PAGES PROLETARIENNES

dimanche 7 février 2010






LE LENDEMAIN DE


LA REVOLUTION


PAR Paul Lafargue



S’emparer du pouvoir en période révolutionnaire est chose relativement aisée, mais le garder et surtout s’en servir sont choses autrement difficiles.

Dans les villes industrielles, les socialistes auront à s’emparer des pouvoirs locaux, à armer et à organiser militairement les ouvriers ; qui a des armes, a du pain, disait Blanqui. Ils ouvriront les portes des prisons, pour lâcher les petits voleurs, et mettre sous clef les grands voleurs, tels que banquiers, financiers, grands industriels, grands propriétaires, etc.

On ne leur fera pas de mal ; mais on les considèrera comme otages, responsables de la bonne conduite de leur classe.

Ensuite, il faudra pourvoir aux besoins matériels des travailleurs, notamment en termes de logement. Ce n’est pas dans les châteaux que l’on portera la torche, comme disent les anarchistes, mais dans les galetas et les chaumières ; il est temps que la classe ouvrière habite les palais et les hôtels qu’elle a bâtis.

Pour la nourriture on organisera un service qui entrera en rapports avec les maraîchers et les petits paysans d’alentour (et qui, supprimant les intermédiaires) permettra aux paysans d’obtenir un prix plus rémunérateur de leurs produits.

Le jour même de la révolution, le premier décret que prendra la pouvoir révolutionnaire sera la confiscation de la propriété capitaliste (mines, filatures, banques, hauts fourneaux, chemins de fer, etc.) et sa transformation en société nationale.

Qu’on ne s’abuse pas ! Le but de la révolution n’est pas le triomphe de la justice, de la morale, de la liberté et autres infernales blagues avec lesquelles on berne l’humanité depuis des siècles, mais de travailler le moins possible et de jouir intellectuellement et physiquement le plus possible.

Le lendemain de la révolution il faudra songer à s’amuser (…) Nous avons à brûler le grand livre de la dette publique, les titres de propriété de toute nature, et puis les traités de morale, les bouquins de théologie et surtout le Code civil et criminel, ce livre épouvantable qui est la codification de l’iniquité bourgeoise et capitaliste ; nous avons encore à transformer en porcheries les palais de justice ; on ne trouvera pas d’animaux assez sales et assez dégoûtants pour y loger.

Au lieu de brûler les églises (…) on les transformera en restaurants, en salles de danses, les chapelles deviendront des cabinets particuliers où l’on boira, puis on rigolera chacun avec sa chacune.





(in Le Socialiste, 31 décembre 1887)



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