PAGES PROLETARIENNES

jeudi 27 septembre 2018

UN DINOSAURE DE 96 ANS DONNE LA FESSEE AUX CRYPTO-LENINISTES



Comment n'avoir pas d'admiration pour ce jeune dinosaure d'à peine 96 printemps, Henri Simon. D'une longévité exceptionnelle, l'animal garde une pleine lucidité sur le capitalisme inhumain et ses capacités d'adaptabilité et de renouvellement face à tant de jeunes aspirants révolutionnaires de militance bornée et radoteuse. Depuis tant de décennies l'écriture est toujours là, fine et sans jamais d'agressivité ni de rancoeur. Il aura résisté à toutes les polémiques, les plus bêtes comme les plus cruelles1. Il a su s'entourer de gens de talent tel Gérard Bad et continue de faire circuler informations et avis divers qui touchent de près ou de loin maximalisme révolutionnaire comme hystéries gauchistes. Qui rendra hommage, hélas après sa disparition, à une aussi longue vie dédiée au combat de classe. Son spontanéisme, mûri dans les rangs de Socialisme ou Barbarie aux côtés de l'intello Claude Lefort, est resté le solide roc de sa conviction politique révolutionnaire, le guide qui lui a permis, faisant confiance fondamentalement au prolétariat, de se tromper moins souvent que tant d'autres. Il a été de presque tous les combats. Il a été le thermomètre permanent de la lutte internationale de la classe « pour soi ». Contrairement aux adorateurs hypocrites des pires mythes de 68 il s'est tenu hors des commémorations ridicules. Se contentant de quelques notes personnelles, alors qu'il en sait tant, il a intelligemment relativisé l'événement, rendant compte fort modestement d'un rôle qui fût central pour les rencontres des minorités, la libre discussion et même la constitution de pôles néo-léninistes ! Je l'ai rencontré une paire de fois et il refusait toujours d'être pris en photo, peut-être par peur d'être confondu avec Léo Ferré.
Son aversion pour la forme parti, très actuelle dans les masses en général, est le seul défaut que le lui trouve et qui explique qu'il ait accueilli ponctuellement sous ses aisselles des rejetons modernistes et longtemps grenouillé dans des luttes parcellaires. J'ajoute qu'il a toujours respecté les partisans de la forme parti, contrairement à ces derniers forcément plus sectaires. Il faut saluer dans ce numéro d'Echanges la recension d'un livre fort intéressant de Stephen A.Smith (ed les nuits rouges): "Petrograd rouge. La révolution dans les usines"; ouvrage très novateur face à d'idiotes interprétations: "Stephen Smith s'inscrit en faux contre les thèses d'Avrich ou d'Anweiler basées sur l'opposition entre le bolchevisme d'une part, représentant d'une direction centralisée, et des comités d'usine d'autre part, porteurs d'un projet d'autogestion ouvrière exercée par la base. Une telle position, ainsi que la thèse d'une manipulation des comités par le parti bolchevique à ses propres fins, ne tient pas car, selon Smith:
1- les aspirations formulées par les comités d'usine n'admettent aucune incompatibilité entre contrôle ouvrier et direction centrale de l'économie. Au contraire les comités exigent cette direction d'Etat; 2- les comités d'usine sont souvent dirigés par des bolcheviques; 3- la supposition qu'il existe une homogénéité d'opinions au sein des comités d'usine d'une part et dans la social-démocratie d'autre part est fausse".
Mais, passons, dans les grands moments lorsque notre dinosaure prend sa si belle et coulante plume il est un vrai sage révolutionnaire. A preuve son analyse de la foutaise grève perlée où, lui, du haut de ses jeunes 96 printemps, fait la leçon à tous les rêveurs crypto-léninistes qui sont presque à placer en cage à Médrano. Vous le lirez avec étonnement à la suite de mon décryptage des faillites du milieu maximaliste.

Pour ne pas vous ennuyer ou jouer au mec qu'a toujours raison, je ne reprends que quelques paragraphes de mes analyses successives de la fumisterie syndicrate que vous pouvez relire évidemment en entier sur ce blog2 ; je ne suis pas loin évidemment de la trouvaille d'Henri.


SNCF ending: fin de grève abstruse

Et, puis-je ajouter, comment se fait-il que les sectes dispersées de l'ancienne ultra-gauche, CCI et consorts et le parti au cent mille adhérents (« Révolution ou guerre ») soient restées bouche bée depuis trois mois après avoir flairé au début la malfaçon de la grève « perlée », intermittente et inconsistante, sans plus rien dire durant un trimestre à faire chier les usagers prolétaires mais aucunement le gouvernement, laissant les camarades prolétaires syndiqués et non-syndiqués aux mains des menteurs trotskistes et syndicalistes. Chirik qui leur avait appris qu'il faut toujours donner l'avis de « l'organisation politique de classe », même à contre-courant, doit se retourner dans son corps donné à la science ! Je sais pourquoi ils sont tous restés muets (de stupeur et de gêne) c'est parce qu'ils croient encore que toute grève est léniniste, donc hydre voilée de la révolution. Une lubie permanente, presque trotskienne !
En PS: je viens de m'apercevoir que, après leur tract tardif, le CCI a publié ceci: "Grève "perlée": l'Etat et ses syndicats contre toute la classe ouvrière" (en date du 25 avril). Très bon article dans le silence religieux (ou consterné) qui entoure la grève muette des ouvriers ficelés et cadenassés par les syndicrates, y compris les suivistes gauchistes jusqu'auboutistes. Article long qui tient compte de mes remarques (ils n'avaient pas relu eux-mêmes leur bon article sur 95 et avaient oublié ses principaux enseignements) et corrige une certaine timidité à critiquer cette grève ratée et bradée par la syndicratie à l'aide d'inventions abstraites et étrangères à toute dynamique de classe (ils ne font pas référence à mon blog évidemment comme les autres partis-individus de la mouvance maximaliste, car l'individu n'existe pas pour le marxisme dogmatique et ses sectes. Dommage.
Comme son ex fraction (GIGC, Révolution ou Guerre) le CCI est resté invisible ou plutôt impuissant face à cette grève foutoir et foutue d'avance, ce qui n'est pas un reproche vu le machiavélisme et la putasserie de toutes les forces bourgeoises syndicales et gauchistes. Désarmante oui terriblement désarmante la scénarisation de cette fausse lutte de classe. Le CCI a cherché à trouver un écho de compréhension de la foutaise perlée, mais sa propre explication prouve qu'il n'y a rien compris pris dans l'ornière de ses schémas ringards3 même s'il déplore l'humiliation.

Attaque gouvernementale perverse à la SNCF

Le 1 mars 18 : Tout au long du conflit, le système des AG a été en réalité basé sur la séparation entre les catégories. En même temps, si chaque catégorie décidait « pour elle-même » de la poursuite de la grève, chacune intériorisait le fait que la poursuite de la grève dépendait des agents de conduite. Sous l’influence bienveillante des syndicats l’AG des agents de conduite devenait peu à peu l’instance centrale de la grève. On comprend à ce moment là l’importance pour CGT et CFDT de prendre pied parmi les agents de conduite où ils ont affaire à de redoutables concurrents de LO et LCR… Le déroulement de la grève devient peu à peu une mise en scène des agents de conduite qui sont ainsi peu à peu sous l’emprise des syndicats, qui vont pouvoir ainsi chapeauter l’ensemble du mouvement de grève. Les mandants syndicaux pèsent pour refuser toute AG commune à l’ensemble du personnel, ce qui permet : 1. satisfaire la Fgaac 2.de jouer l’unité syndicale en faveur des agents de conduite et 3. de renforcer l’emprise syndicale sur la corporation en affaiblissant tout réel débat au sein de cette AG (au nom de la sainte unité syndicale). L’AG des conducteurs de train sous une si bonne protection devient amorphe et ne se consacre même plus aux objectifs généraux du mouvement ou au souci de coordination avec mes autres entreprises. L’AG débute désormais invariablement par la prise de parole des bonzes syndicaux : CGT puis CFDT et Fgaac (…) L’information (si précieuse pour la vraie lutte de classe) ne circulait plus qu’entre militants des appareils ; des réunions avaient lieu entre syndicalistes de même catégorie. La grève n’est plus qu’une palinodie. Les caisses de solidarité de fonds constitués dans les manifs ne sont pas utilisées pour « tous ensemble » mais restent séparées et distribuées par les sous-fifres syndicaux.

Cette emprise subtile a détruit deux choses : d’abord la possibilité de l’AG des conducteurs de devenir un vrai comité central de grève national, ensuite (le plus important) mis fin au système de délégation directe à partir de l’assemblée. Cette AG devient ainsi non plus l’expression des travailleurs en colère contre le gouvernement mais un instrument de contrôle de la grève par les organisations syndicales. On le constate à la fin de la grève, le 11 décembre alors que l’AG des conducteurs se tenait toujours après les AG des autres catégories, elle se déroule très tôt le matin. Alors que la veille encore, le discours des militants CGT et CFDT fixait comme objectif le retrait du plan Juppé, la mainmise syndicale sur l’AG des conducteurs de train permet d’organiser la reprise sans que le débat sur les objectifs de la grève et son déroulement ait lieu. Quand les autres AG se tiennent, la reprise n’est plus un enjeu. Les AG ont été dépouillées par le sommet de leur souveraineté constitutive. Elles ne sont plus qu’un rituel où les cadres syndicaux organisent le tour de parole dans des locaux proposé par eux. Le « tous ensemble » habille alors l’opacité quant aux lieux de décision ».

Vous pouvez relire la totalité de cet article dont je n'ai repris que ces extraits. En vérité il n'y eu pas de vraie victoire, le statut des cheminots semblait préservé mais la réorganisation managériale était mise en place pour les années à venir dans ce vaste trompe l'oeil, pour aboutir au constat d'aujourd'hui que reconnaissent lâchement les bonzes syndicaux eux-mêmes : la boite a été démantelée ! Et pleurnicher comme le journaliste bigot qu'il ne reste que ce putain de statut et la dette hénaurme ! Quand en même temps, la presse bourgeoise fait dire à 67% des français qu'il faut détruire le statut des cheminots, que les sommets syndicaux « hésitent sur la conduite à tenir » pour être pris au sérieux, « ne pas monter l'opinion contre les cheminots ». Et, pachyderme magnanime la bande à Macron de s'afficher impériale : de toute façon on emmerde tous les cheminots et nos parlementaires godillots, on tranchera par ordonnances ce qui nous a si bien réussi grâce aux promenades syndicales pour les régimes de retraite allongée !

UNE GREVE MUETTE
Preuve d'un classe ouvrière désorientée, repliée sur elle-même, le scénario de la « grève perlée » a dû sembler très bizarre au début aux cheminots qui ont la tête sur les épaules (et même aux journalistes du Monde qui notent "une invention syndicale" au sommet). Décision d'en haut elle n'est pas discutable comme en ont fait les frais ceux de Marseille (pour le peu qui fuite des réunions internes de la corpo) : les bonzes locaux leur ont refusé tout aménagement ou modification du scénario : « décision nationale », c a d c'est Paris qui décide ! Circulez. Grève attentiste, grève sans vagues, inintéressante, pas motivante pour les millions qui se foutent du statut cheminot. Les syndicats ne jouent pas la désunion tant que les plus acharnés ne se calment pas. Mais déjà SUD rail prépare la conclusion catastrophique en proposant la grève illimitée. Déjà des opérations coup de poing dans des gares se sont avérées décevantes et inutiles. Quel que soit le pneu brûlé, le coup de gueule devant le micro de BFM, rien n'y fera. L'extension ou l'éventuelle généralisation se produisent au début ou jamais. Les quêtes financières ne sont que fumisterie syndicale pour masquer l'absence de solidarité pour une lutte corporative ; l'organisme chargé de la collecte va avoir droit à une généreuse ponction de plusieurs millions sur le dos de la fausse solidarité aux cheminots.
De plus en plus isolés, sous une avalanche de mensonges du gouvernement bourgeois des privilégiés (actionnaires divers, ministres millionnaires prévaricateurs, députés godillots, patrons requins et milliers d'artisans et paysans aux revenus très confortables) la grève apparaît ridicule, bornée (comme la ministre). L'argument de la dette et du coût du statut est dérisoire comparé à la dette de l'Etat. Le gouvernement cherche surtout une victoire politique contre un secteur qui détenait un formidable pouvoir de paralysie de la société jadis, comme EDF. Comme tous les autres Etats il faut supprimer un maximum de garanties sociales et de possibilités de défense massive de la classe ouvrière.


POURQUOI LA GREVE SNCF n'a pu s'étendre et prendre un tour politique ?

Pour qu'une lutte économique et catégorielle ait quelque chance de succès il faut des conditions générales très dramatiques, guerre, pic d'une crise économique, répression révoltante. Il faut aussi que toute la classe ouvrière se sente concernée et mobilisée réellement à partir de revendications claires non inventées par la syndicratie. Or, quand un des argumentaires des syndicaux gauchistes est celui-ci : « si tu ne montres pas ta solidarité avec les cheminots, ce sera ton tour après »... on se gausse. La majorité du prolétariat n'a aucun statut ni service public à défendre. Les cheminots, et cela le gouvernement Macron mise complètement dessus, ne défendent que leur pomme et, éventuellement avec pour décor une énième défense de la nationalisation avec quelques pitres comme les Mélenchon et Ruffin. Lorsque en octobre 1917 les cheminots russes entrent en lutte ils deviennent non l'avant-garde d'une défense statutaire mais de deux revendications unifiantes pour toute la classe ouvrière : la lutte contre la guerre et la journée de huit heures, que le régime tsariste cédera mais trop tard.

Mais il reste deux vieilleries idéologiques qui brident à la fois l'espoir traditionnel et impérissable d'une autre société que la capitaliste mais aussi la finalité de grèves « se coagulant » pour reprendre l'expression macronesque : la croyance en la défense  "socialiste" du « service public » et les vilenies et sarcasmes contre tout bilan de la révolution en Russie (que nous abordons en deuxième partie comme toile de fond du vide syndical et politique).

LE MYTHE DE LA DEFENSE DU SERVICE PUBLIC

Le service public n'est pas un domaine "prolétarien" ni socialiste ni communiste. Le développement dès le XIXe siècle avec les deux révolutions industrielles des transports en commun visait non au confort des travailleurs mais à accélérer leurs déplacements vers le turbin. A notre époque les plus grandes entreprises capitalistes cotisent à la SNCF ou à la RATP non pour rendre un service public à la multitude d'employés et de travailleurs de tout acabit mais pour mieux réguler le profit... Pour ce qui concerne les vacances la bagnole est largement préférée au "service public" qui est devenu plutôt un "sévice public" d'Etat. Le tout premier statut des cheminots date de 1920, modifié à plusieurs reprises et consigné dans un document numéroté RH0001, il définit les bases du contrat de travail et fixe l'essentiel des garanties collectives des cheminots: conditions d'embauche, éléments de rémunération et déroulement des carrières, mobilité, congés, droit syndical, sanctions disciplinaires etc. Le "statut", élément fort de la culture "cheminote", met les agents SNCF à l'abri d'un licenciement économique puisqu'il prévoit seulement trois cas de départ: démission, retraite ou radiation. Il renvoie également à un régime spécial de prévoyance et de retraite. Pour être embauché au statut, il faut être Français ou ressortissant européen, avoir un casier judiciaire vierge, avoir moins de 30 ans, et réussir une longue période d'essai (jusqu'à deux ans et demi pour les cadres).

Mais avant de révéler l'analyse pénétrante du machiavélisme d'Etat par Henri Simon, faisons le détour par la vision de Napoléon, dit RL.

L'ESPOIR DE REGENERER UNE GREVE POURRIE PAR NAPOLEON LENINE

GIGC ce n'est pas un sigle bancaire – groupe international de la gauche communiste – mais le titre du blog de RL, RosaLux pour les intimes, aussi connu que moi des services de police du net comme général sans armée. L'analyse de la grève artificielle exprime une mégalomanie galopante où l'imaginaire bolchevique tente d'atténuer le cauchemar perlé. Bien que victime d'un énième procès de Moscou à Paris par le CCI, l'individu RosaLux est pourtant tout ce qu'il y a de plus honnête et sincèrement acquis à la nécessité d'une révolution prolétarienne, mais il n'est que le fruit de l'accouchement bâtard de l'utopie et d'un trade-unionisme caricatural4.

« Nous (je, sic) publions ci-après le tract que nous avons diffusé à partir du 28 mars 2018 dans les manifestations et assemblées ouvrières auxquelles nous avons pu participer et intervenir [1] lors des mobilisations ouvrières de février, mars et avril 2018 en France et dont l’épicentre a été la lutte des cheminots contre la ’réforme de la SNCF’ menée par le gouvernement de Macron. Notre tract appelle à ce moment-là les prolétaires à affronter ouvertement, directement et collectivement la tactique des journées d’action et des grèves tournantes, c’est-à-dire le sabotage syndical, pour pouvoir étendre et généraliser les luttes alors même que différentes entreprises d’importance sont en conflit, voire en grève : Air France, les magasins Carrefour, les hôpitaux et particulier les maisons de retraite (EPHAD), l’usine FORD de Bordeaux, la fonction publique... L’idée en est alors répandue parmi de nombreux travailleurs et la perspective d’une lutte massive et unie de différents secteurs est une réalité, un enjeu du moment, une possibilité réelle même si réduite ».

C'est faux Napoléon, c'est une lubie des clans gauchistes ! L'opinion « prolétarienne », diffuse et pas vraiment palpable, restera dubitative depuis les débuts de la comédie syndicale absconse ! Convergence rime avec évanescence en France macronesque ! Et s'imaginer qu'un seul petit tract diffusé par un seul individu ou dans l'espoir que des milliers le liront sur son blog relève bien de la mégalomanie favorisée par l'illusion de toute puissance de chaque accroc du web. RosaLux a rêvé à la fable, rarissime en histoire : « d'extension ’sans contrôle’, c’est-à-dire sans contrôle syndical, du combat de classe, c’est-à-dire d’une dynamique de grève de masse ».

Comme l'artificialité de la fausse grève n'est pas entrée dans ses vieux schémas ringards du CCI des années 1980, Napoléon impute l'échec (pourtant visiblement programmé depuis le début et pointé du doigt par mes soins)... aux cheminots passifs : « La passivité politique des cheminots les livre au sabotage syndical » - et honte suprême « ils laissent faire les syndicats » (même LO dit ça) - argument pleutre typique des bonzes syndicaux. RosaLux restera ainsi hors de la réalité du piège bureaucratique de bout en bout dans une logique aussi suiviste que le NPA et ses amis de Matière et Révolution.

RosaLux ne voit même pas le degré de perversité de l'agenda syndical qui programme une manif « à la carte » le « 22 mars » (sic ! Clin d'oeil aux commémorations sirupeuses de 68) ; notre sagace mégalo en déduit que cette manif à la demande est une ruse syndicale pour éviter la tenue d'AG « qui auraient pu les mettre en difficulté » ; or, aucun risque, toutes les AG matinales ne sont que longs monologues des caïds syndicrates. En outre il ne comprend pas non plus que les syndicats « contestataires » ne poussent pas plus CGT et SUD qu'ils ne rabattent cette catégorie invisible « d'ouvriers combatifs » - s'il nomme ainsi les plus excités à servir d'amplis aux pires clameurs corporatives – ces « radicaux » resteront toujours surtout les principaux suivistes au nom de « l'unité des syndicats de gouvernement » ! RosaLux n'a-t-il pas entendu le Poutou déclarant à la télé : « nous attendons les consignes des directions » ?
Avec les mêmes méthodes du CCI d'ignorance stalinienne des objections des pauvres isolés comme moi, qui ne se cachent pas derrière un sigle ronflant ou une organisation inexistante, RosaLux Napoléon a bien lu lui aussi mes critiques sur mon blog, alors il semble faire amende honorable : « Notre intervention par tract est en retard ». Mais ce n'est même pas une question de retard pourtant ! Une grève trafiquée et sur des revendications bourgeoises ou ultra-corporatives n'obéit pas à la dynamique naturelle d'une vraie lutte de classe ! Ce retard n'est-il pas responsable à son tour du mauvais départ de la « lutte » ainsi que l'imagine l'argument mégalo ? : « quand nous (je...) le publions et commençons à le diffuser le 28 mars, il est encore possible que les orientations de classe que nous mettons en avant soit reprises par les cheminots, voire par d’autres secteurs : l’extension et l’ouverture d’une dynamique vers une lutte unie restent une possibilité ». Là RosaLux se prend pour dieu ou Napoléon. La bénédiction, pardon l'extension, hélas : « s’amenuise de jour en jour jusqu’à disparaître définitivement au lendemain des premières grèves tournantes, les 3 et 4 avril : l’absence d’assemblée reconduisant la grève en opposition aux mots d’ordre syndicaux signe l’incapacité des 5cheminots à rompre avec la dynamique imposée par l’intersyndicale et l’ensemble des forces de l’État. Selon nous, à partir de ce moment, les prolétaires ont abandonné toute possibilité de disputer, ne serait-ce qu’à minima, l’initiative à la bourgeoisie. Elle pourra ainsi amener les cheminots à l’épuisement jusqu’aux dernières journées de grève de juillet et imposer un échec supplémentaire, après ’la loi travail’ de 2016 ».

Tout le reste du pas très rapide et peu bref bilan mégalo n'est que suppositions. Il se met alors à la recherche de Godot « minorité de travailleurs combatifs » après avoir ouvert sa fenêtre sur une réalité qu'il n'a pas vu depuis le début, il ne trouve pas son bonheur mais invente une nouvelle sociologie « des cheminots restés combatifs dans la défaite », très orwellien :

« Pour notre (ma) part, après les 3 et 4 avril, conscients que la fenêtre donnant sur une extension se ferme sans doute définitivement, nous pensons que les orientations d’action de notre tract ’d’agitation’ ne sont plus adaptées – même si nous pouvons encore le diffuser d’un point de vue ’propagandiste’. Nous cherchons l’émergence de minorités de travailleurs en rupture avec la dynamique du mouvement imposée par les syndicats et désireux de la combattre sous une forme qui ne peut qu’être collective et minoritaire, de type comité de lutte ou assemblée ’interprofessionnelle’. À notre connaissance, il n’en est apparue aucune sinon… celles, formelles, mises en place par les trotskistes dans les universités entre étudiants et les syndicalistes de SUD qui déboucha sur l’Intergares dont l’objet était de rabattre toute volonté combative sur le terrain syndicaliste. Si notre prévision selon laquelle toute dynamique d’extension s’est éteinte au lendemain des 3 et 4 avril s’est vérifiée, il est clair qu’au moment où l’Intergares appelle à « durcir la grève », la CGT et SUD n’essaient plus alors qu’à entraîner le maximum de cheminots restés combatifs dans la défaite, l’épuisement, l’écœurement et le découragement les plus profonds ». RosaLux imagine que s'il n'avait pas été l'éditeur (méconnu) d'un seul tract divinatoire, la rédemption du cruel échec - qui était pourtant déjà échec depuis le premier jour du scénario syndicrate – aurait été sanctifiée par une prière collective pour ne pas se laisser avoir à nouveau par les syndicats gouvernementaux :

« Aurions-nous eu des forces numériques un peu plus conséquentes que nous aurions certainement produit un deuxième tract tirant les leçons du mouvement et avertissant contre le jusqu’au-boutisme de la CGT et de SUD dans les grèves tournantes – au final, il y eut 36 jours de grève – afin précisément de limiter autant que faire se pouvait l’ampleur de l’échec en favorisant le partage des leçons de cet épisode de lutte avec le plus grand nombre ».

RosaLux n'est pas si fou qu'il n'en a l'air tout au long de son « militantisme » CCI années 80 – où le tract était sensé « éveiller les ouvriers localisés à l'extension révolutionnaire » - en cela il progresse vers une compréhension des changements de période (comme on le verre plus loin avec l'indéboulonnable Henri Simon), ce que la secte CCI est, elle, incapable de réfléchir. En sous-titre « la fin du fétiche des grèves générales de 1968 et de 1995 », il montre une capacité à prendre du recul mais il a besoin pour cela d'aller rechercher l'avis d'un canard bourgeois : « ...la défaite des cheminots marque la fin d’une particularité de la lutte ouvrière en France. La bourgeoisie européenne, intéressée à l’élimination de tout mauvais exemple prolétarien, ne s’y trompe pas. Dès le 24 avril, le journal espagnol de droite El Mundo titrait que « Macron veut enterrer mai 68 et l’automne 95 » en relevant qu’en France, « reste le mythe de la révolution dans la rue. Mais cela, Macron va l’enterrer ». (...). En outre, les formes modernes de la production capitaliste ont liquidé la plupart des grandes usines ou secteurs, sur lequel se fonde le fétiche gauchiste et anarchiste de la grève générale, au bénéfice de petites unités de production dans lesquelles le ’management’ est omniprésent tant au plan idéologique que politique – interdisant les assemblées, voire y intervenant directement s’il ne peut les empêcher. Du coup, toute initiative de lutte ou de grève s’en retrouve beaucoup plus difficile ».

Moitié Napoléon, moitié Waterloo, RosaLux n'est cependant qu'à moitié lucide car la rédemption « extension immédiate » reste son gimmick même si c'est une fausse grève ou une caricature de grève manipulée de bout en bout, et en croyant que le corporatisme va disparaître dans les «conditions modernes d'exploitation du travail ». Il fait la leçon aux prolétaires passifs et hésitants et aux communistes (?) : «  Les uns et les autres ne peuvent faire l’économie de se confronter à toutes les forces politiques, particulièrement de gauche, syndicales, politiques, médiatiques, policières, etc. de l’appareil d’État bourgeois. Et en premier lieu aux syndicats dans les luttes ». Finalement, ne s'étant jamais trompé dans sa tour d'ivoire de parti fictif, RosaLux confond indifférentisme syndical et indifférentisme politique, et ajoute un combat bis aux forces bourgeoises, celui des observateurs si bien nommés « conseillistes » (les conseilleurs ne sont jamais les payeurs, en effet) :
« Voilà pourquoi aussi, nous considérons que l’indifférentisme politique qu’il soit d’ordre économiste, anarchiste – y compris radical de type black bloc – ou encore d’ordre conseilliste, est à combattre résolument tant par les ouvriers en prenant directement en main le combat politique dans leur lutte que par les groupes communistes dans leur intervention générale ». (RL, juillet 2018)6.
En note notre crypto léniniste conchie tous ceux qui ont refusé de marcher dans la combine ou de se plier à l'ordre de grève en bateau, égratignant au passage son ancienne secte (qui n'existe même plus sur Paris) avec le même prétexte que les contre-révolutionnaires trotskiens « accompagner la classe dans ses illusions pour qu'elles vous soit reconnaissante tôt ou tard » :

Bien sûr, les militants communistes qui auraient pu être cheminots auraient continué la grève, en déclinant et adaptant l’intervention du groupe politique comme un tout selon les moments et les lieux, jusqu’à ce que la grève se termine sur leur lieu de travail. C’est évident mais cela va mieux en le disant vu certaines confusions d’ordre petite-bourgeoises (un ’sauve-qui-peut’ individualiste face à la défaite à venir), qui peuvent circuler dans les rangs de certains cercles ou groupes de la Gauche communiste, comme par exemple le CCI en certaines occasions ».

Avec ce raisonnement soumis au plus stupide trade-unionisme, il faudrait participer à des grèves chauvines, racistes ou muettes, comme j'ai qualifié cette merde perlée, qui interdisait de fait toute réelle communication entre prolétaires. Et non cher ami, il faut dès lors appliquer la base même du premier pas traditionnel gréviste : croiser les bras et ne rien faire face aux chefaillons syndicaux et donneurs d'ordres gauchistes !


LE DINOSAURE ET LA FARCE perlée


LES REFORMES ; LES SYNDICATS ET « LA BASE « : les chiens aboient par Henri Simon (Revue Echanges n°163, printemps 2018)

«  (…) Pourquoi aujourd'hui, alors que l'essentiel touchant la réforme des conditions d'exploitation de la force de travail est déjà en place, les syndicats « contestataires » se lancent-ils, à l'occasion de conflits distincts spécifiques, dans des manifestations qui n'ont pas – et de loin – l'ampleur de celles du passé (par exemple celle de la réforme Juppé des retraites en 1995 ou contre le « contrat première embauche » (CPE) de Villepin en 2006). Pourquoi prônent-elles une convergence des luttes en cours (SNCF, Air France, Carrefour) n'ont rien d'autre en commun que la marche habituelle du capitalisme, et que les tentatives d'y associer d'autres secteurs, par exemple les universités, n'ont pas réussi à faire prendre la mayonnaise des luttes ? Pourquoi malgré l'évidente absence de cette convergence, les syndicats « contestataires » persistent-ils à répéter des manifestations qui ne montrent rien d'autre que la faiblesse de la mobilisation ?
La raison, je crois, est à rechercher ailleurs. Outre la réforme profonde du droit du travail, une mesure fiscale passée presque inaperçue est venue préparer d'autres réformes plus profondes des avantages sociaux, annexes du travail, un secteur où les bureaucraties syndicales excellent à trouver un bon fromage et la source de leur clientélisme. Cette mesure fiscale, déjà effective, concerne l'extension de la CSG et la diminution des cotisations sociales assises sur le salaire. Etant donné que tout le système des « avantages » sociaux repose depuis 1950 sur le paritarisme et que la gestion de la répartition des cotisations est confiée à des caisses retraite, maladie ou organismes de formation professionnelle où les syndicats se taillent la part du lion, toute fiscalisation diminue leur pouvoir. Ceci d'autant plus que les réformes présentement en chantier sur les retraites (avec l'instauration d'un système à points), celle de l'assurance-maladie et celles du chômage et de la formation professionnelle, les priveraient d'une bonne partie de leurs prébendes actuelles.

La grève de la SNCF et la réforme projetée par le gouvernement qui n'est pour l'essentiel qu'une mise en conformité avec les impératifs économiques de la Communauté européenne, est spécifique à cette importante entreprise et sa spécificité n'est nullement reliée avec toutes les réformes Macron antérieures ou futures qui seules auraient pu entraîner une « convergence » des luttes (la loi El Khomri qui s'appliquait à la SNCF autorisait des atteintes au statut mais n'avait guère soulevé de mouvements sur les rails). La loi sur la représentativité syndicale fait que le gâteau de la discussion avec la direction n'est partagé qu'entre quatre syndicats, deux « contestataires », CGT et Sud Rail, qui à eux deux disposent d'une majorité de blocage d'accords éventuels (51%) et deux collaborationnistes, CFDT et UNSA. La forme de grève lancée par les « contestataires » ets particulièrement machiavélique et d'une prudence exemplaire. Conçue pour que, de toute façon, quelle qu'en soit l'issue, les bureaucraties syndicales en sortent indemnes. Si la grève par intermittence (pas grève perlée comme on l'a définit et qui est tout autre chose, voir p.4)7 est efficace (ce qui ne semble pas le cas présentement à la mi-mai), les bureaucraties s'en trouveront renforcées dans leurs discussions avec la direction. Si elle échoue, ces bureaucrates pourront toujours prétendre que « la base ne suit pas » et qu'elles n'y peuvent rien. Quant à la fameuse convergence, on voit mal comment, au-delà des mots, elle peut avoir un sens autour d'une grève qui n'est que partielle et dont la routine tourne à l'inefficacité. Ceci alors que les autres secteurs qui étaient sollicités pour s'associer à cette convergence ne répondent pas.
On a beaucoup parlé à propos des luttes présentes, de Mai 68 et d'un possible remake de cette révolte sociale. Mais outre que l'Histoire ne se répète jamais (en particulier, les conditions de l'exploitation de la force de travail et des règles sociales ont totalement changé en cinquante ans, même si le capitalisme impose toujours sa loi) ; en 1968 une convergence, qui fut d'ailleurs une généralisation des luttes, ne fut pas du tout « organisée » par un syndicat ou un parti politique quelconque, et surgit au moment où personne ne l'attendait. La tendance actuelle (je dis bien actuelle car tout évolue et aujourd'hui plus que jamais, dans l'accélération du à une foule d'innovations techniques), c'est 'orientation vers une précarisation généralisée sous des formes très diverses, à l'échelle du monde (d''où l'apparition du terme « universel » chez tous les analystes et réformateurs divers)8. Toute une partie des réformes Macron vise à personnaliser relations sociales et avantages sociaux et à écarter toute forme de gestion collective : cela redonne un pouvoir à l'Etat, c'est à dire au capital, aux dépens de toutes les formes collectives qui pouvaient intervenir dans les processus économiques ».

Merci Henri et longue vie à toi !


NOTES   


1https://bataillesocialiste.wordpress.com/2010/02/16/vous-avez-dit-ultra-gauche-entretien-avec-henri-simon/

2La grève est-elle une maladie honteuse?
Bashing SNCF: la grande absente, la classe ouvrière
Lettre ouverte aux cheminots (lue par des centaines, elle a probablement eu plus de résonance que le tract électronique de notre ami RosaLux)
Attaque gouvernementale perverse à la SNCF
3« Il y a en France, depuis des mois, une multitude de petites grèves, soigneusement isolées les unes des autres par les syndicats. Aucune assemblée générale commune, aucun mot d’ordre rassembleur. Cette situation a d’ailleurs commencé à questionner une partie des travailleurs ; c’est pourquoi, au mois de mai, les syndicats ont sorti de leur chapeau le simulacre de la “convergence” des manifestations où chaque corporation, chaque entreprise défilait avec “sa” banderole, “son” mot d’ordre, les unes derrières les autres, sans que jamais les travailleurs en lutte ne puissent discuter. La palme du sabotage revient à la “grève perlée” de la SNCF qui a permis d’épuiser les cheminots, pourtant au départ très combatifs, par une lutte longue, stérile, coupée des autres secteurs de la classe ouvrière, de plus en plus minoritaire au sein même de l’entreprise, le tout organisé sous-couvert d’assemblées générales dans lesquelles, en réalité, rien ne se décidait et où tout était ficelé d’avance.
Avec ce sale boulot des syndicats, la bourgeoisie française veut inoculer un profond sentiment d’impuissance aux travailleurs : la défaite des cheminots est celle de toute la classe ouvrière, leur démoralisation aussi. “Puisque eux, qui sont censés être particulièrement combatifs, ne parviennent pas à résister, aucun secteur ne le pourra… la lutte ne paie pas”, tel est le message lancé par la classe dominante ». Le groupe d'ouvrier évoqué n'y voit pas plus clair : http://fr.internationalism.org/content/9750/lutte-des-ouvriers-sncf-collectif-douvriers-tire-bilan
5Je ne résiste pas à reprendre la citation produite dans Echanges n°163 : « Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d'air ses poumons. Son esprit s'échappa vers le labyrinthe de la doublepensée. Connaître et ne pas connaïtre. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s'annulent alors qu'on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu'on se réclame d'elle (…) Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l'ultime subtilité. Persuader consciemment l'inconscient de l'acte d'hypnose que l'on vient de se perpétrer. La compréhension même du mot doublepensée impliquait l'emploi de la doublepensée ». George Orwel 1984. Ce processus tient à la fois de la dépersonnalisation, pour éviter toute démoralisation, mais aussi du processus de dépossession qui envahit tout dans le capital décadent comme je ne cesse de le signaler (mais peut-être suis-je aussi fou moi-même?).
7Henri Simon rappelle que initialement la grève perlée « classique », avait pour but de ralentir la production, mais il se trompe sur le temps jadis, elle a bien comme fonction, ainsi que maint exemples modernes le prouvent, et comme je l'ai indiqué dès le début, de démoraliser les ouvriers. C'est une grève de pute hyper corporative.
8HS me vise indirectement parce que j'ai été le premier à user des termes « prolétariat universel », mais ce n'est point un péché mais un concept de Marx dès sa jeunesse (cf. l'exergue permanente en tête de ce blog). Et donc nullement « moderniste » ou diluant.
Henri en compagnie de mon voisin de Cachan Maurice Rajfus

mardi 25 septembre 2018

HISTOIRES ...DE LA FALSIFICATION ANTIFASCISTE ET ANTIRACISTE




Avec « Histoires d'une nation », la propagande d'Etat de « France 2 » a mis les bouchées doubles pour célébrer l'idéologie « multiculturaliste » dominante dont les gauchistes et autres altermondialistes sont les prudes justiciers. Au même moment, Arte commet la même ignominie d'effacement des véritables menaces politiques pour l'ordre mondial bourgeois avec la série "documentaire" les "rêves brisés de 1918-1939". La présentation « programmatique », comme dirait un ami bordiguiste est très clairement une dépossession de l'internationalisme du prolétariat à la sauce superficielle pipole :

« Aujourd’hui, un quart de la population française a des racines à l’extérieur du territoire. Cette série documentaire évoque le parcours de ces générations venues faire leur vie dans un nouveau pays. Elles racontent 150 ans de l'histoire de France. Dans cette première partie, enfants et petits-enfants d'Italiens, de Polonais, d'Arméniens, de Russes, d'Algériens, de Marocains, de Cambodgiens ou de Chinois racontent, au présent, leurs histoires familiales. Parmi les plus célèbres : Pascal Légitimus, Patrick Fiori, Emanuel Ungaro, et des images d'archives avec Cavanna, Mouloudji ».
La « rédaction » du « programme »... télé porte une appréciation indubitable et inoubliable :
« Cette série documentaire raconte parfaitement notre histoire et montre combien l'immigration a été une formidable richesse. Dans cette première partie, les témoignages d'anonymes ou de célébrités sont inoubliables. Les images d'archives exposent bien comment les Italiens expérimentent, dès 1880, les discours de xénophobie qu'entendront toutes les immigrations suivantes.
Après la diffusion des deux premiers épisodes de la série documentaire «Histoires d'une nation», Julian Bugier anime un débat. Il reçoit des grands témoins qui ont participé à ce projet : artistes, présentateurs, sportifs. Ensemble, ils prolongent la réflexion et la discussion sur le sujet. A l'heure où l'immigration devient, comme partout un Europe, un sujet de crispation, il est utile de se replonger dans l'histoire de la tradition d'accueil française. Qu'ont apporté les vagues d'immigration successives au cours de l'histoire du pays ? Comment les nouveau-venus ont-ils été accueillis ? Que retiennent les descendants d'immigrés de leur héritage ? ».

Pas de panique, on assista à la série habituelle et « mémorielle » des poncifs les plus éculés sur la « gauche » maquillée en général et dotée d'une sacré capacité d'oubli de ses forfaits en particulier, mais via le gimmick de l'antiracisme bien de gauche et éternellement de gauche... bourgeoise et/ou stalinienne. L'histoire de France n'est plus à cette aune que l'histoire du racisme et de l'antiracisme, de même qu'aujourd'hui pour les chroniqueurs du Monde et de Libération il n'y a plus que des europhiles et des nationalistes. Comme hier il n'y avait évidemment que des antifascistes et des fascistes ou des anticommunistes et des communistes. Dans la dépossession il y a substitution, tour de passe-passe binaire où ce n'est plus une confrontation entre bourgeoisie et prolétariat mais, dans le magma indifférencié des couches sociales, il n'y a plus que des racistes face à des antiracistes et des europhiles face à des « populistes ».
Depuis Adam Smith le capitalisme a toujours eu faim de migrants taillables et corvéables, mais est-ce à dire que la classe ouvrière autochtone eût dû accueillir toujours élégamment des compétiteurs sur le marché du travail... sauf à prendre les prolétaires pour des cons... racistes ! Avec ce traitement antiraciste de l'histoire, très idéaliste et confusionniste, on ne sait plus de quelle époque on parle, de ce qui prévalait dans telle époque et pas dans telle autre. La fixation sur l'étrangeté de l'arrivant et sa plus ou moins bonne réception est épatante pour observer par le petit bout de la lorgnette, voire par le gros bout. Les choses n'ont jamais été simples ni n'ont relevé du racisme ou du rejet de l'étranger. Mais la morale bourgeoise antiraciste de l'élite et de ses corbeaux journalistes et trotskiens ne fait pas dans la dentelle. 

Qui est responsable en premier lieu de la période de colonisation et du mépris des colonisés ? Qui réalise des expositions « universelles » où les colonisés sont exhibés dans des zoos et font rire le bon peuple « français » ? Reprocher leur « racisme » aux ouvriers français au début du XXE siècle en pleine floraison de l'enrichissement bourgeois dans les colonies vaut autant que leur reprocher leur illettrisme ou leur brutalité dans les plus anciennes émeutes. 
Le traitement odieux des travailleurs étrangers (polonais, espagnols) renvoyés chez eux de 1931 à 1939 n'est aucunement à relier à la montée de la contre-révolution nazie mais au cynisme du patronat et de l'Etat "démocratique" français qui expulse à tour de bras, surtout d'abord les ouvriers grévistes, car de plus en plus incapable de réguler son économie dans la grande crise capitaliste qui atteint tout de même aussi la France contrairement à ce qui est dit. Le Front popu aurait mis un coup d'arrêt aux expulsions, ce qui est faux, et surtout on ne nous dit pas que le Front popu fait tirer sur les ouvriers et brise leurs grèves. La nouvelle accélération des expulsions après l'expérience "malheureuse" de la gauche saboteuse au pouvoir est en continuité avec le cynisme patronal et se double d'une hystérique chasse aux étrangers tout à fait indiquer pour conditionner à la guerre nationale… pourtant dite antifasciste et on oublie opportunément de nous dire que ce sont France et Angleterre qui déclarent la guerre à Hitler. On se complait à nous exhiber, par le petit bout de la lorgnette, des ouvriers polonais expulsés et des ouvriers français qui viennent récupérer leurs meubles. Le parallèle grossier et subliminal avec la vague migratoire déniée par les bobos militants "humanitaires", en selle sur tous les plateaux TV, va de soi. L'Aquarius flotte dans la baignoire des ouvriers "populistes" et "racistes".

Mais les documenteurs de propagande de « France 2 » vont très vite en besogne pour radoter et seriner le vieux refrain de la « bête immonde », qui est l'axe du mal des livres d'histoire officielle et pas les avanies du capitalisme décadent. Après avoir insisté lourdement sur l'hystérie anti-étrangers des factions féodalo-nationalistes des années 1920, on saute dans les années 1930 avec le surgissement inopiné d'Hitler, sans réfléchir au comment et au pourquoi de cette « bête immonde ». Pourquoi les juifs sont-ils choisis pour cible facile ? Et pas les coiffeurs ? Et plus cette classe « dangereuse » la classe ouvrière ? La dépossession fasciste, étrangeté maléfique ou fable bourgeoise ? Et par extension l'étranger en général désigné comme « ennemi intérieur » ? Ah oui mais n'était-ce pas la faute aux "juifs bolcheviques"? Comme aujourd'hui les mêmes médias soulignent (sans commentaires odieux) l'enrichissement du juif Drucker ou notent que ce sont des banques "juives" qui ont causé la crise de 2008. Mêmes méthodes de négation du prolétariat et de voilage des responsabilités de la classe bourgeoise que dans les années 1930, n'est-ce pas? (cf. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01145632/document). 

Les documenteurs ne se rendent même pas compte combien leurs gimmicks sont ridicules et n'explicitent rien, quoique leur but (carrément révisionniste) est de plaquer ce raisonnement « antiraciste » à la célébration actuelle par bobos et capitalos de la chance d'avoir sans cesse de nouvelles flottilles de migrants. La guerre d'Espagne, qui avait impliqué (n'est-ce pas?) une intense vague migratoire - via les Pyrénées - n'est qu'une défense de la démocratie par des « républicains espagnols » face à l'image d'un Franco main tendue, et on oublie de nous rappeler que le Front popu s'en lave les mains et interne dans des camps sans hygiène . Pauvres républicains quoique surtout des ouvriers espagnols qui fuient en masse en France ; oui en masse (comme les syriens...) et qu'on parque dans les sinistres camps d'Occitanie, avant les juifs et les révolutionnaires professionnels. Rien n'est dit sur le sabotage criminel du parti stalinien en Espagne; la fable des héroïques brigades internationales de l'impérialiste Staline tient encore du voyage initiatique à l'antifascisme éculé ; il n'est question que du mauvais accueil par "les français" des réfugiés de la retirada. Le chanteur gauchiste Cali, agrégé d'histoire pipole1, confirme. Hérétique serait d'affirmer que la guerre d'Espagne n'est qu'une préparation à la deuxième boucherie mondiale, où – dépossession oblige – la lutte générale n'opposera plus bourgeoisie et prolétariat mais fascistes et antifascistes « de tous les pays » ! 

Et ce front popu franchement vraiment antiraciste ! On n'est plus polak, rital mais tous français et on a joué de l'accordéon dans les usines, ce rap de l'époque. Quelle joie que cet entracte qui aura permis la totale démobilisation des ouvriers français (et immigrés) de leur terrain de classe !
Et la Résistance hein ! Quelle belle saga antiraciste ! Les premiers résistants ne sont-ils pas juifs et arméniens, déterminés à mourir pour la « patrie » française, afin que leurs enfants obtiennent après guerre la « naturalisation ». Dans ce creuset des sacrifiés universels pour la patrie, il n'y a plus que... des races ou des ethnies en voie de naturalisation... patriotique, mais plus de classe ouvrière ni de bourgeoisie mais ce haut mal nommé « peste brune » ! 

Mais attention, pour faire objectif, et sermonner nos actuelles « opinions » populistes, il faut insister sur le racisme du régime pétainiste, en effet honteux et puant de lâcheté, et la continuité des fonctionnaires racisto-colonialistes à la « Libération ». C'est un ancien trotskiste (décolonisé) qui est à la tête du musée de l'immigration et qui a tenu à faire rappeler les massacres en Algérie et en Indochine peu après l'élimination du nazisme, mais sans ajouter en commentaire : mais pas d'élimination du capitalisme impérialiste ; l'ami sincère des présidents, Benjamin Stora est aussi sur le plateau de célébrités « immigrées » en compagnie des Mozart des émissions de variétés, Drucker et Cymes, et du capitalisme financier comme le petit Minc.

Dans l'ensemble les documenteurs et les bateleurs de foire invités ont eu pour consigne d'éviter d'évoquer les CAUSES DE LA GUERRE MONDIALE. Le blabla antiraciste sert à ça dans la durée comme relais de l'antifascisme évanescent. Désigner le fascisme comme un pire ennemi que le capitalisme c'est faire passer le fascisme pour un phénomène étranger au capitalisme et c'est aussi ridicule que ceux qui assimilent islamisme et fascisme ; l'islamisme n'étant qu'un fascisme sous-développé et destiné à le rester.

On se trouve dans la ferme des célébrités et dans la pure propagande qui mêle leçons de morale sur des faits historiques trafiqués sans vergogne, hors de toute réelle réflexion historique et politique. On ne saura donc pas apprécier une véritable analyse du phénomène du racisme (comme catégorie hors du capitalisme libéral et policé), de sa place croissante dans l'idéologie bourgeoise pour dissoudre tout critère de classe, de l'utilisation de ce sentiment trouble pendant toute la période de contre révolution, du remplacement de la perspective communiste par une société sans races (?) ou déterminée surtout à « combattre le racisme » mais pas les inégalités sociales, du remplacement du socialisme pour les sous-développés par l'invasion islamique.

On laissera le mot de la fin au chanteur toulousain d'origine maghrébine qui fît une réflexion gênante pour le jeune animateur ignorant et très orienté dans ses questions. Zebda, qui avait senti venir l'allusion au flux ininterrompu des migrants actuels d'un capitalisme à la dérive et incapable d'intégrer :
« comme me disait mon père, avant c'était pas pareil, on avait le plein emploi ».



1Le chanteur, admirateur et chevalier servant de Ségolène Royal, est fier d'exhiber le foulard que porta son grand-père italien en Espagne, il est rouge mais aux deux pointes il y a le drapeau italien et à l'autre le drapeau espagnol ! Ce n'est plus de l'internationalisme mais une compil nationaliste !

dimanche 23 septembre 2018

UNE PERIODE DE TRANSITION APOLITIQUE?



le g.i.c. et l'economie de la periode de transition

ou "l'apolitisme des litterateurs'?

Une présentation partielle, économiste et conseilliste de l'histoire et des questionnements en vue d'une période de transition du capitalisme au communisme. La présentation qui suit (traduite par Jean-Pierre Laffitte) nous pose problème ici. Je ne nie pas l'intérêt du travail fourni par le courant maximaliste hollandais mais il est réducteur de ne mentionner que ce courant et d'évacuer rapidement le courant bordiguiste, et surtout la contribution et les débats entre le CCI et le CWO. Il est encore plus ridicule de nier tout travail « de parti » sur ces questions, en particulier en feignant d'ignorer tout le travail de recherche et de débats qui fût mené à la fin des années 1970 par le CCI (cf.http://fr.internationalism.org/french/brochure/PdT_origine), travail qui est resté malheureusement en friche, une deuxième brochure compilant débats et divergences n'a jamais vu le jour ou a disparu depuis que le groupe est retombé à l'état de secte.On peut retrouver un historique plus large du débat sur la « P de T » dans mon livre « Dans quel 'Etat' est la révolution? ». Franchement polémiquer avec un petit personne sans intérêt comme Dauvé sur une aussi vaste question, révèle les limites de cette introduction ronflante. Quant au vœu que les « travailleurs de l'avenir » - de « nouvelles générations de travailleurs révolutionnaires » - s'occupent de la question, c'est pisser dans un violon. Qui peut nous expliquer ici que le « pouvoir des conseils ouvriers » resterait la recette, quelle forme devraient prendre les organismes du prolétariat ressurgissant comme classe révolutionnaire à l'avenir ? L'encensement de l'intéressant travail du GIC dessert toute réelle réflexion POLITIQUE sur les moyens de succéder au capitalisme. En faisant confiance au « spontanéisme » de « nouvelles générations de travailleurs » on nie toute nécessité de relier aux générations de théoriciens et d'organisations de combat les cercles et éléments en recherche qui voudront reprendre l'écheveau là où il s'est arrêté ; on dénie tout rôle aux partis révolutionnaires ou à divers organismes minoritaires dynamiques mais éminemment politiques et non pas vagues assemblées de délibérations économiques plus ou moins anarchiques.
Que cela ne vous empêche pas de lire « Une introduction », mais en gardant un œil critique malgré des fanfaronnades d'intellectuel de salon qui sait tout mais ne sait rien, et nous balade dans la sphère éhontée de l'ultra-gauche soixantehuitarde mais pas du tout dans le cadre du marxisme politique maximaliste..
JLR


Une introduction




Cet article introduit le travail politique-théorique majeur du GIC, et il essaie de clarifier les principales incompréhensions qui marquent encore sa réception.



Origine et signification
des “Principes fondamentaux”


L’ouvrage : “Principes fondamentaux de la production et de la distribution communistes” (plus tard abrégé en “Principes fondamentaux”) du Group of International Communists (GIC) est un texte important de la Gauche communiste sur les problèmes économiques de la période de transition du capitalisme au communisme. Le GIC décrit l’intérêt des “Principes fondamentaux” ainsi :

« Dès que le gouvernement de la classe ouvrière est devenu un fait dans un pays industrialisé, le prolétariat se trouve confronté à la tâche de mener à bien la transformation de la vie économique sur de nouvelles bases, celles du travail collectif. L’abolition de la propriété privée est facilement déclarée, et ce sera la première mesure du système politique instauré par la classe ouvrière. Mais ce n’est là qu’un acte juridique qui est destiné à fournir des bases légales au processus économique réel. La transformation réelle et le véritable travail révolutionnaire ne fait alors que commencer. »1.

La signification courante de ce texte ne se limite pas à la réponse apportée aux questions qui se poseront immédiatement lorsque la classe ouvrière se sera emparée du pouvoir politique. Les “Principes fondamentaux” présentent un intérêt supplémentaire dans le débat entre les jugements portés par la Gauche italienne et par la Gauche germano-hollandaise sur leçons des révolutions ouvrières de 1917-1923. Ce débat se heurte encore à une mutuelle ignorance des opinions de chacune d’elles. En raison du manque de traductions complètes de l’édition finale des “Principes fondamentaux” de l’année 1935, et parfois à cause de l’existence d’extraits limités et de l’absence de connaissance des études préliminaires aux “Principes fondamentaux2, toutes sortes de malentendus sont nés qui ont fait obstacle à la discussion jusqu’à aujourd'hui.


Par-delà Marx, Engels et Lénine

Les “Principes fondamentaux” sont une élaboration du concept d’une nouvelle société, concept que Karl Marx et Friedrich Engels ont tiré des contradictions internes du capitalisme et de l’action autonome de la classe ouvrière de leur époque, en particulier dans les révolutions bourgeoises de 1848 et dans la Commune de Paris de 1871. Dans la première édition des “Principes fondamentaux” (en allemand), les rédacteurs du GIC relatent que ce n’est qu’après avoir achevé leurs études qu’ils avaient eu connaissance de la Critique du programme de Gotha de Marx. En conséquence les mesures économiques que le GIC a proposées avaient déjà été avancées par Marx3. Détestant toute scolastique, le GIC a analysé de manière critique les idées réformistes d’économie planifiée qui avaient été développées après Marx et Engels. Le GIC montre dans les six premiers chapitres que les bolcheviks ont appliqué en Union soviétique une conception capitaliste d’État de l’économie planifiée, conception qu’ils avaient empruntée au réformisme. En outre, dans son édition finale de 1935 en néerlandais, le GIC critique la variante d’économie planifiée du communisme libertaire telle qu’elle avait été appliquée par l’anarcho-syndicalisme en 1936 en Espagne4. Mais au-dessus de tout, le GIC se fonde sur les mouvements révolutionnaires des conseils en Russie et en Allemagne de 1917 à 1923.
Pour une bonne compréhension des “Principes fondamentaux”, il est nécessaire d’appréhender le cadre politique dans lequel le GIC propose ses mesures économiques. Comme cela est clair d’après la citation susmentionnée, le GIC présuppose une révolution prolétarienne triomphante dans laquelle les travailleurs dominent un territoire industriel de taille raisonnable. Dans cette révolution, la classe ouvrière, massivement organisée en conseils, a écrasé l’État bourgeois et, à partir de ce moment-là, elle exerce la dictature du prolétariat au moyen de ces mêmes conseils sur une société et une économie qui affichent encore presque toutes les caractéristiques du capitalisme. Dans la mesure où la résistance de la classe capitaliste et des autres classes vaincues faiblit et où la révolution prolétarienne se répand de par le monde, cet “État ouvrier” dépérit. Tel est brièvement le cadre politique que le GIC, pense-t-on souvent à tort, a négligé en faveur de l’aspect “économique”. Il faudrait noter que l’opposition conceptuelle de l’“économie” et de la “politique” est typiquement une approche léniniste. Les Principes fondamentaux” ne négligent pas l’aspect “politique”, mais le GIC prend une position différente de celle de Lénine en mettant l’accent sur le fait que la dictature du prolétariat est l’exercice massif du pouvoir de la classe ouvrière par les conseils, et non pas la dictature d’un parti avec l’aide de l’État. Le lecteur des “Principes fondamentaux” ne devrait pas s’attendre à une analyse plus poussée de la Révolution russe parce que ce n’était pas le but de ce texte. Les “Principes fondamentaux” ne s’intéressent à aucune des formes supérieures du communisme, mais ils se concentrent sur la période qui suit immédiatement la révolution et sur les mesures économiques qui doivent assurer que les travailleurs continueront à exercer le pouvoir sur la société.
C’est dans ce cadre politique que le GIC se focalise sur les aspects économiques de la phase de transition. La classe ouvrière utilise le pouvoir qu’elle détient sur les moyens de production pour abolir le travail salarié dans tous ses aspects. Elle fait cela en tant que classe révolutionnaire, en commençant résolument à mettre fin à la division entre le travail intellectuel et le travail manuel et en révolutionnant les relations sociales en tant que masse organisée en assemblées générales d’entreprise et en conseils. Marx pensait à cette organisation quand il écrivait sur « l’association des producteurs libres et égaux ». Avec cette association, les rapports de production effectuent un saut immédiat de la production pour le profit à la production pour les besoins sociaux. À long terme, la classe ouvrière amènera l’économie de la pénurie à l’abondance : elle permettra ainsi l’intégration des autres classes dans « l’association des producteurs libres et égaux », dans laquelle le travail se transformera en développement de la personnalité unique de chaque individu. Le principe de la consommation de chacun en fonction des besoins s’étendra à une partie toujours plus large de la population productive.

Jan Appel et le GIC

La première étape de ce texte, issu de la Gauche communiste germano-hollandaise, a été effectuée par l’ouvrier révolutionnaire allemand expérimenté Jan Appel qui fut membre du SPD, puis président des “revolutionäre Obleute” à Hambourg, cofondateur de la Ligue Spartacus, membre du KPD(S), cofondateur du KAP, cofondateur du GIC en 1927 aux Pays-Bas, et après la Seconde Guerre mondiale, membre du Communistenbond “Spartacus”5. Ses premières idées lui en sont venues en raison du chaos économique qui a régné à la fois en Allemagne immédiatement après la Première Guerre mondiale et en Russie après la Révolution d’Octobre. En tant que délégué du KAPD au CEIC de 1920 ainsi qu’au III° Congrès de l’Internationale Communiste en 1921, il a vu que les ouvriers de l’usine de textile Prokhorov et de la gigantesque usine métallurgique Poutilov étaient impuissants face au chaos que les bolcheviks provoquaient dans l’économie, et en particulier que le travail salarié continuait à exister6.
Une interview de Paul Mattick montre qu’il avait entretenu des contacts réciproques à la suite de la vague révolutionnaire qui s’est produite dans la zone de la Ruhr en Allemagne. Jan Appel a été arrêté par la police pour avoir volé un commerçant du marché noir. Ses camarades du KAPD s’inquiétaient du fait qu’il soit reconnu comme un révolutionnaire recherché par la police, et qui serait alors condamné à une longue peine de prison, pour avoir détourné un bateau vers la Russie en 1920. Armé de pistolets et de grenades, les camarades d’Appel, y compris Paul Mattick, étaient venus au tribunal dans l’intention de le libérer si cela avait été nécessaire. Mais cela n’a pas été nécessaire, car il n’a pas été reconnu comme “pirate” et il n’a été condamné dans un premier temps qu’à une courte peine de prison7. C'est à cette occasion qu’Appel a pu lire Das Kapital et qu’il a était à même de rassembler et d’élaborer ses idées sur la base des fragments de Marx portant sur la période de transition. Ultérieurement, il a été reconnu et il a dû purger une sévère condamnation à la prison à Hambourg pour “piratage”. À la suite d’une amnistie générale, il a été libéré et il a émigré aux Pays-Bas au tournant des années 1925-1926 pour travailler au chantier naval Conrad d’Haarlem. Appel a emmené avec lui aux Pays-Bas ses notes sur ce qui deviendrait les “Principes fondamentaux”. En 1926, il présentait ses idées en faveur d’une production et une distribution communistes lors de deux réunions. La première, dans laquelle Appel a fourni une introduction, a eu lieu à la Pentecôte, et la seconde s’est tenue deux semaines plus tard. Les participants étaient des membres ou des ex-membres du KAPN : Henk Canne Meijer, Piet Coerman (Bussum), l’ingénieur Jordens (KAPN de la section Zwolle) et Hermann Gorter. Ce dernier a réagi de manière extrêmement critique. Gorter a fait appel à L’État et la révolution de Lénine et il a dit que la production devait être organisée comme le service de la poste et les chemins de fer. Selon Appel, Gorter s’était mis dans tous ses états, de sorte qu’Appel a demandé aux autres participants ce qui n’allait pas avec lui. Gorter était alors déjà malade8. Il est mort le 15 septembre 1927. Le GIC était alors constitué en particulier de Coerman, Canne Meijer, Appel et Herman de Beer. Ensuite, le GIC a développé le texte de base de Jan Appel, et c'est Canne Meijer qui a pris soin de sa rédaction.


Trois études préliminaires

Cela a conduit à trois études préliminaires dont des parties ont été incluses dans la première édition imprimée du texte, lequel a été publiée en 1930 par l’Allgemeine Arbeiter Union de Berlin. Ces études préliminaires sont extrêmement importantes étant donné qu’elles montrent le cadre politique des “Principes fondamentaux” de manière plus claire que l’ajout de 1930 au texte principal.
Le texte source de Jan Appel est paru en 1928 en trois épisodes dans “Klassenstrijd” sous le pseudonyme de Piet de Bruin sous le titre de : Aantekeningen over communistische economie. Ce texte fait directement référence à l’expérience pratique de la révolution en Russie :

« Les tentatives qui ont été effectuées en Russie pour construire le communisme ont dessiné un domaine dans le champ de la pratique qui ne pouvait être traité jusqu’ici que par la théorie. La Russie a essayé de développer une vie économique, du moins en ce qui concerne l’industrie, selon les principes communistes… et elle a complètement échoué en le faisant. »9.

Dans un deuxième temps, le GIC a publié une étude portant sur le problème des relations entre l’industrie et le secteur agricole, et donc entre les ouvriers er les paysans, un obstacle majeur dans la Révolution russe. Le GIC a complété l’expérience russe avec l’attitude des paysans dans la Révolution allemande. Le GIC tire de cette étude la conclusion politique importante suivante :

« La révolution sociale, que le communisme considère comme une nouvelle loi de mouvement pour la distribution des produits, a quelque chose à offrir aux paysans. Outre l’exemption de tous les baux, hypothèques et dettes d’entreprise, la distribution uniforme du produit national entraîne l’égalité directe ente la ville et la campagne, ce qui a pour conséquence pratique de favoriser l’agriculteur. Mais c’est le prolétariat agricole, le paria de la société capitaliste, qui fait un puissant bond en avant, de sorte qu’il a tout intérêt à faire entrer l’agriculture dans la production communiste. »10.

Cette approche des paysans est complètement différente de l’attitude incohérente des bolcheviks : assurances apportées, peu avant Octobre 1917, sur la distribution de la propriété de la terre aux paysans ; approvisionnement obligatoire des villes après la révolution ; concessions à la propriété privée de la terre au cours de la NEP ; finalement, collectivisation forcée sous Staline et, par voie de conséquence, problèmes durables d’approvisionnent alimentaire. La perspective politique mentionnée ci-dessus découlait des recherches du GIC sur les récents développements dans le secteur agricole. Ce sujet faisait suite à une vieille discussion datant d’avant la Première Guerre mondiale dans la social-démocratie hollandaise11 et à la remarque bien connue de Gorter, dans sa Lettre ouverte au camarade Lénine, sur la différence d’importance des paysans dans la révolution à l’est et à l’ouest. Ces recherches ont fourni au GIC les idées suivantes :

« (…) que l’agriculture actuelle est caractérisée par la spécialisation et qu’ainsi elle s’est complètement transformée en une “production de marchandises”. Une augmentation de la productivité a été obtenue grâce à la technologie moderne sans que des sociétés la concentrent en une seule main. Ce développement est parallèle à celui des coopératives agricoles qui associent des exploitations agricoles en communautés d’intérêts, mais les agriculteurs perdent souvent leur “liberté” (par exemple, comme dans beaucoup de cas, de disposer de leur production). Il est caractéristique, bien que très compréhensible, que le mouvement ouvrier actuel ne désire pas voir ce développement capitaliste dans l’agriculture. Compréhensible parce que ces perspectives de croissance ne correspondent pas à leur théorie du communisme d’État. L’exploitation agricole est socialisée, les fermes sont rassemblées et elles agissent collectivement, et pourtant elles ne sont absolument pas appropriées à une administration d’État. Naturellement, le mouvement ouvrier soi-disant socialiste ne déduit pas de cela que c'est la théorie communiste d’État qui est erronée, mais il conclut que le communisme est impossible à moins que l’agriculture ne se développe selon les perspectives qu’elle doit suivre selon le marxisme scolastique.
« (…) La position du Groupe des Communistes Internationaux (GIC) par rapport à la nature de la révolution prolétarienne tire son origine, pour une part non négligeable, du développement que l’entreprise paysanne a connu dans les pays capitalistes hautement développés. C'est précisément le fait que l’agriculture se soit impliquée de manière optimale dans le travail social, que l’agriculture ait été intégrée dans le processus de la division sociale du travail, qu’elle ait avancé en direction de la production industrielle et que pourtant elle ne puisse pas être incorporée organiquement dans le “socialisme” ou le “communisme”, qui jette de forts doutes sur la cohérence des théories “communistes”. Toutes les théories relatives à la “nationalisation” ou à la “socialisation” apparaissent comme rien d’autre qu’une distorsion réformiste des buts prolétariens. »12.

La troisième étude préliminaire du GIC a été publiée seulement en 1932 aux Pays-Bas, en même temps que la brochure Marxisme en staatscommunisme; het af sterven van de staat13. Jan Appel avait déjà publié ce texte en allemand en 1927. Dans Marxisme en staatscommunisme, le GIC critique l’identification de la nationalisation à la socialisation et du capitalisme d’État au socialisme, identification que Lénine avait empruntée au réformisme dans L’État et la révolution. Contrairement au renforcement de l’État qui en découlait et qui contrastait avec le dépérissement de l’État qu’espérait Lénine, le GIC colle à l’opinion de Marx selon laquelle c’est l’association des producteurs libres et égaux, c'est-à-dire les conseils ouvriers, qui prendra le contrôle des moyens de production. Il n’était donc que naturel pour le GIC que les conseils ouvriers exercent leur dictature sur la société également en matière économique, à savoir en contrôlant la production et la distribution en tant qu’association des producteurs libres et égaux. De cette manière-là, il est possible que cette dictature (l’“État prolétarien”) s’éteigne vraiment dans le développement ultérieur du communisme.

Malentendus et anti-critique


Dans ce qui précède, il a été fait référence aux malentendus qui sont nés au fil du temps et qui étaient dus aux médiocres traductions et résumés de “Principes fondamentaux”, ainsi qu’à la méconnaissance des trois études préliminaires. Cette section présente les plus importants de ces malentendus et elle les corrige avec des références à la version de 1935 des “Principes fondamentaux”.
La première critique a été celle d’Hermann Gorter lors de la présentation de la première ébauche de Jan Appel. Malheureusement, cette critique n’a été transmise que par voie orale. Le recours de Gorter à L’État et la révolution de Lénine pour appuyer son opinion selon laquelle la production devrait être organisée à la façon du service des postes et à celle des chemins de fera a reçu sa réponse dans la critique de Lénine par Appel dans la version originale en allemand de 1927 de la brochure du GIC : Marxisme en staatscommunisme; het afsterven van de staat14.


Idéaux présupposés d’absolue égalité

Anton Pannekoek a été lui aussi tout d’abord sceptique et il n’a d’ailleurs pas voulu rédiger une introduction à ce qu’il considérait comme un plan utopique. Après lecture, il s’est très facilement avéré que c’était davantage une critique de l’opinion selon laquelle l’organisation de la production devait être le fait de l’État15. Dans son livre Worker’s Councils (1946), Pannekoek a consacré dix pages à résumer les “Principes fondamentaux16. Dans son ouvrage de référence sur la Gauche communiste hollandaise et allemande, Bourrinet suggère que Pannekoek critique “implicitement” les “Principes fondamentaux” dans Worker’s Councils. Parmi beaucoup d’autres idées fausses, qui montrent que l’auteur ne connaît pas la version des “Principes fondamentaux” revue et corrigée en 1935, Bourrinet présuppose faussement que le GIC emploie une idée absolue de “justice” et de “distribution égale”17.
Dans son introduction à la réédition de la première édition allemande, Paul Mattick était déjà critique en 1970 à l’égard de la distribution fondée sur les heures de travail que le GIC proposait au début de la phase de transition. De plus, cette introduction contient toutes sortes de points qui sont intéressants pour la discussion, mais qui dépassent le cadre de ce texte. « Les possibles injustices d’une distribution liée au temps de travail » que Mattick indiquait, à savoir qu’en dépit de l’égalité formelle il n’y a d’égalité ni du travail, ni des conditions de vie des travailleurs, étaient connus aussi bien du GIC que de Marx, et la solution essentielle en était l’évolution vers un stade supérieur du communisme où ce qui prévaudra c'est de prendre en fonction des besoins et de donner en fonction des capacités. Mattick simplifie le problème en partant de l’hypothèse que « dans les pays capitalistes avancés (…) les forces sociales de production sont suffisamment développées pour produire des moyens de consommation en abondance » et que « dans les conditions d’une économie communiste, il est possible de produire une abondance de moyens de consommations, ce qui rend le calcul de la participation individuelle [au travail collectif] superflu »18. Premièrement, nous ne savons pas quelle sera dévastation due à la destruction de l’environnement, aux guerres impérialistes, aux crises économiques et à la guerre civile entre le capital et le travail, qui sera héritée du capitalisme par la classe ouvrière victorieuse. Deuxièmement, Mattick ne pose pas la question : « qui travaillera si la consommation est libre ? ». La transition de la rareté à l’abondance dans les formes supérieures du communisme n’est pas seulement une question de développement technique des forces productives. La révolution est également l’“auto-éducation” des forces productives humaines grâce à laquelle le prolétariat peut « réussir à balayer toute la pourriture du vieux système qui lui colle après et de devenir apte à fonder la société sur des bases nouvelles »19.
C'est à l’intérieur du groupe Daad & Gedachte, sur la base étroite de son propre résumé des “Principes fondamentaux”, que des discussions ont émergé à la fin des années 1970 sur les inégalités existantes en matière de paye, si celle-ci est calculée en fonction des heures travaillées. Outre des propositions intéressantes destinées à compenser ces inégalités, le groupe avançait cependant des idéaux qui étaient absents dans les écrits du GIC20.
Au début de la période transitoire, lorsque la société a encore les caractéristiques du capitalisme, le terme de “liberté”, qui figure dans « l’association des producteurs libres et égaux », a une connotation négative en tant qu’il est opposé à celui d’oppression, et pas encore la connotation du libre développement des qualités unique de chaque individu. De la même façon, le terme d’“égalité”, immédiatement après la révolution prolétarienne, nous rappelle que l’égalité formelle du droit civil des “producteurs égaux” dissimule toutes sortes de formes réelles d’inégalité. L’égalité est traitée dans les “Principes fondamentaux” de 1935 au chapitre IX sous le titre : “‘Rechtvaardige’ verdeling ?”.

« Dans la production communiste, nous demandons par conséquent que le temps de travail soit la mesure de la consommation. Chaque travailleur détermine par son travail en même temps sa part dans les stocks sociaux de biens de consommation.
« Ou bien, comme le dit Marx : “ Il reçoit de la société un bon constatant qu'il a fourni tant de travail (défalcation faite du travail effectué pour les fonds collectifs) et, avec ce bon, il retire des stocks sociaux d'objets de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail. Le même quantum de travail qu'il a fourni à la société sous une forme, il le reçoit d'elle, en retour, sous une autre forme.” (Voir la fin du chapitre III).
« Cela est mal interprété comme étant une distribution “juste” du produit national. Et c'est vrai dans ce sens que personne ne peut manger s’il se roule les pouces, comme les actionnaires le font quand leur seule occupation est d’encaisser les dividendes. Mais la justice ne va pas plus loin qu’avec ce cas-là. À première vue, il semble que toute différence de salaire soit abolie, et que toutes les fonctions de la vie sociale, que le travail soit intellectuel ou manuel, donne des droits égaux aux stocks sociaux. Mais si l’on y regarde de plus près, la loi de l’égalité fonctionne de manière très injuste.
« Prenons deux travailleurs, tous deux donnant à la société le meilleur de leurs capacités. Mais l’un est célibataire, tandis que l’autre a une famille avec cinq enfants. Un autre est marié, mais le mari et la femme travaillent tous les deux de sorte qu’ils ont un “double” revenu21. En d’autres termes, le même droit aux ressources sociales devient une grande injustice dans la consommation pratique.
« La distribution selon la règle du temps de travail ne peut donc jamais découler de la justice. La règle du temps de travail a les mêmes défauts que toute autre règle. Cela signifie : une règle juste n’existe pas et ne peut jamais exister. Quel que soit le critère que l’on choisisse, il sera toujours injuste. Et cela parce qu’employer un barème signifie ignorer les différences individuelles en matière de besoins. Une personne a peu de besoins, une autre en a beaucoup. Un homme peut ainsi satisfaire tous ses besoins avec son allocation de fournitures, tandis qu’un autre manque de toutes sortes de choses. Ils donnent tout ce qu’ils peuvent à la société, et pourtant le premier peut satisfaire ses besoins et le second ne le peut pas.
« Cette imperfection est inhérente à tout barème. En d’autres termes, la définition d’une mesure de la consommation est une expression de l’inégalité de la consommation. La demande de droits égaux sur les stocks sociaux n’a rien à voir avec la justice. Au contraire, c’est une revendication politique par excellence que nous posons en tant que travailleurs salariés. Pour nous, l’abolition du travail salarié est le point central de la révolution prolétarienne. Tant que le travail n’est pas la norme de la consommation, il y a un “salaire”, qu’il soit élevé ou faible. Dans tous les cas, il n’y a pas de lien direct entre la quantité de biens produits et le salaire. En conséquence, la gestion de la production, la distribution des biens et aussi la valeur ajoutée ainsi produite, échoient nécessairement aux “instances supérieures”. Cependant, si le temps de travail est le critère pris pour la consommation individuelle, cela veut dire que le travail salarié a été aboli, qu’il n’y a plus de plus-value produite, et que par conséquent il n’y a plus besoin d’“instances supérieures” pour distribuer le “revenu national”.
« Le besoin d’un droit égal sur les ressources sociales ne dépend donc pas de la “justice” ou de tout autre sorte d’évaluation. Il est fondé sur la conviction que c’est seulement de cette manière-là que les travailleurs salariés pourront conserver le contrôle de l’économie. C'est à partir de l’“injustice” du droit égal que la société communiste commencera à se développer. »22.


Incompréhension du cadre politique

Concernant la Gauche italienne en exil, c'est une critique plus politique qui a été faite par elle des “Principes fondamentaux”. Cependant Mitchell, dans un très long écrit dans “Bilan”, de 1936 à 1937, a ignoré les prémisses politiques trouvées à la fois dans les études préliminaires et dans l’édition de 1935 des Principes fondamentaux”. En conséquence, sa conclusion équivaut en partie à constater une évidence :

« Dans la prochaine révolution, le prolétariat vaincra indépendamment de son immaturité culturelle et de ses lacunes économiques, à condition qu’il ne compte pas sur la “construction du socialisme” mais sur le développement de la guerre civile internationale. »23.

Hennaut avait déjà rédigé en 1936 pour “Bilan” un résumé en français des “Principes fondamentaux”. Connaissant l’édition hollandaise, Hennaut a formulé en 1935 dans “Bilan” de manière beaucoup plus prudente et plus précise ce à quoi “Bilan” pensait, à savoir à la question de l’État prolétarien :

« C’est pour cela qu’une révolution, si “mûre” fût-elle, ne peut jamais être un processus mécanique. Il est possible que telle ne soit pas non plus l’opinion de nos camarades hollandais et que la lacune que nous signalons ne résulte que de la nécessité qu’il y avait d’abstraire en quelque sorte et de montrer, pour la clarté de l’exposition, l’évolution économique comme étant complètement séparée de l’intervention politique, mais il importe quand même de faire plus de clarté sur ce point. Il est vrai qu’ils affirment quelque part que l’État reste nécessaire au prolétariat après la prise du pouvoir. Il s’agit d’un “État” d’une nature particulière, qui n’est déjà plus, en réalité, un État, comme Lénine, après Marx, le montrait d’ailleurs. Il s’agit d’un État qui « ne puisse pas ne pas dépérir », alors que le marxisme a mis en relief que l’État était toujours l’instrument d’oppression d’une classe sur une autre. Il est possible que, pour la clarté de l’exposition, il faille remplacer dans la terminologie l’expression d’“État prolétarien” par une autre plus adéquate. Mais, avec ces explications, on comprendra nos critiques. L’exposé des Hollandais énonce la nécessité d’un “État prolétarien” qui ne pourrait pas s’évader de sa fonction d’instrument de répression de la contre-révolution. »24.
La Gauche italienne a présenté dans “Bilan” et dans “Internationalisme” d’intéressantes positions sur l’État dans la phase de transition. Malheureusement, la discussion entre les positions de la Gauche communiste italienne et de la Gauche communiste hollandaise a été bloquée pendant des décennies en raison du mépris pour le cadre politique que la GIC a utilisé25. Certains de ces malentendus persistants ont été propagés par Gilles Dauvé.
Après Mai 1968, la Gauche germano-allemande a été redécouverte en France. Cette redécouverte s’est produite sous le couvert des illusions petites-bourgeoises et artisanales de l’“autogestion ouvrière” économique dans des usines occupées isolées - par exemple, l’usine de montres LIP - au sein du capitalisme. Après que certains textes communistes des conseils ont été nouvellement traduits ou republiés à partir de sources avant cela obscures, Authier et Barrot (ce dernier nom étant le pseudonyme de Gilles Dauvé) ont publié en 1976 une première historiographie en français de La gauche communiste en Allemagne 1918-1921. Les auteurs reprenaient la critique formulée par Bordiga concernant l’obsession supposée de la Gauche communiste allemande pour les formes d’organisations (conseils, parti) au détriment de leur contenu, c'est-à-dire du programme communiste. Bordiga indiquait que tant que le Parti Communiste de Russie au pouvoir adhérerait ne serait-ce que “programmatiquement” à la révolution mondiale, la Russie serait gouvernée par une dictature du prolétariat26. Bordiga n’identifiait pas le capitalisme d’État et le socialisme, comme Lénine le fait dans L’État et la révolution avant la Révolution d’Octobre. Bordiga en appelait aux déclarations de Lénine à l’époque de la lutte contre les communistes de gauche, et plus tard dans la défense de la NEP. Lénine, qui était devenu plus analytique après la Révolution d’Octobre, défendait le capitalisme d’État comme une avancée économique vers le socialisme, mais il ne le qualifiait pas de capitalisme. À propos de ces subtilités non négligeables dans la défense du capitalisme d’État par Lénine et par Bordiga, il est important de souligner que Bordiga acceptait le remplacement léniniste de l’activité de masse et de l’organisation de masse par l’organisation minoritaire du parti, tandis que les Gauche hollandaise et allemande partageaient le fait de considérer les conseils ouvriers comme des organes de masse de la dictature du prolétariat. Mais cette vision des choses est rejetée, dans un style léniniste, du point de vue substitutionniste du bordiguisme comme représentant la priorité de la forme organisationnelle sur le contenu programmatique, si ce n’est simplement comme un “économisme”. Avec le recours bordiguiste à la primauté du programme, Authier et Barrot ont qualifié toute la Gauche germano-hollandaise de “conseilliste”27, lui déniant son caractère “communiste”.
Le plus grand crime que le GIC a commis aux yeux d’Authier et de Barrot est de proposer d’introduire l’heure de travail moyenne socialement nécessaire comme unité de calcul dans une économie qui connaît encore la pénurie. En introduisant une unité générale de comptabilité, les rapports de valeur seraient maintenus. Pour prouver cela, ils invoquent Bordiga qui avait été le seul pendant longtemps à avoir répété que le communisme ne connaît plus de valeur. Les calculs ne devaient être appliqués qu’à des quantités physiques, « mais non pas en vue de quantifier, de réguler, un échange qui n’existe plus »28. C'est dans ce contexte qu’Authier et Barrot font référence à deux fragments du vaste ouvrage de Bordiga sur la Structure économique et sociale de la Russie d’aujourd'hui29. Cependant, il est dit en premier lieu dans ces fragments que, dans le socialisme, l’accumulation de valeur est remplacée par la production de valeurs d’usage (p. 191). Deuxièmement, Bordiga indique que les bolcheviks utilisaient la monnaie comme moyen de calcul dans leur planification, et il est d’accord avec Boukharine lorsque ce dernier exprime sa préférence pour une planification en nature ou en quantités physiques (p. 205). Les bolcheviks ont appliqué cette planification en nature au cours du Communisme de guerre, ce qui a été généralement reconnu comme un échec complet, après lequel la NEP a été introduite. La planification en quantités physiques a été analysée par le GIC dans “Les principes fondamentaux30.
Authier et Barrot se réfèrent à la critique de Proudhon par Marx comme second argument contre le temps de travail en tant qu’unité de calcul. Cependant, en 2013, David Adam a montré que les propositions du GIC sont parfaitement conformes à Marx. Dans ses aventures politiques, Barrot/Dauvé s’était transformé en principal idéologue du courant de la “communisation”31.
Confronté à l’argument d’Adam, Dauvé a tourné le dos à Marx :

« Dans Marx’s Critique of Socialist-Money Schemes & the Myth of council Communism’ Proudhonism, libcom.org, 2013, David Adam réfute mon ancienne critique de la vision conseilliste du communisme en arguant que la notion de valeur du GIC est la même que celle de Marx. Que la discussion soit devenue plutôt difficile n’est ni de la faute de David Adam ni de la mienne, c'est seulement dû au fait que la question est compliquée. Dans le passé, j’ai voulu contester le GIC au nom de l’analyse de la valeur de Marx en faisant une référence particulière aux Grundrisse. Je mets maintenant en avant l’argument selon lequel il y a quelque chose de hautement discutable dans la vision même de Marx, à la fois dans Le Capital et dans les Grundrisse, que le GIC a marché sur les traces de Marx et qu’il a eu tort de le faire : loin d’être un instrument utile et juste de mesure, le temps de travail est consanguin au capitalisme. C’est davantage qu’un lien causatif : le temps de travail est la substance de la valeur. Marx était certainement un précurseur du projet conseilliste. »32.

Par souci d’exhaustivité, il faut noter ici que l’ouvrage de Bordiga : Structure économique et sociale de la Russie d’aujourd'hui contient un chapitre dans lequel il mentionne les certificats de travail (avec le nombre d’heures travaillées) que Marx, dans sa Critique du programme de Gotha, proposait comme un droit à la consommation au cours du premier stade de la société socialiste. Bordiga dit qu’il a rencontré en Union soviétique toutes sortes de catégories purement capitalistes telles que l’argent, l’épargne, les comptes bancaires, l’intérêt, le crédit, mais jamais ces certificats de travail33. Ceci rend l’appel de Dauvé à Bordiga pour le moins discutable.
Assez parlé maintenant des malentendus persistants sur les “Principes fondamentaux” par manque de connaissance du texte concerné, en particulier dans le monde francophone. Et pour finir, laissons le GIC parler pour lui-même.


La dictature économique du prolétariat

C'est sous le titre de : “La dictature économique du prolétariat” que le GIC a présenté sa vision politique dans l’édition de 1935 des “Principes fondamentaux” :

« Pour finir, nous devons consacrer quelques mots à la dictature du prolétariat. La dictature est une chose évidente pour nous, et l’on n’a donc pas nécessairement besoin de parler d’elle, étant donné que la structure de la vie économique communiste n’est pas différente de la dictature du prolétariat. La mise en œuvre de l’économie communiste ne signifie rien d’autre que l’abolition du travail salarié, ce qui entraîne le droit égal aux stocks sociaux pour tous les producteurs. C'est également l’abolition des privilèges de certaines classes. L’économie communiste ne donne à personne le droit de s’enrichir aux dépens du travail des autres. Celui qui ne travaille pas, ne mange pas. L’application de ces principes n’est en aucun cas “démocratique”. La classe ouvrière les met en œuvre avec la plus violente et sanglante des luttes. Il ne peut pas être question de “démocratie” dans le sens d’une coopération des classes, telle qu’on la connaît aujourd'hui dans les systèmes parlementaire et syndical.
« Mais si nous regardons la dictature du prolétariat du point de vue de la transformation des relations sociales, des relations réciproques entre les hommes, alors la dictature est la véritable conquête de la démocratie. Le communisme ne veut pas dire autre chose que le fait que l’humanité entre dans une phase culturelle supérieure, étant donné que toutes les fonctions sociales sont placées sous la direction et le contrôle de tous les travailleurs, et qu’ainsi ceux-ci prennent leur destin en main. Autrement dit, la démocratie est devenue le principe de vie de la société. De ce fait, une démocratie essentielle, enracinée dans la gestion de la vie sociale par les masses laborieuses, est exactement la même chose que la dictature du prolétariat.
« Il était de nouveau réservé à la Russie de faire de cette dictature une caricature en présentant la dictature du parti bolchevik comme la dictature de la classe prolétarienne. De cette manière, il a fermé la porte à une véritable démocratie prolétarienne, c'est-à-dire à l’administration et à la direction de la vie sociale par les masses elles-mêmes. La dictature du parti est la forme dans laquelle la dictature du prolétariat est en réalité contrecarrée. 
« En plus de la signification sociale de la dictature, jetons un regard sur son contenu économique. Dans la sphère économique, la dictature agit de telle manière qu’elle impose une application générale des nouvelles règles sociales auxquelles la vie économique est sujette. Les travailleurs eux-mêmes peuvent ajouter toutes les activités sociales à l’économie communiste s’ils acceptent ses principes, s’ils mettent en œuvre la production pour la communauté sous la responsabilité de la communauté. C'est tous ensemble qu’ils mettent en pratique la production communiste.
« Il est évident que les différents domaines du secteur agricole ne suivront pas immédiatement les règles de la vie économique communiste, c'est-à-dire qu’ils ne se joindront pas à la communauté communiste. Il est également probable que certains travailleurs comprendront le communisme de telle manière qu’ils voudront gérer les entreprises de manière indépendante, et non pas sous le contrôle de la société. Au lieu du capitaliste privé du passé, ce sera alors l’organisation des affaires qui agira en tant que “capitaliste”.
« À cet égard, la dictature économique a pour fonction spécifique d’organiser le secteur économique selon les règles générales, et, dans le bureau général de comptabilité, la comptabilité sociale remplit une fonction importante. Nous trouvons dans les comptes sociaux l’enregistrement des flux de biens dans la vie économique communiste. Cela ne signifie rien d’autre que ceux qui ne font pas partie du système de comptabilité sociale ne peuvent pas obtenir de matières premières. En effet, dans le communisme, rien n’est “acheté” ni “vendu”. Les producteurs ne peuvent obtenir des produits et des matières premières de la part de la communauté que pour une distribution ou une transformation supplémentaire. En revanche, ceux qui ne désirent pas inclure leur travail dans le processus de travail régulé socialement s’excluent de la communauté communiste. C'est ainsi que la dictature économique mène à l’auto-organisation de tous les producteurs, qu’ils soient petits ou grands, qu’ils soient industriels ou agricoles. En réalité, cette dictature s’abolit immédiatement à partir du moment où les producteurs intègrent leur travail dans le processus social et où ils travaillent selon les principes du contrôle social et de l’abolition du travail salarié. C'est donc aussi une dictature qui “meurt” automatiquement dès que la vie sociale tout entière est établie sur les nouvelles fondations de l’abolition du travail salarié. C'est également une dictature qui n’exerce pas son pouvoir en employant la baïonnette, mais qui procède avec les lois économiques du développement du communisme. Ce n’est pas “l’État” qui s’acquitte de la dictature économique, mais c'est quelque chose de plus puissant que l’État : les lois économiques du développement. »34.

Les “Principes fondamentaux” ne fournissent certes pas le dernier mot concernant les mesures que les conseils ouvriers pourront prendre après leur conquête du pouvoir politique. Mais c'est le GIC qui jusqu’à présent a produit l’analyse la plus complète et la plus profonde des expériences révolutionnaires de la période 1917-1923. C'est aux nouvelles générations de travailleurs révolutionnaires qu’il revient d’aller de l’avant en utilisant comme marchepied ce qui a été accompli il y a cent ans.
 
Fredo Corvo, mai 2018.
Relecture : Jacob Johanson, 12 mai 2018.
Résumé de l’article



Les “Principes fondamentaux de la production et de la distribution communistes” par le Groupe des Communistes Internationaux (GIC) n’est pas seulement un texte historique. Sur la base des idées de Marx et des expériences effectuées dans les révolutions de 1905-1923 en Russie et en Allemagne, le GIC aborde les problèmes qui surviendraient immédiatement après la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Le texte du GIC a été publié pour la première fois en 1930, en allemand. Plusieurs traductions et extraits en diverses langues sont fondés sur cette première édition. L’on sait moins que le GIC a publié une dernière édition revue, corrigée et augmentée, en néerlandais, en 1935, dans laquelle il répond à un certain nombre de critiques.
Par manque de traductions et en raison d’extraits partiels, et aussi par manque de connaissance des trois études préliminaires aux “Principes fondamentaux”, le débat relatif à la période de transition entre les positions de la Gauche communiste hollandaise et de la Gauche communiste italienne est resté bloqué jusqu’à aujourd'hui. Pour la première fois, l’on a tenté d’éliminer les deux plus importants malentendus et critiques en résumant ces textes qui étaient jusqu’alors inconnus à l’extérieur de l’aire linguistique néerlandaise, et ce au moyen de citations.
Cela concerne en premier lieu les idéaux d’“égalité absolue” qui sont faussement attribués au GIC alors que celui-ci a fait remarquer l’inégalité réelle dans la distribution fondée sur le nombre d’heures travaillées, de la même manière que Marx l’avait fait dans sa Critique du programme de Gotha.
Deuxièmement, sur la base des études préliminaires et de l’édition de 1935, le cadre politique dans lequel le GIC a posé les problèmes économiques est esquissé, ce qui est contradictoire avec l’approche économique unilatérale supposée de la période de transition.
Une attention particulière est prêtée aux malentendus qui ont été d’abord répandus par Authier et Barrot (Dauvé) dans l’aire francophone, et qui ont été relayés par les idées du mouvement de “communisation”. En réponse, David Adam a déjà montré que le GIC n’est pas proudhonien, mais que ses idées sur la fin du travail salarié coïncident avec celles de Marx. Il est ici démontré que la référence d’Authier et de Barrot à Bordiga est douteuse et que, dans les dernières pages de son ouvrage : “Structure économique et sociale de la Russie d’aujourd'hui”, Bordiga a précisément recours aux “bons de travail” qui ont été condamnés par Authier et Barrot.
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NOTES

1 GIC, Marxism and State Communism : The Witherings Away of the State [Marxisme et communisme d’État : le dépérissement de l’État] - Amsterdam : Groepen van Internationale Communisten, 1932 - 18p. La citation est identique au premier paragraphe de Max Hempel (pseudonyme de Jan Appel), Marx-Engels-Lenin : Über die Rolle des Staates in der proletarischen Revolution [Marx-Engels-Lénine : Sur le rôle de l’État dans la révolution prolétarienne], inProletarier” (Berlin) n° 4-6, mai 1927. Les deux textes correspondent amplement aux Principes fondamentaux et ils peuvent en être considérés comme une étude préliminaire.
2 Pour une vue d’ensemble exhaustive des différentes publications ayant des liens avec les textes complets, voir aaap.be. Si vous cherchez un bref résumé des “Principes fondamentaux”, vous pouvez choisir parmi les titres suivants qui sont rangés ici du plus simple au plus complexe : Spartacus 1961 (original en néerlandais), Mattick 1938 partie 1, partie 2 (original en anglais), ou Mattick 1934 (original en anglais).
3 Voir : “Principes fondamentaux de production et de distribution communistes”, 1930, chap. XIX.
4 GIC, “Principes fondamentaux de production et de distribution communistes”, 1930, chap. I à VI. GIC, “Les fondements théoriques de l’ouvrage : “Principes fondamentaux de production et de distribution communistes””, 1931. L’édition de 1935 est augmentée de réponses à plusieurs critiques. Malheureusement, elle n’a jamais été traduite du néerlandais dans d’autres langues.

5 Jan Appel (1890-1985).
6 Notes d’une conversation de F. O. avec Appel en 1977 (collection AAAP).
7 Plutte, Geoffroy (sous la direction de), Die Revolution war für mich ein grosses Abenteur. Paul Mattick in Gespräch mit Michael Buckmiller, Münster, 2013, pp. 41/43. La révolution fut une belle aventure : Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934) / Paul Mattick ; traduit de l’allemand par Laure Batier et Marc Geoffroy ; préface de Gary Roth ; notes de Charles Reeve. - Montreuil : L’Échappée, 2013.
8 Sur la base des notes prises lors de la conversation de F. O. avec Appel (collection AAAP).
9 Pour le texte original complet en néerlandais voir Aantekeningen over communistische economie. La première partie a été publiée dans AFRD vol. 1#04, 22 août 2017 : “Extracts from : ‘Notes on communist economy’ by Piet de Bruin (Jan Appel), 1928 (Partie 1 à 3)”.
10 GIC, Ontwikkelingslijnen in de landbouw (Ontwikkeling van het boerenbedrijf), 1930. Voir pour une position récente : Over het agrarische vraagstuk.
11 Voir : Eenige opmerkingen bij de voorstellen van de agrarische commissions / Ant[on]. Pannekoek [Met een antwoord van H. Gorter] in: “De Nieuwe Tijd”, 1904, p. 409-420
12 GIC, Ontwikkelingslijnen in de landbouw (Ontwikkeling van het boerenbedrijf) 1930.
13 GIC, Marxism and State Communism; The Withering Away of the State – Amsterdam: Groepen van Internationale Com munisten, 1932. – 18 p.
14 GIC, Marxism and State Communism; The Withering Away of the State – Amsterdam: Groepen van Internationale Com munisten, 1932. – 18 p.
15 Anton Pannekoek, Herinneringen, 1982, p. 215
16 Anton Pannekoek, Workers' Councils, 1946 Shop organization.
17 Pour la plus récente édition en anglais, en partie revue et corrigée, voir The Dutch and German Communist Left (1900-68), Brill, p. 358/363. La première édition de cette Thèse a également été distribuée par le CCI comme étant son propre “travail collectif”. Voir aussi la critique de Corvo : Council communism or councilism? - The period of transition.
18 Voir : Introduction / Paul Mattick.
19 Marx/Engels : L’idéologie allemande.
20 Daad & Gedachte, Maar hoe dan? Enige gedachten over een socialistische samenleving: Discussie.
21 Note de F. C. : Cet exemple indique erronément que le mariage bourgeois et la famille bourgeoise continueront à exister durant la période transitoire. Mais les communistes proposeront une individualisation des revenus qui assurera que ceux qui forment un ménage le font sur la base seulement de l’affection personnelle et non pas contraints par une dépendance économique mutuelle.
22 Principes fondamentaux”, 1935, chapitre IX sous le titre : “‘Rechtvaardige’ verdeling ?”.
23 Mitchell, Problèmes de la période de transition.
24 A. Hennaut, Discussion sur les “Principes fondamentaux” du GIC, 1935.
25 A. Hennaut, De Nederlandse Internationale Communisten over het program van de proletarische revolutie.
26 Voir en particulier : Bilan d’une révolution (1967-1991), conclusion de la partie I : Les grandes leçons d’Octobre 1917.
27 Authier/Barrot, La Gauche Communiste en Allemagne 1918-1921, Paris, 1976 p. 18.
28 Ibidem, p. 227.
29 Bordiga, Structure économique et sociale de la Russie d’aujourd’hui ; II Développement des rapports de production après la révolution bolchevique, Paris.
30 GIC, The Basic Theoretical Foundations of the Work “Fun damental Principles of Communist Production and Distribu tion”, Ch. III The Distribution of Means of Production and Consumption “in Natura” (by Barter) as a Bolshevik Ideal, en hollandais : GIC, Grondbeginselen van de communistische produc tie en distributie, Ch. XII De opheffing van de markt.
31 Sur cette histoire peu ragoûtante, voir : Bourrinet, Dictionnaire biographique d’un courant internationaliste, lemme Dauvé.
32 Gilles Dauvé, Value, time and communism : re-reading Marx.
33 Bordiga, idem, Le ‘bon’ de Marx, p. 221 et suivantes.
34 Principes fondamentaux, 1935, in Ch. XVI sous le titre : De economische dictatuur van het proletariaat.