PAGES PROLETARIENNES

jeudi 3 janvier 2013

CES BONS VIEUX PONCIFS SUR LA MISERE SEXUELLE GENERALISEE





Le viol et le massacre à la barre de fer d’une jeune étudiante indoue à la mi-décembre 2012 dans la mégapole New Delhi a suscité un peu partout, amplifié par le simplisme de la presse mondiale, un sentiment d’horreur et de réprobation. Comme si ce viol était unique, soudain, inexplicable et typique des pays sous-développés « culturellement », et n’avait pour justice que la « vengeance populaire » bien saignante et castratrice. Une dizaine d’années plus tôt,  le 26 avril 1998, un homme de 35 ans avait été brûlé vif par les habitants d’un village de Chennai, la capitale du Tamil Nadu. Il était soupçonné d’appartenir à une bande qui répandait la terreur dans la banlieue ouest de la métropole. Quelques jours auparavant, les membres du gang avaient été arrêtés par la police puis relâchés, ce qui avait provoqué la colère des hommes et des femmes de la localité. Ce groupe de trois hommes était accusé de commettre des viols et d’injecter du sang infecté par le virus du sida. Dans l’après-midi, la foule s’était emparée dudit coupable, puis le lyncha avant de l’immoler après l’avoir arrosé de kérosène (genre de vindicte populaire plus courante en Afrique). Les manifestants des couches moyennes de New Delhi ont dû se contenter d’affiches appelant au meurtre des coupables comme si la société capitaliste indienne pouvait se racheter de ses mœurs ambigus sous le bric à brac hindouiste, et se laver dans le Gange de ses relations tarifaires de castes et de classes, et des coups de bâtons policiers. Partout dans la presse et dans les blogs rejaillirent les sempiternelles questions : « pourquoi le viol ? », « en quoi est-il un crime ? », « doit-on interdire la prostitution et les films pornos ? » comme le brament les bourges féministes, « faut leur couper les couilles », etc. Les appels à la vengeance ressortent le même disque rayé des curetons : à bas les pulsions malsaines, foin des « mentalités » de sous-développés, vive la justice impitoyable ! Vivement des mœurs régulées par une population mieux surveillée et éduquée ! Le discours féministe a remplacé celui des curés et les lesbiennes de l’élite peuvent expliquer aux moches frustrés et aux pue-la-sueur  que les femmes en général peuvent vivre sans homme, et qu’au moins leurs coreligionnaires homosexuels ne sont pas de la graine de violeur de femmes, pendant que le chœur des anarchistes et des gauchistes brame en faveur du mariage des minorités sexuelles et prie nuit et jour pour que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne soit pas mis au monde par les parrains de la gauche caviar.
Tout le monde n’a pas besoin ou peu besoin de sexe. Certains et certaines s’accommodent parfaitement bien d’une vie sans sexe – ce ne sont pas les plus intéressants ni les plus conviviaux – mais les besoins ne sont pas les mêmes pour tous. On est bien obligé d’en convenir.

LES SOURCES VERITABLES DE LA MISERE SEXUELLE

A partir des écrits de Karl Marx, le fameux Wilhem Reich mettait en parallèle le besoin alimentaire et le besoin de satisfaction sexuelle.  Il n’a jamais existé un «besoin » automatique de procréation, ni une loi divine de maintien de l’espèce pour ne forniquer que tous les neuf mois. Dans tous les cas l’attirance de l’homme pour la femme (et « vice » vers çà) repose sur la quête du plaisir. De même que l’on parle d’économie de l’alimentation il y a lieu de parler « d’économie sexuelle ». L’économie sexuelle de l’individu dépend de l’économie sexuelle  et hiérarchique de la société. Elle peut être « ordonnée » c'est-à-dire permettre la satisfaction génitale ou «désordonnée » (névrotique). Le besoin sexuel ne peut être écarté de la vie sociale comme interaction des rapports humains sensuels plus souvent que sociaux. Les besoins sexuels comme les autres en général sont faussés dans une société de compétition à mort. Reich est un original qui poussera un peu loin le bouchon plus tard avec sa filandreuse théorie de l’orgone et sa théorisation bizarre de la « capacité de travail » conçue comme essentiellement de l’énergie sexuelle transformée. Non monsieur Reich tout ne se ramène pas au cul ! Mais au départ, sur la base du marxisme vous étiez dans le vrai.  La société autoritaire (certes pas très permissive en ce qui concerne les perversions généralisées par les faux besoins capitalistes) règle le problème de la satisfaction des besoins sexuels en fonction de certains intérêts économiques. Pour l’ordre bourgeois un contrat est indispensable à l’ordre social et sexuel: le mariage monogame permanent imposé et la famille patriarcale. La famille patriarcale est ainsi, dans tous les pays (de l’Inde à l’Algérie) la fabrique d’idéologie la plus importante, le mur de protection juridique et armé contre d’autres désirs « bestiaux » qu’aucune religion n’a réussi à éradiquer. Problème autrement pervers : la sphère de production de la morale appartient au groupe des puissants, qui sont eux-mêmes hédonistes reconnus et maquereaux à leurs heures. La peur de la punition sexuelle n’est plus alors suffisante pour retenir le « retour du refoulé »…

Un problème de mentalité ?

L’Inde est-elle le pire pays pour les femmes ?
Les rapports de la Commission nationale des femmes déjà en 1996 et 1997) témoignaient, suite à des enquêtes réalisées par d’ex-prostituées assistées de chercheurs, du taux élevé d’abus sexuels chez les jeunes filles indiennes. Une femme sur trois induite dans la prostitution aurait expérimenté dans sa jeunesse un harcèlement sexuel de longue durée, un inceste ou un viol . Un certain Christophe Jaffrelot – interrogé sur France-Inter - spécialiste de l’Inde dénonce un problème de mentalité : « Ce ne sont pas les lois qu’il faut changer, ce sont les mentalités. Ce sont les appareils judiciaire et policier qu’il faut mettre en phase avec l’esprit des lois. (…) La classe politique est presque victime ou complice de la situation actuelle ». Un journal provincial rapporte que Selon une étude publiée par la fondation Trust Law en juin dernier, l'Inde serait le pire pays pour les femmes : « Les difficultés pour ces dernières commencent avant la naissance, puisque l’avortement de fœtus féminin, malgré son interdiction, n’est pas rare. D’après un sondage de TrustLaw, publié en 2011, le nombre de petites filles âgées de 0 à 6 ans pour 1.000 garçons est passé de 976 en 1961 à 914 en 2011, le pire résultat depuis l’Indépendance en 1947. Parmi celles qui survivent, beaucoup seront négligées par leurs parents ou leur entourage et subiront des maltraitances de toutes sortes ».
Comment  une telle violence faite aux femmes est-elle possible au pays du Kâmasûtra, un traité classique de l'hindouisme qui dame largement le pion au bouddhisme pudibond ? Dans lequel l'homosexualité féminine et masculine sont des aspects jugés naturels de la vie sexuelle.  Et quand on admire la pornographie antique  des sculptures sur certains temples comme celui de Khajuraho ?  Dans les rues de Delhi des hommes se promènent en se tenant par la main, et personne n'y trouve rien à redire ni ne pense immédiatement qu'il s'agit d'un couple "gay". Quand on pense aux moeurs occidentaux et moyen orientaux si puritains par rapport à la sexualité  brûlante indienne, népalaise, thaïlandaise ou japonaise... Quoique que le comportement des hommes face en particulier aux femmes touristes occidentales tienne du comportement plouc, et que, à Calcutta, Bombay ou Delhi ou y trouve des maisons closes et un quartier entier de Bombay, comme dans les bordels climatisés allemands, dans lequel les prostituées sont au pas de la porte au nombre de 150.000. Sans oublier – le fond toujours – un système de castes, officiellement interdit, qui recoupent une hiérarchie extrême des classes sociales où la plus grande misère (économique) côtoie la plus grande richesse…
Non l’Inde n’est pas le pire pays pour les femmes. L’Egypte peut tout à fait arriver en tête pour le harcèlement et le viol des femmes. L’Argentine en second pour le nombre de tuées dans le cadre du mariage. Le Maroc en troisième pour l’interdiction des relations sexuelles hors mariage. La bourgeoisie française peut occuper la marche à côté du podium avec sa magnanimité pour les auteurs des « tournantes » et sa radinerie immobilière qui empêche les jeunes de trouver en banlieue des lieux décents pour avoir leurs relations sexuelles. Les podiums pour désigner les gagnants de la misère sexuelle peuvent être aussi nombreux et diversifiés que ceux qui honorent chaque type de compétition aux jeux olympiques. Mais ces podiums sont peu honorables et ne méritent que les sifflets et les quolibets de la foule humaine.

QU’EST-CE QUE LA MISERE SEXUELLE ?

La notion est courante. Elle est même très méprisante. Elle est d’ailleurs du même ordre que la misère tout court. C’est un mot des puissants, despotes, rois, curés et grands bourgeois ont toujours compati à la misère. La misère a longtemps été un phénomène dû au hasard. Le hasard fait si bien les choses pour les puissants. Or, grâce à notre ami antique Spartacus, aux jacqueries du Moyen Age et aux révolutions prolétariennes modernes du XIXe siècle nous, les pelés, les miséreux et les malheureux nous avons compris, et restons fermement persuadés que la misère a « des causes », qu’elle ne tombe pas du ciel. La misère a ses « fauteurs ». Ces fauteurs de misère sont les puissants et les structures étatiques complexes dont ils se sont entourés pour nous la reprocher la misère. Pour nous l’attribuer. La misère n’est donc pas en premier lieu un état de fait, elle est une conséquence, un produit du type de société dans laquelle nous vivons et mourrons. C’est la même chose pour ce qui concerne la misère sexuelle. Et, avec Charles Fourier, nous assurons que l’avenir de la société n’est aucunement dans les relations formalisées et figées du mariage et de l’élevage en batterie républicaine.
La misère sexuelle n’est pas une « qualité » de celui ou celle qui sont moches, trop pauvres, impuissants ou frigides, elle est une conséquence d’un mode de vie imposé où la rotation et diversité des rencontres ne sont réservées qu’à un petit nombre de « riches ». Aux protestataires bourgeoises féministes et aux politiciens pervers qui appellent au meurtre des violeurs comme dan un pays régi par la charia, il ne faut pas craindre de leur jeter à la figure les conditions de vie épouvantables qui sont réservées à la masse qui a du pain et des jeux mais à qui on dénie « d’avoir du sexe », ou ce droit naturel à la libido. En Somalie, la plupart des hommes doivent attendre l’âge de quarante ans, c'est-à-dire le nombre d’années suffisantes pour pouvoir prétendre constituer une dot suffisante pour épouser une femme. Avec le chômage endémique qui frappe de plus en plus les pays à réserve de main d’œuvre bridée, les jeunes hommes en Egypte, en Tunisie, etc., ne peuvent pas plus prétendre trouver « une nana » que n’importe quel chômeur en France. A ces populations d’hommes frustrés de la vraie vie, on fait la morale en leur jetant comme à des chiens en rut la pornographie gratuite sur internet. Masturbez-vous mais ne violez pas nos femmes !
Une autre explication s’ajoute immédiatement à celle que je viens de décrire – qui a aussi pour cause la société bourgeoise décadente. Les stéréotypes du colonialisme ont la vie dure concernant  par exemple les nombreux viols d’enfants en Afrique : l’idée selon laquelle les noirs auraient une sexualité débridée. Cette fable est née dans l’esprit des pillards colonisateurs, et a été trop longtemps érigée d’autorité en connaissance scientifique au XIXe siècle.
Constat pour l’Afrique d’aujourd’hui : 150 millions de filles et 73 millions de garçons de moins de18 ans ont subi des rapports sexuels forcés ou d'autres formes de violence sexuelle impliquant le contact physique. De toutes les formes de maltraitance d’enfant signalées en Afrique un nombre important ont été les cas d'abus sexuel. Quelque part en Afrique, 45% des enfants diagnostiqués comme ayant été abusées avaient été abusés sexuellement. Dans une certaine communauté d'Afrique orientale, 49% des filles sexuellement actives d’écoles primaire savaient été contraints à avoir des relations sexuelles. Une telle situation désastreuse ne peut plus être mise sur le dos de la société africaine traditionnelle. Dans la société traditionnelle africaine, l’abus sexuel des enfants n’existait quasiment pas. La société primitive avait créé un système où les enfants étaient protégés par de multiples façons, allant de tabous rigoureux centré sur les relations et les modes de vie et à un rôle prégnant des parents. Dans les sociétés traditionnelles, les parents n'étaient pas seulement les principaux agents de socialisation pour les enfants, mais ils étaient vigilants quand il y avait un risque que les enfants ne soient pas protégés. Avec le pachyderme capitaliste qui détruit toute vie au village, toute relation sociale et pousse les pères à émigrer, les parents ont abdiqué leurs responsabilités à des amis, des enseignants, des groupes religieux et dans certains cas, à des personnes qu'ils connaissaient très peu, eux-mêmes sans plus de repères et paupérisés. Les mères envoient leurs enfants faire les commissions de nuit ou à les confient à des étrangers, peu scrupuleux dans des zones où règne les cartels de la drogue et les sergents recruteurs pour les nombreux clans militaires et terroristes. Certains parents vendent leurs enfants à ces sergents recruteurs ou à des maquerelles, pensant ainsi leur préserver un avenir…
La misère sexuelle, qui suppose viol des femmes et des enfants, joue en même temps le rôle de révélateur de la « crise sexuelle » du capitalisme en Chine.

EN CHINE LA MISERE SEXUELLE FAIT ECLATER LE MYTHE RELIGIEUX DU CHEF SUPREME

Ou la revanche de Confucius sur Mao. Dans le Confucianisme classique comme au vu des critères modernes, une bonne vie se caractérise par deux éléments : être bien nourri et être satisfait de sa vie sexuelle. Après avoir résolu le problème du pain, la Chine devrait donc mettre un terme à la répression sexuelle de ses citoyens. Au moment où l'Occident faisait sa révolution sexuelle, dans les années 1960, la Chine subissait de plein fouet une révolution peu culturelle vouée à éradiquer "tous les éléments capitalistes" de la société chinoise. Mao qui était un grand consommateur de femmes était soucieux par contre de la chasteté de son peuple dont il pensait dissoudre la libido par sa mystique politique stalinienne. Aujourd'hui, après des décennies de frustration, la libido chinoise a resurgi avec l’excitation de la croissance économique et de l’accumulation distributive. Les Chinois s'aperçoivent qu'au lieu d'aimer un totem ventru, ils peuvent très bien s'aimer entre eux. Le résultat, c'est une véritable explosion de l'énergie sexuelle, stimulée par l’ouverture vers le  « marché du mariage », lequel est un phénomène largement favorisé par la concentration des ressources (argent, pouvoir et prestige) entre les mains de quelques-uns depuis une vingtaine d'années, ainsi que par le déséquilibre hommes/femmes : aujourd'hui, il y a 120 hommes pour seulement 100 femmes en Chine. D'ici quinze ans, plusieurs dizaines de millions d'hommes seront dans l'incapacité de trouver une femme, ce qui fait craindre une guerre seule apte à légaliser les viols en masse. En attendant, le mariage est devenu un véritable "marché" où les femmes sont en position de marchandise dominante. La tentation pour elles d'utiliser le sexe ou le mariage pour s'élever socialement va grandissante, comme le montre un  sondage effectué par le site de rencontres hongniang.com : 43% des jeunes Chinoi(se)s placent la situation financière et l'environnement familial comme premier critère dans le choix d'un partenaire, devant les qualités personnelles.  Situation est d'autant plus grave que le sexe reste un sujet tabou dans la société chinoise, ce qui pèse sur l'épanouissement libidinal des individus. Des lois très répressives condamnent encore plusieurs pratiques sexuelles, comme l'orgie, passible de trois ans et demi de prison. Pourtant mariées près de 26% des femmes chinoises n'auraient jamais eu d'orgasme (pour une moyenne mondiale de 10%), le nombre moyen de partenaires sexuels au cours d'une vie est d'à peine 1,3 (contre 16 dans le monde), et, poids du maoïsme castrateur, à peine 30% des jeunes seraient favorables aux rapports avant le mariage. En général cependant les jeunes chinois sont prêts à se jeter sur la moindre petite annonce (fausse) prétendument envoyée par une jeune chinoise à la recherche de ce que les Occidentaux appellent "une aventure d'un soir".  Plus de 120 000 à consulteraient journellement ces sites. Le web est devenu le repère le plus frappant de la misère sexuelle de la jeunesse chinoise car dans le même temps, le régime continue de punir sévèrement la pornographie, en dépit de la liberté d'expression et de publication proclamée par la Constitution. Autre problème : le déficit d'éducation sexuelle des jeunes Chinois, qui pose des problèmes évidents. Selon ZeNews India, près de 14% des jeunes n'ont pas utilisé de contraceptif lors de leur première relation et sont assez brut de coffrage. Ce qui explique peut-être le taux élevé de contamination au VIH par voie sexuelle : 64%, selon le ministère de la santé. Nul doute, donc, que pour devenir un pays avancé, la Chine devrait mettre un terme à la répression sexuelle qu'elle exerce sur le peuple. En tout cas, elle conserve la solide tradition stalinienne de taire les faits divers, en particulier les viols, ce qui lui permet d’échapper au podium mondial de la maltraitance des femmes ; la Chine communiste accouplée avec le capitalisme ne peut cacher que son profit repose sur l’exploitation des enfants.

RECIT DU VOYAGE D’UNE FEMME SEULE EN INDE

« Voyager seule en Inde, c’est d’abord accepter d’aller dans un pays où les traditions sont omniprésentes et où la condition de la femme est loin d’être ce qu’elle est chez nous. Dans la majeure partie du pays, la femme est souvent reléguée aux tâches ménagères et autres travaux ingrats. Elle se marie à l’adolescence, avec un inconnu, intègre une famille tout aussi inconnue dès le mariage et rejoint le clan féminin de celle-ci. Elle devient, comme les autres, à la merci des envies et des désirs des hommes de la maison. Ces traditions évoluent lentement et on sent l’amorce d’un changement dans les grandes villes comme à Mumbay ou Delhi mais nous sommes encore loin du libre choix, même pour ceux qui partent étudier ou vivre à l’étranger et connaissent une vie à l’occidentale.
Passé l’âge de l’enfance ou de l’adolescence, la rencontre avec une indienne est quasi impossible sans la présence d’un père, d’un frère ou d’un mari. Au Rajasthan, j’ai été invitée par un homme, rencontré au hasard d’un thé, à un diner dans sa famille. Méfiante, j’ai voulu qu’il me la présente en pleine journée pour voir si je ne tombais pas dans un traquenard. Je suis arrivée au milieu du clan des femmes, elles étaient en train de faire la cuisine. Nous avons passé un moment sympathique et plus que rassurée, je dis Ok pour le diner. Le jour J arrivé, je n’ai diné qu’avec les hommes, sans en être prévenue à l’avance. Les femmes étaient soit disant végétariennes et donc n’avaient pas leur place autour du délicieux curry de mouton. Ce fût un moment très déstabilisant, d’autant que je n’étais pas tombée sur une famille d’une caste de bas niveau. Sans être ultra féministe, voir les femmes ainsi traitées, quelle ne puisse pas profiter d’une invitée au même titre que les hommes m’a dérangée voire révoltée. J’ai eu un sentiment identique lors de Holi, la fête des couleurs. A l’âge adulte, seuls les hommes participent. Le peu de femmes que vous voyez dans les rues, sont celles qui regardent l’animation depuis le pas de leur porte. En même temps, les hommes sont tellement frustrés, que cette fête est dangereuse pour elles.
Ne pas tenter les hommes frustrés
 Car oui, venons-en aux hommes. Comme la femme, un homme sait dès sa naissance qu’il ne choisira pas sa future épouse et sait que les rapports sexuels avec une indienne avant le mariage lui sont impossibles. La frustration est donc omniprésente et elle se lit facilement dans les yeux des hommes et dans leurs attitudes. Ils voient les petites occidentales comme de la chair et des filles faciles.  Même s’il vous arrivera rarement quelque chose de grave, mieux vaut être sur ses gardes. La vigilance reste la première des mises en garde vis-à-vis de ces hommes. Des regards insistants, des mains aux fesses, des hommes qui se grattent les couilles en vous regardant droit dans les yeux et sans aucune gêne, sont des choses que vous vivrez forcément à un moment ou un autre en Inde. C’est déstabilisant mais comme tout, on s’habitue et on ne fait plus attention. Mes premiers conseils sont donc de se fondre dans la masse et ne pas tenter. Toujours être habillée de façon à respecter les traditions et ne dévoiler aucun bout de chair interdit : épaules et genoux couverts et toujours avoir une écharpe ou une étole sur soi pour couvrir sa poitrine.
Difficile de marcher dans la rue sans se croire dans un métro aux heures de pointe. Difficile de s’isoler et de ne pas subir la misère, la saleté et toutes les impolitesses du pays : des crachats aux hommes qui pissent devant vous, de ceux qui se curent le nez à ceux qui trainent des pieds ou encore ceux qui tentent de vous arnaquer, les mendiants, il faut supporter tout ce que nous entoure, nous agresse, nous déroute et qui pourtant est de l’ordre de la normalité là-bas. Les villes sont grouillantes et souvent un piège pour le voyageur solitaire novice et en même temps une fois qu’on a vécu l’arnaque ou la fourberie une fois, on se durcit et on vit plus facilement les autres épreuves du voyage en solo.
Delhi fût l’une de mes plus mauvaises expériences en Inde. C’est la seule ville où je suis sortie de mes gonds (et il faut y aller pour me pousser à bout). De celui qui a essayé de m’arnaquer en me disant que le billet de train était acheté en surbooking au chauffeur de taxi qui ne trouve pas ma guesthouse pour m’emmener dans un hôtel où il touchera sa commission, en passant par le chauffeur de rickshaw qui te fait visiter tous les magasins de la ville. Bref, il faut être armé pour supporter les arnaques, la fourberie et la sournoiserie de l’Inde. Il faut savoir se créer une bulle tout en étant sur ses gardes et ferme car l’indien n’a peur de rien, n’a pas froid aux yeux. Il tente souvent le tout pour le tout. Il ne faut pas hésiter à le renvoyer dans ses buts ».

Sexualité et sociabilité en Inde du sud, de Frédéric Bourdier

La notion d’identité alternative :
« Par exemple, une femme qui s’adonne au commerce du sexe sera perçue comme une prostituée dans un milieu social restreint à ses collègues et clients, mais une fois retournée dans son quartier elle redevient mère de son enfant, femme de son mari, membre de sa belle-famille et rien dans son comportement ne la distingue des autres épouses. La notion d’identité alternative exprime aussi la possibilité d’une  échappatoire à une identité dominante qui doit, en quelque sorte, préfigurer. En témoignent les attitudes des étudiants issus des classes moyennes, des jeunes commerciaux et des jeunes femmes employées dans les firmes des villes qui adoptent un comportement conventionnel (vestimentaire, langagier, religieux) quand ils sont dans leurs familles mais qui s’affichent à la mode occidentale et se font fort de revendiquer des mœurs libertaires une fois hors de cet environnement familial immédiat. Ce phénomène de recomposition identitaire est plus complexe qu’il n’y paraît car si le jeu des perles de verre – une fois l’un, une fois l’autre – est bien réel, cela n’indique pas toujours la part de dissimulation et de sincérité. La notion d’identité alternative permet en fin de compte de saisir la différence entre deux attitudes similaires mais dont l’une reflète une certaine manière d’être, tandis que l’autre est une stratégie conventionnelle destinée à éviter le chaperonnage public. Il peut s’agir par exemple dans le cas d’une femme marchand seule dans la rue de dissimuler des signes qui pourraient être interprétés comme révélateurs d’une personne immorale. Significativement, plusieurs proverbes tamoules énoncent l’ambiguïté de rendre compte d’une continuité identitaire et induisent l’idée d’une identité flexible. Un d’entre eux stipule malicieusement que : « la femme karpu qui reste à la maison n’a que les apparences de la femme au foyer, alors que celle qui sort n’est pas toujours une prostituée ».
« On reste frappé par les tendances divergentes associées à la sexualité. Les valeurs oscillent entre deux modèles antithétiques : l’ascétisme et la sensualité. Les proverbes tamouls reconnaissent la noblesse du désir sexuel en même temps qu’ils vantent la continence ».
« Les représentations des sociétés indiennes a-sexualisées, dont la sexualité se canalise et se retreint à un partenaire unique, sont des représentations surfaites démenties par des contre-exemples anthropologiques. Il s’agit tout au plus d’une image idéalisée, jamais accomplie, peu différente finalement de celle à laquelle tend la vision chrétienne, musulmane et toute autre religion révélée en général. On est en droit de se demander s’il existe une spécificité hindoue – ou tamoule – de la notion de fidélité : elle est comme dans la plupart des sociétés, une valeur vers laquelle ont tend, constamment remise en question dans les pratiques quotidiennes, et dont l’irrespect est plus ou moins toléré suivant les circonstances. La première idée préconçue, fortement ancrée, venant à l’esprit de celui qui porte un regard sur l’Inde, dénonce que la sexualité ne peut exister en dehors de l’institution du mariage : seules des personnes en marge de la société osent mettre à l’épreuve la sacro-sainte règle ».
« On est intrigué au début de l’acceptation des prostituées dans le bidonville. On leur confie les enfants à garder, elles vont et viennent librement, discutent et plaisantent avec les autres femmes de tout âge. Tout le monde sait parfaitement qui elles sont et ce qu’elles font, mais une sorte de complicité mutuelle, ou plus exactement d’adoption consensuelle, s’établit. Les habitants issus d’un milieu pauvre se doutent des circonstances sociofamiliales dramatiques qui ont poussé ces femmes à séjourner en ces lieux et se gardent de jugements sévères, d’autant plus que le commerce profite à tout le monde ».
« … on doit réfuter l’idée que l’homme a le privilège de la quête du plaisir tandis que la femme reste contrainte d’assumer la position d’un être passif et inanimé. Bien au contraire, nos discussions patientes révèlent que l’insatisfaction sexuelle chez une femme constitue une des causes fréquentes de séparation (ou de menace de séparation), et encore plus de recherche de relation extramaritale. Chez les basses castes où le divorce est plus socialement aisé, les femmes n’hésitent pas à quitter le foyer quand y siège un mari impotent, un homme excessivement maladroit. Il est absurde de penser, comme certaines études le font croire que la Femme indienne sublime automatiquement sa sexualité et la reporte sur son amour maternel, dans l’alimentation et dans la religion. Des témoignages récents, ainsi que des travaux scientifiques aux résultats parus dans les revues féminines (Femina, Debonair) osent parler des relations extramaritales qui sont à l’initiative de la femme. En témoignent les réseaux d’épouses dont l’insatisfaction se mêle à l’ennui et qui n’hésitent pas à payer les services sexuels de jeunes hommes plus fringants que leur mari. Dans les villes du Tamil Nadu, existent des pseudo-cliniques qui reçoivent de fausses malades. La première consultation se restreint à la commande : la femme suggère le type d’homme qu’elle désire. Celui-ci sera disponible quelques jours après (…) Pour les jeunes désoeuvrés et les personnes esseulées, l’absence d’informations fiables et ouvertement disponibles ainsi que les possibilités réduites de rencontre, font que la pornographie devient une méthode d’initiation et d’apprentissage de la sexualité, plus qu’un moyen de satisfaction de leur libido ».

LE DESIR DE VENGEANCE VIOLENTE DE LA PETITE BOURGEOISIE


Dans un article de The Telegraph repris par Le Courrier International du Monde, Manini Chatterjee fournit une analyse pertinente des réactions au viol ignoble dans le bus de New Delhi, suivi de la mort de l’étudiante, qui a ému le monde entier bien pensant, persuadé que l’Inde est le seul pays arriéré et en retard sur le plan de la sexualité.



Après une affaire de viol, une partie de la classe moyenne est descendue dans la rue pour réclamer les pires châtiments pour les coupables. En oubliant ses propres responsabilités.
New Delhi est une ville dure, aussi rude et extrême que son climat. Une ville où les plus riches et les plus misérables coexistent, avec, entre ces deux extrêmes, une importante et bouillonnante classe moyenne à laquelle nous appartenons, moi et tous les manifestants qui sont aujourd’hui rassemblés [pour protester contre le viol en réunion d’une jeune femme et l’agression de son ami le 16 décembre]. Mais cet événement atroce a dépassé la mesure, même pour New Delhi. Cette agression a déclenché quelque chose de fondamental en nous, elle a fait monter la peur et la colère, le mécontentement et le désespoir, le sentiment d’isolement et le désir de solidarité qui couvent inconsciemment et continuellement sous la surface de cette métropole gigantesque et complexe.  Il est donc naturel que la sauvagerie de ces actes, perpétrés dans le sud [plus chic] de la capitale, et non dans un bidonville parmi d’autres, sur un jeune couple qui rentrait à la maison après avoir vu un film en anglais dans un cinéma multiplexe – et non sur des villageois des Etats avoisinants, ait soulevé une profonde indignation au sein de la classe moyenne et fait descendre dans la rue les habitants des quartiers aisés de la ville. Ce sont des étudiants – surtout des étudiantes – des couches les plus riches de la société de New Delhi qui ont pris la tête du mouvement. Un événement très important, cathartique, semble se produire : une ville habituée à vivre dans la violence, l’intimidation et l’intolérance se cherche une nouvelle identité.

Nécessaire introspection

Alors pourquoi, quant à moi, je n’adhère plus à la mobilisation générale ? Pourquoi est-ce que je me sens plus déprimée par l’avenir de ma ville qu’au moment où la nouvelle du viol est tombée ? Pourquoi les manifestants suscitent-ils en moi plus de tristesse que d’espoir ? Parce qu’eux-mêmes ont affiché une haine, une rage et une attitude moralisatrice qui ne peuvent qu’aggraver – et non guérir – la blessure psychique subie par la ville. Il est parfaitement compréhensible que les gens réclament l’arrestation des coupables et un jugement rapide, qu’ils veuillent que la justice soit rendue dans les plus brefs délais pour dissuader de nouvelles agressions. Mais comment expliquer les répugnantes banderoles brandies par les manifestants et réclamant la pendaison, la lapidation ou la castration en public des violeurs, avec illustrations à l’appui ? Et les slogans scandés contre la police et le gouvernement comme s’ils étaient les seuls responsables des dérives de notre société et comme si nous-mêmes n’avions rien à nous reprocher ?

C’est regrettable à dire, mais les manifestations ont mis en lumière les aspects les plus sombres de notre classe moyenne citadine : son désir de vengeance plutôt que de justice, son sentiment de colère dépourvu de compassion, sa tendance à attaquer les autres sans jamais se remettre en question. C’est cette mentalité du “chacun pour soi” qui fait de New Delhi un endroit où il ne fait pas bon vivre, où les automobilistes roulent délibérément dans les flaques d’eau pour éclabousser les piétons, où les habitants des quartiers chics considèrent souvent les plombiers, les électriciens et les marchands ambulants quasi comme des criminels, où les serveuses et les employées des postes de péage sont régulièrement violées, voire abattues, par des hommes et des femmes plus riches et plus puissants qu’elles. New Delhi a besoin de transports plus performants et plus sûrs, de forces de l’ordre plus vigilantes et d’une justice plus efficace. Mais ce dont la ville a besoin avant tout, c’est de plus de compassion et de compréhension, de plus de partage et de moins d’inégalité, de plus d’introspection et de moins de mises à l’index.

EPILOGUE : LE VIOL N’EST PAS UNE CONSEQUENCE DE LA MISERE SEXUELLE

 Des chercheurs britanniques, ayant étudié des sujets masculins frappés de misère sexuelle et affective hétérosexuelle , ont déclaré que ceux ci étant tellement frustrés de n'avoir ni femmes ni sexe, ni affection, vivent une sorte d’autisme total et sont plongés dans de graves états dépressifs. De ce fait ils ne désirent nullement  chercher à compenser leur manque affectifs et sexuels par la consommation d' achats matériels ou par le viol. La plupart ont même refusé des produits de substitution comme de l'alcool, ou bien des médicaments chimiques.
Les hommes ne violent pas parce qu’ils sont dans un état de misère sexuelle (sinon tous les célibataires de longue durée seraient des violeurs), mais parce qu’ils se donnent le droit d’assouvir leurs désirs sur le corps d’un autre – ils peuvent être d’ailleurs mariés ou séducteurs sans problème. L’attitude du violeur est typique du « possédant » qui veut toujours plus et surtout ce qu’il n’a pas. Le violeur considère que son besoin est supérieur au bien être de celle qu’il viole, laquelle, comme victime soumise par sa violence, n’existe pas. Mentalité oui, mais pas de tribu, ni traditionnelle, mais typique de l’esprit du capitalisme, de la voyoucratie capitaliste moderne.
Le sexe conçu comme partie basse de l’amour suppose la gratuité pour les plus mal lotis comme pour les plus riches. Or la société bourgeoise propose un compromis tarifé : les bordels. Comment s’étonner alors que les riches violent plus que les pauvres. Car leur tirelire leur sera abondée.
Le viol est un acte d'anéantissement, il exprime la volonté de dominer l'autre et de le détruire, crient les féministes qui se taisent sur l’origine de cette « volonté de dominer l’autre ».
La prostitution serait indispensable aux moches et aux handicapés pour avoir des relations sexuelles. Faux,  les "clients" proviennent de tous milieux sociaux et ne sont pas de grands isolés. Les bourgeois sont aussi aliénés sexuellement que les prolétaires.


A partir des écrits de Karl Marx, Reich, on l’a vu, a mis le premier en parallèle le besoin alimentaire et le besoin de satisfaction sexuelle. Il n’existe pas de «besoin » de procréation, de maintien de l’espèce.» La société bourgeoise règle le problème de la satisfaction des besoins sexuels en fonction de ses intérêts économiques pour la reproduction des « proles », fils de prolétaires. Tout  les plaisirs du monde restent à découvrir. Mais ce sera pour d’autres générations.



mercredi 2 janvier 2013

En finira-t-on un jour avec la fausse énigme nazie ?




 Le pouvoir capitaliste est noir comme un ramoneur après son ramonage, il est basé sur le mensonge et la corruption… mais aussi l’espionnage par les trous de cheminée ou les orifices d'internet. Le mensonge est sans doute la principale méthode pour gouvernementer les hommes, et dans un domaine moderne qui a supplanté toutes les religions pour la marche du monde : l’histoire.
Les ramoneurs allemands, connus pour leur costume noir et haut de forme traditionnels, ont basculé dans l’économie de marché au 1er janvier en voyant tomber leur monopole issu du nazisme. L’Allemagne a fini par céder aux pressions de Bruxelles pour libéraliser ce secteur, jusqu’ici protégé, et se conformer à une directive européenne sur les services, après des années de résistance.Cette profession réglementée bénéficiait d’un monopole depuis la mise en place en 1935 par le régime nazi d’un registre national, attribuant à des «maîtres» ramoneurs des zones exclusives pour l’exercice de leur métier.

Sous le Troisième Reich, les nazis leur demandaient d’espionner leurs concitoyens pour le compte du régime en profitant de leur accès privilégié à tous les logements. La pratique s’est poursuivie dans l’ex Allemagne de l’Est stalinienne. Le nazisme est toujours une allusion en toile de fond de la démocratie bourgeoise même pour des péripéties secondaires de l’actualité comme la fin d’un monopole de ramoneurs, autant dire une privatisation, ce fléau pour adepte stalinien des nationalisations capitalistes d’Etat. Une occasion pour revenir ici sur la vraie nature du nazisme, et son absolue différence avec l’islam par exemple contrairement à ce qu’on nous bassine régulièrement pour nous marteler que nous vivons dans le meilleur des mondes. Curieux nazisme présenté couramment comme surpuissant totalitarisme et, quand on examine de près, taraudé sans cesse par la peur du prolétariat et d’un retournement de la troupe.

Le nazisme c’est d’abord le capitalisme qui a mis fin à la révolution prolétarienne possible à partir du cœur industriel de l’Europe de l’Ouest. C’est ensuite le capitalisme en guerre mondiale capable de toutes les horreurs, invraisemblables à l’époque mais qui seront ensuite mises sur le seul dos de la « mystique nazie ». La méticulosité bureaucratique des pillages et meurtres nazis, le respect scrupuleux des ordres hiérarchiques et l’application stricte de la plus petite consigne révèlent les rouages habituels de tout Etat bourgeois, plus opaques et forcément moins criminel par temps de paix. Les aspects délirants du projet nazi touchent à tous les domaines – ils voulaient réécrire la Bible en remplaçant les noms juifs par ceux de leurs ancêtres teutons et interdire le jazz – ne peuvent masquer une démarche étroitement capitaliste tiraillée entre  un capitalisme ultra-développé (soucieux au plus haut point de la nécessité de l’exploitation des prolétaires soumis) et ses dérives criminelles de colons impérialistes (pillage généralisé non seulement des juifs mais des pays envahis).
L’idéologie bourgeoise dominante concernant l’interprétation du nazisme vaincue, jusqu’à la fin des années 1960, caractérise les nazis comme des fous furieux, des aventuriers et des bandits, et le nationalisme juif se coalise avec cette interprétation en faisant reposer cette interprétation sur une « haine bestiale des juifs qui est la base de tout le système » (cf. Rémy Roure en introduction au livre de Michel Mazor). Or cet auteur qui a compilé en 1957 de très intéressants et révélateurs textes internes secrets des « délirants nazis » ajoute d’autres éléments « moteurs » de l’avidité nazie, lesquels révèlent que la haine des juifs n’est en fait que l’aspect secondaire de leur politique de rapine impérialiste ; les « demi-fous »  ou « criminels de droit commun » sont tout de même motivés par autre chose : « la soif du gain facile, du pillage et du meurtre ».
Au niveau des pratiques militaires, ces textes secrets qui seront utilisés au tribunal de Nuremberg, comportent pourtant des consignes typiques de tous les conseils de guerre des pays capitalistes en lice, des pratiques de l’armée américaine en campagne et de l’armée française maintenue dans les colonies de son empire à la même époque :
« Ordres relatifs à l’exécution des fusillades :
a)      Les commandos d’exécution devront être dirigés par des officiers ;
b)      Les coups seront tirés au fusil ; on visera à la fois le cœur et la tête, d’une distance de 8 à 10 mètres ;
c)      Afin d’éviter tout contact inutile avec les cadavres, les condamnés à être fusillés se tiendront tout au bord de la fosse. En cas d’exécution en masse, il convient de faire mettre les otages à genoux, le visage tourné vers la fosse ;
d)     Un médecin militaire sera attaché aux commandos d’exécution ; il ordonnera le coup de grâce ;
e)      Les vêtements (et chaussures) et les objets de valeur appartenant aux fusillés ne devront en aucun cas être utilisés au bénéfice de la population. Ils seront remis contre reçu aux services locaux compétents de l’administration militaire. » (Ordre du général plénipotentiaire commandant en Serbie en 1941).

LE DISCOURS ANTISEMITE ETAIT VENU SUPPLANTER LE DISCOURS LIBERATEUR COMMUNISTE
En préparation à la guerre mondiale il fallait opposer au danger communiste internationaliste une idéologie mondialiste du nationalisme allemand. Le tour de passe-passe consiste à remplacer communiste par juif pour dénier toute crédibilité à cette théorie et cibler une population inoffensive. Il « fallait du courage à une époque » pour critiquer les juifs ose dire le haut dignitaire nazi le Dr Frank en octobre 1936 :
« C’est en qualité d’antisémites que nous avons, nous autres nationaux-socialistes, entrepris notre lutte pour la libération du peuple allemand, pour le rétablissement d’un Reich allemand et la reconstruction de toute notre vie spirituelle, culturelle et sociale sur la base indestructible de notre race. Nous avons entamé en 1919 (date de création de l’Internationale Communiste, sic !), une lutte gigantesque et nous l’avons menée à une phase décisive de son développement grâce à l’idée raciale. (…) A une époque pas encore éloignée, il était pour ainsi dire impossible d’entendre mentionner ou expliquer le mot « juif » dans un esprit critique. Une petite minorité d’hommes courageux forme seule, en cette matière, une glorieuse exception. (…) L’émancipation des juifs signifiait pour la science juridique allemande l’infiltration massive des tendances néfastes du déracinement (sic). Ce droit allemand, déjà corrompu au plus haut point par les idées et les formes issues de l’esprit de la Révolution française, du droit usuel moderne et du droit canonique, se trouvait exposé, en outre, par cette émancipation, à la vague d’assaut du rabbinat des professeurs es-justices néo-judaïques. Le national-socialisme déblaye systématiquement la vie juridique allemande des gravats qui l’encombrent, pour découvrir à nouveau l’or inaltérable de la pensée et de la vie juridiques allemandes. Nous avons enlevé la couche étrangère au droit du libéralisme démocratique ; nous nous sommes débarrassés du déracinement latin (resic), nous devons nous débarrasser maintenant notre droit de la couche sémitique qui le recouvre ».
Les juges des tribunaux bourgeois de la République de Weimar qui s’étaient fort bien accommodés des milliers d’assassinats d’ouvriers armés par les corps francs et pré-nazis, surent se mouler aux désidératas de la dictature nazie ; mais les libérateurs avec leurs affidés comme Mazor lancèrent la légende comme quoi les juges avaient dû se soumettre à la pression des « Richterbriefe ». La majeure partie du personnel des tribunaux sous régime nazi resta d’ailleurs en place après 1945.

IL FAUT SEPARER LE BON GRAIN DE L’IVRAIE

Même s’ils sont totalement méprisés par l’occupant nazi, les ouvriers polonais ne peuvent être mis dans « le même sac que les Juifs »… sinon qui travaillera ? Il est conseillé de ne pas porter atteinte à ce bon vieil antisémitisme traditionnel en Pologne…
SS-Gruppenführer et secrétaire d’Etat Dr. Stuckart                    Berlin le 20 nov 1942
Au Reichsführer-SS Heinrich Himmler,
Très respecté Monsieur le Reichsführer,
  Le 13 août de ce mois, a eu lieu une conférence chez le Dr. Thierack, Ministre du Reich, au cours de laquelle a été traitée la question de la non-application de la juridiction ordinaire aux Polonais, aux Russes soviétiques, comme aux Juifs et aux Tziganes, et de leur remise à la police, aux fins de traitement par des méthodes policières. J’étais invité à cette conférence. Le cas des Juifs et des Tziganes était a priori hors de discussion, celle-ci se limitait aux Polonais et aux Russes. Le Reichsstatthalter Greiser s’opposa avec force à la réglementation projetée et présenta les arguments suivants : mettre sur le même pied les Polonais et les Juifs dans une ordonnance sur la juridiction pénale relative aux Polonais serait une erreur psychologique grave, étant donnée l’attitude antisémite des Polonais de l’ancienne partie prussienne de la Pologne. Pour des années encore, l’Allemagne dépend dans cette région de la capacité et de l’ardeur au travail des Polonais. Or, ces deux qualités se trouveraient diminuées de façon inquiétante, surtout en raison des nécessités de la guerre, si on soustrayait les Polonais à la compétence de la Justice ordinaire et qu’on les mettait de surcroît une fois de plus (sic) dans le même sac que les Juifs et les Russes soviétiques, pour les livrer à la police. Ce serait un acte intolérable qui compromettrait nos buts politiques, lesquels consistent à amener petit à petit les Polonais, appliqués au travail, à reconnaître sincèrement l   a direction allemande. La situation dans cette province (Gau) n’as pas besoin d’être changée, car la justice y a travaillé vite, bien et avec succès, sous la direction politique ; elle s’est donc révélée comme un instrument tranchant, bien aiguisé. En outre, il y avait ici la Justice militaire  à laquelle, cependant, on n’a eu besoin de recourir qu’en de rares occasions ».

TOUJOURS PRENDRE SOIN DE LA VIE SEXUELLE DU SOLDAT (avec cette lourdeur teutonne dans le compte rendu)

Lieutenant Dr. Leibbrandt,
Au Ministre du Reich pour les territoires occupés de l’Est,
(…) Les filles des rues et la prostitution clandestine sont peu fréquentes. (dans la zone frontière, bien des femmes légères ont été auparavant déportées et mises au travail forcé).
Afin de résoudre ce problème sexuel qui se pose au soldat allemand dans la zone de communications russes, il a été tenté d’établir des bordels. Les femmes russes accueillirent généralement cette nouvelle avec indignation et la ressentirent comme une offense. Lorsque les tentatives de remplir les bordels avec des prostituées lettones eurent échoué (aucune ne voulait aller en Russie et celles qui acceptaient étaient infectées par les maladies vénériennes), on tâcha de se procurer des femmes russes, sur place. Les méthodes employées à cette fin furent parfois d’un manque de tact inimaginable, ce qui alimentait la propagande anti-allemande. Ainsi, dans l’un des cas, on demanda à toutes les femmes travaillant pour des unités allemandes, quels que fussent leur âge et leur situation de famille, d’aller dans des bordels sous la menace voilée qu’on pourrait bien les y mettre de force en cas de refus. Cependant (sur 600 femmes environ que comptait ce groupe) aucune, malgré la crainte de perdre son travail, ne répondit à l’appel. Lorsqu’une annonce parut, demandant des femmes de ménage pour le bordel, deux femmes, généralement considérées comme prostituées clandestines, s’adressèrent à l’Office du Travail, sans doute avec l’intention d’y trouver ultérieurement des clients. La campagne de chuchotement anti-allemande appelait le bordel « Maison de la Culture », allusion voilée à la barbarie de la « Kultur » allemande ».

ON FUSILLE HUMANITAIREMENT… (en organisant un pillage bien administré et avec la lâcheté habituelle des sous-fifres…)

DEPOSITION SOUS LA FOI DU SERMENT de Heinz Hermann Schubert (officier de l’Einsatzgruppen D. concernant la fusillade de 700 personnes en Crimée près de la ville de Simferopol)
(…) En octobre 1941, je fus affecté au groupe d’action D. Le chef de ce groupe était Otto Ohlendorf et son représentant Willy Seibert. Je fus désigné comme aide de camp d’Ohlendorf et gardai ce poste depuis mon arrivée jusqu’à la fin juin 1944. A  cette époque, Ohlendorf, comme moi, fut rappelé à l’Office Central de la Sécurité du Reich.
3) En décembre 1941 – je ne me rappelle plus la date exacte – je fus désigné, par Ohlendorf ou Seibert, pour surveiller et vérifier les fusillades d’environ 700 à 800 hommes, qui devaient avoir lieu à proximité de Simferopol. La fusillade a été exécutée par le commandos spécial 11b, l’une des formations appartenant à l’Einsatzgruppe D. Ma tâche en ce qui concerne cette exécution était triple :
a) veiller à ce que l’endroit choisi soit parfaitement écarté, afin qu’il ne puisse y avoir de témoin ;
b) veiller à ce que la collecte de l’argent, des bijoux et des autres objets de valeur des personnes à fusiller se fasse sans brutalité et que les préposés à  cette tâche par le commando spécial 11b remettent bien tous les objets collectés aux chefs administratifs et à leurs délégués qui les transmettront alors à l’Ensatzgruppe D. ;
c) Veiller à ce que l’exécution se fasse aussi humainement et militairement que possible, selon les prescriptions spéciales d’Ohlendorf. Après l’exécution, je devais rendre compte à Ohlendorf en personne et témoigner que l’affaire s’était passée très exactement selon ses prescriptions.
4) J’ai exécuté les ordres en ma qualité de délégué d’Ohlendorf (sic, c’est pas moi c’est l’autre…). J’allai dans le quartier tzigane de Simferopol et surveillai le chargement des personnes destinées à l’exécution dans des camions. Je veillai à ce que cette opération se fasse aussi rapidement que possible, afin que la population autochtone ne crée ni troubles ni perturbations. De plus, je veillai soigneusement à ce que les personnes à exécuter ne fussent pas battues pendant le parcours dans le camion. Etant donné que je devais surveiller la totalité de l’exécution, je ne pus consacrer que peu de temps à chacune des diverses phases.
5) Le lieu prévu pour la fusillade de ces Russes et de ces Juifs était à quelques kilomètres de Simferopol et à environ 500 mètres de la route dans un fossé anti-chars. Je m’assurait également que le trafic était arrêté autour du lieu d’exécution et dévié sur d’autres itinéraires par ceux qui étaient affectés à ce service.
Lorsque les personnes condamnées à mort arrivèrent au lieu de l’exécution, il leur fut ordonné de déposer leur argent, leurs objets de valeur et leurs papiers à un endroit désigné. Je m’assurai qu’aucun des hommes de la SS et de l’Orpo (Police d’Ordre), qui s’occupaient de la collecte, n’avait soustrait quoi que ce soit de ces objets. L’opération de ramassage des biens des condamnés fut effectuée sans recours à la force. Cette phase fut surveillée très exactement par moi, afin que la totalité des objets de valeur puisse être délivrée à l’Einsatzgruppe D., pour être ultérieurement transmise à Berlin.
6) Pendant un court laps de temps, alors que les gens à fusiller étaient en position dans le fossé anti-chars , je surveillai la manœuvre, qui fut effectuée à la manière militaire et de façon aussi humaine que possible, en stricte conformité de l’ordre d’Ohlendorf. Les gens furent exécutés avec des pistolets automatiques et des fusils. Je sais qu’Ohlendorf attachait une grande importance à ce que les personnes à exécuter le fussent de manière aussi humaine et aussi militaire que possible, vu que toutes les autres méthodes chargeaient trop la conscience des hommes du commando d’exécution. »

PILLER LES JUIFS PEUT RAPPORTER GROS… (mais le pillage est bien ordonné)

L’antisémitisme gouvernemental et la théorie de la race c’est pour les imbéciles, dans la réalité nulle chevalerie de la part des esthètes nazis :
LE MINISTRE DES FINANCES DU REICH   Berlin le 4 novembre 1941
Lettre-Express aux directeurs régionaux des Finances
Objet : Déportation de Juifs.
I.                   Généralités.
Les Juifs qui ne sont pas employés dans des entreprises importantes pour l’économie allemande seront déportés ces prochains mois dans des villes des territoires de l’Est. La fortune des Juifs à déporter est confisquée au profit du Reich allemand. 100 RM et 50 kilos de bagages par personne leur seront laissés.
La déportation a déjà commencé dans les territoires dépendant des directeurs régionaux des finances de Berlin, Hambourg, Weser-Ems à Brême, Kassel, Cologne, Düsseldorf.
2. Réalisation de la déportation.
La déportation des Juifs est effectuée par la Police Secrète d’Etat (Gestapo). La Gestapo se charge également de garder la fortune des déportés. Les Juifs dont la déportation est imminente, devront communiquer à la Gestapo des états de leur fortune, états rédigés sur des imprimés spéciaux. Les services de la Gestapo mettront les appartements sous scellés et en confieront les clés à l’administrateur de la maison.
(…), Les appartements devenus vacants seront, en général, confiés à l’administration des autorités municipales. C’est avec elles qu’il faudra prendre contact pour tout ce qui touche ces appartements. Je tiens à ce que ces appartements soient pris en charge au plus vite par la municipalité, afin que le Reich soit débarrassé le plus rapidement possible de l’obligation de payer les loyers pour ces appartements (cf. paragraphe 39 de la loi sur les dédommagements). Lorsque les appartements ne doivent être pris en charge par la municipalité qu’après leur évacuation, il convient d’accélérer celle-ci. C’est le cas surtout dans les villes où les appartements sont destinés à abriter des Allemands ayant souffert des bombardements. Les lieux devront être désinfectés et mis en état avant d’être attribués aux Allemands sans abri. C’est pourquoi il  faut rendre immédiatement disponibles des entrepôts assez grands (de même que des salles de restaurant, etc.) pour y mettre les meubles et assurer des moyens de transport et des ouvriers déménageurs pour le transport. Il est utile de prendre contact sans tarder avec les représentants professionnels de la branche des déménageurs. (…)
d) Procédure pour les objets d’art.
Les objets d’art (tableaux, sculptures, etc.) qui ne sont pas à considérer d’emblée comme des productions de qualité inférieure , ne devront pas être vendus. Ils devront être entreposés avec soin et signalés au directeur régional de la Chambre des Beaux-Arts. Le directeur régional décidera dans le délai d’un mois de l’intérêt que présentent ces objets pour les musées. Des instructions spéciales seront données à ce sujet. Les objets d’art de moindre qualité pourront être vendus. » (…) « La littérature et autres productions culturelles et artistiques juives devront être mises en lieu sûr. Des instructions ultérieures les concernant seront données ».

COMMENT RECUPERER LES BIENS DES JUIFS QUI ONT TROUVE LES MOYENS DE SE SUICIDER ?

LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES DE BADE A KARLSRUHE
A Monsieur le Ministre des Finances du Reich, Berlin 2 janvier 1942
Objet : Prise en charge des biens de Juifs déportés.
La Onzième Ordonnance complétant la loi civile du 25 novembre 1941 ne comprend pas les Juifs qui devaient être expulsés de Bade le 22 octobre 1940, mais qui se sont soustraits à cette mesure en se suicidant. Elle ne comprend pas non plus les Juifs expulsés, décédés à l’étranger après leur expulsion, mais avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance. Ces cas sont très nombreux. (…) Afin d’éluder cette difficulté, il serait opportun de confisquer les biens de tous les juifs expulsés le 22 octobre 1940, sans se soucier de savoir s’ils n’ont pu être déportés par suite de leur suicide ou s’ils n’étaient plus en vie au moment de l’entrée en vigueur de la Onzième Ordonnance ».
Un dentiste (Karl Abraham) est chargé de superviser la récupération de l’or dentaire et témoigne en 1947 à Dachau : « (…) J’établissais moi-même les rapports. Je devais également signaler la quantité d’or enlevée de la bouche des détenus décédés (…) L’or était remis au chef administratif Barnewald, qui le transmettait, à ce que je crois, à la Reichsbank. Les détenus procédaient eux-mêmes à l’extraction de l’or de la bouche des morts. Lorsque j’arrivai à Stutthof, le dentiste avait l’habitude de surveiller cette opération depuis 1942.(…) L’or était extrait à l’aide d’une ou plusieurs pinces, le numéro du détenu en question était noté, la pièce extraite était décrite avec précision, pour établir s’il s’agissait d’une couronne ou d’un bridge, et l’or était nettoyé. Ce dernier travail était effectué par un technicien du service dentaire. Ensuite, le poids de la pièce était constaté et le nom du détenu décédé signalé à la section politique en même temps que le poids de la pièce. L’or était remis au chef administratif ».

LA « PURETE » DU DOGME D’EXTERMINATION ENTACHEE PAR LE PROFIT MATERIEL D’UN CURIEUX MARCHE

En 1961, un militant bordiguiste d’origine juive, Jean-Pierre Axelrad, avait rédigé un long article – Auschwitz ou le grand alibi (attribué par une série de crétins à Bordiga)– qui devait faire scandale deux décennies plus tard, alors que le rapport d’un représentant juif à Nuremberg allait dans le même sens, pour l’essentiel un honteux marchandage possible entre les deux camps capitalistes opposés, dans la note suivante à Budapest en juillet 1944. On notera l’argumentation qui insiste pour garder les juifs valides et d’âges mûrs en capacité de travailler, autre preuve qu’il n’y a avait pas une volonté unilatérale dans l’Etat allemand bourgeois multi-céphales (et faible pour encadrer au long terme la société) d’exterminer tous les juifs puisqu’ils pouvaient être utiles voire indispensables en tant que « travailleurs forcés » :
« Alors que d’une part l’Obersturmführer Eichmann a mentionné à un moment donné que 100 vies humaines juives représentaient la valeur d’un camion, le maximum demandé atteignait 1200 dollars par tête – prix qui dépassait les possibilités financières de nos amis prêts cependant à tout sacrifier. D’après les nouvelles qui nous parviennent, nous pouvons conclure qu’un prix de 300 à 400 dollars par tête serait éventuellement consenti à Lisbonne. Nous répétons que ce seraient d’abord les enfants au-dessous de 12 ans, incapables de travailler, les mères et les vieillards qui seraient échangés, tandis que les autres pourraient fournir du travail en Allemagne avant que ne viennent leur tour d’être libérés ».
Michel Mazor fait état de nombreuses transactions, échanges d’êtres humains contre rançons, aussi bien au temps de l’apogée de leurs succès militaires qu’au temps de l’ébranlement de leur foi : « Ainsi, dans le document NO 2408 (rapport d’un chef de la Gestapo du 24 novembre 1942 à Himmler), il est dit que, dans le but de se procurer des ressources pour le recrutement de volontaires pour la Waffen SS en Hongrie, des autorisations d’émigrer furent délivrées à des juifs slovaques et hongrois. Le prix était d’abord de 50.000 et ensuite de 100.000 francs suisses par tête. Le même document relate qu’un procédé similaire se pratiquait en Hollande occupée : pour le droit d’émigrer, la somme de 1.290.000 francs suisses a été perçue pour 28 juifs. Deux autorisations pour huit personnes furent délivrées en échange de la livraison d’une grande quantité de graines oléagineuses et de la cession d’une entreprise industrielle. 28 affaires étaient encore en délibération et devaient rapporter la somme de 2.860.000 francs suisses » (p.158).
Mais la masse des juifs est composée de prolétaires et de pauvres et avec la défaite annoncée, la décomposition du nazisme décuplera la persécution et les massacres des juifs, des tziganes et de tous ceux qui perpètrent des attentats contre Hitler (une vingtaine !). Et encore le qualificatif véhiculé par les historiens officiels est erroné pour ces habitants des divers pays de l’Europe centrale et orientale. Ils sont hongrois, tchèques, russes, etc. avant d’être juifs, mais la mystification nazie est d’effacer les classes sociales comme les historiens bcbg qui bobardent les programmes scolaires contemporains. Mazor livre un autre témoignage intéressant sur la grande mystification de la focalisation sur la notion de juif, celui d’un militaire  allemand de retour de voyage qui souligne la mystification et la pénibilité du « travail » même des bourreaux en octobre 1941sur le front de l’Est ; cet allemand est horrifié de la complaisance des Ukrainiens comme il aurait pu l’être par l’antisémitisme complice des Polonais :
« Les Juifs sont « transférés » sur ordre. Cela se pratique de la manière suivante : les Juifs reçoivent un ordre leur enjoignant de se rendre la nuit suivante aux lieux de rassemblement fixés, habillés de leurs vêtements les plus beaux et avec leurs bijoux. Il n’est fait aucune différence entre les classes sociales, les sexes et les âges. Ils sont ensuite transférés aux lieux de rassemblement en un lieu choisi préparé à l’avance, situé en dehors de la localité en question. C’est là que, sous prétexte de formalités à accomplir, ils devront déposer vêtements et bijoux. Ils sont ensuite menés à l’écart de la route et liquidés. Les scènes qui se déroulent sont à ce point bouleversantes qu’elles ne sauraient être décrites. Les répercussions sur les commandos allemands sont inévitables. En général, les hommes chargés de l’exécution doivent auparavant être étourdis par l’alcool. La nuit qui suivit, un officier du S.D. (Serice de Sûerté) a déclaré avoir été en proie aux cauchemars les plus terribles. La population autochtone connait parfaitement le processus de cette liquidation ; elle prend cela calmement, parfois même avec satisfaction, la milice ukrainienne y participant. Des journalistes étrangers venus visiter Kiev après les destructions opérées par les bolcheviques ont déclaré au capitaine Koch, qui s’était imaginé qu’il pourrait leur cacher les exécutions de Juifs, qu’ils étaient parfaitement au courant ».

DOUBLE LANGAGE SUR L’EXPLOITATION DES TRAVAILLEURS FORCES

Autant les juifs en général sont niés comme êtres humains (comme les prolétaires en général encore de nos jours par les élites bourgeoises) – et c’est pourquoi les dévaliser ne pouvait entraîner quelque scrupule éthique – autant ils seront considérés comme possible monnaie d’échange vers la fin de la guerre ; le chef d’Etat major allemand en Hongrie, en 1944 le dit nettement : « Le nouvel ambassadeur allemand (…) devra avoir l’air de croire que les juifs sont uniquement employés au travail et voudra d’autre part les utiliser comme gages pour des négociations ultérieures » (cf. p. 226).
Au début de l’année 1943, un chef d’entreprise allemand fait son rapport (courroucé) concernant le manque de rendement des ouvriers juifs – dont se plaignent les flics surveillant du travail - et révèle les méthodes pour l’augmenter :
« Depuis un certain temps, les plaintes de la part du personnel surveillant (sic) et des équipes de mineurs à propos de l’esprit de rébellion croissant et de la répugnance au travail des juifs deviennent de plus en plus fréquentes. A chaque explication, les juifs affirment aussitôt qu’on n’a pas le droit de les battre et qu’ils possèdent un supérieur auprès duquel ils peuvent se plaindre.
Il va de soi que nous avons attiré l’attention de notre équipe sur le fait qu’il était défendu de battre les juifs, mais nous comprenons cependant que nos mineurs allemands ne peuvent se retenir parfois, comme dans les deux cas mentionnés ci-après, lorsque les juifs s’imaginent que le rendement augmenté n’a été ordonné qu’aux travailleurs allemands et pas à eux.
1)      Au déchargement d’un câble d’un wagon, le surveillant Proschka intima plusieurs fois au juif Simon l’ordre d’y mettre la main, en même temps qu’à tous les autres ouvriers affectés au déchargement. Lorsqu’à la dernière sommation Simon prit une attitude que le surveillant devait considérer comme agressive, il lui a naturellement donné une gifle.
2)      Le juif Wolf reçut l’ordre de pomper un produit chimique nécessaire au travail. N’ayant pas obéi, il reçut un coup du polisseur. Là-dessus il se plaignit à son supérieur Simon, auquel il raconta que le polisseur l’avait battu.
Or, nous considérons que dans la quatrième année de la guerre, les juifs doivent participer aussi activement que nous autres Allemands, à nos efforts (sic), et nous vous prions d’infliger à ces juifs, une punition appropriée. Nous vous serions également reconnaissants d’intimer aux autres juifs l’ordre d’exécuter leur travail mieux qu’ils ne s’en acquittent actuellement.
Heil Hitler ! ».
Le grand théoricien nazi Walter Darré va nous expliquer enfin la « Vénération du travail » en régime capitaliste, surtout pendant une guerre mondiale, et révéler la source anarchiste de base de cette théorie pour patron en uniforme :
« Toute croyance en la morale du travail est foncièrement aryenne et commence au stade paysan. C’est pourquoi l’aryanisme seul a fait du travail le fondement d’une idéologie. Conduire la charrue était le signe le plus noble par lequel les rois aryens (ces bons à rien…) montraient qu’ils se réclamaient de cette idéologie. C’est pourquoi seul était « noble » (vornehm) celui qui savait conduire une charrue, dans le vieux sens aryen de ce mot, qui vient de « vornehmen » : se placer avant les autres, ou avait le droit de le faire. Inversement, l’antithèse humaine de l’Aryen, à savoir le juif, a logiquement construit son idéologie sur son opposition au travail. Pour le juif le travail est une malédiction. C’est pourquoi il a fait du parasitisme le couronnement de sa religion. La vie de parasite que sait mener sur terre l’homme le plus primitif est considéré par le juif comme le but suprême de sa religion : il veut bouffer tous les autres peuples. C’est le terme employé dans la Bible ! ».
Le raisonnement de ce pauvre Darré est typiquement patronal – nonobstant le sens du mot travail (= torture) – et crétin : Darré exalte le travail mais celui des autres, des millions de prolétaires juifs ou pas, qui bossaient pour les grands parasites sociaux qu’étaient les militaires et la camarilla d’Hitler, assoiffée de production intensive d’armement pour étendre, prolonger et assurer leurs pillages successifs. Suivons ensuite la différence qu’il fait entre le marchand (sous-entendu le juif nomade) et le commerçant (le bon paysan allemand qui a réussi) ; Jean-Pierre Axelrad avait dû lire en effet ce taré de Darré, et, ainsi influencé, décrivait le nazisme comme le produit de la rivalité entre deux fractions de la petite bourgeoisie ; ce qui était réducteur et n’explique en rien le massacre des juifs. Le nazisme est bien le délégué de la grande bourgeoisie le temps de la guerre, et son efficace exécuteur des basses œuvres : les juifs mis à la place du prolétariat et martyrs incontestables au cœur de l’Europe, faisant passer au second plan un prolétariat international impuissant et atomisé à la suite de la grande défaite des années 1920 à 1930. Darré défend le paysan, le commerçant et l’ouvrier soumis, le nazisme est une politique « populaire », c'est-à-dire qui nie les classes sociales au profit des catégories… comme la bourgeoisie mondiale contemporaine !
« …La profession de marchand (der Haendler) d’origine nomade, est née du besoin du nomade, soit d’échanger son butin avec un maximum de profit, contre d’autres produits qui lui sont nécessaires ou agréables, soit de trafiquer des biens quels qu’ils soient, pour obtenir ceux qu’ils ne possèdent pas, mais dont il a besoin pour sa subsistance (cf. les affaires traitées par les nomades du Nord-Ouest africain). Ce processus consiste en ceci : l’abondance ou la pénurie de certains produits échangeables incitent l’intéressé à opérer un troc dont le mobile décisif est le profit, sans qu’il se demande si le partenaire en retire lui aussi un bénéfice. C’est exclusivement le bénéfice personnel que le marchand a en vue lors d’une opération d’échange. Seul décide le profit, indépendamment du fait si le déplacement des marchandises qui en résulte, est positif ou négatif.
…Le commerçant (der Kaufmann) est issu de la paysannerie. Sa profession résulte du fait que l’ordre économique de la communauté paysanne donne lieu à des processus de division du travail de nature économique, nécessitant un intermédiaire pour l’écoulement des marchandises. Ce qui importe c’est ce processus. C’est la nécessité de couvrir les besoins (de la population) qui réglemente la mise en circulation des marchandises. Et, le commerçant s’introduit dans ce processus en retenant pour lui-même un profit équitable pour son travail d’intermédiaire ».
Vous l’avez compris, le marchand (juif) est nuisible quand le commerçant (paysan allemand de souche) est utile socialement !
Vers la fin de la guerre, outre des recherches occultistes démentes, les nazis enculent des mouches pour tenter de s’oublier. Le 27 mai 1944, l’Etat-major du chef nazi Rosenberg demande instamment à la bibliothèque de Francfort les précisions suivantes déterminantes sans doute pour sauver le Reich :
« (…) Dans un ouvrage du Dr. Pohl que nous avions emprunté il y a un an, est citée cette affirmation d’un juif new-yorkais remontant à 1937 : « Nous sommes l’huile pour les roues de la révolution ». Je vous prie de nous communiquer le nom (de l’auteur) et la source exacte de cette citation.
Je vous serai reconnaissant de me faire savoir si vous possédez dans vos archives des documents établissant si les politiciens soviétiques suivants étaient juifs : Béria, Kérensky, Eisenstein (cinéaste), Lounatcharski, Kollontaï ».
En octobre 1944, l’office central de musique de Berlin fait d’insistantes recherches pour vérifier si Beethoven n’était pas « Frère maçonnique ».
Le nazisme finissait en fanfare militaire cacophonique.

Source: Le phénomène nazi de Michel Mazor (documents nazis commentés, éditions du Centre, Paris 1957)