PAGES PROLETARIENNES

jeudi 27 septembre 2018

UN DINOSAURE DE 96 ANS DONNE LA FESSEE AUX CRYPTO-LENINISTES



Comment n'avoir pas d'admiration pour ce jeune dinosaure d'à peine 96 printemps, Henri Simon. D'une longévité exceptionnelle, l'animal garde une pleine lucidité sur le capitalisme inhumain et ses capacités d'adaptabilité et de renouvellement face à tant de jeunes aspirants révolutionnaires de militance bornée et radoteuse. Depuis tant de décennies l'écriture est toujours là, fine et sans jamais d'agressivité ni de rancoeur. Il aura résisté à toutes les polémiques, les plus bêtes comme les plus cruelles1. Il a su s'entourer de gens de talent tel Gérard Bad et continue de faire circuler informations et avis divers qui touchent de près ou de loin maximalisme révolutionnaire comme hystéries gauchistes. Qui rendra hommage, hélas après sa disparition, à une aussi longue vie dédiée au combat de classe. Son spontanéisme, mûri dans les rangs de Socialisme ou Barbarie aux côtés de l'intello Claude Lefort, est resté le solide roc de sa conviction politique révolutionnaire, le guide qui lui a permis, faisant confiance fondamentalement au prolétariat, de se tromper moins souvent que tant d'autres. Il a été de presque tous les combats. Il a été le thermomètre permanent de la lutte internationale de la classe « pour soi ». Contrairement aux adorateurs hypocrites des pires mythes de 68 il s'est tenu hors des commémorations ridicules. Se contentant de quelques notes personnelles, alors qu'il en sait tant, il a intelligemment relativisé l'événement, rendant compte fort modestement d'un rôle qui fût central pour les rencontres des minorités, la libre discussion et même la constitution de pôles néo-léninistes ! Je l'ai rencontré une paire de fois et il refusait toujours d'être pris en photo, peut-être par peur d'être confondu avec Léo Ferré.
Son aversion pour la forme parti, très actuelle dans les masses en général, est le seul défaut que le lui trouve et qui explique qu'il ait accueilli ponctuellement sous ses aisselles des rejetons modernistes et longtemps grenouillé dans des luttes parcellaires. J'ajoute qu'il a toujours respecté les partisans de la forme parti, contrairement à ces derniers forcément plus sectaires. Il faut saluer dans ce numéro d'Echanges la recension d'un livre fort intéressant de Stephen A.Smith (ed les nuits rouges): "Petrograd rouge. La révolution dans les usines"; ouvrage très novateur face à d'idiotes interprétations: "Stephen Smith s'inscrit en faux contre les thèses d'Avrich ou d'Anweiler basées sur l'opposition entre le bolchevisme d'une part, représentant d'une direction centralisée, et des comités d'usine d'autre part, porteurs d'un projet d'autogestion ouvrière exercée par la base. Une telle position, ainsi que la thèse d'une manipulation des comités par le parti bolchevique à ses propres fins, ne tient pas car, selon Smith:
1- les aspirations formulées par les comités d'usine n'admettent aucune incompatibilité entre contrôle ouvrier et direction centrale de l'économie. Au contraire les comités exigent cette direction d'Etat; 2- les comités d'usine sont souvent dirigés par des bolcheviques; 3- la supposition qu'il existe une homogénéité d'opinions au sein des comités d'usine d'une part et dans la social-démocratie d'autre part est fausse".
Mais, passons, dans les grands moments lorsque notre dinosaure prend sa si belle et coulante plume il est un vrai sage révolutionnaire. A preuve son analyse de la foutaise grève perlée où, lui, du haut de ses jeunes 96 printemps, fait la leçon à tous les rêveurs crypto-léninistes qui sont presque à placer en cage à Médrano. Vous le lirez avec étonnement à la suite de mon décryptage des faillites du milieu maximaliste.

Pour ne pas vous ennuyer ou jouer au mec qu'a toujours raison, je ne reprends que quelques paragraphes de mes analyses successives de la fumisterie syndicrate que vous pouvez relire évidemment en entier sur ce blog2 ; je ne suis pas loin évidemment de la trouvaille d'Henri.


SNCF ending: fin de grève abstruse

Et, puis-je ajouter, comment se fait-il que les sectes dispersées de l'ancienne ultra-gauche, CCI et consorts et le parti au cent mille adhérents (« Révolution ou guerre ») soient restées bouche bée depuis trois mois après avoir flairé au début la malfaçon de la grève « perlée », intermittente et inconsistante, sans plus rien dire durant un trimestre à faire chier les usagers prolétaires mais aucunement le gouvernement, laissant les camarades prolétaires syndiqués et non-syndiqués aux mains des menteurs trotskistes et syndicalistes. Chirik qui leur avait appris qu'il faut toujours donner l'avis de « l'organisation politique de classe », même à contre-courant, doit se retourner dans son corps donné à la science ! Je sais pourquoi ils sont tous restés muets (de stupeur et de gêne) c'est parce qu'ils croient encore que toute grève est léniniste, donc hydre voilée de la révolution. Une lubie permanente, presque trotskienne !
En PS: je viens de m'apercevoir que, après leur tract tardif, le CCI a publié ceci: "Grève "perlée": l'Etat et ses syndicats contre toute la classe ouvrière" (en date du 25 avril). Très bon article dans le silence religieux (ou consterné) qui entoure la grève muette des ouvriers ficelés et cadenassés par les syndicrates, y compris les suivistes gauchistes jusqu'auboutistes. Article long qui tient compte de mes remarques (ils n'avaient pas relu eux-mêmes leur bon article sur 95 et avaient oublié ses principaux enseignements) et corrige une certaine timidité à critiquer cette grève ratée et bradée par la syndicratie à l'aide d'inventions abstraites et étrangères à toute dynamique de classe (ils ne font pas référence à mon blog évidemment comme les autres partis-individus de la mouvance maximaliste, car l'individu n'existe pas pour le marxisme dogmatique et ses sectes. Dommage.
Comme son ex fraction (GIGC, Révolution ou Guerre) le CCI est resté invisible ou plutôt impuissant face à cette grève foutoir et foutue d'avance, ce qui n'est pas un reproche vu le machiavélisme et la putasserie de toutes les forces bourgeoises syndicales et gauchistes. Désarmante oui terriblement désarmante la scénarisation de cette fausse lutte de classe. Le CCI a cherché à trouver un écho de compréhension de la foutaise perlée, mais sa propre explication prouve qu'il n'y a rien compris pris dans l'ornière de ses schémas ringards3 même s'il déplore l'humiliation.

Attaque gouvernementale perverse à la SNCF

Le 1 mars 18 : Tout au long du conflit, le système des AG a été en réalité basé sur la séparation entre les catégories. En même temps, si chaque catégorie décidait « pour elle-même » de la poursuite de la grève, chacune intériorisait le fait que la poursuite de la grève dépendait des agents de conduite. Sous l’influence bienveillante des syndicats l’AG des agents de conduite devenait peu à peu l’instance centrale de la grève. On comprend à ce moment là l’importance pour CGT et CFDT de prendre pied parmi les agents de conduite où ils ont affaire à de redoutables concurrents de LO et LCR… Le déroulement de la grève devient peu à peu une mise en scène des agents de conduite qui sont ainsi peu à peu sous l’emprise des syndicats, qui vont pouvoir ainsi chapeauter l’ensemble du mouvement de grève. Les mandants syndicaux pèsent pour refuser toute AG commune à l’ensemble du personnel, ce qui permet : 1. satisfaire la Fgaac 2.de jouer l’unité syndicale en faveur des agents de conduite et 3. de renforcer l’emprise syndicale sur la corporation en affaiblissant tout réel débat au sein de cette AG (au nom de la sainte unité syndicale). L’AG des conducteurs de train sous une si bonne protection devient amorphe et ne se consacre même plus aux objectifs généraux du mouvement ou au souci de coordination avec mes autres entreprises. L’AG débute désormais invariablement par la prise de parole des bonzes syndicaux : CGT puis CFDT et Fgaac (…) L’information (si précieuse pour la vraie lutte de classe) ne circulait plus qu’entre militants des appareils ; des réunions avaient lieu entre syndicalistes de même catégorie. La grève n’est plus qu’une palinodie. Les caisses de solidarité de fonds constitués dans les manifs ne sont pas utilisées pour « tous ensemble » mais restent séparées et distribuées par les sous-fifres syndicaux.

Cette emprise subtile a détruit deux choses : d’abord la possibilité de l’AG des conducteurs de devenir un vrai comité central de grève national, ensuite (le plus important) mis fin au système de délégation directe à partir de l’assemblée. Cette AG devient ainsi non plus l’expression des travailleurs en colère contre le gouvernement mais un instrument de contrôle de la grève par les organisations syndicales. On le constate à la fin de la grève, le 11 décembre alors que l’AG des conducteurs se tenait toujours après les AG des autres catégories, elle se déroule très tôt le matin. Alors que la veille encore, le discours des militants CGT et CFDT fixait comme objectif le retrait du plan Juppé, la mainmise syndicale sur l’AG des conducteurs de train permet d’organiser la reprise sans que le débat sur les objectifs de la grève et son déroulement ait lieu. Quand les autres AG se tiennent, la reprise n’est plus un enjeu. Les AG ont été dépouillées par le sommet de leur souveraineté constitutive. Elles ne sont plus qu’un rituel où les cadres syndicaux organisent le tour de parole dans des locaux proposé par eux. Le « tous ensemble » habille alors l’opacité quant aux lieux de décision ».

Vous pouvez relire la totalité de cet article dont je n'ai repris que ces extraits. En vérité il n'y eu pas de vraie victoire, le statut des cheminots semblait préservé mais la réorganisation managériale était mise en place pour les années à venir dans ce vaste trompe l'oeil, pour aboutir au constat d'aujourd'hui que reconnaissent lâchement les bonzes syndicaux eux-mêmes : la boite a été démantelée ! Et pleurnicher comme le journaliste bigot qu'il ne reste que ce putain de statut et la dette hénaurme ! Quand en même temps, la presse bourgeoise fait dire à 67% des français qu'il faut détruire le statut des cheminots, que les sommets syndicaux « hésitent sur la conduite à tenir » pour être pris au sérieux, « ne pas monter l'opinion contre les cheminots ». Et, pachyderme magnanime la bande à Macron de s'afficher impériale : de toute façon on emmerde tous les cheminots et nos parlementaires godillots, on tranchera par ordonnances ce qui nous a si bien réussi grâce aux promenades syndicales pour les régimes de retraite allongée !

UNE GREVE MUETTE
Preuve d'un classe ouvrière désorientée, repliée sur elle-même, le scénario de la « grève perlée » a dû sembler très bizarre au début aux cheminots qui ont la tête sur les épaules (et même aux journalistes du Monde qui notent "une invention syndicale" au sommet). Décision d'en haut elle n'est pas discutable comme en ont fait les frais ceux de Marseille (pour le peu qui fuite des réunions internes de la corpo) : les bonzes locaux leur ont refusé tout aménagement ou modification du scénario : « décision nationale », c a d c'est Paris qui décide ! Circulez. Grève attentiste, grève sans vagues, inintéressante, pas motivante pour les millions qui se foutent du statut cheminot. Les syndicats ne jouent pas la désunion tant que les plus acharnés ne se calment pas. Mais déjà SUD rail prépare la conclusion catastrophique en proposant la grève illimitée. Déjà des opérations coup de poing dans des gares se sont avérées décevantes et inutiles. Quel que soit le pneu brûlé, le coup de gueule devant le micro de BFM, rien n'y fera. L'extension ou l'éventuelle généralisation se produisent au début ou jamais. Les quêtes financières ne sont que fumisterie syndicale pour masquer l'absence de solidarité pour une lutte corporative ; l'organisme chargé de la collecte va avoir droit à une généreuse ponction de plusieurs millions sur le dos de la fausse solidarité aux cheminots.
De plus en plus isolés, sous une avalanche de mensonges du gouvernement bourgeois des privilégiés (actionnaires divers, ministres millionnaires prévaricateurs, députés godillots, patrons requins et milliers d'artisans et paysans aux revenus très confortables) la grève apparaît ridicule, bornée (comme la ministre). L'argument de la dette et du coût du statut est dérisoire comparé à la dette de l'Etat. Le gouvernement cherche surtout une victoire politique contre un secteur qui détenait un formidable pouvoir de paralysie de la société jadis, comme EDF. Comme tous les autres Etats il faut supprimer un maximum de garanties sociales et de possibilités de défense massive de la classe ouvrière.


POURQUOI LA GREVE SNCF n'a pu s'étendre et prendre un tour politique ?

Pour qu'une lutte économique et catégorielle ait quelque chance de succès il faut des conditions générales très dramatiques, guerre, pic d'une crise économique, répression révoltante. Il faut aussi que toute la classe ouvrière se sente concernée et mobilisée réellement à partir de revendications claires non inventées par la syndicratie. Or, quand un des argumentaires des syndicaux gauchistes est celui-ci : « si tu ne montres pas ta solidarité avec les cheminots, ce sera ton tour après »... on se gausse. La majorité du prolétariat n'a aucun statut ni service public à défendre. Les cheminots, et cela le gouvernement Macron mise complètement dessus, ne défendent que leur pomme et, éventuellement avec pour décor une énième défense de la nationalisation avec quelques pitres comme les Mélenchon et Ruffin. Lorsque en octobre 1917 les cheminots russes entrent en lutte ils deviennent non l'avant-garde d'une défense statutaire mais de deux revendications unifiantes pour toute la classe ouvrière : la lutte contre la guerre et la journée de huit heures, que le régime tsariste cédera mais trop tard.

Mais il reste deux vieilleries idéologiques qui brident à la fois l'espoir traditionnel et impérissable d'une autre société que la capitaliste mais aussi la finalité de grèves « se coagulant » pour reprendre l'expression macronesque : la croyance en la défense  "socialiste" du « service public » et les vilenies et sarcasmes contre tout bilan de la révolution en Russie (que nous abordons en deuxième partie comme toile de fond du vide syndical et politique).

LE MYTHE DE LA DEFENSE DU SERVICE PUBLIC

Le service public n'est pas un domaine "prolétarien" ni socialiste ni communiste. Le développement dès le XIXe siècle avec les deux révolutions industrielles des transports en commun visait non au confort des travailleurs mais à accélérer leurs déplacements vers le turbin. A notre époque les plus grandes entreprises capitalistes cotisent à la SNCF ou à la RATP non pour rendre un service public à la multitude d'employés et de travailleurs de tout acabit mais pour mieux réguler le profit... Pour ce qui concerne les vacances la bagnole est largement préférée au "service public" qui est devenu plutôt un "sévice public" d'Etat. Le tout premier statut des cheminots date de 1920, modifié à plusieurs reprises et consigné dans un document numéroté RH0001, il définit les bases du contrat de travail et fixe l'essentiel des garanties collectives des cheminots: conditions d'embauche, éléments de rémunération et déroulement des carrières, mobilité, congés, droit syndical, sanctions disciplinaires etc. Le "statut", élément fort de la culture "cheminote", met les agents SNCF à l'abri d'un licenciement économique puisqu'il prévoit seulement trois cas de départ: démission, retraite ou radiation. Il renvoie également à un régime spécial de prévoyance et de retraite. Pour être embauché au statut, il faut être Français ou ressortissant européen, avoir un casier judiciaire vierge, avoir moins de 30 ans, et réussir une longue période d'essai (jusqu'à deux ans et demi pour les cadres).

Mais avant de révéler l'analyse pénétrante du machiavélisme d'Etat par Henri Simon, faisons le détour par la vision de Napoléon, dit RL.

L'ESPOIR DE REGENERER UNE GREVE POURRIE PAR NAPOLEON LENINE

GIGC ce n'est pas un sigle bancaire – groupe international de la gauche communiste – mais le titre du blog de RL, RosaLux pour les intimes, aussi connu que moi des services de police du net comme général sans armée. L'analyse de la grève artificielle exprime une mégalomanie galopante où l'imaginaire bolchevique tente d'atténuer le cauchemar perlé. Bien que victime d'un énième procès de Moscou à Paris par le CCI, l'individu RosaLux est pourtant tout ce qu'il y a de plus honnête et sincèrement acquis à la nécessité d'une révolution prolétarienne, mais il n'est que le fruit de l'accouchement bâtard de l'utopie et d'un trade-unionisme caricatural4.

« Nous (je, sic) publions ci-après le tract que nous avons diffusé à partir du 28 mars 2018 dans les manifestations et assemblées ouvrières auxquelles nous avons pu participer et intervenir [1] lors des mobilisations ouvrières de février, mars et avril 2018 en France et dont l’épicentre a été la lutte des cheminots contre la ’réforme de la SNCF’ menée par le gouvernement de Macron. Notre tract appelle à ce moment-là les prolétaires à affronter ouvertement, directement et collectivement la tactique des journées d’action et des grèves tournantes, c’est-à-dire le sabotage syndical, pour pouvoir étendre et généraliser les luttes alors même que différentes entreprises d’importance sont en conflit, voire en grève : Air France, les magasins Carrefour, les hôpitaux et particulier les maisons de retraite (EPHAD), l’usine FORD de Bordeaux, la fonction publique... L’idée en est alors répandue parmi de nombreux travailleurs et la perspective d’une lutte massive et unie de différents secteurs est une réalité, un enjeu du moment, une possibilité réelle même si réduite ».

C'est faux Napoléon, c'est une lubie des clans gauchistes ! L'opinion « prolétarienne », diffuse et pas vraiment palpable, restera dubitative depuis les débuts de la comédie syndicale absconse ! Convergence rime avec évanescence en France macronesque ! Et s'imaginer qu'un seul petit tract diffusé par un seul individu ou dans l'espoir que des milliers le liront sur son blog relève bien de la mégalomanie favorisée par l'illusion de toute puissance de chaque accroc du web. RosaLux a rêvé à la fable, rarissime en histoire : « d'extension ’sans contrôle’, c’est-à-dire sans contrôle syndical, du combat de classe, c’est-à-dire d’une dynamique de grève de masse ».

Comme l'artificialité de la fausse grève n'est pas entrée dans ses vieux schémas ringards du CCI des années 1980, Napoléon impute l'échec (pourtant visiblement programmé depuis le début et pointé du doigt par mes soins)... aux cheminots passifs : « La passivité politique des cheminots les livre au sabotage syndical » - et honte suprême « ils laissent faire les syndicats » (même LO dit ça) - argument pleutre typique des bonzes syndicaux. RosaLux restera ainsi hors de la réalité du piège bureaucratique de bout en bout dans une logique aussi suiviste que le NPA et ses amis de Matière et Révolution.

RosaLux ne voit même pas le degré de perversité de l'agenda syndical qui programme une manif « à la carte » le « 22 mars » (sic ! Clin d'oeil aux commémorations sirupeuses de 68) ; notre sagace mégalo en déduit que cette manif à la demande est une ruse syndicale pour éviter la tenue d'AG « qui auraient pu les mettre en difficulté » ; or, aucun risque, toutes les AG matinales ne sont que longs monologues des caïds syndicrates. En outre il ne comprend pas non plus que les syndicats « contestataires » ne poussent pas plus CGT et SUD qu'ils ne rabattent cette catégorie invisible « d'ouvriers combatifs » - s'il nomme ainsi les plus excités à servir d'amplis aux pires clameurs corporatives – ces « radicaux » resteront toujours surtout les principaux suivistes au nom de « l'unité des syndicats de gouvernement » ! RosaLux n'a-t-il pas entendu le Poutou déclarant à la télé : « nous attendons les consignes des directions » ?
Avec les mêmes méthodes du CCI d'ignorance stalinienne des objections des pauvres isolés comme moi, qui ne se cachent pas derrière un sigle ronflant ou une organisation inexistante, RosaLux Napoléon a bien lu lui aussi mes critiques sur mon blog, alors il semble faire amende honorable : « Notre intervention par tract est en retard ». Mais ce n'est même pas une question de retard pourtant ! Une grève trafiquée et sur des revendications bourgeoises ou ultra-corporatives n'obéit pas à la dynamique naturelle d'une vraie lutte de classe ! Ce retard n'est-il pas responsable à son tour du mauvais départ de la « lutte » ainsi que l'imagine l'argument mégalo ? : « quand nous (je...) le publions et commençons à le diffuser le 28 mars, il est encore possible que les orientations de classe que nous mettons en avant soit reprises par les cheminots, voire par d’autres secteurs : l’extension et l’ouverture d’une dynamique vers une lutte unie restent une possibilité ». Là RosaLux se prend pour dieu ou Napoléon. La bénédiction, pardon l'extension, hélas : « s’amenuise de jour en jour jusqu’à disparaître définitivement au lendemain des premières grèves tournantes, les 3 et 4 avril : l’absence d’assemblée reconduisant la grève en opposition aux mots d’ordre syndicaux signe l’incapacité des 5cheminots à rompre avec la dynamique imposée par l’intersyndicale et l’ensemble des forces de l’État. Selon nous, à partir de ce moment, les prolétaires ont abandonné toute possibilité de disputer, ne serait-ce qu’à minima, l’initiative à la bourgeoisie. Elle pourra ainsi amener les cheminots à l’épuisement jusqu’aux dernières journées de grève de juillet et imposer un échec supplémentaire, après ’la loi travail’ de 2016 ».

Tout le reste du pas très rapide et peu bref bilan mégalo n'est que suppositions. Il se met alors à la recherche de Godot « minorité de travailleurs combatifs » après avoir ouvert sa fenêtre sur une réalité qu'il n'a pas vu depuis le début, il ne trouve pas son bonheur mais invente une nouvelle sociologie « des cheminots restés combatifs dans la défaite », très orwellien :

« Pour notre (ma) part, après les 3 et 4 avril, conscients que la fenêtre donnant sur une extension se ferme sans doute définitivement, nous pensons que les orientations d’action de notre tract ’d’agitation’ ne sont plus adaptées – même si nous pouvons encore le diffuser d’un point de vue ’propagandiste’. Nous cherchons l’émergence de minorités de travailleurs en rupture avec la dynamique du mouvement imposée par les syndicats et désireux de la combattre sous une forme qui ne peut qu’être collective et minoritaire, de type comité de lutte ou assemblée ’interprofessionnelle’. À notre connaissance, il n’en est apparue aucune sinon… celles, formelles, mises en place par les trotskistes dans les universités entre étudiants et les syndicalistes de SUD qui déboucha sur l’Intergares dont l’objet était de rabattre toute volonté combative sur le terrain syndicaliste. Si notre prévision selon laquelle toute dynamique d’extension s’est éteinte au lendemain des 3 et 4 avril s’est vérifiée, il est clair qu’au moment où l’Intergares appelle à « durcir la grève », la CGT et SUD n’essaient plus alors qu’à entraîner le maximum de cheminots restés combatifs dans la défaite, l’épuisement, l’écœurement et le découragement les plus profonds ». RosaLux imagine que s'il n'avait pas été l'éditeur (méconnu) d'un seul tract divinatoire, la rédemption du cruel échec - qui était pourtant déjà échec depuis le premier jour du scénario syndicrate – aurait été sanctifiée par une prière collective pour ne pas se laisser avoir à nouveau par les syndicats gouvernementaux :

« Aurions-nous eu des forces numériques un peu plus conséquentes que nous aurions certainement produit un deuxième tract tirant les leçons du mouvement et avertissant contre le jusqu’au-boutisme de la CGT et de SUD dans les grèves tournantes – au final, il y eut 36 jours de grève – afin précisément de limiter autant que faire se pouvait l’ampleur de l’échec en favorisant le partage des leçons de cet épisode de lutte avec le plus grand nombre ».

RosaLux n'est pas si fou qu'il n'en a l'air tout au long de son « militantisme » CCI années 80 – où le tract était sensé « éveiller les ouvriers localisés à l'extension révolutionnaire » - en cela il progresse vers une compréhension des changements de période (comme on le verre plus loin avec l'indéboulonnable Henri Simon), ce que la secte CCI est, elle, incapable de réfléchir. En sous-titre « la fin du fétiche des grèves générales de 1968 et de 1995 », il montre une capacité à prendre du recul mais il a besoin pour cela d'aller rechercher l'avis d'un canard bourgeois : « ...la défaite des cheminots marque la fin d’une particularité de la lutte ouvrière en France. La bourgeoisie européenne, intéressée à l’élimination de tout mauvais exemple prolétarien, ne s’y trompe pas. Dès le 24 avril, le journal espagnol de droite El Mundo titrait que « Macron veut enterrer mai 68 et l’automne 95 » en relevant qu’en France, « reste le mythe de la révolution dans la rue. Mais cela, Macron va l’enterrer ». (...). En outre, les formes modernes de la production capitaliste ont liquidé la plupart des grandes usines ou secteurs, sur lequel se fonde le fétiche gauchiste et anarchiste de la grève générale, au bénéfice de petites unités de production dans lesquelles le ’management’ est omniprésent tant au plan idéologique que politique – interdisant les assemblées, voire y intervenant directement s’il ne peut les empêcher. Du coup, toute initiative de lutte ou de grève s’en retrouve beaucoup plus difficile ».

Moitié Napoléon, moitié Waterloo, RosaLux n'est cependant qu'à moitié lucide car la rédemption « extension immédiate » reste son gimmick même si c'est une fausse grève ou une caricature de grève manipulée de bout en bout, et en croyant que le corporatisme va disparaître dans les «conditions modernes d'exploitation du travail ». Il fait la leçon aux prolétaires passifs et hésitants et aux communistes (?) : «  Les uns et les autres ne peuvent faire l’économie de se confronter à toutes les forces politiques, particulièrement de gauche, syndicales, politiques, médiatiques, policières, etc. de l’appareil d’État bourgeois. Et en premier lieu aux syndicats dans les luttes ». Finalement, ne s'étant jamais trompé dans sa tour d'ivoire de parti fictif, RosaLux confond indifférentisme syndical et indifférentisme politique, et ajoute un combat bis aux forces bourgeoises, celui des observateurs si bien nommés « conseillistes » (les conseilleurs ne sont jamais les payeurs, en effet) :
« Voilà pourquoi aussi, nous considérons que l’indifférentisme politique qu’il soit d’ordre économiste, anarchiste – y compris radical de type black bloc – ou encore d’ordre conseilliste, est à combattre résolument tant par les ouvriers en prenant directement en main le combat politique dans leur lutte que par les groupes communistes dans leur intervention générale ». (RL, juillet 2018)6.
En note notre crypto léniniste conchie tous ceux qui ont refusé de marcher dans la combine ou de se plier à l'ordre de grève en bateau, égratignant au passage son ancienne secte (qui n'existe même plus sur Paris) avec le même prétexte que les contre-révolutionnaires trotskiens « accompagner la classe dans ses illusions pour qu'elles vous soit reconnaissante tôt ou tard » :

Bien sûr, les militants communistes qui auraient pu être cheminots auraient continué la grève, en déclinant et adaptant l’intervention du groupe politique comme un tout selon les moments et les lieux, jusqu’à ce que la grève se termine sur leur lieu de travail. C’est évident mais cela va mieux en le disant vu certaines confusions d’ordre petite-bourgeoises (un ’sauve-qui-peut’ individualiste face à la défaite à venir), qui peuvent circuler dans les rangs de certains cercles ou groupes de la Gauche communiste, comme par exemple le CCI en certaines occasions ».

Avec ce raisonnement soumis au plus stupide trade-unionisme, il faudrait participer à des grèves chauvines, racistes ou muettes, comme j'ai qualifié cette merde perlée, qui interdisait de fait toute réelle communication entre prolétaires. Et non cher ami, il faut dès lors appliquer la base même du premier pas traditionnel gréviste : croiser les bras et ne rien faire face aux chefaillons syndicaux et donneurs d'ordres gauchistes !


LE DINOSAURE ET LA FARCE perlée


LES REFORMES ; LES SYNDICATS ET « LA BASE « : les chiens aboient par Henri Simon (Revue Echanges n°163, printemps 2018)

«  (…) Pourquoi aujourd'hui, alors que l'essentiel touchant la réforme des conditions d'exploitation de la force de travail est déjà en place, les syndicats « contestataires » se lancent-ils, à l'occasion de conflits distincts spécifiques, dans des manifestations qui n'ont pas – et de loin – l'ampleur de celles du passé (par exemple celle de la réforme Juppé des retraites en 1995 ou contre le « contrat première embauche » (CPE) de Villepin en 2006). Pourquoi prônent-elles une convergence des luttes en cours (SNCF, Air France, Carrefour) n'ont rien d'autre en commun que la marche habituelle du capitalisme, et que les tentatives d'y associer d'autres secteurs, par exemple les universités, n'ont pas réussi à faire prendre la mayonnaise des luttes ? Pourquoi malgré l'évidente absence de cette convergence, les syndicats « contestataires » persistent-ils à répéter des manifestations qui ne montrent rien d'autre que la faiblesse de la mobilisation ?
La raison, je crois, est à rechercher ailleurs. Outre la réforme profonde du droit du travail, une mesure fiscale passée presque inaperçue est venue préparer d'autres réformes plus profondes des avantages sociaux, annexes du travail, un secteur où les bureaucraties syndicales excellent à trouver un bon fromage et la source de leur clientélisme. Cette mesure fiscale, déjà effective, concerne l'extension de la CSG et la diminution des cotisations sociales assises sur le salaire. Etant donné que tout le système des « avantages » sociaux repose depuis 1950 sur le paritarisme et que la gestion de la répartition des cotisations est confiée à des caisses retraite, maladie ou organismes de formation professionnelle où les syndicats se taillent la part du lion, toute fiscalisation diminue leur pouvoir. Ceci d'autant plus que les réformes présentement en chantier sur les retraites (avec l'instauration d'un système à points), celle de l'assurance-maladie et celles du chômage et de la formation professionnelle, les priveraient d'une bonne partie de leurs prébendes actuelles.

La grève de la SNCF et la réforme projetée par le gouvernement qui n'est pour l'essentiel qu'une mise en conformité avec les impératifs économiques de la Communauté européenne, est spécifique à cette importante entreprise et sa spécificité n'est nullement reliée avec toutes les réformes Macron antérieures ou futures qui seules auraient pu entraîner une « convergence » des luttes (la loi El Khomri qui s'appliquait à la SNCF autorisait des atteintes au statut mais n'avait guère soulevé de mouvements sur les rails). La loi sur la représentativité syndicale fait que le gâteau de la discussion avec la direction n'est partagé qu'entre quatre syndicats, deux « contestataires », CGT et Sud Rail, qui à eux deux disposent d'une majorité de blocage d'accords éventuels (51%) et deux collaborationnistes, CFDT et UNSA. La forme de grève lancée par les « contestataires » ets particulièrement machiavélique et d'une prudence exemplaire. Conçue pour que, de toute façon, quelle qu'en soit l'issue, les bureaucraties syndicales en sortent indemnes. Si la grève par intermittence (pas grève perlée comme on l'a définit et qui est tout autre chose, voir p.4)7 est efficace (ce qui ne semble pas le cas présentement à la mi-mai), les bureaucraties s'en trouveront renforcées dans leurs discussions avec la direction. Si elle échoue, ces bureaucrates pourront toujours prétendre que « la base ne suit pas » et qu'elles n'y peuvent rien. Quant à la fameuse convergence, on voit mal comment, au-delà des mots, elle peut avoir un sens autour d'une grève qui n'est que partielle et dont la routine tourne à l'inefficacité. Ceci alors que les autres secteurs qui étaient sollicités pour s'associer à cette convergence ne répondent pas.
On a beaucoup parlé à propos des luttes présentes, de Mai 68 et d'un possible remake de cette révolte sociale. Mais outre que l'Histoire ne se répète jamais (en particulier, les conditions de l'exploitation de la force de travail et des règles sociales ont totalement changé en cinquante ans, même si le capitalisme impose toujours sa loi) ; en 1968 une convergence, qui fut d'ailleurs une généralisation des luttes, ne fut pas du tout « organisée » par un syndicat ou un parti politique quelconque, et surgit au moment où personne ne l'attendait. La tendance actuelle (je dis bien actuelle car tout évolue et aujourd'hui plus que jamais, dans l'accélération du à une foule d'innovations techniques), c'est 'orientation vers une précarisation généralisée sous des formes très diverses, à l'échelle du monde (d''où l'apparition du terme « universel » chez tous les analystes et réformateurs divers)8. Toute une partie des réformes Macron vise à personnaliser relations sociales et avantages sociaux et à écarter toute forme de gestion collective : cela redonne un pouvoir à l'Etat, c'est à dire au capital, aux dépens de toutes les formes collectives qui pouvaient intervenir dans les processus économiques ».

Merci Henri et longue vie à toi !


NOTES   


1https://bataillesocialiste.wordpress.com/2010/02/16/vous-avez-dit-ultra-gauche-entretien-avec-henri-simon/

2La grève est-elle une maladie honteuse?
Bashing SNCF: la grande absente, la classe ouvrière
Lettre ouverte aux cheminots (lue par des centaines, elle a probablement eu plus de résonance que le tract électronique de notre ami RosaLux)
Attaque gouvernementale perverse à la SNCF
3« Il y a en France, depuis des mois, une multitude de petites grèves, soigneusement isolées les unes des autres par les syndicats. Aucune assemblée générale commune, aucun mot d’ordre rassembleur. Cette situation a d’ailleurs commencé à questionner une partie des travailleurs ; c’est pourquoi, au mois de mai, les syndicats ont sorti de leur chapeau le simulacre de la “convergence” des manifestations où chaque corporation, chaque entreprise défilait avec “sa” banderole, “son” mot d’ordre, les unes derrières les autres, sans que jamais les travailleurs en lutte ne puissent discuter. La palme du sabotage revient à la “grève perlée” de la SNCF qui a permis d’épuiser les cheminots, pourtant au départ très combatifs, par une lutte longue, stérile, coupée des autres secteurs de la classe ouvrière, de plus en plus minoritaire au sein même de l’entreprise, le tout organisé sous-couvert d’assemblées générales dans lesquelles, en réalité, rien ne se décidait et où tout était ficelé d’avance.
Avec ce sale boulot des syndicats, la bourgeoisie française veut inoculer un profond sentiment d’impuissance aux travailleurs : la défaite des cheminots est celle de toute la classe ouvrière, leur démoralisation aussi. “Puisque eux, qui sont censés être particulièrement combatifs, ne parviennent pas à résister, aucun secteur ne le pourra… la lutte ne paie pas”, tel est le message lancé par la classe dominante ». Le groupe d'ouvrier évoqué n'y voit pas plus clair : http://fr.internationalism.org/content/9750/lutte-des-ouvriers-sncf-collectif-douvriers-tire-bilan
5Je ne résiste pas à reprendre la citation produite dans Echanges n°163 : « Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d'air ses poumons. Son esprit s'échappa vers le labyrinthe de la doublepensée. Connaître et ne pas connaïtre. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s'annulent alors qu'on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu'on se réclame d'elle (…) Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l'ultime subtilité. Persuader consciemment l'inconscient de l'acte d'hypnose que l'on vient de se perpétrer. La compréhension même du mot doublepensée impliquait l'emploi de la doublepensée ». George Orwel 1984. Ce processus tient à la fois de la dépersonnalisation, pour éviter toute démoralisation, mais aussi du processus de dépossession qui envahit tout dans le capital décadent comme je ne cesse de le signaler (mais peut-être suis-je aussi fou moi-même?).
7Henri Simon rappelle que initialement la grève perlée « classique », avait pour but de ralentir la production, mais il se trompe sur le temps jadis, elle a bien comme fonction, ainsi que maint exemples modernes le prouvent, et comme je l'ai indiqué dès le début, de démoraliser les ouvriers. C'est une grève de pute hyper corporative.
8HS me vise indirectement parce que j'ai été le premier à user des termes « prolétariat universel », mais ce n'est point un péché mais un concept de Marx dès sa jeunesse (cf. l'exergue permanente en tête de ce blog). Et donc nullement « moderniste » ou diluant.
Henri en compagnie de mon voisin de Cachan Maurice Rajfus

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