PAGES PROLETARIENNES

jeudi 3 janvier 2013

CES BONS VIEUX PONCIFS SUR LA MISERE SEXUELLE GENERALISEE





Le viol et le massacre à la barre de fer d’une jeune étudiante indoue à la mi-décembre 2012 dans la mégapole New Delhi a suscité un peu partout, amplifié par le simplisme de la presse mondiale, un sentiment d’horreur et de réprobation. Comme si ce viol était unique, soudain, inexplicable et typique des pays sous-développés « culturellement », et n’avait pour justice que la « vengeance populaire » bien saignante et castratrice. Une dizaine d’années plus tôt,  le 26 avril 1998, un homme de 35 ans avait été brûlé vif par les habitants d’un village de Chennai, la capitale du Tamil Nadu. Il était soupçonné d’appartenir à une bande qui répandait la terreur dans la banlieue ouest de la métropole. Quelques jours auparavant, les membres du gang avaient été arrêtés par la police puis relâchés, ce qui avait provoqué la colère des hommes et des femmes de la localité. Ce groupe de trois hommes était accusé de commettre des viols et d’injecter du sang infecté par le virus du sida. Dans l’après-midi, la foule s’était emparée dudit coupable, puis le lyncha avant de l’immoler après l’avoir arrosé de kérosène (genre de vindicte populaire plus courante en Afrique). Les manifestants des couches moyennes de New Delhi ont dû se contenter d’affiches appelant au meurtre des coupables comme si la société capitaliste indienne pouvait se racheter de ses mœurs ambigus sous le bric à brac hindouiste, et se laver dans le Gange de ses relations tarifaires de castes et de classes, et des coups de bâtons policiers. Partout dans la presse et dans les blogs rejaillirent les sempiternelles questions : « pourquoi le viol ? », « en quoi est-il un crime ? », « doit-on interdire la prostitution et les films pornos ? » comme le brament les bourges féministes, « faut leur couper les couilles », etc. Les appels à la vengeance ressortent le même disque rayé des curetons : à bas les pulsions malsaines, foin des « mentalités » de sous-développés, vive la justice impitoyable ! Vivement des mœurs régulées par une population mieux surveillée et éduquée ! Le discours féministe a remplacé celui des curés et les lesbiennes de l’élite peuvent expliquer aux moches frustrés et aux pue-la-sueur  que les femmes en général peuvent vivre sans homme, et qu’au moins leurs coreligionnaires homosexuels ne sont pas de la graine de violeur de femmes, pendant que le chœur des anarchistes et des gauchistes brame en faveur du mariage des minorités sexuelles et prie nuit et jour pour que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne soit pas mis au monde par les parrains de la gauche caviar.
Tout le monde n’a pas besoin ou peu besoin de sexe. Certains et certaines s’accommodent parfaitement bien d’une vie sans sexe – ce ne sont pas les plus intéressants ni les plus conviviaux – mais les besoins ne sont pas les mêmes pour tous. On est bien obligé d’en convenir.

LES SOURCES VERITABLES DE LA MISERE SEXUELLE

A partir des écrits de Karl Marx, le fameux Wilhem Reich mettait en parallèle le besoin alimentaire et le besoin de satisfaction sexuelle.  Il n’a jamais existé un «besoin » automatique de procréation, ni une loi divine de maintien de l’espèce pour ne forniquer que tous les neuf mois. Dans tous les cas l’attirance de l’homme pour la femme (et « vice » vers çà) repose sur la quête du plaisir. De même que l’on parle d’économie de l’alimentation il y a lieu de parler « d’économie sexuelle ». L’économie sexuelle de l’individu dépend de l’économie sexuelle  et hiérarchique de la société. Elle peut être « ordonnée » c'est-à-dire permettre la satisfaction génitale ou «désordonnée » (névrotique). Le besoin sexuel ne peut être écarté de la vie sociale comme interaction des rapports humains sensuels plus souvent que sociaux. Les besoins sexuels comme les autres en général sont faussés dans une société de compétition à mort. Reich est un original qui poussera un peu loin le bouchon plus tard avec sa filandreuse théorie de l’orgone et sa théorisation bizarre de la « capacité de travail » conçue comme essentiellement de l’énergie sexuelle transformée. Non monsieur Reich tout ne se ramène pas au cul ! Mais au départ, sur la base du marxisme vous étiez dans le vrai.  La société autoritaire (certes pas très permissive en ce qui concerne les perversions généralisées par les faux besoins capitalistes) règle le problème de la satisfaction des besoins sexuels en fonction de certains intérêts économiques. Pour l’ordre bourgeois un contrat est indispensable à l’ordre social et sexuel: le mariage monogame permanent imposé et la famille patriarcale. La famille patriarcale est ainsi, dans tous les pays (de l’Inde à l’Algérie) la fabrique d’idéologie la plus importante, le mur de protection juridique et armé contre d’autres désirs « bestiaux » qu’aucune religion n’a réussi à éradiquer. Problème autrement pervers : la sphère de production de la morale appartient au groupe des puissants, qui sont eux-mêmes hédonistes reconnus et maquereaux à leurs heures. La peur de la punition sexuelle n’est plus alors suffisante pour retenir le « retour du refoulé »…

Un problème de mentalité ?

L’Inde est-elle le pire pays pour les femmes ?
Les rapports de la Commission nationale des femmes déjà en 1996 et 1997) témoignaient, suite à des enquêtes réalisées par d’ex-prostituées assistées de chercheurs, du taux élevé d’abus sexuels chez les jeunes filles indiennes. Une femme sur trois induite dans la prostitution aurait expérimenté dans sa jeunesse un harcèlement sexuel de longue durée, un inceste ou un viol . Un certain Christophe Jaffrelot – interrogé sur France-Inter - spécialiste de l’Inde dénonce un problème de mentalité : « Ce ne sont pas les lois qu’il faut changer, ce sont les mentalités. Ce sont les appareils judiciaire et policier qu’il faut mettre en phase avec l’esprit des lois. (…) La classe politique est presque victime ou complice de la situation actuelle ». Un journal provincial rapporte que Selon une étude publiée par la fondation Trust Law en juin dernier, l'Inde serait le pire pays pour les femmes : « Les difficultés pour ces dernières commencent avant la naissance, puisque l’avortement de fœtus féminin, malgré son interdiction, n’est pas rare. D’après un sondage de TrustLaw, publié en 2011, le nombre de petites filles âgées de 0 à 6 ans pour 1.000 garçons est passé de 976 en 1961 à 914 en 2011, le pire résultat depuis l’Indépendance en 1947. Parmi celles qui survivent, beaucoup seront négligées par leurs parents ou leur entourage et subiront des maltraitances de toutes sortes ».
Comment  une telle violence faite aux femmes est-elle possible au pays du Kâmasûtra, un traité classique de l'hindouisme qui dame largement le pion au bouddhisme pudibond ? Dans lequel l'homosexualité féminine et masculine sont des aspects jugés naturels de la vie sexuelle.  Et quand on admire la pornographie antique  des sculptures sur certains temples comme celui de Khajuraho ?  Dans les rues de Delhi des hommes se promènent en se tenant par la main, et personne n'y trouve rien à redire ni ne pense immédiatement qu'il s'agit d'un couple "gay". Quand on pense aux moeurs occidentaux et moyen orientaux si puritains par rapport à la sexualité  brûlante indienne, népalaise, thaïlandaise ou japonaise... Quoique que le comportement des hommes face en particulier aux femmes touristes occidentales tienne du comportement plouc, et que, à Calcutta, Bombay ou Delhi ou y trouve des maisons closes et un quartier entier de Bombay, comme dans les bordels climatisés allemands, dans lequel les prostituées sont au pas de la porte au nombre de 150.000. Sans oublier – le fond toujours – un système de castes, officiellement interdit, qui recoupent une hiérarchie extrême des classes sociales où la plus grande misère (économique) côtoie la plus grande richesse…
Non l’Inde n’est pas le pire pays pour les femmes. L’Egypte peut tout à fait arriver en tête pour le harcèlement et le viol des femmes. L’Argentine en second pour le nombre de tuées dans le cadre du mariage. Le Maroc en troisième pour l’interdiction des relations sexuelles hors mariage. La bourgeoisie française peut occuper la marche à côté du podium avec sa magnanimité pour les auteurs des « tournantes » et sa radinerie immobilière qui empêche les jeunes de trouver en banlieue des lieux décents pour avoir leurs relations sexuelles. Les podiums pour désigner les gagnants de la misère sexuelle peuvent être aussi nombreux et diversifiés que ceux qui honorent chaque type de compétition aux jeux olympiques. Mais ces podiums sont peu honorables et ne méritent que les sifflets et les quolibets de la foule humaine.

QU’EST-CE QUE LA MISERE SEXUELLE ?

La notion est courante. Elle est même très méprisante. Elle est d’ailleurs du même ordre que la misère tout court. C’est un mot des puissants, despotes, rois, curés et grands bourgeois ont toujours compati à la misère. La misère a longtemps été un phénomène dû au hasard. Le hasard fait si bien les choses pour les puissants. Or, grâce à notre ami antique Spartacus, aux jacqueries du Moyen Age et aux révolutions prolétariennes modernes du XIXe siècle nous, les pelés, les miséreux et les malheureux nous avons compris, et restons fermement persuadés que la misère a « des causes », qu’elle ne tombe pas du ciel. La misère a ses « fauteurs ». Ces fauteurs de misère sont les puissants et les structures étatiques complexes dont ils se sont entourés pour nous la reprocher la misère. Pour nous l’attribuer. La misère n’est donc pas en premier lieu un état de fait, elle est une conséquence, un produit du type de société dans laquelle nous vivons et mourrons. C’est la même chose pour ce qui concerne la misère sexuelle. Et, avec Charles Fourier, nous assurons que l’avenir de la société n’est aucunement dans les relations formalisées et figées du mariage et de l’élevage en batterie républicaine.
La misère sexuelle n’est pas une « qualité » de celui ou celle qui sont moches, trop pauvres, impuissants ou frigides, elle est une conséquence d’un mode de vie imposé où la rotation et diversité des rencontres ne sont réservées qu’à un petit nombre de « riches ». Aux protestataires bourgeoises féministes et aux politiciens pervers qui appellent au meurtre des violeurs comme dan un pays régi par la charia, il ne faut pas craindre de leur jeter à la figure les conditions de vie épouvantables qui sont réservées à la masse qui a du pain et des jeux mais à qui on dénie « d’avoir du sexe », ou ce droit naturel à la libido. En Somalie, la plupart des hommes doivent attendre l’âge de quarante ans, c'est-à-dire le nombre d’années suffisantes pour pouvoir prétendre constituer une dot suffisante pour épouser une femme. Avec le chômage endémique qui frappe de plus en plus les pays à réserve de main d’œuvre bridée, les jeunes hommes en Egypte, en Tunisie, etc., ne peuvent pas plus prétendre trouver « une nana » que n’importe quel chômeur en France. A ces populations d’hommes frustrés de la vraie vie, on fait la morale en leur jetant comme à des chiens en rut la pornographie gratuite sur internet. Masturbez-vous mais ne violez pas nos femmes !
Une autre explication s’ajoute immédiatement à celle que je viens de décrire – qui a aussi pour cause la société bourgeoise décadente. Les stéréotypes du colonialisme ont la vie dure concernant  par exemple les nombreux viols d’enfants en Afrique : l’idée selon laquelle les noirs auraient une sexualité débridée. Cette fable est née dans l’esprit des pillards colonisateurs, et a été trop longtemps érigée d’autorité en connaissance scientifique au XIXe siècle.
Constat pour l’Afrique d’aujourd’hui : 150 millions de filles et 73 millions de garçons de moins de18 ans ont subi des rapports sexuels forcés ou d'autres formes de violence sexuelle impliquant le contact physique. De toutes les formes de maltraitance d’enfant signalées en Afrique un nombre important ont été les cas d'abus sexuel. Quelque part en Afrique, 45% des enfants diagnostiqués comme ayant été abusées avaient été abusés sexuellement. Dans une certaine communauté d'Afrique orientale, 49% des filles sexuellement actives d’écoles primaire savaient été contraints à avoir des relations sexuelles. Une telle situation désastreuse ne peut plus être mise sur le dos de la société africaine traditionnelle. Dans la société traditionnelle africaine, l’abus sexuel des enfants n’existait quasiment pas. La société primitive avait créé un système où les enfants étaient protégés par de multiples façons, allant de tabous rigoureux centré sur les relations et les modes de vie et à un rôle prégnant des parents. Dans les sociétés traditionnelles, les parents n'étaient pas seulement les principaux agents de socialisation pour les enfants, mais ils étaient vigilants quand il y avait un risque que les enfants ne soient pas protégés. Avec le pachyderme capitaliste qui détruit toute vie au village, toute relation sociale et pousse les pères à émigrer, les parents ont abdiqué leurs responsabilités à des amis, des enseignants, des groupes religieux et dans certains cas, à des personnes qu'ils connaissaient très peu, eux-mêmes sans plus de repères et paupérisés. Les mères envoient leurs enfants faire les commissions de nuit ou à les confient à des étrangers, peu scrupuleux dans des zones où règne les cartels de la drogue et les sergents recruteurs pour les nombreux clans militaires et terroristes. Certains parents vendent leurs enfants à ces sergents recruteurs ou à des maquerelles, pensant ainsi leur préserver un avenir…
La misère sexuelle, qui suppose viol des femmes et des enfants, joue en même temps le rôle de révélateur de la « crise sexuelle » du capitalisme en Chine.

EN CHINE LA MISERE SEXUELLE FAIT ECLATER LE MYTHE RELIGIEUX DU CHEF SUPREME

Ou la revanche de Confucius sur Mao. Dans le Confucianisme classique comme au vu des critères modernes, une bonne vie se caractérise par deux éléments : être bien nourri et être satisfait de sa vie sexuelle. Après avoir résolu le problème du pain, la Chine devrait donc mettre un terme à la répression sexuelle de ses citoyens. Au moment où l'Occident faisait sa révolution sexuelle, dans les années 1960, la Chine subissait de plein fouet une révolution peu culturelle vouée à éradiquer "tous les éléments capitalistes" de la société chinoise. Mao qui était un grand consommateur de femmes était soucieux par contre de la chasteté de son peuple dont il pensait dissoudre la libido par sa mystique politique stalinienne. Aujourd'hui, après des décennies de frustration, la libido chinoise a resurgi avec l’excitation de la croissance économique et de l’accumulation distributive. Les Chinois s'aperçoivent qu'au lieu d'aimer un totem ventru, ils peuvent très bien s'aimer entre eux. Le résultat, c'est une véritable explosion de l'énergie sexuelle, stimulée par l’ouverture vers le  « marché du mariage », lequel est un phénomène largement favorisé par la concentration des ressources (argent, pouvoir et prestige) entre les mains de quelques-uns depuis une vingtaine d'années, ainsi que par le déséquilibre hommes/femmes : aujourd'hui, il y a 120 hommes pour seulement 100 femmes en Chine. D'ici quinze ans, plusieurs dizaines de millions d'hommes seront dans l'incapacité de trouver une femme, ce qui fait craindre une guerre seule apte à légaliser les viols en masse. En attendant, le mariage est devenu un véritable "marché" où les femmes sont en position de marchandise dominante. La tentation pour elles d'utiliser le sexe ou le mariage pour s'élever socialement va grandissante, comme le montre un  sondage effectué par le site de rencontres hongniang.com : 43% des jeunes Chinoi(se)s placent la situation financière et l'environnement familial comme premier critère dans le choix d'un partenaire, devant les qualités personnelles.  Situation est d'autant plus grave que le sexe reste un sujet tabou dans la société chinoise, ce qui pèse sur l'épanouissement libidinal des individus. Des lois très répressives condamnent encore plusieurs pratiques sexuelles, comme l'orgie, passible de trois ans et demi de prison. Pourtant mariées près de 26% des femmes chinoises n'auraient jamais eu d'orgasme (pour une moyenne mondiale de 10%), le nombre moyen de partenaires sexuels au cours d'une vie est d'à peine 1,3 (contre 16 dans le monde), et, poids du maoïsme castrateur, à peine 30% des jeunes seraient favorables aux rapports avant le mariage. En général cependant les jeunes chinois sont prêts à se jeter sur la moindre petite annonce (fausse) prétendument envoyée par une jeune chinoise à la recherche de ce que les Occidentaux appellent "une aventure d'un soir".  Plus de 120 000 à consulteraient journellement ces sites. Le web est devenu le repère le plus frappant de la misère sexuelle de la jeunesse chinoise car dans le même temps, le régime continue de punir sévèrement la pornographie, en dépit de la liberté d'expression et de publication proclamée par la Constitution. Autre problème : le déficit d'éducation sexuelle des jeunes Chinois, qui pose des problèmes évidents. Selon ZeNews India, près de 14% des jeunes n'ont pas utilisé de contraceptif lors de leur première relation et sont assez brut de coffrage. Ce qui explique peut-être le taux élevé de contamination au VIH par voie sexuelle : 64%, selon le ministère de la santé. Nul doute, donc, que pour devenir un pays avancé, la Chine devrait mettre un terme à la répression sexuelle qu'elle exerce sur le peuple. En tout cas, elle conserve la solide tradition stalinienne de taire les faits divers, en particulier les viols, ce qui lui permet d’échapper au podium mondial de la maltraitance des femmes ; la Chine communiste accouplée avec le capitalisme ne peut cacher que son profit repose sur l’exploitation des enfants.

RECIT DU VOYAGE D’UNE FEMME SEULE EN INDE

« Voyager seule en Inde, c’est d’abord accepter d’aller dans un pays où les traditions sont omniprésentes et où la condition de la femme est loin d’être ce qu’elle est chez nous. Dans la majeure partie du pays, la femme est souvent reléguée aux tâches ménagères et autres travaux ingrats. Elle se marie à l’adolescence, avec un inconnu, intègre une famille tout aussi inconnue dès le mariage et rejoint le clan féminin de celle-ci. Elle devient, comme les autres, à la merci des envies et des désirs des hommes de la maison. Ces traditions évoluent lentement et on sent l’amorce d’un changement dans les grandes villes comme à Mumbay ou Delhi mais nous sommes encore loin du libre choix, même pour ceux qui partent étudier ou vivre à l’étranger et connaissent une vie à l’occidentale.
Passé l’âge de l’enfance ou de l’adolescence, la rencontre avec une indienne est quasi impossible sans la présence d’un père, d’un frère ou d’un mari. Au Rajasthan, j’ai été invitée par un homme, rencontré au hasard d’un thé, à un diner dans sa famille. Méfiante, j’ai voulu qu’il me la présente en pleine journée pour voir si je ne tombais pas dans un traquenard. Je suis arrivée au milieu du clan des femmes, elles étaient en train de faire la cuisine. Nous avons passé un moment sympathique et plus que rassurée, je dis Ok pour le diner. Le jour J arrivé, je n’ai diné qu’avec les hommes, sans en être prévenue à l’avance. Les femmes étaient soit disant végétariennes et donc n’avaient pas leur place autour du délicieux curry de mouton. Ce fût un moment très déstabilisant, d’autant que je n’étais pas tombée sur une famille d’une caste de bas niveau. Sans être ultra féministe, voir les femmes ainsi traitées, quelle ne puisse pas profiter d’une invitée au même titre que les hommes m’a dérangée voire révoltée. J’ai eu un sentiment identique lors de Holi, la fête des couleurs. A l’âge adulte, seuls les hommes participent. Le peu de femmes que vous voyez dans les rues, sont celles qui regardent l’animation depuis le pas de leur porte. En même temps, les hommes sont tellement frustrés, que cette fête est dangereuse pour elles.
Ne pas tenter les hommes frustrés
 Car oui, venons-en aux hommes. Comme la femme, un homme sait dès sa naissance qu’il ne choisira pas sa future épouse et sait que les rapports sexuels avec une indienne avant le mariage lui sont impossibles. La frustration est donc omniprésente et elle se lit facilement dans les yeux des hommes et dans leurs attitudes. Ils voient les petites occidentales comme de la chair et des filles faciles.  Même s’il vous arrivera rarement quelque chose de grave, mieux vaut être sur ses gardes. La vigilance reste la première des mises en garde vis-à-vis de ces hommes. Des regards insistants, des mains aux fesses, des hommes qui se grattent les couilles en vous regardant droit dans les yeux et sans aucune gêne, sont des choses que vous vivrez forcément à un moment ou un autre en Inde. C’est déstabilisant mais comme tout, on s’habitue et on ne fait plus attention. Mes premiers conseils sont donc de se fondre dans la masse et ne pas tenter. Toujours être habillée de façon à respecter les traditions et ne dévoiler aucun bout de chair interdit : épaules et genoux couverts et toujours avoir une écharpe ou une étole sur soi pour couvrir sa poitrine.
Difficile de marcher dans la rue sans se croire dans un métro aux heures de pointe. Difficile de s’isoler et de ne pas subir la misère, la saleté et toutes les impolitesses du pays : des crachats aux hommes qui pissent devant vous, de ceux qui se curent le nez à ceux qui trainent des pieds ou encore ceux qui tentent de vous arnaquer, les mendiants, il faut supporter tout ce que nous entoure, nous agresse, nous déroute et qui pourtant est de l’ordre de la normalité là-bas. Les villes sont grouillantes et souvent un piège pour le voyageur solitaire novice et en même temps une fois qu’on a vécu l’arnaque ou la fourberie une fois, on se durcit et on vit plus facilement les autres épreuves du voyage en solo.
Delhi fût l’une de mes plus mauvaises expériences en Inde. C’est la seule ville où je suis sortie de mes gonds (et il faut y aller pour me pousser à bout). De celui qui a essayé de m’arnaquer en me disant que le billet de train était acheté en surbooking au chauffeur de taxi qui ne trouve pas ma guesthouse pour m’emmener dans un hôtel où il touchera sa commission, en passant par le chauffeur de rickshaw qui te fait visiter tous les magasins de la ville. Bref, il faut être armé pour supporter les arnaques, la fourberie et la sournoiserie de l’Inde. Il faut savoir se créer une bulle tout en étant sur ses gardes et ferme car l’indien n’a peur de rien, n’a pas froid aux yeux. Il tente souvent le tout pour le tout. Il ne faut pas hésiter à le renvoyer dans ses buts ».

Sexualité et sociabilité en Inde du sud, de Frédéric Bourdier

La notion d’identité alternative :
« Par exemple, une femme qui s’adonne au commerce du sexe sera perçue comme une prostituée dans un milieu social restreint à ses collègues et clients, mais une fois retournée dans son quartier elle redevient mère de son enfant, femme de son mari, membre de sa belle-famille et rien dans son comportement ne la distingue des autres épouses. La notion d’identité alternative exprime aussi la possibilité d’une  échappatoire à une identité dominante qui doit, en quelque sorte, préfigurer. En témoignent les attitudes des étudiants issus des classes moyennes, des jeunes commerciaux et des jeunes femmes employées dans les firmes des villes qui adoptent un comportement conventionnel (vestimentaire, langagier, religieux) quand ils sont dans leurs familles mais qui s’affichent à la mode occidentale et se font fort de revendiquer des mœurs libertaires une fois hors de cet environnement familial immédiat. Ce phénomène de recomposition identitaire est plus complexe qu’il n’y paraît car si le jeu des perles de verre – une fois l’un, une fois l’autre – est bien réel, cela n’indique pas toujours la part de dissimulation et de sincérité. La notion d’identité alternative permet en fin de compte de saisir la différence entre deux attitudes similaires mais dont l’une reflète une certaine manière d’être, tandis que l’autre est une stratégie conventionnelle destinée à éviter le chaperonnage public. Il peut s’agir par exemple dans le cas d’une femme marchand seule dans la rue de dissimuler des signes qui pourraient être interprétés comme révélateurs d’une personne immorale. Significativement, plusieurs proverbes tamoules énoncent l’ambiguïté de rendre compte d’une continuité identitaire et induisent l’idée d’une identité flexible. Un d’entre eux stipule malicieusement que : « la femme karpu qui reste à la maison n’a que les apparences de la femme au foyer, alors que celle qui sort n’est pas toujours une prostituée ».
« On reste frappé par les tendances divergentes associées à la sexualité. Les valeurs oscillent entre deux modèles antithétiques : l’ascétisme et la sensualité. Les proverbes tamouls reconnaissent la noblesse du désir sexuel en même temps qu’ils vantent la continence ».
« Les représentations des sociétés indiennes a-sexualisées, dont la sexualité se canalise et se retreint à un partenaire unique, sont des représentations surfaites démenties par des contre-exemples anthropologiques. Il s’agit tout au plus d’une image idéalisée, jamais accomplie, peu différente finalement de celle à laquelle tend la vision chrétienne, musulmane et toute autre religion révélée en général. On est en droit de se demander s’il existe une spécificité hindoue – ou tamoule – de la notion de fidélité : elle est comme dans la plupart des sociétés, une valeur vers laquelle ont tend, constamment remise en question dans les pratiques quotidiennes, et dont l’irrespect est plus ou moins toléré suivant les circonstances. La première idée préconçue, fortement ancrée, venant à l’esprit de celui qui porte un regard sur l’Inde, dénonce que la sexualité ne peut exister en dehors de l’institution du mariage : seules des personnes en marge de la société osent mettre à l’épreuve la sacro-sainte règle ».
« On est intrigué au début de l’acceptation des prostituées dans le bidonville. On leur confie les enfants à garder, elles vont et viennent librement, discutent et plaisantent avec les autres femmes de tout âge. Tout le monde sait parfaitement qui elles sont et ce qu’elles font, mais une sorte de complicité mutuelle, ou plus exactement d’adoption consensuelle, s’établit. Les habitants issus d’un milieu pauvre se doutent des circonstances sociofamiliales dramatiques qui ont poussé ces femmes à séjourner en ces lieux et se gardent de jugements sévères, d’autant plus que le commerce profite à tout le monde ».
« … on doit réfuter l’idée que l’homme a le privilège de la quête du plaisir tandis que la femme reste contrainte d’assumer la position d’un être passif et inanimé. Bien au contraire, nos discussions patientes révèlent que l’insatisfaction sexuelle chez une femme constitue une des causes fréquentes de séparation (ou de menace de séparation), et encore plus de recherche de relation extramaritale. Chez les basses castes où le divorce est plus socialement aisé, les femmes n’hésitent pas à quitter le foyer quand y siège un mari impotent, un homme excessivement maladroit. Il est absurde de penser, comme certaines études le font croire que la Femme indienne sublime automatiquement sa sexualité et la reporte sur son amour maternel, dans l’alimentation et dans la religion. Des témoignages récents, ainsi que des travaux scientifiques aux résultats parus dans les revues féminines (Femina, Debonair) osent parler des relations extramaritales qui sont à l’initiative de la femme. En témoignent les réseaux d’épouses dont l’insatisfaction se mêle à l’ennui et qui n’hésitent pas à payer les services sexuels de jeunes hommes plus fringants que leur mari. Dans les villes du Tamil Nadu, existent des pseudo-cliniques qui reçoivent de fausses malades. La première consultation se restreint à la commande : la femme suggère le type d’homme qu’elle désire. Celui-ci sera disponible quelques jours après (…) Pour les jeunes désoeuvrés et les personnes esseulées, l’absence d’informations fiables et ouvertement disponibles ainsi que les possibilités réduites de rencontre, font que la pornographie devient une méthode d’initiation et d’apprentissage de la sexualité, plus qu’un moyen de satisfaction de leur libido ».

LE DESIR DE VENGEANCE VIOLENTE DE LA PETITE BOURGEOISIE


Dans un article de The Telegraph repris par Le Courrier International du Monde, Manini Chatterjee fournit une analyse pertinente des réactions au viol ignoble dans le bus de New Delhi, suivi de la mort de l’étudiante, qui a ému le monde entier bien pensant, persuadé que l’Inde est le seul pays arriéré et en retard sur le plan de la sexualité.



Après une affaire de viol, une partie de la classe moyenne est descendue dans la rue pour réclamer les pires châtiments pour les coupables. En oubliant ses propres responsabilités.
New Delhi est une ville dure, aussi rude et extrême que son climat. Une ville où les plus riches et les plus misérables coexistent, avec, entre ces deux extrêmes, une importante et bouillonnante classe moyenne à laquelle nous appartenons, moi et tous les manifestants qui sont aujourd’hui rassemblés [pour protester contre le viol en réunion d’une jeune femme et l’agression de son ami le 16 décembre]. Mais cet événement atroce a dépassé la mesure, même pour New Delhi. Cette agression a déclenché quelque chose de fondamental en nous, elle a fait monter la peur et la colère, le mécontentement et le désespoir, le sentiment d’isolement et le désir de solidarité qui couvent inconsciemment et continuellement sous la surface de cette métropole gigantesque et complexe.  Il est donc naturel que la sauvagerie de ces actes, perpétrés dans le sud [plus chic] de la capitale, et non dans un bidonville parmi d’autres, sur un jeune couple qui rentrait à la maison après avoir vu un film en anglais dans un cinéma multiplexe – et non sur des villageois des Etats avoisinants, ait soulevé une profonde indignation au sein de la classe moyenne et fait descendre dans la rue les habitants des quartiers aisés de la ville. Ce sont des étudiants – surtout des étudiantes – des couches les plus riches de la société de New Delhi qui ont pris la tête du mouvement. Un événement très important, cathartique, semble se produire : une ville habituée à vivre dans la violence, l’intimidation et l’intolérance se cherche une nouvelle identité.

Nécessaire introspection

Alors pourquoi, quant à moi, je n’adhère plus à la mobilisation générale ? Pourquoi est-ce que je me sens plus déprimée par l’avenir de ma ville qu’au moment où la nouvelle du viol est tombée ? Pourquoi les manifestants suscitent-ils en moi plus de tristesse que d’espoir ? Parce qu’eux-mêmes ont affiché une haine, une rage et une attitude moralisatrice qui ne peuvent qu’aggraver – et non guérir – la blessure psychique subie par la ville. Il est parfaitement compréhensible que les gens réclament l’arrestation des coupables et un jugement rapide, qu’ils veuillent que la justice soit rendue dans les plus brefs délais pour dissuader de nouvelles agressions. Mais comment expliquer les répugnantes banderoles brandies par les manifestants et réclamant la pendaison, la lapidation ou la castration en public des violeurs, avec illustrations à l’appui ? Et les slogans scandés contre la police et le gouvernement comme s’ils étaient les seuls responsables des dérives de notre société et comme si nous-mêmes n’avions rien à nous reprocher ?

C’est regrettable à dire, mais les manifestations ont mis en lumière les aspects les plus sombres de notre classe moyenne citadine : son désir de vengeance plutôt que de justice, son sentiment de colère dépourvu de compassion, sa tendance à attaquer les autres sans jamais se remettre en question. C’est cette mentalité du “chacun pour soi” qui fait de New Delhi un endroit où il ne fait pas bon vivre, où les automobilistes roulent délibérément dans les flaques d’eau pour éclabousser les piétons, où les habitants des quartiers chics considèrent souvent les plombiers, les électriciens et les marchands ambulants quasi comme des criminels, où les serveuses et les employées des postes de péage sont régulièrement violées, voire abattues, par des hommes et des femmes plus riches et plus puissants qu’elles. New Delhi a besoin de transports plus performants et plus sûrs, de forces de l’ordre plus vigilantes et d’une justice plus efficace. Mais ce dont la ville a besoin avant tout, c’est de plus de compassion et de compréhension, de plus de partage et de moins d’inégalité, de plus d’introspection et de moins de mises à l’index.

EPILOGUE : LE VIOL N’EST PAS UNE CONSEQUENCE DE LA MISERE SEXUELLE

 Des chercheurs britanniques, ayant étudié des sujets masculins frappés de misère sexuelle et affective hétérosexuelle , ont déclaré que ceux ci étant tellement frustrés de n'avoir ni femmes ni sexe, ni affection, vivent une sorte d’autisme total et sont plongés dans de graves états dépressifs. De ce fait ils ne désirent nullement  chercher à compenser leur manque affectifs et sexuels par la consommation d' achats matériels ou par le viol. La plupart ont même refusé des produits de substitution comme de l'alcool, ou bien des médicaments chimiques.
Les hommes ne violent pas parce qu’ils sont dans un état de misère sexuelle (sinon tous les célibataires de longue durée seraient des violeurs), mais parce qu’ils se donnent le droit d’assouvir leurs désirs sur le corps d’un autre – ils peuvent être d’ailleurs mariés ou séducteurs sans problème. L’attitude du violeur est typique du « possédant » qui veut toujours plus et surtout ce qu’il n’a pas. Le violeur considère que son besoin est supérieur au bien être de celle qu’il viole, laquelle, comme victime soumise par sa violence, n’existe pas. Mentalité oui, mais pas de tribu, ni traditionnelle, mais typique de l’esprit du capitalisme, de la voyoucratie capitaliste moderne.
Le sexe conçu comme partie basse de l’amour suppose la gratuité pour les plus mal lotis comme pour les plus riches. Or la société bourgeoise propose un compromis tarifé : les bordels. Comment s’étonner alors que les riches violent plus que les pauvres. Car leur tirelire leur sera abondée.
Le viol est un acte d'anéantissement, il exprime la volonté de dominer l'autre et de le détruire, crient les féministes qui se taisent sur l’origine de cette « volonté de dominer l’autre ».
La prostitution serait indispensable aux moches et aux handicapés pour avoir des relations sexuelles. Faux,  les "clients" proviennent de tous milieux sociaux et ne sont pas de grands isolés. Les bourgeois sont aussi aliénés sexuellement que les prolétaires.


A partir des écrits de Karl Marx, Reich, on l’a vu, a mis le premier en parallèle le besoin alimentaire et le besoin de satisfaction sexuelle. Il n’existe pas de «besoin » de procréation, de maintien de l’espèce.» La société bourgeoise règle le problème de la satisfaction des besoins sexuels en fonction de ses intérêts économiques pour la reproduction des « proles », fils de prolétaires. Tout  les plaisirs du monde restent à découvrir. Mais ce sera pour d’autres générations.



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