PAGES PROLETARIENNES

vendredi 7 octobre 2016

La Guépéou dans le mouvement trotskyste


Voilà un livre passionnant qui serait à rééditer. Publié à compte d'auteur à la Pensée universelle (imprimerie d'escrocs) comme toutes celles qui se répandent aujourd'hui sur le web à prix prohibitif et dites toujours à mécomte d'auteur, ce livre est dans la lignée de ce que les honnêtes militants témoins et acteurs de l'histoire prolétarienne sont contraints de faire, publier petitement à leurs frais et hors système. Normal qu'ils n'aient pas accès à la littérature commerciale bourgeoise, comme il est aussi normal qu'ils soient refusés par les éditions de merde des petits commerces Sulliver, Agone, Spartacus, Smolny, etc. qui ne publient que des vieilleries et requièrent complaisance et idéologie libérale-anarchiste.
Le bouquin de Vereeken est à rééditer, rare et introuvable il est passionnant. Découvert par Michel Roger au début des années 1980 alors que le débat faisait rage dans le CCI sur les possibles infiltrations policières – que nos éternels naïfs anarchistes internes méprisaient déjà comme « théorie caduque du complot » - il fût une révélation sur la façon dont le grand Trotsky fût roulé dans la farine et comment les staliniens surent saboter l'Opposition de gauche et finalement dévitaliser ce qu'avait de potentiellement révolutionnaire le courant trotskyste juste avant la guerre. Marc Chirik avait été épaté par cette contribution après que Michel lui eût prêté son exemplaire ; lui qui en avait tant vu s'exclamait : « çà alors ! Faut le faire lire aux camarades ! » ; Marc ignora jusqu'à sa mort qu'une véritable action policière de l'intérieur et de longue durée était déjà en cours, et allait aussi miner son organisation chérie, le CCI.
J'ai acquis in extremis le dernier exemplaire disponible à ces éditions à compte d'auteur, et j'en fis profiter mes camarades de l'époque. J'en livrerai des chapitres ultérieurement suivant la vélocité de mes doigts. Voici en tout cas la préface de Jef Impens.

PREFACE

Voici un livre qui, sous plusieurs aspects, sort de l'ordinaire. Comme certains films policiers, il commence par le dénouement. Mais en fait, serait-ce bien un dénouement ? Cette tragédie ne se prolongerait-elle pas avec les nouveaux acteurs, moins atroces, plus cléments, à l'instar de leurs nouveaux maîtres ? …
Quoiqu'il en soit, ce dénouement, si nous pouvons dire, c'est la nouvelle, à peine croyable, qu'un des personnages les plus importants du mouvement dit trotskiste est démasqué, en 1955, comme un agent de la guépéou. Il s'agit de Zborovski, qui jouissait de la confiance de Trotski lui-même et qui avait réussi à s'imposer auprès du fils de celui-ci comme son « ami » le plus intime et son « collaborateur » le plus proche.
                           Du beau monde    chez  les belges, même si le jeune Mandel a fini dans le trotskisme dégénéré après guerre.
« Donc lui aussi ! », s'exclame, perplexe, Georges Vereeken, qui a connu de très près tout ce monde :
Trotski, Zborovski et tout le mouvement trotskiste, dans lequel il militait dès le début. Le vertige d'empare de lui. En l'espace de quelques heures, le film de sa vie se déroule plusieurs dois et en plusieurs sens, avec arrêts, retours en arrière, retardements, accélérations, découpages, recoupages...
Puis, c'est le tour aux archives, aux documents de toute sorte, lettres, revues, manifestes... Notre auteur en possède une collection unique. Pas mal de militants d'extrême gauche et du même âge avaient pratiquemnt tout liquidé, par mesure de sécurité, sous l'occupation nazie. Lui, non. Il y tenait tellement que ses camarades et lui consentaient à courir des risques extrêmes afin de conserver cette richesse historique. Depuis peu, d'ailleurs, une grande partie de ces archives ont rejoint celles de Trotski lui-même à l'Université d'Harvard.

Zborovski démasqué ! Vereeken n'en revenait pas. Mais que de mystères éclaircis à la suite de cette révélation ! Du moins pour quelqu'un qui en savait aussi long que lui.
C'est du fruit de toutes ces expériences que nous sommes régalés aujourd'hui, en tant que lecteurs de ce livre. Expériences de l'auteur même, faites au cours de son extraordinaire vie militante, et puis les réflexions après coup, les rapprochements, les déductions, les éclaircissements à la suite du coup de théâtre que fut l'affaire Zborovski en 1955.
Il en résulte un livre qui tient des mémoires, du roman policier, de l'historiographie, de la psychologie, etc.
De nobreux autres auteurs ont traité cette extraordinaire tranche d'histoire qui s'étend de la mort de Lénine et l'accession au pouvoir de Staline jusqu'à la mort de celui-ci, en passant par l'écartement, l'expulsion et enfin l'assassinat de Trotski. Après la mort de Staline, beaucoup d'oeillères sont tombées. Les fameux « faussaires de l'histoire », ce n'était pas ceux qu'un vain peuple pensait... La mort physique de Staline fut suivie de sa mort politique, hélas beaucoup plus lente, mais en fin de compte tout aussi sûre.
Rares sont ceux qui peuvent en parler de la façon dont le fait notre auteur : à la fois en tant que connaisseur, témoin, acteur, et même en tant que victime, du moins jusqu'à un certain degré, disons victime morale.

Fils d'une famille ouvrière gantoise, au moment où il entra dans la vie politique, c'est immédiatement vers le mouvement communiste de cette époque qu'il s'est orienté. Le vieux « socialisme », celui de son concitoyen Anseele, p.e., il y a longtemps qu'il avait fait une croix dessus, fort de toute son expérience de fils du peuple, de jeune ouvrier, de soldat pendant la Première Guerre mondiale... Il fut aussi un des premiers communistes belges à s'apercevoir de la gravité du phénomène du stalinisme naissant au creux de la vague qui suivit la Révolution d'Octobre. D'autres en discernaient la nature, eux aussi, mais ils se taisaient pudiquement, ce qui prouve qu'ils n'en pressentaient pas les proportions futures au même degré que notre auteur.

En tant que dirigeant du Parti Socialiste Révolutionnaire, il était en rapport avec le Secrétariat Internationale, dirigé par Trotski exilé. Cependant, comme son homologue hollandais Sneevliet et beaucoup d'autres (Nin, Landau...), il finit par une brouille avec le « Vieux », sur un certain nombre de points, dans lesquels – en toute objectivité – l'histoire lui a donné raison, ne fût-ce que par le fait que Trotski lui-même, ultérieurement, a revu ses positions dans un sens analogue, ce qui s'est révélé beaucoup plus tard.
Il n'y a jamais eu, cependant, de réconciliation, parce qu'un autre facteur était en jeu : l'infiltration de la police secrète stalinienne dans le mouvement dit « trotskiste ». Trotski ne se méfiait pas suffisamment sur ce point. Déjà les circonstances de sa mort le prouvent. C'était décidément un de ses côtés les plus faibles. Il avait une confiance aveugle dans des faux jetons qui ne visaient qu'une chose : disloquer totalement l'opposition communiste de gauche, en dressant les uns contre les autres par tous les moyens. C'est ainsi qu'ils ont fini par faire croire à Trotski que les Sneevliet, les Vereeken e tutti quanti n'étaient que des sectaires, des instables, etc.
Et même, tant de décennies plus tard, même après la déclaration officielle de réhabilitation de Sneevliet et Vereeken, publiée par la Section Belge de la Qatrième Internationale ainsi que par la Tendance Internationale Marxiste Révolutionnaire, Vereeken a continué à trâiner le poids de ses démêlés avec le « Vieux ». Il est même arrivé – chose particulièrement trouble ! - que ceux-ci aient été invoqués comme « argument » par des personnes qui avaient consenti à cette réhabilitation !
L'auteur, qui a actuellement 78 ans (en 1975, ndt), a visiblement voulu, dans ce livre, ne pas se placer au premier plan. S'il n'a pas pu échapper à exposer son rôle de témoin et d'acteur, il l'a quand même réduit à des proportions trop modestes. Ceux qui ne le connaissent pas personnellement, n'apprendront rien sur sa personnalité en lisant son livre. Incurablement modeste, il est en outre dur comme fer envers lui-même, exigeant mais compréhensif pour ses colaborateurs. Il s'impose auprès d'eux comme un leader incontesté, non seulement par sa qualité de vieil ouvrier, formé par l'étude et l'action, non seulement par son intégrité (mesurable entre autres à sa capacité d'autocritique), mais avant tout par son activité dévorante, débordante, aujourd'hui encore en tant que dirigeant d'un « groupsucule » belge. Si l'époque qu'il a vécue, ne lui a pas été favorable, du moins n'a-telle pas réussi à fléchir sa conviction et sa ténacité.

QUATRIEME DE COUV DU LIVRE

Membre du C.C. du P.C. Dès 1925, il y défend la ligne trotskiste jusqu'en 1928. Le Komintern s'oppose à sa présence au congrès où se produit la scission. Dirigeant d'une tendance au sein du mouvement trotskiste international. Arrêté par la Sûreté belge avant 1940. Clandestinité. Arrêté en février 1944, il est interné à la Citadelle de Huy jusqu'à la libération.
Ce livre a comme toile de fond l'évolution politique de l'Europe occidentale dans les années 30 : les défaites du mouvement ouvrier, particulièrement allemand et espagnol, les responsabilités de la II e Internationale et la dégénérescence du mouvement communiste sous Staline, la persécution et l'assassinat de Trotski.
Le point culminant de cette tragédie se situe à l'époque de sprocès de Moscou et de la destruction de l'aile révolutionnaire de tendance marxiste et la gauche anarchiste en Espagne.
Sur cet arrière-fond s'inscrit l'infiltration des agents stalinien et de la police politique dans le mouvement trotskiste. D'après l'auteur, celui-ci n'a pas suffisamment fait la lumière sur ce plan. L'esprit de troupeau et un certain culte aveugle de Trotski y sont pour beaucoup.




Georges Vereeken was a Belgian socialist. He was born in Ghent, Belgium in 1896 and died in Brussels in 1978. He was a taxi driver by trade. From 1925, he was a member of the Central Committee of the Parti Communiste de Belgique (PCB) but was active in Brussels in the Belgian Section of the International Left Opposition (ILO) and its successor the International Communist League (ICL) during 1928-1935. He broke with the official Trotskyist movement to lead the Groupe Spartakus 1935-1937, then re-joining the Parti Socialiste Révolutionnaire (PSR), of which he was the Secretary, 1937-1938. He broke with the official Trotskyists again in 1938, editing Contre le Courant 1938-1945. Later, he was involved in the Tendance Marxiste Révolutionnaire (TMR) 1964-1978. He was closely allied to Dutch socialist Henk Sneevliet and made many serieous critcisms to the Workers' Party of Marxist Unification (POUM) in Spain.

Georges Vereeken (Gand, 1896Bruxelles, 1978)



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