PAGES PROLETARIENNES

samedi 16 mai 2020

LES MASSES ET L'AVANT-GARDE (Living Marxism USA 1938)


Présentation
Cet article du numéro 4 de Living Marxism, paru en 1938, est saisissant, il a une étrange résonance actuelle; son titre est évidemment une parodie du fameux texte de Rosa Luxemburg: Masses et chefs, avec toujours aussi peu de respect pour les chefs. La crise mondiale du coronavirus a des ressemblances frappantes avec la veille de la Seconde Guerre mondiale. Les militants de Living Marxism autour de Paul Mattick étaient-ils de doux rêveurs, des désespérés qui voulaient rêver comme leurs collègues de Bilan de l'autre côté de l'Atlantique, en Belgique, espérant toujours la « révolution mondiale » ? Alors que les bruits de bottes résonnaient tristement en Europe ? Ils n'étaient pourtant ni fous ni utopistes et bien dans la réalité de l'époque qui faisait suite au krach de 1929 et où l'on vit se dérouler durant les années 1930 probablement les luttes ouvrières les plus importantes de l'histoire du capitalisme par leur nombre, leur simultanéité non pas dans des pays « arriérés » mais dans les principales nations européennes et jusqu'en Chine. Dans le milieu maximaliste historique nous avons toujours combattu les illusions et le cinéma des fronts populaires que nous caractérisions comme « cours à la défaite » à la suite des fausses solutions de la gauche bourgeoise. Or il faut réviser cette vision lointaine de soixante-huitards qui croyaient tout savoir et ont pensé que la montée à la guerre avait été un tranquille boulevard par la bourgeoisie. Je l'ai souvent rappelé, si la bourgeoisie allemande derrière Hitler, attend un an de 1939 à 1940, c'est qu'elle, et aussi les autres bourgeoisies, a peur d'une nouvelle Commune de Paris. Il s'en est fallu de peu d'ailleurs que Hitler rate son coup dans les Ardennes, comme le révèlent des archives d'histoire réactualisées.
On a reproché à Living Marxism d'avoir ouvert la porte au « modernisme » avec la notion d'ancien mouvement ouvrier, qui n'était pas forcément une idée confuse, si le prolétariat est pérenne il sa connu de nombreuses recompositions, en même temps que la modernisation des usines et la généralisation d'emplois de bureaux (qui lui ont fait croire longtemps qu'il n'était plus une classe « ouvrière »). En relisant ce texte, il n'a aucun manque de confiance dans les capacités du prolétariat, même avec un « nouveau » mouvement ouvrier, mais il y manque, bien sûr, une actualisation de la forme que prendront les pouvoirs « législatif et exécutif » du prolétariat – que l'on nommait « pouvoir des conseils ouvriers » - alors que son « ancienne » base naturelle était les usines (disparues) et qu'existent une myriade infinie de petites entreprises, qui font supposer que les formes du « pouvoir prolétarien » de l'avenir seront dépendantes plutôt de lieux, de concentrations industrielles ou salariales, de quartiers paupérisés, etc. La discipline dont a fait preuve pratiquement partout la population mondiale face à la pandémie vient prouver que la responsabilité est dans celle-ci pas dans nos Etats « impotents » comme sont impotents nos variétés de partis et syndicats1. Pour la mise en place des pouvoirs « législatif et exécutif », nous pouvons faire confiance au prolétariat, qui saura non pas ré-inventer le capitalisme mais se réinventer. 
Des milieux gauchistes, trotskiens probablement, ont aussi reproché jadis au courant représenté par Mattick et Living Marxism, d'avoir fait équivaloir nazisme et stalinisme (fascisme "blanc et rouge"), ils ont eu tort, Staline a autant massacré qu'Hitler mais il a fait plus de mal que lui en ridiculisant pour un siècle la notion et perspective de communisme. Il a encore de nombreux souteneurs criminels qui le couvrent de lauriers pour avoir "gagné la guerre contre Hitler". Et haussé l'ordre bourgeois démocratique (et impotent) au rang d'un mausolée miteux.
Nos aïeux de Living Marxism expriment assez bien qu'on est encore en période d'hésitations. 11 millions d'américains sont au chômage en 1938, ce n'est pas rien, il n'y en avait pas tant à la veille de la révolution en Russie. Mais un grand nombre de chômeurs ne signifie pas veille de révolution.. . Quoique, s'il a fallu à Hitler attendre un an avant d'envahir la France, il faudra quatre ans à la bourgeoisie américaine pour se mêler à son tour de la guerre mondiale ! Le temps d'embrigader les chômeurs, me direz-vous ? Et de diaboliser dans la classe ouvrière UN SEUL fauteur de guerre. Liquidons un cliché : « Hitler aurait résorbé le chômage » et « la guerre aurait permis de développer l'économie et sa gestion ». Lisons ce qu'en dit le grand économiste Daniel Cohen (qui confirme la longue hésitation US à entrer en guerre) :
« Mesuré à l'aune du seul taux de chômage, le succès nazi a, de fait, été époustouflant. D'un pic de 5 millions de chômeurs en 1932, l'Allemagne nazie n'en compte plus que 400 000 en 1938. Par comparaison, aux Etats-Unis où le taux de chômage a pourtant baissé de moitié entre ces deux dates, il reste à un niveau extrêmement élevé en 1938, de plus de 14%. Ce n'est qu'avec la Seconde Guerre mondiale que le chômage américain retrouvera les niveaux antérieurs à la crise. (en revanche) Ce n'est qu'à partir de 1936 que les nazis se sont préparés à la guerre. A partir d'octobre 1936, Goering prend la responsabilité de la planification économique. Avec un résultat, selon Overy, qui se traduit par une «planification confuse, des pénuries d'emploi, une organisation industrielle médiocre». Au lendemain de la guerre, les alliés seront abasourdis par la mauvaise organisation des usines allemandes. Si l'on prend comme mesure de la réussite économique la progression de la productivité du travail, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Elle double aux Etats-Unis entre 1913 et 1938, progresse de 180% en France, mais n'augmente que de 37% en Allemagne »2.
Une histoire du chômage aux Etats-Unis nous apprend ceci :
« En général, la durée moyenne du chômage était de 3 à 4-5 mois. Une grande majorité des chômeurs appartenait à la classe ouvrière et le taux de chômage était beaucoup plus élevé chez les ouvriers que dans les classes moyennes. Mais ce taux de chômage – et en termes psychologiques la menace de chômage – n'était pas du tout identique dans les différents corps de métiers : ainsi, les ouvriers de la chaussure étaient beaucoup plus souvent au chômage que ceux du textile. Plus surprenant, peut-être, est le fait que la répartition du chômage était assez égalitaire dans les différents groupes sociaux de la classe ouvrière. Les immigrés connaissaient davantage le chômage que ceux qui étaient nés dans le pays, mais la différence n'était pas très importante. De la même façon, le taux de chômage des jeunes n'était guère plus élevé que celui des adultes. Et, en général, les hommes et les femmes ont été touchés par ce phénomène de la même façon pendant toute cette période »3.
Aujourd'hui les différences sont non seulement plus marquées, plus inégalitaires mais montrent que les fameuses couches moyennes sont particulièrement impactées, leurs enfants et leurs grand-mères. On compte près de 36 millions de chômeurs déclarés aux Etats-Unis (vous avez bien lu qu'il n'y en avait que onze en 1938). Je vous passe le nombre de millions en train de monter dans tous les pays, sans oublier l'immense masse des travailleurs journaliers jamais comptabilisés. Les Etats bourgeois des années 1930 n'étaient pas des Etats « impotents » comme nos actuels exploiteurs dans tous les pays qui ont fait preuve d'une irresponsabilité et impéritie impardonnables. Cet élément politique clairement perçu par l'ensemble de la population est probablement le fait le plus subversif apparu sur la planète depuis la seconde boucherie mondiale. Tous les Etats ont révélé leur incompétence, clown chinois comme clown américain et le lilliputien Etat français qui s'est laissé dépouiller tranquillement depuis des lustres de toute son industrie de base.
Les questions posées par cette catastrophe endémique, qui est surtout une grande catastrophe du cynisme capitaliste ne permet plus de jouer à la contestation. Les petits rigolos gilets jaunes peuvent cesser leur carnaval qui s'est fondu au niveau localiste du syndicalisme et ne représente plus au carrefour que des piquets de vieux machins déconfinés des EPHAD. Merci au syndicat SUD de s'être désolidarisé à Purpan de cette noria de vieux anars ou vieux péquenots.
La crise du covid-19 a enfin mis en évidence que la société opaque de la consommation, des voyages, de la libre entreprise, des perpétuelles distractions numériques et pipolesques, dépendait de deux choses très triviales : la production et la consommation. Que le travail et la faim dans le monde sont liés. Que c'est une classe principalement qui permet au monde de fonctionner et de ne pas crever. Il paraît qu'elle était devenue depuis longtemps invisible ! Et qu'elle a de l'imagination lorsqu'il s'agit de produire ce qui est essentiel et pas superflu.
Enfin tout l'objet secondaire de l'article - « l'avant-garde » - occupe finalement peu de place, comme aujourd'hui, mais c'est d'un côté normal, et répétitif historiquement, mais il ne faudrait pas seulement le déplorer. L'épisode de fléau mondial que nous sommes en train de vivre, va-t-il cher Paul Mattick, nous permettre de jouer la revanche de 1938? Qui sait?
(traduction : Pierre Hempel)

Les changements économiques et politiques se sont poursuivis avec une rapidité déconcertante depuis la fin de la guerre mondiale. Les vieilles conceptions dans le mouvement ouvrier sont devenues défectueuses et inadéquates avec des organisations de la classe ouvrière qui n'offrent qu'un spectacle d’indécision et de confusion. Compte tenu de l’évolution de la situation économique et politique, il semble que la réévaluation en profondeur de la tâche de la classe ouvrière devienne nécessaire pour trouver les formes de lutte et d’organisation les plus nécessaires et efficaces.
La relation au "parti", "organisation de l’avant-garde" des masses joue un rôle important dans la discussion contemporaine. Que l’importance et le caractère indispensable de l’avant-garde ou du parti soit surestimée dans les milieux ouvriers n’est pas surprenant, puisque toute l’histoire et la tradition du mouvement tend dans cette direction. Le mouvement ouvrier d’aujourd’hui est le fruit des développements économiques et politiques qui ont trouvé leur première expression dans le mouvement chartiste en Angleterre (1838-1848), le développement ultérieur des syndicats à partir des années cinquante, et dans le mouvement lassalléen en Allemagne dans les années 1860. Correspondant au degré de développement capitaliste des syndicats et des partis politiques développés dans les autres pays d’Europe et d’Amérique.
Le renversement du féodalisme et les besoins de l’industrie capitaliste en eux-mêmes nécessitaient la vocation du prolétariat et l’octroi de certains privilèges démocratiques par les capitalistes. Ce dernier avait réorganisé la société en fonction de leurs besoins. La structure politique du féodalisme a été remplacée par le parlementarisme capitaliste. L’État capitaliste, l’instrument pour administrer les affaires communes de la classe capitaliste, a été établi et adapté aux besoins de la nouvelle classe.
Il fallait maintenant compter avec le prolétariat dérangeant dont l’aide contre les forces féodales avait été nécessaire. Une fois mis en oeuvre, il ne pourrait pas être complètement éliminé en tant que facteur politique. Mais il pourrait être rattaché. Et cela a été fait - en partie consciemment avec ruse et en partie par la dynamique même de l’économie capitaliste - lorsque la classe ouvrière s’est ajustée et soumise au nouvel ordre. On a organisé des syndicats dont les objectifs limités (meilleurs salaires et conditions) pouvaient être réalisés dans une économie capitaliste en expansion. On a joué le jeu de la politique capitaliste dans l’État capitaliste (dont les pratiques et les formes étaient déterminées principalement par les besoins capitalistes) et dans ces limites, ont été obtenu des succès apparents.
Mais c’est ainsi que le prolétariat adopta les formes capitalistes d’organisation et les idéologies capitalistes. Les partis ouvriers, comme ceux des capitalistes, devinrent des sociétés limitées, les besoins élémentaires de la classe furent subordonnés à l’opportunisme politique. Les objectifs révolutionnaires ont été déplacés dans le cadre de marchandages et les manipulations des positions politiques. Le parti est devenu très important, ses objectifs immédiats ont prédominé sur ceux de la classe. Quand des situations révolutionnaires ont mis en mouvement la classe, dont la tendance est de lutter pour la réalisation de l’objectif révolutionnaire, les partis ouvriers "représentaient" la classe ouvrière et étaient eux-mêmes "représentés" par les parlementaires dont la position même au parlement constitue la résignation à leur statut de négociants au sein de l'ordre capitaliste.
La rattachement général des organisations ouvrières au capitalisme a vu l’adoption de la même spécialisation, dans les activités syndicales et de parti, qui caractérise la hiérarchie des industries. Les directeurs, les surintendants et les contremaîtres voyaient leurs contre-parties dans la présidence, les organisateurs et les secrétaires des organisations syndicales. Conseils d’administration, comités exécutifs, etc. La masse des travailleurs organisés comme la masse des esclaves salariés dans l’industrie a laissé le travail de direction et de contrôle à des supérieurs. Cette émasculation de l’initiative ouvrière se poursuivit rapidement alors que le capitalisme étendait son emprise. Jusqu’à ce que la guerre mondiale mette fin à une expansion capitaliste plus pacifique et "ordonnée".
Les soulèvements en Russie, en Hongrie et en Allemagne avaient montré une résurgence de l’action et de l’initiative de masse. Les nécessités sociales avaient contraint à l’action par les masses. Mais les traditions du vieux mouvement ouvrier en Europe occidentale et le retard économique de l’Europe de l’Est ont compromis l’accomplissement de la mission historique du prolétariat. L’Europe occidentale a vu les masses défaites et la montée du fascisme à la Mussolini et Hitler, tandis que l’économie arriérée de la Russie a développé ce "communisme" dans lequel la différenciation entre classe et avant-garde, la spécialisation des fonctions et l'enrégimentation du travail ont atteint son point le plus élevé.
Le principe de la direction, l’idée de l’avant-garde qui doit assumer la responsabilité du prolétariat révolutionnaire est basé sur la conception d’avant-guerre du mouvement ouvrier. Les tâches de la révolution et de la réorganisation communiste de la société ne peuvent être réalisées sans l’action la plus large et la plus complète des masses elles-mêmes. C’est leur tâche et leur solution.
Le déclin de l’Économie capitaliste, la paralysie progressive, l’instabilité, l’âne chômeur, les coupes salariales et la paupérisation intensive des travailleurs - tous ces contraindre l’action, en dépit du fascisme à la Hitler ou au fascisme déguisé de l’A.F. de L4. Les anciennes organisations sont soit détruites, soit volontairement réduites à l’impuissance. L’action réelle est maintenant possible seulement en dehors des anciennes organisations. En Italie, Allemagne, en Russie, le fascisme Blanc et Rouge a déjà détruit toutes les vieilles organisations et confronté directement les travailleurs face au problème de trouver les nouvelles formes d'organisation de la lutte. En Angleterre, en France et en Amérique, les vieilles organisations maintiennent encore un degré d'illusions parmi les travailleurs, mais leur longue soumission aux forces de la réaction sape leur crédibilité.
Les principes de la lutte indépendante, de la solidarité et du communisme seront imposés dans la lutte de classe actuelle. Avec la puissante tendance vers la consolidation et l’action de masse, la théorie du regroupement et du réalignement des organisations militantes semble dépassée. Certes, le regroupement est essentiel, mais il ne peut s’agir d’une simple fusion des organismes existants. Dans les conditions nouvelles une révision des formes de combat est nécessaire. "La Clarté d’abord - puis l’unité". Même les petits groupes qui reconnaissent et exhortent les principes du mouvement de masse indépendant sont aujourd’hui beaucoup plus importants que les grands groupes qui déprécient le pouvoir des masses.
Il y a des groupes qui perçoivent les défauts et les faiblesses des partis. Ils critiquent souvent la combinaison du front populaire et des syndicats. Mais leurs critiques sont limitées. Ils n’ont pas une compréhension globale de la nouvelle société. Les tâches du prolétariat sont complétées par par après par la saisie de la production et l’abolition de la propriété privée. La question de la réorganisation sociale doit être posée et résolue avant. Le socialisme d’Etat doit-il être rejeté? Quelle sera la base d’une société sans esclavage salarial ? Qu'est-ce qui détermine les relations économiques entre les usines ? Qu’est-ce qui détermine les relations entre les producteurs et le produit total?
Ces questions et leurs réponses sont essentielles pour comprendre les formes de lutte et d’organisation d’aujourd’hui. Ici, le conflit entre le principe de direction et le principe d’organisation de masse indépendante devient apparent. Car, une compréhension approfondie de ces questions, conduit à la réalisation que l’activité la plus large, globale, directe du prolétariat en tant que classe, nécessaire afin de réaliser le communisme. D’une importance primordiale est l’abolition du système des salaires. La volonté et les bonnes volontés des hommes ne sont pas suffisantes pour conserver ce système après la révolution (comme en Russie) sans finalement céder à la dynamique qu’il implique. Il ne faut pas seulement se saisir des moyens de production et abolir la propriété privée. Il faut abolir la condition de base de l’exploitation moderne de l'esclavage salarié, et cette loi apporte les mesures successives de réorganisation qui ne seraient jamais invoquées sans le premier pas. Les groupes qui n’ont pas mis à leur ordre du jour ces questions, leurs critiques sont vaines, il leur manque les éléments les plus importants pour la formation d'une politique révolutionnaire saine. L’abolition du système des salaires doit être soigneusement étudiée dans son rapport avec la politique et l’économie. L’article suivant - La production et la distribution communiste (traduit sur ce blog) - traite de certains aspects économiques du problème. Nous aborderons ici certaines des implications politiques.
Il y a d’abord la question de la prise du pouvoir par les travailleurs. Il faut insister sur le principe des masses (non du parti ni de l’avant-garde) qui guide les travailleurs. Le communisme ne peut être introduit ou réalisé par un parti. Seul le prolétariat peut le faire. Le communisme signifie que les ouvriers ont pris leur destin en main; qu’ils ont aboli les salaires; qu’ils ont, avec la suppression de l’appareil bureaucratique, combiné les pouvoirs législatif et exécutif. L’unité des travailleurs ne réside pas dans la fusion sacro-sainte des partis ou des syndicats, mais dans la similitude de leurs besoins dans l’action de masse. Tous les problèmes des ouvriers doivent donc être considérés en relation avec le développement de l’auto-action des masses.
Il est faux de dire que l’esprit non combatif des partis politiques serait dû à la malice ou au réformisme de leurs dirigeants. Les partis politiques sont impuissants. Ils ne feront rien, parce qu’ils ne peuvent rien faire. En raison de sa faiblesse économique, le capitalisme s’est organisé pour la répression et la terreur et est actuellement politiquement très fort, car il est forcé d’exercer tous ses efforts pour se maintenir. L’accumulation du capital, énorme à travers le monde, a rétréci le rendement du profit, - fait qui se manifeste par les contradictions entre les nations; et, dans les politiques internes, par la "dévaluation", l’expropriation partielle de la classe moyenne et l’abaissement du niveau de subsistance des travailleurs ; et, en général, par la centralisation du pouvoir des unités du grand capital dans les mains de l'Etat.
Contre ce pouvoir centralisé, de petits groupes ne peuvent rien faire. Les masses seules peuvent le combattre, car elles seules peuvent détruire le pouvoir de l’État et devenir une force politique. C’est pourquoi la lutte fondée sur les organisations artisanales devient obsolète, et les grands mouvements de masse, sans restriction par la limitation de telles organisations, doivent nécessairement les remplacer. Telle est la nouvelle situation à laquelle sont confrontés les travailleurs. Mais d’elle jaillit une faiblesse réelle. Depuis que l’ancienne méthode de lutte par le biais des élections et l’activité syndicale limitée est devenue tout à fait futile, une nouvelle méthode, il est vrai, s'est instinctivement développée, mais cette méthode n’a pas encore été appliquée de façon consciente, et n'est donc pas efficacement appliquée. Là où leurs partis et leurs syndicats sont impuissants, les masses commencent déjà à s’exprimer par les grèves sauvages. En Amérique, en Angleterre, en France, en Belgique, Hollande, Espagne, Pologne – des grèves sauvages se sont développées et, à travers elles, les masses apportent la profonde preuve que les vieilles organisations ne sont plus utiles pour la lutte.
Les grèves sauvages ne sont pas, cependant, désorganisées, comme leur nom l’indique. Elles sont désignées comme telles par les bureaucrates syndicaux, parce ce sont des grèves formées en dehors de leurs organisations officielles. Les grévistes eux-mêmes organisent la grève, car c’est une vieille vérité : c'est seulement en tant que masse organisée que les travailleurs peuvent lutter et dominer. Ils forment des piquets de grève, pourvoient à l'éjection des briseurs de grève, organisent des secours de grève, nouent des relations avec d’autres usines… En un mot, ils assument eux-mêmes la direction de leur propre grève, et ils l’organisent sur la base de l'usine.
C’est précisément dans ces mouvements que les grévistes trouvent leur unité de lutte. C’est alors qu’ils prennent leur destin en main et unissent "le pouvoir législatif et exécutif" en éliminant les syndicats et les partis, comme l’illustrent plusieurs grèves en Belgique et en Hollande.
Mais l'action indépendante de classe est encore faible.
Le fait que les grévistes, désireux de poursuivre leur action indépendante pour élargir leur mouvement, appellent les syndicats à les rejoindre, est une indication que, dans les conditions existantes, leur mouvement ne peut pas encore devenir une force politique capable de lutter contre le capital concentré. Mais ce n'est qu'un début.
Parfois, cependant, la lutte indépendante fait un grand bond en avant, comme avec les grèves des mineurs asturiens en 1934, les mineurs belges en 1935, les grèves en France, en Belgique et en Amérique en 1936, et la révolution catalane en 1936. Ces « épidémies » sont la preuve qu’une nouvelle force sociale est en train de surgir parmi les travailleurs, trouve le leadership des travailleurs, soumet les institutions sociales aux masses, est déjà « en marche ». (les guillemets sont du traducteur)
Les grèves ne sont plus alors de simples interruptions de profits ou de simples perturbations économiques. La grève indépendante tire sa signification de l’action des travailleurs en tant que classe organisée. Avec le système des comités d’usine et des conseils ouvriers qui s’étendent sur de larges espaces, le prolétariat crée les organes qui règlent la production, la distribution et toutes les autres fonctions de la vie sociale. Autrement dit, l’appareil administratif civil est privé de tout pouvoir et la dictature prolétarienne s’établit. Ainsi, l’organisation de classe dans la lutte pour le pouvoir est à la fois l’organisation, le contrôle et la gestion des forces productives et de la société tout entière. C’est la base de l’association des producteurs et des consommateurs libres et égaux.
C’est donc le danger que le mouvement de classe indépendant représente pour la société capitaliste. Les grèves sauvages, apparemment de peu d’importance à petite ou grande échelle, sont un communisme embryonnaire. Une petite grève sauvage, dirigée comme telle par les ouvriers et dans l’intérêt des ouvriers, illustre à petite échelle le caractère du futur pouvoir prolétarien.
Un regroupement de militants doit s’appuyer sur la connaissance que les conditions de lutte rendent nécessaire l’union des "pouvoirs législatif et exécutif" entre les mains des ouvriers d’usine.
Ils ne doivent pas faire de compromis sur cette position : Tout le pouvoir aux comités d’action et aux conseils ouvriers ! C’est le front de classe. C’est le chemin vers le communisme. Rendre les travailleurs conscients de l’unité des formes organisationnelles de la lutte, de la dictature de classe, du cadre économique du communisme, avec l'abolition du salariat – est la tâche des militants.
Les militants qui se nomment eux-mêmes « l'avant-garde » présentent aujourd'hui les mêmes faiblesses qui caractérisent les masses à présent. Ils croient encore que les syndicats de l’un ou de l’autre parti doivent diriger la lutte de classe, mais avec des méthodes révolutionnaires. Mais s’il est vrai que des luttes décisives approchent, il ne suffit pas de dire que les dirigeants « ouvriers » sont des traîtres. Il faut surtout aujourd’hui, formuler un plan pour la formation du front de classe et les formes de ses organisations. À cette fin, la mise sous contrôle des partis et des syndicats doit être un objectif inconditionnel du combat. C’est le point crucial de la lutte pour le pouvoir.


NOTES
1Le sommet de l'impotence de la lutte syndicale a été exhibée à souhait par la sérénade pour la défense des retraites, sans
queue ni tête, sans aboutissant ni perspective politique. La CGT, aussi bête qu'un vulgaire bureaucrate gilet jaune, vient de confirmer son rôle de premier syndicat impotent de France.
3https://journals.openedition.org/ccrh/2830

4 American Federation of Labor ou AFL, syndicat nord-américain qui après les heures de gloire de sa fondation est devenu un des principaux flics sociaux pour envoyer la classe ouvrière à la guerre patriotique.

jeudi 14 mai 2020

Conseils au gouvernement Poulidor pour combattre l'ultra-gauche en jaune


« Economistes et terroristes s’inclinent devant deux pôles opposés de la tendance spontanée : les économistes devant la spontanéité du « mouvement ouvrier pur », les terroristes devant la spontanéité de l’indignation la plus ardente d’intellectuels qui ne savent pas ou ne peuvent pas lier en un tout le travail révolutionnaire et le mouvement ouvrier ». Lénine
« (les régimes les plus démocratiques) ont su mettre en évidence que ce ne sont pas des piqûres de moustique de quelques éléments désespérés issus de la décomposition des couches petites bourgeoises qui sont visées par les campagnes officielles actuelles mais bien la classe ouvrière dont la révolte nécessairement violente va constituer, lors de son réveil, la seule menace sérieuse pour le capitalisme ».
Marc Chirik (Terreur, terrorisme et violence de classe, 1979, p.251 de Marc Laverne et le CCI, tome II).

Chapeauté intellectuellement par les éditions La Fabrique, le milieu marginal contestataire, nommé black blocs ou ultra-gauche, vous le présentez comme dangereusement anti-social voire pire que le covid de l'an 19. Pourtant, politiquement et socialement tout ce milieu n'est qu'un résidu dépassé de l'anarchisme, dont le seul horizon reste bloqué, et confiné à un 1789 épique et joyeusement sanglant, résolument amnésique concernant le dérangeant Octobre 1917. Ce n'est qu'une simple contestation anarchiste. Vous vous trompez de cible, c'est mon milieu maximaliste qui est vraiment le courant le plus dangereux à long terme contre votre règne, et qui possède la guillotine théorique et politique qui permet d'échapper à vos mensonges et à ceux de vos collaborateurs syndicaux, aux gauchistes et à leurs petits apprentis terroristes de papier.
Vos policiers de l'ombre sont de bons voyeurs mais de parfaits imbéciles. Dans les années 1970, face à la vague de terrorisme des désespérés de l'après 1968, nous avions mis en évidence que le terrorisme petit-bourgeois, que vos prédécesseurs ont si habilement exploité n'était pas ni une avant-garde ni un éveil de la révolution, mais bien l'expression de l'absence du prolétariat sur la scène, ou même simplement d'un reflux de ses luttes propres. En cela nous suivions les analyses si lucides et encore utiles de nos glorieux ancêtres marxistes, Marx, Engels, Lénine et Trotsky1.

LES INQUIETUDES DU GOUVERNEMENT « REVOLUTIONNAIRE » DE MACRON

Le Point qui est en général un des meilleurs porte-parole du gouvernement Poulidor, veut nous faire croire qu'il craint un nouveau complot de Batz, en livrant généreusement l'article suivant (article payé par les ex-RG et non payant pour tout lecteur) :

« Déconfinement : le renseignement craint une deuxième vague de Gilets jaunes. Les autorités s'inquiètent de la radicalisation de certains Gilets jaunes lors du confinement. Le service central du renseignement est sur le qui-vive ».

La preuve : « Dès la fin du confinement, le 11 mai, des militants qui se réclament du mouvement des Gilets jaunes ont tenté de se rassembler, notamment à Paris. Les mesures de déconfinement prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire proscrivent pourtant ce type de regroupements. Le Service central du renseignement territorial (SCRT) qui suit les mouvances politiques radicales n'a pas été surpris pour autant ».
Le journaliste du Point a eu sous les yeux la fiche des services en question laquelle certifie que les services de l'ombre « ont l'oeil » même sur la lâcheté des comploteurs jaunes :
« Dans la partie prospective de sa note sur « l'impact du Covid-19 sur la mobilisation des mouvances contestataires » datée du 6 mai, le Renseignement faisait déjà état de ce retour : « Le sujet de l'après-confinement est de plus en plus évoqué. Les Gilets jaunes font preuve d'une certaine prudence : ils craignent une contamination par le virus dans l'hypothèse de futurs rassemblements et ne veulent pas se lancer dans la “bataille contre le gouvernement les premiers” en dépit de leur impatience de manifester sur la voie publique. » Certains aimeraient relancer la mobilisation : « La deuxième vague arrive, celle des Gilets jaunes et de la haine de ce pouvoir… ! ! ! »
Lors du rassemblement d'une poignée de ces contestataires place de la République, au jour J du déconfinement, un gardien de la paix est cité comme ironisant : «  ils se sont dispersés à l'arrivée des policiers de la Direction de l'ordre public et de la circulation, par « crainte [aussi bien] de la contamination que de la verbalisation ».
Pourquoi ces activistes de l'ombre sont-ils en colère ?
« Les agents du Renseignement ont noté les principaux motifs de la colère post-confinement des Gilets jaunes. Ils mettent en avant « la contradiction entre la prolongation de l'état d'urgence sanitaire et le déconfinement » : « État d'urgence sanitaire prolongé et à côté de ça, on envoie nos gosses comme chair à canon à l'école. » L'absence de quarantaine pour les Européens entrant en France les choque : « Macron autorise les Européens à venir et circuler librement dans toute la France et on nous interdit de faire plus de 100 kilomètres. » S'insurgeant contre la vente de masques par la grande distribution, certains Gilets jaunes, par le biais des réseaux sociaux, évoquent l'hypothèse d'actions contre les supermarchés qui en proposent ».


Les blacks terroristes auraient même des gosses et se soucieraient de leur exposition... au retour en classe ? Pas en classe ouvrière bien entendu. Ils seraient aussi doués d'un instinct de protection « nationale » contre le virus international. Une aile gilet jaune de cette mouvance regretterait que le petit commerce soit floué par les grandes surfaces pour la vente des masques... Passons à leurs méthodes :
« La méthode est indiquée sur leurs réseaux sociaux : « Il existe des actions de blocage de caisse : des chariots sont remplis de masques, se positionnent au niveau des caisses pour les bloquer, et il y a un refus de débloquer tant que la grande surface ne les a pas cédés (le tout accompagné d'un mégaphone expliquant l'action au client qui nous entoure). » Selon les ex-RG, les plus radicalisés d'entre eux surfent sur le thème de « l'effondrement du capitalisme » et invitent le « peuple travailleur » à décider de tout en formant des « comités de travailleurs sur chaque lieu de travail et sur les lieux de vie » et en élisant des « délégués responsables et révocables ». Ils dénoncent également la réouverture des écoles, évoquant que « leur seul et unique but est de remettre les parents au travail pour sauver leur économie capitaliste, responsable de la destruction des hôpitaux ».
Le compte-rendu policier devient à son tour fabulateur, pour, avec l'aide du journaliste Aziz Zemouri2 , la proposition néo-maoïste de rendre les masques au peuple, peut-être tout à fait une invention policière tant elle est ridicule. Il n'y a pas besoin d'être un espion des ex-RG pour « informer » que les anars en général (et les marxistes en particulier) « surfent sur le thème de l'effondrement du capitalisme ». Quant à l'appel à des comités autonomes comme recette, vieux cliché véhiculé par la servile stupidité des gauchistes à des confinements en cartels syndicaux même sans le terme syndical, ce n'est qu'un fétichisme creux car vide de contenu, c'est comme si Nicolas vous appelait à acheter des bouteilles de vin vides, dans l'espoir dans boire le contenu. Alors que, avant tout, il faut savoir faire pousser la vigne, puis après cueillir le raisin, le presser, conditionner le jus, puis l'embouteiller et enfin le distribuer. Les policiers espions ne sont d'ailleurs guère inquiets de cet truc à syndicaliste moyen. Enfin la dernière phrase sert à discréditer comme anars primaires et inconscients névrosés leur découverte (géniale!) qu'on fait des enfants de la « chair à canon » pour envoyer les parents au front du travail « pour sauver l'économie capitaliste » (et on bouffe comment?) car (cri de la gauche étatiste) elle est « responsable de la destruction des hôpitaux ». Sacré radicaux de la phrase de gauche bobo et écolo ! Le programme de la gauche caviar n'est pas simplement dans les urnes, il est aussi dans la rue.
Ce passage policier, en son entier, est parfait pourtant pour ridiculiser nos bobos insurrectionnalistes de papier, comme les inter-titres du genre : « Sabotage de réseaux téléphoniques : les sites d'ultragauche jubilent » ; pas la population privée du flux informatique si indispensable à la survie confinée ! De plus un certain Stéphane Espic (épique?) est livré au public comme ex-entrepreneur et gilet jaune de la première heure ! N'est-ce pas un complotiste lui aussi puisqu'il considère que le covid-19 est de la foutaise voire un génocide ? Il a été arrêté brièvement « avant de retourner vivre chez ses parents ». Qui ne serait pas de l'avis du journaliste policier que ce petit mec est vraiment infantile ? Et que l'article a fait bien plus pour rassurer les masses contre une nouvelle version terroriste des gilets jaunes que tout œil crevé par LBD ? Mais le suspense de l'intox journalistico-policière doit perdurer :
« Aux Renseignements, on pointe une possible récupération du mouvement des Gilets jaunes par plus radicaux encore. « Les mouvances contestataires radicales espèrent plus que jamais pouvoir tirer profit de la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 comme elles l'avaient fait de la crise des Gilets jaunes qui était devenue, au fil des semaines, une contestation antisystème, tant sur le plan des revendications que sur celui des modes opératoires, de plus en plus violents. »
En vérité les renseignés et renseigneurs ne savent rien, et les plus intelligents savent que c'est un mouvement de masse de prolétaires qui est le seul vrai danger pour un automne rouge que de plus en plus de commentateurs assis sur leurs chaises de plateaux TV ne cessent de redouter pourtant à la veille d'une période souhaitée comme un armistice, voire une rédemption nationale, les congés d'été.

COMMENT EVITER DES EMEUTES EN SEPTEMBRE ?

Il ne faut pas oublier les leçons de la Terreur lors de notre première Révolution, avant la deuxième du citoyen Macron. La Terreur surgit avant tout pour mettre fin à la terreur chaotique d'une masse de petits bourgeois et de ploucs primaires déchaînés à exercer une violence inter-individuelle. Cette Terreur est d'emblée saine parce que la terreur chaotique échappe complètement au « gouvernement révolutionnaire. Mais elle est en même temps une réponse désespérée d'un gouvernement à l'agonie qui ne contrôle plus une révolution qui est immature historiquement en même temps que moment charnière nécessaire pour refonder une autre société hors du confinement de la féodalité.
« Le gouvernement révolutionnaire avait gagné une année, le temps de vaincre ; il était maintenant menacé de se voir emporté, à son tour, par une crise économique, comme l'Ancien régime et les Girondins. Puisque la paix était encore lointaine, il estimait d'ailleurs qu'il lui fallait maintenir le régime. C'est pourquoi il laissait la Terreur à l'ordre du jour ». Georges Lefebvre, La révolution française, tome XIII, p.400).
C'est le premier conseil que je vous donne, gouvernement révolutionnaire Macron : « laissez le plus longtemps possible le covid-19 à l'ordre du jour » !
N'oubliez pas les leçons de 1789, face aux exécutions sommaires par la foule ameutée :
« Pour les prévenir, le déploiement de la force publique ne suffit pas toujours ; il fallut calmer l'effervescence par la poursuite attentive des conspirateurs et par des sanctions promptes et rigoureuses. Les assemblées instituèrent des comités des recherches ou de sûreté générale et déférèrent les crimes de « lèse-nation » à une juridiction spéciale, le Châtelet d'abord, la Haute Cour ensuite, et finalement le tribunal du 17 août 1792 »3.
Avec l'invasion du covid-19 et la guerre de classe, la situation ne va pas se régulariser :

« Durant cette première période, la répression ne se régularisa pourtant pas. Durant les accalmies, le danger s'estompant et la bourgeoisie répugnant aux procédures expéditives qui menaçaient la sécurité de l'individu, les sanctions parurent dérisoires ; il suffisait d'un incident local pour que les exécutions sommaires reparussent. Avec la guerre et l'invasion, elles se multiplièrent et culminèrent à Paris par les massacres de septembre (sic) »4.
Or, « le contrôle de la répression «échappa en partie au gouvernement. L'urgence la décentralisa comme l'administration d'autant que rien, en l'espèce, n'y peut mieux pourvoir que des comités locaux grâce à l'information acquise de longue date par leurs membres ». C'est la police locale qui exerça au mieux la terreur, qui parfois « collabora avec les terroristes du cru ou les contrecarrèrent ». « De cette diversité ondoyante il résulta que le champ de la répression s'élargit et que, cependant, la rigueur en fut extrêmement inégale ».
Le complot ultra-gauche ne peut pas être seul en cause :
« La situation économique et ses conséquences sociales désignaient maintenant d'autres « ennemis du peuple » ; les riches qui cachaient leur argent ou l'envoyaient à l'étranger, les producteurs qui éludaient le maximum, ceux qui refusaient l'assignat. La Terreur devint ainsi le soutien de l'économie dirigée, dont les sans-culottes comptaient qu'elle assurerait leur existence »5.
Attention, une répression terroriste aveugle , bien qu'efficace contre des terroristes : « n'en arriva pas moins à frapper, ou, bien plus fréquemment encore, à inquiéter et à irriter une foule de gens qui, hostiles sans doute au gouvernement révolutionnaire pour une raison ou pour une autre, se résignaient pourtant à obéir et, en tout cas, ne songeaient ni à conspirer, ni à s'insurger. (…) Les haines personnelles, l'esprit de vengeance, qui s'infiltra dès l'origine dans la volonté punitive, et surtout l'autoritarisme impulsifs de certains hommes aggravèrent à l'occasion la sévérité ou la ranimèrent après une accalmie »6.

Attention à la politique de l'amalgame avec la notion généralisée de complot ultra-gauche :
« La notion généralisée de complot aristocratique, étendue à tous ceux qu'on inculpait d'hostilité à l'égard du régime, explique la pratique croissante de l' « amalgame », qui, au déni de toute procédure vraiment judiciaire, rassemblait dans la même sentence des accusés qui s'ignoraient et dont les actes ou les paroles n'offraient rien de commun que leur solidarité préjugée dans la « conspiration contre le peuple français »7.

Etre bien conscient qu'à l'époque contemporaine il faut assurer la soumission de la multitude sans la réduire au désespoir :
« Comme instrument de gouvernement, les méthodes terroristes auraient pu appeler à la réflexion les Comités victorieux. Tous les régimes autoritaires y recourent, et aussi les autres en temps de guerre ou d'insurrection ; mais c'est une règle pour les politiques de s'en tenir à des exemples qui assurent la soumission de la multitude sans la réduire au désespoir »8.

La crainte du complot ultra-gauche peut s'estomper très vite et ne plus calmer la fièvre populaire. La Grande Terreur instituée le 22 prairial 1793, avec ses dernières fournées pour la guillotine montra que la surenchère était vaine, une fois le complot de Batz dégonflé :
« L'opinion s'émut et les usages de la répression y aidèrent : les charrettes transportaient lentement les condamnés à travers les faubourgs Saint-Antoine jusqu'à la barrière du Trône-renversé, emplacement nouveau de l'échafaud ; le supplice était public et la guillotine, tranchant la tête et répandant le sang, frappait l'imagination »9.


Pour tous tes ministres ignorants en histoire comme en maximalisme de classe, gouvernement
Les éternels seconds
Macron, je te livre l'anecdote sur la conjuration de Batz (1793-1794). Le mousquetaire
Jean de Batz, nominé très tôt par Louis XVI (même taille que Edouard Philippe, mais une fois la tête coupée, la taille de Macron) et un de ses fervents fidèles jusqu'au bout, fut surtout un aventurier agioteur et baiseur. Il ne tint pas à se vanter de ses talents d’agioteur et de faussaire, mais il a servi d'excellent modèle au D'Artagnan d'Alexandre Dumas. Le complot qu'on lui prêta fût tout de même plus sérieux que celui des petits cons de l'insurrection qui venait, puisque Robespierre en personne fut abusé.
Ce plan de Batz qui devait « faire disparaître la Montagne et ces coquins de sans-culottes » comportait quatre phases.Première phase : choisir, soigneusement, les Montagnards et sans-culottes à abattre. Deuxième phase : les séduire ou les corrompre.Troisième phase : leur faire commettre des actes hautement répréhensibles.Quatrième phase : les dénoncer à la vindicte publique et compromettre ainsi tout le régime.Dans un projet de rapport qu’on retrouvera chez lui, après sa mort, Robespierre abusé sur l'ampleur de ce complot, croyait démonter le mécanisme de toute l’opération :« Il existait une conspiration de corrompre les représentants du peuple et de diffamer tous les autres, et surtout les patriotes, pour arriver à la contre-révolution par l’anéantissement de la représentation nationale ; de ruiner les finances en entraînant la Convention dans des mesures impolitiques déguisées sous l’apparence du bien public. »Et plus loin, dans ce même projet, on peut lire cette phrase :« A la tête de ce complot était le baron de Batz. »
Mais ce n'est pas par ce présumé complot que Robespierre est tombé, mais sous une manœuvre politique de ses confrères et sous la guillotine.



NOTES


1On peut lire un bon florilège sur le blog de Yves Coleman, bien que cet ancien petit chef cul-béni de LO n'y comprenne que pouic, contrairement à Karim Landais, qu'il a sauva de l'oubli : « « Trotsky soulève deux dimensions intéressantes, même s’il les lie indissolublement au contexte, en évoquant le mode d’organisation terroriste, son caractère bureaucratique, et surtout en soulignant l’incompatibilité entre action terroriste et action de masse, du fait du caractère même de la psychologie terroriste ». C'était d'ailleurs le même type de mentalité des petits chefs en gilets jaunes et des petits chefs black blocs. Coleman cite à tour de bras sans comprendre, et oublie le princialé acrit sur le terrorisme à la fin du XX ème siècle, celui de Marc Chirik : Terreur, terrorisme et violence de classe ».
2Rien à voir avec le publicitaire du RN et de Staline, Zemmour, plus certainement avec le genre d'arriviste fayot de banlieue telle Avia, la députée antiraciste raciste qui, comme tous les parvenus issue de la « diversité » n'aiment jamais tant que d'humilier leurs subordonnés, surtout s'ils sont chinois, français et blancs.
3Georges Lefebvre, p.401.
4Ibdi.
5Ibid, p.403.
6Ibid, p.404.
7Ibid, p.107.
8Ibid, p.406.
9Ibid p.409.