PAGES PROLETARIENNES

vendredi 4 juillet 2014

ENGELS censuré!



(échange de courrier entre Robin Goodfellow et un site de faux-cul gauche trafic d’histoire qui se veut ludique et n'est que nunuche)


Après les grandes commémorations militaires de la seconde boucherie mondiale, les gazettes et sites de la gauche bourgeoise se piquent d’enseigner comme seule alternative aux guerres passées les bêlements pacifistes des « grands hommes » à l’instar d’un Jaurès un peu trop sponsorisé et porté aux nues de la pourriture représentative bourgeoise. Au reste, l’assassinat du tiède socialiste Jaurès, plus professoral que guide politique du prolétariat, comme ceux de Liebknecht ou même du « pèlerin du néant » Matteotti (1) a signifié non la fin du parlementarisme (acté de fait par la trahison des partis socialistes) mais la fin des « héros » de tribune, ou plutôt l’impossibilité désormais de faire entendre la voix révolutionnaire depuis tout promontoire parlementaire ; on n’a plus vu depuis qu’une succession de petits personnages corrompus aspirant à se partager le pouvoir dans l’Etat bourgeois et à envoyer les masses de prolétaires au casse-pipe. La façon dictatoriale dont les gugusses du site menteur répondent à R.Goodfellow démontre non simplement la vacuité mais la supercherie perverse du « discours démocrate ». Nos amis de R.Goodfellow sont encore trop gentils avec ces cuistres professionnels, et ils auraient pu rappeler cet extrait du discours de Bordiga sur le parlementarisme en 1920 :
« Les communistes nient carrément que la classe ouvrière puisse conquérir le pouvoir en obtenant la majorité parlementaire. Seule la lutte révolutionnaire armée lui permettra d’atteindre ses objectifs. La conquête du pouvoir par le prolétariat, point de départ de l’œuvre de construction économique communiste, implique la suppression violente et immédiate des organes démocratiques qui seront remplacés par les organes du pouvoir prolétarien : les conseils ouvriers. La classe des exploiteurs étant ainsi privée de tout droit politique, le système de gouvernement et de représentation de classe, la dictature du prolétariat, pourra se réaliser. La suppression du parlementarisme est donc un but historique du mouvement communiste. Nous disons plus : la première forme de la société bourgeoise qui doit être renversée, avant la propriété capitaliste et avant la machine bureaucratique et gouvernementale elle-même, c’est précisément la démocratie représentative. » (cité en conclusion de mon livre « La croyance électorale et ses origines » (2011).

Suite aux diverses commémorations honteuses de 1944, et comme rien ne venant expliquer les vraies causes des deux boucheries, l’intelligentsia bourgeoise du Nobs aux divers crétins des sites attelés à l’idéologie de gauche décomposée, se répandent en louanges sur ce pauvre Jaurès, pour mieux faire oublier les véritables lutteurs contre la guerre capitaliste, d’une autre trempe que le professeur de lycée d’Albi, les Lénine, Luxemburg, Liebknecht, etc.
(1)     Dont Gramsci écrivit : « Il n'y a qu'une seule façon de célébrer dignement et profondément le sacrifice de Matteotti : c'est celle des militants qui se rassemblent dans les rangs du Parti et de l'Internationale communiste pour se préparer à toutes les luttes de demain. C'est grâce à eux, et à eux seulement, que la classe ouvrière cessera d'être le « pèlerin du néant », cessera de passer de désillusion en désillusion, de défaite en défaite, de sacrifice en sacrifice, en essayant en vain de résoudre le problème contradictoire de créer un monde nouveau sans briser en éclats ce vieux monde qui nous opprime. Ce n'est que grâce à eux que la classe ouvrière deviendra libre et maîtresse de ses propres destinées ».

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La site web ( http://www.jaures.eu)  se consacre à la diffusion de l’oeuvre de Jean Jaurès. Fort bien et nous ne pouvons que saluer une initiative qui de plus « évite de ne proposer de Jaurès que certains courts extraits de quelques textes permettant de déformer sa pensée… voire juste quelques citations tellement sorties de leur contexte qu’elles ne veulent plus rien dire (ou plutôt qu’elles ne veulent plus dire que ce que veulent leur faire dire ceux qui les manipulent ainsi !). »
Arrivés par hasard sur ce site, nous trouvons un texte de Jaurès consacré à Engels et qui reprend cette citation (fautive comme nous allons le voir) d’Engels de 1891 où, critiquant le programme d’Erfurt,  il est dit : « Si une chose est certaine, c’est que notre parti et la classe ouvrière ne peuvent arriver au pouvoir que sous la forme de la République démocratique. Celle-ci est la forme spécifique de la dictature du prolétariat, comme l’a montré déjà la grande Révolution française. » (souligné par nous)
Or cette traduction (nous ne savons pas si elle est de Jaurès lui-même) est toujours la traduction officielle, dans les éditions staliniennes, de ce texte. Elle n’en est pas moins erronée. Il est vrai qu’elle a un grand avantage. Elle sert de point d’appui à tous les manipulateurs pour transformer Engels en démocrate. Mais Engels ne dit pas DE mais POUR (für). Une fois rectifié le sens de cette citation, nous comprenons parfaitement qu’elle s’inscrit dans la tradition de tout ce que Marx et Engels ont répété pendant des décennies.
Nous avons donc fait un commentaire dans ce sens sur le site. Ce commentaire a été accepté avec bienveillance.

« Si cette citation d’Engels a été traduite par les soins de Jaurès et cette traduction se perpétue de nos jours, il n’en demeure pas moins que cette traduction est au moins fautive. Engels emploie le terme für et sans être grand germaniste, il faut donc traduire « pour » et non « de ». On retrouve ainsi la proposition constante de Marx et Engels quant à la république démocratique à savoir qu’il s’agit du nécessaire champ de bataille pour que la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie puisse parvenir à son terme avec la conquête du pouvoir politique par le prolétariat.
« Ce qu’il [le prolétariat] conquit [en imposant la République], c’était le terrain en vue de la lutte pour sa propre émancipation révolutionnaire, mais nullement cette émancipation même » (Marx, 1850, Les luttes de classes en France, Pléiade, Politique, p.244)
« Même la démocratie vulgaire, qui voit dans la République démocratique le millenium et qui ne soupçonne guère que c’est précisément sous cette forme ultime de l’Etat de la société bourgeoise que devra se livrer la bataille entre les classes (…). » (Marx, 1875, Critique du programme de Gotha, Pléiade, T.1, p.1430).
« Une chose absolument certaine, c’est que notre Parti et la classe ouvrière ne peuvent arriver à la domination que sous la forme de la république démocratique. » (Engels, Critique du programme d’Erfurt, 1891)
« Marx et moi, depuis quarante ans, nous avons répété jusqu’à satiété que pour nous la république démocratique est la seule forme politique dans laquelle la lutte entre la classe ouvrière et la classe capitaliste peut d’abord s’universaliser et puis arriver à son terme par la victoire décisive du prolétariat » (Engels, 1892, réponse à Giovanni. Bovio, in Révolution et démocratie chez Marx et Engels de Jacques Texier, p.388)
« ( …) la république bourgeoise, a dit Marx, est la forme politique dans laquelle seule la lutte entre prolétariat et bourgeoisie peut se décider. » (Engels, 1894, Lettre à Turati, in Révolution et démocratie chez Marx et Engels de Jacques Texier, p.391) » (Commentaire de Robin Goodfellow 21/06/2014)

 Suite à quoi nous avons reçu cette réponse du modérateur du site :
« Bonjour,
Merci pour votre précieux commentaire. Il figure donc à la suite de l’article.
Bien cordialement, » (Réponse du modérateur du site – 21/06/2014)
Plus tard, poursuivant la lecture du site, nous tombons sur un texte de Jaurès où il reprend une expression de Marx, l’« évolution révolutionnaire », pour lui faire dire tout autre chose et dans un sens réformiste. 

Nous avons alors proposé un second commentaire :
« Nous avons déjà vu comment Jaurès (cf. commentaire sur République et socialisme ,Jaurès et Engels 1901) maltraitait le texte d’Engels pour lui faire dire l’inverse de la position qu’il (avec Marx) a toujours défendue à savoir que la république démocratique est le champ de bataille, le terrain de lutte nécessaire à l¹émancipation du prolétariat et qu¹il ne peut être que cela. Il ne s’agit donc pas de préserver la république démocratique, ses institutions et l¹organisation étatique qui y correspond mais d’en finir avec elles.
Dans ce texte, Jaurès récidive avec cette citation de Marx : « évolution révolutionnaire » et il lui donne un sens et une tonalité réformistes qui est complètement absente de l¹original. En effet que nous dit Marx :
« Si les travailleurs allemands ne peuvent accéder au pouvoir et faire triompher leurs intérêts de classe sans traverser un long processus de développement révolutionnaire [traduit aussi par évolution révolutionnaire], du moins ont-ils cette fois la certitude que le premier acte de ce drame révolutionnaire en perspective coïncidera avec la victoire directe de leur propre classe en France et s’en trouvera considérablement accéléré. » (Marx, Adresse du Comité central de la Ligue des communistes, Mars 1850, Pléiade, Politique, p.558)
« A une conception critique, la minorité oppose une conception idéaliste. Au lieu de rapports réels, la minorité préfère la seule volonté comme force motrice de la révolution. Alors que nous disons aux ouvriers : il vous faudra peut-être encore passer 15, 20, 50 ans de guerre civile et de conflits internationaux, non seulement pour changer les rapports existants mais pour vous changer vous-mêmes et vous former à la domination politique, vous, au contraire, vous leur dites : nous devons prendre maintenant le pouvoir ou aller nous coucher.(…) A l’instar des démocrates, vous avez remplacé le développement révolutionnaire [idem autre traduction : évolution révolutionnaire] par des phrases sur la révolution. » (Marx, intervention de Marx contre la fraction Schapper à une réunion de la ligue des communistes ­ 15 septembre 1850 ­ cité par F. Claudin, Marx, Engels et la révolution de 1848, p.312)

Le sens est donc un sens organique, darwinien avant la lettre, et en tous cas dialectique. Dans la première citation c’est le processus de la révolution permanente qui est visé et qui doit voir se succéder et s’épuiser les partis bourgeois et petits bourgeois au pouvoir avant que ne vienne le tour du parti prolétaire qui devra affronter les classes coalisées sous le drapeau de la « démocratie pure ». Dans l’autre, le propos porte  non seulement sur le processus révolutionnaire au cours de la révolution mais sur la nécessité de plusieurs assauts révolutionnaires pour vaincre. Il s’agit donc aussi de l’attente résolue de la contre-révolution pour sélectionner la classe, lui faire tirer les leçons de l¹expérience révolutionnaire et contre-révolutionnaire afin de l¹aguerrir, la renforcer sur le plan de l¹expérience, de la théorie et de la conscience.
Nous sommes loin des interprétations tendancieuses de Jaurès. Il est vrai que : « (…) ce M. Jaurès, ce professeur doctrinaire, mais ignorant, surtout en économie politique, talent essentiellement superficiel, abuse de sa faconde pour se forcer dans la première place et poser comme le porte-voix du socialisme qu¹il ne comprend même pas. » (Engels, Lettre à Lafargue, 6 mars1894, Correspondance Engels ­ Lafargue, p.354)
Si le destin tragique de Jaurès dans le cadre d’une radicalisation croissante de sa pensée, fait qu¹il est acquitté, fusse au bénéfice du doute, de l¹accusation de trahison du mouvement socialiste, ce n’est pas dans l’étude de son œoeuvre que l’on trouvera une source sérieuse pour l¹étude du socialisme en tant que science. » (Commentaire de Robin Goodfellow 27/06/2014)

Ce commentaire nous a valu ensuite la réponse suivante :
« Bonsoir,
Avant - votre premier commentaire sur notre site ­ c'était du débat. On aimait bien. Maintenant, fusse par la bouche d'Engels, ce sont des anathèmes (le "doctrinaire", venant d'Engels, étant particulièrement savoureux...). Pas leur place sur notre site, où l'on peut débattre mais pas insulter, et où il est question de politique et non de science ou de religion.
Cordialement, » (Réponse du modérateur du site 27/06/2014)
Nous n’avons donc pas laissé passer cet acte de censure (Comble du ridicule, il s’agit de la censure d’Engels !)

« Monsieur le censeur,
Quel crime a commis Engels pour que vous le censuriez ?
Nous avons dans un premier commentaire que Jaurès sur la base d’une citation disons déformée pour être poli, faisait dire à Engels l’inverse de ce que lui et Marx ont dit tout au long de leur vie quant à la république démocratique. Cette traduction, erronée, est curieusement toujours en vigueur aujourd’hui et elle sert les mêmes intentions : faire passer  Engels pour un démocrate. La dernière tentative substantielle de ce genre remonte au livre de Jacques Texier : « Révolution et démocratie chez Marx et Engels » ou après s’être tiré une balle dans le pied en expliquant que la traduction est fautive ; notre auteur la reprend quand même pour en tirer près d’un siècle après les mêmes conclusions fallacieuses que Jaurès (Il n’est pas sûr que Texier ait connu le texte de Jaurès – il se serait épargné l’idée que son interprétation est nouvelle). Toute étude sérieuse de la pensée de Marx sait que cette traduction est tendancieuse. Nous nous sommes donc permis de rétablir son contenu effectif.
Dans un second commentaire nous montrons, citation à la main, que Jaurès procède de manière encore plus fallacieuse quant au thème de l’"évolution révolutionnaire", termes extraits hors contexte de l’oeuvre de Marx pour leur faire dire tout autre chose que leur signification exacte.
Cela commence à faire beaucoup quant à la compréhension du marxisme de Jaurès. Et du coup nous rappelons le jugement d’Engels sur Jaurès.
Que n’avons-nous pas fait là ? Vous prenez alors prétexte du ton d’Engels, de la forme de sa pensée pour, selon un procédé bien connu, non seulement éviter le fond du commentaire mais le censurer purement  et simplement.
Vous avez de ce point de vue une singulière conception du débat auquel vous ne cessez de faire référence. Vous avez, comme vous êtes le gestionnaire du site web, toute latitude pour répondre aux commentaires et montrer que ce que nous disons – même si nous pouvons appuyer chaque ligne par des citations de Marx et Engels – n’est pas conforme à leur pensée. Vous pouvez même tenter de démontrer – nous attendons cette prouesse avec un sourire en coin ; le révisionnisme ne dit rien d’autre - que le socialisme scientifique est une religion.
Vos procédés et votre censure en disent long sur votre conception de la liberté d’expression. Sans doute appartenez-vous directement ou idéologiquement à ce parti dont les membres, le cadavre de Jaurès encore chaud, appelaient le prolétariat de tous les pays à s’entrégorger, le parti des assassins de Rosa Luxemburg, le parti qui négociait avec le fascisme, le parti de la défense des colonies et des va-t-en-guerre.
Vous censurez Engels parce qu’il a égratigné l’icône réformiste. Nous avions cru comprendre que votre site visait également à donner à lire des ressources sur Jaurès ; vous publiez Trotsky, pourquoi ne voulez-vous pas que soit connue l’opinion d’Engels ? Vous pourriez aussi reprendre quelques écrits de Lénine et Rosa Luxemburg qui sont dans la même veine.
Nous supposons que, partant de ce principe, vous souhaitez interdire « La sainte-Famille » qui critique notamment les frères Bauer, « Misère de la philosophie » parce qu’elle dit du mal de Proudhon, l’»Anti-Dühring » qui comme son nom l’indique s’en prend à Eugène Dühring, «La question du logement » qui donne des coups de bâtons au docteur Mülberger [1], et pourquoi  pas du « Capital » qui condamne la société bourgeoisie dont il est une nouvelle fois démontré que vous et vos pareils en êtes les fidèles cerbères.
Monsieur le censeur, bonsoir.

[1] Mülberger d’ailleurs s’en était plaint dans des termes qui évoquent vos arguments pour censurer Engels, mais Mülberger avait au moins fait une réponse sur le fond » (Courriel de Robin Goodfellow au modérateur. 30/06/2014)


Voilà le dernier état du dossier sur cette censure aussi mesquine que ridicule

1 commentaire:

  1. Cool ! Merci pour cette précision. Les mots et leurs définitions sont importants.

    J'avais également remarqué l'amalgame entre "abolition" et "suppression" (ou ces variantes destruction, spoliation...).

    Le communisme de Marx est l'abolition du capital soit l'abolition du privé de la propriété des moyens de production et de services.

    Depuis quelque temps J'emploie "privé de la propriété" et non "propriété privé". En effet, j'ai remarqué que le communisme de Marx était l'émancipation de la propriété vis à vis du privé/capital et non la fin de la propriété. Pour moi, ça porte moins à confusion.

    Il y aussi amalgame entre "propriété" et "possession" principalement chez les libéraux et la population. "Abolition" et "Propriété" sont encadrés par le droit. Pour citer Alexandre Zinoviev : "Possession ne signifie pas automatiquement propriété. Cette dernière est une possession légitimée, ayant force de droit. Quand les révolutions bourgeoises proclamaient la propriété privée inviolable et sacrée, elles transformaient en propriété une simple possession de fait." (L'Occidentisme en ligne sur zinoviev.fr)

    Or, je suis justement à la recherche d'une citation d'Engels que j'ai lu dans un bouquin que j'ai acheté. Mais je ne sais plus lequel.

    Je crois que c'est une lettre à Lafargue.

    Engels dit à peu près ça :

    La société capitaliste ne se réduit pas seulement à l'économie, d'autres éléments comme la justice joue également un rôle.

    Il rajoute que si les militants tendent vers cette vision économiste de la société capitaliste, c'est la faute de lui et de Marx, à cause de l'urgence de la diffusion de leurs études aux militants.

    Savez vous de quelle lettre vient cette citation ? (je pense que c'est après la mort de Mort)

    Merci d'avance.

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