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jeudi 29 avril 2021

Patapouf Anasse président ?



Fin juillet 2018, je m'étais penché sur la crise souterraine du NPA, crise interne peu médiatisée. Je me hasardais à pronostiquer un éclatement inévitable, énième effritement du courant trotskien, posant la question d'un soi-disant « retour à la centralité de la classe ouvrière ? » :

«  La tension sociale et les craintes du prolétariat face à un avenir catastrophe sont pour beaucoup plus dans cette crise du NPA qu’une histoire de rivalité avec la secte bourgeoise LFI. La petite bourgeoisie multicultiraliste et islamocompatible perd pied face au malaise induit par la montée du gangstéro-islamisme et le pourrissement des relations sociales à cause des exactions (pas incivilités) parfois meurtrières contre les simples prolétaires, soutenues et théorisées par le milieu interlope des racialistes. Même avec une procréation politique assistée le trotskisme ne pourra pas constituer une arme bourgeoise pour freiner ou dissoudre le combat de classe, il se verra réserver plus probablement un strapontin au sein d’un conseil ouvrier transgenre, mais sans voix décisive au chapitre du prolétariat »1.

Le coup tordu que vient de faire aux officiels du NPA leur tendance dite CCR-Révolution permanente2 - balancer tout de go la candidature à la présidentielle bourgeoise d'un certain Anasse Kazib, sans consulter l'organisation dont la sous-secte est affiliée et tributaire – est dans la manière très « léniniste », (cf. le comité central c'est moi et je décide ce que je veux »). On verra par après la vacuité du gang à Kazib, mais aussi les réponses empruntées et gênées de sept membres du comité central du NPA. La véritable raison n'est pas seulement qu'un petit chef syndicaliste veuille pousser jusqu'au bout la logique islamo-gauchiste de la pire branche girouette du trotskisme, mais que le NPA ne veut pas renouveler l'expérience désastreuse du coup de la candidate voilée.

Début février 2010 Olivier Besancenot avait défendu un projet « tout à fait révolutionnaire »: permettre à une femme voilée de représenter le NPA. Il avait affirmé qu'une femme peut être « féministe, laïque et voilée », puis qu'une femme voilée, «c'est l'image de notre intégration dans les quartiers». Il avait confirmé que le NPA présenterait - sur la liste du Vaucluse, en région Paca - une jeune candidate qui porte le voile : Ilham Moussaïd, étudiante et trésorière départementale de son parti, membre du «comité populaire» à Avignon. Patatras, on peut même faire remonter la trouvaille du terme islamo-gauchiste à cette époque quand moi je me contentais encore de les qualifier d'islamophiles foireux. Cette candidature cautionnant une religion arriérée (surtout pour la condition féminine) avait fait sombrer le NPA dans le ridicule total, même à chaque fois qu'il essayait de se justifier. Le NPA a survécu péniblement à cette bévue cocasse au fond, et a fait pire entre-temps en tenant meetings communs avec intégristes et pitres racialistes.

Le projet autour de Patapouf Anasse était du même ordre - « Un jeune ouvrier issu de l'immigration à la présidentielle » - d'où refus du comité central piteux de compter dans son orga un individualiste pareil, boosté dans son orgueil de présumé « représentant des jeunes des quartiers », pour avoir été un temps toléré comme grande gueule sur RMC. Certains médias ont toutefois relevé l'ambiguïté islamophile de Patapouf – mais toute démagogie n'est-elle pas comestible sur le plan électoral bourgeois ? - le 10 novembre dernier, participant à la « manif de la honte » contre « l’islamophobie », il avait déclaré : « On a des collègues, aujourd’hui, qui se font licencier parce qu’ils ne disent pas bonjour, ne serrent pas les mains, ne font pas la bise ! », lesquels mensonges avaient été soutenus par un tonnerre d'applaudissements des syndicalistes divers du NPA. La « lutte contre l'islamophobie » allant de pair avec « la convergence des luttes ».

Les 7 rusés politiciens du CC du NPA – qui signent le communiqué dénonçant la félonie de Patatpouf - ont bien compris en outre qu'il s'agissait d'une attaque contre la possible majorité de l'orga. Cette « fraction », je dirais plutôt ce «bout de gras» du NPA, existerait depuis trois ans au sein de l'orga, peut-être plus.

Leur site « Révolution permanente » - dit « nouveau site d'information d'extrême gauche » - est réalisé par les zozos de ce CCR (Courant communiste révolutionnaire) du NPA, un courant fortement lié au Partido de los trabajadores socialistas (PTS) argentin, et dont le site Internet sert d’ailleurs de modèle à « Révolution Permanente », vieille rengaine du Trotsky décati. Le PTS est une des nombreuses scissions du Movimiento al Socialismo, créé par le guru du trotskysme argentin Nahuel Moreno, qui passa sa vie à osciller selon les opportunités entre lambertisme, sandinisme et péronisme de gauche.

Leur site « Révolution permanente » est surtout la vitrine du CCR. Il fait preuve d’un activisme sans relâche, d’une lutte « antiraciste » au soutien, yeux fermés, au gang Traoré, faisant usage du fait divers comme fait politique, ne reculant ni devant les images et les titres racoleurs, ni les sources douteuses. Mais avec une insistance perverse et truquée sur la « centralité de la classe ouvrière », comme je l'avais subodoré en 2018 sans connaître l'existence de ce gang interne. Cette classe (surtout imaginée comme composée uniquement d'exploités cher UBER et de djeuns de banlieue) n'est que le décor pour afficher un langage « radical », qui donne ce qui suit; je retranscris une partie de la bouillie et des salades de sa présentation en vidéo, dégoulinante de forfanteries et d'exploitation de faits divers certes racistes mais certainement pas destinés à éveiller à la conscience politique :

«Moi militant de Sud-rail... il rappelle la participation de ses grands parents pour la patrie... je suis un jeune de banlieue... on (qui?) va essayer de porter cette candidature... ce qu'on veut c'est une vraie rupture révolutionnaire avec le capitalisme, le racisme, les idées révolutionnaires doivent apparaître dans cette élection présidentielle sinon qui les fera... On veut un Etat des travailleurs... c'est nous les ouvriers qui produisons tout... avec le covid y bouffent dans les restos hors de prix pendant que ceux d'en bas font la queue pour un sandwich...y a une dégénérescence du capitalisme... un jeune des quartiers populaires c'est ultra-subversif... pas avec un programme tout fait mais avec un projet révolutionnaire pour la classe ouvrière... on est la génération Adama, la génération Georges Floyd... on veut faire entendre la voix des quartiers populaires... même si c'est une pré-candidature... On ne peut pas faire confiance aux « directions syndicales » ni à LFI, Mélenchon il veut conserver le capitalisme... avec le comité Adama, les antifascistes... tous ces comités se rejoignent, avec la jeunesse écologique, les femmes, l'objectif c'est tout renverser, renverser la table. On est prêts, radicaux, révolutionnaires, notre camp c'est celui des gilets jaunes, les combats pour la retraite, etc. »

Anasse récupère au passage les pauvres gilets jaunes qu'il traitait de « fachistes » au départ comme tous les divers compères trotskiens. Les dits quartiers populaires ils votent pas vraiment, ou sur clientélisme, et à Trappes le mode de vie islamique l'emporte sur toute connotation ouvrière. Comme les autres bouts de gras du NPA ces gens-là vont hurler contre les tags sur une mosquée mais se fichent de l'égorgement de la prolétaire de Rambouillet ou de l'égorgement de Samuel Paty, comme ils seront joyeux le jour où un autre taré zigouillera la petite Mila.

C'est bourré de confusion, de vieilleries trotskiennes tel le front unique, tel rompre avec les directions syndicales, tel le parti cocotte minute ressorti du tombeau, pensant à la place des masses incultes. C'est un curieux mélange dogmatique de lambertisme ou de spartacist gigue mais baigné dans la marmelade des révoltes en tout genre où la « centralité » exaltée de la classe ouvrière n'est que la crème Chantilly pour protéger la centralité du parti (ce qui est en réalité insulter le parti tel qu'on pouvait le concevoir dans le mouvement ouvrier ascendant), car cette bande de rigolos ne sera jamais ni parti ni révolutionnaires3.

Une pré-candidature qui ne passe pas

Laissons-les régler leurs comptes entre eux et s'exclure mutuellement comme d'hab. Ils sont assez représentatifs de ce qui a laissé la gauche bourgeoise-écolo-racialo-féministe pantoise et disqualifiée aux yeux du prolétariat: leur incapacité congénitale à reconnaître ce qui ne va plus avec l'immigration, l'islam et une violence contre les flics qui n'est pas du tout révolutionnaire. Enfin tout ce pourquoi la gauche bourgeoise et son extrême gauche ont déjà perdu les élections et ne les gagneront plus pour un long moment. La réponse du CC (provisoire) de ce qui va rester du NPA a une certaine tenue mais n'ose pas attribuer à leurs collègues des méthodes staliniennes, mais on n'est pas dans les couloirs du NPA où fusent quolibets et insultes ; sans doute parce que leurs méthodes « démocratiques » ne valent pas mieux.

« Le problème n’est ni la personnalité d’Anasse ni le fait que la démarche serait inédite (sic). Ce qui est en jeu est une façon de faire de la politique, une manière de concevoir les rapports militants et un certain type de projet organisationnel. Autant le dire d’emblée : l’histoire colportée par le CCR-Révolution permanente, selon laquelle la démarche entreprise se ferait dans le respect du fonctionnement du NPA et de ses militantEs, ne convainc personne dans le NPA, à l’exception des membres… du CCR-Révolution permanente. Et pour cause : l’annonce publique de la « pré-candidature » d’Anasse Kazib et la campagne publique qui est menée depuis constituent de facto une rupture avec les principes du NPA, son fonctionnement et ses modalités de prise de décision, entre autres concernant les candidatures à la présidentielle.

« Le NPA — comme avant lui la LCR — n’a jamais fonctionné avec un système de « pré-candidatures » individuelles, a fortiori annoncées à l’extérieur de notre organisation, et ce pour au moins deux raisons : le rejet de la personnalisation et la volonté de garantir au maximum aux militantEs du NPA la possibilité de faire leurs choix démocratiquement et sans pression extérieure. Des centaines de militantEs ont ainsi été choqués qu’un membre du NPA annonce lui-même, en premier, publiquement, sur son compte Twitter, sa propre « pré-candidature » à la présidentielle, après l’avoir « teasée » pendant plusieurs jours. Annonce suivie deux jours plus tard d’un « communiqué de presse officiel » signé d’Anasse lui-même et rédigé à la première personne (avec 19 « je » dans ledit communiqué)…  (…) Et il ne suffit pas, comme on peut le lire dans ledit « communiqué de presse officiel », de prétendre se référer à la Commune de Paris, citation de l’appel du comité central de la garde nationale à l’appui, pour faire illusion : « Ceux qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux ». Certes. Mais c’est dommage d’avoir oublié la suite : « Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c'est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter. »

« Comment peut-on en effet raisonnablement envisager que nous ayons un débat et un processus démocratiques au sein du NPA si, dès le départ, ce processus est mis sous la pression d’une campagne menée pour et avec l’extérieur ? Nous n’avons jamais procédé de la sorte, et pour cause : un parti qui fonctionne de manière démocratique doit être libre de ses choix, ce qui ne signifie évidemment pas qu’il évolue en étant étanche au monde et aux pressions extérieures, mais qu’il se dote des outils pour pouvoir résister au mieux à ces pressions et prendre ses décisions collectivement et démocratiquement. La campagne lancée par le CCR va exactement à l’inverse : il s’agit ni plus ni moins que de favoriser ces pressions en entretenant délibérément la confusion entre une campagne externe, à propos de laquelle le tout-venant est invité à se prononcer, et un processus de discussion/décision interne qui regroupe les seuls militantEs du NPA.  

...Une candidature du NPA pour la présidentielle ne peut être légitime qu’à l’issue d’une conférence nationale du NPA, préparée dans les comités du NPA. Mais au-delà, la logique des primaires ne faisant pas partie de notre logiciel politique, le choix d’une candidature doit être précédé d’un débat sur l’orientation et le projet, impliquant l’ensemble des membres du parti, et certainement pas d’une course de petits chevaux entre « pré-candidatEs », à moins de vouloir importer les logiques d’écurie dont on mesure les effets dans la plupart des partis institutionnels. (…) De manière plus globale, ce à quoi nous assistons n’est rien d’autre qu’une offensive en règle menée contre le NPA par un groupe politique autonome, le CCR-Révolution permanente, qui envisage en réalité la « pré-candidature » d’Anasse Kazib comme la rampe de lancement d’une nouvelle organisation, un « Parti révolutionnaire des travailleurs », les membres du CCR expliquant et écrivant qu’ils et elles entendent aller « jusqu’au bout ».

« La démarche actuelle du CCR est cohérente avec le comportement que ce groupe a adopté depuis de longues années vis-à-vis du NPA, duquel les militantEs du CCR sont formellement membres mais tout en s’organisant de manière séparée : réunions « Révolution permanente », organisations étudiante et féministe autonomes (« le Poing levé » et « Du pain et des roses »), articles et vidéos publiés sur le média « Révolution permanente » sans jamais rien proposer aux médias du NPA, etc. Le NPA est en réalité envisagé non comme un outil commun à construire mais comme une organisation dont il s’agit de tirer profit pour ses propres intérêts de boutique, en bénéficiant notamment de son logo, de son influence, de sa trésorerie, de la popularité de ses porte-parole, etc. »

(...)« Anasse Kazib n’est donc ni le candidat, ni même le « pré-candidat » du NPA à l’élection présidentielle de 2022.  Montreuil, le 5 avril 2021 ».

Ces bisbilles entre trotskiens n'intéressent en rien la classe ouvrière, vulgaires chamailleries entre léniniens et staliniens tout au plus et qui ne touchent pas aux questions de fond. En particulier sur le type de combat à privilégier du point de vue de la classe ouvrière. Je reviens sur ce que j'ai dit par ailleurs, le cas Anasse comme celui de la candidature voilée montre le danger d'importer (de l'extérieur) une « conscience islamiste » en lieu et place de la conscience de classe, elle-même découpée en revendications des bobos écolos, féministes, antifas, antiracistes, anti ceci, anti cela, et toutes les couleurs de la psychologie se posant en remplacement de toute sérieuse réflexion sur ce qu'est réellement la pensée révolutionnaire aujourd'hui. Et où l'histoire semble avoir perdu la raison.


NOTES

1VERS UN TROTSKISME TRANSGENRE version américaine ?https://proletariatuniversel.blogspot.com/search?q=crise+au+npa

2Le label CCR = Courant Communiste Révolutionnaire, est étrange au départ. Vol de sigle ? Pied de nez au CCI = Courant Communiste International, qui n'est tout de même pas un groupe de rigolos faussement révolutionnaires comme le gang de Patapouf. Le CCI ne semble même pas s'être aperçu de l'existence de ce prototype de secte lénino substitutive, et il a raison de s'en foutre, des sectes trotskiennes on en compte à la pelle. Ce sera un des confettis de l'éclatement du NPA.

3Voir l'interview d'un autre petit chef de cette « fraction » délirante qui se présente comme anticorporative et internationale : « ...le but était aussi, sinon surtout, de forger un outil au service de notre classe, de tous les prolétaires d’aujourd’hui, sur le terrain direct de la lutte du monde du travail, mais tout autant pour la défense des droits démocratiques et la mise en avant de revendications démocratiques radicales et transitoires, contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie, mais aussi la catastrophe écologique que produit par nature le capitalisme etc. – avec les méthode de la lutte des classes comme disait Trotsky dans son « Programme d’action » pour la France en 1934.Le pari que nous faisons consiste à renouer explicitement, évidemment dans les coordonnées historiques, politiques et technologiques propres à notre époque, avec la conception léniniste du « parti-presse », jouant le rôle d’organisateur collectif non seulement de ses militants, mais aussi des secteurs de notre classe auxquels nous nous adressons en priorité, conception telle que Que faire ? l’avait esquissé en 1902. À l’instar de nos camarades qui animent le réseau de quotidiens en ligne La Izquierda Diario dans un certain nombre de pays ».Lénine doit se retourner dans son mausolée.

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