PAGES PROLETARIENNES

mardi 21 mars 2017

TOUS POURRIS, TOUS POUR UN: LE CAPITAL NATIONAL (patriotique)


"On n'outragera point grossièrement son ennemi, mais on le calomniera avec adresse".
Jean-Jacques Rousseau



La bourgeoisie exerce son autoritarisme électoral par le même fond de morale patronnesse qui était la sienne au XIX » siècle1, que l'on peut dénoter dans ce paternalisme antiraciste de la gauche macronesque ou hamonesque, et dans cette vertu outragée de bandit en col blanc de la droite fillonesque et Lepenesque. La droite porte comme une croix ses visées économiques et financières quand la gauche protège la justice de classe, l'immigré et les intermittents. Les débats télévisés comme celui du lundi soir tant attendu se veulent cours de morale et un concours de petites phrases à l'attention du spectateur lambda qui compte les coups, ou les éventuelles blessures identitaires chez tel ou tel participant comme à une vulgaire émission d'Hanouna ou de Ruquier.

Que des puces sur le plateau de TF1. Aucun « homme fort » pour relever le niveau, la France ou l'illusion électorale. Le capital financier a clairement choisi son candidat rassemble-tout et son contraire, le collaborateur frétillant le petit minet Macron dont on nous a dit que sa place avait été tirée au sort. N'en doutons point, ce fût spontané qu'il ait été choisi pour la conclusion du débat, pour le voyeur ordinaire le dernier qui parle à raison. De même un sondage in-dé-pen-dant a désigné le chouchou des médias comme « le plus convainquant » pour « une majorité de français » juste après la fin des agapes pipoles. Or, petit minet Macron a été de tous le plus mauvais, façon petit cadre d'entreprise arriviste avec sa petite cravate, ses petits bras brassant l'air de promesses de tweeter gratis, merdeux perdu parmi les vieux roublards du système. Les autres ont été relativement bons dans leurs rôles respectifs, chacun ayant dans sa poche une sélection de phrases calibrées par leurs concepteurs de l'ombre publicitaire. Mention bien pour le gauchiste institutionnel Hamon imparable face au merdeux : «  Le problème, ce n’est pas que des gens riches financent votre campagne mais est-ce qu'il n'y a pas plusieurs cadres de l’industrie pharmaceutique […] chimique [ou] bancaire parmi vos donateurs » ; et une Le Pen «droguée aux pages faits divers», et puis cette pique adressée à Fillon sur son «propre argent». Le drame pour ce pauvre Hamon est qu'il s'adresse comme son concurrent direct Mélenchon à la couche des bobos écolos, complètement irréalistes et à côté de la plaque sur le nucléaire, ce qui est une hérésie pour le noyau dur de la grande bourgeoisie franco-française, et l'est en effet puisque c'est une politique veule qui s'agenouille devant l'Allemagne et la bourgeoisie américaine. Ce résidu des frondeurs gauchistes d'un PS en déshérence, à cause de cette fumette théorico post-marxiste, ne peut même plus être soutenu par les vieux caciques lucides ; la dérive de ce courant soixante-huitards dont les pères théoriques tel Cohn-Bendit sont désormais frappé d'Alzheimer (Celui-là vote Macron) n'est qu'un sous-produit pas vraiment des analyses marcusiennes mais des hippies de Californie, eux aussi au pouvoir dans les médias. Ceux que l'on appelle emblématiquement « les extrèmes » - de Hamon à Le Pen - représentent en effet un pan de l'autodestruction du capitalisme démocratique bourgeois que Neumann expliquait comme réaction à l'Etat dominateur dans les années 19302. Le collègue de Neumann certes oublié et assez déformé par ses contempteurs primaires marxologues, Herbert Marcuse avait au fond assez bien analysé un élargissement de la classe prolétaire à d'anciennes couches étroites (ingénieurs, enseignants, employés, gestionnaires) plutôt que théorisé une disparition de la classe ouvrière. Les extrèmes se chargent de cornaquer la classe ouvrière moderne en deux parties séparées, tout en s'accusant les uns les autres de « diviser les français » (comprenez pour la gauche bourgeoise : favoriser la religion islamique et ses fétiches et les communautarismes, et pour la droite : respecter la religion catholique et accroître le nombre de prisons). Le FN de s'occuper de la classe ouvrière « disparue », le noyau des bleus racistes et chômeurs, et la ribambelle de partis écolos bobos des « nouvelles » « couches moyennes ». Marcuse n'avait pas tort de voir cette classe ouvrière « élargie » anesthésiée par le consumérisme et la religion cathodique mais, par déficit politique de sociologue, il confondait l'embourgeoisement historique des partis de gauche et des syndicats avec un endormissement, j'allais dire un abrutissement provisoire de l'ensemble de cette classe des prolétaires élargie. A sa suite, les bobos modernistes de tout poil ont cru pouvoir théoriser une « nouvelle classe ouvrière » mais non pas comme disons les héritiers de la Gauche communiste (inconnue du grand public) mais comme une « multitude » d'outsiders : « minorités » diverses, féminisme, écologie, sexualités diverses, communautés branquignoles, etc. D'ailleurs tout l'appareillage électoral semble avoir enfin compris, à la suite des élèves de Marcuse, Terra Nova et Hamon, qu'il fallait tenir un langage libertaire – avec un contenu typiquement utopique libertaire – aux masses devant leurs écrans à cristaux liquides et à neurones idem. La fibre anti-autoritaire mâtinée d'un anticapitalisme écologique, d'un onirisme féministe, et d'une pincée démocrato-autogestionnaire à la Rosa Luxemburg, sert d'écrin à un discours très chauvin français et militariste, jusqu'au ridicule pacifisme de Mélenchon.

Ces nouvelles dames patronnesses cathodiques sont toutes en vérité perçues comme cyniques par une bonne partie du prolétariat, et à juste raison, et pas forcément par la partie la plus démunie ni la plus diplômée. Désolé de faire encore référence à un autre célèbre sociologue des années 1930 pour l'expliquer – et ces années 1930 dites de la période de contre révolution, nous sont très utiles encore pour comprendre où le monde actuel en est. Norbert Elias expliquait l'indifférence morale des élites bourgeoises, l'acceptation d'une certaine violence politique illégale (le nazisme en 1930, et la revanche violente des ex-colonisés endoctrinés par l'islam pour la gauche antiraciste de nos jours), et la défaillance de la morale traditionnelle pendant la République de Weimar, par le progrès des institutions privées, des milices de voisinage et la "désintégration du monopole de l'Etat sur la violence" . Une indifférence morale qui présuppose une "désintégration de la conscience". Il apparaît à chacun d'un peu conscient que nous vivons tout à fait le même genre de situation avec l'explosion du libéralisme sauvage. Contrairement à Robert Paris (de Matière et Révolution), je n'y vois pas un désir de recours à un « homme fort » ; il n'y a plus, il n'y aura plus « d'homme fort »3. L'indifférence morale du politique bourgeois n'est telle, sous sa faconde moraliste, que parce que la conscience ouvrière est moindre.

Ce besoin d'homme fort était réel dans les années 1930 par contre, mais par une sorte de dérive idéologique des contre révolutions stalinienne et social-démocrate qui cultivaient le mythe des grands hommes des chefs de parti à Lénine et Staline, et dont Hitler ne fût que la copie caricaturale et démoniaque. Elias expliquait les sources de cette croyance avec chaque particularité nationale : « la barrière qui séparait la noblesse de la bourgeoisie était beaucoup plus élevée...qu'elle ne l'était en France (…) une fusion s'est produite en France et en Angleterre entre la morale bourgeoise et les bonnes manières aristocratiques" tandis que "le caractère national allemand a été marqué beaucoup plus profondément par les classes moyennes ». Pour lui l'importance des manières dans l'histoire nationale respective de l'Allemagne, de la France et de l'Angleterre, semble donc cruciale. Elias va pourtant aller au delà de ce projet de psychologie historique auquel il voulait travailler au début des années 1930. Pour tenter d'expliquer la violence politique il fait appel à une hypothèse psychanalytique. Après la défaite de 1918, il remarque : "On se retrouva soudain avec une structure de personnalité fondée sur le principe de l'obéissance et de la discipline à l'égard d'un monarque puissant, dans un Etat où comme il le dit lui-même - j'exagère un peu - la partie externe du surmoi avait disparu". Evoquant la République de Weimar, Elias souligne que "de nombreux Allemands commencèrent à appeler de leurs voeux un homme fort qui leur redonnerait la possibilité de se dominer. Ils n'avaient pas appris à faire cela par eux mêmes. Un tel régime contribue à développer un surmoi dans certaines sphères seulement ». Et on peut donc en déduire que la magie d'Hitler, comme celle de nos modernistes à la Hamon, est d'avoir réussi à séparer des couches pas toutes petites bourgeoises du noyau de la classe ouvrière. Tout au moins dans le cadre et les limites électorales, Nuit debout et ses avatars se chargent de répandre et maintenir la séparation voilée sous le concept de multitude démocratique.

Banalisation de la corruption...

Dans cette auto-décomposition de la bourgeoisie, activée par les partis de la couche supérieure de la petite bourgeoisie, disons la couche intellectuelle dominante qui se confond finalement avec l'élite bourgeoise et dont le petit minet Macron est la quintessence rêvée mais peu onirique pour les prolétaires en général, la corruption est banalisée. Qu'un Fillon, coulé par tant de casseroles attachées par la magistrature gauchiste, puisque venir jouer au « costaud » (titre de l'Obs), comme hier Sarkozy pouvait continuer lui aussi à faire la morale politique, qu'un Macron, financé sans gêne par des groupes financiers masqués puisse parader tel un « homme sans fil à la patte », que la reine-mère Le Pen as de la captation d'héritage et virago du clientélisme népotiste puisse venir se prendre pour Arlette Laguiller (défenseuse des « travailleurs » et des « gens »), que Hamon et Melenchon, apôtres de la bobocratie, anciens ministres qui n'ont jamais dénoncé leur ancien patron « l'artiste » Mitterrand4, viennent sermonner gentiment les deux filous montrés du doigt, ne rassure guère sur le fonctionnement de ce qu'ils se flattent tous de défendre : la démocratie bourgeoise.
Tiens relisons ce bon Jean-Pierrre Le Goff, qui déclarait ceci dans une interview en 2014 : « On ne brandit pas la morale contre ses adversaires impunément. La gauche se prévaut d'une supériorité morale en se voulant le dépositaire attitré d'une certaine idée du Bien. Cette prétention s'est effondrée à travers une série d'affaires dont les plus récentes et les plus marquantes ont été l'affaire DSK et l'affaire Cahuzac, mais cela ne l'empêche pas de continuer à faire semblant. Les mensonges et les dénégations face à des faits avérés apparaissent d'autant plus scandaleux que la gauche continue de faire valoir cette prétention morale. La droite plus bonapartiste, empêtrée elle aussi dans des affaires, ne s'y risque pas trop. La politique a ses lois propres qui impliquent la ruse et le rapport de force, mais en démocratie tous les coups ne sont pas permis et l'activité politique s'exerce dans un État de droit. S'y ajoutent pour les politiques une exigence d'intégrité qui a valeur d'exemple auprès des citoyens et une éthique de la responsabilité qui entend répondre des effets non voulus de ses paroles et de ses actes dans une situation donnée. En politique, on ne saurait donc en rester à l'«éthique de conviction» et encore moins à l'éthique de la bonne intention et des bons sentiments. (…), c'est ce mélange de subjectivité débridée et ce point aveugle de certitude consistant à se croire constamment dans le camp du Bien, attitude que l'on retrouve chez nombre de militants, voire chez certains journalistes qui prêchent la bonne parole sans même s'en rendre compte. On en arrive à ce qui peut apparaître comme un paradoxe: on peut être «authentique» dans ses convictions, son indignation et ses affects, en refusant de reconnaître les faits et d'assumer clairement ses responsabilités. Le mensonge authentique, affectif et sincère, constitue la version post-moderne du «mensonge déconcertant» consistant à affirmer tout et son contraire avec un pareil aplomb ».

LE DROIT DANS LES YEUX... COMME GAGE DE sincérité perverse !

« … Jacques Chirac eut beau protester en faisant valoir sa bonne foi, demander à Mitterrand de le regarder «droit dans les yeux», ce dernier, imperturbable, maintint ses affirmations. Il faut dire qu'à sa façon, Jacques Chirac sut en tirer les leçons et que dans le genre manœuvrier, sous des allures bonhommes, il ne manquait pas non plus de talent. Désormais, le «droit dans les yeux» et l'authenticité des sentiments sont devenus une posture de défense face à toute mise en question. Avec l'affaire Cahuzac, on sait maintenant qu'on peut parfaitement mentir «droit dans les yeux» aux représentants de la nation… comme si la politique se résumait désormais à des problèmes de management et de communication. Dans ces domaines, les conseillers ne manquent pas et ils font payer très cher leurs prestations avec les résultats que l'on sait… La compétence ou l'incompétence dans le cynisme politicien, telle semble être le nouveau critère pour évaluer la politique dans l'«essoreuse à idées» des grands médias audio-visuels et de nombre d'entreprises de conseils et de communication. La politique se désarticule d'une vision historique et le management, la communication acquièrent alors une importance sans précédent. Par delà leurs aspects fonctionnels, ces activités, dans leur volonté d'être à tout prix modernes et de coller au nouvel air du temps, ont véhiculé le cynisme, le modèle de l' «argent facile» et la «frime». L'histoire retiendra que pour fêter le bicentenaire de la Révolution française, le président de la République fit appel à un publicitaire pour organiser le grand défilé des Champs Elysées. Le marché, le management et la communication vont être érigés en modèles de référence et la politique n'y a pas échappé. C'est dans ce contexte, qu'ont été formées de nouvelles générations marquées par le culte de l'ego et le modèle du perpétuel gagnant. La droite et la gauche n'y ont pas échappé.

(…) Ces différentes affaires jettent une lumière crue sur ce qu'est devenue la politique. Les règlements de compte se succèdent entre les camps et à l'intérieur de chaque camp dans une spirale délétère qui a tous les traits d'une autodestruction, au profit de l'abstention et des extrêmes. La scène politique tend de plus en plus à se confondre avec celle des grands médias et des réseaux dits sociaux qui se nourrissent de l'émotion et sont friands des scandales en tout genre. Une partie de la classe politique lui fournit de la matière. On se repasse les affaires de main en main en espérant mettre à bas son adversaire sous l'œil complaisant des médias. La machinerie politico-médiatique s'emballe et personne ne semble en mesure de l'arrêter. Ceux qui se croient les plus malins espèrent en sortir gagnants ou s'en tirer à bon compte. À travers la succession des affaires au fil des ans, le monde politique apparaît de plus en plus comme une caste ou une oligarchie en voie de décomposition, de plus en plus étrangère aux préoccupations des citoyens ordinaires, mais qui n'en continue pas moins de vivre et de se déchirer dans l'entre-soi, et ce, dans une situation historique des plus critiques où le chômage de masse combiné avec l'érosion des acquis de notre héritage républicain a produit de puissants effets de déstructuration ».

Parfaite description de ce qu'on subit ici et maintenant ! Non ? Vous attendiez un compte rendu de ma part comme je sais si bien les faire hors système, pas la peine, le meilleur est fourni par l'Obs : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20170321.OBS6882/le-bulletin-de-notes-des-5-candidats-apres-leur-grand-debat.html.

Autrement je n'ai pas trouvé de grandes différences sur la volonté de gestion du capital national entre eux, si on laisse de côté l'éternelle promesse de raser gratis et de diminuer le chômage. Tous sont habités par l'existence de la classe ouvrière, souffrent pour elle, usurpent son identité mais ne visent qu'à l'annihiler cette « vieillerie ».
Tous promettent une école capable de reproduire ad eternam le bon ouvrier compétent, ah l'enchantement des lycées « professionnels » de Fillon à Mélenchon ! Les charmes discrets de « l'enseignement professionnel », modulés par l'aimable mixité sociale de M. Hamon ou une pureté ethnique lepenesque.
Tous promettent plus de flics, une bonne police bourgeoise, proche du petit voleur de banlieue, antiraciste et primée, chacun a son propre barème des sanctions.
Tous veulent réguler l'immigration, peu ou trop, il n'y a que Hamon et Melenchon pour agiter sans cesse le réchauffement climatique comme une épée suspendue sur la tête du capitalisme, et qui suppose que l'Afrique va se vider de ses habitants et qu'il faudra les loger en pays tempérés du ch'Nord.
Tous sont pour la laïcité, mais Fillon et Le Pen marquent des points.
Tous sont pour moraliser la vie politique décadente de la bourgeoise, même Fillon le filou, même Hamon – dénonçant bravache « une campagne polluée par l'argent » (oh my god!) - oublie que, historiquement, son parti n'a jamais été compromis avec les lobbies de l'argent, jamais... Fillon apparaît même comme le meilleur moraliste, un homme d'expérience...
Tous prétendent faire baisser le chômage mais mentent allègrement, sauf Fillon mais il se ridiculise en prenant pour modèle l'Allemagne sans préciser que des millions d'allemands bossent pour 400 euros par mois... et que cela n'est pas destiné à durer dans la tension sociale incurable...
Tous sont pour une consolidation de l'armée et du rôle impérialiste de la France dans le monde, plus étriqué pour Le Pen et Mélenchon (version patriotique) plus oécuménique pour les autres.
La conclusion de petit minet Macron est brillante et profonde : « l'alternance c'est nous, un renouvellement des visages ».
Autre conclusion mi-figue mi-raison, celle de BFMacron, Elkrief pleurniche : « il y a eu un emballement pour Macron, mais ce soir, malgré ses propositions... ».




NOTES:

1« La dame patronnesse est historiquement la pionnière du travail social. Elle apparaît, comme celle-ci, au tournant des XIXe et XXe siècles. Le plus souvent bénévole, sans formation spécifique, bourgeoise ou aristocrate, elle se consacre volontiers aux œuvres de bienfaisance. Il importe alors - rappelle Claude Dubar - de cadrer ou de recadrer les classes populaires : de les remettre dans le droit chemin de la vertu, de l’hygiène, de la norme, dès lors qu’il importe de répondre aux dégâts de l’industrialisation capitaliste par des remèdes individualisés. Ces dames sont l’incarnation d’un christianisme social paternaliste et caritatif ». (cf. à lire cet excellente analyse :  DUBAR C., Processus de socialisation et construction... ) et surtout : https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2003-1-page-57.htm : les dix péchés de la dame patronesse
2Béhémoth, 1942.
3 Ce besoin d'homme fort était réel dans les années 1930 par contre, mais par une sorte de dérive idéologique de la contre révolution stalinienne et social-démocrate qui cultivaient le mythe des grands hommes des chefs de parti à Lénine et Staline puis Hitler. Elias expliquait les sources de cette croyance avec chaque particularité nationale : « la barrière qui séparait la noblesse de la bourgeoisie était beaucoup plus élevée...qu'elle ne l'était en France (…) une fusion s'est produite en France et en Angleterre entre la morale bourgeoise et les bonnes manières aristocratiques" tandis que "le caractère national allemand a été marqué beaucoup plus profondément par les classes moyennes ». Pour lui l'importance des manières dans l'histoire nationale respective de l'Allemagne, de la France et de l'Angleterre, semble donc cruciale. Elias va pourtant aller au delà de ce projet de psychologie historique auquel il voulait travailler au début des années 1930. Pour tenter d'expliquer la violence politique il fait appel à une hypothèse psychanalytique. Après la défaite de 1918, il remarque : "On se retrouva soudain avec une structure de personnalité fondée sur le principe de l'obéissance et de la discipline à l'égard d'un monarque puissant, dans un Etat où comme il le dit lui-même - j'exagère un peu - la partie externe du surmoi avait disparu". Evoquant la République de Weimar, Elias souligne que "de nombreux Allemands commencèrent à appeler de leurs voeux un homme fort qui leur redonnerait la possibilité de se dominer. Ils n'avaient pas appris à faire cela par eux mêmes. Un tel régime contribue à développer un surmoi dans certaines sphères seulement ». Et on peut donc en déduire que la magie d'Hitler, comme celle de nos modernistes à la Hamon, est d'avoir réussi à séparer des couches pas toutes petites bourgeoises du noyau de la classe ouvrière.

4 En son temps, Libération avait salué l'«artiste» qu'était à ses yeux Mitterrand, pour sa capacité à rester maître du jeu politicien et à mettre à bas ses adversaires et ses concurrents. Compromission sous Vichy, magouilles diverses et en tout genre, Mitterrand reste un maître dans les deux maître mots d'un accédant au pouvoir : Corruption et Mensonge.

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