PAGES PROLETARIENNES

mercredi 16 mars 2016

LA JEUNESSE : CLIENTELE ELECTORALE OU FORCE REVOLUTIONNAIRE DE DEMAIN ?


Par Lucien Laugier

publié dans « Le Prolétaire » n°10 (1964)

Quelle saveur a ce texte pour ceux qui ont vécu les fifties et les sixties ! Un rare texte maximaliste à avoir anticipé mai 68 ! Quelle actualité si vous remplacez twist par rap, chrétien par musulman, et communisme par islamisme! Et si vous gaussez vous aussi de l'amplitude journaleuse attribuée à la catégorie « jeune », qui reste le cadet des soucis de l'Etat bourgeois, surtout pour les non-diplômés et les sans grades. Et si vous avez compris que la vie... politique bourgeoise est un éternel recommencement. Mémorialiste profond et théoricien marxiste en constante évolution, longtemps après avoir cessé de militer au parti bordiguiste, Lucien Laugier reste méconnu. Il serait temps de lui rendre justice, comme on le fait en ce moment pour Grandizio Munis. Il faut louer le travail remarquable de moine copiste de François Langlet qui a regroupé et fait circuler un grand nombre de textes lumineux de Laugier (cf. « Les deux crises du PCI », matériaux pour une histoire de la Gauche italienne, volume I, et avec sa revue électronique Tempus Figut) ; Hé Ho les éditions anars oecuméniques Cahiers Spartacus et Agone, au lieu de fuir en criant maman chaque fois que vous apercevez le mot parti, qu'est-ce que vous attendez?
Vous pouvez consulter sa biographie sur le site de Smolny et ses textes sur mes deux principaux blogs politiques (celui-ci et Archives du maximalisme). Etonnant parcours de ce postier, proche de Bordiga (je tâcherai de publier un jour leur étonnante correspondance) qui, au fur et à mesure qu'il développait son travail de mémorialiste1, s'est rapproché vers la fin de sa vie des positions du CCI. Voilà qui fera grincer des dents à certains.Voici une des meilleures...« plume » incontestable du mouvement maximaliste moderne. Il a le sens de la formule et il fait mouche.

Champion suprême de la démocratie parlementaire, le parti dit « communiste » sait se préoccuper de ses électeurs. Non seulement de ses électeurs présents, les adultes, mais aussi de ses électeurs futurs, les jeunes. Ces derniers se passionnent pour la guitare et le twist au détriment de la politique ? Qu'à cela ne tienne, le communisme à la mode de Moscou peut très bien s'en accommoder. Qui dit coexistence pacifique dit émulation « culturelle » : le PCF, appliquant les lois des « voies nationales » au socialisme, se fait fort d'offrir à la jeunesse twist, guitare électrique et surbooms à gogo !
Mais les « Sports et loisirs » ne sont pas tout. La jeunesse moderne est essentiellement pratique, « concrétiste », paraît-il. Elle veut des carrières, des professions rémunératrices. Le PCF ne l'ignore pas. Il promet, en cas de victoire électorale et de règne de la « démocratie véritable », des crédits pour l'enseignement et pour la recherche scientifique. Les jeunes comprendront à demi-mot et traduiront tout de suite : possibilités plus grandes de réussite professionnelle, foire d'empoigne pour laisser l'usine aux petits copains moins instruits. Quant à l'abolition du salariat, comment les jeunes y croiraient-ils encore alors que leurs aînés du « plus grand parti de France » n'y croient plus depuis longtemps ?
Mais toute la gauche démocratique, du PSU aux syndicalistes chrétiens, de Deferre à Guy Mollet ou Mendès-France, ne promet-elle pas la même chose que le PCF ? Heureusement pour lui, il a sur tous ces gens-là une supériorité incontestable qui lui vient de sa maison-mère l'URSS inégalable en matière de recherche scientifique et de réussites spatiales. Or la Russie est « communiste ». Nul ne songe à le nier, hormis quelques « fous » qui s'avisent de découvrir dans l'économie soviétique des preuves de capitalisme. D'autre part, le parti communiste est communiste... par définition. Personne n'en doute plus, sauf évidemment ces mêmes fous qui, par une logique triviale rappellent que les communistes n'ont pas de patrie et qu'un parti devenu patriote ne saurait plus être un parti prolétarien... Dieu merci, personne ne les écoute, tous ces citoyens conscients, toutes les personnes réalistes ont depuis longtemps compris qu'on ne peut sans contradiction être à la fois patriote et internationaliste, révolutionnaire et chrétien, ennemi de l'exploitation et collaborateur du patronat, communiste et défenseur de la propriété. Cela les générations d'adultes l'ont parfaitement admis, pourquoi les jeunes, encore plus réalistes que leurs aînés, ne le saisiraient-ils pas aussi ? M.Thorez, qui s'est dérangé exprès pour eux à Marseille, le mois dernier, en est fermement persuadé. « La jeunesse, a-t-il dit, sait faire la différence entre ce qui est vieux et ce qui est nouveau. Elle se tourne vers le communisme qui est la jeunesse du monde ». Ainsi tout est pour le mieux et la campagne « pro juventus » du PC s'annonce bien. Ce qui est « nouveau », c'est – on le devine aisément – la programme électoral de la « démocratie véritable ». Ce qui est « jeune » parce que communiste, c'est – est-il nécessaire de le préciser ? - le régime politique de M. Khrouchtchev.
Un seul point noir dans le beau raisonnement. Toute la jeunesse n'est pas intoxiquée par le « yé-yé ». Toute la jeunesse n'est pas apte à se conquérir un job lucratif grâce à la « démocratisation » promise de l'enseignement. Il y a cette masse inquiétante de jeunes inadaptés, de « sauvages », dont les excès défraient la chronique. Pour nous, communistes internationalistes, l'existence de cet abcès social incurable qu'est la jeunesse semi-délinquante constitue une manifestation du caractère explosif de la société moderne, la preuve aussi que, des jeunes générations, on peut attendre tout autre chose que la servile imitation de leurs aînés que leur propose le PCF, la certitude enfin que la jeunesse, ce n'est pas seulement l'inconsistant engouement pour les modes bruyantes ou le froid carriérisme des « raisonnables », mais encore et toujours « la révolte » contre l'ordre constitué.

Pour nous, qui nions et l'existence du communisme en Russie et le caractère communiste de ses partis occidentaux, il n'existe pas de « problème de la jeunesse », mais seulement le « problème du prolétariat ». La révolution socialiste internationale a été perdue, l'oeuvre de Lénine détruite, la classe ouvrière du monde entier trahie par les épigones des bolcheviks. Ou le prolétariat subira encore longtemps l'influence des renégats patronnés par Moscou, et la domination du capitalisme pourrissant se perpétuera, rien ne pouvant empêcher la corruption et la déchéance des jeunes, comme des vieux ; ou le prolétariat s'émancipera du contrôle de ses faux chefs, se dressera contre le capitalisme et le détruira. S'il est bien vrai que cette dernière perspective repose essentiellement sur les jeunes, il n'est pas moins vrai qu'ils ne semblent guère plus capables que leurs aînés de la réaliser. Avant de leur en faire grief, il faut d'abord s'expliquer pourquoi.

« Apolitisme », « incivisme », voilà les deux reproches essentiels qui sont faits à la jeunesse d'aujourd'hui. En ce qui nous concerne, la dialectique de Marx nous aura au moins appris que dans le « mal » d'aujourd'hui se trouve la solution, donc le « bien », de demain. Stérile dans l'immédiat, la désaffection des jeunes à l'égard de la politique n'en exprime pas moins le dégoût pour la politique opportuniste des partis. Quant à leur incivisme, il dissimule tout simplement leur « refus » des normes et règles d'une société qu'ils voient bien telle qu'elle est : pourrie. Sous ces deux formes, l'attitude des jeunes est grosse d'un rejet général des valeurs de la société bourgeoise. Cela ne peut que nous réjouir, nous qui, alors que Thorez et les siens travaillent à un « replâtrage » démocratique du capitalisme, luttons pour sa « destruction ».
Dégoûtée par la politique, la jeunesse pourrait l'être à moins. On lui présente comme « neuf » un révisionnisme que Marx a fustigé il y a plus d'un siècle. On lui sort des « nouveautés » aussi vieilles que les nationalisations, la participation des syndicats à la gestion des entreprises, la réforme fiscale et autres slogans éculés de toutes les batailles électorales de toutes les républiques. Sans craindre de se moquer du monde, Thorez dit aux jeunes « De Gaulle vous a trompé », oubliant que c'est précisément là le rôle d'un chef d'Etat bourgeois. Mais que dire de prétendus « communistes » qui lui ont servi de caution, qui ont tenu et tiennent encore le même langage que lui, qui parlent comme lui des « intérêts nationaux » au-dessus des classes, exaltent comme lui la « grandeur du pays » ? Que dire en particulier de ce même Thorez qui fût vice-président du Conseil aux côtés du même De Gaulle, qui tança les mineurs parce qu'ils n'étaient pas assez enthousiastes pour descendre dans leur antre de forçats, qui appela les ouvriers encore en armes à s'incliner devant les « forces de l'ordre », à vénérer l'armée française, à glorifier le fleuve de sang versé par les ouvriers au profit du capitalisme « national » ? Faut-il s'étonner que les jeunes boudent la politique lorsque le « communisme » se présente à leurs yeux sous le jour du communisme officiel, c'est à dire comme un spectacle d'histrions exécutant des pirouettes ? Le souvenir est là encore tout frais, d'un parti soi-disant d'opposition qui vota les pleins pouvoirs au gouvernement au cours de la guerre d'Algérie et permit ainsi à l'impérialisme français d'utiliser les jeunes.

Sans rire, Thorez dit : « La jeunesse est passionnée de nouveau. Ce système capitaliste, ce pouvoir personnel d'inspiration monarchiste sont ce qu'il y a de plus vieux ». Certes le capitalisme n'est que trop vieux. Mais la « démocratie » chère à Thorez est ce qu'il y a de plus vieux dans le capitalisme ; plu décrépite, plus hideuse encore que le « pouvoir des monopoles » qui, au moins, a le mérite d'exposer sans fard ce qu'est « tout » gouvernement bourgeois : la dictature du capital. Le communisme, répétez-vous à satiété, est la jeunesse du monde. Il est plus que cela, il est le monde de « demain ». Mais un monde entièrement à conquérir. Un monde auquel la Russie des Staline et des Khrouchtchev fait obstacle. C'est seulement comme « doctrine sociale », comme « théorie de l'histoire » que le communisme existe déjà ; mais cela remonte à un siècle : à 1848 et au Manifeste de Marx et Engels. Dans le monde d'aujourd'hui ce qui est nouveau n'est pas communiste, ce qui est communiste n'est pas nouveau. Mais le programme et la doctrine de M. Thorez ne sont ni nouveaux ni communistes.

Quant à l'incivisme des jeunes, Thorez s'en tire avec quelques pirouettes, invoquant l'éternel conflit entre les générations, le manque de stades et de piscines. C'est pourtant quelque chose de bien plus sérieux ; quelque chose d'incurable comme les contradictions profondes du mode capitaliste de production, précisément parce que cet incivisme a pour base matérielle la folie productive de l'économie moderne et comme mobile idéologique la faillite morale de la société bourgeoise. Thorez, sur ce sujet, est optimiste : il s'agit des plus « désabusés » « qui font quelques mauvais coups ». Pourquoi sont-ils « désabusés » ces jeunes que guette la délinquance ? Parce qu'ils se sont vite convaincus au spectacle de leurs aînés condamnés au salariat à vie, qu'aucune réforme ne pouvait les en sauver eux-mêmes. Parce qu'ils sentent bien que « les chances égales pour tous » que leur promettent les Thorez et Cie cachent la plus sordide et la plus terrible des « concurrences » entre les ouvriers, une concurrence pour laquelle eux, les enfants délaissés des cités-casernes, les ratés qu'élimine l'incohérente sélection scolaire sont les plus mal armés. Parce qu'ils ont sous les yeux l'image de générations avilies et battues qui ont subi passivement guerre meurtrière et paix scélérate, abondance et crise, chômage et surtravail. Parce que tout ce que les partis leur offrent – et le parti « communiste » tout le premier – n'est que replâtrage d'une société immonde qu'ils sentent confusément et intuitivement ne plus pouvoir, à jamais, à tout jamais être reformée, amendée, améliorée.

Cette frange dévoyée et perdue de la jeunesse n'est que l'expression négative de la violence et de la révolte qui couvent sous la croûte de la fausse prospérité du monde capitaliste pourrissant. Mais son désespoir n'en témoigne pas moins de la force subversive qui s'accumule au sein de cette société. Quand le parti de classe renaîtra, la révolte sera consciente, la conscience s'emparera de la révolte et les jours du capitalisme seront comptés. Alors cette jeunesse, dont tous les philistins moralisateurs déplorent le manque de civisme, pourra manifester toutes les vertus des classes en luttant jusqu'au bout et avec joie pour le seul but qui en vaille la peine, non pas une « place au soleil » et beaucoup de députés de « gauche » au Parlement, M. Thorez, mais le triomphe de la révolution communiste.



1 Lucien connaissait très bien Bilan, projetait une étude sur la guerre d'Espagne (« une bourgeoisie incapable d'assumer le pouvoir sans que le prolétariat la prenne à la gorge »). Dans l'immédiat après-guerre il avait croisé la route de Marc Chirik, puis ils s'étaient perdu de vue. A l'hiver de sa vie il avait cherché à le recontacter. Il en parle dans son grand plan de travail historique du « documenteur » Marc : « Après la mobilisation de 1939, dislocation des relations entre les fractions belge et française ; rupture de tout rapport entre noyaux bordiguistes au plan international ; isolement à Marseille d'un petit groupe replié dans la zone sud après l'armistice de 1940. Dont fait partie le « documenteur » probable de la thèse universitaire d'où est tirée la brochure du CCI » (p. XV des Matériaux de F.Langlet).

mardi 15 mars 2016

Prendre l’usine ou prendre le pouvoir ?



« Prendere la fabbrica o prendere il potere ? », II Soviet, 22 février 1920.


Par Amadeo Bordiga



Le fondateur du premier parti communiste italien n'a que 31 ans lorsqu'il écrit ce texte face au mouvement des Conseils ouvriers, marqué comme le seront plus tard les collectivisations anarchistes en Catalogne dans les années 1930, par l'idéologie d'un socialisme communal, usiniste, voire au ras des pâquerettes, l'illusion localiste anti-centralisation (comme celle des marginaux de Notre Dame des Landes). Bordiga a encore la vision léniniste de la prise du pouvoir par le parti, mais le fond de son argumentation reste imparable, l'Etat bourgeois doit être détruit ; chose que n'ont pas accompli les prolétaires espagnols en 1936, laissant l'Etat bourgeois sauvegardé par un faux parti communiste. Sont obsolètes désormais la prise de pouvoir par un parti, fusse-t-il hyper prolétarien, comme ringardes les coopératives anarchistes ou les autogestions dispersées, à l'échelle d'un monde qui aura besoin toujours d'une centralisation des besoins pour justement mieux assurer production et répartition. Si révolution et destruction de l'Etat bourgeois il y a. Un grand classique du maximalisme en tout cas que ce court texte (repiqué au GIGC).



Les agitations des derniers jours en Ligurie ont montré un phénomène qui se répète depuis peu avec une certaine fréquence et qui mérite d’être noté en tant que symptôme d’un état d’esprit spécial des masses travailleuses.
Les ouvriers, plutôt que d’abandonner le travail, se sont, pour ainsi dire, emparés des usines et ont cherché à les faire fonctionner pour leur propre compte ou mieux sans la présence des principaux dirigeants. Ceci veut avant tout dire que les ouvriers s’aperçoivent que la grève est une arme qui ne répond pas à tous les besoins, spécialement dans certaines conditions.
La grève économique, à travers les préjudices causés à l’ouvrier même, exerce une utile action défensive du travailleur à cause des dommages que la cessation du travail cause à l’industriel du fait de la diminution du produit du travail qui lui appartient.
Ceci dans les conditions normales de l’économie capitaliste, lorsque la concurrence avec sa relative baisse des prix oblige à un accroissement continuel de la production elle-même. Aujourd’hui les gros bonnets de l’industrie, spécialement ceux de la métallurgie, sortent d’une période exceptionnelle durant laquelle ils ont réalisés d’énormes gains avec le minimum d’efforts. Pendant la guerre l’état leur fournissait les matières premières et le charbon et était en même temps l’unique acheteur ; l’état lui-même, en militarisant les usines, pourvoyait à la rigoureuse discipline des masses ouvrières. Quelles conditions plus favorables rêver pour obtenir un bon bilan ? Ces gens ne sont plus disposés aujourd’hui à affronter les difficultés provenant du manque de charbon et de matières premières, de l’instabilité du marché et de l’agitation des masses ouvrières ; ils ne sont spécialement pas disposés à se contenter de gains modestes, dans les proportions où ils les réalisaient avant-guerre, et donc en moindre proportion.
Ils ne se préoccupent donc pas des grèves, qui ne leur déplaisent pas, même si ils protestent en parole contre l’insatisfaction excessive et les prétentions absurdes des ouvriers.
Ces derniers jours, les ouvriers ont compris, et leur action d’appropriation des usines ainsi que leur continuation du travail au lieu de la grève l’ont démontré, qu’ils ne voulaient pas arrêter le travail mais ne voulaient plus travailler comme les patrons le leur disaient. Ils ne veulent plus travailler pour le compte de ces derniers, ils ne veulent plus être exploités, ils veulent travailler pour eux-mêmes, c’est-à-dire dans le seul intérêt des ouvriers.
On doit tenir compte sérieusement de cet état d’esprit qui se développe toujours plus ; nous voudrions simplement qu’il ne se fourvoie pas dans de fausses solutions.
Il s’est dit que là où existaient des conseils d’usine ceux-ci avaient fonctionné en assumant la direction des usines et en faisant poursuivre le travail. Nous ne voudrions pas que la conviction qu’en développant l’institution des conseils d’usine il soit possible de prendre possession des fabriques, et éliminer les capitalistes, puisse s’emparer des masses. Ce serait la plus dangereuse des illusions. Les usines seront conquises par la classe des travailleurs – et non pas par les ouvriers de l’usine même, ce qui serait facile mais non communiste – seulement lorsque la classe travailleuse dans son ensemble se sera emparée du pouvoir politique. Sans cette conquête, la dissipation des illusions sera effectuée par la garde royale, les carabiniers, etc., c’est-à-dire par la machine d’oppression et de force dont dispose la bourgeoisie, son appareil politique de pouvoir.
Les continuelles et vaines tentatives de la masse travailleuse qui s’épuise quotidiennement en efforts partiels doivent être canalisées, fusionnées, organisées en un grand, unique effort qui vise directement à toucher le cœur de la bourgeoisie ennemie.
Cette fonction ne peut et ne doit être exercée que par un parti communiste, lequel ne doit avoir d’autre but, à l’heure actuelle, que celui de consacrer toute son activité à rendre toujours plus conscientes les masses travailleuses de la nécessité de cette grande action politique, qui est la seule voie par laquelle on peut directement arriver à la possession des usines, et qu’en procédant autrement on s’efforcera en vain de conquérir.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°


Cliquez sur les images pour lire les textes en taille réelle
Fac-similé d'un lettre de Bordiga à Trotsky pour contrer des racontars du "camarade Staline" sur son compte.
REPONSE de Trotsky, en italien SVP:



dimanche 13 mars 2016

Comment la presse française atténue la baffe électorale de Merkel



Qu'on le dise et le répète sur toutes les radios, écrans et articles numériques : forte poussée de l'extrême droite en Allemagne :


  • « Le Point international » » (si, si) à 19H17 : « Allemagne : percée de l'extrême droite et revers pour Angela Merkel », l'explication se soucie légèrement de la motivation des électeurs : « Un succès apparemment dû davantage à la forte participation qu'aux reports de voix venus des partis traditionnels. Les premières analyses indiquent que la forte participation, autour de 70 %, a profité au parti d'extrême droite. Les abstentionnistes de 2011 se sont rendus aux urnes, mobilisés par l'inquiétude face à l'afflux de réfugiés. »1
  • Le Monde va varier les titres en quelques minutes avec la même focalisation sur l'extrême droite : à 19H34 : « Allemagne, percée de l'extrême droite, à 19H35 c'était : « Le parti d’extrême droite AfD s’impose sur la scène politique allemande », à 20H : En Allemagne, l’extrême droite inflige une défaite sans précédent à Angela Merkel
  • Libération à 19H34 titre : « En Allemagne, la droite dure fait son entrée dans les parlements régionaux » ; Libé qui fait partie des fans gauchistes de Merkel dénonce en filigrane le grand danger fasciste qui pointe à l'horizon migratoire : « L’heure est grave pour l’ensemble de la classe politique allemande, surtout pour la CDU. C’est la stratégie centriste d’Angela Merkel qui est remise en question. Le parti avait pour devise de ne laisser aucun espace libre sur sa droite. La chancelière mise, elle, sur l’électorat centriste, au détriment de son aile conservatrice. C’est cette aile conservatrice qui a sanctionné la politique du gouvernement »2. Comme toutes les élites de la gauche caviar française, Libernation stigmatise toute interrogation et inquiétude du vulgum pecus sur le stop and go des bourgeoisies européennes à la queue de la bourgeoisie allemande ; ces méprisables électeurs se sont laissés engluer par un « discours antimigrants »3: « «La très forte participation des électeurs est déjà une victoire», estimait dimanche la présidente de l’AFD, Frauke Petry. Avec son discours antimigrants, sa formation a convaincu une large partie des abstentionnistes. Mais aussi quantité d’électeurs de la CDU et du SPD qui ont cherché à sanctionner la coalition d’Angela Merkel. ».
  • L'Express titre à 20H34 : « Allemagne: percée de l'extrême droite aux élections régionales », on marque le coup pour les grands partis bourgeois : « Les résultats des populistes de l'Alternative für Deutschland dans trois Länder sonnent comme un coup de semonce pour les deux grands partis que sont la CDU (droite) d'Angela Merkel et le SPD (gauche). Un séisme politique. Les conservateurs d'Angela Merkel ont essuyé un vote sanction ce dimanche lors d'élections dans trois Etats régionaux tandis que les populistes de l'AfD ont enregistré une importante percée dans un pays ébranlé par l'afflux de réfugiés ».

Voilà chers lecteurs je vous ai démontré simplement comment fonctionne à la minute près le commandement idéologique des médias gouvernementaux. Vous l'avez remarqué on ne se soucie nullement du souci des électeurs, de ce que peut vraiment signifier – même mystifiée et mystifiante la parodie de démocratie électorale – on stigmatise en faisant tout porter sur l'extrême droite. Il ne s'agit pas de prendre en compte l'avis des votants mais déjà d'annihiler leur expression en la mettant sous la coupe d'un petit parti de merde réac et bourgeois. On déplace la problématique au rayon de la bagarre exhibtionniste entre forces bourgeoises au niveau institutionnel-médiatique, où tout n'est que composition, recomposition, alliances et autres arrangements de particules étatiques bourgeois.

Bien sûr deux terribles attentats en Côte d'Ivoire et à Ankara ont remisé le temps d'une soirée la baffe électorale de Merkel, en secondes pages. Mais au cours des jours qui viennent, ne vous inquiétez point, la morale gouvernementalo-journaleuse va déplorer massivement « la montée des populismes » en Europe ; le détournement est de même nature que pendant la guerre d'Espagne, lorsque les ouvriers de base de la CNT parlaient de priorité à la lutte sociale, on leur répondait : non, priorité à la guerre nationale antifasciste ! Même en deuxième page Mutter Merkel est ménagée. L'omerta sur les bases de la générosité outrancière pour les migrants tout azimuts reste sous le boisseau (la « longue guerre »4 en Syrie sert aux ventes d'armes allemandes, la bourgeoisie teutonne a besoin de main d'oeuvre et de jouer à l'humanisme « sans frontière » pour perpétuer sa domination économique et politique de l'Europe bcbg). Mutter Merkel ne sera pas une nouille démissionnaire comme Jospin.

Les journaux de la CIA « Le Point international (sic)» et « L'Express » - en fin d'article – montrent que la bande à Merkel s'en fiche royalement : « son fauteuil n'est aucunement menacé », et « elle n'a pas de rival ». On l'on retombe dans ce mépris universel de l'électorat consentant et perpétuellement bafoué, comme lors d'un inoubliable Traité de Lisbonne. Comme le remarquent plusieurs commentateurs narquois, parodiant un célèbre dramaturge allemand et communiste : « si le peuple vote mal, il faut le dissoudre ». Le peuple, et surtout le prolétariat, ne sont pas simplement dissous à chaque élection, mais ils sont culpabilisés. La politique reste une affaire de grands manitous de la morale « internationale ». Je n'ai pas dit « internationaliste ».


NOTES:

1Commentaire d'un lecteur du Point : « Scheisse ! Mais tellement prévisible... Et ce n'est que le début. "Angélique " Merkel commence à récolter ce qu'elle a semé. Il n'y a jamais de meilleurs alliés pour l'extrême droite que les Bisounours (comme en France et ailleurs). La preuve, malheureusement, que Farandole se trompait lourdement, malgré les faits et évidences (Cf Cologne et autres ), en affirmant que les allemands étaient immunisés et plus éclairés que les français (sic). La même erreur en confondant et comparant la réunification RFA-RDA de 1989 (même peuple, mêmes racines, même Histoire, même langue, même culture, mêmes familles, même religion ) et l'acculturation problématique et hypothétique aujourd'hui de millions de réfugiés (qui n'ont aucun lien avec l'Allemagne, à commencer par la langue, les mœurs, la religion) qui seront les premières victimes de cette aveuglement de la chancelière. Pourtant, gouverner c'est prévoir. Désormais, il sera intéressant de voir si elle aura un sursaut de raison et, surtout, si elle saura enfin écouter son peuple : car c'est cela la démocratie sinon gare... « .
2Retenons deux commentaires intelligents de lecteurs (critiques de Libernation consensuelle) : celui-ci :« Les médias français n'aiment pas ne pas être écoutés par les électeurs Donc pour minimiser leurs déboires ils appellent cela  "la droite dure" quand c'est en Allemagne où les sans dents ne sont pas censés comprendre ce qu'il s'y passe, tandis qu'en France ils nomment cela "l'extrême droite" ! » ; et cet autre : «  C'est parce que la gauche est molle que la droite est dure ! ».
3Affirmation totalement mensongère car la plupart des sondages d'opinion démontrent que les populations européennes concernées ne sont pas contre ni le droit d'asile ni le fait d'accueillir des immigrés, mais « dans des proportions raisonnables » ; or la générosité des adeptes de Merkel sert à cacher l'irresponsabilité de cette chancelière (double hypocrisie serait peut-être un qualificatif plus approprié) et à proroger l'absence de mise en cause de la « guerre longue » en Syrie où toute paix doit rester aléatoire ; qui est en quelque sorte une sorte de barrage qui s'est rompu, et face à la catastrophe, au lieu de réparer le barrage ou de ralentir l'arrive d'eau, les secouristes ajoutent des tonnes d'eau et viennent se plaindre du grand nombre de noyés !
4Je reviendrai plus à fond sur cette notion de « longue guerre » (que j'ai apprise dans l'admirable ouvrage de Bolloten sur la guerre d'Espagne, 1000 pages) ; Staline en fût le principal théoricien. Il est évident que le conflit multiple en Syrie est une « guerre longue » voulue par les intérêts US et allemands ; quand une simple intervention US en une semaine (comme ils le firent en Libye, alors que Sarko s'est vanté d'avoir vaincu seul Kadhafi) suffirait à éliminer daech. Poutine a d'ailleurs complètement disqualifié « l'impuissance occidentale à éliminer daech).