PAGES PROLETARIENNES

dimanche 4 janvier 2015

LE STALINISME ETAIT-IL LE FASCISME DES PAUVRES ?

            
    POUR LE 25ème ANNIVERSAIRE DE LA DISPARITION DE MARC CHIRIC


A ma manière je viens ici commémorer le 25ème anniversaire de la disparition de Marc Chiric (1907-1990) – pseudonymes : Marco, Marc Laverne, Lavergne,  M.C.) - qui reste un des grands « passeurs » du maximalisme communiste (voir sa biographie sur wikipédia). Il ne fût pas un guide étouffant ni toujours celui qui définissait la « ligne juste ». Il s'est trompé plus d'une fois, ne voyant pas arriver la victoire du PS en 1981, comme moi-même, et s'exagérant la possible prise de pouvoir par le PCF ; nous n'avions pas mesuré en effet combien le vieux parti stalinien avait été affaibli. Mais lorsqu'il prenait du recul, en l'occurrence en critiquant un article de RI pas clair sur le PCF, il donnait une profondeur historique indéniable et lumineuse aux questions d'actualité. Mes notes vous restitueront la force de conviction de l'homme et presque le rythme de la phrase, bien qu'il ne parlait bien aucune des diverses langues qu'il pratiquait. Il fait la leçon sans morgue, fraternellement. La démonstration paraîtra exagérée pour les lecteurs superficiels mais elle reflète une réelle tension des classes (de la bourgeoisie aussi, l'américaine vivait dans la terreur d'une arrivée au pouvoir du PCF ; on était encore en période de guerre froide et ça rigolait pas au Mur de Berlin ni avec les terroristes formés en RDA).
Marc avait alors 69 ans, ce qui nous paraissait très vieux (âge atteint par nombre d'entre nous en cette an 2015) mais il était le plus jeune en vélocité d'esprit. Il avait appelé sa fille Rose, en souvenir de Rosa Luxemburg.
Le groupe politique qu'il a enfanté et couvé (RI puis CCI) ne l'a jamais honoré de commémorations justifiées depuis tant d'années et a été incapable de faire fructifier ses apports, se rabougrissant comme secte paranoïaque. J'ajoute en dessous un extrait de 3 heures d'interview à la fin des années 1970, durée trop lourde pour que je puisse la charger sur le web. Mais je peux fournir le CD à qui le souhaite, lequel est déjà dans les instituts d'histoire du mouvement ouvrier et révolutionnaire.



QUE SIGNIFIE " L'EVOLUTION" DES PC AUJOURD'HUI ? (D'après mes notes de la réunion de section du 4 février 1976)

Dans l'article du journal "Hier, aujourd'hui, demain, le PCF contre la classe ouvrière", on trouve deux points essentiels développés:
- le PC parti national,
- le PC et la "démocratie".

Le PC parti national.
On trouve dans l'article une trop grande insistance sur le caractère de profond tournant que constituerait cette accentuation du caractère national des PC (l'abandon de la notion de"dictature du prolétariat"): or, nous avons surtout à insister sur le fait que ce caractère national n'est pas nouveau.
La seule Internationale qui puisse exister, c'est l'Internationale prolétarienne. Quand elle cesse de défendre des positions de classe, elle ne "trahit" pas, elle cesse d'exister. Ce sont alors les partis nationaux qui continuent à survivre, et s'intègrent dans le camp de leur bourgeoisie nationale.

Les partis staliniens ne sont pas des agents de Moscou. Ils ont toujours eu une fonction de défense nationale pour leur bourgeoisie respective. Les preuves ne manquent pas, du PC Allemand qui clamait "Libération nationale de l'Allemagne", à la Chine, en passant par la participation du PC au Front Populaire. Un parti de masse ne peut pas être au service d'un autre Etat que le sien. Les PC sont depuis longtemps d'excellents partis de la bourgeoisie. Ils ne deviennent pas plus ou moins bourgeois. On est dans le camp de la bourgeoisie ou on n'y est pas !
Il fallait donc insister sur ce point: il n'y a pas de changement fondamental dans le rôle des PC. Aujourd'hui, ils doivent passer de l'opposition au gouvernement, et c'est ce qui les pousse à afficher plus leur caractère de défense nationale.

Quelques exemples du nationalisme des PC:
- à la veille de la guerre (1939) les tensions au sein du PCF, dûes aux relations avec la Russie (pacte germano-russe), provoquent des dislocations. Quand l'URSS repasse "du bon côté", tout revient dans l'ordre au sein du PCF :
- pendant la reconstruction, Thorez est vice-président du Conseil des ministres, et soutenu par De Gaulle qui reconnaît en lui un défenseur de la nation;
- dans les "Démocraties populaires", on assiste à la lutte entre deux fractions: l'une plus proche du bloc russe, l'autre insistant plus sur l'intérêt national (Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne);
- en Yougoslavie, Tito ne rompt pas avec Moscou pour des raisons "idéologiques" mais pour défendre sa nation contre une autre nation capitaliste;
- en Italie, toute la politique du PC italien (cf. Togliatti et son principe du "polycentrisme": chaque pays a "sa voie vers le socialisme") correspond aussi à cette affirmation du caractère national.

Si les PC ont des liens avec l'URSS, c'est parce qu'ils partagent la même vision du capitalisme d'Etat, mais c'est toujours la nation qui prime. La bourgeoisie nationale demande aux PC d'assurer une fonction: ils correspondent à la nécessité, dans une situation de crise, de faire participer les ouvriers à la défense de la nation. Dans une situation de tension internationale, la bourgeoisie a besoin d'une plus grande domination de l'intérêt national.
Il faut faire attention de ne pas montrer cette tâche assignée au PC pour la défense du capital comme une manoeuvre pour augmenter son audience dans la classe ouvrière.
En résumé, l'article a tendance à présenter comme un changement fondamental un trait de l'évolution du PC qui n'est qu'un tournant, et qui n'a rien de nouveau.

Les P.C. et la "démocratie"...

Face à une situation de crise, la gauche est nécessaire; mais ce n'est pas pour cela qu'il faut faire du parti stalinien un parti démocratique. Une chose est claire: dans la période de décadence, le sens général est au capitalisme d'Etat. La note dominante est la domination brutale du capitalisme. La démocratie correspond à la période forte, la période ascendante du capitalisme. C'est sur ce point qu'il faut insister, plus que sur le tournant vers la démocratisation.
Les deux grandes périodes, ascendante et décadente, ont chacune une ligne de force: des traits cependant de l'une se retrouvent dans l'autre. Ainsi, il y eût des répressions brutales au 19e siècle (Commune, Napoléon III). Mais il ne faut pas confondre les caractéristiques principales et les oscillations. La prédominance n'est pas aujourd'hui à la démocratie, à l'encontre du 19e siècle où le vote, l'intégration des syndicats, etc, étaient à l'ordre du jour. Aujourd'hui, c'est une période d'affrontement brutal, avec des moments où l'autogestion ou d'autres moyens capitalistes sont mis en avant, où la bourgeoisie a besoin des partis de gauche pour encadrer et dévoyer les luttes de son ennemi: le prolétariat.
Il faut donc insister sur le caractère purement contingent de ces mesures, illusions, fumées que la bourgeoisie utilise pour se préparer à l'affrontement.
Il en va de même pour la crise. Pendant que tout le monde s'unit pour crier à la réorganisation du capital dès que la crise connaît une légère détente, nous, nous insistons sur le fait que c'est une crise générale avec des moments d'accalmie.



LE STALINISME FASCISME DES PAUVRES ?

Quant à l'idée que le stalinisme serait le "fascisme des pauvres", elle est tout sauf évidente. Le stalinisme et le P.C. ont comme caractéristiques essentielles d'être la tendance la plus décidée au capitalisme d'Etat et la plus décidée à affronter la classe ouvrière. Le P.C. est le parti de la décision d'oeuvrer de façon brutale à imposer le capitalisme d'Etat à la classe ouvrière.
Le fascisme a la même brutalité, mais, d'une part il s'appuie ouvertement sur le grand capital et a les mains moins libres pour instaurer le capitalisme d'Etat, et d'autre part, il ne s'appuie pas, dans sa phraséologie, sur la classe ouvrière.
De même, on ne peut dire que le P.C. pourrait se transformer en un parti de type "réformiste", le PS occupe déjà cette place. Le P.C. a pour fonction de présenter le non-parlementarisme comme un acte de la classe ouvrière. Il ne peut changer de fonction sans disparaître.
Une autre caractéristique du P.C., c'est qu'il est un parti de tournants. En effet, il doit avoir le dos très souple car il doit:

- apparaître comme le représentant des ouvriers,
- oeuvrer fermement dans le sens de l'intérêt national,
- obtenir l'adhésion ou la neutralité de la petite-bourgeoisie et des autres partis.
Il a donc constamment viré à droite ou à gauche selon les circonstances, mais, et c'est ce qui est essentiel, sans perdre sa fonction:
- de 23 à 24, virage à gauche,
- de 25 à 29, virage à droite,
- de 29 à 34 à gauche,
- de 34 à 39: à droite avec le Front Populaire,
- de 39 à 41: à gauche "contre la guerre",
- de 42 à 48: à droite,
- de 48 à 60: à gauche pour des raisons de politique internationale.
- actuellement: tournant à droite.

Si, aujourd'hui, le P.C. amorce un virage à droite (parlementarisme, suffrage universel, etc.), ce n'est pas pour mieux encadrer les ouvriers, mais pour amadouer certaines couches de la bourgeoisie, et surtout de la petite-bourgeoisie. Comme tout parti appelé au pouvoir, il doit élargir sa clientèle électorale au maximum. Comme il est trop souvent présenté comme un parti de "dictature"ou comme un "agent de Moscou", il abandonne son visage classique au profit d'un visage démocratique pour ne pas effrayer le petite-bourgeoisie et la bourgeoisie. Il abandonne la notion de "dictature du prolétariat" parce que le prolétariat ne représente pas toutes les couches travailleuses, mais il abandonne la "dictature" seulement du bout des lèvres. Il ne s'identifie pas au P.S.
Il ne faut pas s'obnubiler sur la nouvelle phraséologie du P.C. Elle n'est pas nouvelle. Il faut se rappeler les nombreux exemples où il a déjà pris ce langage, et voir comment ce langage s'est appliqué dans la réalité. En 1933, avec Thorez: "les bouches s'ouvrent", le P.C. est trop centralisé, aboutissement: procès de Moscou. En Espagne, le P.C. reproche à la C.N.T. d'être trop sectaire. Au lendemain de la guerre, lors, tout comme lors du Front Populaire, l'aboutissement a été le même. La "déstalinisation"... ce verbiage recouvre la réalité de trois millions de prisonniers politiques en Russie. En Hongrie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, les tendances "démocratiques"ont été éliminées.

Il faut donc surtout insister sur le fait que tout cela n'est que chant de sirène, et que le PC est avant tout un parti de dictature, de violence contre le prolétariat, et qu'il ne peut changer de fonction sans disparaître: les P.C. ne deviennent pas démocrates, ils se préparent à rentrer au gouvernement pour exercer leur dictature.

NOTE POST-SCRIPTUM ANNO 2015 : tout le fond du raisonnement de Marc reste valable, était valable à l'époque mais les événements se chargent souvent d'infirmer les tendances potentielles les plus évidentes (Marc avait compris bien avant tout le monde la logique de l'effondrement du bloc russe et dû passer des mois à expliquer à certains d'entre nous la chute réelle de l'impérialisme russe qui se déroulait sous nos yeux ; en revanche Mitterrand, piètre politicien premier commis d'Etat, ne le comprit qu'après tout le monde). L'analyse du rôle de la gauche en opposition eût le tort de ne pas imaginer qu'elle pouvait gagner, même « accidentellement ». Mais en ayant eu tort sur le pronostic, Marc avait eu raison sur le fond. L'accident électoral fût payé fort cher par le PCF qui, déjà estomaqué par mai 68, allait s'effondrer inéluctablement au niveau électoral puis syndical (on se dépêcha de le séparer de la CGT pour que la centrale oligarchique ne se dissolve pas à son tour). En 1976, il n'était pas possible de s'imaginer que le PCF, 5 ans plus tard, allait perdre toute prétention à une prise du pouvoir à la stalinienne moscoutaire. L'analyse de sa fonction anti-révolutionnaire fût la force d'analyse constante de Marc. Le tournant vers la petite bourgeoisie qu'il analyse alors prête à sourire pour sa prescience sur ce que sont aujourd'hui le résidu du PCF et sa queue Front de gauche : des appareils à bobos qui n'ont de cesse de dénoncer « le fascisme des pauvres », qualifiés de racistes, antisémites, et mon cul. Avec la même arrogance que la petite bourgeoisie allemande admiratrice d'Hitler.1


1Les éditions libertaires Spartacus qui s'adressent exclusivement à une clientèle bobo et antifa de salon, font fort depuis quelques temps dans la pérennité anti-bolchévique et les ronds de jambes à l'idéologie dominante. Ainsi dans le recueil (inoffensif) de poèmes des jeunots Marx et Engels, Kay se permet dans l'introduction de prétendre à un « effondrement sans combat des partis ouvriers allemands devant le nazisme » !!? Ce qui s'appelle écrire n'importe quoi; encore eût-il fallu préciser quels partis peuvent être qualifiés "d'ouvriers" à l'époque.
 Je lui rappellerai que la naissance du nazisme date de l'assassinat de Rosa Luxemburg comme l'a fort bien dit l'historien Edouard Husson ; que les corps francs prémisses de la soldatesque nazie ont été combattu les armes à la main par des milliers d'ouvriers allemands ; que, même malgré son opportunisme voire sa collusion ponctuelle avec le NSDAP (slogans contre le "capitalisme juif") le PC allemand stalinisé a tenté aussi de s'opposer à la prise du pouvoir nazi - alors même qu'il lui était impossible de faire front commun avec les bouchers social-démocrates de 1919 et 1923 - et que les premiers habitants des camps de concentration (Dachau) furent les... communistes de toute obédience ! Que nombre d'entre eux furent décapités par la suite à la hache. De 1923 à 1933 la bourgeoisie allemande reste terrorisée par le prolétariat bien que la social-démocratie ait déjà accompli l'essentiel du sale boulot. Hitler finit le sale boulot mais reste prudent au début, et c'est pourquoi le ciblage sur les juifs permet de faire passer au second plan la menace prolétarienne historique, ce nouveau bouc-émissaire cruellement persécuté, et entraînant la protestation de parties de la population allemande, servant à jeter le trouble en déviant la cible capitaliste vers la cible présumée « juive/capitaliste » (cf. Histoire de l'antisémitisme en Allemagne de Helmut Berding, même s'il est le doigt sur la couture du pantalon ready made pro-US).


1 commentaire:

  1. Un détail très important échappe aux communistes sincères(la majeure partie des dirigeants "communistes" passés ou présents la connaissent mais n'osent jamais en parler sinon c'est leur mort prochaine), un détail donc sur la reproduction progressive du capital total de la société.

    Pour comprendre le fondement économique de l'URSS, il est nécessaire d'étudier cette théorie d'après Marx lui-même(Capital, livre 2, 3 e partie : Chap. sur la reproduction progressive).Parce que, malheureusement Lénine falsifia cette théorie dans son ouvrage "Pour caractériser le romantisme économique"(publié en 1897) p.12 puis en 1899 dans son ouvrage "le développement du capitalisme en Russie"( sous-chap: Théorie de la réalisation chez Marx).

    Je précise touts ces documents pour pousser le lecteur à étudier et vérifier tout ce que je dis par LUI-MEME.

    Maintenant, je vais exposer, en résumée, cette théorie de Marx et expliquer pourquoi Lénine a été contraint de la falsifier.Et ensuite, expliquer pourquoi depuis lors cette théorie falsifiée a été le fondement de l'URSS jusqu'à sa chute.

    Donc, quiconque étudie cette théorie par lui-même, découvrira que lors de la reproduction progressive, la production des articles de consommation doit croître plus vite que la production des moyens de production sinon on aboutit à un développement anormal des entreprises(pénurie d'articles de consommation pour la large masse des travailleurs).Telle est la conclusion de Marx sur la théorie.

    Mais Lénine renversa la théorie(en 1897; Rosa Luxembourg en fit de même en 1913 dans son ouvrage "L'accumulation du capital" rejoignant ainsi Lénine) en disant que c'est au contraire la production des moyens de production qui doit croître plus vite que la production des articles de consommation PARCE QUE le capital constant croit plus vite que le capital variable!

    Lénine et Rosa confondent(intentionnellement pour les prolétaires peu instruits) ici moyens de production(valeur d'usage) et capital constant(valeur d'échange), articles de consommation(valeur d'usage) et capital variable(valeur d'échange).

    Lénine ne s'est pas contenté seulement de falsifié Marx mais il a attribué cette théorie falsifiée à Marx(Voir "théorie de la réalisation chez Marx").Ainsi, dans touts les documents soviétiques(et même dans les documents bourgeois tel que l'encyclopédie universalis), selon Marx, c'est le développement de la production des moyens de production qui doit croître plus vite que la production des articles de consommation!!!!

    Heureusement que le Capital est là pour SAUVER(près d'un siècle après les faits) Marx de cette terrible torpille.C'est pour cela que j'insiste sur le fait d'étudier la théorie d'après Marx lui-même, c'est à dire d'après le Capital.Sinon impossible de sortir du rayon d'action des torpilles de Lénine et Rosa Luxembourg, on est vite foudroyé.

    Voilà maintenant cette question hyper important: pourquoi Lénine et Rosa ont falsifié Marx ?????

    Pour comprendre, il faut savoir que Marx-engels ont découvert que pour anéantir la propriété privée des moyens de production, il n'y a que deux solutions générales: l'étatisation et la planification de toute la production.Avec ces deux solutions toutes les contradictions disparaissent.Mais lorsque Marx-Engels disent ceci, ils supposent que la production des articles de consommation croît plus vite que la production des moyens de production.

    Mais, dans le cas contraire, lorsque la production des moyens de production croît plus vite, il se crée UNE NOUVELLE FORME DE PLUS-VALUE constituée de surplus de moyens de production et d'articles de consommation.Il suffit de considérer le schéma de la reproduction progressive et d'inverser le développement des deux sections de la production sociale, il se dégage clairement et sans aucun doute une PLUS-VALUE globale prélevé sur touts les travailleurs en même temps.

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