PAGES PROLETARIENNES

samedi 28 mai 2022

Mourir pour Kiev et le Capital ?


La guerre en Ukraine continue de faire rage avec au moins 300 morts par jour. On parle de dizaines de milliers de morts dans les deux camps, chaque camp attribuant bien sûr le plus grand nombre de morts au camp rival. Saura-t-on un jour le nombre de milliers de civils massacrés. Partout il y a un nombre considérable de blessés, amputés, aveugles, mourants. L'horreur nous est si proche que les médias l'ont chosifiée en feuilleton inséré entre les publicités télévisuelles. Rien n'est véritablement dénoncé ni approfondi. Jusque là nos généraux d'opérettes devenus conseillés des journalistes en experts de terrain nous décrivaient avancées, reculs, stratagèmes militaires, diabolisme du méchant Poutine.L'horreur en devenait, en devient (provisoirement) aussi proche qu'un jeu électronique.


En Occident, en un lointain passé on manifestait souvent par exemple contre la guerre d'Algérie (non loin de son épilogue), contre la guerre du Vietnam, puis les guerres se déroulant surtout en Afrique ou au Moyen Orient, on s'en désintéressa. La raison de ce désintéressement en fût principalement l'atonie du prolétariat après les éclairs de sa lutte de classe à la fin des sixties, la crise économique n'étant pas si grave qu'elle ait pu, dans les pays occidentaux, ni déboucher sur une guerre ni sur une révolution. On oublia chez la plupart de nos révolutionnaires amateurs que les deux générations d'ouvriers précédents avaient subi à la fois 1914 et 1940, mais aussi les guerres coloniales. Je me rappelle, lorsque j'ai commencé à travailler, il y a 50 ans, que je cotoyais des prolétaires qui avaient été engagés dans la seconde boucherie mondiale et une majorité en Algérie. L'idée de révolution les faisait également rire, voire pitié. Les générations d'après guerre sont en général marqués dans leur chair et leur esprit pas l'atrocité de la guerre. Ils étaient assez violents avec moi si j'essayais, non pas de les culpabiliser, mais de les engager dans une réflexion sur l'inanité de leur participation. Le tentative de révolution en Allemagne en 1918, fût aussi plus une révolte de soldats qu'une marche pour imiter la révolution en Russie. En gros, comme je l'ai démontré souvent, la guerre ne favorise pas la révolution.

La bourgeoisie en France, son aile dit « progressiste » (ou qui se croit telle), dite antiraciste, défenseuse des bigotes musulmanes, prometteuse de lendemains hexagonaux qui chantent, se fiche complètement du massacre tout à la compétition électorale ridicule. C'est une irresponsabilité qu'il ne faudra jamais oublier. Pourquoi ? Evidemment que le roi des bobos et les cliques écolos et musulmaniaques ne représentent pas la classe ouvrière sans patrie et sans distinction de races. Leur dissolution idéologique de la classe ouvrière avec leurs théories fémino-antiraciste-islamophiles, correspond au besoin pour la bourgeoisie française d'encadrer les communautarismes et de prétendre à leur intégration à la « nation » par une fumeuse « reparlementarisation » ; tare qui est méprisée désormais par le prolétariat qui, généralement, soit s'abstient, soit vote pour des candidats protestataires qui irritent le système, dans volonté d'encadrement communautariste et racialiste, plus qu'ils ne donnent véritablement les moyens pour le mettre en cause et le renverser.

Certes si le prolétariat n'était pas atone en France et ailleurs, ces cliques contestataires de la bourgeoisie animeraient au premier plan une large protestation contre la guerre, comme on le vit, faiblement contre la colonisation française, mais mondialement contre la guerre du Vietnam, protestation non révolutionnaire car une bonne partie des pacifistes et des trotskiens choisissaient le camp de « socialisme dégénéré ». Tant pis pour les anarchistes et les conseillistes qui me liront avec effroi, le prolétariat a besoin d'une tête pensante, d'un ou de partis marxistes, non dirigistes, mais donnant des indications à la fois pour conjurer la passivité et pour fournir une perspective radicale et crédible.

J'en viens à une donnée incontestable, absolument soustraite comme alternative, comme questionnement à l'acharnement sur « l'ignoble Poutine » conçu comme un malade mental ou un fou furieux1. Or Poutine est plus intelligent que tous les journalistes français et autres pitres agrégés pontifiant dans les émissions pipoles des sœurs bluffeuses BFM et Cnews. Derrière la guerre la question sociale est primordiale. Sans la prendre en compte chefs d'Etat et généraux sanguinaires iraient à la catastrophe sociale et politique.

La myopie volontaire des médias

Toute l'explication de l'entrée en guerre reste attribuée à la barbarie de Poutine. On laisse sans la table les manœuvres souterraines américaines depuis trente années, et la croyance que l'effondrement de l'URSS n'impliquerait aucune volonté de revanche de la part de la bourgeoisie russe ; on notera alacrité que jamais ne sont employés les termes de bourgeoisie russe, il n'y en a que pour les « oligarques » comme si quelque part la Russie poutinienne restait stalinienne voire léninienne du fait d'une encore grande domination du fonctionnariat d'Etat. De même on ne parle jamais de classe ouvrière en Russie, mais d'une population « terrorisée » et mystifiée par la dénonciation des « nazis ukrainiens ».

Or c'est d'abord oublier que l'impossible blitzkrieg2 (que Poutine attribue maintenant à l'Occident avec son langage orwellien) n'implique pas les centaines de conscrits en réserve, même si l'on ne cesse de nous raconter que Poutine a envoyé des jeunes pour un simple « exercice d'entraînement ».

Deuxièmement ce n'est pas une guerre classique car asymétrique, et se déroulant sur le seul pays envahi par la soldatesque russe. D'un côté, il y a cette armée russe de soudards professionnels, expéditionnaire, qui ne fait pas appel à la levée en masse, à la conscription, qui n'envoie pas ses jeunes, elle n'envoie que des volontaires. En face, on a l'Ukraine, un pays de 40 millions d'habitants où la bourgeoisie a délégué le petit Zelensky pour encaserner tous les hommes valides et les envoyer au casse-pipe, tout en étant glorifié et encensé par les médias occidentaux.

Troisièmement, dès mars, du côté des soldats (prolétaires en armes) on a fini par savoir qu'il y a eu des défections des deux côtés, écornant la dénonciation d'une barbarie intégrale seulement côté russe, pas seulement contre le massacre ignoble des civils – où la Cour de La Haye veut nous refaire le coup des « crimes de guerre » comme si la guerre n'était pas le principal crime – mais notamment au regard du risque de corruption d'une partie des officiers, tant du côté ukrainien que russe 3!4

Les images de défections ou de redditions sans combat sont mises en exergue par la propagande militaire des deux camps, sans préciser que c'est également dans leur propre camp ; ce sont des falsifications historiques traditionnelles de même qu'on ne trouve dans aucun manuel que des routes en Allemagne après la défaite de Hitler étaient bordées de soldats allemands pendus... pour l'exemple.

Quatrièmement, et ce fut le plus important : la préparation de la guerre en vue de paralyser le prolétariat.

LES ETATS OCCIDENTAUX VICTIMES DE LEUR STUPIDE IGNORANCE DU PROLETARIAT (une guerre cela se prépare d'abord par un endormissement du prolétariat pas par des mouvements de troupes)

Enfin pas dans leur camp, excepté l'invocation fantasmatique de la der des der atomique, aucun propagandiste ne s'avance à en appeler à mobiliser les millions de conscrits européens, car à la question « mourir pour la patrie » des stades de football entiers éclatent de rire ou gardent le silence.

Le «stupide autocrate » Poutine avait préparé, dès novembre 2021, la guerre non pas en terrorisant sa classe ouvrière, et en s'appuyant sur une dénonciation fictive du nazisme (assez semblable à celle de nos islamo-gauchistes) mais par une réunion « par visioconférence sur les questions sociales ».

La réunion s’est déroulée en présence du chef de cabinet du bureau exécutif présidentiel Anton Vaino , du vice-Premier ministre Tatyana Golikova , de l’assistant présidentiel Maxim Oreshkin , du ministre du Travail et de la Protection sociale Anton Kotyakov , du vice-ministre des Finances Pavel Kadochnikov. En gros le personnel du ministère du travail chargé de la classe ouvrière avait étudié sérieusement les possibles réactions du « bloc social » en prenant soin d'accuser lourdement l'Occident d'être responsable de l'inflation et de la paupérisation.

Au cours de cette réunion, Vladimir Poutine avait expliqué  :

«  Je voudrais résumer certains des résultats de nos conversations, des réunions que nous avons tenues récemment sur des questions de politique sociale, y compris la réunion d’hier. Nous avons discuté des questions les plus importantes qui concernent sans aucun doute les citoyens. Ils sont associés à une augmentation des revenus, du bien-être, de la qualité de vie des personnes, et concernent globalement tout le monde ».

J’insiste : le bloc social est au cœur de notre politique étatique et l’une des priorités clés du budget fédéral. Les députés de la Douma d’Etat y travaillent également activement. À cet égard, je voudrais souligner un certain nombre de questions qui nécessitent une action conjointe des autorités législatives et exécutives.

Je propose de fixer un niveau plus élevé du minimum vital pour 2022, pour l’augmenter à un rythme plus rapide que l’inflation, à savoir de 8,6%. En valeur absolue, pour l’ensemble du pays, le minimum vital devrait s’élever à 12 654 roubles par mois, soit mille roubles de plus qu’aujourd’hui »5.

Rebelote en ce mois de mars (et en pleine guerre) et un journal titre même, sans en comprendre le sens « réduire la pauvreté en plein conflit » : « lors de cette réunion gouvernementale diffusée à la télévision, il a promis d'augmenter "le minimum vital, les salaires de fonctionnaires", les retraites et de supprimer des entraves administratives pour les affaires. Aussi, le président russe a promis une série d'aides financières aux particuliers et aux entreprises pour faire face à l'avalanche de sanctions, assurant surmonter le "blitzkrieg" économique occidental contre la Russie.

« Notre économie, le budget de l'État, les entreprises privées ont toutes les ressources nécessaires pour résoudre les tâches à long terme", a-t-il affirmé, estimant que "même dans la situation actuelle, nous devons parvenir à une réduction de la pauvreté et des inégalités"6 ».

Un discours nullement autocratique mais destiné à s'assurer la passivité de la petite bourgeoisie commerçante en Russie et de ses intellectuels girouettes : »Nous comprenons l'ampleur de la transformation que notre économie devra subir pour devenir encore plus forte. Le principe de base de la réponse économique restera la liberté maximale de l'activité économique à l'intérieur du pays, en réduisant au minimum la réglementation et le contrôle, et, bien sûr, en soutenant le marché du travail ».

Le « fou Poutine » a demandé ensuite à son gouvernement d’injecter de l’argent frais dans l’économie pour relancer la consommation. “Il est maintenant de la plus haute importance de soutenir à nouveau la demande intérieure, pour éviter qu’elle ne se contracte excessivement”, a déclaré M. Poutine. Les moyens d’y parvenir sont à portée de main, après “un excédent budgétaire record” au premier trimestre.

Au mois d'avril, compatissant face au taux d'inflation (dû surtout à sa guerre », Poutine se réjouit de ce que la « blitzkrieg économique de l'Occident » a échoué !

20 AVRIL 22 ! Le président Vladimir Poutine admet que «ce sont des chiffres très élevés. Les gens le ressentent dans leur budget familial, ils sentent comment les prix ont augmenté, et nous devons soutenir nos citoyens, les aider à faire face à la vague inflationniste».

Peu avant, la présidente de la Banque centrale de Russie, Elvira Nabioullina, avait fait part elle aussi de ses inquiétudes : «Notre économie entre en effet dans une période difficile de changement structurel en raison des sanctions. Les sanctions ont principalement touché le marché financier. Désormais, elles affecteront de plus en plus les secteurs réels de l’économie.» Malgré les mesures déjà mises en place, l’inflation, atteignant les 17% au mois de mars, a largement dépassé l’objectif des 4% fixé par les autorités russes. Cela explique la décision de Vladimir Poutine, relayée sur le site du maire de Moscou Sergueï Sobianine, de créer un système de soutien aux citoyens, donnant la préférence à certains groupes sociaux, telles que les familles avec enfants....Lequel maire a rappelé qu’en se retirant du marché russe, les entreprises étrangères laisseront de nombreux employés sur le carreau : «Nous estimons qu’environ 200 000 personnes risquent de perdre leur emploi.» En réponse, le gouvernement a prévu mobiliser 3,36 milliards de roubles (38,4 milliards d’euros). De plus, l’Etat prévoit la mise en place d’«emplois temporaires» pour les salariés licenciés, comme la «gestion des archives» ou «la réparation des équipements de la ville». Proposition qui peut paraître incongrue, dans la mesure où les premiers touchés seront les salariés qualifiés et impliqués dans l’économie globalisée.

UN QUOIQU'IL EN COUTE RUSSE

(pas seulement en vies humaines)

Re-rebelote, le 25 mai, Poutine a ordonné une augmentation de 10 % des pensions et du salaire minimum pour protéger les Russes de l'inflation, mais a nié que les problèmes économiques du pays étaient tous liés à la guerre en Ukraine. Avec une inflation annuelle proche de 18 % le mois dernier, le chef du Kremlin a reconnu que 2022 serait une année "difficile" pour l'économie russe.  « Quand je dis "difficile", cela ne signifie pas que toutes ces difficultés sont liées à l'opération militaire spéciale », a-t-il ajouté lors d'une réunion télévisée du Conseil d'État à Moscou. Avec toutefois une once de vérité :

« Parce que dans les pays qui ne mènent aucune opération - disons, à l'étranger, en Amérique du Nord, en Europe - l'inflation est comparable et, si vous regardez la structure de leurs économies, même plus que la nôtre ».

L'augmentation des pensions entrera en vigueur le 1er juin, tandis que la hausse du salaire minimum entrera en vigueur le 1er juillet. La guerre, qui coûte énormément cher, confirmera que ces mesures n'empêcheront pas une forte baisse des revenus réels.

Même avec une augmentation de 10 % du salaire minimum et des pensions de retraite, il est plus probble que les revenus réels disponibles des Russes diminuent de 7,5 % et que les salaires réels baissent de près de 6 % cette année. La pauvreté pourra passer de 11 % en 2021 à 12,6 % cette année. Le salaire minimum en Russie est actuellement de 13 890 roubles (250 $) par mois, tandis que la pension de retraite moyenne s'élève à 18 521 roubles par mois7.

Toujours en ce mois de mai, après avoir rendu visite aux soldats blessés dans un hôpital militaire de Moscou, Poutine a annoncé augmenter les salaires des soldats russes « stationnés » en Ukraine.

Mais le facteur le plus significatif des limites de la guerre de l'envahisseur Poutine reste qu'il ne peut pas lancer ni organiser une "mobilisation générale"... au risque de réveiller vraiment le prolétariat en Russie!

Enfin, nous allons examiner comment, plus clairement qu'en 14 et en 39, le camp pacifiste et populiste qui se prétend le défenseur des opprimés (jaunes, verts, rouges) et des offensés (de couleur et islamingants), choisit un camp impérialiste, l'occidental, au nom d'un nationalisme moins discret que les traîtres socialistes à la veille des deux guerres mondiales du siècle dernier.

COMMENT ET POURQUOI LES LUTTES PARCELLAIRES CONDUISENT AU NATIONALISME

On doit en partie et surtout à Révolution internationale d'avoir dès la fin des sixties identifié et dénoncé les idéologies parcellaires défendues par les gauchistes infantiles (féminisme, tiers-mondisme, défense des homos, etc.). L'héritage de ces mystifications du genre réformiste et contingentées aujourd'hui et avec nulle référence ni à la vraie révolution ni à la classe ouvrière, sont devenues la bouillabaisse de bas de la gauche et de l'extrême gauche bourgeoise. Mais voilà qu'elles se sont ridiculisées, donc décrédibilisées face à la guerre en Ukraine, mieux encore que les traîtres socialistes en 14 ou en Algérie : ces vieilles idéologies (féminisme, antiracisme, décolonialisme, wokisme...) conduisent … au front !

En premier lieu il faut dénoncer ici l'idéologie féministe bourgeoise, avec cette prétention à un égalitarisme nunuche en tout domaine et en toute circonstance, et enfin pour la patrie. Voici la campagne des féministes ukrainiennes à l'oeuvre : « Les femmes font tout pour être en première ligne du front, mais à cause de règles anciennes, qui n’ont pas été modifiées dans l’institution militaire, elles doivent rester à l’arrière. Aujourd’hui elles veulent se battre et ne comprennent pas pourquoi elles doivent subir ces règles surannées »8. Mieux encore l'exemple stalinien peut être invoqué, quoique avec certaines limites par Adrienne Harris : « Dans les années d’avant-guerre, les femmes soviétiques étaient encouragées à participer à des activités qui ne leur étaient pas traditionnellement dédiées, comme par exemple manipuler des armes militaires. Mais dès que la guerre a commencé, les femmes ont été reléguées à la maison, ou dans des postes qui ne correspondaient pas à leur formation de combattante. Pavlichenko a dû se battre pour être mobilisée au combat ». Il faut cher lecteur que tu visionnes le film ignominieux qui défend cette énormité : https://www.arte.tv/fr/videos/104952-005-A/inner-wars/

L'antiracisme – qui est un instrument de division de la classe ouvrière en même temps qu'un support au « nationalisme libéré »9 - à la veille des décolonisation, en 1914 puis dans le cas du Vietnam, a fait des miracles de patriotisme. Au fur et à mesure de la colonisation, l’armée française recruta dans toute l’Afrique noire, bien au-delà des « Sénégalais ». Toutes les classes sociales se trouvaient concernées, même si les trois quarts des tirailleurs restaient issus de familles esclaves ou anciennement esclaves - au point qu’on a parlé d’« armée d’esclaves » pour qualifier les bataillons coloniaux africains engagés durant la Grande Guerre - auxquels s’ajoutaient, pour l’encadrement subalterne, des fils de chefs africains dont on s’assurait ainsi de la loyauté. Les besoins en hommes étaient tellement importants que, loin d’être fondé sur le seul volontariat, le recrutement s’opérait souvent de manière autoritaire. En un demi-siècle, plus de 6 millions de km2 furent conquis en Afrique occidentale et équatoriale par quelques centaines de Français et 12 000 tirailleurs.

C’est le livre de Charles Mangin, en 1910, La Force noire , qui révolutionna cette vision des choses. Ce lieutenant-colonel issu de la grande bourgeoisie de l’Est, obsédé par le danger allemand, militait pour l’utilisation des tirailleurs en Europe, dans la perspective d’une guerre de plus en plus probable contre l’Allemagne. Son argument était que les tirailleurs étaient des soldats valeureux, dotés de particularités physiques une plus grande résistance à la douleur, notamment, qui pouvaient utilement venir renforcer des troupes françaises affaiblies par la dénatalité : « Dans les batailles futures, ces primitifs pour lesquels la vie compte si peu et dont le jeune sang bouillonne avec tant d’ardeur et comme avide de se répandre atteindront certainement à l’ancienne "furie française" et la réveilleraient s’il en était besoin . »

La Force noire suscita un débat à la Chambre : Jaurès et la gauche s’inquiétaient d’ « une armée prétorienne au service de la bourgeoisie et du capital ». Finalement, en 1912, furent admis la conscription des colonisés et le principe d’utilisation des troupes coloniales en métropole. La mobilisation de ces troupes s’effectua dès août 1914. Mais ce fut à partir de l’automne, lorsque la guerre apparut comme devant durer, qu’un recrutement de masse fut organisé. De 8 000 tirailleurs en août, on passe à 40 000 fin 1916, répartis en 60 bataillons.

En dépit de l’inexpérience des tirailleurs, et de mouvements de panique dans les premiers temps de la guerre, les bataillons noirs participèrent à la plupart des grandes offensives, dont l’Artois et la Champagne en 1915, Verdun en 1916 et le Chemin des Dames en 1917.

Les qualités militaires des tirailleurs étaient louées par les militaires et les hommes politiques, jusque par le président de la République Raymond Poincaré. La presse emboîta le pas en soulignant leur courage, leur loyauté et leur civilité.

Certes, des bagarres pouvaient éclater entre soldats, à la suite d’une insulte raciste par exemple. L’historien Joe Lunn rapporte que le soldat Ndiaga Niang, de Saint-Louis, se fit rabrouer par un soldat blanc au moment de trinquer : « Ne touche pas à ma tasse, tu es trop sale. » Niang répliqua par un coup de poing, une bagarre s’ensuivit et l’incident se termina devant le capitaine, qui donna raison à Niang et punit le soldat blanc. Les deux hommes devinrent finalement amis. Dans l’ensemble, en effet, il semble bien que la camaraderie l’emportait. Des amitiés se nouèrent, prolongées par des visites dans les familles lors des permissions. La maîtrise de la langue française était aussi un facteur important, permettant ou non des rapprochements10.

Il est probable qu’au total plusieurs milliers de tirailleurs furent exécutés en 1940 par les « racistes nazis » ; Raffael Scheck en a dénombré environ 3 000 à partir des archives militaires et des témoignages. Mais il faut ajouter tous les inconnus qui furent assassinés sans laisser de trace, les malheureux extraits d’une colonne de prisonniers et abattus dans le fossé par un soldat ou un officier qui voulait se distraire ou faire du zèle.

Au Vietnam un antiracisme cynique de la bourgeoisie américaine :

La protestation estudiantine américaine peut être saluée historiquement non pour sa qualité d'étudiante ni de présumés "fils de la classe ouvrière", mais comme avant-garde juvénile sortant de la longue contre-révolution et estafettes d'un prolétariat encore à moitié endormi, pas par cynisme mais parce que, comme en France, cette classe avait déjà "donné" massivement en 39-45. La dimension "blacks panthers" a ajouté à la confusion, évitant aussi de mettre en lumière la classe ouvrière (blanche et noire) qui reste toujours à l'arrière plan la classe qui peut être décisive et la seule apte à paralyser ou empêcher les guerres. Les Afro-Américains ont joué un rôle de premier plan dans la guerre du Vietnam. La guerre du Viêt Nam fut la première guerre américaine dans laquelle les troupes noires et blanches n'étaient pas formellement séparées bien qu'une ségrégation de facto eut toujours lieu malgré la promulgation différentes lois fédérales comme le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 prohibant toutes les lois et réglementations ségrégationnistes sur l'ensemble des États-Unis.

Les Forces Armées prirent des mesures pour que les troupes afro-américaines se sentent plus incluses, notamment en ajoutant de la musique plus diverse dans les juke-box, en embauchant des groupes et des danseurs afro-américains pour des événements divers et en faisant venir des artistes afro-américains pour jouer, tels que James Brown, Miss Black America (en) et Miss Black Utah. Les magasins des bases militaires ont commencé à stocker des produits de soins capillaires noirs et des vêtements comme des dashikis, tandis que des livres sur la culture et l'histoire des Afro-Américains furent ajoutés aux bibliothèques des bases. En 1973, les coiffeurs militaires furent formés pour couper les cheveux noirs. Un bon nombre de ces changements furent mis en place vers la fin de la guerre lorsque le nombre de militaires était considérablement réduit, ce qui signifie qu'une majorité de troupes afro-américaines qui ont servi pendant la guerre du Vietnam n'ont pas pu bénéficier de ces réformes11.

Ajoutons que, à l'heure actuelle, l'armée américaine est composée de beaucoup de noirs, en particulier ceux par milliers qui ont été envoyés en Europe récemment au cas où Poutine...

LA GUERRE EST POURTANT LA PRINCIPALE POLLUTION...

Dans le soutien au nationalisme ukrainien par la gauche islamo-wokiste il y a de terribles nuances même si elles restent sous aisselle américaine. Si les écologistes n'ont de cesse de dénoncer la complaisance des Insoumis à l'égard de Poutine, c'est autant par souci de leur soutien au nationalisme ukrainien que par stratégie électorale.

Les braves écologistes reprochent à LFI leur position anti-atlantiste, une complaisance aléatoire à l'égard de la Russie de Poutine dont Mélenchon a estimé, le 30 janvier dernier, qu'elle n'est pas "dans la position agressive". Les rigolos Insoumis accusent à leur tour leurs confrères écolos-bobos d'embrasser la stratégie géopolitique d'Emmanuel Macron. 

Pollution des sols, des eaux, incendies, destruction de la biodiversité… la catastrophe environnementale n'est-elle pas secondaire par rapport à la catastrophe humanitaire de la guerre en Ukraine ? C'est un argument dénoncé par une partie des écolos-bobos et qui peut justifier leur indifférentisme pacifiste. Mais l'autre fraction pacifiste envisage avec joie la positivité des destructions de la guerre : « C’est encore de la science-fiction aujourd’hui, mais il faudra tirer des leçons, arrêter les industries les plus polluantes et en retenir quelque chose de positif. Si Volodymyr Zelensky reste en poste, il aura intérêt de jouer la carte européenne et donc de la vertu environnementale.12 »

La troisième fraction, la plus importante autour du candidat malheureux Jadot révèle que la guerre en Ukraine a fortement décrédibilisé le discours écologiste, en particulier son modèle énergétique ou son pacifisme historique, vu son engouement pour le nationalisme ukrainien. Les positions portées par le Jadot à l’élection présidentielle depuis le début de l’invasion russe heurtent (ndlr son appel à l'envoi d'armes pour Zélensky) les tenants d’une ligne pacifiste dans son propre camp. Ils lui reprochent une surenchère, au risque de rompre avec l’identité de non-violence des Verts, dont le prolétariat n'a que foutre.

"Le monde", organe des bobos cultivés et écologisés, se pose des questions à côté de la plaque et ridicules : La guerre en Ukraine risque-t-elle de freiner la lutte contre le dérèglement climatique ? Pour ces cancres qui se fichent des milliers de morts civiles et des destructions ahurissantes la transition énergétique reste la priorité, pas la transition...communiste ! Mais pour se défaire des combustibles russes et répondre à l’envolée des prix de l’énergie, les grandes économies doivent... chercher déjà à relancer la production de charbon, de pétrole et de gaz. Voyons en passant un autre choix nationaliste écologique...russophile :

Quand les écologistes deviennent les idiots utiles de la Russie

« Depuis quinze ans, sous la pression des écologistes de tous les partis, l’Europe s’est massivement engagée dans l’interdiction de l’exploitation du gaz de roche-mère (schiste), dont nos sous-sols regorgent pourtant et dans la destruction de nos capacités nucléaires civiles. Dominique Reynié de la Fondation pour l’innovation politique (FONDAPOL) rappelait récemment que le gouvernement russe finance de longue date des mouvements, ONG, organisations et partis écologistes européens qui militent pour l’interdiction du gaz de schiste et la destruction du nucléaire civil. Et de citer l’exemple de la Belgique, dont l’actuelle ministre de l’Énergie Christinne Van der Straeten du parti écologiste GROEN est issue d’un cabinet d’avocats qui fut massivement rémunéré par GAZPROM, le géant gazier du gouvernement russe.

Comment expliquer ce compagnonnage de route — d’aucuns parleraient de collaborationisme — entre le gouvernement russe et des écologistes européens ? Parce que l’interdiction du gaz de schiste et la destruction du nucléaire civil condamnent mécaniquement l’Europe à dépendre du gaz russe. 40 % du gaz européen est importé depuis la Russie : 55 % en Allemagne.

La question se pose de savoir si les électeurs européens des partis écologistes persisteront à donner leur suffrage à des mouvements inféodés au régime impérialiste russe. Pire : l’argent qui finance le viol de l’Ukraine est celui du gaz russe vendu aux Européens. Let that sink in, gentil électeur souriant avec des pâquerettes dans les cheveux.

Quoi qu’il en soit, il n’aura pas fallu 48 heures à l’Allemagne pour liquider l’intégralité des seize années de mandat de Mme Merkel. De l’ère Merkel, il ne reste désormais rien, sinon les réfugiés du catastrophique Wir Schaffen Das.

Du jour au lendemain, l’Allemagne vient de décider d’investir cent milliards d’euros supplémentaires dans ses forces armées. Boum, cent milliards ! L’Allemagne se réarme jusqu’aux dents et tout le monde en Europe s’en réjouit : pas de doute, l’époque a changé. (Les Français qui ont la mémoire longue auront quand même une légère remontée d’acidité face à cette « bonne nouvelle ».) Un programme de réinvestissement lourd, allemand et sérieux : donc dans du matériel. Pas dans les frais de retraite et de personnel, comme le font les armées-clowns d’autres pays européens, celles qui lèveront un linge blanc dès que pointera une sarbacane. (…) Dieu nous préserve des amateurs »13.

 Brève conclusion. Historiquement la classe ouvrière est la seule, par sa conscience et sa place dans la production à pouvoir combattre et arrêter les guerres. Les classes intermédiaires, les petits bourgeois en colère, composent, gesticulent, négocient et finissent toujours par se vendre au plus offrant ou se donner au plus démagogue populiste. Dans le drame présent personne ne l'affirme ni n'invoque sa responsabilité, hormis de minuscules groupes. Pourtant c'est bien simple, cela pourrait l'être: appel à une grève totale dans tous les pays où c'est possible, non pas générale, qui est une vieillerie syndicale désormais cacochyme, mais visant à totalement paralyser l' action criminelle du capitalisme. Elle ne pourra pas être décrétée, mais elle devra progresser, pas forcément là où les bombes tomberont. Au bout du compte, ne pas l'oublier, le capital sera sans pitié si on a la moindre pitié pour lui.

 

 

NOTES

1Je le répète, comme en France, au niveau international, s'est développé une exclusion de tout raisonnement politique concernant institutions et classe, une doxa individualiste : pas d'Etat russe mais le méchant Poutine, pas de bourgeoisie ukrainienne mais un nouveau Churchill, pas de prolétariat mais des populations, des ukrainiens, des russes, pas de capitalisme mais des oligarques, pas un capitalisme US mais la démocratie américaine, etc.

2Je me suis trompé, j'ai cru aussi au début à une blitzkrieg en faveur de laquelle Poutine aurait « commis une erreur », quand il est en train de ridiculiser le camp occidental en saluant une guerre « destinée à durer ».

3Trafic d'armes, malversations, partages des pillages, etc. Cela me rappelle une anecdote de mon père en 39-45, il avait récupéré une paire de botte. Son officier lui intima : « ces bottes ne sont pas pour toi mais pour moi, donne-les ». Mon père avait dû s'incliner sans pouvoir lui casser la gueule, pourtant il était grand.

4Un cordial salut à ces députés (certes communistes en peau de lapin) qui ont interpellé Poutine contre la guerre : https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-des-elus-communistes-russes-lancent-un-appel-a-poutine-pour-arreter-l-offensive-20220527

8Masha Kondakova https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/ukraine-de-la-revolution-a-la-guerre-un-patriotisme-au-feminin-1041638

9 A sa façon Taguieff le démontre bien :« Le prétendu « nouvel antiracisme », baptisé également « antiracisme politique » par les idéologues du décolonialisme, n’est autre qu’une machine de guerre contre « les Blancs » et la « société blanche ». Il dérive de la définition antiraciste du racisme fabriquée par des militants afro-américains révolutionnaires à la fin des années 1960, et connue sous diverses dénominations : « racisme institutionnel », « racisme structurel » ou « racisme systémique ». Il ne s’agit pas d’une conceptualisation du racisme, mais d’une arme symbolique qui consiste à réduire le racisme au racisme blanc censé être inhérent à la « société blanche » ou à la « domination blanche », celle-ci étant la seule forme de domination raciale reconnue et dénoncée par les néo-antiracistes. On en retient le message simpliste selon lequel la société blanche tout entière serait intrinsèquement raciste. Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en soient conscients ou non, « les Blancs » seraient des dominants et des « racisants », ce qui revient à nier les responsabilités individuelles non sans faire obstacle à l’identification des vrais coupables d’actions racistes ».  

https://atlantico.fr/article/decryptage/pierre-andre-taguieff---le-pseudo-nouvel-antiracisme-n-est-autre-qu-une-machine-de-guerre-contre-les-blancs--

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