PAGES PROLETARIENNES

samedi 2 février 2013

N+1: UN MODELE DINAMICO D’ABRUTIS



Voici un intéressant compte-rendu de la prestation parisienne d’une secte de zéros, nommée N+1 (qui nous a été communiqué par un participant, Xavier). Ladite référence factorielle « N+1 »  ne sert qu’à faire ésotérique et possède un sens mathématique dont je me fiche ; un tel intitulé de maniaques sert au gugusse introductif de référence « scientiste » pour faire le malin en recopiant des analyses bourgeoises bien connues ; l’utilisation de cette formule par des cancres intellectuels se veut référentielle  aux facéties d’un Bordiga vieillissant, épris des mathématiques formelles, qui eu la bêtise de déclarer un jour que la révolution était un fait aussi sûr que s’il était déjà advenu. Les esthètes savants de N+1 ne sont pas intelligents, ainsi que vient de le démontrer une étude scientifique publiée au Canada. Pour être membre du prolétariat, cet athlète historique, il fait être "sportif". Les athlètes auraient des capacités cérébrales plus développées que la moyenne des étudiants de niveau universitaire selon une étude récente sur la «perception» menée par le professeur Jocelyn Faubert, de l’École d’optométrie de l’Université de Montréal. Il s’agissait d’évaluer les capacités des étudiants et des athlètes à visualiser des scènes complexes, que l’on pourrait comparer à des scènes de la vie quotidienne (excepté les footballeurs dont le cerveau est aussi gros qu'une balle de ping-pong). Quand on conduit une voiture par exemple, notre activité cérébrale est sollicitée par des scènes abstraites en mouvement: la voiture qui arrive sur la voie de droite, les piétons, les deux-roues… Notre cerveau fait appel à une pléthore de fonctions mentales telles que le raisonnement, la mémoire, la perception ou encore l’attention. L'intellectuel de N+1 lui ne met pas en route des facultés de raisonnement prolétariennes, et du coup, se fait écraser. Rien de nouveau amis québéquois, nous connaissons ici assez la propension de l'étudiant savant moyen et du cadre diplômé à divaguer hors des réalités sociales et à se ficher des besoins de notre athlétique prolétariat.
Je partage complètement le compte-rendu de cette réunion – sauf qu’il n’y a aucune rupture avec un ronronnement  du milieu maximaliste (il est quasi en état de catatonie) - compte-rendu de qualité qui offre lui un exposé et des questionnements autrement sérieux et de grande valeur, comparé aux pitreries du zéro pointé à la tribune. (JLR)


  
Remarques critiques sur la réunion de n+1 du 25 janvier 2013


            Rompant avec le ronronnement coutumier dans le petit milieu politique issu des Gauches communistes et d’une filiation revendiquée avec un supposé marxisme orthodoxe, eut lieu en cette fin de mois de janvier une réunion publique quelque peu inhabituelle, en tout cas pour un auditoire français.
            En décembre 2008, le « réseau de travail » - pour reprendre son auto-définition - n+1, dans sa revue éponyme, publia un article Un modello dinamico di crisi – Un Modèle dynamique de crise – au sous-titre alléchant et prometteur : Etude sur le futur proche du capitalisme.
            Malgré ses limites et certaines insuffisances – sur lesquelles nous reviendrons dans une prochaine élaboration de notre propre vision du sujet ­—, ce texte aurait pu présenter un vif intérêt si une rupture qualitative majeure avec la traditionnelle vision industrialiste et progressiste du filon marxisant avait été opérée.
            Curieux de connaître l’évolution de cette analyse et de pouvoir énoncer quelques remarques quant à ce que nous avons pu identifier comme autant d’insuffisances voire de contradictions, nous assistâmes à ce que l’on peut qualifier d’un exercice de style tout autant surprenant que dérangeant.
            Ces succinctes remarques n’ont d’autre prétention que de pointer quelques éléments qui nous ont particulièrement frappés : elles sont rédigées encore quelque peu à chaud, mais nous espérons à travers leur diffusion, bien modeste, susciter une réflexion critique et un désir d’approfondissement chez ceux qui sont ou furent séduits par un travail de ce type.

            Nous diviserons notre bref exposé en deux parties, de façon un peu formelle, une critique sur la forme et une sur le fond de cette réunion : la critique sur la forme devant aussi servir à s’interroger sur la nature et l’essence d’une telle initiative, elle est difficilement dissociable de l’analyse sur le fond mais cette approche peut être aussi révélatrice.

  1. Remarques sur la forme.
L’information de la tenue de cette réunion par le cénacle n+1 devrait déjà amener à penser que cette réunion n’était pas à destination unique d’un cercle d’initiés. Cependant, on peut avoir du mal à comprendre l’objectif de n+1 à travers la manière dont fut conduite cette réunion ; un compte-rendu succinct rédigé par l’orateur lui-même quelques jours après la tenue de cette réunion semble donner, au moins, un début d’explication.
Premièrement, n+1 se refusait à rentrer dans une situation de débat que le sujet aurait pu, inévitablement, provoquer : précisons, pour ceux qui ne sont pas familiers de n+1, que ce « réseau » se refuse traditionnellement à tout débat avec quiconque ne partage pas son analyse. Techniquement, la solution pour eux fut relativement simple : dérouler un exposé de plus de deux heures et demie et laisser un minimum d’espace, soit à peine une demi-heure, à une discussion permettant à l’auditoire de s’exprimer.
Deuxièmement, la réunion semble avoir eu lieu sur la demande expresse de quelques éléments issus du milieu universitaire qui auraient déjà affirmé un précédent intérêt dans les travaux de n+1. Notons au passage que n+1 dispose de travaux traduits en français depuis bien des années et n’avait jamais daigné se déplacer ou tout au moins envisager l’éventualité d’une telle initiative auparavant ; remarquons aussi que le « réseau » n+1 fut constitué en l’an 2000 et avait déjà eu une pré-existence avec la publication dans les années 1990 des Quaderni Internazionalisti et dans les années 1980 avec les Lettere ai Militanti.
L’assistance à la réunion fut composée d’une quarantaine de personnes dont neuf « membres » de n+1 parmi lesquels six venaient d’Italie ou de Suède. Le principal « animateur » et fondateur historique de n+1 était présent…
Les auteurs de ce document ne purent assister à la fin de la réunion et donc de l’exposé comme de la séance ouverte à la « discussion ». Au bout de deux heures et demi de présence dans la salle, leur patience et endurance atteignirent leurs limites et nous quittâmes les lieux lors de la seconde pause effectuée par l’orateur.
L’exposé ne dura pas moins de deux heures et demie – pauses exclues – et fut réalisé par le même et unique orateur… ou plutôt lecteur.
Cet exposé reprit quasi intégralement et parfois quasi littéralement l’étude publiée sous le titre Un Modèle Dynamique de Crise. Certains ajournements ou précisions furent néanmoins apportés. Les diagrammes et courbes utilisés dans le texte ainsi qu’un ou deux supplémentaires furent utilement projetés sur écran mais peu explicités : il fallut même qu’un auditeur ose poser une question pour qu’une information puisse être comprise.
Pour notre part, nous sommes surpris de la patience et de la mansuétude des personnes présentes devant une telle manifestation : quid de ceux qui n’eurent pas lu le texte auparavant et, pire, étaient peu familiers du sujet traité ?
Pour résumer notre sentiment, nous pouvons affirmer ceci : nous eûmes plus que l’impression d’assister à un cours magistral universitaire sagement suivi par les étudiants habituels d’un docte professeur.

  1. Remarques sur le fond
Pour l’essentiel, comme nous l’avons déjà dit, l’exposé reprit essentiellement le contenu du texte Un Modèle Dynamique de Crise. Comme ce dernier, l’exposé s’appuya particulièrement sur une étude méritant d’être connue : le Rapport Meadows au Club de Rome et plus précisément sous sa version The Thirty year – Update datant de 2002 mais publié très récemment en français sous le titre Les Limites à la Croissance. Cela fut dit par l’orateur mais plutôt du bout des lèvres…
L’introduction de l’exposé s’attacha à affirmer les travaux présentés comme étant dans la continuité de ceux de la tradition marxiste mais plus précisément de la Gauche italienne au travers des études publiées sous le nom de Il Corso del Capitalismo Mondiale au cours des années 1950 et 1960 dans le journal il programma comunista, et dont le principal auteur ou en tout cas inspirateur fut Amadeo Bordiga. Comme toujours pour n+1, le nom de celui-ci ne fut pas cité pour évoquer plus prosaïquement l’œuvre des « prédécesseurs ».
Globalement, la référence aux « pères fondateurs » nous sembla plutôt modérée, voire effectuée à demi-mot.
En filigrane, se pose ici une question peu affrontée par n+1, celle de la continuité révolutionnaire. On affiche pour la galerie une référence au marxisme – orthodoxe, invariant et dogmatique, bien sur – de même qu’à la Gauche Italienne jamais bien identifiée : mais cet affichage n’est-il pas qu’une façade, un décorum ? Disons d’emblée qu’en ce qui nous concerne, l’abandon de la référence au marxisme ne nous gênerait nullement : ce qui peut être surprenant c’est la prétention à s’y maintenir alors que la pratique démontre au minimum un dépassement de celui-ci ! Comme s’il y avait quelque chose de honteux à s’affirmer révolutionnaire et communiste sans se revendiquer « marxiste » et sans réclamer sa filiation avec la Gauche italienne de Bordiga ! N’essayerait-on pas de sauvegarder une trajectoire politique qui fut ce qu’elle fut et qui mériterait pourtant une analyse critique de fond ?

Sur la question de fond économique :
  1. la prévision : juste ou fausse ?
  2. prévision seulement économique ou également politique : prévision du surgissement du prolétariat ?
  3. la crise a éclaté en 1974 et aurait duré jusqu’à aujourd’hui et durerait jusqu’à la révolution ? une crise permanente donc ?
  4. Catastrophisme ou pas catastrophisme ? Effondrement ou non du capitalisme ? À quelle date ? Dans quelles conditions et avec quelles conséquences ?
  5. Et Marx qui n’avait jamais parlé de catastrophe finale pour le capitalisme ? La première à évoquer ce concept : Rosa Luxemburg.
  6. Quid des contributions et des travaux de Henryk Grossman, Julius Dickmann, Paul Mattick, et… Amadeo Bordiga ?
  7. Comment se fait-il que des chercheurs, intellectuels non-marxistes comme les époux Meadows par exemple aient effectué des travaux incontournables ?
  8. La limite interne du capitalisme est due essentiellement à la baisse tendancielle du taux de profit : c’est une découverte essentielle, parmi d’autres, de Marx. Fut-elle clairement exposée comme cause du prochain effondrement de la société ?
  9. La grande récession globale et permanente du mode de production capitaliste ouverte en 1974 a généré une bulle immense de capital fictif : réalité qui nourrit à son tour l’acuité des crises cycliques que traverse le capitalisme globalisé. Cela fut-il suffisamment et clairement souligné lors de cette réunion ?

Un temps d’arrêt sur la question de la « prévision » telle qu’abordée par la Gauche Italienne et plus précisément Amadeo Bordiga – que l’on en finisse avec l’hypocrisie du travail anonyme et soi-disant collectif — dans les années 1950. Voici la liste non exhaustive des textes où l’on pourra se référer à l’utilisation sous une forme ou une autre de la prévision révolutionnaire :
Russie et révolution dans la théorie marxiste :
7 novembre 1917 – 1957 : quarante années d’une évaluation organique des événements de Russie : page 490 de l’édition Spartacus, page 158 du numéro 20 de la revue (dis)continuité.
Structure économique et sociale de la Russie d’aujourd’hui, point 104 de la première partie, page 111 du numéro 22 de la revue (dis)continuité.
Dialogue avec les morts, troisième journée, page 99 de (dis)continuité n°20
La Russie dans la Grande Révolution et dans la Société contemporaine, page 110 du numéro 20 de (dis)continuité.
— — —
Pour nous, il en ressort que non seulement une modification terrible du cours du capitalisme devait survenir autour de 1975 mais que l’on aurait du assister subséquemment à un surgissement du prolétariat !

Mais effectuer ce travail sur la prévision relève-t-il d’une certitude arithmétique ou du résultat d’un calcul de probabilité ?
Pour n+1, la révolution est un fait déjà avéré sinon arrivé : juste une question de temps et, donc, de patience ; le prolétariat va forcément surgir un jour ou l’autre.
Bel optimisme qui semble bien, pour le moins, découler d’un déterminisme mécaniciste.
Cela s’appuie sur la transposition des modèles mathématiques au monde social et humain.

Autre aspect que nous ne ferons qu’effleurer ici : la croyance en la permanence historique du communisme, la société de classes et les modes de production aliénants n’étant que des accidents de l’histoire. Dans la partie introductive, ne fut-il pas affirmé que le « communisme primitif » serait la démonstration de l’existence naturelle et stable du communisme comme forme sociale supérieure et dominante historiquement parlant pour l’espèce humaine ? La révolution à venir ne serait que le moyen d’accoucher l’humanité déjà grosse de la société communiste et les cinq millénaires de société de classe n’auraient été qu’un simple petit incident de parcours dans la longue et déterminée histoire de l’humanité ?

Enfin, dernière problématique qui semble n’avoir été que potentiellement abordée dans la réunion : le capitalisme contient-il vraiment les fondements du communisme ? la société communiste sortira-t elle des flancs du capitalisme ?

En guise de conclusion provisoire

Au-delà de l’intérêt manifeste du sujet retenu pour cette réunion, nous ne pouvons qu’exprimer notre profond regret dont celui-ci fut traité tant dans la forme que dans le fond.
En ce qui concerne la forme, le cercle n+1 n’a d’intérêt que pour lui-même et pour les éléments acceptant sa domination idéologique.
n+1 se donne des airs de doctes économistes distingués : chiffres, tableaux à gogo !
Quant au fond du problème, il ne peut prendre tout son sens révolutionnaire que si l’on s’en empare pour conforter la perspective communiste, le contenu de la future société ainsi que les grandes lignes du passage révolutionnaire à cette dernière.

Finalement, on peut résumer aisément ce que représenta cette soi-disant réunion publique : de la poudre aux yeux. Outil effectivement utilisé pour cette opération : le scientisme ; il fut évoqué dans la courte période dite de discussion et on peut aisément le discerner à la lecture de l’abondante littérature produite par n+1 sur une douzaine d’années.

Jean Luc Ottavi – Claude Bitot
30 janvier 2013

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