agissait de fabriquer des instruments idéologiques de lutte de masse ; et dans cette lutte, le simplisme de la notion de tertiaire et ses confusions se renforcent mutuellement pour empêcher la saisie matérialiste des rapports sociaux. Ce simplisme permet d'organiser, sans se casseerr la tête, toute une série de statistiques concernant la structure de l'emploi et la répartition de la population active »[3]

 D'anciens secteurs considérés jadis comme travail intellectuel et improductif ont été prolétarisés du fait de l'énorme croissance de leurs effectifs. C'est le cas des employés de banque qui peut se définir désormais comme un « O.S. de la banque »[4].

L'époque moderne, même en tenant compte de l'actuelle désindustrialisation (en Europe en tout cas) montre que l'entreprise reste un « travailleur collectif » : « ...s'il existe des distinctions de salaire, il n'existe pas de rapport de classe : l'ingénieur, mieux payés que l'O.S., n'exploite pas l'O.S. La différence de salaire est strictement imputable aux différences de formation, de qualification, etc. L'ingénieur et l'O.S., en revanche, dans la mesure où ils vendent également leur force de travail au patron, sont du même côté de la barrière : des exploités[5].

La prolétarisation du prolétariat (titre de leur 5 ème chapitre)

« La soumission de la force de travail au capital passe nécessairement par la dissociation du travail intellectuel et du travail manuel. La désintellectualisation du travail manuel productif est un aspect essentiel de la prolétarisation. Elle a pour conséquence – à l'autre pôle – l'apparition d'un travail intellectuel spécialisé qui est indissolublement travail d'encadrement, de gestion, de surveillance, d'organisation technique de la production (…) ce qui est en même temps travail de direction des hommes à des fins d'exploitation ».[6] « Le moteur de la division du travail, ce n'est pas la science ou la technique, mais bel et bien la prolétarisation des masses ».

« La prolétarisation du prolétariat se traduit dans les faits, par la déqualification croissante et massive du travail ouvrier.[7]. C'est à dire par la destruction, dans la grande industrie, du métier traditionnel combinant travail intellectuel et travail manuel au profit d'une parcellisation des tâches, n'exigeant plus de l'ouvrier que des opérations purement manuelles, répétitives, fractionnées »[8].

 

QUI COMPOSE LA PETITE BOURGEOSIE ?

 

« Il convient d'enlever des effectifs de la petite bourgeoisie tout un ensemble d'individus qui, sans être nécessairement détenteurs de moyens de production ou actionnaires, sont néanmoins des hommes de la bourgeoisie. Marx dans le 18 Brumaire, parle du capital et de « sa suite d'avocats, de professeurs et de beaux parleurs ». la bourgeoisie française comporte aussi SA SUITE... Il s'agit d'abord du haut personnel politique de la bourgeoisie : ministres, membres des cabinets ministériels, députés d'affaires, etc. ; du personnel politique de la haute administration : préfets, recteurs, généraux et autres hauts fonctionnaires du Conseil d'Etat, de la Cour des Comptes ou d'autres lieux. Ces individus ont pour fonction e faire la politique de ka bourgeoisie et de la faire appliquer en douceur ou par la force ».[9]

On passe ensuite aux managers de l'entreprise privée ou nationalisée, mais : « tous les avocats, tous les notaires, tous les conseillers juridiques ne font pas partie de la SUITE de la bourgeoisie. Beaucoup ne sont que des petits bourgeois ».

« Appartiennent encore à cette suite un certain nombre de professeurs de l'idéologie bourgeoise : journalistes, grands professeurs, écrivains, publicistes, économistes officiels et autres personnalités des arts et des spectacles. Il est important de remarquer que cette suite ne constitue qu'un petit monde. Bruyant et spectaculaire mais restreint ».

« Cette suite ne doit en aucun cas être confondue avec la petite bourgeoisie. Cette suite comprend des professeurs et même des instituteurs, des cadres, des fonctionnaires, des avocats, des journalistes, des médecins (…) Pour l'idéologie bourgeoise, petit bourgeois deviendra grand » (le partage de la plus-value crée des besoins...de classe).[10]

COMMENT PENSE POLITIQUEMENT LE PETIT BOURGEOIS ?

Je me suis toujours demandé comment la masse fractionnée des petits bourgeois pouvait voter pour autant d'imbéciles arrivistes et creux (comme Glucksmann et Ruffin) qui se bousculent pour ramasser leurs voix électorales dans un système assez obscur, comme la proportionnelle par exemple, que personne n'est capable d'expliquer clairement et qui confirme que la compétition électorale est un trucage officiel obscur qui officie à l'absence de contrôle des dits élus une fois qu'ils sont dans la bonne place. L'étude de Baudelot et Establet va nous permettre d'y voir un peu plus clair sur une pensée bobo aussi individualiste qu'attachée à sa propriété privée. Avec de plus en plus ce côté bohème à prétention moralisatrice et révolutionnaire « anti-capitaliste ».

« La surface sociale occupée aujourd'hui en France par les petits bourgeois est sans rapport avec leur surface numérique. Qui pompe une fraction de plus-value pompe aussi toute une série de privilèges, dont la classe ouvrière se trouve de ce fait dessaisie. Amateurs de maisons individuelles, ; acquéreur de résidences secondaires, les petits bourgeois occupent plus d'espace (en mètres carrés) que les prolétaires réduits à s'entasser dans les cités dortoirs – voire dans les bidonvilles (…) non seulement ils sont les principaux bénéficiaires du budget de l'Education nationale, mais encore ils peuvent, de ce simple fait, exercer une part importante de pouvoir dans les associations de parents d'élèves ».[11]

On objectera qu'un certain nombre d'ouvriers depuis 1974 ont pu avoir en nombre accès à la propriété, souci des Barre et Giscard, mais la proportion territoriale reste la même, et s'il n'y a plus de bidonville, en France en tout cas, les travailleurs immigrés des services dorment dans des caves à Paris ou en Banlieue.

C'est au plan politique que la place de la classe ouvrière était déjà réduite, elle n'est plus rien aujourd'hui, les partis dit ouvriers selon les troskiens ringards – et aussi LFI, PCF, verts, PS – qui ne sont plus que des avortons bourgeois basés sur des électorats petits bourgeois. Déjà en 1974 on pouvait voir la place réduite au prolétariat :

« Aux élections législatives de 1968, les couches petites bourgeoises, que nous avons énumérées, et qui représentent 17 % de la population active, présentaient 58,9 % des candidats ; la classe prolétarienne au sens large (59,8 % de la population active totale) n'en présentait que 11,7 % ![12]

Le petit bourgeois moderne adore qu'on le sanctifie comme membre des « couches moyennes » mais supérieures tout bien considéré. Nos auteurs s'en moquaient déjà :

« Au pluriel comme au singulier, le concept de « classe moyenne » ou de « couches moyennes » n'a aucune espèce de rigueur. Le fil directeur de l'analyse de classe, c'est l'extorsion du surtravail non payé, l'exploitation d'une classe par une autre : sous le capitalisme, l'extorsion de plus-value à la classe ouvrière par la bourgeoisie ».[13]

« ...Or, si tous les petits bourgeois français ont en commun de ponctionner une part de la plus-value socialement produite par le prolétariat et socialement extorquée par la bourgeoisie, tous les petits bourgeois ne la ponctionnent pas de la même façon ni au même endroit. Nous touchons là un point essentiel. Tout invite à penser, à partir de nos analyses précédentes, que les petits bourgeois français d'aujourd'hui ne constituent ni une classe sociale unique et unifiée ni une poussière informe d'individus ; il s'agit au contraire d'un bloc fissuré, fractionné, qui a de toute évidence perdu l'unité relative qu'on pouvait lui découvrir sous la III ème République (tableau assez similaire au cas de la NUPES, JLR). C'est au niveau des rapports de production qu'il faut chercher les cause profondes de ce fractionnement. (…) Alors, analyser les positions de classe des différentes fractions de la petite bourgeoisie revient à essayer de savoir objectivement comment les différents petits bourgeois situent les combats qu'ils mènent pour la survie ou le développement de leurs fractions par rapport à ce conflit principal ».[14]

50 ans après...du poujadisme au populisme : quand la petite bourgeoisie se regarde dans la glace

Avec ce qui suit, on croirait lire un commentaire très actuel... l'histoire idéologique bourgeoise n'étant qu'un perpétuel recommencement de malignité!

« Alors qu'il est de bon ton de parler de « convergence des luttes », il faut bien voir que le poujadisme représente un point de sécession à l'intérieur même de la petite bourgeoisie. Comment expliquer cette rupture sans se référer à la place occupée par le petit commerce dans l'évolution du grand capital[7]. (…) L'effort systématique fait par la bourgeoisie industrielle pour ruiner les petits producteurs marchands ne s'explique pas d'abord par la nécessité de se débarrasser de concurrents gênants, mais par la nécessité de se procurer le maximum de travailleurs « libres » n'ayant pour vivre que leur force de travail. Vider les ateliers de leurs artisans, la terre de ses paysans, pour en peupler fabriques et manufactures, tel est l'impératif premier de la mise en place du capitalisme ».[15]

Les principaux promoteurs d'un capitalisme supposé capable de se régénérer, de « reverdir », les bobos-écolos, ressemblent bien à ce poujadisme passé, défendant la parcelle avec éolienne et jardin bio et voulant liquider le nucléaire du grand capital. Même raisonnement inconscient que le boutiquier de jadis :

« Tout tient à la production : il n'est pas sûr que les boutiquiers s'en soient aperçu, et dans leur période de prospérité et dans leur malheur d'aujourd'hui. C'est sans doute cette méconnaissance qui explique la faveur dont jouissent dans ce milieu les thèmes « irrationnels » développés par les Poujade et les Nicoud. En tout état de cause l'avenir objectif du petit commerce (écolo...) , dans le cadre du mode de production capitaliste, est aujourd'hui singulièrement bouché (sic). De recensement en recensement, les effectifs du petit commerce diminuent ; les petits commerces (politiques) qui subsistent sont de plus en plus prisonniers des exigences des capitalistes dont ils écoulent les produits (idéologiques) : on leur impose plus qu'ils ne choisissent les marchandises (électorales) à vendre, les prix et les délais ».[16]

On peut continuer ainsi la parodie politique de la gauche bobo moderne :

« ...car les petits personnages de la NUPES ne sont pas divisés entre eux seulement par la concurrence mais essentiellement par le fait que, milieu décentré par rapport à la sphère productive, la petite politique ne périclite pas d'un seul bloc. Il se trouve toujours assez de petits militants arrogants pour se sortir du jeu, pour empêcher que se développe une autre comique « union de la gauche » (syndicaliste, mutuelliste, complice et élitaire), face à une classe ouvrière qui ne les considèrent plus que comme des étrangers à la lutte de classe, plus soucieux de soutenir des étrangers malheureux au nom d'un humanitarisme hypocrite qui exclut toute conscience de classe prolétarienne, de minimiser l'insécurité et de prétendre faire cesser la misère du monde...au plan national !

La différence entre le poujadisme d'hier et les populismes d'aujourd'hui est notable. Le poujadisme porté par boutiquiers et paysans était carrément réactionnaire. Le populisme aujourd'hui, version Mélenchon et Le Pen, porté par une masse de petits bourgeois, se veut progressiste, tout en méprisant la classe ouvrière, proclamant s'adresser au vague peuple avec des artifices sécuritaires ou écologiques. Au point qu'être de droite ou de gauche ne signifie plus rien. La dite extrême droite n'a pas plus à voir avec les Waffen SS que la dite extrême gauche avec les millions de morts de Staline, mais, et cela signe leur perte sur le fond, ils se renvoient le même type d'accusations élimées. Ce pourquoi le vote est soit protestataire soit abstentionniste de la part de l'ensemble des vrais exploités. Le poujadisme était une idéologie délirante comme d'ailleurs le populisme de la clique à Mélenchon et celui du rejeton à Zemmour, Bardella.

Il faudrait lister les « nouveautés » de l'adaptation idéologique des fractions dites extrêmes gauches de la bourgeoisie, hier elles défendaient mordicus la laïcité, aujourd'hui Mélenchon et sa tribu soutiennent l'islamisation du pays et nient tout lien entre immigration et faits divers criminels... Les syndicats font résolument partie de la fraction II des 3 catégories petites bourgeoises chargées d'encadrer le prolétariat, ce que nos auteurs entrevoyaient sans le développer.[17]. En conclusion les fractions I et II rien ne les préparent pas à accepter une dictature du prolétariat.

Un des gimmiks de la gauche socialo-stalinienne au temps de Poujade était de le traiter de fasciste, lequel mal n'existait plus comme il n'existe plus aujourd'hui, sauf de la part de Poutine et de l'Etat hébreu. Un peu d'histoire...

LE FASCISME DE 1920 ETAIT PROFONDEMENT HOSTILE A LA PETITE BOURGEOISIE

Mais des fractions de ce sac de patates l'ont rejoint ultérieurement. Le livre traduit par Jean-Pierre Laffitte,  La gauche national-socialiste 1925-1930 de Reinhard Kühnl, dont j'ai publié ici quelques feuilles explique bien que le mouvement nazi est avant tout bourgeois plutôt de gauche au début que de droite:

« Chez la petite bourgeoisie allemande, cette “fausse conscience” s’est intensifiée à la fin des années 20 pour devenir une imposante puissance politique à l’aide de laquelle la direction national-socialiste a pu finalement chambouler le régime politique de la République de Weimar. Le fait qu’elles accordent une importance différente à la mentalité de la petite bourgeoisie d’une part et à la situation sociale objective d’autre part  constitue un critère essentiel pour l’analyse des deux ailes du NSDAP ».

« La gauche national-socialiste était certes d’accord idéologiquement en grande partie avec la droite nationale, en particulier lorsqu’il s’agissait du “tableau culturel”14 : l’on s’opposait conjointement au rationalisme et au libéralisme, à la démocratie et au marxisme. Mais en même temps elle n’oubliait jamais l’hostilité sociale ouverte de la petite bourgeoisie à l’égard des classes supérieures et du capitalisme. La presse Strasser exigeait par conséquent une dissociation nette à l’intérieur du mouvement national entre les “révolutionnaires” et les “réactionnaires”15 ; l’on ne voulait coopérer qu’avec les premières de ces forces nationales que l’on considérait comme exemptes de toute tendance capitaliste. La direction du parti a tout d’abord poursuivi la tradition du NSDAP de la première phase, qui avait été un parti de la petite bourgeoisie urbaine et des éléments déclassés de l’armée impériale, et qui n’avait guère abordé dans son programme le problème de l’agriculture. Lorsqu’ensuite la crise structurelle de l’agriculture s’est transformée en crise générale aiguë, l’on a reconnu l'opportunité qui s'y offrait, mais l’on était désormais si étroitement impliqué dans les milieux des grands agrariens ».

Ce n'est donc pas aussi simple que le radotent Glucksmann, Tondelier et les islamo-gauchistes avec leurs injonctions simplistes de « barrer la route au fascisme. Je le rappelle dans mon livre de 2002[18] :

« Une idée commune veut que le fascisme soit une création de la petite bourgeoisie. Le rôle de la petite bourgeoisie est tantôt exagéré, tantôt réduit à la portion congrue, quel est-il vraiment au XXe siècle? Dans les années 20, c’est face à l’impuissance et la défaite du prolétariat que la petite bourgeoisie va croire pouvoir assumer sa force autonome alors que la grande bourgeoisie aura déjà ficelé ces forces hétéroclites dans le cadre de la contre-révolution fasciste. Selon l’historien Stern: « Il y a une part de vérité dans l’idée que l’idéologie du parti (nazi) était originellement le produit d’une classe sociale à son déclin et qui vient à se heurter de manière de plus en plus âpre aux réalités sociales créées par le régime national-socialiste même: le mouvement dont l’idéologie tendait à l’édification d’une société de petits commerçants, d’artisans et de chefs d’entreprises, suscita une puissante accélération des processus de concentration dans les domaines de l’industrie et du commerce »[19] . « Après tout, la position des Juifs n 'était pas foncièrement différente de celle des classes moyennes en général; et si les Juifs étaient pour la plupart, inaccoutumés à lutter pour la justice et la liberté, c’était tout autant le cas (nous l’avons vu) de leurs voisins non Juifs »[20]. Selon Albert Treint, reprenant l’analyse marxiste classique: « (...) la petite bourgeoisie ne s’arrache pas purement et simplement des griffes du capitalisme libre pour se jeter dans celles du capitalisme d’Etat. La petite bourgeoisie, celle des villes comme celle des champs, est formée de couches sociales très diverses et d’éléments essentiellement instables. Quelques-uns s’enrichissent et finissent par s’intégrer à la grande bourgeoisie; un grand nombre, à travers mille fluctuations et mille incertitudes, parviennent à se maintenir à leur rang social; d’autres enfin, dépossédés de leur instrument de travail par l’implacable développement de la concentration capitaliste refluent vers le prolétariat ».

Le RN n'est pas plus un parti héritier des waffen SS que LFI n'est héritière des crimes de Staline. Arrêtez d'être ridicules ! 

La situation sociale de la petite bourgeoisie dans la société industrielle, l'aggravation de son niveau de vie dans les situations de crise économique et les conflits psychiques qui en résultent en général, de même qu’en particulier la mentalité propre à la bourgeoisie allemande qui s’explique par l’évolution historique spéciale de l’Allemagne depuis le XIX° siècle, peuvent être considérés comme les clés les plus importantes pour comprendre le national-socialisme lors de sa période ascensionnelle.

Concernant la négation des différences entre les employés et les ouvriers, Blank se retrouvait à vrai dire assez seul, même à l’intérieur de l’aile gauche. La gauche national-socialiste revendiquait également, comme le reste du NSDAP, une différenciation corporative au sein des salariés et elle défendait évidemment « le maintien de la fonction publique avec ses droits garantis constitutionnellement »12. Quoi qu’il en soit, les employés ont été considérés alors de plus en plus comme des salariés. L’on s’accrochait à la conception qu’une importance particulière était à accorder à la petite entreprise et qu’elle méritait par conséquent une position privilégiée.

Pour l’instant, la presse de la Kampfverlag essayait donc encore de venir de la même manière à la rencontre de l’ancienne et de la nouvelle classe moyenne, c'est-à-dire des fractions indépendantes et dépendantes de la petite bourgeoisie, bien que leurs intérêts sociaux soient aux antipodes13. Ce n'est que lorsque la situation économique s’est aggravée, et que ces divergences sont apparues à l’occasion de toute prise de position concrète, qu’elle s’est identifiée plus nettement aux intérêts des salariés.

 La petite bourgeoisie a trouvé dans cet espace de pouvoir national un substitut idéologique à la situation sociale précaire dans laquelle le capitalisme l’avait mise. Lorsque ces espoirs et ces rêves se sont effondrés en 1918, que non seulement les annexions n’ont pas eu lieu, mais que des parties importantes de l’Empire ont été amputées par les vainqueurs, deux types extrêmes de réaction – avec toutes sortes de variantes intermédiaires – ont été possibles.

 D’une part, les petits bourgeois, qui étaient désormais frustrés aussi idéologiquement, ont pu tourner toute leur colère contre la révolution de Novembre ainsi que contre les puissances victorieuses et mobiliser toute leur force pour faire renaître nationalement l’Empire afin d’en faire une puissance européenne hégémonique – c'est-à-dire compenser de nouveau leur frustration sociale de manière idéologique. C'est cette voie qu’ont empruntée les sectes, les groupes armés de défense et les associations, ethno-nationalistes et nationalistes radicaux, qui ont jailli du sol de toutes parts. Mais ils pouvaient aussi passer à la révolution et envisager la résolution de leurs problèmes avec les réformes sociales et politiques de la structure interne du Reich. C’est comme cela que s’est décidée tout d’abord la majorité de la petite bourgeoisie allemande qui, après1918, a soutenu le DDP(*) libéral de gauche et la social-démocratie.

Dans mon livre, il y a vingt ans, je le soulignais : Cette vague d’antisémitisme qui avait été utile pour gagner les suffrages des agriculteurs et de la petite bourgeoisie citadine finit par s’estomper et n’explique pas fondamentalement l’éruption du nazisme, à moins de considérer les Juifs comme le centre référentiel du monde et la bourgeoisie allemande comme seule génitrice de l’antisémitisme.

 L’occupation de la Ruhr, la crise, la misère et le désespoir, la petite bourgeoisie se dressa contre tous les vieux partis qui l’avaient trompée. Les griefs violents des petits propriétaires plongés dans la banqueroute, de leurs fils universitaires sans emplois et sans clients, de leurs filles sans dots et sans fiancés, exigeaient de l’ordre et une main de fer » [21].

 L'auteur remarque ailleurs que la petite bourgeoisie « commence à s"imaginer qu"elle commandera réellement à l’Etat »[22]. Nicos Poulantzas a montré lui qu’en Allemagne la petite bourgeoisie était plus soudée à la bourgeoisie qu’en France, ce qui aller ôter au nazisme un fonctionnement de type « bonapartiste » mais lui conférer un pouvoir étatique bourgeois : « Elle (la petite bourgeoisie) a originellement partie liée avec la bourgeoisie : elle est constamment son alliée dans la lutte contre l’hégémonie politique permanente de la noblesse. Leur contradiction passe rarement à l’action ouverte.

 Aussi cette petite bourgeoisie, n’étant pas atteinte par l’idéologie jacobine, partage-t-elle l’attitude de la bourgeoisie envers la classe ouvrière, ce qui se manifeste par la méfiance constante de la petite bourgeoisie allemande envers le prolétariat:  ce rapport de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie allemande aura, on ne le sait que trop, une importance capitale dans le nazisme »[23].

La petite bourgeoisie indifférenciée est inapte à voir plus loin que le bout de son nez comme sa fraction classique, la paysannerie: ‘on’ se chercha une échappatoire et ‘un chef’, comme le dit encore Betz[8]: « On n’avait vraiment pris au sérieux ni la notion d’espace vital’, ni la volonté d’hégémonie, ni les préparatifs de guerre ; on n’avait pas davantage estimé à sa juste valeur la substance idéologique du national-socialisme : l’antisémitisme racial, le "principe du chef", les affinités et les différences relativement à la mouvance de la « révolution conservatrice »[24]. La contre révolution trouva son terrain d’influence naturellement parmi cette couche intermédiaire rétive aux leçons de l’histoire de la lutte de classe: « La Constitution de Weimar, la démocratie et la république étaient dans une grande mesure ressenties comme un ordre imposé par l’ouest ; la défense de réarmer paraissait, au regard de la tradition allemande, particulièrement humiliante. La formule de l’ « ennemi héréditaire » avait été étayée par la thèse, défendue par plusieurs historiens, selon laquelle la France, depuis Richelieu, avait toujours cherché à affaiblir l’Allemagne en la divisant ou en attisant ses divergences internes »[25]. La masse des nationalistes fournie essentiellement par ces couches intermédiaires spoliées et mécontentes s’agrégera à l’idée nationale de la solidarité face à l’ennemi occupant: « Le ressentiment des nationalistes se nourrira du fait que le mouvement ouvrier est né en France, à « l’étranger », et non sur le sol national - sous le signe, de surcroît, d’un internationalisme démocratique »[26]. La soit disant politique indépendante de la petite bourgeoisie ne sera que le jouet de forces plus puissantes même si ses bandes armées commettent initialement des crimes crapuleux systématiques en Italie et en Allemagne.

            La petite bourgeoisie considérée dans son ensemble ne forme pas une classe qui, ayant l’avenir devant elle, peut développer une politique propre. Elle forme une masse hétérogène, hésitante et susceptible d’osciller entre les deux classes essentielles de la société: le prolétariat et la grande bourgeoisie. Quand montait la vague révolutionnaire, quand la classe ouvrière s’orientait vers la Troisième Internationale, paraissait susceptible de s’emparer du pouvoir à brève échéance, la petite bourgeoisie se tournait vers le prolétariat comme vers le maître de demain; et, soulevée au-dessus de son horizon borné; elle était prête au sacrifice de sa petite propriété en faveur de la société sans classes des travailleurs associés. Mais tout reflux de la vague révolutionnaire, en affaiblissant politiquement le prolétariat, lui fait perdre son influence sur les classes moyennes; celles-ci, retombant alors sous l’influence de la grande bourgeoisie, se détournent en définitive de la démocratie et du capitalisme libre pour assurer le triomphe du capitalisme d’Etat camouflé en régime d’intérêt national » (…) « C’est le reflux de la vague révolutionnaire mondiale en 1920 qui a permis le triomphe du fascisme italien en 1920. Si le reflux de la vague révolutionnaire allemande en octobre 1923 n’a pas alors abouti à la victoire du fascisme germanique, c’est parce que le prolétariat allemand et ses organisations demeuraient encore dans le Reich un facteur économique et politique très important. Les tendances à la démocratie bourgeoise et au maintien du capitalisme libre ont pu, plusieurs années durant, neutraliser l’un par l’autre dans le Reich le mouvement ouvrier et le mouvement fasciste. Il a fallu la destruction systématique des tendances révolutionnaires par la Troisième Internationale irrémédiablement bureaucratisée jointe à la faillite du capitalisme libre et de sa social-démocratie inféodée à la Deuxième Internationale pour qu’en 1933 devienne possible en Allemagne la victoire du racisme hitlérien .. »[27]

Treint sousestime le danger représenté par le prolétariat allemand après 1923 alors que Vercesi en 1933, faisait référence au maintien du rapport de forces encore au moment des élections de mars 1932: « C'est ce même Hindenburg qui appelle Hitler au gouvernement juste au moment des revers électoraux des nazis, au moment où il apparaît que sur le plan électoral, seul, il n'est pas possible d'instaurer le fascisme au pouvoir. Toujours, l'élément fondamental est représenté par le prolétariat. En 1930, celui-ci était encore trop fort, il était nécessaire de le paralyser pendant deux années et de lui insuffler une confiance dans les méthodes démocratiques, pour se préserver de la victoire du fascisme »[28] .

 La petite bourgeoisie a été dénoncée à hue et à dia par Lénine, son aile intellectuelle était coupable de tous les maux historiquement; mais Lénine, après Marx considérait qu’elle pouvait basculer du côté du prolétariat. La petite bourgeoisie est une catin qui s’offre au plus offrant, mais dans la décadence capitaliste le prolétariat n’est pas le plus offrant, faut-il alors la massacrer du point de vue ' prolétarien '? Cela n’a jamais été le but du prolétariat de massacrer les paysans, même si la répression des paysans riches et moyens a été importante sous Lénine. Les auteurs de Supermarché du fast food historique Courtois, Finkielkraut et Cie font l’amalgame avec Lénine même si celui-ci n’est pas assimilable aux Staline, Mao et Pol Pot.

La petite bourgeoisie aime bien parler au nom des autres classes ou de l’humanité, même en mentant effrontément. Dès son premier discours d’intronisation au pouvoir Hitler prétend que la classe ouvrière est le pilier de son pouvoir; le parti nazi n’a obtenu ses grands succès électoraux dans aucune grande ville industrielle où résidait la masse des ouvriers et des employés au chômage mais dans les campagnes et les bourgs dominés par la petite bourgeoisie provinciale. Hitler s’est toujours opposé à une expression autonome de la classe ouvrière, refusant la création d’un syndicat national-socialiste en 1926 [29]. Le compte-rendu du premier Conseil des ministres du même jour montre au contraire la peur qui habite le nouveau Chancelier fasciste: « …Il exprime sa crainte de voir l’interdiction éventuelle du parti communiste provoquer de sévères affrontements dans le domaine de la politique intérieure, et la grève générale, le cas échéant. Or, il est évident, dit-il, que l’économie a besoin de calme. Mais quand on se demande ce qui représente le plus grand danger pour l’économie, l’incertitude et l’inquiétude liées à de nouvelles élections ou une grève générale, on arrive nécessairement à la conclusion que ce serait une grève générale… »[30].

Ce compte-rendu prouve que la classe ouvrière représente toujours un danger même au début d’une phase de réaction triomphante et que la politique de dictature de l’Etat policier hitlérien n’oublia jamais cette dimension même si, pour un temps, l’expression révolutionnaire (leaders et jeunesse ouvrière) avait été décimée et était déportée dans les premiers camps de prisonniers. Si le nazisme sut gendarmer l’Allemagne au sein de l’Europe sous sa férule ce n’est pas avec l’accord des ' ventres pleins ' des ouvriers allemands mais parce qu’ils avaient été défait politiquement, qu’ils se trouvaient désormais atomisés et surtout terrorisés par un encadrement policier militariste de la population.

L’article de  A. Lehmann (1933) mettait trop en relief  lui aussi la causalité petite-bourgeoise  : « ...des anciens officiers déclassés étaient tournés  vers toute possibilité aventurière...Un anti-capitalisme vague et utopique se développait dans ces couches hétérogènes dépossédées par la grande bourgeoisie...la haine de la révolution prolétarienne jetait ces classes moyennes radicalisées dans les bras du capital monopoliste... Ce parti (le NSDAP) se développa grâce à une démagogie effrénée et aux subsides de l’industrie lourde »[31]. La social-démocratie, dans un premier temps, avait aussi défendu l’idée - elle qui prétendait représenter surtout les couches moyennes - du fascisme comme dictature politique de la petite-bourgeoisie  ou bonapartisme .; le bonapartisme se définit comme un rapport d’équilibre et d’égalité entre les deux classes principales dont l’Etat apparaît indépendant; ce qui ne tient pas historiquement: ou la bourgeoisie maintient sa domination, ou elle est renversée par le prolétariat en armes, la conciliation des classes est une duperie classique au profit des forces capitalistes.

Trotsky reprendra lui aussi ce thème du bonapartisme pour la Russie.


NOTES 


[1]Gardez en mémoire les trois fractions définies par Baudelot et Establet :

- la fraction I commerçante

- la fraction II petite bourgeoisie des compromis d'Etat

- la fraction III encadrement du secteur économique.

[2]cf. La petite bourgeoisie en France de Baudelot et Establet (1974) ed Maspéro.

[3]Baudelot et Establet p61

[4]Ibid p.65

[5]Ibid p. 73 et ils ajoutent, prévision géniale de ce qui se passe 50 ans plus tard : « Effet naturel et spontané du développement moderne des forces productives, la nouvelle classe ouvrière n'aura plus pour cœur le travailleur manuel, l'ouvrier métallurgiste, mais le travailleur intellectuel, ingénieur ou technicien » . Déjà ces trois auteurs anticipent la place prépondérante que va prendre l'informatique et l'ordinateur (p.82 et suiv.)

[6]Ibid p.107.

[7]Lors de mon embauche à EDF en 1970, toutes les tâches de l'ouvrier de base et de l'employé étaient définies comme « répétitives ».

[8]Ibid p.108. 

[9]Ibid p.154.

[10]« Dans cette analyse il résulte que les petits bourgeois, quelle que soit leur catégorie, se distinguent fortement des ouvriers, « par leur pratique d'accumulation ». Ce fait même de l'accumulation peut même les opposer aux ouvriers : pour autant qu'il est salarié, le cadre supérieur a intérêt à lutter contre la vie chère ; mais pour autant qu'il a de l'or, des actions ou du bien au soleil, son intérêt, dans la lutte contre l'inflation, est beaucoup moins évident. Consommation de luxe et surtout accumulation sont les deux preuves principales que le petit bourgeois se voit rétrocéder par le capitalisme une part de plus value. Notre analyse a suivi la voie indiquée par Marx dans Le Capital à propos des capitalistes eux-mêmes : « Le progrès de la production ne crée pas seulement un nouveau mode de jouissances... » (Le Capital, ed sociales, livre 1, tome III, p.34. Le petit bourgeois n'extorque pas lui-même la partt de plus-value qui lui est rétrocédée.

[11]Ibid p.239.

[12]Or nos auteurs se trompent en réalité il y avait 0 % de représentants du prolétariat, à moins d'oser encore considérer à l'époque que PCF et PS étaient des « partis ouvriers » !

[13]Ibid p.253.

[14]Ibid p.256.

[15]Ibid p.258.

[16]Ibid p.260.

[17]« le syndicat n'est pas seulement un interlocuteur mieux reconnu, il est indispensable à la bonne marche du service » p.289. Quant à la Fraction 1 (les écolos) , elle « est amenée à défendre sa part de plus-value, en aspirant à un freinage des forces productives : l'idéal auquel elle se raccroche désespérément est celui qu'ont réalisé les professions libérales, une société capitaliste qui à la fois permettrait la concurrence et la limiterait. La fraction 11 ne peut accroître sa part de plus-value qu'à la condition au contrairement de se développer numériquement » (…) extension des pouvoirs de la petite bourgeoisie publique, extension des services publics, extension de la liste des droits de l'homme (ou maintenant de la femme)  p.291.et 292. Le tout présenté comme « socialiste » !

NB : les petits bourgeois des services publics (bien que salariés) travaillent pour la plupart à l'écart et à l'abri des normes de la production ». ; « l'enseignement est d'abord l'affaire des enseignants », etc.  C'est pourquoi depuis 80 ans cette « aristocratie ouvrière » a toujours mené des grèves pour son propre compte, ce que ne voient pas nos révolutionnaires de clavier.

14 Cf. Miltenberg, p. 64 sqq.

15 Otto Strasser, “NS-Briefe” du 15-07-1926 ; Gregor Strasser, “NS-Briefe” du 15-08-1926 ; W. Armin,        “Der Nationale Sozialist” du 28-06-1930.

[18]Le nazisme et son ombre sur le siècle (ed Spartacus), plus de vingt ans déjà ! Que le temps politique passe vite ! Les gens des cahiers Spartacus ne l'avaient pas publié pour mes beaux yeux mais pour se dédouaner et se démarquer de ceux parmi eux qui considéraient les chambres à gaz comme une invention idéologique.

[19] Stern, 'Hitler'.

[20] Ibid.

1212  Résolution du Congrès du Parti de Weimar 1926, BA NS 26, cit. 389.

1313  Cf. le Chapitre A de la Sixième Partie.

(*)(*)  Deutsche Demokratische Partei = Parti démocrate allemand. (NdT).

[21] Trotsky: Qu'est-ce que le fascisme? 1933.

[22] Où va la France ?

[23] Pouvoir politique et classes sociales, p.195. Ed Maspéro 1968.

[24] Albrecht Betz, Exil et engagement..

[25] Ibid.

[26] Ibid.

[27] Albert Treint, op.cit.

[28] Cf . Albert Treint: 'Le fascisme au pouvoir en Allemagne'.

[29] Martin Brozsat, L'Etat hitlérien. Les premières cellules nazies d'entreprise n'étaient d'ailleurs composées que de contremaîtres, d'ouvriers qualifiés et d'employés, à l'époque plus de nature petite bourgeoise.

[30] Ibid.

[31] L'article de A.Lehmann comportait des faiblesses en ce qu'il:

- considère que le fascisme est appelé à s’étendre à tous les pays (l’introduction ne démontre en rien cette intéressante affirmation; l’idée erronée de ' mondialisation du fascisme' est reprise par les bordiguistes après-guerre mais avec une dénonciation de l'anti-fascisme; c'est ne pas voir le fascisme comme période de réaction dans deux principaux pays européens où a eu lieu une tentative de révolution à l'exemple des bolchéviks (Italie et Allemagne); et pour le reste un partage du travail avec l'antifascisme;

- ne montre pas les conditions particulières qui l’ont fait apparaître en Italie et en Allemagne et nulle part ailleurs (défaite brutale de la classe ouvrière après un mouvement puissant, et mauvaise part dans la répartition du gâteau impérialiste) ;

- est peu élaboré sur l’analyse de la dégénérescence en Russie.


 

 

 

 



[1]Elle ajoute tout aussi précisément : «Tout opposant, qu’il s’agisse d’un courant, d’un parti ou d’un pays entier, se voit traité en ennemi (désigné par des noms de maladies : « la lèpre populiste »). Autrement dit, quiconque s’oppose n’est pas un adversaire, avec lequel on discute, mais un ennemi à abattre. C’est dire que, dans l’Europe institutionnelle, l’ambiance n’est pas démocratique – la démocratie admet des adversaires, non pas des ennemis. (…) cesser de considérer les peuples comme des ramassis de crétins. Reprendre à nouveaux frais le fondement démocratique qui veut l’autonomie des particularités, régions et nations. Le mépris et l’intolérance qui nous assaillent évoquent davantage un despotisme qu’une démocratie.

 

 

[2]Et aussi depuis deux scrutins une minoration du score de LFI qui atteint ce coup-ci près de dix pour cent et double le parti agonisant de la droite bourgeoise. Les sondés n'étant pas insensibles à la diabolisation de la tribu à Mélenchon.

[3]Ces 13% sont claironnés comme premiers pas vers une résurrection du PS et une nouvelle fable d'union de la gauche, or ce sera comme les 13 pour cent de l'écolo Jadot il y a cinq ans, une fausse embellie qui ne tiendra pas la route.

[4]Un mensonge et une façon wokiste de gommer le fait que c'est d'abord Mitterrand qui a instrumentalisé Le Pen comme ennemi absolu, que la gauche a alterné au  pouvoir pendant près de 50 ans en désignant ce diable mais ni le capitalisme ni le fait que ses caciques s'en mettaient plein les poches

[5]La secte LO est plus lucide que toutes les autres sectes révolutionnaristes : « Si Bardella semble pouvoir obtenir beaucoup de voix populaires, c’est en conséquence du dégoût qu’inspirent tous les partis de gouvernement et à la désorientation de la classe ouvrière. Mais il est un ami des bourgeois, comme ses prédécesseurs du même parti ». Le croupion NPA est la principale pute trotskienne, non seulement ils soutiennent la guerre en Ukraine mais ont appelé à voter pur la passionaria communautariste et pro-Hamas de LFI : C’est pourquoi, malgré les désaccords que nous pouvons avoir avec la France insoumise sur l'Ukraine ou d'autres sujets, le NPA l’Anticapitaliste appelle à voter ce dimanche 9 juin pour la liste de l’Union populaire conduite par Manon Aubry ».

 

 

 

[6]Le RN de Bardella a probablement le premier le plus surpris et...désarçonné !

[7]Cf. les meneurs principaux des gilets jaunes.

[8]C'est le cas aujourd'hui avec les pâles idoles Bardella et Glucsmann.

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