...Evidemment sinon ils auraient été éliminés depuis longtemps ! Si des révolutionnaires maximalistes simplistes (par ex. le CCI) ont toujours voulu ignorer la notion d’aristocratie ouvrière, dénoncée par d’éminents marxistes acteurs de l’histoire comme Lénine, celle-ci a bien survécu à une certaine vision œcuménique et naïve d’une classe ouvrière conçue comme un éventail large de couches et professions disparates, extrêmement hiérarchisées et qui, une fois en lutte, chanterait d’un même chœur.
Au XXIe siècle, les syndicats ont été certes happés dans la machinerie de l’Etat bourgeois mais on ne peut pas les ridiculiser en répétant simplement à chaque fois qu’ils « trahissent » la classe ouvrière. Ils ont trahi une fois pour toutes la classe ouvrière en se ralliant à la Défense nationale en 1914 et restent partout des syndicats d’encadrement national du prolétariat, toujours contestés par celui-ci et craintifs que des grèves leur échappent. Ils se sont par contre adaptés aux exigences des dites couches moyennes, et c’est bien là-dessus qu’existe leur formidable complicité dans l’Etat avec les gouvernements successifs. Les « corps d’Etat » des secteurs majeurs (lumière, industrie, transports, Poste, etc.) ont toujours eu besoin d’une stabilité pour que chaque mois l’Etat n’ait pas la trouille d’être renversé. Cela ne signifie pas que les personnels de ces industries, souvent nationalisées ou concentrées en nombre, soient corrompus, mais les appareils syndicaux corporatifs qui sont autorisés dans ces places, parasitant l’exploitation des travailleurs, sont clairement des profiteurs du système mais dans la mesure où ils exercent leur rôle de garde-chiourme et de défense des catégories salariales les mieux rétribuées au détriment des couches inférieures. Depuis 1968 ce sont d’ailleurs clairement la grande masse des couches intermédiaires du salariat qui « suivent » les ordres syndicaux, parce qu’elles sont typiquement aigries et parce qu’elles ont compris la gageure de sa cacher derrière le faux collectif syndical pour conserver leurs privilèges, tout en s’offrant le luxe de compatir aux couches inférieures maintenues dans leur infériorité salariale et intellectuelle….
Mais bon je vous livre là une des idées force de mon prochain ouvrage – « Histoire des trahisons syndicale » - et nous allons revenir aux impressions qui se dégagent selon moi du texte/interview des révisionnistes négristes, ci-dessous, à l’égard du bonze CGT Thibault, si vous avez eu le courage de le lire jusqu’au bout.
Dans l’ensemble, sans qu’on sache quand le pape moderniste Negri pose ses questions, les éléments hyper-intellectuels qui ont été reçu par big chief Thibault ne font pas montre d’un questionnement dérangeant pour le bonze ni jamais ne cherchent à contredire ses pires mensonges. L’odeur de la sueur prolétarienne, même si c’est du Chanel CGT, est un plaisir indicible pour les hyper-intellectuels, au demeurant souvent anciens terroristes gauchistes. Lénine se moquait déjà de ces intellectuels qui n’aiment jamais tant que sentir le cul de l’ouvrier. Basse besogne cette interview car elle permet surtout au phraseur en eaux troubles Thibault de faire croire à la pérennité obligatoire du syndicalisme de service d’Etat.
L’année où se déroule l’interview, 1996, vibre encore des grèves et manifestations de 1995 où les cheminots, fer de lance du mouvement, ont réussi à faire tomber le premier ministre Juppé en défendant leur régime de retraite spécial, avec le soutien moral de toute la classe ouvrière qui pourtant passait parallèlement à la casserole avec un allongement de la durée du travail à 41,5 annuités pour le privé sous Balladur, puis, plus tard pour le public sous Fillon.
Succédant à Renault, les prolétaires de la SNCF, avec la frange aristocrate du rail des conducteurs, avait bien fait éternuer la France cette année-là, mais avec une leçon en partie oubliée, quoique volontairement par le sieur Thibault : il était possible de commencer une grève sans l’aval ni l’organisation des syndicats. Le mouvement fût fort de la résistance de la partie aristocrate des conducteurs qui disposaient d’une vraie faculté de paralysie contrairement aux employés de bureaux ou de voirie… Avec les défauts inhérents à ce type de catégorie spécialisée qui se prend pour la cuisse de Jupiter, donc avec des aspirants chefaillons gauchistes très à cheval sur les particularismes et plus corporatifs que la moyenne des ouvriers. On retrouvera d’ailleurs ce défaut majeur chez les infirmières, développant une lutte corporative nettement séparée des aides-soignants considérés comme des inférieurs.
L’essentiel de la grève cheminote reste pour Thibault la remise en selle du syndicalisme. C’est du moins ce qu’il explique à Négri et à ses « nègres » intellectuels. A aucun moment Thibault ne rappellent comment dans la plupart des premières AG, la CGT et autres sindicraties autonomes étaient contestées. La lutte démarrée hors des syndicats, avec des bonzes qui couraient dans tous les sens pour « rattraper les gars » n’est plus qu’un « besoin de parler »… avec les étudiants. Le bonze CGT à la frange de cheveux Chantal Goya en profite pour gommer la mauvaise impression qui perdurait du syndicat stalinien refusant en 1968 d’ouvrir les grilles pour discuter avec les « futurs cadres » de la société capitaliste, ce qu’ils sont toujours, mais en beaucoup moins excités contre ladite société. Alors que les AG et les manifestations spontanées se développent inquiétant « le pouvoir » et ses valets syndicaux, cet épisode est ramené à ce lénifiant dialogue avec des étudiants. Le même effacement de l’histoire réelle de la lutte finalement de ce vieux syndicat stalinien où le petit Thibault avait été à l’école de la lutte des places. L’interviewé Thibault en profite pour caser la théorie de l’indispensable professionnel de la négociation salariale : « pour coller à la volonté des salariés, il faut être professionnel ».
L’art du discours syndical, comme du discours bourgeois classique, est d’être là où on ne l’attend pas. Lorsqu’il évoque, dix ans plus tard donc, le refrain « Tous ensemble » de 1995, c’est pour en démontrer l’absurdité dans la durée car il faut retourner, comme « professionnel » bien entendu au niveau de la corporation. Pour une fois, un des négristes ose la question : tous ensemble contre qui ? Thibault ne pouvait rêver meilleure perche. Il se confond en anecdotes sur des discussions avec des « non-syndiqués » (il ose) qui lui auraient opposé leur joie de l’absence de « politisation », et qui se fichaient de faire tomber un premier ministre. Eh oui, ajoute-t-il en substance, quel intérêt de faire tomber le gouvernement ? Aussitôt il se dresse menaçant le pouvoir, sauf « si le pouvoir d’achat continue à être pressuré ». Magnifique menace , le pouvoir d’Etat menacé par le pouvoir (nul) des consommateurs ; on est habitué aux formules alimentaires depuis de la part de ce Thibault. Pourtant meilleur défenseur que quiconque du corporatisme étroit, mais doublé d’un statut de négociateur national, un deuxième Thibault s’en prend sans crainte de se renier aux corporatisme des brèves coordinations, tenues par ses rivaux trotskiens de LO et LCR, ce qui lui permet d’affirmer que dans la durée le syndicalisme classique reste le seul vrai défenseurs des salariés.
« Multitudes » l’attendait au tournant car cette revue « communisatrice » et éclectique, est persuadée que les classes n’existent plus et ne sont plus que de vagues multitudes. Questions donc sur la composition du « nouveau salariat ». Thibault concède que cols blancs et maîtrise occupent un bon tiers dans l’entreprise SNCF, et que les manuels doivent se servir d’un clavier d’ordinateur. Mais au lieu de décrire ce clavier comme un simple nouveau stylo, voici une nouvelle spécialité de l’aristocratie salariée saluée comme telle. Thibault ne se laisse pas entraîner par les prêchiprêcha des négristes, ce n’est pas un bon job sur le terrain de la lutte des classes. Son job à lui c’est de faire croire que, intermédiaires ou de base, les couches salariées seraient pleinement actrices des décisions en AG et que l’entreprise est bien un lieu de discussion citoyenne.
Les négristes en sont pour leurs frais mais sont rassurés, car, majoritairement profs de ceci ou de cela, ils veulent pouvoir conserver les garanties de base qui assurent leurs arrières pour continuer à publier livres et articles, et jaser sur une révolution miraculeuse tombée du ciel après les révélations du céleste Empire de leur Casanova théorique.
Nous étudierons tout naturellement ensuite la psychologie des foules syndicalistes.
LES CHIENS DE GARDE SYNDICAUX :
Avant de devenir sergents recruteurs du syndicalisme, les prolétaires devenus permanents jouissent très vite de leur échappée belle. Ils ne veulent jamais revenir manger d'herbe à la production. Cette espèce d'apprenti sergent recruteur du syndicalisme modernisé (formation assurée par l'Etat et fonction de "salarié protégé) vivote en général dans la fonction publique à l'ombre de grands CE où, pendant les vacances, les sergents recruteurs se retrouvent patrons, c a d directeurs de colos de vacances ou terrains de camping où ils compensent leur absence d'héritage familial et intellectuel ; et où , totalement incultes en histoire du mouvement ouvrier, ils expliquent aux enfants que les "acquis sociaux" ont été obtenus de hautes jouxtes verbales entre négociateurs staliniens ou trotskiens pendant que les ouvriers, ces boeufs, restaient chez eux devant la cheminée d'Emile Zola ou l'écran plasma du XXIe siècle. Mon contremaître CGT aime bien me donner des ordres et faire passer son capitaine Thibault pour un vrai bolchevik. (fin des extraits).
PAS DE CRISE ! FAUT PRENDRE L’ARGENT OU IL EST !?
Parenthèses pour ceux qui croient parler de politique en insultant sans cesse Sarkozy et en bêlant dans chaque promenade de rue syndicale. Les balades actuelles serviraient-elles à marquer des points pour 2012 ?(pour qui? DSK est déjà descendu en flèche par les hommes de main à Sarko, et ses propres colistiers). Le comble de tous les syndicalistes gauchistes (et la raison pour laquelle ils ne nous aveuglent pas) c'est qu'ils croient ou veulent faire croire qu'il n'y a pas crise, qu'il suffit, comme un vulgaire Mesrine, de "prendre l'argent où il se trouve" (dixit la prof bobo Arto et le bobo facteur Besansot); mais, du coup ils oublient la gravité de la crise qui va s'approfondissant et la terreur des faux-culs de la gauche caviar et du sous-Marceau Pivert Mélendéchu à l'idée de se retrouver aux rênes... Dans un sens j'aimerais bien un nouveau Kerensky, mais la bourgeoisie ne nous offrira jamais plus ce plaisir là.
Avec sa victoire dans cet imbroglio sur "les" retraites (la revendication des 60 ne peut pas être unitaire car elle n'était déjà pas une réalité égalitaire depuis Mitterrand le florentin bourgeois) Sarkozy aura gagné son ticket pour 2012. Les croyants au suffrage universellement imbécile en seront pour leurs frais, quoiqu'ils joueront les sergents recruteurs pour illusionner sur un possible changement fallacieux de menteurs professionnel. Parce qu'ils ne comprendront jamais rien, Sarko Ier a été élu par la finance pour mener cet enculage sur les retraites (par le tripatouillage électoral et la collaboration des classes moyennes) et Sarko 2 sera élu en récompense de ses bons et loyaux services par la même mafia financière et juridique; et ceux qui iront voter pour un cacique quelconque de la gôche caviar se feront complice de ce cirque, qui permettra par conséquent à Sarko 2 de proclamer: "je suis l'élu de tous les français" (c a d de tous ceux qui ont voté et qui sont syndiqué).
Les guachistes syndicalistes et les néos du stalinisme ne voient que les méchants patrons les pauvres! Voyons, de façon subliminale, et compréhensible par les oreilles sensibles de la syndicratie (jamais plus traité avec hargne et mépris par la droite caviar comme avant 68) , Fillon le pion de Sarkozy siffle la fin de la récré. Les pions syndicaux ont parfaitement entendu le coup de sifflet en poussant lycéens et étudiants à dévier la protestation encadrée dans une impasse probablement barricadière le 2, suivie le 12 d'une reprise en main "contre l'aventure" et pour laisser les généraux syndicaux finir de négocier à la place de la rue. Si certains nigauds se réveillent (une partie des sectaires aveugles de ce site que nous avons dénoncé à juste raison depuis plusieurs jours) ce sera pour aller au casse-pipe et déplorer une désunion syndicale subite, qui les désarmera, mais si classiquement comme à chaque fois qu'on se demande pourquoi leurs parents n'ont pas développé leur mémoire quand ils étaient petits.
Clap de fin.
« Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde qui doit toujours lutter pour des connaissances nouvelles, qui ne hait rien autant que la pétrification dans des formes valables dans le passé et qui conserve le meilleur de sa force vivante dans le cliquetis d'armes spirituel de l'auto-critique et dans les foudres et éclairs de l'histoire ». Rosa Luxemburg
PAGES PROLETARIENNES
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samedi 25 septembre 2010
vendredi 24 septembre 2010
Scoop de Bernard Thibault: ON RIRA ENCORE PLUS LOIN!
On ira encore plus loin !
LE TERRORISTE ET LE REFORMISTE: réformisme radical ou terrorisme mou?-Entretien avec Toni Negri et Michel Vakaloulis avec Bernard Thibault pour la revue communisatrice et moderniste Multitudes
Mise en ligne janvier en 1996.
Futur antérieur - Pouvez-vous nous donner quelques éléments biographiques concernant votre trajectoire de syndicaliste CGT dans la SNCF ?
Bernard Thibault [1] - Ma trajectoire personnelle n’est peut-être pas le côté le plus intéressant. Vous avez certainement remarqué que plusieurs articles de presse s’intéressaient à cet aspect des choses. Je vous avoue franchement que la personnalisation excessive dans un mouvement foncièrement collectif, qui est tout sauf personnalisé, fait partie des dérives possibles. Or, nous sommes dans une ère de médiatisation, ce qui malheureusement ne manque pas de provoquer quelques travers. En tout cas, je le ressens comme cela. Puisqu’il s’agit de répondre à votre question en évoquant ma personne, même si je continue à croire que ce n’est pas là l’essentiel, je suis entré dans l’entreprise en 1974 comme apprenti au « matériel ». Vraisemblablement, l’apprentissage et les écoles de formation propres à l’entreprise - qui tendent malheureusement à disparaître au fil des années - expliquent une certaine culture professionnelle et sociale, y compris de solidarité. On entrait en apprentissage très jeune, à l’âge de quatorze-quinze ans. À la SNCF, le fait d’étudier ensemble créait une solidarité, comme on le voit dans les milieux étudiant ou collégien. Le collectif n’était donc pas dispersé au travail : on retrouvait dans la structure du travail les gens avec lesquels on avait étudié auparavant. C’était la spécificité de ces écoles internes aux grandes entreprises.
F. A. - Venez-vous d’une famille de cheminots ?
B. T. - Pas du tout. J’ai passé plusieurs concours d’entrée pour trouver un travail. A l’époque, il s’agissait de passer les concours d’entrée des grandes entreprises qui recrutaient des jeunes appren¬tis. L’intéressant avec la SNCF était qu’on touchait déjà comme apprenti un revenu, certes minime, mais qui permettait quand même d’alléger la charge familiale. Je viens d’un milieu disons modeste, et l’objectif était très vite de trouver du travail. Mais on ne peut pas trouver un travail qualifié à quatorze-quinze ans. Cela passait par un cycle d’apprentissage, et la SNCF était une des seules entreprises à rémunérer ses apprentis, en fonction d’ailleurs des résultats d’études obtenus : il y avait un barème qui favorisait les meilleurs notes, même si les sommes d’argent en jeu n’étaient pas considérables. Autant dire qu’il y avait déjà une symbolique de la performance.
L’entrée dans les ateliers de l’entretien des locomotives était l’occasion d’une rencontre rapide avec le mouvement syndical. Celui-ci est assez présent et représentatif dans une entreprise comme la SNCF, bien supérieur au taux de syndicalisation moyen dans ce pays. Selon des estimations que l’on obtient à partir du nombre des adhérents de la CGT et en faisant des projections sur les influences électorales - la CGT remporte environ la moitié des suffrages aux élections professionnelles de la SNCF alors que les six autres organisations se partagent l’autre moitié - on peut penser que 30 à 35% des cheminots sont syndiqués, quelle que soit l’organisation. Autant dire que le fait syndical, l’organisation collective pour la défense des salariés et la bataille revendicative se manifeste très vite pour celui qui entre dans l’entreprise. C’était là un élément décisif pour que la conviction personnelle se forge rapidement. En fait, je me suis syndiqué à la CGT quelques semaines après mon entrée dans un atelier, sans avoir forcément une conscience très élaborée de la signification et de la portée du combat syndical. Pourtant, je partageais cette idée que pour se faire entendre, pour être plus efficace vis-à-vis d’un patronat, voire d’une hiérarchie de l’entreprise, il fallait trouver le moyen de se rassembler. Par la suite, j’ai eu un parcours « naturel » comme tant d’autres : des prises de responsabilités qui ont évolué au fil des années, pour me retrouver premier responsable de la fédération des cheminots quelques années plus tard.
F. A. - Venons-en maintenant au mouvement social de novembre et décembre derniers qui semble comporter une série de caractéristiques inédites. On pourrait évoquer par exemple l’extraordinaire vitesse de propagation de la lutte, mais également, la rapidité de la reconversion des revendications « catégorielles » en revendications « politiques ». Les guillemets du deuxième terme suggèrent l’absence de réponse appropriée de la part des partis politiques de la gauche qui contrastait avec le processus de politisation interne à la dynamique de la grève. À l’heure actuelle, le sentiment général est que la grève n’est pas terminée, comme si le mouvement était simplement suspendu. On a même l’impression que tout le monde se guette. Dans ce contexte, comment évaluer ce qui vient de se passer ?
B. ’I’. - Il faudrait d’abord examiner l’expérience de la mobili¬sation chez les cheminots sans la déconnecter, bien évidemment, du mouvement d’ensemble. La grève des cheminots y a joué un rôle catalyseur et rassembleur. Mais si l’on veut comprendre comment et pourquoi la confrontation s’est engagée à ce moment précis, il est nécessaire de revenir en arrière, notamment sur les différents rendez-vous sociaux au sein de l’entreprise. L’image que l’on peut avoir de l’extérieur est celle d’une grève déclenchée rapidement, soudainement, très forte, voire surprenante, qui advient après l’annonce du plan Juppé sur la sécurité sociale. Cependant, elle vient de plus loin : les causes sont à rechercher dans l’évolution de la situation propre des cheminots et dans les politiques gouverne¬mentales menées au sein de la SNCF. Le plan Juppé a été un motif supplémentaire qui a déclenché la mobilisation extraordinaire que l’on vient de connaître. A ce propos, je suis d’accord avec vous pour constater que les choses ne sont pas complètement terminées. On pourrait revenir sur l’état d’esprit des cheminots et les autres rendez-¬vous que nous envisageons prochainement.
Pourquoi sommes-nous arrivés à cette explosion ? Notamment, parce qu’un travail syndical considérable a été réalisé dans l’entreprise. Dans ce cadre, on pourrait remonter au 28 octobre 1992, date de la « première grève européenne ». C’était une action collective à l’échelle européenne organisée par vingt-quatre organisations syndicales de cheminots - les douze pays de la Communauté Européenne, plus la Suisse et l’Autriche - pour s’opposer aux projets de libéralisation et de déréglementation des services publics et, en particulier, du transport ferroviaire. Ce jour, la France a connu une paralysie complète du réseau. Mais la force du mouvement résidait désormais dans la coordination de l’action des salariés de ces quatorze pays européens afin de contrer et contester la logique de Maastricht, logique qui faisait que le marché l’emportait sur toutes les autres considérations. Depuis, nous avons continué en France le travail sur ce terrain, notamment dans la perspective d’un autre rendez-vous que nous connaissions, le contrat de plan État-SNCF. Il s’agit du fameux plan contractuel qui est censé définir l’orientation politique et les moyens financiers pour la SNCF. Tous les salariés étaient informés de l’importance primordiale de ce rendez-vous pour l’avenir de la profession, du transport ferroviaire et du service public. En réalité, nous avons fourni des explications et débattu pendant plusieurs mois dans l’entreprise sur les questions qui concernent à la fois des considérations professionnelles et des enjeux de société tels que l’identité française, l’égalité de traitement entre citoyens, l’aménage¬ment du territoire, la spécificité des services publics, etc... Toutes ces notions fondamentales sont aujourd’hui malmenées par la logique de la construction européenne.
En raison des échéances politiques, le contrat de plan qui devait être signé pour le début janvier 1995 a été reporté à plus tard par Édouard Balladur, lequel - étant à la tête du gouvernement mais décidé à jouer le rôle que l’on sait dans l’élection présidentielle - a considéré que le dossier était trop « chaud » pour le traiter quelques mois avant l’échéance présidentielle. Pour notre part, nous avons quand même organisé des manifestations au fil des mois pour affirmer avec vigueur le fait que les cheminots voulaient être associés à l’élaboration du contrat de plan et tenaient à avoir ce débat national - que nous avons défendu pendant la grève - qui permettait aussi à la population et aux usagers de participer à l’avenir du service public en donnant leur point de vue.
Il convient par ailleurs de rappeler que nous avions organisé à la fin de l’année 1993 une grande manifestation à Paris qui avait rassemblé environ 40 000 personnes dont le contenu portait déjà sur le contrat de plan État-SNCF. Mais des raisons politiques liées à la cohabitation ont fait que le rendez-vous a été renvoyé à plus tard. Pendant cette période, la direction de l’entreprise n’a cessé de supprimer du personnel, de pressurer les salaires, de dégrader les conditions de travail. Il est significatif que 73 000 emplois ont été supprimés durant les dix dernières années à la SNCF.
Les cheminots, avant même de connaître les résultats de l’élection présidentielle, avaient pris la décision d’organiser avec l’ensemble de leurs organisations syndicales une autre manifestation nationale à Paris le 31 mai 1995 pour prendre date avec le futur gouvernement. Notre idée était d’imposer notre participation à la définition de l’avenir de l’entreprise et de présenter les revendica¬tions qui sont les nôtres, quel que soit le gouvernement en exercice. La journée du 3 1 mai fut un franc succès : 50 000 cheminots se sont retrouvés dans les rues de Paris, 10 000 de plus qu’en 1993, alors que les effectifs continuaient à diminuer. Cette importante mobilisation s’est produite dans une période où la question du service public était fortement portée par les agents de l’EDF-GDF, et plus généralement, dans une période où le débat à propos de la construction européenne et sur le rôle des services publics avait pris de l’ampleur. Le gouvernement Juppé, quelque peu surpris par cette mobilisation, nous déclare que l’occasion d’en discuter sera offerte à la rentrée.
L’été passe, septembre et octobre se déroulent, et l’on constate bel et bien que les travaux du contrat de plan s’élaborent en catimini dans un cercle restreint de décideurs : de Bercy, du ministère des transports et de la direction de l’entreprise. Dans ces conditions, l’ensemble des cheminots s’inquiètent de voir l’avenir se dessiner dans le plus grand secret. Nous parvenons à rendre publiques les intentions du gouvernement et de la direction de l’entreprise par la diffusion d’une carte ferroviaire, qui paraît dans plusieurs revues, où figure la perspective de supprimer 6 000 kilomètres de lignes et 30 000 emplois sur cinq ans, d’augmenter fortement les tarifs voyageurs, etc... Ce qui déclenche une prise de . conscience : malgré nos demandes, nous ne sommes pas entendus. Pour autant, les cheminots considèrent qu’il ne faut pas se laisser faire. Nous continuons par différents moyens à interpeller le gouvernement et la direction. De l’autre côté, c’est grosso modo le silence. Jusqu’au moment où l’on nous annonce, fin octobre début novembre, que ce contrat de plan qui a été élaboré en cercle restreint par quelques technocrates dans la logique des plans précédents - celle de la rentabilité financière - sera approuvé par un conseil d’administration qui se réunira en décembre. Dès lors, nous avons un terrain sur lequel les cheminots peuvent entamer une réflexion à propos de la réponse qu’il convient d’apporter face à la stratégie de la direction de l’entreprise : ils ont déjà l’expérience de deux contrats de plan précédents. Ils voient à quoi cela pourrait nous conduire et souhaitent s’y opposer de toute leur force.
Il se trouve que, lorsque le premier ministre prononce le 16 novembre son discours à l’Assemblée nationale sur la réforme de la sécurité sociale, nous sommes réunis par notre Conseil national de la fédération CGT - qui est l’instance la plus importante entre deux congrès, composée de 200-250 représentants des militants CGT de toute la France. La découverte du plan sur la sécurité sociale ne fait qu’ajouter à la nécessité de créer les conditions pour s’opposer au plan interne Etat-SNCF, opposition qui comprend maintenant les deux plans. Sur la base de l’expérience des luttes précédentes - nous avions par exemple participé à la grève du secteur public le 10 octobre 1995 - , une conviction prenait corps, selon laquelle une grève de vingt-quatre heures ne suffisait plus. Et qu’il fallait, peut-être, passer à une étape supérieure de la mobilisation. Nous avions encore assisté, pour la première fois dans l’histoire de l’entreprise, à une manifestation des agents de maîtrise et des cadres : c’était le 12 octobre, c’est-à-dire le surlendemain de la journée d’action du service public et nationalisé. On n’avait jamais vu ces catégories de personnel manifester devant le siège de la direction générale pour contester la logique d’entreprise et le rôle qu’on leur faisait jouer, justement pour faire passer cette politique. Autant d’indicateurs qui révélaient l’existence d’une mobilisation très importante et d’une disponibilité de l’ensemble des cheminots, quel que soit leur collège, à aller plus loin.
Au Conseil national, nous nous sommes d’abord décidés à participer à la journée d’action des fonctionnaires du 24 novembre. Je rappelle que cette date a été décidée par différentes fédérations de fonctionnaires qui se sont rencontrées à l’issue de la mobilisation du 10 octobre pour fixer une prochaine étape. Mais en même temps, notre attitude consistait à dire aux cheminots : si vous êtes d’accord pour aller plus loin, il faut qu’on le décide ensemble, et pour ce faire, la meilleure des manières est d’organiser partout des assemblées générales du personnel et de discuter des suites du mouvement, y compris de la poursuite de la grève. Nous avons par ailleurs très vite contacté l’ensemble des autres organisations syndicales, avec lesquelles nous avions aussi organisé tous ces rendez-vous précédents dont le caractère unitaire représente u n élément dynamique pour la mobilisation. Celles-ci ont à leur tour convenu que, face à l’ampleur de l’offensive, il n’y avait guère que cette solution à proposer aux cheminots. Les événements ont montré qu’ils se retrouvaient parfaitement dans l’idée d’aller plus loin : les assemblées générales qui ont eu lieu à partir du 24 novembre au soir ont révélé une forte détermination.
F. A. - C’était la première fois que vous appeliez à organiser des assemblées générales ?
B. T. - On avait déjà eu ce type de comportement en 1986, mais pour des motivations différentes et dans un conflit relativement circonscrit. Cette mobilisation avait touché une partie de la profession, principalement les roulants : agents de conduite et contrôleurs. L’élément déclencheur était la grille de salaires : il s’agissait à l’époque de revenir sur les dispositions statutaires concernant les rémunérations des agents pour introduire la « rémunération au mérite ».
F. A. - Pourtant, les assemblées générales de 1986 étaient un produit de la base, alors que celles de décembre dernier semblent au contraire provenir d’une volonté de dialogue et d’ouverture des centrales syndicales elles-mêmes.
B. T. - Tout à fait. Le mouvement de décembre était très profondément organisé depuis de longs mois, voire depuis deux ou trois ans. Bien entendu, personne ne pouvait prévoir que la situation allait aboutir à ce mouvement. Mais le fait que les organisations syndicales aient bien joué leur rôle pendant cette période, en informant les cheminots sur les contacts qu’elles avaient avec le gouvernement et la direction de l’entreprise, mais également, en réfléchissant avec le personnel sur la manière de s’opposer aux projets en question, a rendu les cheminots attentifs aux propositions des syndicats. Lorsque nous nous sommes présentés pour annoncer qu’il fallait, peut-être, aller ensemble bien au-delà de ce que l’on faisait jusqu’à présent, les cheminots avaient déjà les éléments explicatifs pour comprendre les raisons de cette proposition. Dans l’organisation de la grève, quasiment personne n’a proposé cette fois une structuration alternative, à l’instar de la coordination ou du comité de grève. La raison réside dans le fait que les organisations syndicales ont pleinement joué leur rôle. En particulier, la CGT a réussi à ancrer l’idée suivant laquelle c’est aux cheminots que revient la décision, au fil des jours et des assemblées, des formes et de la poursuite ou non de la grève.
F. A. - Pensez-vous que cette évolution représente quelque chose de profondément nouveau dans l’expérience de la CGT ?
B. T. - Je le pense. D’une part, c’est un progrès dans notre capacité de ne pas perdre notre identité de CGT - laquelle, comme vous le savez, fonde son syndicalisme sur la notion de rapports de classes, notion qui est fort contestée, mais qui reste pour nous une réalité du combat social d’aujourd’hui. D’autre part, il y a une progression dans l’aptitude à conduire un combat à la hauteur de ce que les salariés veulent faire et à la vitesse avec laquelle ils entendent s’y engager. En effet, ces salariés qui, cinq mois avant la grève, avaient des comportements assez différents sur le plan politique (il va de soi que tous les cheminots n’ont pas mis le même bulletin de vote dans l’urne), se sont rassemblés avec des objectifs communs pour contester une certaine logique politique, puis aussi, avec une certaine vision partagée de ce qui devrait être la construction européenne, le service public, l’avenir offert aux nouvelles générations, etc. D’extraordinaires débats politiques se sont développés dans les assemblées générales, et après coup, il y a une reconnaissance de la contribution de la CGT à la création de cet espace de démocratie dans l’entreprise. Une reconnaissance qui s’affirme à tel point que nous avons un courant d’adhésion à la CGT, y compris durant ce mois de janvier.
F. A. - Vous affirmez que les syndicats, en particulier la CGT, ont renversé le mécanisme de transmission traditionnel de l’information et de la décision qui partaient unilatéralement d’en haut vers le bas.
B. T. - Exactement. C’est vrai notamment dans une profession comme la notre : pendant des décennies, ce mécanisme fonctionnait assez souvent à l’envers ou, en tout cas, d’une manière qui ne correspond plus à la société actuelle et aux attentes des salariés dans leurs rapports avec les organisations syndicales.
F. A. - Malgré les défauts liés à leur caractère parfois minoritaire ou « sectaire », l’expérience des coordinations a-t-elle contribué dans cette nouvelle démarche syndicale ?
B. T. - Sans aucun doute, le conflit de 1986 nous a beaucoup fait réfléchir sur notre pratique syndicale et notre manière d’« être CGT ». Il ne s’agissait pas, encore une fois, de perdre notre propre identité. Mais on se posait la question de savoir jusqu’à quel point, si les coordinations ont pu voir le jour en 1986, nous n’y étions pas non plus, peut-être, pour quelque chose, en raison précisément de nos comportements, attitudes ou messages vis-à-vis des cheminots. Nous nous sommes donc interrogés sur les raisons pour lesquelles l’émergence d’un autre outil d’expression revendicative avait été possible, alors que la CGT estimait que c’était justement son rôle. Sur ce point, nous avons beaucoup réfléchi, notamment dans le cadre des deux derniers congrès de la fédération qui nous ont aidé à approfondir cette question. Je pense que tout ce travail a produit des résultats qui sont loin d’être négligeables. La preuve en est que, lorsque dans les assemblées générales la question s’est posée, au fil de la lutte, de créer d’autres structures pour avoir la certitude de ne pas être trahi ou pour disposer de tous les éléments, etc., la réaction quasi unanime a été négative. Autrement dit, la très grande majorité des salariés ne ressentaient pas le besoin de se doter d’un outil nouveau parce que l’état d’esprit des syndicalistes CGT était à la hauteur de la situation.
F. A. - Une éventuelle réapparition de coordinations dans l’avenir connoterait-elle une certaine défaillance du syndicalisme ? Parce que si l’on admet qu’une seule cause suscite leur émergence, il est possible de présumer qu’elles disparaîtrons partout où les syndicats « remplissent leur rôle », même s’il n’est pas à exclure qu’elles pourraient subsister là où la structuration syndicale reste extrêmement faible, voire absente. Pour aller vite, elles pourraient réapparaître chez les infirmières ou les assistantes sociales niais non chez les cheminots, branche traditionnelle du mouvement ouvrier où la CGT est fortement implantée, etc.
B. T. - Certainement, il y a plusieurs facteurs qui se trouvent à l’origine des coordinations : dans nombre de secteurs, il s’agit assurément de la faiblesse d’organisation et d’implantation tradition¬nelles des forces syndicales. En effet, le taux de syndicalisation de la profession d’infirmier/ infirmière n’est aucunement comparable avec celui de la SNCF. Or, le besoin d’avoir des structures se fait sentir lorsqu’il est urgent de lutter et que l’outil pour mener le combat fait défaut. Il faut alors inventer quelque chose. En même temps, l’expérience des coordinations reste éphémère. Par consé¬quent, en l’absence de structures durables, on s’en remet à une qui essaie de faire face à l’irruption brusque d’un événement, sans pour autant résoudre le problème de l’efficacité de la lutte sur le long terme.
F. A. - A propos des nouvelles caractéristiques organisa¬tionnelles du mouvement de décembre, il y a un phénomène remarqué et remarquable, l’ouverture horizontale de la lutte. Des salariés de branches différentes se sont retrouvés, surtout en province, dans les mêmes assemblées territoriales : des cheminots avec des enseignants de la FSU, des rencontres extrêmement larges...
B. T. - Y compris avec le milieu étudiant.
F. A. - Absolument. Comment tout cela pourra-t-il « vivre » ?
B. T. - À mon avis un pas considérable a été franchi en ce qui concerne la compréhension des luttes qui pouvaient paraître jusqu’à présent sectorielles, mais qui maintenant se comprennent beaucoup mieux comme étant des luttes convergentes. Le meilleur exemple est sans doute celui entre étudiants et cheminots. En effet, le besoin de se parler est apparu très rapidement dans ce conflit, parce que les gens avaient le sentiment d’être confrontés à des logiques identi¬ques, même si elles se traduisaient différemment pour un étudiant ou un cheminot. D’où ces formidables initiatives spontanées qui consistaient, par exemple, à faire des banderoles unitaires avec le mot d’ordre « cheminots-étudiants ensemble » ou à s’inviter dans les amphithéâtres et les dépôts pour prendre chacun la parole et expliquer les motifs de l’action engagée. Tout cela était inconce¬vable dans le passé. Nous avons affaire ici à une compréhension tout à fait nouvelle de la convergence de différents mouvements qui jusqu’à présent apparaissaient comme étant enfermés sur eux-mêmes.
F. A. - Pensez-vous que cette nouvelle convergence liée non simplement au site mais avant tout au territoire pourrait faire l’objet d’une réflexion ultérieure ? D’autant plus que l’expérience du syndicalisme français s’est fondamentalement organisée autour des branches, de façon professionnelle.
B. T. - Je crois que cet aspect n’a pas forcément été remis en cause. L’expérience montre que pour « coller » à la volonté des salariés il faut d’abord être très professionnel. Ce qui ne veut pas dire qu’il faut s’en tenir à un contours de l’action revendicative « intra-muros », interne à l’entreprise. D’ailleurs, les cheminots ont rapidement fait le constat que le combat qu’ils avaient décidé de mener dépassait largement les frontières de la seule SNCF. D’où leur volonté d’aller aux portes des entreprises, sur les marchés, dans les universités, à La Poste, à EDF pour rencontrer les gens, leur expliquer le fait qu’ils étaient, eux aussi, concernés par le plan Juppé, et qu’il fallait être tous ensemble, expression qui a fonctionné comme leitmotiv pendant les manifestations.
F. A. - Justement, quelle est la signification de ce mot d’ordre ?
B. T. - C’est la prise de conscience du fait que, après une période où se sont succédés différents mouvements de diverses professions, la situation appelle maintenant un dépassement par un « tous ensemble » auquel il faut, tous, travailler. A travers les manifestations et les grèves s’est affirmée une formidable aspiration, bien au-delà d’un simple appel, à rassembler le secteur public et le secteur privé, les plus anciens et les plus jeunes, les précaires et les statutaires ou les français et les immigrés.
F. A. - Cependant, le même mot d’ordre est redoutable précisément parce qu’il divise, trace une ligne de démarcation, fut elle irréductible à la métaphore consacrée des « deux camps ». « Tous ensemble », sans doute, mais contre qui ? Quel est le clivage suggéré, voire l’adversaire désigné, si l’en est un ?
B. T. - C’est là que la dimension politique devient intéressante ! La médiatisation aidant, j’ai eu l’occasion de contacter beaucoup de salariés durant la dernière période, y compris des non syndiqués : des salariés qui soutenaient l’image et la signification du mouve¬ment social parce qu’ils s’y retrouvaient. Ils appréciaient notamment l’absence de politisation en ce sens particulier : luttes contre des individus ou volonté d’obtenir uniquement la démission du premier ministre. La politisation portait au contraire sur la situation socio¬économique et des revendications sociales, sur une certaine vision de la société française et de la construction européenne. Tout en sachant se prémunir de la bataille politicienne - que les gens rejettent depuis longtemps - où le débat politique d’idées cède la place à la question de savoir si c’est un petit chauve ou un petit rond qu’il faut mettre au pouvoir. Par exemple, on m’a beaucoup dit que la CGT avait gagné en crédibilité, à l’égard de FO notamment, parce que Blondel était apparu, lui, comme un dirigeant syndical qui voulait régler les comptes sur ce terrain-là. Pour reprendre votre question, il me semble clair que c’est le capital qui est visé, plus ou moins consciemment, dans cette affaire, même si les grévistes et les manifestants en avaient des perceptions différenciées. À noter encore la participation à la grève de cheminots qui malheureu¬sement avaient voté pour l’extrême droite à l’élection présidentielle. Ces luttes peuvent contribuer à atténuer le danger politique majeur que représenterait le renforcement de l’extrême droite en France. On a vu d’ailleurs avec quelle discrétion le Front national s’est comporté pendant toute cette période parce que, fondamentale¬ment, le mouvement social allait et va à l’encontre de toutes ces thèses racistes qui divisent les salariés, et finalement, à l’encontre des positions qui gardent à l’abri la logique du capital.
F. A. - Pourquoi le secteur privé ne s’est-il pas retrouvé à l’intérieur de la lutte, autrement que par le biais, comme cela a été dit, d’une grève par procuration ? Cette interrogation est profondé¬ment liée à la question de savoir pourquoi les luttes dans les services sont aujourd’hui tellement centrales pour poser des problèmes fondamentaux de société.
B. T. - En ce qui concerne la présence du privé dans le mouvement, il faudrait y regarder de plus près. En faisant le point nationalement au niveau de la CGT sur le mouvement de décembre dernier, nous avons pu constater que la médiatisation importante autour du conflit des transports en commun a sans doute masqué les véritables dimensions du mouvement dans l’ensemble des entreprises. Cela ne signifie pas - sinon on l’aurait remarqué - que le degré de mobilisation de l’ensemble du secteur privé était aussi élevé que celui du secteur public. Pour autant, beaucoup de choses importantes se sont passées dans un certain nombre d’entreprises privées, telles que des reconductions de la grève pendant huit ou dix jours. Nous avons affaire ici à un degré de mobilisation bien supérieur à ce que l’on a connudurant les dernières années dans ce secteur. ’l’out cela a été sans doute masqué par la dimension spectaculaire de la grève des cheminots, laquelle, a écrasé médiatiquement ce qui se passait réellement au-delà. Ensuite, il convient d’examiner le comportement qui a caractérisé le secteur privé et les moyens d’expression qui ont été les siens. A titre d’exemple, son apport aux manifestations a été important. Cependant, la participation à la grève n’a pas pris une dimension suffisamment forte - ce qui aurait à mon avis provoqué le retrait du plan Juppé.
Cette insuffisance renvoie aussi à la réalité des entreprises du secteur privé, où le fait syndical reste un combat. Dans beaucoup de secteurs, distribuer simplement des tracts aux portes d’une entre¬prise privée demeure une prouesse. Bien que nous soyons en France avec des droits reconnus, la section syndicale faisant partie des acquis légaux, avoir une carte syndicale se fait fort souvent dans la discrétion. Qui plus est, faire grève dans un contexte de chômage massif et de précarité envahissante, où le patronat n’hésite pas, dès que quelqu’un présente des revendications, à lui dire : « j’ai dix personnes qui attendent votre place, si vous n’êtes pas content » ne fait que compliquer la tâche de la mobilisation. C’est un contexte de pression extraordinaire qui oblige, avant même d’envisager la grève, de créer des conditions de persuasion indispensables afin que les difficultés liées à la répression (latente ou ouverte) qui subsiste dans le secteur privé puissent être surmontées.
Or, malgré ces difficultés, les salariés du privé ont cherché à exprimer avec d’autres moyens leur « solidarité », c’est-à-dire leur compréhension du mouvement mais aussi un message plus fort qui consistait à dire : « non seulement vous avez raison, mais encore, vous portez notre propre combat à travers votre grève ». D’où la solidarité financière envers les grévistes. Des salariés prétextaient le blocage des transports, récupéraient des heures supplémentaires pour venir aux manifestations. Nous avons ici des attitudes qui montrent, avec les moyens qui sont accessibles, l’ampleur du mouvement. Bien entendu, il faudra réussir à dépasser ce degré de mobilisation.
F. A. - Ces conditions objectives qui entravent la capacité de mobilisation du secteur privé rendent-elles improbable une « explosion » prochaine, voire proche dans ce secteur ?
B. T. - Certainement non. Ces attitudes montrent précisément un intérêt pour et un accord avec ce qui s’est passé de la part de gens qui n’ont pas pu complètement rejoindre le mouvement pour de multiples raisons dont celles que nous venons d’évoquer. Ce qui ne veut pas dire que tel sera le cas dans les prochains mois. Au contraire, si le pouvoir d’achat continue à être pressuré, si l’on continue à déstructurer la société française, je pense que des millions de salariés seront susceptibles de franchir le pas et, peut-¬être, de surmonter les blocages psychologiques ou même physiques auxquels ils ont à faire face.
F. A. - Un des arguments évoqués pour expliquer la faible mobilisation du secteur privé est l’absence de revendications particulières, notamment sur les salaires, l’évolution professionnelle ou les conditions de travail. Un élargissement dans cette direction des revendications en décembre dernier aurait-il pu changer l’issue du conflit ?
B. T. - J’ai mentionné auparavant la nécessité de renforcer l’aspect professionnel du dispositif revendicatif. Parce qu’à chaque situation professionnelle la revendication est particulière. Tout en sachant qu’il faut, non pas uniformiser mais, du moins, travailler sur la cohérence des revendications et, plus généralement, du mouvement. Ce à quoi les coordinations ne peuvent pas répondre.
F. A. - Nous sommes d’accord pour constater qu’une des limites des coordinations pourrait justement résider dans le fait d’être plus « corporatistes » que le syndicalisme de branche. Une raison supplémentaire pour repenser le rapport entre le syndicat et son « public ».
B. T. - Un des grands motifs d’étonnement de nos collègues européens sur le plan de la grève, c’est de chercher à comprendre comment des organisations syndicales françaises, avec une faiblesse aussi importante du point de vue numérique, étaient à l’origine d’un tel mouvement. La réponse réside sans doute dans le rapport désormais modifié de l’organisation syndicale aux salariés. Malgré les difficultés et les limites de l’action syndicale, cette modification fait que sur la base d’une image, d’un message, d’une volonté et d’un travail patient de terrain, nous pouvons réussir à mettre des forces considérables en mouvement.
F. A. - Une série de transformations profondes affectent aujourd’hui le monde du travail, parmi lesquelles figure l’accentuation du poids des tâches intellectuelles au sein de l’activité productive. Pensez-vous qu’il y ait une relation entre la forme dans laquelle la lutte s’est développée et la nouvelle composition du salariat ?
B. T. - Si l’on regarde l’évolution sociologique de entreprise, on s’aperçoit aujourd’hui qu’environ 28% des cheminots sont des agents de maîtrise ou des cadres. Trois décennies auparavant, ce pourcentage tournait autour de 10%. La population cheminote était très « ouvrière ». En plus, il faut considérer que, parmi les 72% du personnel d’exécution restant, nous avons une grande partie qui travaille sur ordinateur, selon des processus de travail qui n’ont rien à voir avec les habitudes d’il y a vingt ans. Bien entendu, le travail manuel existe encore à la SNCF mais la technologie moderne fait maintenant partie intégrante de l’entreprise. C’est l’un des éléments qui ont poussé les organisations syndicales, la CGT entre autres, à réfléchir au rapport avec un salariat qui n’est pas le même que jadis. Aujourd’hui, les salariés disposent d’un niveau supérieur de formation générale, d’autres capacités techniques à déployer dans un travail de plus en plus collectif, travail dont la mise en oeuvre efficace nécessite une très grande réflexion commune, avant même de se mettre en mouvement. De ce fait, le collectif de travail reprend de la valeur. Cela s’applique également à l’action syndicale : le travail de mobilisation ne peut plus fonctionner sur la base de consignes syndicales mais sur la base de convictions et d’explications réciproques.
Autant le mouvement syndical a intégré, à mon avis, cette donnée, autant le « management » dans l’entreprise essaie de l’ignorer au maximum. Sur ce point, il y a par ailleurs une contradiction : il est nécessaire d’avoir des salariés de plus en plus intelligents dont on s’efforce de tirer toute la substance pour l’efficacité productive de l’entreprise, mais on ne veux surtout pas qu’ils s’intéressent à l’élaboration de la stratégie et de la logique de l’entreprise. Les dirigeants de l’entreprise, que j’ai rencontré après les récents événements, sont perdus quant à la manière dont ils vont pouvoir désormais « regagner » la confiance des cheminots et, en particulier, celle du personnel d’encadrement. Le conflit a donc laissé des traces, notamment du fait de la participation considérable d’agents de maîtrise et de cadres à la grève.
F. A. - Cette participation, est-elle chiffrable ?
B. T. - Dans certaines régions, cette participation active atteignait pendant trois semaines entre 50 et 55% de cadres en grève ! Cela ne s’était jamais produit : ils ont pratiquement désavoué toute l’ingénierie du management ainsi que le rôle que l’on veut leur faire jouer. Cette partie du personnel, après avoir réfléchi sur le contenu du contrat de plan et analysé la logique d’entreprise et celle de la construction européenne, refuse maintenant de se mettre, avec l’intelligence, le savoir-faire et les moyens qu’elle maîtrise, au service de cette stratégie-là. Face à ce formidable désaveu des techniques du management, la direction ne sait plus comment elle va pouvoir piloter l’entreprise.
F. A. - Est-ce que cela n’ouvre pas une autre dimension d’action syndicale, celle par exemple de la réappropriation de certains éléments de l’administration ?
B. T. - En effet, il y a là une très grande responsabilité pour le syndicat. Après le conflit, l’attente des cheminots à notre égard est très importante. C’est le cas notamment de la responsabilité qui nous incombe concernant l’élaboration du futur contrat de plan. Après la remise à plat de l’ancien, les pouvoirs publics sont contraints d’organiser un débat national qui va durer jusqu’au mois de mai, dans lequel on rediscutera de l’avenir de la SNCF et du service public en France. A cette occasion, nous entendons continuer à être présents dans ces brèches, avec les usagers et la population, afin de donner un contenu au nouveau plan. Tout cela, bien entendu, dans une confrontation permanente avec les opinions des cheminots. Comme l’expérience de la lutte l’a révélé à travers des idées et des initiatives extraordinaires pour conduire le mouvement, il est aujourd’hui parmi les travailleurs des intelligences multiples mais complètement inutilisées. Réussir à les mettre en commun pour essayer de défendre une certaine vision de l’avenir du service public est une responsabilité importante, pour laquelle il faudrait trouver les moyens d’être à la hauteur.
F. A. - En quoi celle attitude de « responsabilité » dans l’entreprise serait-elle différente par rapport à un modèle revisité de « cogestion » à l’allemande ? Comment la participation active du syndicalisme militant au sein de l’entreprise pourrait-elle tourner à autre chose qu’à l’assimilation à la logique des « partenaires sociaux » ?
B. T. - S’agissant des caractéristiques françaises, je pense que la dimension de la délégation de pouvoir se trouve en recul sur plusieurs terrains de la prise de décisions. Une des raisons en est le discrédit du politique qui frappe la France depuis quinze ans. À ce propos, il est remarquable qu’à l’occasion des échéances électorales, on obtienne des résultats par défaut. Pour prendre l’exemple de la dernière élection présidentielle, les gens ont voté mais sans illusion, quoique avec beaucoup d’exigence. J’ai le sentiment que le même constat se vérifie pour les organisations syndicales. D’autant plus que les scandales financiers, qui désormais sautent aux yeux de tout le monde et viennent de partout, amplifient la méfiance et la défiance vis-à-vis des institutions en général, y compris syndicales. Le dernier en date, je pense à l’ARC, montre que même les associations dites humanitaires au sens large sont susceptibles d’être détournées de leur fonction alors qu’elles semblent reposer sur la solidarité au sens noble du terme. Or, notre acquis précieux est que nous avons peut-être réussi de ce point de vue à rassurer les salariés quant à notre capacité de fonctionner en transparence sur la base de démocratie et de contacts réguliers, en montrant qu’il était possible que les salariés, les adhérents du syndicat se réapproprient leur organisation.
En ce qui concerne le cas allemand, il est clair que le parcours historique de son syndicalisme est différent de celui de la France, pays de révolutions caractérisé par la prégnance d’un syndicalisme de classe. Mais y compris en Allemagne, la discussion est vive sur la nature et les orientations du syndicalisme à développer. Je ne suis donc pas convaincu que les bases actuelles du syndicalisme allemand soient forcément celles de l’avenir. Même si la pratique de la cogestion est fortement ancrée dans la société allemande, il n’est pas exclu qu’elle puisse évoluer. Le débat a déjà été engagé au niveau de la CES (Confédération européenne des syndicats) sur le caractère et le sens de l’action collective à poursuivre, avant même que le mouvement social éclate en France. Maintenant, je sais que notre expérience de décembre a accentué le besoin de rediscuter de l’orientation stratégique de la CES. Cela concerne également certaines forces du mouvement syndical en Allemagne qui constatent que l’affrontement dans la lutte est quelque chose qui devient de plus en plus imparable. C’est la logique de la « financiarisation des économies » qui amène précisément à cette conclusion. Il va de soi que l’évolution du syndicalisme allemand ne se fait pas uniquement en référence à ce qui se passe en France. Cependant, la nature de la construction européenne amène à reconsidérer les conceptions établies de la pratique syndicale et pousse à avancer la réflexion sur le type de syndicalisme à construire.
F. A. - Et en ce qui concerne le rôle des services publics dans le cadre de celle démarche ?
B. T. - Les services publics français remontent très loin et représentent une originalité à l’échelle de l’Europe. Lorsqu’il s’agit de les mettre à bas en les livrant aux lois du marché, comme une quelconque activité commerciale ou industrielle, de vives réactions émergent dans la société française, dès lors qu’elle prend conscience que ses acquis historiques, issus des luttes, disparaissent. Ce phénomène prend aujourd’hui une dimension considérable parce que, d’une part, nous sommes dans une phase de déstructuration active (voir la situation à France Télécom, à la SNCF, à EDF-GDF, aux PTT, etc.), et d’autre part les effets liés à ce que Chirac a appelé la « fracture sociale » ne cessent de s’élargir au fil des années. Les services publics sont précisément perçus par les citoyens comme étant l’un des moyens pour contrer cette « fracture sociale ».
Pourtant, alors qu’ils continuent à représenter un obstacle, un frein à l’aggravation de ces effets, repli après repli, ils ont été sérieusement malmenés : des pertes d’emplois, de gares, de lignes ferroviaires, des fermetures de bureaux de poste, des activités de plus en plus marchandes ; les services publics demeurent encore une référence. Pour beaucoup de citoyens, ils restent un moyen pour atténuer la « fracture sociale » à travers un accès relativement égalitaire à nombre de services essentiels qui procurent une certaine sécurité dans la vie collective : la sécurité sociale, l’enseignement public, le transport public, etc. La disparition par exemple à la SNCF de la tarification au kilomètre, broyée par le phénomène TGV, connote maintenant la volonté de permettre l’accès aux trains en fonction des périodes de pointe, et plus généralement, d’accentuer le rapport à l’argent et le caractère marchand de la relation avec l’usager devenu client. Nous avons affaire ici à une imprégnation des services publics par la logique marchande qui fait comprendre aux citoyens que, pour vivre dans la société que l’on nous dessine, il faut avoir de l’argent.
En même temps, ils représentent encore un pôle de résistance. Le rapport public/privé réapparaît ici, notamment la question évoquée auparavant de la « délégation » de la bataille revendicative en direction des salariés du secteur public. Tout s’est déroulé comme si ceux du privé voulaient dire aux premiers : « si vous qui avez encore des organisations syndicales et des garanties statutaires, de forts points d’appui sociaux pour mener favorablement le combat revendicatif, vous êtes obligés de céder sous le poids de la contrainte du pouvoir du capital, alors les carottes sont cuites pour le monde du travail ». Il s’agit là d’une identification avec le service public à propos d’une bataille dont la portée le dépassait largement. Rappelons-nous par ailleurs que ce secteur représente en France, directement ou indirectement, plusieurs millions de personnes (salariés et familles). Autant dire qu’il imprègne la société française et régit d’une manière ou d’une autre la vie familiale. Ce qui est en jeu ici concerne à la fois le rapport à un employeur, à un revenu et à une identité professionnelle. J’ai le sentiment que l’un des éléments de l’échec de la SNCF vis-à-vis du personnel d’encadrement est le refus de voir que la profession dispose d’une histoire qui conduit les cheminots à valoriser leur rapport avec l’usager plutôt qu’avec le client. Or, malgré toutes les évolutions que l’on connaît, ceux-ci demeurent attachés dans leur conscience professionnelle à cette notion de service envers la société en général et non pas à celle de service marchand. Sur ce point, comme sur d’autres, les cheminots attendent de nous qu’on les aide à construire des réponses nouvelles.
F. A. - Pour ce faire, comptez-vous travailler avec les autres organisations syndicales ?
B. T. - Certainement. Nous venons de leur faire la proposition, suite au combat commun que nous avons mené pour rejeter une certaine vision de nos missions en tant qu’entreprise de transports ferroviaires, d’effectuer un travail syndical et d’essayer d’élaborer des propositions ensemble. Des propositions qu’il faudra soumettre aux cheminots et les confronter avec leurs propres visions et suggestions. C’est encore trop tôt pour avoir des réactions de leur part, pour savoir si elles sont dans la même disponibilité d’esprit. De mon point de vue, il faudrait, après l’unité qui a prévalu pendant la grève, qu’on soit capables de construire une alternative dans l’unité.
F. A. - Quelles sont les perspectives immédiates sur le terrain de la lutte sociale ?
B. T. - La question du pouvoir d’achat devient décisive, et cela dans l’ensemble des professions. La période du début d’année est traditionnellement celle de la négociation salariale dans le secteur public et privé. Il y aura d’abord cette ponction supplémentaire, le RDS, si l’on ne parvient pas à le faire annuler. La conjonction entre les hausses des prix et l’effet cumulé des politiques salariales antérieures font que la réalité du pouvoir d’achat aujourd’hui porte à réfléchir sur les raisons pour lesquelles la consommation et la croissance restent insuffisantes en France.
Tout en continuant pendant la période actuelle à proposer d’autres rendez-vous pour le retrait complet du plan Juppé, notre volonté est de penser et de pousser en avant avec les salariés la question du pouvoir d’achat, y compris comme élément fondamental de la dynamique économique. Une déclaration de la commission exécutive de la CGT propose que, dès la fin de mois de janvier, les salariés discutent dans les entreprises, à l’appui des enseignements que nous avons tiré et des acquis obtenus grâce à l’action du mouvement social. En effet, la récente expérience a montré que la lutte pourrait être victorieuse. C’est un élément primordial, surtout après tant d’années de luttes syndicales sans succès notoire. Il importe donc de souligner cette idée attestée selon laquelle l’action peut payer. Ainsi, nous entendons en faire un point d’appui pour expliquer aux salariés qu’il est possible d’aller plus loin sur la question du pouvoir d’achat et pour proposer de discuter dans les entreprises sur les formes que l’action pourrait prendre. Pour nous, il ne s’agit pas de décréter a priori le contenu, la date ou le lieu de l’action collective mais plutôt d’impulser cette réflexion forte, de telle sorte que l’on puisse, le cas échéant, organiser de nouveau des manifestations dans les villes, des débrayages dans les entreprises, et même, si les gens sont disponibles, une ou deux grandes journées d’action interprofessionnelle, dans ce pays, sur cette question. Et cela, le plus rapidement possible.
F. A. - On arrive finalement au thème du rapport entre la politique et la pratique syndicale de nos jours. Vous avez vous¬-mêmes souligné l’intérêt international pour le mouvement de décembre dernier mais également l’étonnement général de voir émerger un tel mouvement dans une France caractérisée par un faible taux de syndicalisation et un étiolement du politique qui semble de plus en plus tourner à vide. D’autre part, cette crise a révélé, s’il en était besoin, une déconnexion remarquable entre la gauche institutionnelle et le mouvement social. Dans ces conditions, un précieux travail de politisation démocratique et anti¬libérale du corps social a été effectué, ayant comme protagonistes les organisations syndicales qui ont participé aux mobilisations, et notamment la CGT. On pourrait y lire un des effets directs de cette critique en acte de la modernisation capitaliste du monde social dans la prise de conscience chez de nombreux travailleurs intellectuels de la nécessité de contester sur le plan des idées les différentes formes de l’idéologie dominante qui se prennent pour la « pensée unique ». Mais aussi, de la nécessité de se placer du « bon côté », celui du mouvement des dominés, si l’on tient à préserver le sens critique de l’analyse sociale et les exigences d’une raison informée. Tous ces effets combinés nous amènent à nous interroger sur le nouveau rôle politique que le syndicalisme est appelé à assumer dans la conjoncture actuelle.
B. T. - Ce mouvement appelle une réflexion interne de la part des partis politiques traditionnels. Je pense aux partis de gauche parce que c’est de ce côté-là que devrait venir, non pas le projet politique, mais du moins une perspective crédible d’alternative sur le plan politique. Si ce n’est pas le cas, je crois que le mouvement social lui-même inventera une nouvelle réponse politique. Sera-t¬-elle forcément la création d’un nouveau parti politique ? C’est très difficile à évaluer pour l’instant. Une chose est sure, le terrain est maintenant favorable pour d’autres mobilisations et confrontations sociales. La période qui s’ouvre ne sera pas nécessairement caractérisée par des grèves longues et spectaculaires mais, plutôt, par l’ancrage d’un mouvement susceptible de prendre des formes multiples, peut-être des débrayages fréquents dans des entreprises et de temps en temps des grandes manifestations. Autrement dit, par l’ancrage de l’aspiration sociale à ne plus se laisser faire.
Quant aux partis politiques de gauche, soit ils seront capables d’une rénovation suffisamment forte en termes de positionnement politique pour être en phase avec le mouvement, soit, dans le cas contraire, le mouvement suggérera des structurations et des réponses politiques inédites. J’insiste sur cette originalité du mouvement qui s’est produit six mois après l’élection présidentielle. Cette caractéristique relativise le rapport des partis politiques à leur électorat, et par là, dévalorise en quelque sorte la valeur du bulletin de vote. Elle confirme et fait ouvertement apparaître le choix électoral comme un vote « par défaut ». Il est évident que la démocratie a besoin de partis politiques qui défendent un programme et un projet de société. Or, elle ne pourra pas se contenter longtemps de jouer l’alternance au fil des échéances, lesquelles, au lieu de fournir des réponses attrayantes aux aspirations du peuple, engagent le jeu politique dans les dérives de la personnalisation. L’expérience du mouvement social montre, malgré les énormes zones d’ombre qui persistent, que cette situation connaît et connaîtra ses limites. Dans cette perspective, il incombe aux travailleurs eux-mêmes de porter la dimension politique du combat et donc de se réapproprier la politique.
Paris, le 18 janvier 1996
[1] Bernard Thibault est secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots.
jeudi 23 septembre 2010
Une journée ordinaire de grève générale en France et le fifty/fifty étatique
La grève générale syndicale, car il s’agit bien d’une grève générale dans le sens du syndicalement correct, et pas du vague grand soir gauchiste imaginaire, de ce jeudi tristounet aura bien accouché d’une souris comme prévu. Sergents recruteurs syndicalistes et gauchistes avaient bien fait de la réclame pour booster les troupes au moins au niveau falot et mollusque du 7 septembre. Pas de pot pour les excités, ou plutôt prévisible chez les encadreurs intelligents et expérimentés : les prolétaires dans leur majorité n’avaient pas les moyens de s’offrir une 2ème journée sans salaire ; donc baisse du nombre de grévistes et satisfecit du gouvernement. Le nombre des manifestants était important mais on s’en fout, comme du nombre de vaches dans un champ bordé de barbelés. Il ne s’agit pas de manifestations conscientes (ils ne savent même pas pourquoi on les fait défiler) ni décidées (ils obéissent aux ordres des chefs syndicaux). Même si CGT et CFDT annonçait 5 millions de personnes dans les cortèges disciplinés, il n’y aurait pas de quoi renverser de rire le gouvernement. Le nombre ne signifie rien sans perspective et sans contrôle du mouvement de protestation par les travailleurs eux-mêmes, dont une portion conçoit de « marcher » sans état d’âme derrière ces hommes sandwich à consonnes qui les mènent régulièrement à l’abattoir (juridico-social pour l’instant). En outre, les manifestants de ces balades ne sont pas une expression d’une lutte ni de grèves décidées en AG, ce sont donc des proies individuelles consentantes et obéissantes comme des agneaux. Pour certains cela frise l’imbécillité mais pour la majorité il s’agit bien d’une clientèle intéressée, une sorte d’aristocratie ouvrière décadente qui, des « salariés protégés » syndicaux ou municipaux jusqu’aux professions enseignantes, vouent un respect couché à leurs protecteurs politiques des PS, PC et pour une part (qui se considère de la cuisse de Jupiter) chez les différents particules trotskiens ou anars.
Les titres de la presse bourgeoise peuvent souvent donner un aperçu assez proche de la réalité. Je ne discute pas ici avec les crétins embrigadés avec qui j’ai ferraillé toute la journée sur le site de Libé, où au moins on a pu débattre, chose impossible en manif, lieu par excellence de décervelage avec chants et slogans idiots et créativité pancartière en dessous de la ceinture. Titre du Monde ce soir : « Syndicats et Gouvernement se félicitent ». Super ! Et chaque engeance a en effet une part de raison de se féliciter sans trop mentir : les syndicats qui ont eu leur dose de moutons défilants et le gouvernement qui n’a pu qu’enregistrer une baisse des grèves par rapport au 7 septembre, et avait fait cibler le CE d’ERDF la veille pour bien signifier que personne n’est dupe de sa capacité à maintenir des régimes spéciaux pour toujours diviser la classe ouvrière.
Le gouvernement d’autre part s’en foutait déjà depuis potron minet où le président avait fait savoir que : « la nouvelle journée de mobilisation syndicale ne compromettr(ait) pas la réforme ». Raymond Soubie, conseiller spécial élyséen, était apparu étonnamment confiant. Il avait décrit la «journée d’action» d’aujourd’hui comme « une figure sociale classique». Autrement dit « rien de redoutable, pour l’instant ». «En mai-juin 2003, il y a eu sept journées d’actions successives en un mois (paraît beaucoup mais personne n’ira vérifier), et cela n’a pas empêché la réforme», avait-il ajouté finaud, érigeant ainsi les manifestations de 2003 en maître étalon de l’intensité et du volume des manifestations anti-retraites de cet automne. À l’époque, le gouvernement Raffarin n’avait pas cédé. Raymond Soubie avait laissé entendre que le gouvernement Fillon cèdera encore moins, puisque les partenaires sociaux n’ont suscité que deux grandes manifestations en un mois ». «Même les attaques contre Éric Woerth se sont un peu calmées», avait confié un élu proche de l’Élysée.
Le communiqué ronflant de l’AFP poursuit : « Pas trop fanfaron, Nicolas Sarkozy a d’ailleurs abrégé d’un jour son déplacement à New York pour être à pied d’œuvre. Et il a entendu le président du Sénat, qui avait annoncé, au début du mois dans une interview au Monde, qu’il faudrait «écouter», les manifestations ». Comme on le voit ce fifty-fifty était nécessaire pour ne pas paraître humilier les syndicats, plutôt en difficulté dans plusieurs réunions internes mais la presse a consigne de motus bouche cousue. L’édito du rédac en chef de Libé était plutôt pas mal non plus, notant surtout l’amertume qui allait toucher les manifestants et mettant en évidence la volonté des bonzes syndicaux de calmer le jeu sous les chiffres abstraits du nombre des manifestants, ces sacs de patates. Les bonzes ont annoncé qu’ils allaient faire durer le plaisir de trimballer les masses de fonctionnaires et de salariés à leur botte même le weekend. Les laquais avec badge se doivent d’accompagner la démarche princière de la secte gouvernementale jusqu’à l’antre du Sénat, attendu que les promenades sont sensées faire lâcher (Larcher ?) des cacahuètes aux bons à rien de la république pour atténuer là aussi le sentiment d’humiliation sensible dans toute la classe ouvrière, plus encore même chez ceux qui n’ont pas voulu ou pu manifester. On ne sait jamais ce que sous-tend le langage spécialisé de l’élite syndicale mais les bonzes attendraient du Sénat qu’il « réduise les injustices » du texte, avec le maintien d’une pension de retraite à taux plein à 65 ans (et non 67 ans comme le prévoit le texte) pour les plus pénalisés. Le message de l’AFP repris par toute la presse résume magnifiquement ce fifty-fifty qui prétend nier toute humiliation en concluant que le président avait déjà « écouté » la manif du 7 et (gros mensonge) concédé des broquilles, génial le mensonge d’Etat pour protéger ses laquais salariaux aidés par ses journalistes attitrés : « Nicolas Sarkozy, qui avait déjà concédé quelques aménagements après les manifestations du 7 septembre, pourrait à nouveau faire un geste, probablement en faveur des handicapés, des femmes ou des chômeurs âgés ».
Tout cela est du pipeau évidemment et personne d’autre que cette masse amorphe des enseignants, des fonctionnaires et des professions d’encadrement syndicaliste ne peut gober ces cacahuètes pour sous-developpé syndiqué. C’est comme le commerce, on vous distribue des stylobilles mais quand vous avez signé le crédit pour l’écran géant LCD. L’écran géant qui se payera cher c’est la suppression des retraites pour la classe ouvrière de base, la plus démunie, la plus jeune, la plus sans diplôme. Bravo les manifestants bobos, socialos et gauchos !
Voici quelques unes des répliques que j’ai postées tout au long de la journée à mes contradicteurs, pas tous bornés ni éméchés heureusement. J’ai inauguré ainsi involontairement, après le travail à domicile ou à distance, la lutte à domicile au lieu d’aller « marcher » et « crier en l’air » avec ces pauvres manifestants. On verra que j’y décrypte précisément la psychologie et les ficelles lamentables des recruteurs para-syndicaux. J’espère que les milliers de « promenés » comprendront eux aussi que nous avons besoin d’AG de rues, car rester derrière son clavier n’est pas bien efficace et chiant, et pour retrouver l’esprit de classe :
1. refuser les processions cycliques aux ordres des laquais de l’Etat,
2. en proposant la tenue d’AG de rue, ce sera le meilleur moyen de s’opposer aux bagarres stériles des ploum-ploum ou des provocs en fin de cortège, ou les barrages de rue typiques de l’impuissance anarchiste à ouvrir la bouche et à dialoguer,
3. mener les discussions les plus larges sur la place publique avec élection de députés de rue et choix de lieu d’AG ouvertes à toute la population prolétaire dans chaque ville avec voix décisionnelle (les exemples de 1905 et 1917 en Russie montrent qu’on peut éviter par des mesures de contrôle les fausses assemblées garnies par clans gauchistes ou néo-staliniens, professeurs bobos et étudiants aventuristes.
Les manifs actuelles ne servent à rien (mais si... à ridiculiser le prolétariat)
Les bonzes syndicaux y font chanter des conneries, il faut marcher au pas, aucune discussion n'y est possible. Maintenant que le spectacle de l'humiliation des prolétaires "mobilisés" pour la plus grande humiliation de la classe ouvrière depuis la guerre - la suppression de la retraite en fait - se termine dans l'amertume avec le bon vieil argument des bureaucrates pourris "ce sont toujours les mêmes qui bougent et les ouvriers ne sont pas à la hauteur". Il va falloir réfléchir à comment lutter hors des syndicats qui ont orchestré notre défaite, et à les vider des AG où ils empêchent toute réflexion et orientation sérieuse. La crise systémique offrira les vraies conditions de la généralisation des luttes pour l'émancipation des travailleurs par eux-mêmes et pas leur parquage par les valets de l'Etat.
Oui nous devons beaucoup à nos « grands ancêtres »
Mais nous leur devons la fidélité aux principes de fer: "l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs EUX-MEMES". A moi de te dire écoute. Ecoute bien:
1. quand on est dans une impasse, comme celle dans laquelle nous placent sans cesse les appareils d'Etat syndicaux, c'est trahir nos grands ancêtres que de défiler derrière ces traîtres professionnels,
2. c'est malheureux à dire mais c'est comme ça, quand il n'y a rien à faire, il n'y a rien à faire, il faut savoir attendre; pour l'instant le prolétariat est complètement démoralisé et atomisé, ceux qui défilent sont les moins conscients de ce qu'il y a à faire et les plus instrumentalisés,
3. préparer la grève générale est un mot d'ordre creux, vide de tout sens historique, il n'y a jamais eu de grève générale sur commande, ni même spontanée... 68 est une grève qui s'est étendue massivement alors que personne ne s'y attendait, elle n'a jamais été complètement générale. Il faut en finir avec ce mot d'ordre obsolète, rengaine à gauchiste et anarchistes impuissants; c'est devenu si vide et si ridicule qu'on pourrait le remplacer par "vivement le miracle" ou même"bientôt le grand soir". Notre seule issue de secours ne réside pas dans l'exaltation de mots d'ordre mais dans notre capacité de prendre en mains nos luttes, c'est à dire, imposer des AG où réellement on discute et décide en commun (mais pour le faire il faudra en chasser les flics syndicaux ou les faire taire). Pour l'heure je suis très pessimiste, quatre magouilleurs syndicaux suffisent en général à manipuler une AG de 500 personnes... parce que la classe ouvrière dort encore, bien qu'on lui enlève peu à peu, oreiller, draps et couvertures...Enfin lis bien les déclarations à chier, perverses et méprisantes des chefs syndicaux, rien que pour se foutre de notre gueule et peu inquiets sur d'éventuels débordements demain: ils ne peuvent pas être débordés politiquement en ce moment, y a aucune solution de rechange ni réformiste ni révolutionnaire à Sarko... pour l'instant.
Tous ensembleu tous enseumbleuh… meuh »
Avec nos kâmârades planqués des CE et tous les fainéants permanents retirés de la production en tant que "salariés protégés", suiveuh les en tête des défilés et repreneuh avec euh: « Sarko euh euh ta réformeuh tu seuh où on s'la met euh euh meuh ». « A présent camarades le défilé est terminé , rentrez chez vous l'intrasyndicaleuh va réfléchir les jours prochains aux suites à donner à NOTRE action ».
…et ces inactifs donneurs de leçon syndicale...s
e font le relais de leurs copains valides dans la rue pour promener les prolétaires avec des panneaux où est inscrit "victoire", "Sarko t'es un nain", "a bas les profits capitalistes", "la retraite à 60 ans". A la fin de la manif programmée avec les préfets de police, ils rangent les banderoles avec leurs intelligentes inscriptions et attendent les ordres d'en haut pour revenir se promener quelque temps plus tard avec les "enfants" ouvriers et parader à nouveau dans les beaux quartiers. Il faut préciser que les vuvuzelas ont remplacé les pétards de carnaval d'antan et les fumigènes de la corpo privilégiée cheminote. Mais c'est toujours carnaval.
…ne te choque pas c'est le gimmick
du beauf syndical lambda de s'en prendre à la taille de Sarkozy, çà leur évite de penser politique et laisse la politique à leurs chefaillons corrompus des appareils. Le syndicalisme actuel, dans sa généralité y inclus gauchiste "radicalement" "bêtise générale" fonctionne avec en effet l'esprit de secte typique, si tu n'es pas OK avec leurs borborygmes tu es un "umpiste", voire un "fâcho", ou pire un "troll". Amusant, non?
… pas OK sur la comparaison (de Gauchekaviar)
Les grèves et manifs syndicales des appareils corrompus de la bourgeoisie ne sont pas d'un autre siècle. On est d'accord c'est une destruction de toute véritable lutte. Mais si tu évoques le XIXe siècle ou par ex. mai 68: les grèves étaient décidées en AG, les manifs aussi, on se fixait un but, des objectifs, on se re-réunissait en AG pour faire le point, donner des suites ou pas. De nos jours c'est kafkaïen, les élites syndicales décident pour nous, planifient, nous prennent pour des gros nazes. Il n'y a pas disparition de la classe ouvrière ni de la nécessité de manifester ou faire grève, mais un dessaisissement complet de notre vieux slogan "l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des ...". Tu saisis la différence? Mais tous les deux on est traité comme des chiens, ce qui ne nous gêne pas pour continuer à aboyer.
Gauchekaviar dit aussi que c'est honteux de rameuter les jeunes (mais en tant que jeunes bobos étudiants, y avait pas les "cailleras" de banlieues et autre fils "ratés" d'ouvriers) mais surtout parce que quand ils auront l'âge adéquat, la retraite aura disparue grâce au fifty-fifty gouvernementalo-syndical de 2010! A moins que la gôche caviar et trotskaranar échoue à les embrigader dans leur "bonne conscience" de gauche sans perspective et sans foi ni loi, et que la révolution ait eu lieu avant. De toute façon ça va péter avec la crise systémique grave, et pour l'instant les mafias syndicales contrôlent des défilés de cimetière avec les chrysanthèmes du gouvernement en jetant des sorts en direction de leur avenir funeste...
mercredi 22 septembre 2010
TOUS EN LUTTE DEMAIN AVEC NOS CAMARADES NICOLAS ET BERNARD
AVEC LES SYNDICATS LES PROLETAIRES RENONCENT A LUTTER
AGENDA 2010 DU GOUVERNEMENT (trouvé dans une poubelle rue Saint-Dominique)
- Mai : laisser les syndicats organiser une JA nationale, déléguer Copé ou Lefebvre pour en appeler à la responsabilité pour « les générations futures »
- Juin : après la manif nationale, dire à Fillon de féliciter les manifestants pour leur sens des responsabilités,
- Juillet : laissez monter la mayonnaise pour les scandales, on aurait aimé s’en passer en haut lieu, mais ça occupera les esprits pendant les vacances à défaut de la réforme sur la retraite, maintenir Woerth contre vent et marées,
- Août : lancer la campagne xénophobe sur les arabes mais canarder surtout les Roms, cela détournera encore plus de la réforme supprimant la retraite pour les ouvriers, et pousser la gauche à pétitionner pour les droits de l’homme, ce qui est totalement inoffensif pour nous,
- Septembre (début) : activer la campagne antiterroriste à la veille de la manif programmée pour le 7 avec les syndicats (le rapt des 5 français au Niger est venu à point nommé…)
- 15 septembre : faire défiler élus de gauche et professionnels du syndicalisme devant le parlement pour éviter une velléité massive du même genre de la part des salariés hébétés,
- 20 septembre : avant la manif du 23 annoncer des cas de possibles colis piégés et demander à Martine Aubry d’assurer le gouvernement de son soutien, sous réserve qu’elle demande que tous les partis parlementaires soient informés.
- 5 octobre : au Sénat, veiller à ce que quelques amendements concernant les femmes et les handicapés soient adoptés afin de ne pas trop laisser se répandre le sentiment d’humiliation des manifestants encadrés.
CONSTERNATION
Le suivisme d’antan fait aujourd'hui défaut. Le soutien massif, indiqué par les sondages, à la journée du 7 septembre et à la poursuite du mouvement est apparu comme de pure forme. Au soir de la « grande journée » du 7 septembre, le sarkozien de garde Jean-François Copé pouvait cruellement faire remarquer sur les ondes, que s'il y avait 2 millions de manifestants dans les rues, il restait 60 millions de Français bien au chaud chez eux ou au boulot. Contrairement aux réflexions superficielles du couple de sociologues Pinçon-Charlot, spécialiste de l’étude microscopique en milieu richard – qui veulent nous faire croire que seule existerait désormais comme entité tangible la classe bourgeoise - la classe ouvrière existe plus encore avec ses potentialités d’avenir que du fait de ses contradictions, qui n’en sont pas toujours. Si, pour la presse internationale et les gogos souteneurs impavides de la gauche caviar en France, les manifestations si bien encadrées et dissoutes sont apparues populeuses, les grèves furent très faibles au même moment. Tout ceci prouve qu’une minorité visible dans la rue veut bien se laisser balader mais sans engager sur le terrain du travail une lutte conséquente et réfléchie (ceux-là laissent penser les sergents-recruteurs syndicaux à leur place), ni même maximaliste révolutionnaire. On ne peut pas séparer ce constat de l’extrême division de la classe ouvrière au niveau des revenus et des conditions de travail, de non travail que de retraites. Tous ceux qui manifestent majoritairement, sachant que cela ne va pas plus loin et pour se donner bonne conscience, se recrutent dans les « couches moyennes » fonctionnaires ou « protégées » (savamment grâce au machiavélisme étatique). Nous, prolétaires ne sommes pas tous égaux devant la retraite, sinon on aurait eu recours à l’insurrection au mois de mai dernier. Soyez lucides mes frères en lisant ci-après :
Fonctionnaires civils de l'état, âge légal de 50 à 60 ans, âge effectif 57,6 ans, durée moyenne de la retraite 22,3 ans. Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, âge légal de 50 à 60 ans, âge effectif 57,6 ans, durée moyenne de la retraite 18,8 ans. EDF et GDF, âge légal de 55 à 60 ans, âge effectif 55,4 ans, durée moyenne de la retraite 23,9 ans. SNCF, âge légal de 50 à 55 ans, âge effectif 52,5 ans, durée moyenne de la retraite 26,2 ans. RATP, âge légal de 50 à 60 ans, âge effectif 54,8 ans, durée moyenne de la retraite 24,8 ans. Banque de France, âge légal 60 ans, âge effectif 56,1 ans, durée moyenne de la retraite 26,4 ans. Marins, âge légal de 50 à 60 ans, âge effectif 57,6 ans, durée moyenne de la retraite 19,7 ans. Salariés du privé, âge légal 60 ans, âge effectif 61,3 ans, durée moyenne de la retraite 17,7 ans. Professions libérales, âge légal 65 ans, âge effectif ?, durée moyenne de la retraite ? (L'âge de départ à la retraite en France source : www.sauvegarde-retraites.org. )
Les cas particuliers encore relativement épargnés concernent des secteurs centraux qui pourraient mettre le pays à feu et à sang, ou presque comme en 1995 ; paradoxalement flics et gendarmes (mercenaires anti-ouvriers mais néanmoins salariés de l'Etat)(*)ne sont pas épargnés par l’allongement et l’on ne doit attribuer leur absence de présence aux manifs qu’en raison de leur sado-masochisme hiérarchique, quoiqu’une partie des pandores soit quand même présente aux dites manifs et peu souriants de l'autre côté de la barricade. La couche supérieure (mais pas au niveau conscience), dite moyenne, celle des cadres parvient à s’en sortir encore bien économiquement malgré l’intensité de la crise. Une portion importante de travailleurs au chômage (post cinquantaine) ou d’intermittents du travail est isolée dans une assistance humiliante qui coupe toute notion de collectivité et de solidarité, et au goutte à goutte jetée à la rue sans réserve. La masse du reste de la classe est éparpillée dans une infinité de petites « boites » sans force et les anciens grands centres de mobilisation (EDF, Poste, SNCF, Renault, etc.) sont également fractionnés en petites unités, avec un cloisonnement hiérarchique opaque et quadrillées par les mafias syndicales qui font bon usage du portable pour court-circuiter toute AG ou grève impromptue. Cette atomisation explique au fond pourquoi nulle part la classe n’a été en mesure de s’indigner avec force et détermination contre l’humiliation historique sur la question des retraites, en brisant en premier lieu les cordons syndicaux de police sociale.
Politiquement, les syndicats soutenus par la gauche caviar ont réussi à pourrir la compréhension de la crise dans la tête des prolétaires en faisant constamment référence, de façon subtile mais évidente pourtant à l’hypocrite « intérêt national ». Réclamer le sauvetage du système des retraites tout en priant pour le retour à un plein-emploi impossible, est une mystification électoraliste criminelle. La gauche bourgeoise a fait défiler les gens avec des mots d'ordre périmés. Certes « vouloir cesser le travail à 60 ans » ou une « pension décente » pour tous reste notre vœu le plus cher, mais la bourgeoisie s’en fout. La bourgeoisie ne va jamais ni réduire ses profits ni mettre la clé sous la porte pour nous faire plaisir. Et surtout la bourgeoisie (de droite à gauche) ne peut plus faire de concessions de taille. Les mots d’ordre des rabatteurs électoraux gauchistes sont plus ridicules que périmés en regard de la nécessaire restructuration mondiale de la société. De toute manière ils se ridiculisent eux-mêmes, par exemple cette histoire de « taxer les revenus financiers », comme leurs autres propositions éculées (renationaliser…) est agitée au « niveau national » comme s’il pouvait exister une solution au niveau national dans l’imbroglio européen. Se prétendant économistes distingués gauchistes et élite gauche caviar veulent nous faire croire que depuis 2007 ce serait les magouilleurs de la haute finance qui auraient détruit en bourse plus de la moitié de la valeur des actions des entreprises qui y était cotées sans détruire les capacités de production de ces entreprises. Ainsi la crise serait due à de méchants agioteurs anonymes et non pas à la compétition exacerbée entre entreprises et nations capitalistes. Il s’agit encore d’une ultime tentative pour masquer le caractère obsolète et destructeur du capitalisme qui serait victime d’une mauvaise gestion…
PROTEGER LES SYNDICATS DE LA FUREUR PROLETARIENNE
La Cour des Comptes vient épauler la CGT principale saboteuse de la riposte sur les retraites, en dénonçant à nouveau la gestion opaque de la CCAS/ERDF (mais ce n’est qu’un coup de semonce épisodique) ; le résultat est une protestation unanime des « militants de base » qui s’irritent contre une nouvelle « diversion » sarkozienne, au lieu de s’en prendre (hé hé) aux niches fiscales de Neuilly-Passy, dénoncent une « tactique » de « division » de la masse des travailleurs pour affaiblir la promenade funèbre du jeudi 23. Trahison ! protestent en catimini les membres des élites syndicales haut placé : « on avait dit fifty/fifty avec Chirac, on lui avait dit qu’on laissait passer la dénationalisation mais à condition qu’il nous laisse notre poule aux œufs d’or » ! Hélas le président des conciliabules exquis et feutrés n’est plus le même, et nous ne saurons jamais en raison de quel obscur chantage, le personnel comptable de l’Etat et le personnel laquais se font peur mutuellement… Les hauts comptables dit « les sages » savent depuis Marcel Paul que la mafia du CE est habile à blanchir l’argent sale des gains étatiques, que des avances de trésoreries sont versées aux caisses locales de la CCAS qui ont dépassé leur enveloppe budgétaire ; que ces avances sont ouvertes sans conditions ou sur des critères qui découlent de l'appréciation politique et syndicale de la situation locale. Vers 2009 « les sages » avaient demandé de diminuer le personnel parasite destinataire des fonds… les bureaucrates sont encore plus nombreux en 2010 à s’abreuver à la manne industrialo-syndicale. Plus bizarre, et néanmoins scandaleux, ces fonds, via «l'offre crise» créée l'an dernier, auraient permis «d'attribuer un complément de rémunération sous forme d'aides aux vacances pour les salariés grévistes du début de l'année 2008». La Cour des Comptes est vraiment une briseuse de « rêve général syndical ». Les contrats entre fractions bourgeoises, élites syndicales, patronales et sommet de l’Etat, sont toujours monnaie de singe. Il y aura de durs réveils pour les bonzes syndicaux qui sont soumis à une « obligation de résultat » ; par exemple un bon enterrement de la riposte molle contre le coup de poignard sur les retraites ! D'après Les Echos, les bonzes apeurés de la CCAS ont demandé un délai de trois mois pour répondre aux observations des « Sages ». Le gouvernement joue au père fouettard et assure réfléchir à une réforme (traduire : punition des appareils de l’élite syndicale ?) pour «remettre à plat tout le système», du financement à la gouvernance en passant par le dessaisissement de l'organisme social de ses cogestionnaires actuels.
PROTEGER LE GOUVERNEMENT DE LA FUREUR PROLETARIENNE
Les bobards syndicaux se suivent, se ressemblent et sont épuisants de bêtise. « Alors qu'il (le gouvernement) nous disait avant les premières manifestations qu'on ne pouvait rien changer, il a commencé à bouger à la marge après les manifestations du 7 (septembre) », a dit le numéro zéro de la CFDT. « Le gouvernement est en train de douter. Il est en plein doute (...). Donc, il faut qu'on soit nombreux dans la rue » jeudi, a ajouté le bonze Chérèque. Il a assuré être "dans un mouvement durable" de contestation de la réforme, qui est "en train de gagner le soutien populaire", et prévoit "autour de 2 millions de manifestants pour obtenir de nouvelles ouvertures" du gouvernement. Interrogé la veille sur Europe 1, l’autre bonze de la CGT Bernard Thibault a lui affirmé que "dans certaines entreprises", la question d'une grève reconductible "va se poser dès les prochains jours", alors que certains syndicats ont évoqué publiquement cette forme d'action chez Total, Arkéma ou à la SNCF. Il a dit s'attendre à "beaucoup de monde" jeudi, mais pas trop. L'intersyndicale doit se réunir vendredi pour décider des suites à donner au mouvement (on en tremble à Neuilly-Passy). Plus près du porte-monnaie des grévistes, la CFDT a ressorti cette vieillerie de manif gratos le week-end, de même que l'Unsa. La FSU, surtout présente chez les fonctionnaires, a pronostiqué sans frais "la poursuite de la grève", Solidaires (syndicats SUD et autres) appelle de ses voeux des grèves reconductibles couplées à des manifestations de masse le week-end ; la reconduction n’aura pas lieu et les masses piquent niquent le weekend. FO privilégie sans honte de son côté une nouvelle grande journée de grève nationale, après avoir déclaré deux jours avant que cette série de JA depuis le début de l’année ne ressemblait à rien.
PROTEGER LES GAUCHISTES DE LA FUREUR PROLETARIENNE
Le NPA, pour ne prendre qu’un exemple des cartels gauchistes suivistes des mafias syndicales laisse parler la colère de certains lecteurs avant de les remettre dans le droit chemin. Le plumitif trotskien de service sur le site fait les présentations de l’idiot utile nommé Philippe Sage ( ?):
« Scandaleux ! Lamentables ! Indignes ! Illégitimes !Mais qui sont donc ces gens, prétendument censés défendre les intérêts des travailleurs et qui, à force d'atermoiements, s'aplatissent au final, offrant leur collaboration déguisée à ce gouvernement alors que les Français (sic) ont massivement répondu à l'appel de mardi et sont à côté des starting-blocks? Quels intérêts défendent-ils en vérité ? A l'instar de nos politiciens, où est passé leur courage ? Quelle éthique collective du courage nous transmettent-ils ? Aucune ! Mieux que je ne l'exprimerais moi-même, voici un extrait du texte prémonitoire publié ce matin par le blogueur Philippe Sage, que je vous invite à lire en entier : « Alors ainsi, "camarade", tu crois vraiment qu’en marchant dans les rues armé de quelques banderoles et slogans, tu vas faire plier le gouvernement ? Non mais tu plaisantes ? Automne 1995, t’en souvient-il, c’était quand même autre chose, ç’avait de la gueule, bon sang ! Le message était clair, il disait : non, non et NON ! Trois semaines et demi de grèves, de manifs, avec paralysie partielle de l’économie : pas de train, pas de métro. Gros ramdam, itou, à La Poste, dans l’Education Nationale, chez France Télécom, et même au fisc ! Du 24 novembre au 14 décembre 1995, n’ont rien lâché, ça n’a pas débandé, et résultat : le 15 décembre le gouvernement Juppé battait en "retraite". Gagné ! Mais là, c’est de la roupie de sansonnet ! C’est de l’ordre du carnaval ! T’auras que dalle avec tes journées à la petite semaine. Et qu’on ne vienne pas me dire que paralyser un pays c’est de la dictature, de la "prise d’otage" et tout le tralala à Pernaut! Foutaises ! Car c’est oublier, justement et encore, cet automne 1995 où dans une "France paralysée", les salariés se parlaient à nouveau et s’entraidaient. [...] Jean-foutre, va ! … Imposteurs et compagnie ! … Continuez comme ça, avec vos défilés-promenades, votre carnaval, votre "service minimum", vos grève(tte)s - non reconductibles - dont réellement personne ne s’aperçoit tant elles sont vaines, sans espoirs, sans éclats ni panache. Mais ne venez pas nous dire, demain, que nous aurions gagné sur je ne sais quel point, je ne sais quelle pénibilité, ah non ! Ne venez surtout pas nous dire que youpi, on a vaincu ! Y’a quand même des limites, présumés "camarades", au foutage de gueule ! »
C’est une « trahison » en conclut le plumitif trotskien, une de plus ? Non c’est le boulot normal pour lequel sont rétribués les personnels syndicaux de l’Etat. Mais le petit copain de Besancenot va « expliquer » ce qu’il faut comprendre du point de vue rabatteurs vers la gauche bcbg et l’embringuer dans une histoire de revirement des appareils « sous la pression de la rue » et lui faire avaler que « le gouvernement méprise les syndicats » (la pensée trotskienne est à l’esprit ce que la musique militaire est à Mozart !) :
« Il l'a sentie venir (dixit la trahison), Philippe Sage, tandis qu'il rédigeait son billet sans connaître encore le résultat des tergiversations syndicales de cet après-midi... Car, réunis depuis 15 heures au siège de la CGT à Montreuil, six organisations sur huit — CGT, CFDT, CFTC, CFE/CGC, FSU et Unsa — ont décidé, vers 18 heures, d'une nouvelle «journée de grèves et de manifestations»… le 23 septembre. Or, c'est le 15 que le vote en première lecture aura lieu à l'Assemblée nationale. C'est donc d'ici au 15 septembre qu'il faut poursuivre sans mollir, accentuer la mobilisation (comme en 1995 si ce n'est davantage car, à côté de Sarko, Chirac et Juppé, c'était du nanan) ! Et tant pis si c'est dur à cause de la crise : demain sera mille fois pire si on ne fait rien aujourd'hui. Mais ces frileux imposteurs, au lieu de jouer leur rôle de locomotive sociale, se contentent d'appeler «à faire du mercredi 15 septembre, jour du vote par les députés du projet de loi, une journée forte d'initiatives et d'interpellations des députés, des membres du gouvernement et du président de la République dans les départements et les circonscriptions». C'est tout. De grève générale, de rapport de force à activer, de bras de fer à tenir au nom de l'avenir de nos concitoyens, il n'est nullement question. Que du saupoudrage, de la courte vue, du compromis… et de la lâcheté. Quant aux députés de droite, même interpellés massivement, ils voteront le texte puisqu'ils sont majoritaires et fidèles à Sarkozy, tous unis contre le salariat ! Si certains, cet été, ont eu des états d'âme à propos des Roms, en cette rentrée cruciale ils n'en auront aucun envers les travailleurs, car détruire un peu plus leurs droits sociaux est inscrit dans leurs gènes. Il n'y a que la peur de la rue qui puisse les faire céder (…). Alors, appeler à faire grève et manifester le 23… c'est une plaisanterie, ou quoi ? A son tour, à partir du 5 octobre, le Sénat examinera le texte en seconde lecture pour un vote définitif quelques semaines après. Nos sénateurs, eux aussi majoritairement de droite et qui n'auront aucune raison d'être intimidés par la rue (où il n'y aura personne), vont s'exécuter. En novembre — adieu veaux, vaches, cochons —, l'affaire sera pliée. Le gouvernement joue avec les syndicats, qu'il méprise (oh oh). On comprend pourquoi. Ou plutôt non : le gouvernement méprise le peuple qui l'a malencontreusement élu (Ah Ah, ce peuple malencontreux), profite d'un semblant de démocratie et jouit d'avoir des collaborateurs aussi improbables ».
La palme du mépris petit bourgeois de l’élite syndicale, si enviée par les basistes trotskiens et anarchistes revient à un certain E.Aubin, bonze CGT qui, faisant mine d’ignorer pourquoi les appareils avaient tant éloigné du 7 la manif du 23, traite les manifestants comme des veaux : « On s’attend à un bon niveau de participation (pour le 23) (…) Nous n’avons eu que 15 jours pour sensibiliser les salariés, ce qui nous pose un vrai problème pour évaluer leur motivation ». Un autre bonze, mais CFDT, avec cette même psychologie langagière des élites syndicales, relativise pour les excités : « il va être difficile de faire mieux (que le 7) où la barre était haute », puis assène le terrible vote des députés (comprenez c’est eux qui décident pas la rue) : « …l’effet potentiellement démobilisateur du vote du 15 septembre au parlement ». Sollicité pour tchatter sur plusieurs sites de presse, la cheffaionne gauchiste du cartel syndical Solidaires,Annick Coupé, accompagne la défaite programmée par ce substitut névrotique aux dindons de la farce : « pas mal de gens vont encore se demander si ça vaut encore le coup de manifester ». Pas mal ? Tu crois ma vieille ? Beaucoup oui ! Sardonique, un dernier flic syndical conclut : « faire grève deux fois pèse sur les salariés » ! Le journal Libération avait titré habilement toutes ces salades confirmant le travail de sape réussi des mafias sociales : « Marches pour les retraites, des bataillons à reformer ». Oui, diront les manifestants, ça… ils nous auront fait « marcher » les syndicats et leurs amis trotskiens et anars !
L’intrasyndicale pourra clôturer le bal des cocus le 24 septembre. On pourra attendre tranquillement le père Noël. Cette ordure qui n’apportera même plus de cadeaux aux vieux.
SARKOZY EN HEROS FRANÇAIS
En conclusion il faudrait faire une manière de coup de chapeau au principal chef d’orchestre, bien que je ne l’aime ni ne le déteste. Comme je l’ai déjà remarqué antérieurement ne fut pas grave le fait que Sarkozy ait été la cible de tous les hypocrites du monde au nom de la bienséance anti-xénophobe (si bien appliquée chez chacun des donneurs de leçons). A défaut d’être populaire tout au long de quelques semaines non pour sa principale attaque contre les prolétaires, mais pour des bobards idéologiques auxquels sont sensibles les milieux intellectuels, Sarkozy s’est retrouvé titré du qualificatif infâmant de « populiste », hochet de la gauche caviar qui ne veut rien dire, alors que concernant sa politique sécuritaire et restrictive le terme de nationaliste démocratique eût été plus juste, mais c’eût été faire offense à la mystification démocratique. Qualifiée de « petit enfant » (qui trépigne du pied) par la presse européenne et américaine, la blanche colombe de l’Elysée a laissé passer les crachats au-dessus de sa tête. L’épisode n’a au fond pas miné le couple mal assorti Merkel/Sarkozy, celle-ci ayant l’habitude des petites tromperies du locataire de l’Elysée et celui-ci faisant moins le malin en tête à tête avec la femme la plus puissante du monde.
En politique, les choses sont apparemment irrationnelles pour le citoyen lambda. Il voit défiler des campagnes idéologiques, prévues et imprévues, qui toutes finissent pourtant par s’emboiter pour favoriser la conservation de l’Etat. Les discours dans les médias sont très simplistes au premier niveau. On se traite de facho, de gaucho, de rigolo, de raciste, de ceci, de cela. Mais cela est la surface, quand derrière sont tenus deux, trois discours différents, des actions parallèles, opaques. Des sujets anodins échappent aux intellectuels antiracistes et féroces pourfendeurs d’un président bouc-émissaire finalement d’une bourgeoisie financière bien à l’abri ; ils apparaissent sous forme d’annonces qui ravissent la majorité silencieuse, celle qui va réélire Sarkozy quand il le lui demandera. L’annonce qui ramène à 6 mois la possibilité de récupérer un point perdu du permis c’est phénoménal, un bonheur comparé au prolongement du chômage de papy ! L’annonce par MAM d’une réduction considérable des gardes à vue, une chance inespérée, sauf que les racailles vont en bénéficier aussi… La lente descente en flammes et jouissive du ponte DSK sans brusquer quiconque, etc. Plein de petites annonces de ce genre vont être distillées jusqu’à ce que ce salaud de père Noël nous apporte la soupe à la grimace, mais on n’oubliera pas les chocolats de Claude Chabrol, selon qui la lutte de classes n’a jamais cessé. Merci Chabrol.
(*) J'adore les syndicats de policiers, comme "Alliance", plus cons, plus lèche-bottes du patron y a pas ailleurs, on n'oserait pas les laisser parler en milieu ouvrier, pour éviter le fou-rire intempestif qui glace tout délégué syndical en pleine négociation ou "représentation".