PAGES PROLETARIENNES

mardi 20 juillet 2010

L’ETAT-RENTIER ET SES BOURGEOIS EN VIAGER


« Dans le même temps qu’on cessait en Angleterre de brûler les sorcières, on commença à y pendre les falsificateurs de billets de banque. Il faut avoir parcouru les écrits de ce temps-là, ceux de Bolingbroke, par exemple, pour comprendre tout l’effet que produisit sur les contemporains l’apparition soudaine de cette engeance de bancocrates, financiers, rentiers, courtiers, agents de change, brasseurs d’affaires et loups-cerviers ».
Marx (Les dettes publiques dans la genèse du capitaliste industriel)

« La bourgeoisie (...) a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. »
(Manifeste du Parti Communiste, 1848).


LA SOURCE DU PROFIT MODERNE

Lorsque le capitaliste vend la marchandise produite dans son entreprise, la plus-value apparaît comme un excédent, un surplus aux coûts de production capitalistes. En déterminant la rentabilité de l’entreprise, le capitaliste confronte cet excédent avec le capital avancé, c’est-à-dire avec la totalité du capital investi dans la production. La plus-value, rapportée à la totalité du capital, prend la forme du profit. Comme la plus-value est comparée non pas au capital variable, mais à tout le capital dans son ensemble, la différence s’efface entre le capital constant, dépensé pour l’achat des moyens de production, et le capital variable dépensé pour l’embauchage de la force de travail. Il en résulte l’apparence trompeuse que le profit est le fruit du capital. Cependant, en réalité, la source du profit est la plus-value créée uniquement par le travail des ouvriers, uniquement par la force de travail dont la valeur est incarnée dans le capital variable. Le profit est la plus-value considérée dans son rapport à la totalité du capital investi dans la production ; elle apparaît, extérieurement, comme le fruit de ce capital. En raison de cette particularité, Marx appelle le profit une forme modifiée de la plus-value.
De même que la forme du salaire masque l’exploitation de l’ouvrier salarié, en faisant croire que tout le travail est payé, de même la forme du profit camoufle à son tour le rapport d’exploitation, en créant l’apparence trompeuse que le profit serait engendré par le capital lui-même. Ainsi les formes des rapports de production capitalistes estompent et masquent leur véritable nature. Les capitalistes s’efforcent, en exploitant au maximum les ouvriers, de freiner la baisse tendancielle du taux de profit. Cela aboutit à aggraver les contradictions entre prolétariat et bourgeoisie.

La loi de la baisse tendancielle du taux de profit accentue la lutte au sein de la bourgeoisie elle-même pour la répartition de la masse globale des profits. Dans leur course aux profits élevés les capitalistes dirigent leurs capitaux vers les pays retardataires, où la main-d’œuvre est meilleur marché et la composition organique du capital plus basse que dans les pays à industrie hautement développée, et ils jettent à la rue et suppriment la retraite des prolétaires des pays les plus puissants. Ensuite, pour maintenir paralysées les masses jetées au chômage ils chargent leurs délégués politiques de corrompre les syndicats et abondent en millions les caisses des différents partis officiel.
Enfin, soucieux de compenser la baisse du taux de profit en augmentant sa masse, les capitalistes élargissent le volume de la production au-delà des limites de la demande solvable. De ce fait, les contradictions résultant de la baisse tendancielle du taux de profit, se manifestent de façon particulièrement aiguë pendant les crises, tout comme la corruption généralisée du système démocratique ne peut plus être masquée. La loi de la baisse tendancielle du taux de profit est un des indices les plus frappants des limites historiques du mode de production capitaliste, comme les révélations sur la corruption généralisée à tous les échelons de l’Etat est l’indice de la pourriture avérée et masochiste de la classe déliquescente de plus en plus contrainte à frauder pour compenser sa perte de crédibilité face aux masses appauvries. Le régime bourgeois devient un obstacle à la paix sociale, un encouragement à la violence et à l’émeute. Il reste relativement protégé du lien de cause à effet par l’utilisation médiatique contestataire des journalistes corrompus et jaloux et par la bêtise anti-marxiste des dernières sectes d’extrême-gauche comme Lutte Ouvrière où grand-mère Arlette engage à « préparer le 14 juillet des travailleurs », après un titre pleine page « Gouvernement et milieux d’affaire : Une politique au service des riches ! ». La lutte des classes n’est plus selon le populisme trotskien qu’une lutte « contre les riches »… en les dépossédant à la manière stalinienne ! Et avec ce langage retors très électoraliste qui oublie tous les autres parasites de l’Etat rentier (les commerçants, les fonctionnaires syndicaux, les magistrats, les flics, etc.). On lit ceci dans l’édito du 19 juillet : « les seuls inutiles dans cette société, ce sont les grands bourgeois », et le résumé des révélations perçues par les activistes trotskiens : «Une sordide affaire de très gros sous, dans la famille de la femme la plus riche de France, a mis en lumière les relations qui existent entre les membres de la grande bourgeoisie et les hommes politiques à leur service. Et peu importe que tout se soit passé en toute légalité, comme le proclament les porte-parole du gouvernement, ou que Éric Woerth et Sarkozy aient pris quelques libertés avec celle-ci. De toute manière, ce qui ressort clairement de cette affaire, c’est que tous les politiciens qui se présentent comme les défenseurs de “l’intérêt général” sont au service exclusif des possédants. La preuve en est que les services des impôts n’ont pas le moindre droit de regard sur les revenus publics ou cachés des plus grosses fortunes ». L’allusion à un bon Etat stalinien qui contrôlerait mieux les grosses fortunes qui termine la description ne rassure pas plus que la charge contre les politiciens, de gauche en particulier pour lesquels la secte LO a toujours appelé à voter, oubliant de nous rappeler que l’idéologie diffusée par « l’intérêt général » est une marmelade d’antiracisme et d’antifascisme de salon, cette confiture politique ayant servie de formation de base à la ribambelle d’ex-leaders étudiants reconvertis en élus frauduleux, ou en avocat dans l’affaire Bettencourt (celui de la secrétaire bavarde).

DEFINITION DE L’ETAT RENTIER

Avant de revenir sur la superficialité des scandales qui agitent les médias français, il nous faut expliquer cette notion qui disqualifie l’Etat bourgeois actuel qui n’est ni universel, ni progressiste, ni libre-échangiste mais l’Etat d’une vieille classe inhumaine, rétrograde et bouffonne. Tout le génie de Lénine nous y aide. Dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, écrit prémonitoire il y a un siècle voici comment il décrivait déjà « le parasitisme et la putréfaction du capitalisme » :
« L’impérialisme est une immense accumulation de capital-argent dans un petit nombre de pays, accumulation qui atteint, comme on l’a vu, 100 à 150 milliards de francs en titres. D’où le développement extraordinaire de la classe ou, plus exactement, de la couche des rentiers, c’est-à-dire des gens qui vivent de la « tonte des coupons », qui sont tout à fait à l’écart de la participation à une entreprise quelconque et dont la profession est l’oisiveté. L’exportation des capitaux, une des bases économiques essentielles de l’impérialisme, accroît encore l’isolement complet de la couche des rentiers par rapport à la production, et donne un cachet de parasitisme à l’ensemble du pays vivant de l’exploitation du travail de quelques pays et colonies d’outre-mer. (…) Aussi la notion d’« Etat-rentier » (Rentnerstaat) ou Etat-usurier devient-elle d’un emploi courant dans la littérature économique traitant de l’impérialisme. L’univers est divisé en une poignée d’Etats-usuriers et une immense majorité d’Etats-débiteurs. "Parmi les placements de capitaux à l’étranger, écrit Schulze-Gaevernitz, viennent au premier rang les investissements dans les pays politiquement dépendants ou alliés : l’Angleterre prête à l’Egypte, au Japon, à la Chine, à l’Amérique du Sud. En cas de besoin, sa marine de guerre joue le rôle d’huissier. La puissance politique de l’Angleterre la préserve de la révolte de ses débiteurs. (…) "L’Angleterre, écrit Schulze-Gaevernitz, se transforme peu à peu d’Etat industriel en Etat-créditeur. Malgré l’accroissement absolu de la production et de l’exportation industrielle, on voit augmenter l’importance relative qu’ont pour l’ensemble de l’économie nationale les revenus provenant des intérêts et des dividendes, des émissions, commissions et spéculation. A mon avis, c’est précisément ce fait qui constitue la base économique de l’essor impérialiste. Le créditeur est plus solidement lié au débiteur que le vendeur à l’acheteur. "(…) En ce qui concerne l’Allemagne, l’éditeur de la revue berlinoise Die Bank, A. Lansburgh, écrivait en 1911 dans un article intitulé : « L’Allemagne, Etat-rentier » : "On se moque volontiers, en Allemagne, de la tendance qu’ont les Français à se faire rentiers. Mais on oublie qu’en ce qui concerne la bourgeoisie, la situation en Allemagne devient de plus en plus analogue à celle de la France. "
L’Etat-rentier est un Etat du capitalisme parasitaire, pourrissant ; et ce fait ne peut manquer d’influer sur les conditions sociales et politiques du pays en général, et sur les deux tendances essentielles du mouvement ouvrier en particulier ».

BIEN MAL ACQUIS NE PROFITE JAMAIS…

Pour sûr l’enrichissement dans l’histoire de l’humanité n’a jamais été honnête ni un don des cieux, ni une conséquence de l’Etat-rentier. L’enrichissement de la famille Bettencourt ne remonte pas à la nuit des temps, mais il est bien symbolique du niveau de corruption atteint par le capitalisme décadent. La famille Schueller-Bettencourt s’est enrichie durant la guerre. Elle ne fût pas la seule, les bourgeoisies anglaise et américaine ont tout dévalisé... L’Oréal est à notre époque la première fortune de France et un des fleurons industriels de la France éternellement enfumée par les parfums politiques nauséabonds. On s’est donc sans scrupules royalement enrichi pendant le deuxième carnage impérialiste mondial. Le père de la multi-milliardaire, Eugène Schueller, a contribué à créer le CSAR (Comité Secret d’Action Révolutionnaire) plus connu sous le joli nom de « Cagoule », groupuscule d’extrême droite, dans les jupes du nazisme. Le mari disparu, André Bettencourt – obligé de tous les cocktails présidentiels depuis la Libération - a dirigé la revue « La terre française », ouvrage pour le moins pétainiste et antisémite. Puis, par opportunisme gaulliste, il s’inscrira dans la Résistance, à partir de 1944, l’année du débarquement. Comme le disait un autre tonton du pouvoir, Mitterrand (durant une petite année salarié de L’Oréal en tant que président-directeur général des éditions du Rond-Point et directeur du magazine Votre Beauté): " En politique, il n’est jamais trop tard".

ET LA VIEILLE DAME MILLIARDAIRE SE FAIT POURTANT DEPOUILLER

Nous serions autrement attristés qu’il arrivât une telle mésaventure à une dame âgée, partie en retraite à un âge acceptable, dépouillée de ses maigres économies par un voyou de passage. Dans l’affaire de la vieille dame, hors de toute proportion comptable, et personne ne l’a remarqué jusqu’à présent, le voyou semble bien être l’Etat-rentier, avec ses trois dimensions : voyou, gendarme et magistrat !
Partie d’une simple plainte de sa fille déshéritée, le casse étatique de la fortune Bettencourt s’est croisé avec celui d’aigrefins privés qui baratinent Mme Bettencourt depuis qu’elle est veuve. C’est fragile une veuve riche. Elle a tout avoué… posséder des comptes à l’étranger et toute une île aux Seychelles non déclarés au fisc. Elle avait promis de régulariser cette situation. Malheureusement, une affaire qui restait jusque là du domaine de l’escroquerie dans le domaine privé a rebondi aussi comme escroquerie (consentante ?) en faveur du parti au pouvoir et de l’actuel président ; puis enfin parce qu’on a découvert que la femme de l’actuel ministre du sale boulot (E.Woerth) avait été discrètement pistonnée pour devenir la gestionnaire de la principale poule aux œufs d’or. Le ministre a nié sans pouvoir cacher que le service mutuel est de règle depuis deux siècles au moins dans les rangs bourgeois : tu trouves un bon job à ma femme et je te file la légion d’honneur ! Patrice de Maistre a même été haussé au grade de Chevalier ! Woeth a été jusqu’ici le petit colporteur pour la récolte des fonds auprès des grosses fortunes, et cela nous a valu des quolibets journalistiques entre les uns et les autres pour savoir qui avait été à la soupe chez la mère Bettencourt.
Dans les enregistrements clandestins de conversations apparus mi-juin - que le parquet (affidé Courroye) a refusé de transmettre à la juge qui enquête sur un abus de faiblesse aux dépens de la milliardaire – un des parasites déclarait au contraire à Liliane Bettencourt avoir embauché Florence Woerth à la demande de son mari, «pour lui faire plaisir». Quelques mois plus tard, en janvier 2008, Patrice de Maistre recevait la Légion d'honneur des mains d'Eric Woerth. Le vague écrivain et photographe François-Marie Banier a décroché en 2002 «un contrat de 405.000 euros par an pendant 10 ans», qui prévoit de le rémunérer pour des «conseils de mode et de sensibilité artistique» et d'organiser une grande exposition par an des oeuvres de l'intéressé. La fille, Françoise Bettencourt-Meyers estime ainsi que ce photographe des stars se serait fait remettre près d'un milliard d'euros de dons - notamment en contrats d'assurance-vie, chèques, tableaux de maîtres - dans les années 1990 et 2000, en profitant de la fragilité psychologique de l'octogénaire. Une thèse fermement démentie par l'intéressé, qui assure que ces cadeaux lui ont été consentis par une «femme brillante et libre» (j’ai fait pour ce paragraphe le copier-coller lécheux du journaliste soucieux de ne pas se faire mettre en examen). Chaque épisode vient confirmer qu’aussi haut que vous soyez placé dans l’échelle sociale, isolé(e) vous pouvez vous faire plumer comme n’importe quel retraité impotent. Sorti de sa GAV, l’ex-avocat fiscaliste (drôle de profession) de la milliardaire s’est apparemment complètement fichu de la gueule des policiers. Me Fabrice Goguel, qui préside la fondation pour l'équilibre écologique, esthétique et humain, qui est officiellement propriétaire de l'île d'Arros. Il confie au Figaro comment il est facile de tricher : « Il y a quelques années, le propriétaire de l’île d’Arros (Mme Liliane Bettencourt, NDLR) a souhaité assurer la préservation écologique et esthétique de cet écosystème unique après son décès. Il voulait ainsi éviter que l’on ne se mette à y construire un hôtel avec 200 chambres pour y développer un tourisme de masse. À sa demande, j’ai examiné les différentes possibilités et je me suis rendu compte qu’il est beaucoup plus simple de créer une fondation au Liechtenstein qu’en France, où il faut demander le feu vert du Conseil d’État. Cette structure a été fondée en décembre 2006 et il est vraisemblable qu’elle intégrera à l’avenir plusieurs scientifiques au sein du conseil de fondation. D’ores et déjà, des recherches scientifiques sont conduites sur l’île d’Arros, notamment sur les tortues de mer, et elles devraient s’amplifier à l’avenir ».
Dans le même temps où on apprenait que pour financer les gros partis il suffit de créer plus de deux cents micros partis pour aller taper à la porte des grands bourgeois ou racketter des industriels, on découvre qu’il suffit de baiser le fisc et les gendarmes en prétextant créer une structure « écologique » pour la recherche scientifique sur les tortues de mer, pas sur les baleines ? Que pense notre célèbre Paul le Poulpe du fait que la dame Bettencourt se retrouve en viager au profit d’avocats recyclés chercheurs ! Mais l’héritier ne sera pas forcément celui qu’on pense, un héritier peut en cacher un autre. Si l'on se fie aux auditions réalisées la semaine dernière dans l'affaire Bettencourt, ajoute un journaliste, le doute n'est plus permis : l'île d'Arros, aux Seychelles, appartient bien aux Bettencourt. Et elle devrait effectivement revenir à l'artiste François-Marie Banier, désigné comme bénéficiaire, au même titre, cependant, que trois associations médicales : Orvacs, Solthis et Crepats, toutes trois fondées par le couple de professeurs de médecine Gilles Brücker – exécuteur testamentaire de Liliane Bettencourt – et Christine Katlama. Il y a du monde pour une île.
Peu intéressée par la misérable situation de la vieille dame, la gauche bourgeoise et ses journalistes, une partie de la droite masquée crient au scandale politique simplement pour la partie qui concerne les dons à la droite mais pour la galerie, et puis sur ce plan au moins la dame était libre de faire ce que bon lui semblait. Je reste plus choqué par la manipulation de la vieille dame et son détroussement par les aigrefins, quoique je me fiche que la famille hérite, que par le financement des valets politiques de la haute bourgeoisie au pouvoir.
Le problème n’est toujours pas l’existence de la corruption en général, des scandales financiers, des affaires mais celle du capitalisme qui les engendre. Il y a eu dans le passé des scandales, il y a aujourd’hui des scandales et il y aura dans l’avenir d’autres scandales tant que ce système existe. Les deux dernières phrases sont également prononcées par trotskiens et résidus staliniens dans la plupart de leurs blogs, mais ils font croire qu’il s’agirait d’un combat contre les riches et qu’une meilleure démocratie serait possible sur la base des élections républicaines, pacifiquement. Des menteurs peuvent dire parfois le vrai, mais toujours partiellement, ce qui est forcément une moitié de leur mensonge politique.

IL N’Y A PAS QU’EN France…

La gauche et l’extrême gauche restent limités aux scandales français. Comme en France Mme Bettencourt, des artistes d'Hollywood sont aussi rackettés par les officines politiques parallèles ou l'Eglise de Scientologie. Les scandales financiers de ces dix dernières années nous ont permis de nous rendre compte de l’ampleur d’une créativité frauduleuse des grands groupes internationaux en matière de comptabilité, supérieure à celle des financements des partis politiques bourgeois nationaux. La liste des entreprises pointées du doigt pour leurs maquillages comptables est longue mais deux d’entre elles se sont distinguées particulièrement : Enron Corporation aux Etats-Unis et Vivendi-Universal en France. Enron était la 7ème capitalisation boursière des Etats-Unis et Vivendi-Universal le 2ème groupe mondial de communication. Elles se sont distinguées par le fait qu’elles se sont détournées de leur métier initial, la distribution de gaz pour Enron et la distribution d’eau pour Vivendi, vers des métiers dits d’avenir, le courtage en énergie pour Enron et la communication pour Vivendi. Enfin, leurs nouveaux métiers permettaient une plus grande opacité des pratiques comptables et particulièrement dans le cas d’Enron puisqu’il s’agissait d’un métier qui n’existait pas.

Les liens entre l’argent des grandes industries et la désignation du personnel politique sont un secret de polichinelle dans tous les pays. En 1979, arrivant au pouvoir au Royaume-Uni, Margareth Thatcher, était déjà une roturière membre notoire de la Royal Society britannique et du Conseil privé de la reine mais également du think tank ultra-conservateur Heritage Foundation, qui fut un des architectes et des soutiens les plus importants de la doctrine Reagan en Afghanistan, en Angola, au Cambodge ou au Nicaragua. Or, Thatcher n'était qu’une autre soubrette politique longue série de dirigeants corrompus et dévoués aux intérêts aveugles de l'élite (Sarkozy pour l’oligarchie-énarchie française). En dehors de leur avidité pour leur enrichissement personnel, ces délégués politiques de la bourgeoisie n’ont pour souci que la pérennité du système d’exploitation et le partage du gâteau entre la classe régnante et la couche supérieure des classes moyennes.

LA CORRUPTION EST FILLE DE LA FINANCE MODERNE

L’Etat-financier, en même temps Etat-prédateur et Etat-rentier n’a plus qu’un jeu de principe :le jeu du gendarme et du voleur dans lequel le gendarme est aussi un voleur et le criminel. Le dernier crime politique a été en Europe et aux Etats-Unis la mise en place sous différentes formes de boucliers fiscaux. En France, il a été instauré par la loi de Finances 2006, abaissant les impôts des contribuables de 60% à 50% de leurs revenus depuis le 1er janvier 2008, sur les revenus de 2007. Le dispositif prend en compte l'ensemble des prélèvements fiscaux : la contribution sociale généralisée ( CSG ), la contribution pour le remboursement de la dette sociale( CRDS), l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), l'impôt sur le revenu, , les taxes foncières et la taxe d'habitation sur la résidence principale. Le système fonctionne par remboursement de l'administration fiscale: si les impôts payés dépassent le seuil de 50% des revenus, celle-ci rembourse l'excédent aux contribuables. Ainsi, l'Etat français rembourse ses membres les plus riches au prétexte qu’ils investissent à nouveau dans l’industrie et favorisent la création d’emplois. Ce qui est archi-faux au vu des sommes faramineuses que se disputent les parasites de la « pauvre » veuve Bettencourt : sommes dispendieuses, rentes royales à des avocats louches, aux politiciens, etc.
En résumé, les boucliers fiscaux, quelle que soit leur forme, répondent à une volonté politique criminogène de limitation de la participation des riches bourgeois au financement du budget de l'Etat, accablant la classe ouvrière et (heureusement) aussi une bonne partie des couches dites moyennes (cet édredon qui protégeait la haute bourgeoisie jusqu’ici) afin que les grands dominants puissent faire fructifier l’argent dans des produits financiers douteux mais bienvenus. En réalité ce narcissisme pervers insatiable de la haute bourgeoisie ressemble vraiment au faste précaire de la noblesse décadente, la politique économique n’est plus qu’une économie politique véreuse qui hausse l’intérêt particulier au rang d’un individualisme féodal.
Le lobbying entre les autorités étatiques (gouvernement et partis de gauche et de droite, syndicats) et les milieux financiers (banques, agences de notation, cartels d’industries, etc.) est un va et vient constant où les premières jouent le rôle d’entremetteurs et sont rétribués individuellement pour ce « service ». La criminalisation de l’économie capitaliste date des années 1990 qui marquent le début d'une nouvelle ère de corruption financière en raison du développement de la titrisation, processus permettant de transformer les crédits en titres échangeables. C'est ce phénomène qui a conduit à l'augmentation du nombre de crédits à risque en circulation dans l'économie, les banques s'incitant mutuellement à accorder le plus de crédits possibles, en considérant que celles qui en émettront le plus seront les plus rentables et donc verront leur cotation boursière améliorée en conséquence. Ce geste de tricherie est le symbole même de l’esprit d’anti-jeu permanent qui anime le football, en tant que composante du capitalisme, comme l’ont confirmé la plupart des matchs de la Coupe du monde en Afrique du Sud. De même que le capitalisme accumule les profits en exploitant les humains et la planète, la finalité du sport capitaliste est de gagner à tout prix, le « jeu » en lui-même n’ayant plus aucune importance. Le gangstérisme légal est devenu la dernière « valeur » du capitalisme.
D’habitude, les scandales financiers et les affaires de corruption qui mettent épisodiquement en cause la plupart des membres d’un gouvernement n’ont aucune influence directe sur la révolte sociale. Pas de pot cette fois-ci, « l’affaire Bettencourt » contraste honteusement avec la politique de rigueur et d’austérité sans précédent que le gouvernement Sarkozy (sponsorisé aux élections en grande partie par la vieille milliardaire) impose au prolétariat (et à cette petite bourgeoisie mécontente d’y tomber). Au moment où l’Etat bourgeois exige au prolétariat des sacrifices de plus en plus lourds – il a quasiment avalisé dans ses corridors la detsruction de la retraite à 60 ans - au moment où les chômeurs et les précaires se comptent par millions, les représentants de la bourgeoisie, eux, se permettent de se servir abondamment dans les caisses de l’État et jouissent d’innombrables privilèges. La liste des ministres impliqués dans des affaires est longue : des 9 500 euros mensuels de Christine Boutin pour une obscure mission sur la mondialisation, aux 12 000 euros des cigares de Christian Blanc en passant par les hôtels particuliers du ministre de l’industrie Christian Estrosi ou les 116 500 euros d’Alain Joyandet pour un aller/retour à la Martinique sans parler de son permis illégal pour agrandir sa maison près de Saint-Tropez. Car les scandales financiers, corruption, privilèges sont intimement liés au fonctionnement même du système capitaliste qui les produit et reproduit de manière permanente depuis un siècle, mais ils tombent mal, et, même s’il s’agit de règlements de compte souterrains entre factions bourgeoises qui se moquent de ce que peuvent en penser les millions de prolétaires.
« Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière », disait Lénine. L’État n’est donc pas au service de l’humanité, mais sert seulement les intérêts privés de quelques uns. Le président gère l’Etat contre l’intérêt général au profit de l’intérêt particulier, celui de la classe dominante. Et plus il essaie de sauver les intérêts de la haute bourgeoisie, plus la gauche bourgeoise du PCF au PS limite les protestations à un changement de président ou de majorité parlementaire.
La corruption, elle aussi, remplace l’intérêt public par l’intérêt privé. La droite favorise la corruption privée quand la gauche au pouvoir favorise la corruption publique. La droite, après la gauche, avec un sentiment total d’impunité, s’est servie à son tour dans les caisses de l’État comme s’il s’agissait de son propre patrimoine ! Malgré l’appel à la rigueur du sous-fifre Fillon et le fait que le président ait promis de réduire le train de vie des ministères, personne n’est dupe, la corruption étatique est ultra-protégée. Les magistrats sont complices, les syndicalistes aussi. Il n’y a pas conflits d’intérêts entre la bourgeoisie et ses partis politiques, mais une même volonté de discrétion. C’est pourquoi les débats comme celui sur les retraites éloignées se tient, sans scrupules, à huit clos.

En conclusion, je ne peux résister à vous coller ici le superbe commentaire de Philippe Petit de Marianne. Je ne suis pas lecteur de Marianne, magazine franchouillard anti-révolutionnaire limité à des solutions politiques hexagonales et démocratoques, mais quand un passage me plaît, il me plaît de le citer/
« Que l’argent soit la figure du mal. Ce n’est pas une nouveauté ! Il est l’art « d’acheter trois francs ce qui en vaut six et de vendre six francs ce qui en vaut trois », disait Charles Fourier. Il pervertit les relations humaines. Il est la valeur qui inverse toutes les autres selon Shakespeare et Marx. Il nous fait vivre – nous les hommes – dans un monde corrompu où la part du crime grandit, de la fraude, explose. Nous le savons. Mais inversement nous savons aussi qu’un monde où il n’y aurait aucune fraude, aucune corruption, est impensable. Certes, ce n’est pas une raison pour encourager la fraude et la corruption. Mais cela en est une pour ne pas sombrer dans la pure dénonciation de l’argent fou. Pour Marx l’argent : c’est ce qui sépare l’être de l’agir. L’aliénation se définit chez lui concrètement par cette séparation : « Ce que l’homme est par l’argent, il peut cesser de l’être, et, de fait, il s’en sépare concrètement dans ses actes », écrivait-il. Voilà une belle définition de l’argent fou ! L’homme ne sait plus ce qu’il fait, l’argent lui fait perdre la tête. De moyen, l’argent devient fin.
Reste à savoir ce que signifie cette séparation. Elle signifie chez Marx, la perversion des liens humains. De sociable qu’il était, l’homme, gagné par la passion de l’argent, finit par annuler son semblable. Il fallait bien trouver un responsable à un tel dévoiement. Et chez Marx, le responsable, c’est l’argent. Car l’argent, en devenant capital, est précisément ce qui annule le rapport marchand, ou si on préfère, la relation humaine qui préside à ce rapport. Ce qui faisait dire à Hume que « l’argent n’est pas à proprement parler un objet de commerce ». Il y avait le doux commerce, ce qu’on appelle le capitalisme marchand, il y a maintenant le capitalisme sauvage, la spéculation etc. Bizarrement, aujourd’hui, tout le monde est marxiste ! Les vilains financiers, qui appliquent Marx à la lettre. Ils vont au bout de la perversion. Et les gentils dénonciateurs, qui, eux, vont au bout de la dénonciation de cette perversion. Lisez à ce sujet l’entretien avec Henri Guaino dans le numéro de «Cités» sur les capitalismes. Il y a donc le pouvoir de l’argent d’un côté, et de l’autre, la dénonciation de ce pouvoir. De ce cercle, il faudra un jour sortir. « La divinité visible » dont parlait Marx à propos de l’argent est aujourd’hui moins visible, il y a moins d’espèces trébuchantes. Et très souvent l’argent ne se dit pas : il navigue entre la honte, de n’en avoir pas assez, et la culpabilité ou l’arrogance d’en avoir trop. Un tel pathos a son utilité. Mais il ne pourra nous délivrer de cette schizophrénie ».

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