PAGES PROLETARIENNES

lundi 1 juin 2020

LE MEURTRE DE GEORGE FLOYD N'EST PAS UN CRIME RACISTE


« C’est, pour une bonne part, comme force de production que le corps est investi de rapports de pouvoir et de domination ; mais, en retour, sa constitution comme force de travail n’est possible que s’il est pris dans un système d’assujettissement ; le corps ne devient force utile que s’il est à la fois corps productif et corps assujetti » ;
Michel Foucauld (Surveiller et punir)
« Dans cette humanité centrale et centralisée... il faut entendre le grondement de la bataille ». Le même
«Plus de 103 000 morts du Covid, plus de 40 millions de personnes au chômage et la cinquième nuit de chaos ». Présentateur de TV américaine.

Mais c'est un crime d'Etat. On se focalise sur les cinq cognes qui ont étouffé George Floyd et sur l'abruti qui lui coinçait la tête avec son genou. Personne ne s'interroge sur le « spectacle » ainsi offert à la population mondiale et sur son objet. La scène est de toute manière révoltante, chacun d'entre nous spectateurs ressent aussi comme un étouffement, comme l'approche de sa propre mort. Aussitôt la médiatisation cria au « racisme » contre un « afro-américain » (pourquoi pas affreux américain?), dénonçant des criminels « policiers blancs » (quoiqu'on aperçoive un policier asiatique debout près du mourant).
Il faut tout de suite convenir de l'importance de l'ébullition sociale créée, et non pas simplement « genrée » qui a pris le dessus sur tout autre événement se déroulant sur la planète. La mise en scène de la marchandisation de l'espace avec la fusée « la plus puissante du monde » d'Elon Musk n'a intéressé personne, et la vue du poste de commandement à Cap Canaveral avec sa noria de techniciens porteurs du masque antivirus, révélait plus l'impuissance à terre de la science capitaliste que la glorieuse, et dont on se branle, conquête des étoiles.

Comme à chaque bavure, en France ou ailleurs, la répression ou l'acte sordide d'un crétin en uniforme, du robot exécutif1 - car les flics, surtout basiques genre CRS et gendarme mobile sous armure moyenâgeuse, ne font plus figure humaine - fait aussitôt l'objet d'une dénonciation hystérique antiraciste, sorte de contre-feux automatique qui ne peut pas provenir du « pouvoir » puisque ce sont les contestataires qui s'en chargent (ici, Libé, npa, Médiapart, etc.). En réalité la bavure possède une haute dose de récupéralibilité perverse, désolé pour ce néologisme de ma fabrique, parce que c'est compliqué à faire comprendre. Elle est d'abord un fait : tant pis pour celui qui a résisté ou symbolisé l'illégalité, il devait être exécuté. Mais comme toute justice expéditive elle ne peut qu'apparaître révoltante, aussi lui trouve-t-on deux faces avocates, d'un côté c'était accidentel, et de l'autre c'était un acte raciste. Tournez manège, suite au prochain numéro.

Le scandale principal de l'exécution publique de George Floyd n'est même pas évoqué depuis plusieurs jours par les médias du monde entier : la méthode policière étouffante et hyper risquée du placage ventral au sol (méthode mondialisée) par cinq brutes contre un ; notons au passage qu'il y a
toujours une jouissance pour un groupe de policiers petits (comme lors de l'arrestation du journaliste noir de CNN) de ficher par terre un colosse du genre de George Floyd, Gargantua, ancien champion sportif dans deux disciplines majeures aux USA, ou un journaliste dont la fonction sociale est plus huppée. Le plaquage au sol a déjà tué en France plusieurs manifestants ou récalcitrants. L'a-t-on déjà oublié ? Comme on a oublié que les multiples demandes de suppression de cette « tentative d'assassinat légale » soit interdite pour les cognes, n'ont buté que sur le mutisme indifférent d'Etat. L'usage des LBD qui ont tant crevé d'yeux de manifestants gilets jaunes, a-t-il été retiré de l'armature des demi-soldes robocops ? Que nenni ! Pourquoi ? Simplement parce que ces deux méthodes évitent de tirer dans la foule comme dans les années 1950, et que, plus sélectivement masquée sous la parure de « possible bavure », placage ventral au sol et arme crève-oeil restent indispensables pour exercer en toute impunité juridique la terreur de l'Etat bourgeois.

Le plus sordide dans l'emballement médiatique autour du meurtre officieux de George Floyd est évidemment l'intense campagne, non pas contre le racisme, qui reste accessoire finalement et usée jusqu'à la corde, mais la revendication de « justice pour George Floyd »2. Demander justice pour un mort tient plutôt de l'oxymore ou du foutage de gueule, et c'est derrière ce slogan « démocrate » que les spécialistes de l'indignation libérale, gauchiste et de tout acabit, se sont congratulés ; sans oublier les slogans factuels qui limitent toute réelle réflexion politique (on se rappelle du creux « je suis Charlie ») : « je ne peux plus respirer », les derniers mots de la victime sous la botte policière. Mots pourtant qui retentissent cruellement et véridiquement en écho à la pandémie que subit l'humanité. Mots qui, hors des slogans farceurs qui font croire à la justice de classe de la classe dominante, devraient plutôt signifier la vérité : le capitalisme étouffe l'humanité.

Et c'est là tout l'intérêt de bloquer la signification de l'événement et de ne pas en rester au constat de la nécessité de l'émeute mais aussi de sa limite, les frasques subséquentes des paumés petits bourgeois. On a affaire à une répression de classe. Point. L'embrasement à Minnesota et dans bien d'autres cités américaines aurait-il pris une telle ampleur hors la situation subite de 40 millions de chômeurs. Les médias nous agitent sous le nez une histoire de noirs versus des flics « fachos » mais oublient de peindre la toile de fond. Je me permets de rappeler que mai 68 a commencé non pas à cause du monôme étudiant ni à cause du réveil des ouvriers consommateurs mais par l'indignation face à l'ultra-violence policière et de flics sans moyen, tapant en tous sens comme contre les ouvriers immigrés algériens, et pas encore harnachés en robocops ni formatés aux techniques dissuasives plus sophistiquées.

L'indignation contre le meurtre de George Floyd a été d'abord indignation contre un acte anti-humain, lâche et le fait du personnel robot de l'Etat capitaliste. Qu'aussitôt on ait barbouillé le meurtre en le personnalisant sur le seul abruti Dugenoux face à un « afro-américain » en criant partout qu'il s'agissait d'un acte raciste traditionnel dans la société américaine, aurait dû en faire réfléchir quelques uns parmi vous !
Je viens de revoir un film « noir » - « Le coup de l'escalier » (1959) de Robert Wise – de ces années de reconstruction, que nous nommons encore en milieu maximaliste « années de la contre-révolution ». Dans la lignée de ces films « polars » sur les paumés de la société consumériste, on y trouve en général un bon reflet des arriérations d'époque. En comparant avec nos jours, on est frappé par les énormes différences. Il n'est pas vrai que la société américaine est aussi raciste que pendant ces lointaines années. Les sixties, et bien avant 68, sont passées par là. Au cours des années 1970, un slogan des mineurs américains en grève avait bien résumé la révolution « des moeurs », bien plus sérieux que la clochardisation bobo à Woodstock : « au fond de la mine on est tous noirs ». L'Etat bourgeois a d'ailleurs récupéré au niveau idéologique ce contre-le-racisme en anti-fascisme d'Etat ; Trump, qui n'est pas fou, a d'ailleurs été le premier à s'indigner bien avant son rival et la gauche américaine3.

George Floyd nouvelle victime expiatoire du prolétariat

Cet homme est aussi une victime du covid, puisque vidé de sa place de videur (il avait exercé tous les métiers et fait de la taule comme du sport de haut niveau4) il cherchait à s'inscrire au chômage. Les circonstances de l'arrestation sont pitoyables. Floyd aurait effectué le paiement de ses courses dans un supermarché avec un faux billet de 20 dollars, c'est à pleurer la misère. Il est aussitôt dénoncé à la police par une larve de caissier (ça ne se fait pas en France, on lui rend son faux biffeton et il repart le type). On connaît la suite. Disproportion ahurissante et un tel zèle des demi-soldes robocops pour aussi peu de chose, qu'on y voit la condamnation à mort du voleur d'orange pendant que les Balkany, Carlos Goshn et leurs équivalents US courent toujours...

On ne peut s'éviter la comparaison avec Damiens5. Le fameux Surveiller et punir place de Michel Foucauld s'ouvre sur l'effroyable supplice de Damiens, qui sera d'ailleurs le dernier type de massacre public de la féodalité. Plus que le châtiment du condamné importait à l'époque la visibilité de la peine, le spectacle de la souffrance du condamné, « pour l'exemple » comme on dira encore lors des pelotons d'exécution en 14-18. La peine de mort en public permettait de démontrer la puissance du roi. Le corps supplicié devait pénétrer les esprits et leur faire ressentir la terreur indicible comme rétorsion inévitable face à toute désobéissance, jusque pendant leur sommeil.
Foucauld, aussi débile politiquement que le fût ce pauvre Sartre, n'est pas ma tasse de thé. Je l'ai d'ailleurs croisé une fois en 1971 avec Geismar. Comme sociologue de la marginalité, de la folie et de la sexualité il nous a laissé tout de même de percutantes analyses, plutôt lorsqu'il se rapproche de la méthode conceptuelle de Marx6.
Par contre, en prétendant survoler l'ensemble des techniques disciplinaires, en super prof des hautes études et banal maoïste certifié, il ne voit dans la discipline d'atelier qu'un réductionnisme, finalement comme tout bourgeois il croit que le prolétaire ne peut être qu'un enculé du capitalisme. Contrairement au subtil Marx il est incapable de voir dans la soumission disciplinée la fin de la soumission mais l'apprentissage d'une autre discipline. Discipline et responsabilité dont j'ai déjà rappelé ici que ce sont les deux aspects fondamentaux dans la conscience du prolétariat, qui conditionnent paradoxalement sa conscience et sa recherche de l'unité.

Dans la description factuelle, Foucauld touche juste. Le corps au travail devient l’espace d’investissement d’un ensemble de dispositions visant à la réalisation des profits. « Le corps de l’ouvrier » inquiète non seulement parce qu’il est potentiellement le foyer « de l’illégalisme de prédation et de déprédation », mais également parce que la paresse, les libations ou les festivités laissent craindre un « illégalisme de dissipation ». Le corps est un capital objectivé par les rapports de production : son épuisement ou la dispersion de ses énergies oblitèrent les profits futurs, c'est pourquoi la bourgeoisie, pendant le pic de la crise du covid, a pris tant soin de la santé de la « nation » Il faut « protéger la force de travail de son propre porteur ».
L'entreprise, en particulier via les mafias syndicales, noue entre elles les sphères du travail et de la vie personnelle, l’entreprise solidarise l’individu à ses propres objectifs politiques. Tout cela a été clairement confirmé par le télé-travail pendant le confinement, loué comme gage de confiance des exploités, capables de rester soumis sans que leur corps soit surveillé physiquement.
La gouvernementalité libérale confirme sa capacité à un enrôlement des subjectivités. La « discipline d'usine » pouvait encore produire naturellement le socialisme, parce qu'elle ne tenait que le corps comme les romains ne ficelaient que les mains des chrétiens. L'emprise psychologique du capitalisme mondialiste détruit tout espoir. Le corps n’est qu’un élément, parmi d’autres, de cette grande transformation ultrasubjective. Il intègre le capital personnel d’une entreprise de soi en perpétuelle recherche de performance : sport, sexualité, sommeil, nutrition, attention et vigilance prennent place dans un tableau plus vaste de variables psychosomatiques que l’individu surveille, améliore et augmente. L’organique, visé par le pouvoir disciplinaire classique, ouvrait encore la possibilité d’un repli intérieur, d’une recomposition intime des résistances et des refus. Débordant le territoire somatique, arraisonnant l’âme à son entreprise de mise en conformité des subjectivités aux désirs d’accroissement sans fin du capitalisme, le néolibéralisme vise une prise totale sur les individus par les individus eux-mêmes.

Michel Foucault a usé d’un second concept, la biopolitique, qui lui aussi innerve les travaux de sciences humaines et sociales depuis une trentaine d’années. La biopolitique a fini par désigner, pour l’époque moderne, un régime de pouvoir partagé entre le « faire vivre » et le « rejeter dans la mort ». La célèbre journaliste de la sexualité débridée, Marcella Iacub a récemment mis en exergue la nécessité de réviser la biopolitique foucaldienne à la lumière des nouvelles lois bioéthiques. Ces dernières ne visent plus le corps en tant qu’unité organique, mais le « matériau humain » dans ses déclinaisons et ses variétés : liquides, organes, substances. Iacub soutient que, dans cette perspective d’un corps démembré au profit de ses éléments constitutifs, « l’être humain et même l’espèce humaine ne vont plus être des données a priori mais des horizons à construire ». Le droit opère donc à la couture de l’organique et du pouvoir. La prise juridique sur le corps cesse d’être opératoire dès lors qu’un soma perçu dans ses flux et ses pièces devient la source d’une politique bioéthique. À la différence du corps décrit par Foucault dans ses passages de vie à trépas, point déterminant du régime de pouvoir moderne, le corps contemporain semble ignorer la mort7. Il s’agit bien pour le philosophe de « court-circuiter l’intériorité, la conscience et la subjectivité, et de contourner toute interprétation d’ordre psychologique ». Plus exactement, en insistant sur le travail de subjectivation du pouvoir et les projections sur chaque individu d’une psyché attendue Foucault ne nie pas la possibilité d’un travail du pouvoir visant « l’âme » et l’intériorité.

LE SPECTACLE DE LA VIOLENCE ETATIQUE QUI SE RETOURNE CONTRE ELLE

Je me suis intéressé également aux réflexions du philosophe marginal Agamben qui rappelle que, dans le droit romain antique, la condamnation à mort est très particulière. Mis au ban de la société, le condamné ne pouvait plus être tué selon les rites de celle-ci ; mais dans le même temps, son meurtre n’était pas un homicide. Situation paradoxale d’un homme placé en dehors de la cité, dont l’exécution ne pouvait plus relever du droit de cette dernière, mais qui pouvait malgré tout être mis à mort sans inquiéter son meurtrier.La production de la « vie nue », pure biologie débarrassée des attributs politiques, par une exclusion mortifère et paradoxale, serait au fondement de la politique moderne. La figure de l’exclu opère comme fédérateur de la cité : posée à l’extérieur de la zone d’exercice du pouvoir, elle en incarne la limite intangible. La mise à mort publique de George Floyd, présenté comme « afro-américain », donc pas américain pur (celui-là existe-t-il à part les amérindiens?), ex-taulard, avec cette inévitable co-morbidité cachée de tous les criminels, ne vérifié-t-elle pas finalement que George Floyd s'est mis à mort lui-même ? En tant qu'étranger à la cité blanche, hors de l'univers des cosmonautes blancs ?

Foucauld dépasse les vieilles conceptions de Durkheim qui reste aveugle devant les « nouveaux mécanismes pénaux »8. Car les mises à mort et les tortures spectaculaires de l’Ancien Régime étaient l’occasion de désordres relatés longuement par Foucault. Le peuple appelé à assister à la démonstration du pouvoir du roi pouvait tout aussi bien retourner sa violence contre lui.
La fonction de la prison n'est pas de permettre la réinsertion des « délinquants » ; il faut les séparer du reste du « corps social », les distinguer de la masse des révoltes du peuple qui entravaient le développement du jeune capitalisme. On retrouve la même séparation médiatique du 93 du reste de la société française. Alors que, comme dans les ghettos américains, se trouve une partie significative de la classe ouvrière, et la plus manuelle et la plus exploitée, les délinquants doivent s'y perpétuer comme garantie que la révolte ne prenne pas le chemin de la lutte de classe. On ne parle pas de quartiers ouvriers, de prolétaires au chômage mais de population paupérisée, de seconde ou troisième génération immigrée, de peuple arabe ou noir, jamais de prolétariat. Le spectacle « révolutionnaire », la vraie insoumission sociale doit rester l'échappée nocturne en quad, pied de nez aux policiers qui finit souvent mal. Le spectacle doit être permanent car il cache le vrai souci des prolétaires confinés dans taudis exigus et conditions de transport aberrantes.
Le petit voyou à moto n'est qu'un petit bourgeois raté dont la gloire, quelquefois posthume aura résidé, dans sa capacité à « soulever le quartier ». Le jeune voyou de banlieue est le frère du bonze syndical et le héros de Besancenot et Poutou, qui n'ont jamais été qu'à l'école des BD.
Les victimes de l'émeute sans avenir sont les prolétaires du quartier, noirs ou pas noirs. La casse petite bourgeoise ne fait pas dans le tri sélectif. Au milieu de l'énorme convergence de troupes de défense « de la démocratie » (13.000 soldats pour la seule ville de Minneapolis, si bien nommée), les vraies victimes de la campagne assourdissante, et qui doivent nettoyer le bordel, ce sont encore les ouvriers :
« Samedi en fin de matinée, la petite foule se livre à un véritable ballet de balais pour chasser l'eau laissée par les lances à incendie. Un groupe de Somaliennes voilées – une des plus grosses communautés immigrées de la ville – remplit des sacs-poubelle avec des détritus, d'autres enlèvent la boue dans l'odeur âcre. « C'est mon quartier, c'était terrible de voir la destruction hier à la télé et je suis venue donner un coup de main », raconte Jenny, une enseignante de 30 ans. « Ce nettoyage et cette solidarité sont la plus belle chose que j'aie vue depuis le début de la semaine. » Son mari espère que la violence va s'arrêter. « Je comprends que certains veuillent vandaliser un commissariat, mais pas les commerces », dit-il.
« Jenny est venue avec un grand balai rouge. Jeff, son mari, en a un aussi, vert pomme. Ils ne sont pas les seuls. Des centaines d'habitants de Minneapolis ont convergé sur l'avenue Nicollet avec des pelles, des brouettes et des balais pour aider à nettoyer le quartier. C'est un des endroits qui a le plus souffert lors de la quatrième nuit d'émeutes, vendredi soir. Le commissariat est toujours debout, mais la banque Wells Fargo, le bureau de poste, une station-service et d'autres commerces ont été brûlés et saccagés ».
Et pourtant que la démocratie locale était belle :
« Minneapolis se targue de sa diversité raciale et de ses idées progressistes. Son maire est démocrate, la représentante au Congrès, Ilhan Omar, est une Somali-Américaine très à gauche. C'est aussi un des rares endroits aux États-Unis où, en 2019, un policier a été condamné à 12 ans de prison, pour bavure. Mais les manifestants ne font pas vraiment confiance à la justice. Le rapport médical sur la mort de Floyd suggère que ce sont ses problèmes de santé qui ont conduit à sa mort, et non l'asphyxie. Le ministère de la Justice n'a lancé aucune enquête, et les trois autres agents présents lors de l'interpellation sont toujours en liberté ».
Libération est obligé de décrire une réalité émeutière pas aussi reluisante que celle qui enthousiasme les infantiles NPA ou black blocs français, et où les victimes se croient encore trop noires plus que prolétaires :
« Dans ce quartier populaire, ils se sentent «abandonnés»: le maire de la ville et le gouverneur de l’Etat ont affirmé que les forces de l’ordre n’étaient pas en nombre suffisant pour faire face aux émeutiers, ni les pompiers pour venir éteindre tous les incendies. Depuis, des centaines de soldats de la garde nationale ont été déployées dans la ville, en priorité pour protéger les autres commissariats et les commerces. «Ici, on est livrés à nous-mêmes pour se défendre», constate Nina, qui affirme que la réaction des autorités aurait été très différente si «les mêmes destructions avaient eu lieu dans un autre quartier. Nous, on ne compte pas.» Elle dit néanmoins espérer que les événements permettront «de faire quelques progrès, d’aboutir à des changements à Minneapolis». Depuis la mort de Floyd, à Minneapolis, rien n’est manichéen : il y a des casseurs et des pillards noirs et blancs, et les manifestants sont également, eux-mêmes, victimes des émeutiers. «Ce sont même les gens les plus affectés par les brutalités policières qui sont aujourd’hui affectés par ces destructions, insiste Nina. Les commerces de cette rue qui ont brûlé appartiennent presque tous à des gens de couleur.» L’émotion après la mort de Floyd, elle, est unanime, tout comme l’appel à un changement profond et structurel dans les forces de l’ordre. «J’ai élevé deux enfants noirs, reprend Nina, blanche mariée à un Afro-Américain. Nous avons souvent dû avoir cette conversation avec eux : comment gérer une situation compliquée avec la police, comment se protéger contre eux. On a totalement intégré le fait qu’il y avait une nette différence de traitement de la police vis-à-vis des noirs et des blancs.»

Certes la plupart des zones ouvrières sont habitées par une population noire, de même qu'on nous a suffisamment expliqué que la majeure partie des nombreuses victimes du covid aux Etats-Unis était noire. Certes mais ne sont-ils pas avant tout des prolétaires et pas des va-nu-pieds ni de quelconques petits casseurs anarchistes noirs et blancs ? Certes il faut tenir compte de l'énorme capacité de l'Etat démocratique à favoriser la paranoïa d'être noir et libre de ses mouvements, comme l'explique superficiellement l'Express :

« Une fois par jour au moins, Neuli Shangwe et sa famille ont la peur au ventre. Car une fois par jour, son frère part faire son jogging dans leur quartier de Minneapolis. Ils s'imaginent alors les pires scénarios. " Ici, un Noir qui court dans la rue, c'est forcément un homme suspect, raconte la jeune femme de 27 ans. Et un homme suspect noir, c'est une victime potentielle des bavures de la police", explique-t-elle, navrée9. Puis son regard vert perd de son intensité et ses yeux se tournent vers le sol. Dans un souffle, elle ajoute: "Je ne sais jamais si mon frère reviendra de son jogging..."  
Des manifestations qui ne sont pas sans rappeler d'autres incidents survenus aux Etats-Unis concernant des meurtres d'hommes noirs, comme l'affaire Trayvon Martin en 2012, la mort d'Eric Garner en 2014 lors d'une interpellation - qui a, comme George Floyd, alertant qu'il ne pouvait pas respirer aux policiers - ou encore celle de Michael Brown à Ferguson la même année. La liste est longue. Comment expliquer que de telles situations adviennent aux Etats-Unis et mènent à une si grande colère ? ».

Justement l'ensemble de la presse-médiatrice du pouvoir ne l'explique en rien, sauf à en rester au particularisme racial et aux interviews impressionnistes de monsieur et madame tout le monde à un coin de rue.

UNE ALERTE SOCIALE QUI NE DOIT PAS ETRE REDUITE A LA PROTESTATION ANTIRACISTE

Que pèseront ces jours de protestations sociales détournées dans l'attente d'un vraie justice bourgeoise par rapport aux luttes, pas aux émeutes, qu'il faudra à la classe ouvrière mener partout, sans doute avec des revendications plus politiques que salariales. D'ailleurs à son premier niveau la colère contre le meurtre du prolétaire George Loyd, est un fait politique, bien que embrouillé dans les protestations antiracistes de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie. On ne va pas accepter que les masses d'ouvriers noirs soient qualifiée de pauvres ou de racisés, mais respectés comme prolétaires à part entière. La question n'est plus alors quelle justice ? Mais quel emploi, quel avenir pour les millions de jeunes avec ou sans diplômes ? Le gouvernement espagnol a approuvé vendredi en conseil des ministres la création d'un revenu minimum de base garanti pour les foyers les plus pauvres. Ce revenu a été fixé à 462 euros par mois et par personne vivant seule, et jusqu'à 1.015 euros pour une famille, a précisé Pablo Iglesias, le chef de file du parti de gauche Podemos et l'un des vice-présidents du gouvernement. Il sera cumulable avec des revenus modiques. Est-ce que les gouvernants capitalistes croient que ce genre d'obole va nous empêcher de mettre en cause le capitalisme ?
Est-ce que les petits rigolos trotskiens de Lutte ouvrière qui s'alignent sur ce partage de la misère croient qu'on va les prendre pour des ennemis du système ? ils titrent leur blog : « Non aux licenciements, répartition du travail entre tous », ce qui est nettement moins radical que la mafia CGT ou que les généreuses donations pour le travail partiel en confinement par les sieurs Macron et Le Maire.

C'est tout pour aujourd'hui et je termine avec ce beau mot de Michel Foucauld :

« Le droit de mort tendra dès lors à se déplacer ou du moins à prendre appui sur les exigences d’un pouvoir qui gère la vie. »


PS : Sur les exactions policières. Il ne faut jamais oublier que ce sont des exécutants, et qui agissent dans les moments les plus primaires. Il y a bien d'autres professions flicardes, psychologiques, journalistes, syndicales. La grosse majorité des corps de police sont en effet des robocops. Les plus humains se suicident parfois. Les médias n'en parlent pas, mais parmi eux il y a souvent du dégoût d'exercer une telle fonction, mais faut bien bouffer même en uniforme. Leur problème et toutes les révolutions le démontrent, c'est que les exactions ne tombent jamais dans l'oubli et peuvent se payer au centuple. J'ai rappelé dernièrement, ce que ne savent pas ou ne veulent pas savoir le spécialistes de la révolution russe, que la moitié des flics de Petrograd ont été tués et jetés dans le fleuve, plus de trois mille en 1917... Dans les grands chamboulement, il n'est pas interdit de faire preuve d'opportunisme. En 1945, les flics parisiens qui avaient si bien exercés la répression pétainiste et envoyé les juifs à la mort, se joignent « opportunément » à l'insurrection gaulliste organisée par un stalinien « néo-léniniste »10. Terminons par cet entrefilet qui sauve l'honneur des policiers restés dignes :

« Nous voulons être avec vous. Ces policiers vous aiment ». Le discours du shérif du comté de Genesee, dans le Michigan, n'est pas passé inaperçu en plein mouvement de contestation aux Etats-Unis après la mort de l'Afro-Américain George Floyd après une interpellation policière à Minneapolis. "Marchez avec nous", a répondu la foule à Chris Swanson. Policiers et manifestants ont donc défilé dans le calme à Flint, samedi 30 mai. La manifestation pacifique a duré plusieurs heures ».


NOTES


1La représentation des flics comme robots est tout à fait explicite lors de l'interpellation du journaliste noir de CNN. On voit une bande de robocops se mouvant au ralenti, cernant puis posant les menottes au journaliste sans parler, sans donner d'explication. Puis l'emmener. Le technicien blanc était aussi menotté par après, puis comme l'image n'aurait sans doute pas eu l'effet recherché, on nous annonce que seul le journaliste noir a été emmené en détention, donc preuve d'une arrestation raciste, mais c'est faux les deux employés de CNN ont été en état d'arrestation.
2Un des plus bêtes indignés professionnels, Yannick Noah, comme tous ces artistes qui feraient mieux de perfectionner
Noah respire le fric.
leur talent au lieu d'exprimer leur bonne conscience de pauvres parvenus, en rajoute dans la croyance en une vraie justice ! De classe ?

#justiceforgeorgefloyd #blacklivesmatter #justiceforall enough !!!!! It’s not enough to be non racist we must be Anti racist ! Say it LOUD !!! Justice for Georges FLOYD and ALL !!
Remettons la palme de l'imbécillité aux bambins immatures du NPA : « « Les outrances racistes policières qui ont déclenché les manifestations et la colère qu’on voit dans les rues des États-Unis sont le fruit de quatre cents ans d’oppression raciale. Elles sont inséparables et font partie de la structure même du capitalisme étatsunien. La solution se trouve donc dans les changements sociaux de grande envergure. D’ici là, nous revendiquons la fin de racisme policière et la protection des communautés victimes par de telles violences ». Et ta sœur on revendique la guérison de son rhume ?

3Avec un parfait cynisme de façade dont a témoigné un des membres de la famille de Floyd tant de la part du Trump que du Joe Biden. Un besoin de justice, des mots et des supplications qu’il a senti vite balayés par ses deux interlocuteurs. “Je ne comprends juste pas”, commente alors Philonise Floyd, toujours sur MSNBC, des sanglots dans la voix. ”Ça m’a fait mal. [...] Pourquoi devons-nous vivre toute cette douleur? J’aimais mon frère et je ne le reverrai juste plus.” 
4Une série d'atouts qui risquent bien d'en faire le nouveau Che Guevara sur les tee-shirt des banlieues.
5Ce fût d'ailleurs mon premier surnom de clandestinité militante. https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert-François_Damiens

6Je vous livre ceci, qui est complexe, en note car cela nécessiterait une longue démonstration qui sort du cadre de cet article. Il reprend par exemple à son compte une analogie entre la division du travail et la tactique militaire tirée du Capital : « De même que la force d’attaque d’un escadron de cavalerie ou la force de résistance d’un régiment diffèrent essentiellement de la force des sommes individuelles… de même la somme des forces mécaniques d’ouvriers isolés diffère de la force mécanique qui se développe dès qu’ils fonctionnent conjointement et simultanément dans une seule opération indivise » (note 2, p. 192 de Surveiller et punir)
7https://journals.openedition.org/chrhc/2526
8Au XIXe, la punition est sans doute devenue moins « sévère » mais elle s’est généralisée. Surtout les modalités de l’exercice du pouvoir se sont transformées, dans un « effort pour ajuster les mécanismes de pouvoir qui encadrent l’existence des individus », pour une meilleure maîtrise de « cette multiplicité de corps et de forces que constitue une population », vers « un quadrillage pénal plus serré du corps social ». Foucault, le pouvoir et le problème du corps social Matthieu Merlin. https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2009-1-page-51.htm
9Nous avons tous été profondément touchés par la chasse à l'homme puis le meurtre d'un jogger noir, affaire qui relève du faits divers, du fait qu'il y a beaucoup de cow-boys cinglés en Amérique, armés, mais qui autorise la vente des armes aussi largement et légalement ? Ce meurtre n'a pas la même gravité, désolé de le dire, et signification que le meurtre policier.
10Dans l'étonnant mea culpa de Didier Daeninckx, vieux spécialiste de la collaboration aux campagnes idéologiques bourges anti-racistes, on trouve cette remarque qui montre bien la capacité collusoire de la bourgeoisie : « Charles Tillon, maire communiste élu en 1945, figurait également dans le gouvernement De Gaulle, un général qui ne s'était jamais offusqué du fait que son ministre ait été un mutin de la mer noire ». De mutin à putain... (« Municipales banlieue naufragé ». Etonnante cette adaptation du trust Gallimard à la forme brochure pour de courts textes pamphlétaires, comme ceux que nous réalisions post-68 – nommés « tracts Gallimard » - mais pas vendus hors de prix : 3,90 E. Peut-être que, vu les bouquins de merde qu'ils n'écoulent plus (tous les éditeurs) vont-ils essayer de se renflouer avec des livrets format peuple?

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