PAGES PROLETARIENNES

lundi 3 février 2020

QUELLES LECONS DE LA PROTESTATION SUR LES RETRAITES ?


un dangereux révolutionnaire exhibé aux Champs Elysées
QUAND L'OPPORTUNISME DIVAGUE...

« Nous ne permettrons pas qu'on entraîne la classe ouvrière dans une « défense de la démocratie contre le fascisme ». Maurice Thorez (15 mars 1935)

« L'opportunisme et le centrisme constituent une maladie propre au prolétariat depuis la II ème Internationale. De même, il existe dans la bourgeoisie, des tendances opportunistes, mais ce n'est pas notre problème.
Le centrisme englobe un ensemble d'idées. Depuis la naissance des organisations du mouvement ouvrier, il a toujours plus ou moins existé trois courants :
  • la gauche du parti, celle qui tend vers la cohérence générale ;
  • l'opportunisme révisionniste : le but n'est rien, l'immédiat importe, on essaie d'améliorer la condition immédiate de la classe ouvrière ;
  • le centrisme qui essaie de réconcilier les deux précédents, tout en critiquant un peu, préoccupé par l'unité à tout prix ; il milite pour le maintien des deux ».
    Marc Chirik (Opportunisme et centrisme, 1984, in tome 2 Marc Laverne et le CCI, textes réunis par Pierre Hempel, livres consultables à la BNF et à l'institut d'Amsterdam).
« C'est le propre de ne pas combattre les positions révolutionnaires de front, mais de justifier leur pratique opportuniste par une soi-disant situation nouvelle. Bien mieux, on se revendiquera d'autant plus des résolutions et des positions révolutionnaires du passé que cela permettra de camoufler l'opportunisme pratiqué dans le présent ».
Marc Chirik (Quand l'opportunisme divague, 1945)

« On se fabrique ainsi un « peuple » à l'image de son propre militantisme ».
Michel Pialoux (Enquête sur les métamorphoses de la classe ouvrière)


Que ces quelques citations ne vous égarent pas mes chers lecteurs, il sera bien question de la nouvelle défaite du « tous ensemble syndical », mais en direction des minorités politiques qui posent généralement aux donneurs de leçons de ce que doit penser et conclure le prolétariat. L'absence de véritable bilan critique de cette triste et douloureuse « plus longue grève » en France est assez saisissant. D'abord concernant les fractions d'extrême gauche de la bourgeoisie, les syndicats et la petite clique à Mélanchon, et les petites roues du carrosse des faux-culs LO et NPA. Alors que depuis la fin décembre les carottes sont cuites, tous ces bateleurs de foire en appellent au durcissement...dans la continuité vaine, pour une généralisation... de la défaite ! L'article du CCI sur la complicité du gouvernement et des syndicats le formule très bien : « Ils en appellent bien sûr à l'extension du mouvement qui est dans une dynamique de reflux, haranguant le privé de « prendre le relais », dénonçant la « lâcheté de la grève par procuration (…) ils multiplient les actions pour mieux constater que les ouvriers ne veulent pas renforcer et généraliser la mobilisation et donc mettre sur leur dos la défaite ».

Ni les faux-culs de la gauche transformiste ni les syndicats ne seront la préoccupation de cet article, mais bien plutôt l'incapacité du petit milieu maximaliste à tirer de vraies leçons de cette nouvelle défaite (cyclique... tous les 25 ans c'est la même chanson), et même à n'en tirer point du tout avec strictement les mêmes radotages sur le « tous ensemble » syndical, et les deux recettes psalmodiées même par la plupart des serviteurs gauchistes des syndicats : c'est la faute aux syndicats, ils ne nous y reprendront plus et il suffit de « s'organiser nous-mêmes en AG et avec nos propres comités révocables »1. Il sera donc question de l'opportunisme et de ses avatars lorsqu'un groupe à l'état de secte est incapable de changer de lunettes pour mieux considérer la réalité de la lutte des classes. Et du centrisme puisque celui-ci est une des formes de l'opportunisme. Marc Chirik, qui lui n'ignora jamais le poids de la petite bourgeoisie sur le mouvement ouvrier au XXe siècle, s'était amusé à balancer à la figure de nos comètes universitaires outrées, dans leur simplisme politique (lors du débat interne du CCI des années 1980 sur l'opportunisme), des citations du diable que représentait pour ces anarchistes déguisés le nom de Trotsky, sur une notion que ce dernier définissait avec son habituelle plume de Paon :

« Dans le domaine de la théorie, le centrisme est informe et éclectique, il se soustrait, autant que possible aux obligations d'ordre théorique et est enclin (en paroles) à préférer à la théorie la « pratique révolutionnaire », sans comprendre que seule la théorie marxiste est capable de donner à la pratique une direction révolutionnaire. Dans le domaine des idées, le centrisme mène une existence parasitaire (…) Un centriste occupe entre un opportuniste et un marxiste une position analogue à celle du petit bourgeois entre un capitaliste et un prolétaire : il fait des courbettes au premier et n'a que mépris pour le second ».

Enfin tout cela ne m'empêche pas de vous rappeler ce que vous savez, dans le sens commun, que l'opportunisme est une politique de girouette.

TEL EST PRIS QUI CROYAIT PRENDRE !

Donc si le CCI est opportuniste, le GIGC (Révolution ou guerre, un individu) est son centriste qui est qualifié de « parasitaire » (c'est un peu vrai, moi j'aurais dit plutôt perroquet). Si les gauchistes sont opportunistes (du point de vue bourgeois et de la propagation du politiquement correct), le CCI serait leur centriste... parasitaire, qui copie l'original sans admettre qu'il copie...

Qualifier ce mois et demi de grèves hétéroclites, minoritaires dans un mouvement interclassiste, de « premier pas pour retrouver le chemin des luttes massives » est incontestablement un grand pas dans l'opportunisme. Encenser cette défaite comme « mouvement de lutte tous ensemble », sans avoir nuancé ce frauduleux « tous ensemble », c'est, et je l'ai dit et répété, dupliquer le langage des mobilisateurs gauchistes, souffler dans les cornets syndicaux bour et bour et ratatam. Sans aller jusqu'au niveau ultra opportuniste de l'animateur de Matière et révolution, vieil ami de Laguiller, qui a fabriqué son propre joujou « Gilets jaunes de Poitiers » et se fait le représentant de commerce du truisme « gilet-jaunisation des luttes » et de l'émancipation du « peuple », c'est le même « bilan » de nos professeurs de « grève tous ensemble » : « que cette grève nous serve de leçon » !2 Mais de leçon à quoi ?
L'opportuniste sait mentir aussi. Le CCI, pourtant très provincial désormais, méprisa gaillardement le mouvement des gilets jaunes, pourtant très respectable tout au moins à ses débuts, le couvrant de bave sectaire anti-facho, ce qui ne l'empêche pas d'écrire doctement un an plus tard : « … la côte de popularité des gilets jaunes contre la « vie chère » et la misère, il y a tout juste un an, a été un bon indicateur de la colère qui grondait dans les entrailles de la société (…) même si la classe ouvrière ne se reconnaissait pas dans les méthodes de contestation de ce mouvement interclassiste initié par les petits patrons asphyxiés par les taxes sur le carburant »3.

On est comme on va le voir plus amplement dans une vision irréelle, car puriste et dogmatique de la lutte des classes. C'est faux de dire que ce sont les petits patrons qui ont initié, même s'ils ont rejoint très vite, ce sont ces catégories que méprisent sociologues, journalistes et militants qui ont été le fer de lance de l'indignation en veste jaune, assez imaginative et capable de bloquer l'Etat mieux que n'importe quelle grève syndicale de deux mois ! Ce sont les trois catégories suivantes : précaires, chômeurs et retraités qui ont légitimement porté le mouvement au début avant de se faire récupérer par diverses factions bourgeoises, plutôt « identitaires » vu que gauche bourgeoise urbaine et syndicats bobos les méprisaient totalement4. Par absence de mémoire ouvrière (celle des bons prolétaires des services publics bien au chaud et bien dans leurs certitudes corporatives et une absence de référence à l'histoire de la lutte « de classe ») et face au mépris opportuniste de nos révolutionnaires intermittents, nos pauvres gilets jaunes ne pouvaient être tués dans l'oeuf que par la mystification démocratique, mais aucunement épaulés ni aidés par un minuscule groupe de professeurs convenablement retraités.

UNE ABSENCE DE GENERALISATION A CAUSE DU DEGOUT DES SYNDICATS

Leur « pas pour retrouver le chemin des luttes massives »5 a été pourtant autrement plus interclassiste que nos pauvres gilets jaunes. Les élites gouvernementales autrement plus machiavéliques que le CCI, n'ont pas été simplement « main dans la main avec les syndicats pour faire la réforme des retraitées ». Elles ont permis que se mettent en place, comme simples pions d'un échiquier, une guerre sociale ultra corporative, une grève chieuse il faut le souligner QUI EST RESTEE MINORITAIRE. Pas simplement parce que le privé s'en fichait, lui le mal aimé, si souvent déshérité, mais parce qu'elle resta minoritaire dans les deux entreprises présentées par CCI et gauchistes comme « exemplaires ». J'ai obtenu des témoignages intra-muros pour la RATP où une majorité de personnels non roulant, pas hostile à la nécessité de grève, ayant en mémoire le sabotage syndical de 86 et 88, a refusé d'obéir à la mobilisation hystérique et n'a pas cédé au terrorisme verbal des recruteurs gauchistes, dont certains traitèrent les non grévistes de traîtres.
Bien sûr on a pu constater que de nombreux manifestants, non encartés ni encadrés, avaient défilé devant les barnums syndicaux, mais ce n'est bien connu que le peloton de tête n'est pas celui qui fait la loi dans le troupeau de cyclistes en compétition. Le management syndical ne tient pas plus au courant les masses, massives ou non, de sa « gestion » comme d'ailleurs le management patronal.

Comme dans toutes les grandes entreprises publiques, SNCF et EDF, les personnels sont tenus dans l'ignorance des réformes managériales ; ils ne savent pas si demain ils dépendront de l'entreprise Truc ou Machin. Ni ce que sera l'avenir de leur statut propre. Les syndicalistes ne sont pas plus au courant mais jouent sur cette angoisse pour entraîner dans le spectacle de la protestation impuissante, aléatoire et répétitive jusqu'à la démoralisation.
Le privé est depuis longtemps sous le régime de la « peur du lendemain » (Babeuf) et jalouse une sécurité de l'emploi qui est pourtant en passe d'être détruite dans le secteur public, mais cette sécurité fonde un esprit corporatif étroit et nullement solidaire du privé traditionnellement émietté et isolé :

« L'effet le plus évident de l'appartenance à la fonction publique est, pour la majorité de ses agents, la sécurité de l'emploi. Celle-ci est un élément important du bonheur au travail : il s'agit d'une sécurité que l'on souhaite transmettre à ses enfants »... il y a « une sorte de « troc » qui consisterait à acheter la tranquillité du destin professionnel individuel (sécurité de l'emploi) contre un salaire modeste »6.
La complicité des médias à la mise en valeur du coup de force des mafias syndicales – les sondages arrangés - a tu l'épuisement des centaines de milliers de prolétaires traités comme bestiaux près de deux mois ; cette longue grève épuisante pour les grévistes en termes financiers et moraux, ne l'a pas été moins pour les usagers qui ont dû galérer pour aller au turbin, et qui n'ont jamais ressenti l'intérêt de se mettre en grève pour des revendications aussi confuses, de plus en plus obscures dans les méandres argumentaires des dominants.

C'est étrange que le seul groupe qui a défendu depuis 50 ans que les syndicats sont pourris et sur le déclin historique des partis bourgeois, ce qui se vérifie chaque année un peu plus, ait été opportuniste au point de reprendre le langage des laquais gauchistes appelant à « tenir des AG », « généraliser au privé », mots d'ordre creux et d'autant plus creux qu'ils étaient adressés à la population en général, y inclus nos derniers gilets jaunes, les avocats, les pompiers, les docteurs, les agriculteurs, les commerçants, les étudiants (sic) alors que la jeunesse (heureusement) a été totalement absente et que l'UNEF l'a eu dans le cul. Encore heureux !7
L'article de tête de leur journal se conclut par ce coup de clairon : « Le mouvement actuel, malgré toutes ses faiblesses, porte les germes de cette dynamique future, car il a remis au devant de la scène sociale le fait que les travailleurs subissent tous la même exploitation, les mêmes attaques et, surtout qu'ils peuvent mener ensemble une lutte animée par le besoin d'unité et de solidarité. Plus que jamais l'avenir appartient à la lutte de classe ». Et c'est signé Claudine. Hé Claudine l'avenir ne t'appartient pas ni à la lutte de classe en soi. La menace de destruction de l'espèce humaine par le coronavirus fait passer en ce moment cette grève bordélique pour un détail dans la société française.

Non les travailleurs ne subissent pas tous la même exploitation, ni le même désir de faire grève pour n'importe quoi, et surtout quand il n'a jamais été question d'une revendication unitaire. Les astucieux commis d'Etat n'ont jamais parlé de « la retraite » mais « des retraites », et en devisant avec morgue dans un dédale filandreux de conditions particulières et de cas particuliers à l'infini.
Comme les gauchistes, le CCI a imaginé que la classe ouvrière, dans ses conditions multiples allait se réincarner « classe unitaire » voire en « frères de classe », avec l'emphase globalisante et mensongère de n'importe quel discours de la secte PCF :
« Voilà la victoire de ce mouvement car le vrai gain de la lutte, c'est la lutte elle-même ou toutes les catégories professionnels (sic), toutes les générations (resic) se sont enfin retrouvées ensemble dans un même combat de rue contre une réforme qui est une attaque contre tous les exploités ».

Le vrai gain de la lutte c'est la lutte elle-même !? Allez raconter cela aux gens qui ont vu plus d'un mois de salaire amputé ! pour que dalle ! que pour s'entendre dire que gouvernement et syndicats vont chercher dans les mois à venir à trouver une dizaine de milliards8, pour combler les déficits.

UNE ABSENCE DE GENERALISATION A CAUSE DES MULTIPLES CORPORATISMES

On n'a même pas assisté à un retour d'une visibilité plus grande de la classe ouvrière. Les gauchistes félicitant le peuple, les anarchistes prônant un nouveau 93 « populaire », et le CCI incluant toutes les catégories sociales, hormis la bourgeoisie dans sa nouvelle vision de la classe ouvrière assez soixanthuitarde. Il demande d'ailleurs aux jeunes d'écouter les vieux de 68, qui seraient une bonne mémoire ! Gardez-vous en ! Ce qu'il en reste n'est pas de bon conseil, soit les couches intellectuelles ont sombré dans la guimauve écologique et féministe, soit ils se sont inscrits au PCF :
« L'évolution socio-professionnelle du parti communiste français est tout à fait symptomatique de ce changement : elle dénote pour ce parti comme pour d'autres un « embourgeoisement notable des effectifs. Entre 1979 et 1998, la part des cadres supérieurs au sein du PCF est passée de 5 à 22%, celle des catégories intermédiaires, de 15 à 32%. La part des ouvriers a, quant à elle, diminué de moitié, passant de 46 à 21% »9.

Les hésitations et pour tout dire l'opportunisme de fractions de la classe ouvrière « tertiairisée » expliquent d'abord la faiblesse d'un mouvement minoritaire dans ses secteurs les plus partie prenante, mais bien encadrés dans la rue et restés cloisonnés dans leurs diverses entreprises, incapables de poser les vraies questions politiques ; chose que le CCI évita lui aussi de poser, se contentant de laisser les questions au niveau de la lutte contre la « vie chère » et la retraite « bradée » ; confondant les divers groupes sociaux et corporations égoïstes dans un mouvement programmé pour aller dans le mur. La perspective communiste, n'en parlons pas dit l'opportuniste, cela choquerait les nouveaux jeunes ouvriers. On ne dénonce pas du coup la muséification d'une classe « tertiairisée » :

« « Invisibles politiquement et socialement, laissés pour compte au profit d'autres groupes sociaux, les ouvriers ont progressivement disparu des représentations du monde social. La perte de visibilité également médiatique des ouvriers dans les années 1980 s'est accentuée au début des années 1990, annonçant la fin d'un monde. Au début des années 2000, leur retour sur le devant de la scène semblait les renvoyer un peu plus dans le passé, par la médiatisation d'ouvriers qui perdaient leur emploi, victimes des délocalisations, ce qui occultait au passage, la présence d'un nombre grandissant d'ouvriers dans le secteur tertiaire. Eux qui semblaient avoir disparu réapparaissaient ainsi « muséifiés », semblant appartenir encore un peu plus à un monde « dépassé »10. Pourtant même si le management leur a fait croire qu'ils n'étaient plus ouvriers, ils se rendent compte qu'ils le sont devenus aussi comme leurs parents :
« « Après avoir été désouvriérisés, ces jeunes se redécouvrent ouvriers, mais ce temps de la réouvriérisation peut être long si l'on s'est construit des « oeillères symboliques »... cela se situerait trois ans environ après l'embauche (cas de l'EDF) »11.

Il faut noter la faible présence, voire l'absence des ouvriers dans les débats télévisés réservés aux spécialistes du bourrage de crâne et de la lèche. On avait bien exhibé, et à profusion l'an passé, de curieux gilets jaunes avocats ou routiers, mais depuis décembre 19 le crachoir télévisuel était réservé à la racaille des permanents syndicaux et des agités du bonnet trotskien.

Le blabla radoté sur le « tous ensemble » par nos opportunistes de tous poils au derrière des généraux syndicalistes a caché une autre réalité de la classe ouvrière où tous les chats ne sont pas gris, qui montre la toxicité des corporatismes tout comme la nuisance des catégories reines, tels les aristos conducteurs de train ou de rame de métro ; des catégories ouvrières sont très hiérarchisées et font la loi pour leur propre compte. Personne n'en parle, ni les journalistes bourgeois, ni nos oecuméniques révolutionnaires de la phrase unitaire, solidaire et sédentaire, 88 ne fut pas aussi rose que 86 avec ses coordinations syndicalistes des recruteurs gauchistes :

« « On est obligé d'en parler un peu aux jeunes parce que 88, c'est une avancée qui a été énorme. On a obtenu des choses qui sont encore mises en place aujourd'hui (…) c'était un mouvement ouvrier, pas dans le sens péjoratif du terme. C'est une grève dans les services ouvriers de la RATP, c'est à dire que les conducteurs, tout ce qui est exploitation, ils n'ont pas tellement fait grève. Cà a été un mouvement de revendication pure des services ouvriers. Ce qu'il faut savoir – un petit peu d'histoire -, c'est qu'avant 88 un conducteur de métro et un ouvrier qualifié à la RATP avaient une différence de salaire énorme (…) çà a pété... nous, on a demandé à être remis au niveau du conducteur, parce que c'était pas possible »12.

ET ON PRETE DES VISEES REVOLUTIONNAIRES A UN MOUVEMENT D'ACCOMMODEMENT A UNE RETRAITE PEPERE GARANTIE JUSTE

C'est « tous ensemble » « que nous devons lutter », bien qu'en luttant séparément sur des objectifs corporatistes. Le but n'est rien, le mouvement est tout (la lutte est tout). C'est par ailleurs « un petit pas » et « éviter la grève par procuration », c'est à dire qu'on reprend l'invention culpabilisante du bouffon Mélenchon. Les prolétaires du privé n'ont délégué aucune procuration ni même les milliers qui refusèrent de participer à une grève piégée.
La grève fut surtout une grève par obligation pour ceux qui l'ont rejoint, au milieu d'une course d'obstacles où les plus malins agirent à saute-mouton avec leurs congés. Les jeunes de la RATP n'ont pas pu se permettre de faire grève aussi longtemps que les anciens qui, eux, ont pu se le permettre ayant fini d'acheter le logement qui fait partie des « facilités » de la corporation en début de carrière. Pourquoi gâcher plus d'un mois de salaire pour protester contre une réforme bourgeois qui passe tous les dix ans de toute façon ? Pour montrer sa fierté corporative ? Pour améliorer « la condition immédiate » d'une catégorie de la classe ouvrière ?

Je comprends l'objection : fallait-il ne rien faire ? Même avec les syndicats sur le dos, il faut bien sûr être prêt à engager le combat, mais aussi dire stop si l'enjeu n'en vaut pas la chandelle et qu'on s'aperçoit qu'il n'y a pas d'extension ou une fausse généralisation alimentée par n'importe quelle rumeur. En faisant durer plus que de raison, les syndicats ont certainement enduré une forte poussée de colère sociale mais ni le CCI ni les parties de la classe en lutte n'ont été capables de se hausser au niveau politique. On est resté dans le plus plat économisme. C'est sans doute à ce niveau que l'échec doit être examiné, pourquoi on s'est laissé enfermé dans des revendications non unificatrices, pourquoi il ne sert à rien – s'il n'existe pas une réelle conscience de débouchés politiques et sociaux – de balancer les mêmes recettes formelles : AG – coordination directe – et rejet des encadreurs syndicaux. L'échec doit être systématiquement maquillé sous le "combat continu", avec des journées d'action sans fin, la répétition des mêmes manifestations gnangnans aux cris de "on veut des ronds mais plus du Macron".
La complexité des rapports entre les diverses couches de la classe ouvrière ne trouve pas non plus son explication dans la méchanceté des syndicats. Il manque là un vrai parti révolutionnaire qui ne flatte pas une classe mythiquement unitaire, autre version de l'ancien ouvriérisme. La situation réelle de la classe ouvrière actuellement, en France comme ailleurs ne permet pas de prendre au sérieux une inflation de proclamations sur une quelconque « insurrection » ni de se laisser aller à parler de veillée révolutionnaire, ce que font les anarchistes et les trotskiens en goguette. On a un décalage encore plus grand qu'en 68 entre un discours hyper révolutionnaires de bobos étudiants et gauchistes et une protestation des ouvriers jeunes et vieux qui pensent qu'il faudrait bien « en finir avec le capitalisme », mais qui ne savent pas trop comment en l'absence d'un tronc de référence, c'est à dire d'un parti non opportuniste, ou plus modestement d'un milieu révolutionnaire maximaliste responsable hostile à tout romantisme de la phrase, ou inventant une unité de classe qui pourra être gagnée ultérieurement mais sur des exigences réellement communes et unitaires. Pas pour améliorer le niveau de vie (misérable et inégal) mais dans le cadre du programme de changement de société.



NOTES

1Le cas le plus caricatural est celui de cet ancien banni du CCI, qui se nomme groupe mondial à lui seul, qui est resté complètement suiviste derrière les mobilisateurs gauchistes, et, au lieu d'avoir le courage de tirer un bilan, même cruel, de ce nouvel échec si bien planifié par les dominants, nous sort une diatribe contre son ancien groupe à propos d'un bizarre groupuscule nommé Nuevo Curzo qu'il défend ardemment alors que celui-ci s'avère être un avorton troskien, générateur de confusion et de mensonge historique, emmené par un histrion, auquel le représentant espagnol du CCI a pourtant offert un tapis rouge en lui écrivant maintes fois pour demander des explications. Le CCI et son contempteur Juan sont pathétiques avec leurs querelles de clocher sectaire à un moment dramatique pour la conscience ouvrière. Je n'ai plus aucune relation avec tous ces exclus éternellement rancuniers ; certains se sont arrangés pour s'éclipser discrètement de la politique et de mon environnement. C'est le lot à chaque époque des engagements furtifs de nombre d'universitaires petits bourgeois. Ainsi il y a 35 ans déjà lors du (féroce) débat sur l'opportunisme, j'avais remarqué que c'étaient « les plus petits bourgeois d'entre nous » qui n'y avaient rien pigé, d'augustes docteurs membres fondateurs belges et américains. Mon texte sur l'opportunisme et le centrisme (p.351 du tome II de Marc Laverne et le CCI) est un assez bon résumé de ce débat et m'avait valu les félicitations des camarades qui avaient gardé une tête marxiste. La « direction » d'alors du CCI était nettement oppoortuniste et centriste, c'est pourquoi mon article – Le passage du PCF à la contre-révolution – avait été refusé par le comité de rédaction. Le PCF devait être considéré comme bourgeois de a à z. Je tiens ces textes à disposition de qui veut en faire la demande, sous forme de fichier. J'ai relu moi-même ces tomes qui restent une mine d'or pour la pensée révolutionnaire moderne et la question du parti. Le premier tome a connu de singulières aventures. Henri Simon, le pape de Echanges, en réalisa des photocopies qu'il vendit pour son propre compte, ce qui n'était pas très honnête, vu que je commençais à le vendre. Quant au CCI, à l'époque de ma démission (1996), je leur avais porté le dernier carton des invendus en réunion publique à Paris, et ces crétins l'ont égaré. Le CCI a toujours montré un dédain total pour ce travail de compilation de son principal fondateur et « âme » d'emmerdeur, qui m'avait occupé plusieurs mois et coûté de l'argent. J'ai sauvé des textes de valeur de l'enfer d'une littérature de rabâchage.
2Cf. son tract : « Les directions syndicales contre la Révolution et l'insurrection ». Il m'avait d'ailleurs demandé mon avis. Et je lui avais répondu ceci sur face bouc alors qu'il s'apercevait du final syndical : « Tant mieux, mais on le savait depuis belle lurette! quant à tes vestes jaunes "terrain de la révolution"! tu rêves mon ami. Des petits canards jaunes ignares et courant après une démocratie nunuche (le RIC golo). Quelle révolution ou insurrection ce jour? Que dalle! Prédomine le discours éteignoir jusqu'auboutiste des connards de l'appareil CGT et ses coupures de courant clownesques par les bureaucrates du coin. Le nouveau concept (trotskien) de giletjaunisation me fait marrer (inventé par le NPA). en gros le joyeux bordel ambiant jusqu'à la fin du règne de Macron, mais un chaos où la classe ouvrière ne peut retrouver ni ses petits ni ses enfants. En résumé: la contestation impuissante si utile au pouvoir vu la disparition des cons intermédiaires! Cela a été aussi la fonction du gauchisme post 68 et n'a aucunement préparé une quelconque révolution ».

3RI n°480.
4Vu le temps libre dont disposent ces trois catégories, par ailleurs assez chenues, elles semblent avoir pris goût à une contestation aussi permanente qu'impuissante et tomber dans la « la trilogie interclassisme, revendication démocratique, violence aveugle, c'est à dire dans l'excellent article : « Les révoltes pôpulaires constituent une impasse ».
5Lesquelles ? Du « peuple » ? Des aristos de la RATP et de la SNCF ?
6Cf. Thibault p.49.
7On lit aussi, consterné : « la multiplication des luttes des universités, sont la force du mouvement, le poumon de la lutte ». Je l'ai déjà proclamé : ils seraient pitoyables ces jeunes qui s'engageraient à l'âge tendre pour la fin de vie d'exploité en vue de la révolution qui est tout sauf une retraite programmée ou une sinécure. Le CCI est d'ailleurs tombé depuis longtemps dans la sociologie anti-marxiste. On est sidéré de lire ou d'entendre dans ses RP que avocats et étudiants sont des prolétaires. Le statut d'étudiant est celui d'un arriviste, même si beaucoup échouent de nos jours, il ne faut pas parler de statut d'ouvrier, et ceux qui suivent les cours du soir sont de beaux fayots en général. Cf. Le témoignage d'un enquêté dans le superbe ouvrage de Martin Thibault : « Une face étudiant et une face ouvrier. On oublie complètement l'un avec l'autre. Ouais j'étais très fier en fait. On rattrape... En fait... ce qui fait mal un peu, c'est le manque d'estime. Quand on est ouvrier, ben, on est mal estimé et, quand on est étudiant, on est un peu mieux estimé puisqu'on est en pleine... en pleine ascension intellectuelle ». Il y a une souffrance à se considérer comme simple ouvrier, mais qui fait que certains sont DJ à côté, ou surtout militants de tout acabit, comme notre génération de 68, ouvrier et militant cela a plus de panache : « Les moins scolarisés sont ainsi beaucoup moins soumis à des représentations négatives d'eux-mêmes. Ils se pensent ouvriers et ressemblent plus aux anciens qu'aux jeunes plus scolarisés de leur génération. (…) Une partie des OQ, au contraire, sont plus proches de la porte de sortie vers les classes moyennes, davantage soumis au regard des autres milieux et pris dans des comportements de mimétisme ». « Les anciens, eux, semblent, comme les OS, beaucoup moins perméables au « chant des sirènes » de l'ascension sociale et, comme les jeunes OS, sont très souvent incrédules quand on leur explique que certains jeunes se vivent difficilement ouvriers. Leur condition, eux l'assument, la portent avec fierté, et ils revendiquent souvent leur appartenance à la « classe ouvrière ». Leur lecture de leur position sociale apparaît marquée par des instruments idéologiques permettant de se protéger de représentations de soi dépréciatives. » (Ouvriers malgré tout, ed Raisons d'agir, 2013).
8 Témoignage d'un agent RATP lors de 2003, et qui doit être la même amertume aujurd'hui : « Il a participé activement au mouvement du printemps 2003, contre la réforme des retraites dans le public, qui s'est soldé par une « défaite » malgré des mobilisations importantes. Cette « défaite » lui a fait, là aussi, constater une situation d'impuissance et de domination dans les rapports sociaux » (…) « J'aurai toujours l'envie de me mobiliser. Mais, quand je vois comment j'ai été dans la merde financièrement, ça me donne pas envie de recommencer, aussi. Ça a duré sur presque trois mois. Donc, le premier mois, j'ai dû faire deux ou trois jours de grève. Ça s'est pas trop vu, j'ai perdu à peu près 250-300 francs. Le deuxième, alors là j'ai commencé à faire une semaine à peu près de grève. J'ai perdu presque un tiers de mon salaire. Et le troisième mois, à peu près pareil... Ben j'ai mis six mois à m'en remettre au niveau financier ». (cf Thibault, p.210)
9Martin Thibault, op. Cit. Cet auteur pourfend aussi le cliché d'un FN « ouvrier » : « Il n'est pas vrai que le FN serait le premier parti ouvrier, le premier parti ouvrier c'est l'abstention... La centralisation du débat sur le vote ouvrier pour le FN occulte l'importance de ce vote dans d'autres groupes sociaux. Par exemple, les «agriculteurs » ou les commerçants, artisans et patrons, ont en 2002, chacun voté à près de 22% pour le Front national. De même alors que le vote ouvrier était stable entre 1995 et 2002, il connaissait une « progression fulgurante chez les cadres et professions intellectuelles » passant de 4% en 1995 à 13% en 2002 ».
10Il faut ajouter aussi ce constat lucide de Martin Thibault : « Moins représentés dans les partis et les syndicats, les ouvriers ont ainsi progressivement perdu « le pouvoir de définir conformément à leurs propres intérêts les principes de définition du monde social (…) Ce ne sont pas seulement les enfants d'ouvriers qui ont été désouvriérisés, mais bien la société tout entière. Cf. l'évolution socio-professionnelle de la CFDT ou la sous-représentation des ouvriers et des bas niveaux de qualification au sein de l'union syndicale Solidaires ».
11Cf. Thibault.
12Témoignage recueilli par Martin Thibault.

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