La politique de non-assistance à personne en danger par l’Etat bourgeois :
plus de police et moins de travail !
« Les pauvres ne peuvent pas être considérés comme les moyens d’une fin - ce qui serait déjà un progrès pour leur position -, car l’action sociale ne les prend pas en compte eux, en tant qu’individus, elle n’utilise que certains moyens objectifs et matériels afin de supprimer les dangers et les pertes représentés par les pauvres vis-à-vis du bien de la communauté (…) L’aide fournie par les syndicats britanniques à leurs membres sans emploi a pour but non pas d’alléger la situation personnelle du receveur, mais d’empêcher que les chômeurs, par besoin, aillent travailler ailleurs pour peu d’argent, ce qui engendrerait des salaires plus bas dans le secteur entier. Si nous prenons en considération cette signification de l’assistance aux pauvres, il apparaît clair que le fait de prendre aux riches pour donner aux pauvres n’a pas pour but d’égaliser les positions individuelles, pas plus, même dans son orientation, que de supprimer la différence sociale qui sépare les riches des pauvres. Au contraire, l’assistance se fonde sur la structure sociale, quelle qu’elle soit ; elle est en contradiction totale avec toute aspiration socialiste ou communiste, qui abolirait une telle structure sociale. Le but de l’assistance sociale est précisément de mitiger certaines manifestations extrêmes de différenciation sociale, afin que la structure sociale puisse continuer à se fonder sur cette différenciation ».
Georg Simmel (« Les pauvres », 1907, reprint par Puf 1998)
Etrange consigne de silence depuis trois mois sur la gravité de la crise systémique. Si on l’évoque c’est du bout des lèvres en cette fin août. On meuble avec les trucs de l’idéologie dominante et foisonnante. On se souvient d’un Sarkozy dénonçant « l’assistanat » tout en pratiquant la même politique mitigée d’assistance bourgeoise que décrivait si bien le profond Simmel en 1907. Il en va de même avec cette prétention sécuritaire à « assister » la population avec des forces policières, avec ce bla-bla de tribune, langage policier électoraliste télévisé, puisque en réalité les policiers sont incompétents sur le terrain sociétal miné, qui les dépasse, ou ont peur pour leur peau. En vérité la simple police ne peut pas être le dernier rempart de la bourgeoisie face aux conséquences de l’effondrement économico-social de la société de classes.
Assurément cet été, la droite bourgeoise a trouvé le terme adéquat pour crucifier la soit disant tolérance de la gauche bourgeoise concernant le terme très imprécis d’insécurité, étant entendu que la gauche en opposition n’est tolérante qu’en dehors du pouvoir direct à la tête de l’Etat. Assurément aussi en cette fin de période vacancière, la gauche bourgeoise a trouvé matière à diaboliser la droite au pouvoir en dénonçant une campagne « raciste » et étrangère aux « droits de l’homme » par le clan Sarkozy et ses affidés, laquelle campagne a ému jusqu’au pape, néanmoins allemand et ex-membre des jeunesses nazies. On se rappelle qu’au mitan des vacances, le Chef de l’Etat avait été approuvé par la majorité des français selon un sondage truqué sur mesure par Le Figaro mais immédiatement contredit par un sondage de « Marianne » où les sondés du CSA expliquaient les problèmes dits d’insécurité, pour 73% d’entre eux, par « les inégalités sociales » ! (J’ai été le seul à dénoncer le trucage du premier sondage, puis suivi le 13 août dans Le Monde par un certain Eric Fassin, article « L’art de façonner l’opinion publique », où il révéla lui que l’institut de sondage « neutre » n’était autre que celui de la patronne des patrons, Laurence Parisot !)
Par le miracle des consignes secrètes ordonnées à la presse unique, la cible des « gens du voyage » reste seule en lice pour cette rentrée. Droite et gauche font mine d’oublier la deuxième étape propagangstériste de la diabolique droite au pouvoir. Comme je le soulignais dans mon article « Sarkozy a-t-il dérapé cet été ? » : « Deuxième étape dans la manipulation gouvernementale : l’odieux « amalgame » entre délinquance et immigration (traduction de la gauche bourgeoise). Sarkozy déclara à Grenoble devant son parterre policier que : « cinquante ans d’immigration insuffisamment régulée (qui) ont abouti à mettre en échec l’intégration », et ajouta son « souhait » que la nationalité française soit retirée à certains délinquants d’origine étrangère (ce dont se fichent royalement les vrais truands) ».
Enseignants et intellectuels de gauche en vacances eurent donc du grain à moudre à défaut de plancher sur le seul recours début septembre contre l’attaque sur les retraites : manifester massivement contre les domestiques syndicaux de l’Etat prédateur au lieu de les suivre tête basse dans leur consolidation de l’attaque étatique qui va faire exploser le chômage. La stratégie du bouc émissaire est toujours payante en politique bourgeoise, surtout si elle repose sur la notion confuse d’insécurité (aussi tarte que celle d’incivilité). Qu’est-ce que l’insécurité ? La peur du voyou ou des flics arrogants ? La peur du licenciement ou la peur du magistrat corrompu ? La peur de la nouvelle lie de la nouvelle société « multiraciale » ou la peur des méthodes gangstéristes de la bourgeoisie au pouvoir ?
Il ne sera pas question d’entrer ici dans les bisbilles entre fractions bourgeoises de droite et de gauche qui, au fond, ont besoin de la main d’œuvre immigrée mais tout en la terrorisant en permanence, et qui ont aussi besoin de l’agitation des petits malfrats – petites merdes que nous subissons dans le métro ou en voiture – pour détourner l’angoisse vers des attaques à main armée autrement plus massives mais de la part du parrain étatique et directement sur nos salaires et notre compte en banque.
C’est finalement l’ami à éclipses du Chef de l’Etat, ancienne vedette gauchiste des sixties, qui a le mieux répondu à « l’offensive sécuritaire » de Sarkozy dans un entretien facilité par la mafia du Le Monde : « M.Sarkozy prend les français pour des imbéciles » (mardi 17 août). Cohn-Bendit démontre d’emblée très bien que déchoir un truand de la nationalité française n’est ni un grand mal ni autre chose que du pipeau de chaire. Ce bourgeois parlementaire européen qui se soucie comme d’une guigne du prolétariat, plaide pour le besoin d’immigrés en Europe pour maintenir les profits, mais il concède à son ami Président qu’il y a bien un problème d’intégration, sur lequel il restera volontairement flou : « Oui, la question de l’échec de l’intégration doit être abordée. Mais il faut remettre les choses dans l’ordre : c’est la désintégration de la société qui crée les problèmes d’intégration, et non la criminalité extrême. Là où le positionnement de Nicolas Sarkozy et du gouvernement Fillon est pervers, c’est qu’il rend la société aveugle. Pour la droite, puisque Sarkozy prétend avoir des solutions, plus personne ne réfléchit sur le sujet. Pour la gauche, qui se réfugie dans la posture de vierge outragée et qui n’est plus obligée de se poser ces questions parce que l’action du gouvernement est tellement détestable que la posture de protestation semble suffire ».
Le commentaire du rouquin intégré à l’establishment bourgeois est comme on le voit pertinent. Le pape des écolos-bobos renvoie dans les cordes les deux partenaires adipeux du ring politique médiatique. Mais que vient faire ici cette notion de désintégration ? Cohn-Bendit aurait-il adhéré en secret à la thèse du CCI sur la « décomposition » de la société ? analyse sociologique simple et rassurante qui permet d’éviter de creuser les problèmes dits d’insécurité et d’ostracismes divers dans la population, alors qu’elle sert – comme cette foutaise de désintégration cohnbendiesque – à masquer les barrières des classes. Non le lutteur électoraliste vert ne pense pas à The end de la société capitaliste lorsqu’il décrit l’impuissance des deux fractions bourgeoises à restaurer l’ordre car – angélique parmi les angéliques – DCB possède la solution dans le système actuel : « Notre réponse devra être sociale, éducative et répressive ». Il ne nous confie pas le niveau de répression qu’un éventuel ministre vert de l’Intérieur, ou plutôt vert à l’extérieur et CRS à l’intérieur, appliquerait (On rêve d’une photo d’un CRS hilare à côté du « ministre » Cohn-Bendit !). Il prône un « New Deal » pour les banlieues, reprenant cette notion à connotation ghettoïsée et qui permet d’éviter de nommer encore une fois les classes sociales inférieures et avance une prétention à réguler au niveau européen le flux des immigrés.
Le petit Poucet de l’écologie a bien joué son rôle de poil à gratter d’une gauche bcbg en osant – presque comme le saltimbanque Zemmour – rappeler que tous les immigrés ne sont pas des saints prolétaires voués à suer pour des salaires de misère chez les riches gaulois blancs. La gauche se défile sur la question sécuritaire : « Oui parmi les Roms, il y a des organisations criminelles qui instrumentalisent des enfants pour la mendicité, oui, il y a des réseaux mafieux. Oui, dans certaines banlieues, il existe des réseaux mafieux, minoritaires mais très néfastes pour la population (…) Nos sociétés (sic) se sentent aujourd’hui dans une insécurité permanente. Une insécurité économique et sociale mais aussi une insécurité liée à la délinquance, ne le nions pas ».
DCB ne fait que développer jusque là ce que pense le prolétaire de la rue, quelle que soit sa couleur de peau ou ses origines, pas l’intellectuel des groupes anarchistes et ultra-gauches. Mais lorsqu’il revient aux propositions du marais de la petite bourgeoisie écologiste, dont il n’est ni le mentor ni le maître (à son grand dam), il n’accouche que des habituelles propositions gauchistes angéliques. S’il imagine comme n’importe qui, que le maintien des sans papiers en situation irrégulière implique difficultés sociales « et donc criminalité », il ne lui vient pas à l’idée que l’Etat bourgeois, partout dans sa zone européenne, a tout intérêt à maintenir les émigrés sans papiers, pour faire pression sur le marché du travail. DCB se fait donc complice de cet Etat européen virtuel en oubliant de mentionner que l’Etat bourgeois a donc aussi besoin des « réseaux mafieux » pour filtrer les entrées de main d’œuvre indispensable au profit… européen !
Face aux populations transhumantes, livrées au bon vouloir des polices et des marchands de sommeil, l’angélique Cohn-Bendit bénit une « réforme de l’école », laquelle n’est plus que le dépotoir de gamins sans avenir (où les enfants de Roms ne vont même pas) où les enseignants se voient rabaissés au rôle de policiers, lesquels n’ont pas pour mission de jouer aux profs ou aux animateurs de rue mais de cogner, comme l’a dit en substance jadis l’ex-ministre de l’Intérieur Sarkozy. Le petit poisson pilote du lobby artisanal écologiste ne cache pas enfin son « éthique » - lorgne-t-il vers un poste ministériel sarkozien à la veille de ses « 68 ans » (où il a promis d’abandonner sa politique de faux-cul) : « On ne peut plus essayer de faire croire aux français que l’on va raser gratis » ! Qui en doute, excepté les crétins syndicalisés à la CGT ou à SUD ?
SEGOLENE ROYAL REPREND LE BATON DU POLICIERT
Tout ce tintamarre sur l’insécurité vise évidemment encore à tenter de nous refaire monter la mayonnaise d’une compétition louable entre fractions de gauche et de droite. Qui va l’emporter lors du prochain deal électoral ? Qui va surenchérir le mieux ? Qui va nous promettre plus de police et moins de voyous ?
Le propos aigrelet du petit Poucet écologien envers l’encombrant et paralytique PS n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Enhardie par la chute sondagière de sa majesté agitée Sarkozy, Ségolène Royal la virago, refait surface face aux multiples champions d’une gauche caviar bis. Dame Royal a déjà perdu une élection en voulant faire de la surenchère face au petit « voyou de l’Intérieur », souhaite-t-elle récidiver ? On peut le penser en lisant ses déclarations. Alors que la cheffe de parti Martine Aubry déplore un « été de la honte », la candidate free lance confie à libération ce vendredi 27 – article payant, précise Le Monde narquois - : « Pour en finir avec la gêne du PS en la matière, l'ancienne candidate à la présidence de la République en 2007 "propose de dire que la sécurité fait partie de la question sociale, puisque ceux qui souffrent de l'insécurité au quotidien – dans les quartiers, dans les transports, à l'école – sont aussi ceux qui souffrent de la précarité économique et sociale", explique-t-elle ». Le propos est finaud et touche juste… électoralement. Pourtant Madame Royal a-t-elle une meilleure solution que le flicage généralisé de Sarko & Co ? Non, toujours cette surenchère qui frise le ridicule. Il y a quatre jours, à l’Université d’été de La Rochelle, elle ressortit sa proposition « d’encadrement militaire des jeunes délinquants ». Mme Royal enfonce des portes ouvertes. L’encadrement militaire existe depuis l’époque où elle était ministre de Mitterrand : seul débouché pour les djeuns qui ne veulent pas travailler, l’armée ouvre ses bras et planifie le ramadan ; en outre dans des camps d’entrainement, policiers et militaires « redressent » certains délinquants (lever dès potron minet, marche accélérée dans les bois, etc.) façon explicite de les mettre dans le « droit chemin » de l’uniforme. Ce discours électoral de préau d’école ne peut pas plus abuser les prolétaires, résoudre le malaise social et la violence délinquante écervelée que le laxisme de Sarkozy et sa police au service des industriels et des magistrats corrompus.
Les syndicalistes, dont les chefs sont en lien permanent dans chaque commissariat avec un lieutenant raide des RG, qui se fichent des problèmes des individus hors des messes syndicales, ne sont eux qu’une variété d’angéliques sis derrière politiciens et journalistes pour dénoncer les « patrons voyous » ou déclencher des grèves sécuritaires lors des agressions dans les transports, avec pour simple revendication : plus de police !
De bonnes âmes angéliques, hautaines en regard du « quotidien » vous expliquent sans s’offusquer que l’insécurité, ou le risque de se faire agresser, sans pouvoir compter sur une protection légale n’est pas nouveau et que les képis ont toujours été plus ou moins complices des voyous. Déjà au XIXème siècle le prolétaire qui se rendait au travail pouvait se faire délester de ses maigres biens par un de ces chenapans des « classes dangereuses » indifférenciées. Sans risquer cependant pour la moindre gifle la garde à vue sinistre de nos jours : le prolétaire aux mains calleuses savait user de ses poings ou du bâton, sans risquer la prison pour s’être défendu. Mais à défaut de statistiques sur les « apaches » du lointain passé, on sait que la comparaison n’est plus possible ni en quantité ni en problèmes raciaux et religieux… Combien de racailles depuis 30/40 ans ? En taux, en %... en nombre par habitant ? En niveau de violence, taux de délinquance et nombre de ces "racailles" dans nos prisons ? etc. Là est toute la différence ! Et là on nous prend pour des imbéciles, comme dirait Cohn-Bendit! Et depuis autant de temps des sociologues et des historiens « bien-pensants » (formés à l’Université et dans les sectes politiques gauchistes) nous pondent des articles se voulant rassurants comme celui-ci... "Mais la délinquance a toujours existé mon brave monsieur, aux Moyen âge, c'était même plus violent ce fameux sentiment d'insécurité, autant ? » Les actualités et docs d'époque et les témoignages des personnes âgées disent tout le contraire. Et si l'on s'intéresse un peu aux statistiques dans ce domaine sur 50 ans... Alors là, ça devient un vrai cauchemar. Mais qui ? Vivant à Paris et sa banlieue, Grenoble, Marseille, peut encore croire que la comparaison avec le passé est comparable? Qui est en totale discordance avec la rue, la vraie vie. Qui encore ? Seulement ceux qui n'y sont pas ou peu confrontés...
Les jeunes qui se font délester de leur portable, l’enseignant qui retrouve ses quatre roues crevées, la jeune fille qui se fait tripoter les seins dans le métro par les dits « suédois » (jeu de mots lepéniste pour éviter de dire « rebeu »), ou qui se fait violer par quatre ou cinq énergumènes en général plutôt noirs et maghrébins, ce concierge de Bagneux, d’origine algérienne, tabassé jusqu’au coma par un groupe de juvéniles ados noirs, qui est au chômage (lâché par sa mairie « communiste ») et avec des séquelles à vie, cet automobiliste algérien frappé à mort par de petites frappes « de souche » - s’ils n’ont pas été placés en garde à vue pour trouble à la sérénité policière – n’ont plus pour se plaindre que les sites d’extrême droite : « Vous avez été victimes d’une agression témoignez » ou « Fdesouche »… où, là, de très nombreux témoignages sincères d’agressions multiples nous laissent pantois, révèlent une réalité (que je connais assez par des témoignages de proches victimes ou ma propre expérience) évidemment atténuée ou masquée par les médias. On peut comprendre, du point de vue de l’ordre public bourgeois, que l’Etat et sa police ne veuillent pas affoler la population – quoique la mise en épingle de quelques faits divers assez sordides en Une des presses suffise à paralyser toute réflexion pour toute nouvelle campagne sécuritaire. On peut comprendre en second lieu que l’Etat ne reconnaisse pas son impuissance à juguler ou canaliser une misère et une violence dont il est le principal producteur et bénéficiaire.
Les angéliques gauchistes se pincent le nez envers ces sites ou lieux de protestation car les victimes, esseulées, sont, disent-ils des « amis du FN »; le NPA de Besancenot a pourtant signé son arrêt de mort en croyant pouvoir composer électoralement avec le "voile" cryto-musulman. Et comme je les comprends moi ces victimes, laissées avec leurs blessures, humiliations répétées, et comme je comprends qu’elles se fassent rouler dans la farine par les propositions de nettoyage ou de dictature ultra-policière du FN, dont les plaignants militants sont pourtant eux aussi victimes parfois des abus de pouvoir policier tout en exaltant les vertus supposées de l’uniforme !
Tous les témoignages concordent : il est interdit de se défendre ! Nombre de ceux qui se sont défendus sont placés les premiers en garde à vue. Etonnant non ? Du tout, les policiers premièrement n’aiment pas être dérangés pour cette couillonnade de protection des citoyens ; ils n’aiment jamais tant que d’être nommés pour la surveillance des quartiers riches ou planqués en province dans la surveillance des voleurs de poules ou de grenouilles rousses. De bons « gens d’armes » ceux qui sont nommés à Montreuil ou à Sarcelles ? non tous ceux qui ont commis un impair ou un manque de respect à un supérieur… bonjour le zèle pour retrouver la tranquillité provinciale : « oui chef j’ai écrasé ses lunettes par terre pendant la GAV, c’est pour ça qu’il a signé plus vite… »
RETOUR AUX FONDAMENTAUX MARXISTES
Mais de qui avons-nous le plus peur au fond ? Des racailles ou de la police ? Les sondeurs se gardent bien de poser une aussi gênante interrogation ? La police et les racailles c’est un peu comme le gouvernement et les syndicats. On baigne toujours dans l’idéologie faux-cul de l’assistance… Les syndicats sont apparemment contre le gouvernement quand en vérité ils lui obéissent strictement. Les racailles sont apparemment contre la police quand en réalité ils lui rendent service pour alpaguer et accuser les honnêtes citoyens qui ont tentés de se défendre face à leurs exactions. Lors des confrontations magistrats et policiers donnent toujours le nom et l’adresse des victimes face aux racailles qui se marrent.
Les policiers ont une qualité, quasi rare chez les prolétaires aujourd’hui, ils sont solidaires entre eux, une solidarité de caste armée qui s’arrête aux portes des commissariats pour une vie civile pas drôle ; il ne fait pas bon être connu comme fils de flic au collège ; comme les matons, ils ne rentrent jamais chez eux en uniforme… On aimerait une telle solidarité en milieu prolétaire… Chez les racailles il n’y en a aucune, c’est à qui balancera le plus aux potes keufs.
La police n’est pas notre amie, quoiqu’elle ne soit pas notre principal ennemi non plus ; elle est dangereuse en tant qu’instrument de l’Etat d’oppression. De ce fait, la police est une race à part dans la société avec leur vie d’arsouilles en vase clos. Mieux considéré et mieux payé que le prolétaire, le policier de base est rangé dans la nomenclature des professions au rang des employés de la fonction publique, quand ses chefs s'étagent au niveau de l'instituteur mais avec un meilleur salaire. Le policier n’a qu’un maître : son chef direct, représentant servile de l’Etat bourgeois. Sa qualité première : l’obéissance. Au XIXe siècle, le flic tirait dans le tas lorsque les ouvriers manifestaient ; il organisait le lynchage des noirs aux USA, il arrêtait et tabassait les militants socialistes et communistes. Si de nos jours on lui a fourni un équipement Robocop et un appareil numérique, il tue encore des prolétaires sans défense à la retraite, de préférence immigré, caché par les murailles de son « lieu de travail », sale et puant. Si je généralise la fonction coercitive et injuste de la police, je n’oublie pas qu’il a toujours existé des flics humains et honnêtes, qu’il en existe encore, mais je demande combien ? Ceux-là restent au placard et sont priés de se taire.
Débat étranger donc au prolétariat entre cette droite bourgeoise qui promet la solution à l’insécurité en exaltant la tâche policière, et cette gauche bourgeoise qui a le culot de faire croire que l’école républicaine pourrait permettre d’en finir avec les inégalités mais qui n’ose plus promettre du travail pour les prochaines échéances électorales. Entre le policier froid et cynique de la droite et le policier copain de la gauche « de proximité » il n’existe aucun choix réel, aucune solution crédible pour la victime des racailles toujours plus nombreuses, qu’on relâche parce qu’il n’y a plus de place en prison (et que les places sont occupées par une majorité de voleurs de pommes), qu’on relâche parce qu’ils sont « insolvables », parce qu’on « n’y peut rien », parce qu’on est « débordé »… Le mouvement révolutionnaire maximaliste n’a toujours que la même proposition presque bicentenaire : dissolution des forces de police, mais… après l’insurrection. Les ennemis principaux restent non les mercenaires d’Etat, dont nous pouvons espérer débaucher un grand nombre, mais la minorité des chefs politiciens et syndicalistes.
Quant à toi l’individu isolé un soir, une nuit dans une rame de métro, soit tu fuis s’ils sont nombreux parfaitement cyniques et impavides, mais en tout cas garde sur toi une arme d’autodéfense, opinel, bombe à gaz, marteau, manche de pioche si tu arrives à la masquer dans une jambe de pantalon. Massacre-en un ou deux sans pitié avant de succomber, si tu peux. Ou alors prie le seigneur, si tu y crois !
Comme toutes les religions, l’Islam doux ou hard est un discours guerrier primitif, et particulièrement, un appel au meurtre de tous les « mécréants ». C’est plus une religion pour voyou que pour révolté. Elle sert assez aisément de cache-sexe et cache-connerie à ces sortes d’islamofascistes (mais cette qualification est assez impropre) qui ont pignon sur rue - qui font régner une terreur qui n’est pas faite pour déplaire à la police (en haut lieu elle est considérée comme complémentaire) - dont la religiosité ne sert qu’à masquer un comportement criminogène à la mode. Ils n’ont aucun avenir mais peuvent attenter à ta vie. Ne compte pas sur la police pour te défendre ni sur l’apparition hypothétique de milices d’autodéfense ouvrière (il pleuvra longtemps avant que celles-ci ne réapparaissent). Sache que dans les années 1930, les militants communistes en Italie portaient un revolver sur eux en permanence et ont été les premiers à combattre les fascistes, les vrais, politiquement et historiquement, orientés vers une militarisation de la société, cyniques tueurs aussi, mais moins délités en somme en politique que nos bandes de lâches paumés « no future ».
De quelles terribles séquelles va hériter la société socialiste si elle a des chances de postuler un jour au capitalisme voyou?
RETOUR AUX FONDAMENTAUX UNIVERSALISTES
Ce « on n’y peut rien » renvoie à une modification profonde du type de société dominant en occident jusqu’aux années 1960. Avec l’avènement de l’idéologie antiraciste, la bourgeoisie a ouvert grandes les portes aux croyances moyenâgeuses avec cette nécessité de faire venir en masse des millions de prolétaires immigrés des ex-colonies. L’attrait pour un meilleur salaire n’aurait pas suffi. L’homme quel qu’il soit, se déplace avec son âme. Ainsi une population qui n’a pu être « industrialisée » dans les anciennes colonies, qui a subi un intense bourrage de crâne religieux depuis l’enfance, vient régulièrement avec le même bagage de misère spirituelle. Au « pays », comme ils disent (ou au bled) le capitalisme, contrairement aux supputations bordiguistes, a été incapable de créer un vrai prolétariat moderne ; il a maintenu les croyances arriérées et favorisé leur importation en occident. Au XIXe siècle le capitalisme faisait évoluer les paysans arrachés à leur terre primitive quand depuis le XXe siècle il les maintient dans une croyance qui les préserve de toute réelle conscience de classe et de toute mise en cause du capitalisme. Sous les oripeaux des diverses religions antiques la bourgeoisie dissout les classes et proclame l’antiracisme nouvelle foi universelle. L’antiracisme, qui sert de credo coranique aux voyous, n’est nullement universel. Il s’agit d’une invention de pays riche et de bourgeois protégés. Le racisme est très officiel dans tous les pays d’Afrique entre les diverses tribus et zones découpées arbitrairement comme nations. Tuer un blanc est un sport naturel dans certaines contrées. Les professeurs gauchistes ignorent ces réalités, comme ils ignorent que africains paumés ou maghrébins attardés peuvent être plus racistes que Le Pen ; si tu te promènes à Paris au bras d’une algérienne, tu te feras insulter avec ta copine, voire agresser physiquement ; l’insulte « sale blanc », « merde de français » n’existe pas seulement dans les stades de football.
Sans tomber dans l’hystérie de feu Oriana Fallaci (aux écrits imbitables plus que dangereux) ou d’une prétendue guerre des civilisations, il faut bien considérer que la religion musulmane sert de fédérateur à des comportements ostracistes qui viennent freiner l’ex « union grandissante » du prolétariat de 1848. Le fait qu’une énorme part de la population mondiale (non arabe) du Pakistan à l’Afrique noire se soumette à la religion d’Allah est une bonne affaire pour la bourgeoisie mondiale. Plus que les rois du pétrole, les empereurs du dollar aiment cette religion de soumission des masses paupérisées et importées – qui se prennent pour les nouveaux chrétiens face au capitalisme pornographique – qui sert à double titre donc également pour désigner un ennemi invisible, Al Qaida, quintessence du carrefour des conflits masqués entre grandes puissances, lesquelles alimentent tant de guerres locales ultra-nécessaires aux lobbies de l’armement.
La question de l’interdiction du hijab devait être le clou du spectacle de septembre, elle a été supplantée par la stigmatisation des Roms, dont personne ne veut, ni les paysans français ni la population roumaine ; seuls les gauchistes des beaux quartiers en veulent au nom de leur universalisme abstrait, mais sans leur fournir toit et travail. Les Roms risquent de rester longtemps pourtant à l’abri de l’islamisation à la mode pour les « pauvres » ex-colonisés et personne ne peut prétendre trouver de solution à leur errance et à leur misère en ce monde-ci.
L’arbre Rom est venu cacher la forêt musulmane et le bosquet de hijabs. On en est là. On va en hériter longtemps et ce ne sera pas pour faciliter une quelconque révolution. Le port des habits traditionnels en ville, le voile pour les femmes, les prières collectives qui barrent des rues entières à Paris, les exactions contre ceux qui cassent le ramadan, le ramadan lui-même cette stupidité alimentaire contre indiquée par les femmes enceintes et les travailleurs de force, l’abattage des moutons centralisé et dernièrement la vogue de l’achat à la ferme de lait non pasteurisé, toute cette smala de comportements fait partie du paysage officiel d’une bourgeoisie régnante qui s’affiche ainsi « tolérante », « accueillante » - tout en tabassant dans ses commissariats et en reconduisant brutalement aux frontières. Ladite extrême droite avait pronostiqué « l’envahissement » il y a au moins 30 ans. Il est là, non pas du fait des pauvres ouvriers arabes ou noirs, mais du fait d’une politique d’Etat planifiée de non intégration au nom du respect des religions arriérées en lien avec les tractations des Etats fantoches locaux qui régentent la misère dans les anciennes colonies, mais restent bons clients pour l’industrie d’armement et l’exportation de leur main d’œuvre en surplus. L’envahissement a été bien plutôt une instrumentalisation de coutumes et modes de vie ancestraux, reflet de l’incapacité du capitalisme lui-même à faire évoluer la société vers un véritable esprit de liberté sous couvert de la tolérance de toutes les intolérances.
Je n’ai aucun complexe à remarquer que la fraction bourgeoise d’extrême droite avait prédit la catastrophe comme n’importe quel historien sait que Hitler ne disait pas des bêtises en décrétant « il faut exporter ou périr ». Des fractions bourgeoises, aussi pourries que les autres, peuvent émettre des vérités partielles sans que nous n’ayons la moindre illusion sur leur projet politique ou leur absence de solution humaine crédible à une masse considérable d’êtres déshérités sans avoir jamais hérité. Non, les alarmistes d’une immigration (plus incontrôlable que nocive) - font partie de nos ennemis, puisqu’ils demandent aussi plus de police ou un véritable régime policier, une dictature policière.
Nous, nous réclamons au contraire, d’urgence, la dictature du prolétariat qui fermera les monastères, mosquées et autres lieux de superstition, interdira l’esclavage vestimentaire de la femme et son ostracisation, rééduquera par l’étude et le travail les racailles, videra les trois quart des prisons, interdira toutes les activités parasitaires d’exploitation de l’homme par l’homme.
Dans les premiers temps il y aura une police sous la dictature du prolétariat car une société corrompue par l’argent et débilitée par les religions ne peut disparaître sans une coercition orientée. Sera-t-elle moins inique que la justice actuelle ? Je n’en sais rien. Ce que je sais c’est qu’il faudra toujours un contrôle des hommes entre eux pour remiser à sa place l’instinct animal. Enfin dans les musées Grévin et Madame Tussau’s figureront des momies en cire des complices du passé capitaliste. Celles des anges de la gauche caviar et des diablotins de la droite affairiste.
« Le marxisme est une conception révolutionnaire du monde qui doit toujours lutter pour des connaissances nouvelles, qui ne hait rien autant que la pétrification dans des formes valables dans le passé et qui conserve le meilleur de sa force vivante dans le cliquetis d'armes spirituel de l'auto-critique et dans les foudres et éclairs de l'histoire ». Rosa Luxemburg
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vendredi 27 août 2010
mercredi 25 août 2010
L’argent destructeur ( ?) ou son courtier le capitalisme ?
Sous le titre « L’argent destructeur » UNE INTERVIEW DE PAUL JORION ; Enseignements de l’hypercrise, deuxième partie : Entretien avec le chroniqueur économique Paul Jorion, Par Stefan Fuchs.
(Le titre de l'interview est vraiment mauvais, c’est le capitalisme qui est destructeur. Basta. Plusieurs lecteurs m’ayant demandé ce que je pensais de Paul Jorion l’économiste. Je n’en pensais rien puisque je ne le lisais ni ne le connaissais. On peut lire son blog au quotidien pour l'analyse économique, mais pas tout le temps, car il tend à devenir débile (il demande des sous à ses lecteurs et voir en fin d'interview ses propositions politiques archi-misérables et stupides.
Sur l’insistance du camarade Xavier, et en accord avec son appréciation sur la nullité des analyses économiques du milieu qui se prétend révolutionnaire et marxiste, je conviens que des analystes bourgeois à la Jorion,ponctuellement, quoique les bras leur en tombe (devant l’imminence de la chute finale) et qu’ils soient lamentables au niveau politique, sont faites pour nous intéresser et confirmer la désormais ancienne, mais bien vivante, vision catastrophiste du maximalisme). En outre, je préviens qu'habité lui-même par l'esprit de thésaurisation capitaliste, pépère Jorion invite ses lecteurs à lui faire une donation sur son blog. Ben ouais, pépère veut rentabiliser les milliers de connections journalières. Tu peux toujours rêver pépère, nous on t'enverra pas un centime!
La crise financière culmine depuis l’automne 2008 dans une crise du capitalisme global. Car la libéralisation débridée des marchés et l’expansion de la division internationale du travail n’ont pas pu tenir les promesses gigantesques de croissance et de prospérité. Dans la deuxième partie de la série d’entretiens « « Enseignements de l’hypercrise », Stefan Fuchs a eu un entretien avec Paul Jorion sur l’effet destructeur de l’argent. Jorion est chroniqueur économique du journal français « Le Monde ». Economiste structuraliste, il critique la mise sur le même plan de l’argent et du crédit comme une pure idéologie. Le capitalisme actuel serait selon lui à l’agonie.
Stefan Fuchs: Monsieur Jorion, vous étiez parmi les premiers à avoir prédit la crise américaine de « subprimes ». Vous-même travailliez aux États-Unis dans le secteur du crédit, et vous prédisiez dès 2004 une grave crise de ce capitalisme financier américain. L’élément déclenchant de l’hypercrise est selon votre analyse un mécanisme interne de l’économie globale telle qu’elle se développait dans le dernier tiers du 20ème siècle et qui a eu pour effet une concentration de plus en plus forte de l’argent en peu de mains. Comment décrivez-vous ce mécanisme qui conduisit presque à un tarissement de la circulation monétaire et qui déclencha cette crise extrême qui saisit ensuite aussi l’économie réelle ?
Paul Jorion: En comparant la crise de 1929 qui avait débuté aux États-Unis pour devenir alors une crise économique mondiale et la crise à laquelle nous avons affaire depuis 2007, on observe une parenté stupéfiante : la concentration de la richesse économique entre les mains d’une minuscule minorité. En vertu d’un mécanisme économique très simple. Lorsque l’argent n’est pas là où il est nécessaire, soit pour produire dans une entreprise soit dans les ménages pour acquérir des biens durables, ou bien encore parce que le salaire est insuffisant pour vivre du fait que les salaires réels stagnent ou sont même en recul, il faut alors se le procurer par le crédit. C’est une loi aussi implacable que logique : la concentration de la richesse est un processus qui s’autoalimente. Lorsque l’argent est réparti inégalement dans un système économique, cette répartition inégale s’accentuera avec le temps toujours davantage. C’est ce que nous vivons. L’argent n’est pratiquement jamais là où il est nécessaire, ni dans la production industrielle, ni dans la consommation. On doit toujours se le procurer via le crédit. L’argent et son prix ont aujourd’hui un rôle prédominant et qui va se renforçant continuellement. Le système financier dispose d’une omniprésence quasi-divine qui ponctionne un profit sur chaque transaction. Du coup, une part croissante d’intérêts est contenue dans le prix de tous les produits et de tous les services.
Fuchs: Qu’est-ce qui explique cette baisse des salaires réels ? Qui selon vous est responsable de ce processus de concentration ? Est-ce un rapport de forces politique, ou alors y a-t-il des mécanismes économiques ? Qu’y a-t-il derrière cela ?
Jorion: Pour simplifier grossièrement, il y a trois groupes sociaux dans nos sociétés. C’est ainsi que l’on le concevait au 18ème et 19 ème siècle. Il y a les entrepreneurs qui ont le concept d’un nouveau produit. En cas de succès, ils peuvent faire travailler d’autres qui vendent leur force de travail : les ouvriers et les employés. Et puisque le capital n’est pas toujours là où se crée une entreprise, il doit provenir de crédits. Il y a donc ainsi un troisième groupe, celui des détenteurs de capitaux. Dès qu’un gain s’est constitué, généré par la production, il faut le répartir entre ces trois groupes. Le détenteur du capital percevra d’abord les intérêts qui lui sont dus. Il existe ainsi un antagonisme naturel entre détenteur de capitaux et entrepreneur, un rapport de forces, qui détermine la hauteur des intérêts. Quand l’économie va bien, l’entrepreneur abandonnera davantage d’intérêts et de dividendes au détenteur de capital, et moins quand l’économie va mal. Il doit partager le reste avec ses ouvriers. Il y a ici aussi un antagonisme. L’entrepreneur n’est pas disposé à laisser à ceux qui travaillent pour lui plus qu’il n’est nécessaire. Quand ceux-ci sont organisés en syndicat, ils peuvent réduire la concurrence entre eux et présenter un front dans cet antagonisme.
Depuis le milieu des années 1970, il y a cependant eu un facteur qui, au moins dans les grandes entreprises, a modifié radicalement ce jeu de forces. On a introduit le système des « stock options ». La firme de conseil McKinsey menait alors des recherches sur la manière d’éliminer l’antagonisme entre entrepreneurs et capitalistes, comment en faire deux groupes d’alliés immédiats. La réponse : aligner les intérêts des dirigeants et ceux des investisseurs. Le moyen : gratifier les managers d’options sur les actions émises par l’entreprise. Un dirigeant d’entreprise peut exercer ses options au moment de son choix. Naturellement, il ne le fera que quand l’action aura atteint un cours élevé. Il consacrera toute son énergie à ce que le cours de l’action monte, même si cela n’est possible que dans une perspective à court terme ou qui nuit même aux intérêts à long terme de l’entreprise. Les “stock options” marquent le début d’une nouvelle forme du capitalisme accompagnée d’un glissement des rapports de force entre les groupes sociaux. Dès lors, les capitalistes et les entrepreneurs sont alliés. Les salariés se retrouvent face à eux bien seuls. Le rapport de forces ne leur était déjà pas favorable initialement, leur position est désormais affaiblie d’une façon déterminante.
Parallèlement, la financiarisation de l’économie devint massive. Le cours de l’action devient plus essentiel que la production proprement dite. La firme américaine Enron, aujourd’hui disparue, est un bon exemple de ce changement de paradigme. A un moment de son histoire, le produit proprement dit de l’entreprise était devenu le simple cours de ses actions. Grâce à un procédé comptable appelé « bootstrapping » [se soulever en tirant sur ses lacets], le succès de l’entreprise était directement lié au cours de l’action. Lorsqu’une action dépassait une valeur seuil, le profit enregistré par Enron s’accroissait. La production est devenue immatérielle à 100%. C’est le système des stock options qui rendit cela possible. Et parallèlement, il y avait stagnation, voire baisse des salaires réels qui ne croissaient plus avec le taux d’augmentation de la productivité.
Dans ce contexte, le crédit est devenu, surtout aux Etats-Unis, une sorte de salaire d’appoint appelé à protéger contre la chute du niveau de vie et aussi contre un effondrement total de la demande. Mais les crédits signifient le paiement d’intérêts. 5 pour cents ne semblent a priori pas énormes, mais quand on doit payer un crédit immobilier à 5,3% sur trente années, comme cela est courant aux USA, on aura payé en fin de période le prix de la maison deux fois. Pendant ce temps-là, la spéculation poussait toujours davantage les prix immobiliers à la hausse. La valeur d’une maison pour une famille en était venue à correspondre à trente années de revenu disponible. Un prix véritablement astronomique.
Justifiant tout cela se trouvent les théories de l’ordolibéralisme économique qui croit fermement à une autorégulation des marchés et n’autorise à l’État que des interventions minimales dans leur déroulement. Dans la pratique, l’instauration de ce système n’avait été, comme nous sommes obligés de le constater maintenant dans le contexte de la crise, qu’une avancée par essais et erreurs, quasiment une vaste expérimentation de laboratoire sur l’économie mondiale. On dérégule et on verra bien ce qui se passe. Les effets apparaissent avec un certain décalage dans le temps, et quand on peut les observer, il est alors beaucoup trop tard. Il n’y a pas que dans le cas de la catastrophe climatique que l’on à affaire à des phénomènes irréversibles, c’est vrai aussi dans le champ économique.
Dans les années 1980, quand ces théories avaient été mises en pratique, on n’a pas eu une conscience claire de ceci : un système économique bâti sur le crédit multiplie les risques. Dans un système économique piloté par le crédit se constituent des chaînes d’emprunteurs, A doit à B qui doit à C et ainsi de suite. Quand un crédit fait défaut, toute la chaîne s’effondre à partir de celui qui fait défaut, comme des dominos. Contre le risque, l’industrie financière avait développé, avec son inventivité inépuisable, des instruments nouveaux, les fameux et problématiques “credit default swaps” ou CDS, des assurances de défaut du crédit. Mais, au lieu de contrôler ainsi les risques, ces instruments génèreront à leur tour des risques nouveaux. Car on peut les utiliser pour spéculer, on peut par exemple parier sur le fait que les obligations grecques se déprécieront. Tant pis pour celui qui aura mal spéculé. Exemple l’assureur US “AIG”. Perte pour le contribuable américain : 182 milliards de dollars, du même ordre que le sauvetage de “Fannie Mae” et “Freddie Mac”.
Fuchs: Je voudrais revenir sur la perspective de la majorité de la population. Dans un tel contexte, elle est mise à contribution deux fois, une première fois parce que sont déjà inclus dans les prix une grande part d’intérêts, et une deuxième fois en raison des crédits qu’elle doit souscrire afin de compléter un salaire insuffisant, ce qui signifie qu’on la fait payer à deux reprises.
Jorion: Dans les faits, débute à la même période, autour de 1975, l’introduction de la micro-informatique qui rendait possible une véritable explosion de la productivité. Mais cet accroissement de la productivité, les salariés n’en bénéficient pas. Leurs revenus resteront toujours davantage en retrait par rapport à l’évolution économique. La productivité est aussi augmentée partiellement par des rationalisations, autrement dit parce que les gens perdent leur emploi. En même temps, les prix augmentent parce que les intérêts et la spéculation les poussent à la hausse. Rien que dans l’essence et le gazole est contenu un bon tiers de gains spéculatifs. La majorité des Américains doit de ce fait compléter ses revenus grâce à du crédit alors que l’industrie financière prospère insolemment : les gains de productivité vont dans sa poche, les intérêts de toute manière aussi. C’est cela l’absurdité de la discussion autour des paiements des bonus des banquiers. Le pouvoir politique veut les limiter, et il fait valoir cela comme une régulation décisive du secteur bancaire. Or c’est un pur effet de surface. Ces bonus sont des commissions : un faible pourcentage des profits réellement générés par l’industrie financière. Quand des millions vont dans les poches des traders, c’est seulement parce qu’ils ont récolté des milliards pour l’établissement qui les emploie. Pourquoi les banques gagnent-elles de telles sommes ? Tout simplement parce que cet argent a cessé d’être redistribué aux salariés.
Fuchs: Vous faites partie de ces experts économiques structuralistes qui critiquent l’assimilation du crédit à la monnaie comme quelque chose d’idéologique au plus haut point et qui est responsable de l’invisibilité du processus de concentration de la richesse dont nous venons de parler. En quoi consiste l’erreur quand on dit que la monnaie en espèces et la monnaie scripturale seraient la même chose ?
Jorion: On parle de masses ou d’agrégats monétaires et de la création monétaire par les banques commerciales. Dans un calcul usuel, on additionne la quantité de monnaie liquide et ce dont les gens disposent sur leurs comptes et livrets d’épargne. On constate alors que le total croît continuellement, que la richesse croît constamment. On oublie alors que la monnaie liquide et la monnaie scripturale sont deux choses fondamentalement différentes. Supposons par exemple trois personnes qui ont, chacune, 10 euros en poche. Elles se prêtent cet argent l’une à l’autre. Si on calcule maintenant selon la manière conventionnelle, la somme a doublé. En effet, chacun des trois – en tant que prêteur – possède une créance de 10 euros en poche, et – en tant qu’emprunteur – possède 10 euros en espèces. Ce n’est pas une erreur de calcul, c’est la méthode prônée par le « science » économique. On parle de masses monétaires M1, M2, etc. L’économiste théoricien Schumpeter a très bien justifié pourquoi il conviendrait d’additionner la richesse réelle et la richesse « négative » que sont les dettes. C’est seulement en cas de crise que l’on reprend douloureusement conscience de la différence. La valeur d’un billet de 10 euros est 10 euros. Son pouvoir d’achat peut varier quand les prix montent, mais sa valeur reste fondamentalement la même. Quant à une reconnaissance de dette, son cas est tout à fait différent. Il faut l’évaluer en fonction du risque, selon la probabilité que le remboursement ait lieu réellement. Lors des crédits hypothécaires qui avaient déclenché la crise aux USA, leur valeur tombait à zéro. Et les masses monétaires M1, M2 fondaient soudainement comme neige au soleil. Où est passé l’argent, se demandait-on naïvement ? La monnaie liquide est toujours là, mais tous les crédits et reconnaissances de dettes ont disparu. Les économistes n’ont certes pas inventé ces calculs douteux uniquement pour faire plaisir au secteur bancaire. Objectivement, ceux-ci sont cependant très commodes pour l’industrie financière. Mais les économistes se sont trompés, on ne peut pas simplement additionner ces deux types de quantités. L’un des chiffres est réel, l’autre est virtuel.
Fuchs: La ligne de défense du secteur bancaire est que l’argent public employé pour leur sauvetage ne serait que des garanties et que cet argent ne serait en réalité pas réellement perdu et qu’il pourrait, dans certaines circonstances, être aussi bien restitué, que faut-il en penser ?
Jorion: Prenons par exemple une “mortgage-backed security”, un titre garanti par des hypothèques. Y sont contenus les crédits hypothécaires de 3000 propriétaires de maisons. Chaque fois qu’ils paient une mensualité, de l’argent parvient aux titulaires du titre (investisseurs). Si le titre papier est émis en 2007 et si certains débiteurs ont cessé de payer leurs mensualités, ce titre ne vaut peut-être plus que 83 cents par dollar (investi). Les banquiers disent alors que si les autres débiteurs continuent à payer, il n’y a pas de raison de décoter encore davantage ce titre, il suffit de le conserver sans s’inquiéter jusqu’à sa maturité. Mais ceci est ridicule, car rien ne vient soutenir la supposition que la situation s’améliorera nécessairement l’année prochaine ou dans deux ans. Sous-tend ce type d’argumentation la méthode de valorisation “mark to model” qui renvoie à la représentation d’une situation idéale où toutes les difficultés du présent auront été éliminées. Le taux de chômage par exemple ne varie pas brusquement d’une semaine à l’autre. Il est soumis à des cycles longs. Aux USA, on a ainsi fêté dans l’euphorie le fait qu’en mars avaient été créés 162.000 nouveaux emplois. En y regardant de plus près, on constate qu’un tiers des emplois étaient des embauches provisoires pour le recensement décennal de la population, et un autre tiers avait été postulé à partir des fluctuations historiques de création et de disparitions d’entreprises aux USA. Ce qui veut dire que 50.000 seulement de ces emplois sont réellement nouveaux. On sait cependant que l’Amérique aurait besoin, pour confirmer son rétablissement économique, de 250.000 emplois neufs par mois pour les cinq années à venir. On peut bien sûr être un optimiste incorrigible qui image que demain au réveil tout se retrouvera miraculeusement comme avant la crise.
Fuchs: Est-ce à dire que les tristement célèbres “bad banks” sont des tombes où l’on a enterré de l’argent ?
Jorion: La probabilité d’une réanimation est en effet aussi élevée que dans un cimetière. En mars 2008, le ministre des finances américain Henry Paulson avait orchestré le rachat de Bear Stearns par JP Morgan. Il déclara par la suite à plusieurs reprises publiquement que ce sauvetage était unique et qu’il ne serait pas possible de le répéter. Il le redisait encore quand survint, 6 mois plus tard, la faillite de Lehman Brothers. On avait enfoui les déchets financiers toxiques de Bear Stearns et vissé par dessus un couvercle comme s’il s’agissait d’un deuxième Tchernobyl. Personne ne devait y toucher, personne ne devait savoir ce qui s’y cachait. Seule l’insistance des médias, de Bloomberg et de Fox News, a fait que le contenu a dû être dévoilé. On a dévissé le couvercle pour jeter un coup d’œil dans le sarcophage, et on a pu constater que ce qui s’y trouvait n’avait absolument aucune valeur.
Fuchs: Si je vous ai bien compris, vous attribuez à une sorte de perversion de la nature de l’argent, à un fétichisme de l’argent, le véritable arrière-plan historique et culturel de ce à quoi nous assistons maintenant sous sa forme extrême. On a fait, à partir d’un instrument destiné à l’échange, à savoir l’argent en tant qu’instrument de la circulation, un instrument d’accumulation de la valeur. En quoi est-ce un mésusage de l’argent, car, enfin, la formule de l’intérêt est pour nous, depuis la renaissance, liée à l’usage de l’argent ?
Jorion: On peut dire que l’argent est un instrument neutre qui n’a comme tel un effet ni positif ni négatif. Il constitue un simple substitut du troc : une marchandise spécialement conçue pour l’échange. Une image tout à fait différente émerge cependant au plan historique. A l’origine, les sociétés féodales étaient dominées par la caste des guerriers qui s’appropriait les terres par la force. Ils sont ce que Hegel nomme les “Maîtres”. En face d’eux se tient la majorité de la population, les « esclaves » devenus “serfs” par la suite. Les uns travaillent, les autres règnent sur eux. Pour pouvoir faire circuler les produits issus de cette division du travail, il fallait les marchands. Ils vont de pays en pays, vendent leurs marchandises et vivent de leur profit. Pour ce commerce, on a besoin de l’argent comme instrument de la circulation. Au moyen âge et surtout pendant la renaissance, les régnants font une découverte surprenante. Ils n’ont plus besoin de la violence comme base de leur règne. L’argent rend le même service. Avec lui, on peut amener quelqu’un à travailler pour soi, sans autre violence. La révolution française et sa nouvelle redistribution du pouvoir n’a rien changé à cela. Les aristocrates ont vite compris qu’ils pouvaient renoncer à leurs privilèges seigneuriaux s’ils possédaient suffisamment d’argent. L’épée ou le sabre ne sont plus nécessaires, on peut arranger tout cela de la même manière avec de l’argent. Aristote avait reconnu cet aspect de l’argent comme l’héritier de la violence sociale. L’argent reflète le rapport de domination et remplace l’instrument de la violence.
Fuchs: Que devrait-on donc faire pour neutraliser cet effet antidémocratique renforçant les dominations dans nos sociétés, pour l’affaiblir voir l’annuler ?
Jorion: Ce qui avait été fait en 1929, a été refait en 2007 : attendre jusqu’à ce que la concentration de la richesse sociale devienne telle que tout le système s’effondre. C’est alors seulement que l’on repense soudain à la redistribution. Dans les années trente, ce sont des instruments redistributifs que Keynes avaient proposés en Angleterre et qui furent appliqués également aux États-Unis. Pour Keynes, le plein-emploi était l’objectif primordial. Il faut se souvenir que l’on assistait alors en Angleterre à une montée en puissance parallèle du fascisme et du communisme. L’enjeu devenait crucial. La démocratie était menacée sur deux flancs par des idéologies totalitaires. Pour Keynes, il fallait combattre le mécanisme de concentration de la richesse. Il fallait que l’argent soit redistribué de manière plus équitable. Pour que les gens consomment à nouveau et puissent aussi acheter les marchandises produites par eux, il fallait avant tout leur donner du travail et rémunérer celui-ci d’une manière adéquate.
L’instrument de la redistribution par l’imposition qui accompagne l’État keynésien, est, hélas, aujourd’hui émoussé. On a permis en particulier aux entreprises de l’économie réelle de se transformer en entreprises quasi virtuelles. Elles distribuent leur chaîne de création de richesse sur un grand nombre de pays, et bénéficient de la concurrence mondiale existant entre eux pour les derniers emplois restants. On permet à la richesse socialement produite de se réfugier dans un espace virtuel et quasi transnational. Il ne faut pas négliger non plus l’influence de l’argent sur la politique. Il est plus aisé de se faire élire à un poste politique quand on appartient à un parti soutenu par l’industrie financière. Cela a conduit aux États-Unis à un système qui se rapproche de l’ancien système électoral censitaire. La cour suprême des États-Unis a récemment suspendu pour les entreprises toute limitation des dons politiques. Et ce en invoquant le principe de la libre expression ! Naturellement, les entreprises ont des ressources financières d’un tout autre ordre que l’individu moyen. Avec de l’argent, on s’achète de l’influence sociale. Un coup d’état n’est donc pas nécessaire, pas besoin d’envoi de troupes. Une fois encore : l’argent procure le même type de service.
Fuchs: Il y a une autre proposition de Keynes que vous préconisez, c’est la monnaie synthétique mondiale qu’il appela le “bancor” et qu’il a proposée à Bretton Woods, mais qui ne fut pas retenue. Dans quelle mesure cela pourrait-il nous venir en aide dans le contexte actuel ?
Jorion: Il faudrait vérifier si le bancor pourrait vraiment constituer une solution. Dans son principe, il ressemble beaucoup aux droits de tirage spéciaux que le Fonds Monétaire International a institués. La crise grecque et de l’euro a très nettement souligné qu’une monnaie devrait correspondre à un espace économique poursuivant une politique économique intégrée. Les États-Unis ont ancré dans leur constitution la solidarité économique entre les états de la fédération. La Californie et ses excédents d’exportation doit pouvoir répondre de la Géorgie beaucoup moins riche. Cela ne pourrait pas fonctionner autrement. On ne peut revendiquer tous les avantages d’un espace monétaire unique et sans risque de change pour son industrie domestique d’exportation et en même temps refuser toute responsabilité pour le déséquilibre économique au sein de cette zone économique. Je parle évidemment du champion du monde de l’exportation, l’Allemagne, et, au niveau de l’économie mondiale, de son concurrent, la Chine. On ne peut pas en tant qu’économie nationale, qui s’est quasi spécialisée dans l’exportation, reprocher aux autres qu’ils n’exportent pas autant. Vers où doivent-ils exporter ? Tant que la planète Mars ne s’ouvre pas comme un nouveau marché vierge, il n’y a pas d’issue. Le commentateur en chef du Financial Times, Martin Wolf, a très bien décrit cela. Les Allemands ont renié la parole du philosophe Immanuel Kant : un principe moral doit toujours valoir pour tous, il doit être universel. Mais tous ne peuvent devenir champions du monde de l’exportation.
Keynes a reconnu ce problème. Il était à la recherche d’un système qui serait en mesure de compenser des déséquilibres dans les bilans commerciaux. Le noyau de son plan bancor était de créer une monnaie de compte qui sanctionne les excédents aussi bien que les déficits commerciaux. Car les deux sont nuisibles dans le cadre d’une économie mondiale durable. Malheureusement, sa conception n’a pas pu s’imposer à Bretton Woods. Son concept général, il faut le mentionner, n’était pas neuf. Un système d’accords bilatéraux équilibrés entre l’Allemagne et d’autres pays avait été mis au point par Hjalmar Schacht qui avait été président de la Reichsbank et ministre de l’économie d’Hitler. Schacht a été jugé après la guerre à Nuremberg pour complicité dans la mise sur pied de la machine de guerre allemande. Il a été acquitté. Quoi qu’il en soit, Keynes n’a jamais fait mention de la parenté intellectuelle entre son propre projet et des applications d’inspiration commune dans l’Allemagne vaincue. Cela aurait jeté la suspicion sur leur bien-fondé dans la période d’après guerre et aurait pu compromettre toute chance de leur mise en application.
Fuchs: Le mainstream économique a déjà évacué la crise : « Des signes positifs se pointent à l’horizon », « Le pire est derrière nous ». Vous êtes beaucoup plus pessimiste, vous croyez au “double plongeon”, ce profil en forme de W où la deuxième jambe sera beaucoup plus dramatique que la première. Cette seconde partie, sur quelle champ se joue-t-elle ? Sera-ce une crise de l’endettement public ? Sera-ce une crise de la demande déclenchée par l’épargne ? Donc une crise déflationniste, se produira-t-elle?
Jorion: Je pose d’abord une première question : où se trouve donc ce mainstream dont vous parlez ? Il s’agit de quelques journaux, de quelques stations de télévision, certainement pas la majorité des opinions exprimées ! Il y a eu en avril un sondage en France. On demandait aux gens s’ils croyaient que la crise état terminée. 75 % ont répondu non.
Ce qui se profile devant nous, c’est la maladie japonaise : une période de stagnation se traînant en longueur, accompagnée d’une déflation. Pour Keynes, la déflation était le plus grand des dangers. Plus personne ne dépense, car tout pourra être obtenu demain encore meilleur marché. L’économie se fige, le chômage monte en flèche, et on assiste à la paupérisation de larges couches de la population.
La récession va reprendre en vigueur, les états nationaux ont épuisé leurs munitions. Ils sont incapables de recharger leurs armes. Le sauvetage du secteur bancaire a épuisé les dernières réserves. Pour lui, les États ont dépensé plus qu’ils n’avaient. Dans leur grande majorité, ils sont tout aussi insolvables que la Grèce. La tentation est grande de réduire la charge de la dette par l’inflation. Mais l’inflation, c’est incendier la plaine, c’est un processus qu’il est impossible de maîtriser.
On me pose souvent la question si nous sommes en train de vivre la crise finale du capitalisme. C’est en effet à une sorte d’agonie que nous assistons. Il ne mourra peut-être pas pour les raisons que Marx avait prédites. Mais cela n’y change rien. Le système peut être mortellement blessé, alors même que Marx se serait trompé.
Il faut agir sans tarder, il faut empêcher l’industrie financière de causer davantage de dégâts. Depuis trois ans, je plaide pour l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix. Mais rien ne bouge. Des sommes énormes sont soustraites à l’économie par des tours de passe-passe spéculatifs. Tout ça est très très dangereux.
LA STUPIDITE POLITIQUE DE JORION
C'est pas le tout d'être un économiste plus prévoyant, il faut être aussi intelligent. Et d'intelligence politique Jorion n'a que goutte. La situation est très très dangereuse vient de nous dire l'auguste économiste, mais, avec ce gentil démocrate industriel citoyenniste, la fièvre de cheval peut se soigner avec un bon bain de bouche, et il convie ses lecteurs (après avoir frappé à leur porte-monnaie) à enrichir ses nunucheries pacifistes néo-sarkoziennes:
"1) Les salariés sont des partenaires à part entière dans la répartition de la richesse créée par l’entreprise, pas des « coûts de production » qu’il s’agit de réduire au maximum. L’entreprise prend au sérieux le fait que c’est le travail qui produit la marchandise ou le service, pas le génie spéculatif de ses dirigeants ou de ses investisseurs. Les gains de productivité bénéficient aux travailleurs. Un salarié remplacé par un robot reçoit une partie de la richesse créée par le robot.
2) L’entreprise est axée sur l’autofinancement. On ne distribue pas toute la richesse créée en dividendes pour les actionnaires et en bonus pour les patrons – pour devoir ensuite emprunter l’argent nécessaire pour faire tourner la boîte !
3) Interdiction des stock-options. Pas de court-termisme de spéculation boursière pour les dirigeants de l’entreprise mais une visée à long terme de son avenir. Le dirigeant est un « entrepreneur », pas la personne chargée de créer une bulle financière et de filer ensuite avec la caisse, quand la compagnie se krache. Il est là pour exercer une activité qui – pour utiliser les termes de Lord Adair Turner – présente « une utilité d’un point de vue social ».
4) Démilitarisation de la structure de décision de l’entreprise. Quel est le nombre adéquat de niveaux hiérarchiques dans l’entreprise : deux ou trois ? Les influences latérales sont les meilleures.
5) Entreprises propres : pas de déchets intraitables ou non-traités.
6) Entreprises vertueuses : pas de firmes d’armement, pas de compagnies de mercenaires. On n’est pas là pour massacrer ou se faire massacrer".
La solution jorionienne à la crise systémique: une entreprise propre autogestionnaire, un Etat sans armée, une société clean par l'opération du Saint Esprit... Un doux dingue ce Jorion. Finalement ses analyses économiques sonnent creux puisqu'il est incapable d'analyser la chute de la valeur et de comprendre que la société est en délitement complet, en voie de désintégration et de meurtre généralisé des emplois. C'est bien de décrire la pourriture gestionnaire capitaliste mais la corruption généralisée ne peut pas être corrigée par de belles paroles réconciliatrices sans projet politique hard et humain.
(Le titre de l'interview est vraiment mauvais, c’est le capitalisme qui est destructeur. Basta. Plusieurs lecteurs m’ayant demandé ce que je pensais de Paul Jorion l’économiste. Je n’en pensais rien puisque je ne le lisais ni ne le connaissais. On peut lire son blog au quotidien pour l'analyse économique, mais pas tout le temps, car il tend à devenir débile (il demande des sous à ses lecteurs et voir en fin d'interview ses propositions politiques archi-misérables et stupides.
Sur l’insistance du camarade Xavier, et en accord avec son appréciation sur la nullité des analyses économiques du milieu qui se prétend révolutionnaire et marxiste, je conviens que des analystes bourgeois à la Jorion,ponctuellement, quoique les bras leur en tombe (devant l’imminence de la chute finale) et qu’ils soient lamentables au niveau politique, sont faites pour nous intéresser et confirmer la désormais ancienne, mais bien vivante, vision catastrophiste du maximalisme). En outre, je préviens qu'habité lui-même par l'esprit de thésaurisation capitaliste, pépère Jorion invite ses lecteurs à lui faire une donation sur son blog. Ben ouais, pépère veut rentabiliser les milliers de connections journalières. Tu peux toujours rêver pépère, nous on t'enverra pas un centime!
La crise financière culmine depuis l’automne 2008 dans une crise du capitalisme global. Car la libéralisation débridée des marchés et l’expansion de la division internationale du travail n’ont pas pu tenir les promesses gigantesques de croissance et de prospérité. Dans la deuxième partie de la série d’entretiens « « Enseignements de l’hypercrise », Stefan Fuchs a eu un entretien avec Paul Jorion sur l’effet destructeur de l’argent. Jorion est chroniqueur économique du journal français « Le Monde ». Economiste structuraliste, il critique la mise sur le même plan de l’argent et du crédit comme une pure idéologie. Le capitalisme actuel serait selon lui à l’agonie.
Stefan Fuchs: Monsieur Jorion, vous étiez parmi les premiers à avoir prédit la crise américaine de « subprimes ». Vous-même travailliez aux États-Unis dans le secteur du crédit, et vous prédisiez dès 2004 une grave crise de ce capitalisme financier américain. L’élément déclenchant de l’hypercrise est selon votre analyse un mécanisme interne de l’économie globale telle qu’elle se développait dans le dernier tiers du 20ème siècle et qui a eu pour effet une concentration de plus en plus forte de l’argent en peu de mains. Comment décrivez-vous ce mécanisme qui conduisit presque à un tarissement de la circulation monétaire et qui déclencha cette crise extrême qui saisit ensuite aussi l’économie réelle ?
Paul Jorion: En comparant la crise de 1929 qui avait débuté aux États-Unis pour devenir alors une crise économique mondiale et la crise à laquelle nous avons affaire depuis 2007, on observe une parenté stupéfiante : la concentration de la richesse économique entre les mains d’une minuscule minorité. En vertu d’un mécanisme économique très simple. Lorsque l’argent n’est pas là où il est nécessaire, soit pour produire dans une entreprise soit dans les ménages pour acquérir des biens durables, ou bien encore parce que le salaire est insuffisant pour vivre du fait que les salaires réels stagnent ou sont même en recul, il faut alors se le procurer par le crédit. C’est une loi aussi implacable que logique : la concentration de la richesse est un processus qui s’autoalimente. Lorsque l’argent est réparti inégalement dans un système économique, cette répartition inégale s’accentuera avec le temps toujours davantage. C’est ce que nous vivons. L’argent n’est pratiquement jamais là où il est nécessaire, ni dans la production industrielle, ni dans la consommation. On doit toujours se le procurer via le crédit. L’argent et son prix ont aujourd’hui un rôle prédominant et qui va se renforçant continuellement. Le système financier dispose d’une omniprésence quasi-divine qui ponctionne un profit sur chaque transaction. Du coup, une part croissante d’intérêts est contenue dans le prix de tous les produits et de tous les services.
Fuchs: Qu’est-ce qui explique cette baisse des salaires réels ? Qui selon vous est responsable de ce processus de concentration ? Est-ce un rapport de forces politique, ou alors y a-t-il des mécanismes économiques ? Qu’y a-t-il derrière cela ?
Jorion: Pour simplifier grossièrement, il y a trois groupes sociaux dans nos sociétés. C’est ainsi que l’on le concevait au 18ème et 19 ème siècle. Il y a les entrepreneurs qui ont le concept d’un nouveau produit. En cas de succès, ils peuvent faire travailler d’autres qui vendent leur force de travail : les ouvriers et les employés. Et puisque le capital n’est pas toujours là où se crée une entreprise, il doit provenir de crédits. Il y a donc ainsi un troisième groupe, celui des détenteurs de capitaux. Dès qu’un gain s’est constitué, généré par la production, il faut le répartir entre ces trois groupes. Le détenteur du capital percevra d’abord les intérêts qui lui sont dus. Il existe ainsi un antagonisme naturel entre détenteur de capitaux et entrepreneur, un rapport de forces, qui détermine la hauteur des intérêts. Quand l’économie va bien, l’entrepreneur abandonnera davantage d’intérêts et de dividendes au détenteur de capital, et moins quand l’économie va mal. Il doit partager le reste avec ses ouvriers. Il y a ici aussi un antagonisme. L’entrepreneur n’est pas disposé à laisser à ceux qui travaillent pour lui plus qu’il n’est nécessaire. Quand ceux-ci sont organisés en syndicat, ils peuvent réduire la concurrence entre eux et présenter un front dans cet antagonisme.
Depuis le milieu des années 1970, il y a cependant eu un facteur qui, au moins dans les grandes entreprises, a modifié radicalement ce jeu de forces. On a introduit le système des « stock options ». La firme de conseil McKinsey menait alors des recherches sur la manière d’éliminer l’antagonisme entre entrepreneurs et capitalistes, comment en faire deux groupes d’alliés immédiats. La réponse : aligner les intérêts des dirigeants et ceux des investisseurs. Le moyen : gratifier les managers d’options sur les actions émises par l’entreprise. Un dirigeant d’entreprise peut exercer ses options au moment de son choix. Naturellement, il ne le fera que quand l’action aura atteint un cours élevé. Il consacrera toute son énergie à ce que le cours de l’action monte, même si cela n’est possible que dans une perspective à court terme ou qui nuit même aux intérêts à long terme de l’entreprise. Les “stock options” marquent le début d’une nouvelle forme du capitalisme accompagnée d’un glissement des rapports de force entre les groupes sociaux. Dès lors, les capitalistes et les entrepreneurs sont alliés. Les salariés se retrouvent face à eux bien seuls. Le rapport de forces ne leur était déjà pas favorable initialement, leur position est désormais affaiblie d’une façon déterminante.
Parallèlement, la financiarisation de l’économie devint massive. Le cours de l’action devient plus essentiel que la production proprement dite. La firme américaine Enron, aujourd’hui disparue, est un bon exemple de ce changement de paradigme. A un moment de son histoire, le produit proprement dit de l’entreprise était devenu le simple cours de ses actions. Grâce à un procédé comptable appelé « bootstrapping » [se soulever en tirant sur ses lacets], le succès de l’entreprise était directement lié au cours de l’action. Lorsqu’une action dépassait une valeur seuil, le profit enregistré par Enron s’accroissait. La production est devenue immatérielle à 100%. C’est le système des stock options qui rendit cela possible. Et parallèlement, il y avait stagnation, voire baisse des salaires réels qui ne croissaient plus avec le taux d’augmentation de la productivité.
Dans ce contexte, le crédit est devenu, surtout aux Etats-Unis, une sorte de salaire d’appoint appelé à protéger contre la chute du niveau de vie et aussi contre un effondrement total de la demande. Mais les crédits signifient le paiement d’intérêts. 5 pour cents ne semblent a priori pas énormes, mais quand on doit payer un crédit immobilier à 5,3% sur trente années, comme cela est courant aux USA, on aura payé en fin de période le prix de la maison deux fois. Pendant ce temps-là, la spéculation poussait toujours davantage les prix immobiliers à la hausse. La valeur d’une maison pour une famille en était venue à correspondre à trente années de revenu disponible. Un prix véritablement astronomique.
Justifiant tout cela se trouvent les théories de l’ordolibéralisme économique qui croit fermement à une autorégulation des marchés et n’autorise à l’État que des interventions minimales dans leur déroulement. Dans la pratique, l’instauration de ce système n’avait été, comme nous sommes obligés de le constater maintenant dans le contexte de la crise, qu’une avancée par essais et erreurs, quasiment une vaste expérimentation de laboratoire sur l’économie mondiale. On dérégule et on verra bien ce qui se passe. Les effets apparaissent avec un certain décalage dans le temps, et quand on peut les observer, il est alors beaucoup trop tard. Il n’y a pas que dans le cas de la catastrophe climatique que l’on à affaire à des phénomènes irréversibles, c’est vrai aussi dans le champ économique.
Dans les années 1980, quand ces théories avaient été mises en pratique, on n’a pas eu une conscience claire de ceci : un système économique bâti sur le crédit multiplie les risques. Dans un système économique piloté par le crédit se constituent des chaînes d’emprunteurs, A doit à B qui doit à C et ainsi de suite. Quand un crédit fait défaut, toute la chaîne s’effondre à partir de celui qui fait défaut, comme des dominos. Contre le risque, l’industrie financière avait développé, avec son inventivité inépuisable, des instruments nouveaux, les fameux et problématiques “credit default swaps” ou CDS, des assurances de défaut du crédit. Mais, au lieu de contrôler ainsi les risques, ces instruments génèreront à leur tour des risques nouveaux. Car on peut les utiliser pour spéculer, on peut par exemple parier sur le fait que les obligations grecques se déprécieront. Tant pis pour celui qui aura mal spéculé. Exemple l’assureur US “AIG”. Perte pour le contribuable américain : 182 milliards de dollars, du même ordre que le sauvetage de “Fannie Mae” et “Freddie Mac”.
Fuchs: Je voudrais revenir sur la perspective de la majorité de la population. Dans un tel contexte, elle est mise à contribution deux fois, une première fois parce que sont déjà inclus dans les prix une grande part d’intérêts, et une deuxième fois en raison des crédits qu’elle doit souscrire afin de compléter un salaire insuffisant, ce qui signifie qu’on la fait payer à deux reprises.
Jorion: Dans les faits, débute à la même période, autour de 1975, l’introduction de la micro-informatique qui rendait possible une véritable explosion de la productivité. Mais cet accroissement de la productivité, les salariés n’en bénéficient pas. Leurs revenus resteront toujours davantage en retrait par rapport à l’évolution économique. La productivité est aussi augmentée partiellement par des rationalisations, autrement dit parce que les gens perdent leur emploi. En même temps, les prix augmentent parce que les intérêts et la spéculation les poussent à la hausse. Rien que dans l’essence et le gazole est contenu un bon tiers de gains spéculatifs. La majorité des Américains doit de ce fait compléter ses revenus grâce à du crédit alors que l’industrie financière prospère insolemment : les gains de productivité vont dans sa poche, les intérêts de toute manière aussi. C’est cela l’absurdité de la discussion autour des paiements des bonus des banquiers. Le pouvoir politique veut les limiter, et il fait valoir cela comme une régulation décisive du secteur bancaire. Or c’est un pur effet de surface. Ces bonus sont des commissions : un faible pourcentage des profits réellement générés par l’industrie financière. Quand des millions vont dans les poches des traders, c’est seulement parce qu’ils ont récolté des milliards pour l’établissement qui les emploie. Pourquoi les banques gagnent-elles de telles sommes ? Tout simplement parce que cet argent a cessé d’être redistribué aux salariés.
Fuchs: Vous faites partie de ces experts économiques structuralistes qui critiquent l’assimilation du crédit à la monnaie comme quelque chose d’idéologique au plus haut point et qui est responsable de l’invisibilité du processus de concentration de la richesse dont nous venons de parler. En quoi consiste l’erreur quand on dit que la monnaie en espèces et la monnaie scripturale seraient la même chose ?
Jorion: On parle de masses ou d’agrégats monétaires et de la création monétaire par les banques commerciales. Dans un calcul usuel, on additionne la quantité de monnaie liquide et ce dont les gens disposent sur leurs comptes et livrets d’épargne. On constate alors que le total croît continuellement, que la richesse croît constamment. On oublie alors que la monnaie liquide et la monnaie scripturale sont deux choses fondamentalement différentes. Supposons par exemple trois personnes qui ont, chacune, 10 euros en poche. Elles se prêtent cet argent l’une à l’autre. Si on calcule maintenant selon la manière conventionnelle, la somme a doublé. En effet, chacun des trois – en tant que prêteur – possède une créance de 10 euros en poche, et – en tant qu’emprunteur – possède 10 euros en espèces. Ce n’est pas une erreur de calcul, c’est la méthode prônée par le « science » économique. On parle de masses monétaires M1, M2, etc. L’économiste théoricien Schumpeter a très bien justifié pourquoi il conviendrait d’additionner la richesse réelle et la richesse « négative » que sont les dettes. C’est seulement en cas de crise que l’on reprend douloureusement conscience de la différence. La valeur d’un billet de 10 euros est 10 euros. Son pouvoir d’achat peut varier quand les prix montent, mais sa valeur reste fondamentalement la même. Quant à une reconnaissance de dette, son cas est tout à fait différent. Il faut l’évaluer en fonction du risque, selon la probabilité que le remboursement ait lieu réellement. Lors des crédits hypothécaires qui avaient déclenché la crise aux USA, leur valeur tombait à zéro. Et les masses monétaires M1, M2 fondaient soudainement comme neige au soleil. Où est passé l’argent, se demandait-on naïvement ? La monnaie liquide est toujours là, mais tous les crédits et reconnaissances de dettes ont disparu. Les économistes n’ont certes pas inventé ces calculs douteux uniquement pour faire plaisir au secteur bancaire. Objectivement, ceux-ci sont cependant très commodes pour l’industrie financière. Mais les économistes se sont trompés, on ne peut pas simplement additionner ces deux types de quantités. L’un des chiffres est réel, l’autre est virtuel.
Fuchs: La ligne de défense du secteur bancaire est que l’argent public employé pour leur sauvetage ne serait que des garanties et que cet argent ne serait en réalité pas réellement perdu et qu’il pourrait, dans certaines circonstances, être aussi bien restitué, que faut-il en penser ?
Jorion: Prenons par exemple une “mortgage-backed security”, un titre garanti par des hypothèques. Y sont contenus les crédits hypothécaires de 3000 propriétaires de maisons. Chaque fois qu’ils paient une mensualité, de l’argent parvient aux titulaires du titre (investisseurs). Si le titre papier est émis en 2007 et si certains débiteurs ont cessé de payer leurs mensualités, ce titre ne vaut peut-être plus que 83 cents par dollar (investi). Les banquiers disent alors que si les autres débiteurs continuent à payer, il n’y a pas de raison de décoter encore davantage ce titre, il suffit de le conserver sans s’inquiéter jusqu’à sa maturité. Mais ceci est ridicule, car rien ne vient soutenir la supposition que la situation s’améliorera nécessairement l’année prochaine ou dans deux ans. Sous-tend ce type d’argumentation la méthode de valorisation “mark to model” qui renvoie à la représentation d’une situation idéale où toutes les difficultés du présent auront été éliminées. Le taux de chômage par exemple ne varie pas brusquement d’une semaine à l’autre. Il est soumis à des cycles longs. Aux USA, on a ainsi fêté dans l’euphorie le fait qu’en mars avaient été créés 162.000 nouveaux emplois. En y regardant de plus près, on constate qu’un tiers des emplois étaient des embauches provisoires pour le recensement décennal de la population, et un autre tiers avait été postulé à partir des fluctuations historiques de création et de disparitions d’entreprises aux USA. Ce qui veut dire que 50.000 seulement de ces emplois sont réellement nouveaux. On sait cependant que l’Amérique aurait besoin, pour confirmer son rétablissement économique, de 250.000 emplois neufs par mois pour les cinq années à venir. On peut bien sûr être un optimiste incorrigible qui image que demain au réveil tout se retrouvera miraculeusement comme avant la crise.
Fuchs: Est-ce à dire que les tristement célèbres “bad banks” sont des tombes où l’on a enterré de l’argent ?
Jorion: La probabilité d’une réanimation est en effet aussi élevée que dans un cimetière. En mars 2008, le ministre des finances américain Henry Paulson avait orchestré le rachat de Bear Stearns par JP Morgan. Il déclara par la suite à plusieurs reprises publiquement que ce sauvetage était unique et qu’il ne serait pas possible de le répéter. Il le redisait encore quand survint, 6 mois plus tard, la faillite de Lehman Brothers. On avait enfoui les déchets financiers toxiques de Bear Stearns et vissé par dessus un couvercle comme s’il s’agissait d’un deuxième Tchernobyl. Personne ne devait y toucher, personne ne devait savoir ce qui s’y cachait. Seule l’insistance des médias, de Bloomberg et de Fox News, a fait que le contenu a dû être dévoilé. On a dévissé le couvercle pour jeter un coup d’œil dans le sarcophage, et on a pu constater que ce qui s’y trouvait n’avait absolument aucune valeur.
Fuchs: Si je vous ai bien compris, vous attribuez à une sorte de perversion de la nature de l’argent, à un fétichisme de l’argent, le véritable arrière-plan historique et culturel de ce à quoi nous assistons maintenant sous sa forme extrême. On a fait, à partir d’un instrument destiné à l’échange, à savoir l’argent en tant qu’instrument de la circulation, un instrument d’accumulation de la valeur. En quoi est-ce un mésusage de l’argent, car, enfin, la formule de l’intérêt est pour nous, depuis la renaissance, liée à l’usage de l’argent ?
Jorion: On peut dire que l’argent est un instrument neutre qui n’a comme tel un effet ni positif ni négatif. Il constitue un simple substitut du troc : une marchandise spécialement conçue pour l’échange. Une image tout à fait différente émerge cependant au plan historique. A l’origine, les sociétés féodales étaient dominées par la caste des guerriers qui s’appropriait les terres par la force. Ils sont ce que Hegel nomme les “Maîtres”. En face d’eux se tient la majorité de la population, les « esclaves » devenus “serfs” par la suite. Les uns travaillent, les autres règnent sur eux. Pour pouvoir faire circuler les produits issus de cette division du travail, il fallait les marchands. Ils vont de pays en pays, vendent leurs marchandises et vivent de leur profit. Pour ce commerce, on a besoin de l’argent comme instrument de la circulation. Au moyen âge et surtout pendant la renaissance, les régnants font une découverte surprenante. Ils n’ont plus besoin de la violence comme base de leur règne. L’argent rend le même service. Avec lui, on peut amener quelqu’un à travailler pour soi, sans autre violence. La révolution française et sa nouvelle redistribution du pouvoir n’a rien changé à cela. Les aristocrates ont vite compris qu’ils pouvaient renoncer à leurs privilèges seigneuriaux s’ils possédaient suffisamment d’argent. L’épée ou le sabre ne sont plus nécessaires, on peut arranger tout cela de la même manière avec de l’argent. Aristote avait reconnu cet aspect de l’argent comme l’héritier de la violence sociale. L’argent reflète le rapport de domination et remplace l’instrument de la violence.
Fuchs: Que devrait-on donc faire pour neutraliser cet effet antidémocratique renforçant les dominations dans nos sociétés, pour l’affaiblir voir l’annuler ?
Jorion: Ce qui avait été fait en 1929, a été refait en 2007 : attendre jusqu’à ce que la concentration de la richesse sociale devienne telle que tout le système s’effondre. C’est alors seulement que l’on repense soudain à la redistribution. Dans les années trente, ce sont des instruments redistributifs que Keynes avaient proposés en Angleterre et qui furent appliqués également aux États-Unis. Pour Keynes, le plein-emploi était l’objectif primordial. Il faut se souvenir que l’on assistait alors en Angleterre à une montée en puissance parallèle du fascisme et du communisme. L’enjeu devenait crucial. La démocratie était menacée sur deux flancs par des idéologies totalitaires. Pour Keynes, il fallait combattre le mécanisme de concentration de la richesse. Il fallait que l’argent soit redistribué de manière plus équitable. Pour que les gens consomment à nouveau et puissent aussi acheter les marchandises produites par eux, il fallait avant tout leur donner du travail et rémunérer celui-ci d’une manière adéquate.
L’instrument de la redistribution par l’imposition qui accompagne l’État keynésien, est, hélas, aujourd’hui émoussé. On a permis en particulier aux entreprises de l’économie réelle de se transformer en entreprises quasi virtuelles. Elles distribuent leur chaîne de création de richesse sur un grand nombre de pays, et bénéficient de la concurrence mondiale existant entre eux pour les derniers emplois restants. On permet à la richesse socialement produite de se réfugier dans un espace virtuel et quasi transnational. Il ne faut pas négliger non plus l’influence de l’argent sur la politique. Il est plus aisé de se faire élire à un poste politique quand on appartient à un parti soutenu par l’industrie financière. Cela a conduit aux États-Unis à un système qui se rapproche de l’ancien système électoral censitaire. La cour suprême des États-Unis a récemment suspendu pour les entreprises toute limitation des dons politiques. Et ce en invoquant le principe de la libre expression ! Naturellement, les entreprises ont des ressources financières d’un tout autre ordre que l’individu moyen. Avec de l’argent, on s’achète de l’influence sociale. Un coup d’état n’est donc pas nécessaire, pas besoin d’envoi de troupes. Une fois encore : l’argent procure le même type de service.
Fuchs: Il y a une autre proposition de Keynes que vous préconisez, c’est la monnaie synthétique mondiale qu’il appela le “bancor” et qu’il a proposée à Bretton Woods, mais qui ne fut pas retenue. Dans quelle mesure cela pourrait-il nous venir en aide dans le contexte actuel ?
Jorion: Il faudrait vérifier si le bancor pourrait vraiment constituer une solution. Dans son principe, il ressemble beaucoup aux droits de tirage spéciaux que le Fonds Monétaire International a institués. La crise grecque et de l’euro a très nettement souligné qu’une monnaie devrait correspondre à un espace économique poursuivant une politique économique intégrée. Les États-Unis ont ancré dans leur constitution la solidarité économique entre les états de la fédération. La Californie et ses excédents d’exportation doit pouvoir répondre de la Géorgie beaucoup moins riche. Cela ne pourrait pas fonctionner autrement. On ne peut revendiquer tous les avantages d’un espace monétaire unique et sans risque de change pour son industrie domestique d’exportation et en même temps refuser toute responsabilité pour le déséquilibre économique au sein de cette zone économique. Je parle évidemment du champion du monde de l’exportation, l’Allemagne, et, au niveau de l’économie mondiale, de son concurrent, la Chine. On ne peut pas en tant qu’économie nationale, qui s’est quasi spécialisée dans l’exportation, reprocher aux autres qu’ils n’exportent pas autant. Vers où doivent-ils exporter ? Tant que la planète Mars ne s’ouvre pas comme un nouveau marché vierge, il n’y a pas d’issue. Le commentateur en chef du Financial Times, Martin Wolf, a très bien décrit cela. Les Allemands ont renié la parole du philosophe Immanuel Kant : un principe moral doit toujours valoir pour tous, il doit être universel. Mais tous ne peuvent devenir champions du monde de l’exportation.
Keynes a reconnu ce problème. Il était à la recherche d’un système qui serait en mesure de compenser des déséquilibres dans les bilans commerciaux. Le noyau de son plan bancor était de créer une monnaie de compte qui sanctionne les excédents aussi bien que les déficits commerciaux. Car les deux sont nuisibles dans le cadre d’une économie mondiale durable. Malheureusement, sa conception n’a pas pu s’imposer à Bretton Woods. Son concept général, il faut le mentionner, n’était pas neuf. Un système d’accords bilatéraux équilibrés entre l’Allemagne et d’autres pays avait été mis au point par Hjalmar Schacht qui avait été président de la Reichsbank et ministre de l’économie d’Hitler. Schacht a été jugé après la guerre à Nuremberg pour complicité dans la mise sur pied de la machine de guerre allemande. Il a été acquitté. Quoi qu’il en soit, Keynes n’a jamais fait mention de la parenté intellectuelle entre son propre projet et des applications d’inspiration commune dans l’Allemagne vaincue. Cela aurait jeté la suspicion sur leur bien-fondé dans la période d’après guerre et aurait pu compromettre toute chance de leur mise en application.
Fuchs: Le mainstream économique a déjà évacué la crise : « Des signes positifs se pointent à l’horizon », « Le pire est derrière nous ». Vous êtes beaucoup plus pessimiste, vous croyez au “double plongeon”, ce profil en forme de W où la deuxième jambe sera beaucoup plus dramatique que la première. Cette seconde partie, sur quelle champ se joue-t-elle ? Sera-ce une crise de l’endettement public ? Sera-ce une crise de la demande déclenchée par l’épargne ? Donc une crise déflationniste, se produira-t-elle?
Jorion: Je pose d’abord une première question : où se trouve donc ce mainstream dont vous parlez ? Il s’agit de quelques journaux, de quelques stations de télévision, certainement pas la majorité des opinions exprimées ! Il y a eu en avril un sondage en France. On demandait aux gens s’ils croyaient que la crise état terminée. 75 % ont répondu non.
Ce qui se profile devant nous, c’est la maladie japonaise : une période de stagnation se traînant en longueur, accompagnée d’une déflation. Pour Keynes, la déflation était le plus grand des dangers. Plus personne ne dépense, car tout pourra être obtenu demain encore meilleur marché. L’économie se fige, le chômage monte en flèche, et on assiste à la paupérisation de larges couches de la population.
La récession va reprendre en vigueur, les états nationaux ont épuisé leurs munitions. Ils sont incapables de recharger leurs armes. Le sauvetage du secteur bancaire a épuisé les dernières réserves. Pour lui, les États ont dépensé plus qu’ils n’avaient. Dans leur grande majorité, ils sont tout aussi insolvables que la Grèce. La tentation est grande de réduire la charge de la dette par l’inflation. Mais l’inflation, c’est incendier la plaine, c’est un processus qu’il est impossible de maîtriser.
On me pose souvent la question si nous sommes en train de vivre la crise finale du capitalisme. C’est en effet à une sorte d’agonie que nous assistons. Il ne mourra peut-être pas pour les raisons que Marx avait prédites. Mais cela n’y change rien. Le système peut être mortellement blessé, alors même que Marx se serait trompé.
Il faut agir sans tarder, il faut empêcher l’industrie financière de causer davantage de dégâts. Depuis trois ans, je plaide pour l’interdiction des paris sur les fluctuations de prix. Mais rien ne bouge. Des sommes énormes sont soustraites à l’économie par des tours de passe-passe spéculatifs. Tout ça est très très dangereux.
LA STUPIDITE POLITIQUE DE JORION
C'est pas le tout d'être un économiste plus prévoyant, il faut être aussi intelligent. Et d'intelligence politique Jorion n'a que goutte. La situation est très très dangereuse vient de nous dire l'auguste économiste, mais, avec ce gentil démocrate industriel citoyenniste, la fièvre de cheval peut se soigner avec un bon bain de bouche, et il convie ses lecteurs (après avoir frappé à leur porte-monnaie) à enrichir ses nunucheries pacifistes néo-sarkoziennes:
"1) Les salariés sont des partenaires à part entière dans la répartition de la richesse créée par l’entreprise, pas des « coûts de production » qu’il s’agit de réduire au maximum. L’entreprise prend au sérieux le fait que c’est le travail qui produit la marchandise ou le service, pas le génie spéculatif de ses dirigeants ou de ses investisseurs. Les gains de productivité bénéficient aux travailleurs. Un salarié remplacé par un robot reçoit une partie de la richesse créée par le robot.
2) L’entreprise est axée sur l’autofinancement. On ne distribue pas toute la richesse créée en dividendes pour les actionnaires et en bonus pour les patrons – pour devoir ensuite emprunter l’argent nécessaire pour faire tourner la boîte !
3) Interdiction des stock-options. Pas de court-termisme de spéculation boursière pour les dirigeants de l’entreprise mais une visée à long terme de son avenir. Le dirigeant est un « entrepreneur », pas la personne chargée de créer une bulle financière et de filer ensuite avec la caisse, quand la compagnie se krache. Il est là pour exercer une activité qui – pour utiliser les termes de Lord Adair Turner – présente « une utilité d’un point de vue social ».
4) Démilitarisation de la structure de décision de l’entreprise. Quel est le nombre adéquat de niveaux hiérarchiques dans l’entreprise : deux ou trois ? Les influences latérales sont les meilleures.
5) Entreprises propres : pas de déchets intraitables ou non-traités.
6) Entreprises vertueuses : pas de firmes d’armement, pas de compagnies de mercenaires. On n’est pas là pour massacrer ou se faire massacrer".
La solution jorionienne à la crise systémique: une entreprise propre autogestionnaire, un Etat sans armée, une société clean par l'opération du Saint Esprit... Un doux dingue ce Jorion. Finalement ses analyses économiques sonnent creux puisqu'il est incapable d'analyser la chute de la valeur et de comprendre que la société est en délitement complet, en voie de désintégration et de meurtre généralisé des emplois. C'est bien de décrire la pourriture gestionnaire capitaliste mais la corruption généralisée ne peut pas être corrigée par de belles paroles réconciliatrices sans projet politique hard et humain.
mardi 24 août 2010
VAILLE QUE VAILLE, LES LECONS DE LA LUTTE DE CLASSE EN EUROPE SE MONDIALISENT MALGRE LA MARTYROLOGIE SYNDICALE
Sous le titre « La tension sociale monte dans les pays émergents », Rémi Barroux, dans Le Monde du 20 août, écrit : « Des grèves de travailleurs de l'automobile en Inde aux luttes dans les mines africaines, des suicides de salariés chinois aux assassinats de syndicalistes colombiens, les tensions sociales s'avivent dans les pays émergents. La montée des questions relatives à l'environnement et à la santé au travail ou les mobilisations contre la précarisation de l'emploi sont des constantes ».
Les prolétaires de vastes aires géographiques se trouvent même plus en position de force dans un premier temps du fait de la… raréfaction de la main d’œuvre, mais butent immédiatement aussi, comme en Europe, sur l’absence de solution dans le capitalisme : « Avec la crise mondiale, les revendications face à la dégradation des conditions de travail et du pouvoir d'achat se sont multipliées. En Chine, explique Raymond Torres, qui dirige l'institut de recherches de l'Organisation internationale du travail (OIT), "les salariés revendiquent parce qu'ils se trouvent en position plus forte : la réserve de main-d'oeuvre commence à s'épuiser et une nouvelle génération de salariés, qui a fait plus d'études, se trouve moins sensible aux pressions idéologiques du régime". Dans le secteur automobile, en Asie ou en Amérique latine, les conflits sont de plus en plus fréquents. Les secteurs stratégiques de l'industrie pétrolière et des mines se restructurent. Le pétrolier britannique Shell envisage de se retirer de 21 pays d'Afrique, suscitant l'inquiétude des salariés. Les cessions et rachats de sociétés modifient les termes des contrats de travail, avec pour conséquence l'externalisation de nombreux salariés. C'est un des principaux motifs de conflits ».
Vers de nouveaux « conseils ouvriers » ?
N’ayant jamais été « eurocentristes », les révolutionnaires maximalistes devraient se réjouir de cette volonté d’indépendance et de combat à mort qui se profile face à l’avenir sinistre et inhumain que promet la bourgeoisie mondiale encore au pouvoir ; après l’inter-titre « des syndicats parfois dépassés », le journaliste conclut: « Dans de nombreux pays, comme en Algérie, les conflits sont menés par des syndicats non affiliés à la CSI et des mouvements issus de la société civile. Pour lutter contre le retrait d'Afrique de Shell, des travailleurs se sont organisés, de Casablanca (Maroc) à Ouagadougou (Burkina Faso), sur le réseau social Facebook, créant un groupe "Shell people are not for sale" ("Les salariés de Shell ne sont pas à vendre"). L'enjeu pour le syndicalisme est d'intégrer ces nouveaux paramètres. Autre défi : les syndicats, notamment en Afrique, doivent représenter les travailleurs de l'économie informelle. Le développement de cette économie parallèle, qui englobe 1,8 milliard de personnes, soit la moitié de la population active mondiale, accroît la pauvreté, estime l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et génère des conflits. Les deux tiers de la population active pourraient se trouver sans contrat de travail et sans protection sociale en 2020 ».
Les prolétaires de vastes aires géographiques se trouvent même plus en position de force dans un premier temps du fait de la… raréfaction de la main d’œuvre, mais butent immédiatement aussi, comme en Europe, sur l’absence de solution dans le capitalisme : « Avec la crise mondiale, les revendications face à la dégradation des conditions de travail et du pouvoir d'achat se sont multipliées. En Chine, explique Raymond Torres, qui dirige l'institut de recherches de l'Organisation internationale du travail (OIT), "les salariés revendiquent parce qu'ils se trouvent en position plus forte : la réserve de main-d'oeuvre commence à s'épuiser et une nouvelle génération de salariés, qui a fait plus d'études, se trouve moins sensible aux pressions idéologiques du régime". Dans le secteur automobile, en Asie ou en Amérique latine, les conflits sont de plus en plus fréquents. Les secteurs stratégiques de l'industrie pétrolière et des mines se restructurent. Le pétrolier britannique Shell envisage de se retirer de 21 pays d'Afrique, suscitant l'inquiétude des salariés. Les cessions et rachats de sociétés modifient les termes des contrats de travail, avec pour conséquence l'externalisation de nombreux salariés. C'est un des principaux motifs de conflits ».
Vers de nouveaux « conseils ouvriers » ?
N’ayant jamais été « eurocentristes », les révolutionnaires maximalistes devraient se réjouir de cette volonté d’indépendance et de combat à mort qui se profile face à l’avenir sinistre et inhumain que promet la bourgeoisie mondiale encore au pouvoir ; après l’inter-titre « des syndicats parfois dépassés », le journaliste conclut: « Dans de nombreux pays, comme en Algérie, les conflits sont menés par des syndicats non affiliés à la CSI et des mouvements issus de la société civile. Pour lutter contre le retrait d'Afrique de Shell, des travailleurs se sont organisés, de Casablanca (Maroc) à Ouagadougou (Burkina Faso), sur le réseau social Facebook, créant un groupe "Shell people are not for sale" ("Les salariés de Shell ne sont pas à vendre"). L'enjeu pour le syndicalisme est d'intégrer ces nouveaux paramètres. Autre défi : les syndicats, notamment en Afrique, doivent représenter les travailleurs de l'économie informelle. Le développement de cette économie parallèle, qui englobe 1,8 milliard de personnes, soit la moitié de la population active mondiale, accroît la pauvreté, estime l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et génère des conflits. Les deux tiers de la population active pourraient se trouver sans contrat de travail et sans protection sociale en 2020 ».