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dimanche 3 avril 2016

ESPAGNE 1936: LE MARIAGE DE L'ANARCHISME ET DU STALINISME

Extraits de mon livre à venir : "Inventaire d'une fausse révolution" (titre non définitif, j'hésite avec celui-ci: "Les anarchistes ont eu raison d'entrer au gouvernement pour mettre fin au chaos", ou "La révolution est-elle obligée d'être un cauchemar sanglant?")

(...) Dans l'historiographie militante ou les tonnes d'articles commémoratifs on ne raisonne qu'abstraitement en termes de classes, de partis, d'événements guerriers, on perpétue la dénonciation des crimes du camp d'en face (au nom de l'omerta de l'union nationale ou d'une solidarité de camp révolutionnaire aveugle) mais jamais on ne reconnaît que des crimes équivalents ou pires se produisent dans la camp de ce qui est présumé être une révolution ! Poids d'un marxisme anti-humaniste stalinien ? Un solide véritable anarchiste ou bolchevique confirmé ne saurait s'émouvoir comme un vulgaire pacifiste des litres de sang versé, même innocemment ? Pouvait-on se permettre d'aller à l'encontre de foules sanguinaires qui applaudissaient l'hystérique Dolorès Ibarruri ? Au risque de se faire traiter de « fasciste » ?
Quand le 16 octobre 1986, reprenant Madrid, surgissent les brigades internationales décaties, déguisés en soldats avec béret de travers, commissaires politiques à la retraite regard acéré et verbe haut, les hérétiques du Poum et les irresponsables de la CNT, ce n'est plus qu'un théâtre d'ombres :
« Il y a là toute la gamme des vieux croyants du stalinisme, des demi-dévôts et des demi-hérétiques, des amnésiques et des « retournés » mais tous communient dans ce sentiment d'urgence car le glas sonnera bientôt ; il y a cette inquiétude quant à leur trace dans l'histoire qui les travaille tous : qui comprend vraiment aujourd'hui encore ce que fut notre Espagne, combien notre cœur était aussi pur que fut sale l'assassinat de Nin, combien nous étions désemparés de lire les aveux extravagants de Boukharine tandis que nous attendions l'ennemi dans les tranchées, combien tout ceci fut compliqué, combien il y avait de la lumière dans cette obscurité... Etions-nous des mercenaires, comme ceux de l'autre côté, des fantassins de l'Empire du Mal, comme on dit maintenant ? »1.

Les violences sanguinaires de ce qui est présenté comme la dernière plus grande révolution impliquant au premier plan la classe ouvrière et les paysans, et d'un monde qui n'a plus connu de tentative révolutionnaire de ce type, sont restées plus ou moins dans la mémoire des générations qui ont vécues après la guerre mondiale, au point que la barbarie de cette dernière reste confondue avec la dite « révolution espagnole », et par conséquent le vulgum pecus vous dira sa certitude que guerre et révolution c'est kif kif. Dans le cas de la guerre d'Espagne, cet ignorant n'a pas entièrement tort et que Orwell a parfaitement résumé après avoir compris combien on l'avait berné avec « la révolution espagnole » : « Nous sommes dans une étrange période de l'histoire où un révolutionnaire doit être patriote et où un patriote doit être révolutionnaire »2.

Trois types d'explication peuvent être avancées pour expliquer, justifier ou minorer les massacres de civils lors des premiers mois qui suivent les insurrections des ouvriers pour défendre la République :
  • l'explication la plus courante, républicaine et stalinienne : les ecclésiastiques opprimaient le peuple sans vergogne aux côtés des dictateurs successifs, donc, sans cautionner à l'international, gouvernements et partis politiques pouvaient laisser faire ;
  • la version du touriste Hemingway3 : les espagnols sont des primitifs dont la passion pour la corrida confirme la cruauté, un pays où se marie civilisation et barbarie ; cet exotisme tend à falsifier également l'histoire, en excusant les antifascistes comme les fascistes, qu'il est utile que ce roman illisible reste à la devanture toutes les librairies du monde.
  • Un manichéisme de situation de guerre à prétention révolutionnaire, ignoré par les historiens, où ils évitent de corréler les violences à la situation de guerre aux frontières ; la propagande stalinienne n'a pas cessé de proclamer que pour la première fois de l'histoire une armée, celle de Franco, s'en était prise aux civils, oubliant les monstrueux crimes de civils côté républicain4.
(…) LA MYSTIQUE DE SARAGOSSE

DEUX ARMEES MERCENAIRES AU DEBUT

Comme dans toute guerre impérialiste un rempart de mensonges est vite échafaudé côté républicain. De faux espoirs d'abord, l'ABC républicain de Madrid tente de persuader ses lecteurs que les Maures ne veulent pas venir lutter en Espagne sous les ordres de Franco et que l'Etat légal a promis de leur restituer la mosquée de Cordoue, quand le même jour l'ABC de Séville réplique par une allocution du caïd Soliman el-Jatabi, favorable à Franco5. Les faubourgs ouvriers ont été « nettoyés » à la grenade et au couteau.

LES TERRIBLES MAURES

Il est un des rares à le rappeler, l'historien Bennassar souligne que « les Maures sèment la panique » au début du pronunciamiento6. Quand éclate la Révolution de 1934, ou Révolution des Asturies, la région minière du Nord de l’Espagne qui s’est soulevée contre Madrid, le gouvernement républicain de droite commence par faire appel à l’armée régulière pour étouffer l’insurrection. Mais la grève révolutionnaire lancée par les syndicalistes de la CNT et de l'UGT ne peut pas être matée. Les mineurs asturiens, très bien organisés, disposent de dynamite en abondance : ils ont vidé les arsenaux de la police, de la Guardia Civil et de l’armée, ainsi que les stocks de deux usines d’armement situées dans la région. En quelques jours, ils ont constitué une armée forte de milliers travailleurs baptisée « Armée rouge asturienne » (Ejército Rojo asturiano) ; on évoque 30.000 mineurs armés ce qui est certainement exagéré. Craignant que cette « armée rouge » ne marche sur Madrid, le gouvernement fait appel au jeune général Franco qui propose de faire appel aux troupes coloniales du Maroc. La répression par ces armées de métier est terrible. La Légion et les Regulares Marocains, dont la plupart sont des vétérans de la Guerre du Rif, ne font aucun quartier. Les légionnaires et les Regulares ont été incités par leurs officiers coloniaux à se montrer cruels et impitoyables ; ce « professionnalisme » sera utile deux ans plus tard pour ridiculiser à nouveau d'autres « armées révolutionnaires » improvisées. En quelques jours, deux semaines seulement après le déclenchement de l’insurrection, les principales villes des Asturies comme Oviedo et Gijon tomberont aux mains des troupes coloniales. Deux ans plus tard, quand le Caudillo Franco tente son coup d’Etat militaire contre la république échoue en Espagne, il fait à nouveau appel aux « maures », mais ceux-ci malgré leur cruauté, ne seront pas suffisants pour l'emporter une nouvelle fois et aussi rapidement que lors de la « révolution asturienne ». Il faudra faire appel aux mercenaires allemands et italiens et agréger à l'armée franquiste peu à peu tous ceux qui sont devenus les ennemis du camp républicain. On ne l'évoque pas, mais comme dans le camp républicain, il y a une militarisation de la société dans le camp franquiste, et les fonds de soutien sont autrement plus importants pour veiller à la solde du soldat « fasciste » et à ses divers collègues mercenaires7. Mais la condition des « regular » n'est pas très enviable. N'oublions pas que ce sont des colonisés, paysans affamés, dont l'encadrement des officiers est pour l'essentiel espagnol et qu'on leur promet plus ou moins l'autonomie, des défilés grandioses devant les généraux franquistes et une pension pour leur veuve. Le plus scandaleux, même si, comme pour les armées du camp opposé républicains ils sont amenés à commettre des horreurs, est sans contexte ce qui est gommé de la saga antifasciste par tous les partis staliniens d'Europe : une campagne nettement raciste du parti stalinien espagnol pour aviver le nationalisme hispanique dans la guerre. La presse républicaine les dénonce comme « hommes aux instincts bestiaux », ce qui permet – avec la méthode c'est toujours la faute à l'autre – de passer sous la table, au début de la guerre, les propres « instincts bestiaux » côté républicains lorsqu'on massacre gaiement civils « bourgeois » et « calotins ». Ce sont des regulares à la retraite qui confient longtemps après à un journaliste l'ignoble campagne dont ils ont été l'objet par le PCE, avec l'hystérique Passionaria : « Elle leur avait dit que nous allions les massacrer, violer leurs femmes et mutiler leurs enfants. Mensonges de « rouges ». Si la ville s'était rendue, il n'y aurait eu ni l'Université, ni la Jarama, ni Guadalaraja »8. L'attaque contre Madrid fut un carnage aussi terrible qu'inattendu. Les supplétifs militaires marocains n'avaient pas été formés au combat de rues où personne, à l'époque et chez les historiens, ne s'est jamais ému que des compagnies entières de tabors aient été décimées. L'effroi entretenu de l'approche des marocains égorgeurs et violeurs de femmes n'est pas moins hystérique que les bobars en 1914 tant en Allemagne qu'en France pour monter les troupes de prolétaires en uniformes les unes contre les autres. Un ancien regular tient à rappeler que c'étaient les « frères » des espagnols républicains, les officiers espagnols qui avaient autorité pour fusiller les prisonniers.
Je rappelle en passant que seule la revue Bilan et le groupe de Munis défendaient la nécessité de fraterniser aussi avec les « Maures », quand la bourgeoisie de deux côtés appelait à un autre type de fraternisation : l'exaltation de la mort pour la patrie. On mélange tout dans la propagande, on attribue aux soldats maures des massacres de la légion ; le massacre de Badajoz a été perpétré par des légionnaires. Sur radio Séville, Queipo de Llano, très écouté, détaille copieusement les atrocités réelles ou supposées du « Moro », « l'ennemi ancestral » qui débarque au cri de guerre traditionnel « Allahou Akbar » 9. Le parti stalinien accouple sans cesse la lutte militaire contre l'invasion : « des fascistes et des maures ». L'hystérique Ibarruri, dans son costume noir de bigote, en rajoute sans cesse : « sauvage, ivre de sensualité, qui s'abreuve des viols horribles de nos filles, de nos femmes, dans les villages qui ont été souillés par les fascistes (…), des Maures, amenés des douars marocains, du plus sous-développé des villages et rochers rifains »10. Pourtant, longtemps après, ces mercenaires maures, s'ils reconnaissent les atrocités qu'ils ont parfois commises, décrivent très bien que c'est « la mise en condition de la guerre », qui est la cause de mutilations en général vengeresses, face à une armée républicaine hétéroclite, composée de civils inexpérimentés qui insultaient ou fuyaient plus qu'ils ne combattaient : « ...des femmes, habillées en hommes (…) hurlaient des injures avant de succomber. Ce n'était pas une armée disciplinée qui était en face de nous, mais une multitude d'enragés, de fous »11. Au moment de la terrible bataille dans le complexe universitaire madrilène les soldats mercenaires marocains ne sont pas loin de la désertion eux non plus – qui est de plus en plus la règle d'ailleurs côté républicain et des brigades internationales au point que l'on peut estimer que la guerre d'Espagne est probablement celle dans l'histoire qui a battu tous les records de désertion ;
« On mentirait (…) si on ne reconnaissait pas qu'en cet instant précis, entourés de cadavres les yeux grands ouverts, et de blessés gémissants, nous n'étions rien. Absolument rien, sinon des morts en sursis. Et c'est dans ces moments terribles qu'on commence à se poser des questions que nous n'aurions pas posées ailleurs. A savoir, mais qu'est-ce qu'on fait là ? Et qu'est-ce qui nous a pris de venir mourir dans un pays de chrétien, et pour des chrétiens ? Mais cela ne durait jamais longtemps et nous passions à autre chose »12. Dans la nasse de la guerre militaire, c'est chacun pour soi et de ce point de vue, le soldat marocain est « en situation » pour ne rien regretter du pire qu'il est amené à commettre :
« De ma vie je n'avais jamais tué un homme ou un animal. Le spectacle du sacrifice du mouton le jour de l'Aïd-El-Kbir m'indisposait. Le sang chaud qui giclait de la gorge du mouton me faisait peur. A l'université, en 1936, j'ai égorgé tellement d'hommes, et avec une telle frénésie, que je croyais que j'étais devenu fou. Mais les ordres n'arrivaient plus, nous risquions à tout moment de rester sans munitions, et puis nous n'étions plus les mêmes. Comment voulez-vous qu'on le soit alors que nous étions sûrs, mais vraiment sûrs, que personne ne sortirait vivant de cet enfer ? »13.
Le 19 avril 1939, les maures défilent dans Madrid au milieu d'une foule en délire qui crie : « Que vivan los moros » (Vive les Maures) alterné avec le cri : « Arriba Espana, viva Espana » - comme dans le camp républicain -, la même foule dont les chefs militaires avaient crié « Vive la mort » !
Bouc-émissaire dans le camp stalino-républicain, brave chair à canon dans le camp catho-nationaliste, le maure dit n'avoir fait qu'obéir aux ordres dans une guerre absurde où il a été prisonnier d'une logique infernale où il pouvait commettre les pires excès et savoir qu'il était mortel et berné comme ceux d'en face.


LES BRIGADES ETRANGERES
C'est la caractéristique majeure de la guerre d'Espagne « d'internationaliser » la participation des combattants, de masquer le maintien des critères chauvins, voire de les moderniser avec l'antiracisme. Il n'y aura plus de guerre nationale dans les pays européens, parce que la nation à l'époque de l'impérialisme n'est plus qu'un pion, et parce que le chauvinisme de 1914 ne peut plus fonctionner qu'aux couleurs d'une prétention universaliste. Pourtant tout est déguisé, le Front républicain n'est pas plus le vrai défenseur de la démocratie bourgeoise nationale que les militaires rebelles ne représentent l'idéal d'un fascisme planétaire. Deux fractions bourgeoises nationales s'affrontent toutes deux pour rétablir l'hégémonie de l'Etat en massacrant chacune à leur façon le prolétariat : la « gauche » républicaine en l'envoyant au casse-pipe et la « droite » monarchiste en tirant dans le tas.
Que cela plaise ou nom aux adeptes de la mythologie antifasciste, les brigades internationales sont des brigades étrangères...
1Antimémoires de brigadistes, Alain Brossat et Sonia Combe, in Autrement : Madrid 1936-1939, p.173 et suiv., 1991.
2Louis Gill, p.159. Heureux ouvrage de cet auteur qui nous permet de comprendre, contrairement à l'acception générale que « 1984 » aurait été une simple parodie de l'univers moscoutaire stalinien, mais est bien un pamphlet contre la « révolution espagnole » mythique, qui fût en son temps, comme « Hommage à la Catalogne », refusé par les éditeurs antifascistes plus obséquieux qu'attentifs au grand marché cultuel contrôlé par les staliniens de tous les pays.
3Hemingway, conscients que de l'avant à l'après-guerre, en Europe surtout, les staliniens contrôlaient le marché culturel, pût faire fructifier son commerce littéraire antifasciste au point d'être sacralisé grand écrivain, engagé auprès des « peuples en lutte contre l'impérialisme » ; ainsi il passait ses vacances chez le dictateur cubain, pêchant et chassant avec le despote à la longévité imbattable. Le même barbu qui, dans les années 1970, adopta comme conseiller politique Ramon Mercader, l'assassin de Trotsky ; info fournie par Louis Gill, et qui vaut son pesant de cannes à sucre, sachant que les trotskiens de la misérable IV ème internationale ont soutenu et soutiennent toujours le dinosaure dont le Béria cubain, Che Guevara, était chargé de zigouiller en nombre opposants trotskiens ou assimilés.
4Complètement décillé, Orwell, rentré en Angleterre, censuré ou refusant les sollicitations de néo-fascistes, s'énerve et fait mouche : « J'ai passé six mois en Espagne, à me battre pour la majeure partie du temps ; j'ai un trou de balle dans la peau et je n'ai pas envie d'écrire des bêtises pour la défense de la « démocratie » (…) D'autant que je sais ce qui se passe et ce qui s'est passé dans le camp républicain au cours des derniers mois. Je sais qu'on y impose le fascisme aux travailleurs espagnols sous prétexte de mener la lutte contre le fascisme ». (Louis Gill, p.140)
5Bartolomé Benassar, p.326.
6La guerre d'Espagne et ses lendemains, p.95 (ed Perrin/Tempus) : « Franco, conscient de cet atout, en joua comme d'une arme psychologique (…) La terreur qu'inspiraient les regulares tenait à leur comportement après la victoire : exécutions sommaires (…) éventrations, décapitations, mutilations. Après Badajoz, Franco donna l'ordre à Yagüe d'interdire les castrations mais il n'est pas certain qu'il ait été obéi » (p.98).
7Le camp franquiste est très encadré par ses diverses troupes professionnelles (comme daech aujourd'hui) c'est pourquoi il est quelque peu utopique de la part de Bilan, même si l'appel est louable, d'appeler à la fraternisation avec les soldats de Franco et ses Maures. Quand la guerre est là, à l'époque moderne, sur le terrain de la confrontation militaire le prolétariat n'a aucune chance de bloquer la barbarie en marche. D'ailleurs, on veut nous faire oublier sans cesse, qu'en 1917 la désagrégation de l'armée n'est pas venue de victoires du meilleur ou du plus humain au front, mais de la désagrégation de la société à l'arrière, laquelle a entraîné plus le sauve qui peut généralisé au front que la désertion individuelle.
8« Los ultimos » ou les souvenirs indésirables, de Ali Lmrabet, numéro spécial Autrement : Madrid 1936-1939, un peuple en résistance ou l'épopée ambiguë (1991). Le témoin fait allusion aux combats terribles et effrayants qui se déroulèrent sur le campus universitaire de Madrid, un des plus grands du monde ; et aux batailles de la Jarama, au sud-est de Madrid, et de Guadalajara, ville près de Madrid, où les troupes marocaines et italiennes sont défaites par l'armée républicaine.
9Ibid, p.161. Ne vaut-il pas mieux tuer au nom de dieu pour s'exempter de tout crime « humain » ?
10Ibid p.163
11Ibid p.165
12Ibid, p.166
13Ibid, p.168. Ce témoignage est un des plus précieux recueillis qui permet de comprendre les conditions de la guerre et de l'horreur, même aujourd'hui pour mieux discerner la « mentalité » du tueur de masse ; son insensibilité est toujours corrélée à un engagement guerrier, à la notion de guerre. Je tiens une anecdote équivalente d'un collègue qui avait été soldat en Algérie. Il rentrait en camion à la caserne un soir. Un breton conduisait l'engin. Lorsqu'ils passèrent près d'un vieux paysan algérien qui marchait péniblement le long de la route, le conducteur fit faire une embardée au véhicule, écrasant le pauvre homme. Mon collègue resta pétrifié et muet d'horreur jusqu'à la caserne. Se reprenant, il apostropha violemment le breton, qui d'ordinaire n'aurait pas écrasé une mouche : « pourquoi as-tu fait ça ? ». L'autre, piteux répondit : « je ne sais pas ».


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